Couverture de CRIS_1342

Article de revue

Syndicalisme et management participatif

Pages 1 à 47

Notes

  • [1]
    Nathalie Delbrassinne, Nouveaux modes de gestion sociale, implications syndicales, FEC, avril 1991, pp.10-11.
  • [2]
    Pour l’expérience japonaise, voir B. Coriat, Penser à l’envers, Ed. Ch. Bourgois, décembre 1990.
  • [3]
    G. Lentini, Cercles de qualité et qualité totale, Bulletin de la FAR, n 180, 1990, pp.11-27.
  • [4]
    Ibidem.
  • [5]
    B. Coriat, op. cit., pp.162.
  • [6]
    B. Coriat, op. cit., pp.171-172.
  • [7]
    Pierre Van der Wielen, Juste à temps et qualité totale, Athena, n 39-40, mars-avril 1988, p.17.
  • [8]
    M. Capron, Cockerill Sambre, de la fusion à la “privatisation”, Courrier hebdomadaire du CRISP, n°1253-1254, 1989.
  • [9]
    Les employés présents dans les cercles sont, pour la plupart, directement impliques dans la production (techniciens, chimistes, personnel de maîtrise).
  • [10]
    Cockerill Sambre, rapport annuel 1990, p.48.
  • [11]
    Extrait de la deuxième rencontre des cercles, avril 1989, p.5.
  • [12]
    Cockerill Sambre, rapport annuel, 1990, p.48.
  • [13]
    Cockerill Sambre, rapport annuel 1990, p.48.
  • [14]
    Cockerill Sambre, rapport annuel 1990, p.48.
  • [15]
    Actuel, mensuel de la direction de Cockerill Sambre, juin-juillet 1991.
  • [16]
    Cockerill Sambre, Actuel, mai 1986.
  • [17]
    Cockerill Sambre, rapport annuel 1990, p.46.
  • [18]
    N. Delbrassine, op. cit., p.75.
  • [19]
    Combat, 22 mai 1989.
  • [20]
    N. Delbrassine, op. cit., p.61.
  • [21]
    Tract CSC, 25 octobre 1990.
  • [22]
    Métallurgistes CSC Liège, Conclusions et décisions sur le thème : le management participatif, les 11 et 12 février 1990.
  • [23]
    Combat, 22 mai 1989.
  • [24]
    Discours à Fabrimétal, 19 avril 1989.
  • [25]
    Déclaration de R. Gandibleux, La Nouvelle Gazette, 11 juin 1985.
  • [26]
    Discours de R. Gandibleux à Fabrimétal, 19 avril 1989.
  • [27]
    Document de la Banque Bruxelles Lambert, mars 1989.
  • [28]
    Voir J.-M. Delmalle et F. Denuit, Décentralisation dans l’organisation du tavail, les “marguerites” de Caterpillar, Innovation sociale et entreprise, Presse universitaire de Namur, 1985.
  • [29]
    La Nouvelle Gazette, 11 juin 1985.
  • [30]
    PRACQ, Enquête sur la recherche de la qualité totale dans les entreprises belges, décembre 1990, p.70.
  • [31]
    CMB (FGTB), Répondre aux nouveaux défis, Résolutions du congres des 30 et 31 mars 1990.
  • [32]
    CSC-Métal, Réagir, Document de travail “plus de travail de meilleure qualité pour tous”.
  • [33]
    FGTB, congrès extraordinaire des 23 et 24 novembre 1990, p.79.
  • [34]
    R. D’Hondt, L’avenir et l’enjeu des relations sociales dans l’entreprise, L’Entreprise et l’Homme, n 6, 1990, p.213.

Introduction

1Dans les années 1970, un mode d’organisation de la production, mis au point dans des entreprises japonaises et américaines, a fait son apparition en Belgique. La crise économique et l’incertitude des marchés qui en a découlé ont poussé les entreprises à mettre l’accent sur la qualité des produits et sur une plus grande mobilité opérationnelle. Les capacités d’organisation des salariés et leur degré d’identification aux “valeurs” de l’entreprise allaient devenir des éléments centraux d’une stratégie patronale basée sur le management participatif.

2Le management participatif, comme mode de gestion sociale, ne peut être appréhendé comme une simple technique de gestion patronale, valorisant la « créativité » des salariés, stimulant la mobilisation volontaire de groupes de base en rapport avec la qualité du produit et le service à la clientèle. Il doit être approché, en même temps, comme une stratégie de gestion, visant à dépasser les conflits d’intérêts pour susciter l’identification et l’attachement du personnel à l’entreprise et obtenir un large consensus sur des objectifs prioritaires.

3Les cercles de progrès et de qualité en sont une illustration. Cette “nouvelle culture”, qui tend à modifier les rapports sociaux dans l’entreprise et à considérer les organisations syndicales comme des “partenaires économiques”, lance un défi au syndicalisme des années 1990. Ce défi, nous tenterons de l’illustrer par deux exemples d’entreprises relevant des secteurs de la sidérurgie et de la métallurgie. Si les principes et les objectifs du management participatif sont relativement bien cernés, l’application concrète dans les entreprises fait l’objet d’expériences différentes, qui évoluent en fonction des rapports de force et conditions économiques et sociales. Les composantes de la culture d’entreprise ne sont pas dissociables du fonctionnement du marché du travail et des politiques d’emploi, même si le discours patronal n’évoque souvent ce lien que de manière implicite.

4Cockerill Sambre pratique le management participatif depuis six années : près d’un travailleur sur cinq sont impliques dans la démarche des cercles.

5A Caterpillar, une organisation, centrée sur les produits et intégrant les fonctions de conception, de fabrication et de marketing, a été mise en place ; elle cherche à satisfaire davantage la clientèle et à “responsabiliser” le personnel. Mais il ne s’agit pas encore de management participatif tel qu’il est souhaité par la direction américaine. Le système dit des “marguerites” a cependant ouvert la voie à ce nouveau mode de gestion sociale. C’est au cours des années 1985 à 1989 que le groupe Caterpillar a développé cette structure de « participation ». Depuis lors, la restructuration du groupe amené d’importantes réductions d’emploi qui ont une incidence sur les modes de relations au sein de la filiale belge.

6Au-delà des aspects différenciés et complémentaires de ces deux expériences, le management participatif, prôné par le patronat, ébranle l’action syndicale revendicative.

7L’attitude “défensive” des syndicats devant cette nouvelle organisation du travail ou le tiraillement de ces derniers entre une démarche de contestation et de co-responsabilité peuvent être interprétés comme le signe d’un certain désarroi.

