Notes
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[1]
Signalons l’intérêt du numéro spécial des "Annales de la Société Belge pour l’Étude du Pétrole" (n° spécial 1962). MM. J.P. De Bryne et René Taeymans y ont procédé à une étude exhaustive du marché pétrolier en Belgique, étude à laquelle nous empruntons un certain nombre de données chiffrées.
-
[2]
Selon le rapport annuel de la British Petroleum (mai 1962), 9 % des importations globales d’Europe Occidentale proviendraient, en 1961, de l’U.R.S.S. et d’autres pays de l’Est.
-
[3]
Signalons également la société "Industrie des Huiles Minérales de Belgique", 50, rue Neuve à Bruxelles, qui groupe des négociants et revendeurs, à l’exclusion des importateurs.
-
[4]
Les États-Unis sont restés très attentifs à ne pas "épuiser" leurs réserves pétrolières nationales. Les sociétés américaines exportent dans le monde "par pays interposés", grâce à leurs positions dans les Caraïbes et au Moyen-Orient, Le marché américain est à la fois protégé par le contingentement des importations et la production y est strictement réglementée : le nombre de jours d’exploitation autorisé a été, par exemple, au Texas, de 123 en 1959 et de 101 en 1961.
-
[5]
Voir M.F. Baudhuin : Histoire économique de la Belgique – 1945-1956, p. 305.
-
[6]
Deux entreprises basées sur la chimie du pétrole ont été créées dans la région d’Anvers en 1961. Polysar Belgium (au capital de 500 millions de francs belges) du groupe canadien Polymer Corporation of Sarnia, fabriquera du caoutchouc butyl. Le même groupe a déjà réalisé une entreprise semblable près de Strasbourg et s’est associé à Montecatini pour la fabrication d’une nouvelle fibre polypropylenique, le Meraklon. Une autre usine pour la production de films de polyolefine et matières plastiques doit être édifiée à Bornem par Shorto Investing S.. (filiale commune du groupe Shell et de la société américaine National Distillers and Chemical Corporation) avec l’appui de la société hollandaise "Thomassen & Drijver N.V." (matériaux pour emballages).
-
[7]
Les positions dans ce secteur étant très "fluides", précisons que ce texte date de quelques mois, en ce qui concerne la position des distributeurs.
-
[8]
Les principaux actionnaires de la Pétrofina sont la Compagnie d’Anvers et, indirectement, la Société Générale, le groupe Lambert, l’Imperial Continental Gaz Association, la Banque de l’Union Parisienne et le groupe Hottinguer. Voir "Morphologie des Groupes financiers", p. 168. C.R.I.S.P., Coll. Structures économiques de la Belgique.
-
[9]
Il a été longuement question de la famille van Beuningen (financier et collectionneur hollandais), lors de l’affaire Van Meegeren, le génial imitateur de Vermeer.
-
[10]
La société holding française "La Mure" joue, en France, un rôle de distribution d’essence à travers une de ses filiales "La Mure-Union", qu’elle contrôle en commun avec l’Union Générale des Pétroles. L’U.G.P. et la Mure-Union construisent une raffinerie près de Lyon qui sera alimentée par le pétrole du Sahara acheminé par le pipe-line sud-européen.
-
[11]
La société CONOCO construit également une raffinerie dans le nord de l’Italie.
1Si l’on fait abstraction du cas des sociétés complètement intégrées, la situation des sociétés pétroliers exerçant en Belgique peut être envisagée sous l’angle de trois activités distinctes :
- le raffinage,
- l’entreposage,
- la distribution.
2Nous éliminons dans cette analyse la prospection et la production, encore à l’état embryonnaire en Belgique. Nous ne nous attarderons pas non plus à la description de ces deux activités par la seule société belge complètement intégrée : la Petrofina.
3Cette distinction entre le raffinage, l’entreposage et la distribution ne répond pas qu’à des critères techniques : outre que, dans chaque secteur, des sociétés indépendantes n’exercent qu’une seule de ces activités, au sein des sociétés intégrées (groupes s’occupant à la fois des trois fonctions), des sociétés juridiquement distinctes sont généralement créées pour l’exercice de chaque activité. La Belgique n’étant pas un pays producteur (la recherche y a à peine commencé), nous donnerons pour débuter quelques indications concernant l’approvisionnement du pays en produits pétroliers et la structure de la consommation [1].