1 – L’entreprise en mutation

8L’origine du management participatif se trouve dans un mode d’organisation de la production mis en place dans les années 1950 dans des entreprises japonaises. Pour certains, le redressement économique du Japon après guerre et les performances de ses entreprises en découleraient.

9Dans un rapport sur l’industrie automobile française, établi en octobre 1984 à la demande de François Mitterand, François Dalle, à l’époque président-directeur général de L’Oréal, notait, à propos du succès du “modèle” japonais : “Les performances des entreprises japonaises tiennent en grande partie au fait qu’elles ont procédé, dans le domaine de l’organisation de la production industrielle, à une véritable révolution, en mettant au point et en perfectionnant progressivement, au cours de la décennie soixante-dix, un modèle d’organisation original de la production (…). Les performances industrielles du « modèle » japonais doivent d’ailleurs très peu aux techniques de pointe dont nous faisons si grand cas en Europe, et spécialement en France. L’implantation des robots est en effet relativement récente chez Toyota (…)”.

10Ce modèle d’organisation “confère à la gestion sociale une place inédite. Désormais, la gestion des « ressources humaines » est étroitement mêlée à l’économique. Elle acquiert une place centrale. En effet, la théorie de la démocratie industrielle introduit l’idée de la participation des travailleurs aux objectifs économiques de l’entreprise. Le rôle attendu du personnel se modifie fondamentalement : on n’entend plus considérer le travailleur comme un simple exécutant mais bien comme un partenaire associé aux défis de « son » entreprise” [1]. Quant aux syndicats, nombre de directions d’entreprises les considèrent comme un élément important dans la réussite du management participatif.

11La nouvelle organisation du travail au Japon impulsée début des années 1950 par Ohno, ingénieur en chef chez Toyota, s’est concrétisée sur quatre fronts : une réorganisation structurelle de l’entreprise autour de la production, le “juste à temps”, la “qualité totale” et l’implication des salariés [2]. Ce dernier aspect renvoie à la mutation du syndicalisme japonais, opérée au début des années 1950.

12Dans l’immédiat après-guerre, le mouvement syndical dans l’industrie automobile japonaise était un des plus combatifs. Il fut à l’initiative en 1950 d’un conflit qui dura deux mois et se solda par une défaite syndicale et le licenciement de quelque 1.600 travailleurs.

13Deux ans plus tard, des mouvements de luttes sont organisés à l’initiative ou avec l’appui des syndicats pour faire face à des restructurations d’entreprises. Toyota fut également concerné. Le syndicat y organisa un mouvement de résistance qui dura cinquante-cinq jours. Le conflit se termina par une défaite syndicale. La direction parvint à transformer la branche locale du syndicat d’industrie en un syndicat interne (ou “maison”), fonctionnant suivant les règles et des procédures largement édictées par elle. Si bien qu’en 1953, le mouvement syndical historique de ce secteur avait pour l’essentiel été détruit.

14Ce syndicat “maison” revêt une série de caractéristiques. C’est un syndicalisme d’entreprise intégré, le syndicat étant étroitement lié à la hiérarchie de l’entreprise par le système des carrières et des promotions ; c’est un syndicalisme “coopératif”, en ce sens où généralement les revendications syndicales intègrent dans une large mesure les contraintes de rentabilité et de compétitivité que la direction de l’entreprise s’est données. Le niveau de “coopération” varie d’une entreprise à l’autre, en fonction notamment de la prospérité relative de chacune.

15Si cette forme de syndicalisme “coopératif” a pu s’établir et perdurer, c’est que ce système de relations industrielles (les cercles de qualité japonais concernent quelque 56 % des travailleurs et 40 % des entreprises [3]) s’est montré historiquement à même d’accorder d’importantes contreparties aux travailleurs des grandes entreprises (“emploi à vie”, “salaire à l’ancienneté”).

16Certains ont cherché à “importer” aux États-Unis ou en Europe les méthodes qui seraient à la base de ce “modèle” japonais. Ainsi en Belgique, quelque 150 entreprises seraient actuellement concernées ; parmi celles-ci, Unerg, Solvay, Intercom, Cockerill Sambre, ACEC, Glaverbel, GB-Inno-BM, etc. Le pourcentage des salariés impliqués dans ces cercles tournerait autour de 15 % [4]·

17Pour B. Coriat : “Dans un univers internationalisé, si les « leçons » japonaises sont partout copiées et recopiées, c’est qu’elles correspondent à la phase actuelle d’un capitalisme caractérisé par la montée de la concurrence, par la différenciation et la qualité, condition originelle, on s’en souvient, de la constitution de la méthode ohniennne, et sur laquelle, pour cette raison même, les théoriciens japonais en gestion de production disposent de quelque avance. Si de partout on cherche à l’imposer, c’est que, dans son principe, elle est porteuse du mode d’extraction de gains de production qui correspond aux normes actuelles de concurrence et de compétitivité entre firmes” [5].

18Cependant, de même que l’universalité du parcours taylorien mit aussi en évidence la diversité et la multiplicité des “voies nationales” suivies, de même la mise en œuvre et la diffusion internationale du mode d’organisation de la production initié dans des entreprises japonaises se font nécessairement dans des conditions sociales et économiques particulières, distinctes les unes des autres et distinctes des conditions qui, au Japon, ont vu sa naissance.

19Plusieurs aspects de cette mise en œuvre peuvent être évoqués, ainsi les techniques nouvelles d’organisation du travail : “la leçon japonaise est entendue comme un ensemble de développements de l’organisation scientifique du travail qui s’enrichirait de chapitres nouveaux. Après les techniques permettant de combattre la flânerie des hommes (Taylor) et des machines (Ford), voici venues celles qui traitent des encours et des stocks. Après les méthodes de contrôle statistique de la qualité, voici celles de la « qualité totale »” [6].

20Cette nouvelle organisation du travail implique aussi et bien plus qu’auparavant le consensus social dans l’entreprise. La pratique du “juste à temps” en est une illustration.

21Le “juste à temps” est un mode d’organisation qui a pour objectif l’accroissement de la productivité en ne produisant que ce dont on a besoin, quand on en a besoin et en quantité voulue. C’est un “type de gestion orientée vers les cinq zéros : zéro stock, zéro délai, zéro panne, zéro défaut, zéro papier” [7]. La pratique du “juste à temps” fragilise l’entreprise. Le fait de travailler sans stock, s’il constitue un avantage financier, implique en même temps un fonctionnement parfait de toute la “machine sociale”. Ainsi, aux cinq zéros constitutifs de ce mode de gestion de la production, le patronat souhaite en voir un sixième se profiler : zéro grève.

22La mise en œuvre de ce mode de gestion dans des entreprises européennes ou américaines ne se réalise pas dans le même contexte et avec les mêmes compromis sociaux qui en assurent le fonctionnement au Japon. Une transposition de type mécaniste de ce système des relations sociales poserait plus d’un problème.

23Si le but est d’obtenir l’implication des salariés sans contreparties explicites ou parfois même en détruisant celles qui ont été établies, on peut s’attendre à la naissance de situations conflictuelles, voire à l’essoufflement des cercles de progrès et de qualité.

24Le mouvement en faveur du management participatif n’est pas unanime au sein des entreprises. Certains patrons continuent à concevoir l’entreprise comme une collectivité de travail traversée par des intérêts communs mais aussi par des antagonismes et des conflits qu’il convient de gérer par la négociation. Ce patronat trouve un intérêt dans la présence d’organisations syndicales fortes, représentatives et responsables.

2 – Cockerill Sambre

25Le coût social de la restructuration de Cockerill Sambre a été particulièrement lourd [8] Cette restructuration, accompagnée de fermetures d’outils et de pertes d’emplois, s’est accélérée après la fusion, en janvier 1981, des sociétés Cockerill à Liège et Hainaut-Sambre à Charleroi. Se succédèrent alors les plans de restructuration Claes (mai 1981), Vandestrick (1982), Gandois (1983), Levy (1986).

26En six ans, entre fin 1982 et fin 1988, le volume de l’emploi a diminué de 42 % pour les deux bassins, faisant passer le nombre de sidérurgistes de 22.940 à 13.287. Au 31 décembre 1990, l’effectif total de la société s’élevait à 12.332 personnes.

27Cette perte d’emplois n’a été que très partiellement compensée par des initiatives de reconversion appuyées à Liège par Meusinvest et à Charleroi par Sambrinvest.

28Pendant la même période (1982-1988), la productivité de l’entreprise a quasiment doublé : elle est passée de 205 tonnes d’acier brut par an et par personne à 388 tonnes. L’année 1988 a marqué un retournement de situation pour Cockerill Sambre : la perte nette de BEF 1,87 milliard en 1987 s’est muée en bénéfice net de BEF 7,187 milliards en 1988.

Les cercles de progrès et de qualité

29En décembre 1985, après une année consacrée à la réflexion et à l’organisation de séances d’information adressées à la maîtrise, aux délégations syndicales, puis au personnel ouvrier et employé, la direction de Cockerill Sambre lança les premiers cercles de progrès et de qualité.

30En mars 1985, s’adressant aux cadres de l’entreprise, Jean Gandois, chargé par le gouvernement du redressement de l’entreprise, précisait : “Il ne reste plus qu’un problème à Cockerill Sambre, c’est le problème du changement mental, culturel et social”. Les cercles devaient contribuer à ce changement de mentalité.

31Ceux-ci fonctionnent en groupes de cinq à huit volontaires qui se réunissent régulièrement (une ou deux fois par mois), pendant ou en dehors des heures de travail selon les possibilités. L’animateur, qui peut être aussi bien un salarié qu’un membre de la hiérarchie, veille à impliquer chaque participant et à faire en sorte que les décisions prises soient bien le reflet de l’opinion du groupe. Les sujets abordés concernent les améliorations techniques, la qualité des produits et des services, les délais, l’organisation, la sécurité, les conditions de travail, la protection de l’environnement, etc. La méthode de résolution des problèmes s’appuie sur l’utilisation de techniques de travail en groupe, selon un schéma qui se découpe en cinq étapes : le problème, la cause, la solution, la mise en œuvre et le suivi. Il faut obtenir l’accord de la hiérarchie pour la réalisation de la solution proposée par le cercle.

32Cockerill Sambre opta pour une mise en place progressive des cercles et commença par une expérience-test dans une division, où il n’y avait plus de restructuration importante à faire et où le climat était relativement serein : les fours à coke de Seraing et Ougrée.

33Quelques mois plus tard, ce fut au tour de la division de Chertal, puis de la sidérurgie à froid, ensuite du bassin de Charleroi dont le plan de restructuration n’était pas aussi avancé qu’à Liège. Les cercles s’implantèrent en dernier lieu dans des divisions où l’opposition syndicale était la plus radicale (la division de Jemeppe-Kessales ou encore Cockerill Mechanical Industries-CMI).

Evolution des cercles

34Les cercles de progrès et de qualité ont connu une progression importante entre 1985 et 1989. En effet, des 11 cercles créés en 1985, on est passé à 71 en 1986, 170 en 1987, 326 en 1988, 459 en 1989 et 540 en 1990. Dix cercles étaient en activité à la fin 1985 ; ils étaient 215 en 1989 et 281 en 1990.

35Si, en 1990, on a créé moins de cercles que les deux années précédentes, selon la direction, ils “vivent mieux”. On avait constaté en 1989 autant d’arrêts que de créations de cercles.

Graphique 1

Nombre de cercles (au 31/12/1990)

Graphique 1

Nombre de cercles (au 31/12/1990)

36En 1989, sur les 215 cercles en activité, on comptait 60 % de cercles de qualité, 36 % de cercles de progrès et 4 % de cercles de pilotage. Le cercle de qualité réunit des personnes appartenant le plus souvent à une même unité de production ou de services. Il choisit lui-même le problème qu’il va traiter et son existence est, en principe, permanente. Le cercle de progrès regroupe, dans la plupart des cas des membres de différents services pour résoudre un problème soulevé par la direction de l’entreprise. Le cercle de pilotage se compose généralement de membres de l’encadrement issus de divisions différentes pour analyser un problème de non-qualité à enjeu économique. Le comité de pilotage se compose de la hiérarchie du secteur, ainsi que des parrains et facilitateurs-cadres jouant le rôle de personnes ressources pour les cercles. Il vérifie la faisabilité d’un projet. La différence entre les cercles créés et les cercles en activité provient d’une double réalité. D’une part, les cercles de progrès, dont l’objectif est de résoudre un problème précis, ont une durée de vie limitée. D’autre part, plusieurs cercles connaissent des échecs.

37En 1988, les 2.207 personnes concernées par les cercles (sur les 11.778 travailleurs que comptait l’entreprise) se répartissaient en 72 % d’ouvriers, 19 % d’employés [9] et 9 % de cadres. En 1989, les cercles regroupaient 2.134 personnes et fin de l’exercice 1990, ils impliquaient 20 % du personnel [10].

38Ainsi à Cockerill Sambre, près d’une personne sur cinq est directement impliquée dans la démarche des cercles.

39Le nombre d’animateurs des cercles fut, lui aussi, en évolution constante jusqu’en 1988, année où 252 personnes ont suivi la formation. Depuis 1985 jusque fin 1989, 847 membres de Cockerill Sambre ont été formés à l’animation par les centres de Liège et de Charleroi. La répartition est la suivante : 42 % d’ouvriers, 46 % d’employés et 12 % de cadres.