I – Approvisionnement en produits pétroliers
4Avant 1940, la Belgique importait des produits généralement raffinés des États-Unis et de Roumanie. Les États-Unis étaient le plus gros producteur mondial, ce qui explique l’orientation des importations. Cependant, des sociétés belges s’étaient intéressées au pétrole roumain : la Compagnie Financière Belge des Pétroles (dont est issue la Petrofina) avait en effet acheté en 1920 à des financiers suisses, une participation majoritaire dans des sociétés ex-allemandes exploitant en Roumanie. Dès la fin de la seconde guerre mondiale et en vue de parer à la perte des exploitations roumaines, la Petrofina concluait des contrats de fourniture de longue durée avec des producteurs du Moyen-Orient. Elle évitait de ce fait les immobilisations importantes résultant de l’exploitation pour compte propre des champs pétroliers et consacrait ses disponibilités à l’exploitation d’une flotte pétrolière, activité immédiatement rémunératrice et fort rentable à l’époque. D’autre part, la Petrofina y nouait des relations d’affaires, notamment avec l’Anglo-Iranian Oil Cy (actuellement British Petroleum), qui prendront la forme d’une collaboration étroite lors de la création à Anvers, en 1951, de la Société Industrielle Belge des Pétroles S.I.R.P., raffinerie belge la plus importante.
a – Origine des importations de pétrole brut
5Les sources d’approvisionnement de la Petrofina et de la British Petroleum expliquent pour une part la structure, par pays, des importations belges de pétrole brut.
Importation de pétrole brut en 1960
Importation de pétrole brut en 1960
Importation de pétrole brut en 1961 (chiffres provisoires)
Importation de pétrole brut en 1961 (chiffres provisoires)
6Les importations de l’Iran se sont donc maintenues approximativement à 31 % du total, celles de l’Irak à 30 %, celles d’Arabie Séoudite sont descendues à 7 % et celles du Venezuela ont un peu progressé (10 %).
b – Importation des produits traités
7Néanmoins, les importations de brut ne représentent qu’une partie des importations totales de produits pétroliers (70 % environ) : la Belgique importe également des produits traités et notamment des produits noirs (surtout du fuel pour l’industrie et le chauffage), dont la demande est en nette expansion.
Importations par produit en 1961 – en milliers de tonnes métriques –
Importations par produit en 1961 – en milliers de tonnes métriques –
8Ce tonnage (environ de 11 millions de tonnes en 1901) n’est pas intégralement consommé en Belgique : les ventes sur le marché intérieur se sont élevées à environ 7,5 millions de tonnes de produits (y compris donc la consommation des raffineries). Les exportations ont atteint 2,2 millions de tonnes en 1961, le solde étant constitué par les ventes de fuels, pour soutes (le ravitaillement des navires n’étant pas compris dans la consommation intérieure), et les pertes de raffinage.
9En ce qui concerne ces produits déjà raffinés, la ventilation des importations par pays était la suivante en 1960 :
Importations Produits noirs
Importations Produits noirs
10Les importations en provenance des Pays-Bas proviennent de raffineries installées par des compagnies américaines ou hollandaises : les importations d’U.R.S.S. et de Roumanie sont relativement faibles et concernent presque uniquement des produits noirs, principalement des fuels pour l’industrie et le chauffage. En 1961, 276.000 tonnes de produits noirs ont été importés d’U.R.S.S. ainsi que 18.000 tonnes de pétrole brut. La Roumanie a fourni 23.000 tonnes et d’autres pays de l’Est 12.000 tonnes de produits divers. Les importations totales se sont donc élevées à 330.000 tonnes, chiffre voisin de celui de l’accord intervenu entre la Belgique et l’U.R.S.S. et portant sur un total de 340.000 tonnes/an. Cet accord est toujours d’application pour 1962. A ce chiffre, il faut ajouter un certain pourcentage des importations italiennes et allemandes : on peut admettre que la majeure partie du pétrole italien importé en Belgique est d’origine soviétique. Le coût du transport des produits raffinés est élevé : c’est donc à partir de bruts à coût relativement bas que l’exportation devient possible. L’exportation n’est donc possible qu’à partir de bruts relativement peu coûteux, ce qui est le cas des pétroles soviétiques. On estime que les importations indirectes de pétrole soviétique se seraient ainsi élevées à 135.000 tonnes via l’Italie, en 1960, et à 250.000 tonnes via l’Allemagne. Ces chiffres sont en net progrès en 1961 et 1962 [2].
c – Balance des importations et exportations
Balance import-export en 1961 – en milliers de tonnes métriques –
Balance import-export en 1961 – en milliers de tonnes métriques –
11Les exportations ont été dirigées en 1961 vers les pays suivants :
12Au point de vue coût, le déficit de la balance pétrolière s’est élevé, en 1960, à 8,7 milliards de francs : les importations ont représenté 11,7 milliards de frs (dont 7,1 milliards pour le brut) et les exportations 5,4 milliards de francs.