Graphique 2

Les animateurs formés (au 31/12/89)

Graphique 2

Les animateurs formés (au 31/12/89)

Motivations et contreparties

40La créativité et la valeur individuelle valorisées dans les cercles semblent rencontrer un écho important. C’est en quelque sorte une motivation morale.

41Il y a également une motivation matérielle et professionnelle. Les heures de réunion sont payées et il est parfois plus agréable de travailler autour d’une table, avec une tasse de café, qu’à la production. La participation aux cercles ou aux séances de formation données par les cadres hiérarchiques permet au travailleur de sortir de l’anonymat et d’être remarqué par l’ingénieur. Cela peut favoriser une promotion dans l’entreprise.

42Les contreparties liées à l’implication des travailleurs dans les cercles, sont différentes d’un bassin à l’autre.

43A Charleroi, Cockerill Sambre a instauré un système de primes qui consiste en la distribution de “points cadeaux”. La présentation d’une solution à un problème et son acceptation par la hiérarchie donne droit à 400 “points cadeaux” par membre du cercle. Un bonus de 100 points supplémentaires est accordé après vérification du caractère opérationnel de la solution proposée. Dans cette première étape, chaque membre du cercle peut obtenir un maximum de 500 points. Trois mois après la mise en œuvre de la solution, le cercle est tenu de présenter aux délégués de la direction le suivi des résultats, qu’ils soient bons ou mauvais. A cette deuxième présentation, chaque membre du cercle peut obtenir à nouveau 400 “points-cadeaux” et éventuellement un bonus de 100 points, si le cercle a mis en place un dispositif du suivi de la solution. Cumulés, ces “points-cadeaux” donnent droit à des articles liés au ménage, au bricolage, des jouets pour enfants, etc. Précisons que la valeur d’un point est de 2,5 francs.

44A Cockerill Sambre Liège, les participants aux cercles sont valorisés par l’organisation de visites d’entreprises, de clients, de fournisseurs, de foires en Belgique ou dans d’autres pays, etc.

Les cercles et le redressement de l’entreprise

45La mise en place des solutions proposées par les cercles a entraîné, de 1985 à 1988, un investissement total de l’ordre de BEF 87 millions. Les économies annuelles réalisées grâce aux cercles s’élèveraient à BEF 374 millions [11] Les économies générées actuellement par ces groupes de travail dépasseraient, selon la direction de la société, 600 millions de BEF par an [12]·

46Derrière ces bilans chiffrés émanant des cercles eux-mêmes ou de la direction de la société, se profile une quantité d’améliorations, mineures ou importantes, qui facilitent le travail quotidien. Leur impact sur tout ce qui constitue la qualité au sens large (la sécurité, les délais, la technique, l’organisation, les conditions de travail, la diminution de l’absentéisme, etc.) est difficile à chiffrer, mais il n’est sans doute pas étranger à l’amélioration générale des performances de Cockerill Sambre.

47Les accidents de travail ont, entre 1985 et 1988, fortement baissé, ce qui a valu à l’entreprise de remporter le trophée Sécurité pour l’année 1988. Les cercles ne sont pas le seul élément explicatif de la diminution des accidents de travail. Parmi les autres figurent les progrès techniques. Par ailleurs la manière d’établir les statistiques a pu évoluer dans le temps (déclaration ou non des accidents de faible gravité,…).

48Au-delà des cercles, c’est l’ensemble du management participatif qui agit sur les résultats de l’entreprise. Ainsi, les plans d’amélioration de la qualité, à objectif beaucoup plus large, touchant l’ensemble du personnel de l’entreprise, contribuent à leur tour aux économies. En 1989, ils auraient permis une économie de l’ordre de BEF 1.750 millions. Selon la direction, en 1990 les 1.000 actions, menées par 700 pilotes répartis dans chaque service de la société, auraient permis une économie de plus de BEF 2 milliards [13]·

49La recherche de la qualité totale combinée aux multiples restructurations et aux importants investissements technologiques ont contribué à une augmentation de la productivité de l’entreprise dans les années 1980. Ainsi, en 1988, on a produit à Cockerill Sambre 4,6 millions de tonnes d’acier avec 12.000 personnes occupées, alors que six ans plus tôt, en 1982, il en fallait 22.000 pour produire le même tonnage. De même, la production d’une tonne d’acier nécessitait 6,9 heures de travail en 1982 et seulement 3,9 heures en 1988.

Le management participatif et la nouvelle culture d’entreprise

50Le management participatif vise la valorisation du travailleur, d’abord au moyen des cercles. Il ne va pas sans la promotion de la “qualité totale”, démarche complémentaire aux cercles et touchant l’ensemble du personnel de l’entreprise. La mise en œuvre de cette démarche entraîne des modifications importantes dans l’organisation du travail, avec en particulier la flexibilité (liée aux fluctuations des commandes) et l’auto-contrôle (chaque division devenant client et fournisseur).

Organigramme 1

figure im3

Organigramme 1

51Le management participatif est ainsi une notion beaucoup plus large que les cercles. Il s’inscrit dans la perspective de changement de l’entreprise sur les plans mental, culturel et social. Pour obtenir ce changement, la direction de Cockerill Sambre a mis en place une série d’outils et de concepts.

La “qualité totale”

52Après l’implantation des cercles, un nouveau pas a été franchi en 1989 avec les plans d’amélioration de la qualité.

53Le plan d’amélioration de la qualité est un plan annuel. Il recense d’abord au niveau du service puis de toute l’entreprise, les “actions PAQ”, c’est-à-dire les actions d’amélioration de la qualité, engagées par chaque service. Le plan d’amélioration de la qualité chiffre ensuite approximativement la “non-qualité”, de façon à prendre conscience de l’importance de l’enjeu. Il choisit les actions prioritaires à engager en vue d’éliminer les principales sources de “non-qualité”.

54Chaque amélioration issue d’un plan d’amélioration de la qualité s’accompagne d’une “fiche de suivi”.

55A titre d’exemple, après un semestre de démarrage, le plan d’amélioration de la qualité de 1989 se caractérisait, selon Cockerill Sambre comme suit : 392 pilotes, 708 actions dont 453 chiffrées pour un enjeu global de BEF 1,95 milliard. Nous avons déjà signalé les résultats pour 1990 : 1.000 actions, menées par 700 pilotes répartis dans chaque service de la société, auraient permis une économie de plus de BEF 2 milliards [14].