13En fait, la capacité théorique des raffineries belges est suffisante pour couvrir la consommation intérieure actuelle, sans recourir aux importations de produits raffinés.
14La capacité des trois plus grandes raffineries (S.I.B.P. – Esso-Belgium et R.P.B.) a atteint 7,5 millions de tonnes en 1961 auxquels on peut ajouter un million de tonnes pour trois raffineries de moindre envergure. En doublant sa capacité pour fin 1962, la Société Industrielle Belge des Pétroles (création de la Pétrofina et de B.P.) portera la capacité belge de raffinage à 12/13 millions de tonnes/an.
15Deux raisons sont avancées pour expliquer ce mouvement d’importation-exportation : certains sous-produits de distillation ne peuvent être absorbés par le marché intérieur ; ils doivent donc être exportés. Mais, d’autre part, les raffineries appartiennent à de grandes compagnies internationales ou travaillent à façon, sous contrat, pour elles (on le verra au chapitre des raffineries). Dès lors, les distributeurs indépendants des raffineurs se trouvent dans l’obligation d’importer les produits de l’étranger (surtout des produits noirs). Les raffineurs belges, pour leur part, dont la capacité excède la part de marché qu’ils contrôlent, exportent un certain tonnage de leur production ou n’emploient pas la totalité de leur capacité.
16Quelques chiffres situent l’importance du secteur pétrolier en Belgique : de 1948 à 1960, les dépenses d’investissement (raffinage, distribution et transport maritime compris) se sont élevés à 16,8 milliards de francs, soit environ à 5 % des investissements industriels. De 1960 à 1962, la flotte pétrolière belge a constamment représenté de 25 à 30 % de la marine belge en activité. Par contre, la main-d’œuvre employée est particulièrement peu importante eu égard aux capitaux investis et à l’incidence économique de l’activité pétrolière : en 1960, 10.000 personnes environ étaient employées dans ce secteur dont 4.255 ayant le statut d’employés et 5.521 celui d’ouvriers.
17Ces chiffres doivent être doublés si l’on ajoute le personnel des stations service et les pompistes desservant les garages.
II – Organismes professionnels
18Les sociétés s’occupant de l’industrie du pétrole peuvent être, un peu arbitrairement, divisées en un groupe "orthodoxe", intégré ou proche des grandes compagnies internationales, et en "indépendants". Parmi ceux-ci, certains sont des "inorganisés" ; d’autres traitent régulièrement ou épisodiquement avec les sociétés dites "orthodoxes".
19La Fédération Pétrolière Belge – A.S.B.L. – [3], (anciennement Groupement Pétrolier), 4, rue de la Science à Bruxelles, groupe les membres des sociétés "orthodoxes". On en trouvera la liste en annexe : certaines de ces sociétés feront l’objet d’une note dans la suite du texte.
20Il existe par ailleurs deux autres organismes, créés le 8 octobre 1958 sous forme de sociétés anonymes et groupant des pétroliers. Ce sont en fait des sociétés "fantômes", créées à la demande des autorités pour coordonner entre autres choses les approvisionnements en cas de difficultés. On y trouve pratiquement tous les membres de la fédération Pétrolière Belge. Il est intéressant de relever le nombre de parts souscrites par ces sociétés. Il correspond grosso modo, à la part du marché ou à l’importance commerciale ou industrielle des souscripteurs en 1958.
21Association Pétrolière Belge
22De même, les raffineurs se sont groupés à la même date dans une "Union des Raffineurs Belges", dont les membres fondateurs étaient les suivants : (le capital est représenté par 200 actions)
23N.B. : B.P. Belgium et Pétrofina sont des raffineurs à travers la Société Industrielle Belge des Pétroles dont ils sont les actionnaires (50/50 %). Depuis cette date, Tankage et Transport a été repris par l’Anglo-Belge des Pétroles (groupe British Petroleum).
24Le texte suivant, suffisamment explicite, extrait des statuts de l’"Union des Raffineurs belges", résume l’esprit dans lequel ont été constituées les deux sociétés. Les statuts des deux sociétés sont d’ailleurs rédigés dans des termes parallèles :
25"L’Union des Raffineurs a pour objet ………. et le groupement des achats des dits produits et matières premières pour les besoins des approvisionnements civils ou militaires belges ainsi que leur répartition en vue de leur traitement ou de leur distribution par l’entremise de ses actionnaires ou de tiers, la négociation et la conclusion avec tous pouvoirs ou autorités publiques belges et tous groupements, organismes ou personnes, de tous accords et conventions se rapportant aux buts définis ci-dessus ……" etc….