56Le système de contrôle de la qualité totale demande “l’auto-contrôle” du travailleur. Chaque travailleur devient contrôleur de la qualité, l’objectif étant d’atteindre le zéro défaut, autrement dit de diminuer les rébus. A cet effet, la direction a introduit la notion de client et de fournisseur au sein de l’entreprise.

57Chaque département devient tantôt fournisseur ou client par rapport à l’amont ou l’aval. Par exemple, le haut-fourneau est client de la cokerie et de l’agglomération, mais en même temps, il est fournisseur des aciéries, qui eux-mêmes sont clients des hauts-fourneaux et fournisseurs des lamineurs.

58Depuis 1989, la création de primes de progrès (liées aux performances des divisions de Cockerill Sambre) et de parts bénéficiaires (liées aux résultats de toute l’entreprise) a pour objectif de contribuer à développer la participation et la motivation du personnel.

59La prime de progrès est une prime trimestrielle, basée sur une série de critères établis au niveau des branches, des services, des directions fonctionnelles. Ces critères peuvent changer d’année en année en fonction des objectifs généraux de l’entreprise ou spécifiques des décisions. En 1990, il y avait 115 critères répartis dans l’ensemble de l’entreprise.

60Cette prime, distribuée à l’ensemble du personnel, est plafonnée à BEF 4.000. A ce jour, peu de divisions ont pu s’approcher de ce maximum. “Les résultats de la prime de progrès du premier trimestre91 ont été communiqués dans les différents secteurs. Résultat a épingler : la branche sidérurgique de Liège a obtenu la prime maximale, soit 4000 FB, pour avoir respecté intégralement le plan d’amélioration du prix de revient du coil a chaud” [15].

61A côté de la prime de progrès, la direction octroie des parts bénéficiaires variant avec les résultats de l’entreprise qui dépendent eux-mêmes de facteurs multiples. Cette prime peut atteindre plusieurs dizaines de milliers de francs les bonnes années. Elle pourrait être nulle si les résultats sont négatifs.

62Pour l’année 1991, cette prime s’est élevée à BEF 8.000 pour le personnel de Cockerill Sambre.

La politique de communication interne

63Début 1986, Cockerill Sambre confiait à un nouveau directeur de la Communication la responsabilité d’améliorer l’information du personnel et l’image de marque de l’entreprise. L’objectif était clairement défini : “A Cockerill Sambre, l’avenir de l’entreprise est notre premier intérêt commun. Nous savons tous qu’elle reste faible. Nous aimerions la voir plus costaude et plus sûre d’elle-même. Alors, parlons-en. Cockerill Sambre doit mieux connaître les préoccupations et le potentiel de son personnel. Et le personnel doit mieux connaître les difficultés et les besoins de Cockerill Sambre. Le rôle des « communicateurs » n’est pas de « dorer la pilule », il est de faciliter une communication efficace” [16].

64Le directeur de la Communication dépend directement de l’administrateur-délégué, Philippe Delaunois, signe de l’importance accordée à ce département par Cockerill Sambre.

65Le service est subdivisé en deux “antennes communication”, une à Liège et l’autre à Charleroi, avec plusieurs personnes qui assument des tâches internes et externes à l’entreprise.

66La direction de la Communication s’appuie sur un réseau de plus de dix délégués divisionnaires à la Communication, désignés par la hiérarchie parmi les membres du personnel des divisions. Ceux-ci ont pour tâche d’éditer les bulletins d’information pour le personnel des différentes unités de production.

67Cockerill Sambre dispose d’un important service d’information : plus de quinze supports écrits, une information téléphonique quotidienne sur répondeur, des cassettes vidéo, des messages sur bande lumineuse, etc.

68Le contenu de l’information écrite est à la fois économique (situation de Cockerill Sambre, évolution du secteur de la sidérurgie,…), social (les conventions, les salaires, la législation sociale,…), et culturel (activités culturelles et sportives de Cockerill Sambre, vie régionale,…).

69De l’information est par ailleurs disponible quotidiennement sur répondeur téléphonique : une ligne est ouverte à Bruxelles, tournée davantage vers l’extérieur (information sur le groupe et la sidérurgie en général), une ligne à Charleroi et deux à Liège (sidérurgie à chaud et à froid), destinées au personnel des bassins, aux médias et au grand public. À titre indicatif, le répondeur de Charleroi reçoit, d’après les études faites par la direction de la Communication, une moyenne de 200 appels par jour, dont les trois quarts émanent du personnel de Cockerill Sambre Charleroi.

70Dans sa politique de communication, Cockerill Sambre déploie des qualités d’ouverture, de dynamisme, d’aptitude au changement que doit avoir tout membre du personnel, qualités estimées indispensables pour le progrès de l’entreprise. Les nouvelles technologies, la polyvalence, la flexibilité ou encore la “qualité totale” impliquent responsabilité et motivation.

71De plus, la gestion “zéro stock” ou le “juste à temps”, sources d’économies, deviennent un facteur de plus grande vulnérabilité : “Les conséquences des remous sociaux sont beaucoup plus graves sur des outils modernes, qui tournent vite, que sur des vieux outils. Il est donc tout aussi impératif d’investir en technologie sociale qu’en technologie technique” souligne J.-M. Hinant, coordinateur du management participatif à Cockerill Sambre Liège.

72L’enjeu est de réhabiliter l’entreprise, en faisant davantage partager par le personnel les notions de concurrence, de compétitivité et de profit. Pour Jean-Marie Hinant, il faut relever ensemble le défi extérieur à l’entreprise : “Ceux qui veulent notre peau, ce ne sont pas les syndicats, pour les uns, ou les patrons pour les autres. Ce sont nos concurrents. De même, les clients qui commandent à l’entreprise”.

73Le nouveau système valorise l’esprit maison par l’émulation entre les cercles. Les noms de ceux-ci sont éloquents : Turbo, les Débrouillards, les Chariots de feu, les Inséparables, la Brigade de l’Espoir, les Castors, etc.

74Selon la direction de l’entreprise, le nouvel esprit Cockerill Sambre aurait une influence positive sur le climat social dans l’entreprise. Les journées perdues pour fait de grèves s’élèvent en 1990 à 2.400 à Liège et sont largement plus faibles à Charleroi (231 journées de grève) [17]

75Il est à noter que les journées de grèves et les jours d’absence injustifiés interviennent dans le calcul de la prime de fin d’année.

Les organisations syndicales et le management participatif

76La position syndicale à l’égard des nouveaux modes de gestion patronale et du management participatif en particulier, dépend, pour une part importante, de la situation de l’entreprise et du comportement de la direction patronale.

77Si cette dernière se sert des nouveaux modes de management pour tenter de marginaliser les représentants syndicaux et désamorcer les revendications, on peut s’attendre à une attitude d’opposition syndicale, la délégation radicalisant ses positions de principe. Si, par contre, les relations entre la direction et les organisations syndicales sont franches et correctes, s’il y a respect du rôle de chacun, la tendance sera alors d’adopter une attitude de partenariat. Entre ces deux positions, bien des attitudes sont encore possibles [18]

78La direction de Cockerill Sambre a très vite compris que la marginalisation des syndicats ne pouvait conduire qu’à l’échec des expériences de management participatif.

79Dans l’ensemble, elle s’en est tenue aux objectifs des cercles, même si la frontière entre leur mission et les prérogatives relevant des relations paritaires n’est pas toujours nette. Car la poursuite de la qualité totale, ce n’est pas seulement l’amélioration de la tôle d’acier produite, mais aussi la qualité de toute l’entreprise, de toutes les fonctions, la qualité de l’entretien, des conditions de travail, de la sécurité, de la formation, de l’assiduité au travail, etc.

80Sur un autre plan, si la direction de Cockerill Sambre ne rejette pas systématiquement la notion de conflit, elle s’efforce du moins de donner à la relation conflictuelle une autre dimension. Il s’agit en quelque sorte de transcender la culture d’opposition pour orienter l’agressivité des salariés sur des objectifs qui ne relèvent pas de la responsabilité directe de l’entreprise.

81Venons-en à l’attitude des organisations syndicales sur le terrain.

Eviter la marginalisation syndicale

82Au départ, les deux organisations syndicales FGTB et CSC, tant à Liège qu’à Charleroi, considéraient l’initiative patronale comme une sorte de “gadget”, voire un “feu de paille”.

83Au fil des années, au vu des résultats (la participation de 20 % du personnel aux cercles), il y eut prise de conscience de l’importance et de l’envergure du projet.

84Ainsi pour le secrétaire général de la Fédération liégeoise des métallurgistes FGTB, René Piron : “L’opération paraît de grande ampleur (…). Nous sommes devant un scénario très large, incluant une conception nouvelle de la gestion des entreprises. Cela risque d’avoir le même impact que le fameux Taylorisme qui, par la division extrême du travail, a conditionné tout le développement économique, mais aussi social de 3/4 de siècle” [19]·

85Cette prise de conscience des organisations syndicales et des délégations sur le terrain les ont placées devant un véritable dilemme. Leur non-participation aux cercles pouvait les mettre dans une situation inconfortable.

86Elles risquent de se voir coupées d’une série d’affiliés et de “certaines expériences vécues positivement par les travailleurs, comme une réponse à leurs aspirations désormais plus qualitatives” [20].

87Elles risquent ainsi de se voir écartées de certaines décisions élaborées et parfois prises dans les cercles sur des problèmes importants.

88Elles risquent enfin de ne pas pouvoir détecter et contrôler les “dérapages” dans les cercles si les délégations se sont exclues de la démarche. Les “dérapages” pourraient se concrétiser dans la discussion et la résolution dans les cercles de thèmes et problèmes qui relèvent normalement des organes paritaires légaux, tels par exemple, ceux relatifs à la sécurité.

89Les délégués syndicaux peuvent décider d’entrer dans des cercles pour “accompagner” les travailleurs de manière neutre, pour maintenir une surveillance, ou encore pour empêcher les dérapages. Mais dans ce cas, la direction patronale peut-elle se servir de la présence syndicale comme caution et approbation de sa démarche globale de management participatif20 ?

90Qu’en est-il aujourd’hui des positions des délégations syndicales à Cockerill Sambre ?

91Si, dans l’ensemble, l’approche de la CSC est plus ouverte et “positive” qu’à la FGTB, les situations sur le terrain sont beaucoup plus complexes, elles diffèrent selon les délégations, les positions personnelles ou encore les sections professionnelles.

92La seule chose qui semble rapprocher la CSC et la FGTB, c’est le fait qu’il n’y a pas de stratégie syndicale bien définie sur le terrain. Ainsi, les délégations CSC et CNE (employées) de Charleroi déclarent qu’elles ne sont “ni pour, ni contre l’entrée dans les cercles”. A Liège, la délégation ouvrière de la CSC confirme qu’elle a des membres des conseils d’entreprise et des comités de sécurité et d’hygiène qui participent à titre professionnel et personnel dans les cercles.

93La délégation ouvrière FGTB à Liège estime, dans la foulée du dernier congrès de la Centrale nationale des métallurgistes FGTB qu’il faut “participer pour contrôler”, mais les opinions divergent quant à l’investissement concret dans les cercles. Par exemple des délégués FGTB de Charleroi expriment leur peur d’entrer dans ce jeu et d’être débordés par un surcroît de travail, alors qu’il y a déjà tellement de problèmes à régler dans le travail syndical.

94Par contre, la délégation du SETCa à Liège laisse la liberté à ses délégués pour la participation et même l’animation de cercles.

95La délégation syndicale FGTB de Cockerill Mechanical Industries à Liège a pris en septembre 1990 la position probablement la plus radicale : “La délégation syndicale FGTB de CMI a pris position avec les travailleurs en assemblée générale pour ne pas collaborer dans ces cercles de qualité. La délégation FGTB met plus que jamais les travailleurs en garde contre toute approche de participation à ces méthodes, où la solidarité, force du monde du travail, est totalement bafouée… Contribuer à ces groupes de qualité totale, c’est collaborer avec le patronat pour son seul bénéfice non d’ailleurs redistribué”.

96Au-delà de ces approches différentes ou complémentaires, il est une préoccupation fondamentale partagée par les deux organisations syndicales : les cercles ne peuvent se substituer aux organes légaux dans l’entreprise, à savoir la délégation syndicale, le conseil d’entreprise et le comité de sécurité et d’hygiène, pour traiter des problèmes qui ressortent de la compétence de ces organes. A cet effet, il existe actuellement deux protocoles réglementant le fonctionnement des cercles.

97A Cockerill Mechanical Industries, une convention a été signée, en septembre 1990, entre la direction et la délégation syndicale CSC. Dans cette filiale de Cockerill Sambre existent, depuis l’arrivée de la nouvelle direction en 1988, des “groupes de progrès”.

98Estimant que ces “groupes imposent leurs solutions sans que les travailleurs aient leur mot à dire”, mais aussi “qu’une entreprise doit s’adapter à son environnement sous peine de risquer de disparaître et de ne plus avoir de rôle social dans la région”, le comité d’usine CSC de Cockerill Mechanical Industries a “accepté d’expérimenter le fonctionnement des cercles de qualité (groupes de progrès a CMI), au travers d’une convention qui limite et contrôle cette expérience. La CSC, grâce a la convention signée avec la direction, est en mesure d’éviter toute déviation du groupe de progrès et de stopper ce groupe si nécessaire” [21].