III – Raffineries
26Avant la guerre de 1940-1945, la Belgique ne possédait pas de raffinerie importante : la Raffinerie Belge des Pétroles à Anvers, la première unité du pays à l’époque, produisait surtout des huiles, des asphaltes, des goudrons : Shell avait édifié en 1934 une petite raffinerie à Eertvelde, près de Gand, Redevenza (actuellement Albatros), Radian et Atlas étant installés à Anvers.
27La consommation belge, encore réduite, était l’argument mis en avant par les grands groupes peu enclins à engager d’importants capitaux dans la construction d’une raffinerie dont le marché belge n’aurait peut-être pu assurer la rentabilité. Mais un autre facteur jouait également : c’est l’époque où les grandes sociétés internationales trouvaient intérêt à établir les raffineries sur le lieu même de la production, soit aux États-Unis (les sociétés gardant le contrôle du produit depuis la production jusqu’au stade du "produit fini"), soit plus tard au Moyen-Orient sur la base de coûts de raffinage peu élevés. L’augmentation de la consommation en Europe [4], l’instabilité politique dans le Moyen-Orient, où les immobilisations industrielles risquaient d’être perdues, ont amené les sociétés productrices à rapprocher les raffineries de lieux de consommation. Il est vraisemblable que le développement de la Pétrochimie, à partir des sous-produits et des dérivés du pétrole, a accentué cette tendance à établir les raffineries dans les pays industrialisés. Dans un premier temps, dans l’immédiat après-guerre, les raffineries se sont installées au "bord de l’eau", en fonction des facilités du stockage des produits débarqués. Par contre, la plupart des réalisations en cours ou des projets tendent à rapprocher les raffineries des lieux de consommation, et notamment des fortes concentrations industrielles (Nord de l’Italie, Ruhr/Rhénanie, Nord-Est de la France et Nord de la Suisse, etc…) et de les relier par pipe-line aux ports de débarquement). En ce sens, on peut dire que si la chance d’Anvers a été, dans un premier temps, d’être "au bord de l’eau", c’est surtout en fonction de son hinterland industriel que l’on doit raisonner aujourd’hui.
28On sait que, devant la réticence des grands groupes à investir en Belgique, le gouvernement belge est intervenu dès 1948 pour "relancer" les sociétés privées : la Société Nationale de Crédit à l’Industrie est intervenue pour 500 millions (environ 40 %) dans le financement de la raffinerie de la Société Industrielle Belge des Pétroles S.I.B.P., qui a commencé à fonctionner en octobre 1951 avec une capacité de 1.350.000 tonnes. En 1954, cette capacité était portée à 2,8 millions de tonnes, la S.N.C.I. intervenant pour 100 millions de francs, soit environ 22 % de ce nouveau programme d’investissement.
29Il faut ajouter que le port d’Anvers fit un important effort d’investissement pour la réalisation de l’infrastructure du "port pétrolier" avec ses quais et ses terrains aménagés pour l’établissement des raffineries et des tanks d’entreposage.
30La société Esso-Belgium fit également construire une raffinerie à envers : 72 % de l’investissement primitif (900 millions sur un total de 1.250) a été également fourni par des crédits de la S.N.C.I.
31L’ancienne Raffinerie Belge des Pétroles obtint également des crédits publics pour le développement de sa capacité de raffinage : on relève un crédit de la S.N.C.I. de 125 millions au bilan de 1952, de nouveaux crédits de la S.N.C.I. ayant été alloués en 1958 (75 millions de francs) et en 1960 (25 millions de francs). Les bilans de la Société Albatros font également apparaître des crédits dont il est impossible de déceler l’origine. Pour le reste, c’est surtout par auto-financement que les sociétés pétrolières ont réalisé leur programme d’expansion.
32Ces efforts devaient aboutir à doter la Belgique d’une capacité de raffinage couvrant très largement ses besoins. Cette capacité représentera le double de la consommation intérieure d’ici un an quand les programmes en cours seront effectivement remplis.
33Voici l’évolution de la capacité annuelle de traitement des raffineries belges depuis 1954, date approximative du démarrage du programme d’après-guerre des sociétés intéressées.
34S.I.B.P. :
35Cette société appartient pour moitié à la Pétrofina et pour moitié à la British Petroleum, ancienne Anglo-Iranian Oil Cy. La capacité de production de la S.I.B.P. sera portée au cours du dernier trimestre de 1962 à 8 millions de tonnes de brut par an, ce qui représente environ la capacité totale de raffinage de la Belgique en 1960. Cette raffinerie sera ainsi la seconde d’Europe continentale (après celle de Shell à Pernis-Rotterdam) et l’une des grandes à l’échelle mondiale.
36La S.I.B.P. alimente en gaz, conjointement avec la Raffinerie d’Esso-Belgium, la Société Petrochim installée à proximité, leader belge de la pétrochimie.
37Esso-Belgium :
38filiale de la Standard Oil of New Jersey jusqu’en 1957, la Raffinerie de la Standard Oil à Anvers a fonctionné sous le nom de Esso Refinery, Esso-Belgium est née cette année de la fusion des filiales belges de la Standard Oil, Esso Standard (Belgium) S.A. qui s’occupait de la distribution et Esso Standard Refinery et Cie Industrielle Atlas.
39La petite raffinerie Atlas à Kiel-Anvers, dont les chiffres de production n’ont plus été donnés depuis 1950 et qui était en veilleuse, a été revendue en 1961. La "Cie Industrielle Atlas", première raffinerie belge créée avant 1914, avait été créée par le groupe Rockefeller (Standard Oil).
40Raffinerie Belge des Pétroles R.B.P. :
41La R.B.P. est une société autonome, de droit belge, créée en 1934 (intérêts belges divers et intérêts du groupe privé américano-belge Melamid). A l’expiration d’un contrat de raffinage pour compte de la British Petroleum, la R.B.P. a conclu un accord avec la Mobil Oil pour laquelle elle travaille depuis le 1er janvier 1960. La Mobil Oil, qui devait importer ses produits raffinés, a pu de la sorte étendre son marché en Belgique.
42En plus de ce travail à façon, la société R.B.P. vend une part de sa production d’essence sous sa propre marque "R.B.P." : elle a surtout un gros marché de bitumes.
43Sa capacité de raffinage est d’environ 1.350.000 tonnes/an de brut et celle de son stockage de 400.000 m3. La R.B.P. a mis en œuvre 1.243.073 tonnes de brut en 1961 (411.000 tonnes en 1955), dont 900.000 pour compte de Mobil Oil. Elle a, cette même année, édifié une unité L.P.G.
44La R.B.P. possède également des intérêts dans Minéral-Oil und Asphalt Handelgesellschaft à Hambourg et dans Rafibel-France, chargés de la commercialisation de ses produits.
45Albatros :
46Société d’origine roumaine créée en 1934 sous la dénomination "Redeventza”. En 1956, ses principaux actionnaires étaient un groupe belge privé (groupe Ponet), un holding aujourd’hui disparu, du groupe Boerenbond, la Banque de Paris et des Pays-Bas, la Compagnie Financière de Suez, le groupe bancaire genévois Pictet et Cie et la Manchester Cie Refinery, holding filiale de Lobitos Oilfiels Ltd (Grande-Bretagne).
47Albatros, dont la capacité de raffinage s’élevait à 800.000 t. en 1961, a travaillé longtemps sous contrat pour la B.P., ainsi que la R.B.P. : elle a récemment remplacé ce travail à façon par un contrat à long terme avec l’Union Générale des Pétroles à Paris (formé par le Groupement des Exploitants Pétroliers G.E.P. – 33 %, la Régie autonome des Pétroles – 33 % et la S.N. Repal – 33 %). L’Union Générale des Pétroles avait préalablement créé une extension belge : la "Société Belgo-Française des Produits Pétroliers", dont les constituants sont également le G.E.P., la Régie Autonome des Pétroles (société publique) et la S.N. Repal (Recherche et Exploitation des Pétroles en Algérie).
48Radian :
49petite raffinerie anversoise qui, avec la société "Tankage et Transport" faisait partie du groupe belge "Davidis".
50Ces deux sociétés ont été rachetées par B.P. en 1901. Radian semble être passé au service de l’Anglo Belge des Pétroles (société du groupe B.P. dépendant directement de la maison anglaise).
51Belgian Shell :
52petite raffinerie située dans la zone industrielle de Gand et qui fait l’objet d’un plan de modernisation de 5 ans.
53Cette raffinerie n’a eu longtemps qu’une valeur théorique (à l’échelle de la puissance du groupe qui la patronne) ; elle permet cependant à Shell, qui importe la quasi totalité de ses produits des Pays-Bas, d’être considérée comme "producteur national" et de jouir des avantages qui se rattachent à ce statut.
54Le cloisonnement entre les sociétés n’est pas absolu : les échanges de produits sont fréquents, au moins pour certaines qualités. L’adaptation de la production des raffineries à la demande n’est pas toujours aisée pour chaque marque : certaines marques déficitaires – par exemple en essence d’aviation – l’achètent à un concurrent mieux fourni en cette matière. Ces procédés "de complaisance" sont plus généralisés dans des pays à grande surface, comme la France où, pour les qualités courantes, les mêmes dépôts régionaux servent parfois à plusieurs marques concurrentes. On évite ainsi de doubler certains investissements qui, techniquement, ne s’imposent pas.