99Cette convention stipule, pour l’essentiel, que “l’examen des causes d’un sujet à traiter dans les groupes de progrès ne doit pas conduire à la culpabilisation des travailleurs (par exemple, écarter du personnel exécutant)”. Elle signale également que “la politique d’intéressement au progrès devra être négociée paritairement, avec vérification, par la délégation syndicale, des modalités d’application. Enfin, la direction et la délégation syndicale maintiendront un contact permanent pour prendre les actions correctives nécessaires en cas de déviations aux principes de la « qualité totale » et aux articles de la présente convention”.

100Dans le bassin de Charleroi, une convention a été signée le 24 mars 1990 entre la direction et les délégués ouvriers FGTB aux comités de sécurité et d’hygiène, dans le but de préciser les rapports et les interactions entre les comités de sécurité et d’hygiène et les cercles.

101La convention souligne l’efficacité de la méthode développée dans les cercles. Elle précise que le comité de sécurité et d’hygiène de secteur doit être informé systématiquement des sujets de sécurité abordés par les cercles, ainsi que des solutions et du suivi. Elle prévoit également que des problèmes de sécurité soient confiés par les comités de sécurité et d’hygiène aux cercles et, dans ce cas, elle autorise la participation de délégués de sécurité aux cercles, pour qu’ils soient informés des causes et des solutions possibles.

Les syndicats, “partenaires économiques”

102En élaborant à travers le management participatif une stratégie qui repose sur “l’identité d’entreprise” et qui intègre le sentiment d’appartenance des salariés à une communauté dont les intérêts ne sont plus perçus comme contradictoires mais communs, la direction de Cockerill Sambre attend que le syndicat joue le rôle de “partenaire économique”. Attente qui est rencontrée.

103Laissant progressivement de côté la lutte contre les fermetures d’outils et les pertes d’emplois ou encore la lutte pour la création systématique et automatique d’emplois de remplacement, les organisations syndicales de Cockerill Sambre tentent aujourd’hui de peser sur les décisions patronales de façon à contribuer en même temps à l’efficacité de l’outil et à une amélioration, en retour, des conditions de travail et de salaire. C’est dans cette optique que la Fédération des métallurgistes FGTB de Charleroi a présenté, il y a quelques années, un plan de viabilité économique du Train 3 (qui n’a pas été fermé).

104Ainsi, les deux organisations syndicales de Cockerill Sambre se situent aujourd’hui davantage dans la pratique d’un syndicalisme de concertation, de proposition ou encore de co-responsabilité. Ce type de syndicalisme implique le respect de la paix sociale.

105Les conclusions et décisions des deux journées d’étude des métallurgistes CSC de Liège traduisent cet état d’esprit.

106

L’avenir de notre syndicalisme, sa crédibilité, sa capacité à être inventeur d’avenir, à peser sur les transformations pour leur donner un sens, se joue en partie dans l’entreprise.
C’est le lieu privilégié pour développer notre politique syndicale.
De plus, dans la société d’aujourd’hui, l’entreprise connaît une réhabilitation extraordinaire. C’est là que se crée l’emploi et la richesse. Elle est reconnue comme un lieu déterminant pour l’avenir de la société, car c’est à partir d’elle que se reconstruit la force économique d’un secteur, d’une localité ou d’une région.
C’est à partir d’elle, qu’elle soit privée ou publique, qu’elle produise des biens ou des services, qu’elle joue l’évolution de l’emploi et du chômage.
C’est dans l’entreprise que se construisent ou non des rapports sociaux qui donnent aux différents acteurs et aux travailleurs toute leur place.
Nous devons refuser une vision qui ne verrait que l’entreprise. Notre action syndicale est plus ambitieuse, plus large.
Nous voulons mettre l’accent sur notre volonté de construire un syndicalisme de transformations économique, sociale et culturelle, un syndicalisme de propositions.
La mondialisation de l’économie, les évolutions dans le comportement des travailleurs, la nécessité pour le chef d’entreprise de mieux prendre en compte les facteurs humains, l’utilisation des nouvelles technologies, l’importance de la qualité des produits ou des services, la nécessité d’une plus grande adaptabilité des systèmes de production ou de service et bien évidemment la pression syndicale obligent les chefs d’entreprises à modifier leur type de management.
Bien sûr, le management participatif peut porter en lui d’autres formes d’aliénation (identification totale du travailleur à son travail… corporatisme d’une entreprise, par exemple).
Il peut aussi conduire à marginaliser complètement le syndicalisme. Ce ne sont pourtant pas, nous semble-t-il, des éléments suffisants pour se voiler la face et se contenter d’une opposition globale à la mise en œuvre de ce type de gestion en laissant l’initiative aux seuls chefs d’entreprises.
Nous aussi nous voulons des entreprises participatives.
Le changement du travail et de l’entreprise constitue un réel défi pour le syndicalisme.
Etre acteur pour des entreprises participatives.
Ce n’est pas par des attitudes frileuses que l’on crée le mouvement et les évolutions. S’opposer par principe aux formes de gestion participative développées par certains chefs d’entreprises sans saisir les opportunités qu’elles peuvent constituer pour le syndicalisme et sans formuler nos propres exigences et nos propres paramètres, risque de ressembler à certaines oppositions de principe que nous avons connues, par exemple, le débat sur le travail à mi-temps, pour lequel nous étions syndicalement contre, mais qui s’est réalisé quand même sans nous.
Ce qui est essentiel, c’est de se battre pour que le syndicalisme soit reconnu et admis dans sa fonction d’expression, d’action, de proposition, de négociation, de garant du respect des règles du jeu (respect des lois et des accords), dans sa fonction d’animateur des travailleurs, dans sa fonction de force autonome indispensable pour éviter l’arbitraire et accroître l’efficacité des entreprises.
L’enjeu, ou plus exactement les enjeux, sont à ce niveau.
Nous devons aussi montrer en quoi le management participatif qui viserait à écarter ou neutraliser la fonction syndicale peut conduire au corporatisme d’entreprise qui est loin d’être facteur d’efficacité.
Nous avons donc à réfléchir sur notre responsabilité pour construire des entreprises plus participatives. C’est-à-dire des entreprises où serait reconnue la fonction essentielle des acteurs pour négocier, veiller aux règles du jeu, élargir la réflexion aux problèmes de la société. Maintenir la vigilance, ne pas faire n’importe quoi, et accepter n’importe quoi.
On ne peut habiller tout le monde avec le même costume, mais le tissu doit être le même.
Le travail de réflexion se poursuit. Il ne convient pas de croire qu’il s’agit de débats théoriques. Il est important de débattre de ces questions, car elles sont au cœur des problèmes que rencontrent les équipes syndicales dans les entreprises qu’elles soient publiques ou privées. Au cœur aussi d’un débat d’avenir, et un débat permanent.
Le changement du travail et de l’entreprise constitue un terrain concret et important de mise en œuvre de notre stratégie d’adaptation syndicale à l’entreprise d’aujourd’hui et de demain” [22].