55Citons également deux raffineries spéciales produisant surtout les huiles :
56Anglo-Belge des Pétroles :
57travaille des huiles dans ses installations de Doornzele, près de Gand. L’A.B.P. – contrôlée à 100 % par B.P. à Londres et non par la maison belge – a une fonction importante dans la vente en gros de lubrifiants B.P.
58Purfina :
59La Purfina, filiale de la Pétrofina, possède également dans la région de Gand une section s’occupant du traitement des huiles.
60Il existe encore d’autres sociétés de traitement de produits pétroliers, mais elles sont axées sur une branche particulière et dépendent généralement des grandes sociétés.
61Petrochim :
62à Anvers. Cette société, qui est encore en période de rodage, a été créée sous le patronage de la Société Belge de l’Azote, de Chimindus (intérêts français des milieux de la Banque de Paris et des Pays-Bas et groupe Electrobel), de sociétés du groupe de la Société Générale de Belgique, (Carbochimique, Overpelt-Lommel, etc…), de la Pétrofina, de la Sofina, etc… La pétrochimie est, on le voit, née concentrée et il n’y a guère que le groupe Solvay, prié de participer à la naissance de Petrochim, à s’en être détourné. Sa préférence pour la solution "à deux" avec l’Imperial Chemical Industry, au sein de la société Solvic, semble d’ailleurs lui avoir réussi [5]. Il est vrai que la chimie du chlore, matière de base du brevet I.C.I., lui était plus familière.
63Petrochim produit, à partir des gaz des raffineries Esso et S.I.B.P., des produits de base pour les matières plastiques, pour les détergents (notamment pour Tensia, filiale de la Société Belge de l’Azote), etc… Sa position dans une région où l’industrie chimique semble devoir se développer [6] et le patronage des sociétés qui ont assuré sa constitution doivent à la longue lui assurer un développement plus aisé dans un secteur où la concurrence étrangère est particulièrement vive.
64Sa filiale Cobenam, seconde entreprise pétrochimique du pays (créée à demi avec l’Union Carbide américaine) a été mise en route en avril 1962 et produira 15.000 t./an de polyéthilène dont elle est le seul producteur belge.
65Amocofina :
66à Anvers, produit des dérivés et surtout des additifs pour produits pétroliers. Cette société est contrôlée par la Petrofina et une filiale de la Standard Oil of Indiana.
IV – Les sociétés distributrices
67On peut établir une distinction entre les sociétés
- qui vendent toute la gamme des produits pétroliers,
- qui ne vendent que certains de ces produits,
- qui ne vendent qu’un produit.
68Et parmi les distributeurs, on peut encore distinguer entre les distributeurs "orthodoxes", membres du Groupement pétrolier et ceux qui n’en font pas partie : il s’agit souvent dans ce cas d’anciens marchands de charbon passés au pétrole et qui peuvent traiter des tonnages fort importants grâce à leurs relations traditionnelles avec la clientèle privée ou industrielle [7].
69Parmi les sociétés à produits multiples, membres du Groupement pétrolier, on distingue généralement trois majeures :
- Shell,
- Esso,
- B.P.
70Viennent ensuite trois autres "grands" :
- Caltex,
- Purfina,
- Gulf, dont le démarrage, en 1963, de la raffinerie de Rotterdam favorisera l’extension, ses produits étant importés d’Angleterre ou achetés à B.P.
71Viennent ensuite :
- Trading,
- Total,
- Mobil,
- R.B.P.,
- Orion,
- G.I.P.
72Les six premiers (Shell, Esso, B.P., Caltex, Purfina et Gulf Oil) vendent pratiquement toute la gamme des produits (sauf les bitumes et l’essence d’aviation, en ce qui concerne Gulf). Leur filiation est bien connue : les capitaux sont contrôlés par des groupes étrangers – sauf le cas de la Purfina/Pétrofina [8] – et les cadres supérieurs soumis à une rotation plus ou moins fréquente suivant les sociétés. Cependant, le groupe belge Speth-Andersen (dont la société d’armement pétrolier a été reprise par la Standard Oil) joue encore un rôle de gestion dans Esso, de même que le groupe Meganck à la B.F., dont la société de vente d’huiles a été reprise par B.P., MM. De Keyser et L. Deymes à Belgian Shell Cy, etc…
73Trading :
74contrôlé par le groupe hollandais van Beuningen [9] et la société française La Mure [10]. Achète surtout en Hollande. Vend de l’essence, des produits noirs (fuel oils, gas oils), des huiles et produits lubrifiants et du kérosène.
75A.R.A. :
76marque de commercialisation de la Raffinerie Radian, reprise par B.P.
77Total :
78filiale de la Compagnie Française des Pétroles, achetée surtout en France, vend de l’essence, des huiles combustibles, du kérosène et de l’essence d’aviation. La société semble avoir eu quelque difficulté à s’implanter et à réduit son capital social en 1961 (de 200 à 100 millions de francs).
79Mobil :
80filiale de la Mobil Oil américaine dont les produits sont en grande partie raffinés par R.B.P. ; vend de l’essence, des huiles lubrifiantes, des huiles combustibles, du kérosène.
81Orion :
82groupe privé anglo-belge, vend un peu d’essence et d’huiles combustibles.
83G.I.P. :
84vend un peu d’essence et surtout des produits noirs ; distribué par le Groupement Indépendant des Importateurs du Pétrole G.I.P. La Compagnie Dens Océan et d’autres sociétés maritimes anversoises (Grisar et Marsily, Thornton, etc….) sont les principaux actionnaires du G.I.P. (même groupe Beltanco).
85En dehors de cette douzaine de sociétés distributrices membres de l’organisme syndical des sociétés pétrolières, il existe un grand nombre de "outsiders" qui ont pris beaucoup d’importance ces dernières années. Il s’agit en général d’anciens "charbonniers" passés au secteur pétrolier ou de l’extension belge de groupes étrangers mineurs dont le ravitaillement est facilité par la construction de raffineries indépendantes, notamment en Allemagne. Ces firmes pratiquent des "prix de combat" dont les grandes sociétés sont obligées de tenir compte. On assiste sur le marché à une nette pression sur les prix due au dynamisme dont font preuve ces nouveaux venus : leur situation future est fonction de la place qu’ils auront réussi à se créer pendant ces années de réorganisation du marché. L’expérience prouve qu’à la longue, les positions se cristallisent autour des plus efficaces, des plus puissants ou des mieux soutenus.
86Combulic :
87coopérative de marchands de charbon transformée en société anonyme en 1961. Elle réunit 1.700 marchands de charbon et de fuel oil répartis dans le pays et notamment dans les dix villes principales (C. Ducarme et Fils à Anvers, Charbon Becquevort à Auderghem, Union Charbonnière à Bruxelles, etc… etc…).
88Le groupe américain Sinclair Oil Cy a passé, en juillet 1961, un accord pour la distribution par Combulic de ses produits noirs en Belgique (et spécialement les produits de chauffage). Le port de Zeebrugge a été spécialement aménagé pour recevoir des tankers de 45.000 t., condition mise par la firme américaine à la conclusion de l’accord. Les installations comprennent également une conduite, trois réservoirs d’une capacité de 30 millions de litres d’huiles légères, deux réservoirs de 20 millions et un de 200.000 litres.
89Combulic vend spécialement des huiles de chauffage (gasoil et fuel oil). Il s’agit de la première expérience importante de vente de Sinclair hors des États-Unis depuis 1939.
90Signalons encore parmi d’autres :
91Vloeberghs :
92(Europe Petroleum Cy, Cie Commerciale Vloeberghs, etc…), charbonnier anversois qui réalise, avec ses associés, un important tonnage de vente de produits noirs (fuel oils, gas oils) – jusqu’à 25 % du marché lourd à certains moments – et qui vend même occasionnellement de l’essence en adjudication. Cette société importe un tonnage important de produits de l’Est.
93P.I.C. :
94Petroleum Import Cy (même groupe que Getanco) travaille avec l’Allemagne et la Hollande et vend des essences et des huiles de chauffage.
95Belgische Olie Maatschappij B.O.M., Van Muylders à Bruxelles, Devis, Belgo-Mazout, Typhoon et de très nombreux ex-charbonniers vendent essentiellement des huiles de chauffe.
96Ces distributeurs indépendants feraient actuellement 1/5ème du marché des ventes de produits noirs (selon Petroleum Press Service, n° 4 – 1962).
97La concurrence est également vive sur le marché des essences pour voitures : les indépendants ne tiendraient cependant que 5 % de ce marché (même source) mais ici également, on note une expansion des outsiders.
98S.E.C.A. :
99(Société Européenne des Carburants), créée en 1960 par la "Caisse Privé", vend avec rabais de l’essence provenant de raffineries allemandes. Le capital social de la S.E.C.A. a été revendu en 1962 à la société américaine Continental Oil Cy "CONOCO" de Houston (Texas) qui semble vouloir poursuivre la même politique commerciale. D’autres marques, Kings, Top Gas, etc… ont également essayé de s’étendre grâce à leurs importations d’essences à meilleur compte. [11]
100Après accord avec des groupes pétroliers belges, la Deutsche Erdöl A.G. (liée à Rhein preussen A.G. für Bergbau und Chemie), D.E.A. de Hambourg, qui a plus de 3.200 stations service en Allemagne, s’installe dans l’Est de la Belgique. Une centaine de stations débitrices devraient être mises en place avant la fin de 1962.
101La société B.V. ARAL de Bochum (contrôlée par l’association Benzin-Benzol-Verband) et dont les titres se trouvent dans le portefeuille des sociétés sidérurgiques et charbonnières allemandes, a également un programme d’extension en Belgique.
102Enfin, certaines sociétés sont spécialisées dans la vente d’un produit ; c’est le cas des sociétés de gaz de pétrole comme :
103Petrogaz : filiale de la S.I.B.P. et donc de B.P. et de Pétrofina ;
104Butagaz/Propagaz : produit par Shell Belgium ;
105Protane : dont l’élément pétrolier est constitué par Caltex ;
106Calorgaz : filiale de Calor Gas Holding Ltd (Grande-Bretagne), etc…
107(A suivre)
Notes
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[1]
Signalons l’intérêt du numéro spécial des "Annales de la Société Belge pour l’Étude du Pétrole" (n° spécial 1962). MM. J.P. De Bryne et René Taeymans y ont procédé à une étude exhaustive du marché pétrolier en Belgique, étude à laquelle nous empruntons un certain nombre de données chiffrées.
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[2]
Selon le rapport annuel de la British Petroleum (mai 1962), 9 % des importations globales d’Europe Occidentale proviendraient, en 1961, de l’U.R.S.S. et d’autres pays de l’Est.
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[3]
Signalons également la société "Industrie des Huiles Minérales de Belgique", 50, rue Neuve à Bruxelles, qui groupe des négociants et revendeurs, à l’exclusion des importateurs.
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[4]
Les États-Unis sont restés très attentifs à ne pas "épuiser" leurs réserves pétrolières nationales. Les sociétés américaines exportent dans le monde "par pays interposés", grâce à leurs positions dans les Caraïbes et au Moyen-Orient, Le marché américain est à la fois protégé par le contingentement des importations et la production y est strictement réglementée : le nombre de jours d’exploitation autorisé a été, par exemple, au Texas, de 123 en 1959 et de 101 en 1961.
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[5]
Voir M.F. Baudhuin : Histoire économique de la Belgique – 1945-1956, p. 305.
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[6]
Deux entreprises basées sur la chimie du pétrole ont été créées dans la région d’Anvers en 1961. Polysar Belgium (au capital de 500 millions de francs belges) du groupe canadien Polymer Corporation of Sarnia, fabriquera du caoutchouc butyl. Le même groupe a déjà réalisé une entreprise semblable près de Strasbourg et s’est associé à Montecatini pour la fabrication d’une nouvelle fibre polypropylenique, le Meraklon. Une autre usine pour la production de films de polyolefine et matières plastiques doit être édifiée à Bornem par Shorto Investing S.. (filiale commune du groupe Shell et de la société américaine National Distillers and Chemical Corporation) avec l’appui de la société hollandaise "Thomassen & Drijver N.V." (matériaux pour emballages).
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[7]
Les positions dans ce secteur étant très "fluides", précisons que ce texte date de quelques mois, en ce qui concerne la position des distributeurs.
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[8]
Les principaux actionnaires de la Pétrofina sont la Compagnie d’Anvers et, indirectement, la Société Générale, le groupe Lambert, l’Imperial Continental Gaz Association, la Banque de l’Union Parisienne et le groupe Hottinguer. Voir "Morphologie des Groupes financiers", p. 168. C.R.I.S.P., Coll. Structures économiques de la Belgique.
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[9]
Il a été longuement question de la famille van Beuningen (financier et collectionneur hollandais), lors de l’affaire Van Meegeren, le génial imitateur de Vermeer.
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[10]
La société holding française "La Mure" joue, en France, un rôle de distribution d’essence à travers une de ses filiales "La Mure-Union", qu’elle contrôle en commun avec l’Union Générale des Pétroles. L’U.G.P. et la Mure-Union construisent une raffinerie près de Lyon qui sera alimentée par le pétrole du Sahara acheminé par le pipe-line sud-européen.
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[11]
La société CONOCO construit également une raffinerie dans le nord de l’Italie.