107Investir le champ économique pose également pour les organisations syndicales le débat déjà ancien de la démocratisation de l’entreprise. Or, n’est-on pas aujourd’hui comme hier en pleine “illusion décisionnelle” ? “On donne aux travailleurs l’impression qu’ils ont leur mot à dire”, souligne un délégué FGTB de Cockerill Sambre Liège. “En réalité, ils n’ont pas le pouvoir de décision, ni la possibilité de faire avancer les choses qu’ils considèrent comme importantes. On demande notre avis sur une série de choses, alors que les grandes orientations et décisions sont prises ailleurs”. C’est probablement une des causes de l’essoufflement actuel des cercles à Cockerill Sambre.

108René Piron, secrétaire général des Métallurgistes FGTB de Liège reconnaît que “les développements de plus en plus internationaux du capitalisme permettent à celui-ci de se soustraire à un contrôle social ou politique(…). Devant cette pratique globalisante du patronat, il nous paraît que la réponse syndicale doit, elle aussi, se présenter comme une alternative globale portant sur la dynamique de l’entreprise, mais, au-delà sur celle de la Région, du secteur, de l’interprofessionnelle” [23].

Un défi pour les acteurs syndicaux

109Confrontées depuis six ans au management participatif, les délégations syndicales de Cockerill Sambre formulent une série de réflexions et avancent des propositions tant sur le travail à l’intérieur des cercles que sur le fonctionnement syndical.

110La convention passée entre la direction de Cockerill Sambre et les délégués des comités de sécurité et d’hygiène dans le bassin de Charleroi en est un exemple.

111D’autres perspectives d’intervention dans les cercles ou en liaison avec eux plus offensives sont évoquées : la revendication d’un contrôle portant sur le produit, les horaires et les conditions de travail, la sécurité, l’emploi ou encore la politique industrielle de l’entreprise.

112Elles peuvent mettre à jour d’autres problèmes, tels que le stress lié à l’augmentation de la productivité ou les mécanismes de démocratie apparente qu’induit le fonctionnement du management participatif.

113Mais une telle démarche ne s’improvise pas. Elle requiert une formation des délégués et des militants syndicaux, une perception précise de la philosophie patronale qui sous-tend le management participatif et la mise en œuvre d’une alternative.

114Se pose alors le problème de la disponibilité syndicale ; bon nombre de délégués sont réticents à s’investir dans ce type de travail, alors que, selon eux, il y a déjà tellement de problèmes à régler dans le travail syndical.

115Plus fondamentalement, la “nouvelle culture d’entreprise”, interpelle les délégations syndicales. La politique patronale d’information et de communication a ébranlé l’ancien monopole syndical sur l’information des travailleurs.

116La politique induite par le management participatif se traduit également par une mise en mouvement de salariés mieux informes, plus conscients de leurs capacités, mesurant mieux les contraintes économiques et techniques.

117Les niveaux de compétences ont également changé. Il faut pratiquement un diplôme d’A2 pour entrer aujourd’hui à Cockerill Sambre. Les mentalités changent vite. Les travailleurs sont culturellement beaucoup plus perméables aux informations véhiculées par la hiérarchie.

118Certains affiliés se veulent plus critiques par rapport à leurs organisations syndicales. “On s’en rend bien compte” constate un délégué “même si nous ne faisons pas toujours le lien avec les cercles de qualité. Avant, sur le train-laminoir par exemple, il nous suffisait de siffler un coup et tout le monde arrêtait. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les comportements changent, les travailleurs posent plus de questions, pas seulement sur l’emploi et les salaires, mais aussi sur la gestion financière de l’entreprise, les investissements, l’affectation des résultats, des bénéfices, etc. On se rend compte qu’il faut donner une solide formation aux délégués et aux militants”.

119Les exigences revendicatives nouvelles portant sur la maîtrise de l’univers du travail et les conditions de salaire et d’emploi, et le nombre de salariés mieux à même d’évaluer les transformations possibles de la situation dans laquelle ils évoluent, ne renvoient pas seulement à une information syndicale de qualité et plus fournie. Ils peuvent donner une nouvelle dimension au contrôle de l’activité industrielle et la pratique syndicale. Ainsi, les délégations SETCa et CNE à Cockerill Sambre Liège ont signé avec la direction une convention sur l’emploi et la formation leur permettant d’exercer un droit de regard sur l’embauche d’intérimaires, sur le travail des régies et des firmes extérieures et sur les programmes de formation.

120A Charleroi, les délégués et affiliés FGTB sont invités par leur organisation syndicale à mieux centraliser les informations au niveau de chaque division.

121A la division de Jemeppe-Kessales, à Liège, délégués et affiliés FGTB essayent de prévenir les “dérapages” possibles dans les cercles et de contrôler la fiabilité des informations patronales. Ainsi, des affiliés qui participent aux cercles informent systématiquement les délégués syndicaux. De même, des militants de différents secteurs échangent les informations et font des propositions concrètes à leurs délégués siégeant au conseil d’entreprise et au comité de sécurité et d’hygiène.

122Cette pratique ne peut certes pas faire l’économie des assemblées syndicales dans l’entreprise. C’est d’ailleurs une réelle aspiration chez les salariés. L’enquête réalisée par la CSC Métal-Charleroi auprès de ses affiliés en est un indice : 86,5 % de ceux-ci pensent qu’il n’y a pas assez d’assemblées.

123A l’instar de l’attitude par rapport aux cercles de progrès et de qualité, ces remises en question et initiatives syndicales ne relèvent pas d’abord d’une politique syndicale d’ensemble, mais de personnalités ou de délégations de secteurs.

124Les organisations syndicales dans leur stratégie générale ont tendance à privilégier la concertation, acceptant l’environnement contraignant de la concurrence économique et à prôner le “réalisme” syndical. Les restructurations opérées sans licenciement effectif et les résultats financiers et économiques des trois dernières années de Cockerill Sambre ne sont sans doute pas étrangers à cette attitude syndicale.

125Mais ce pragmatisme syndical ne sous-tend-il pas un certain désarroi stratégique des organisations syndicales qui dépasse la question des cercles ?

126Significative à cet égard, la réflexion d’un délégué FGTB : “Face aux restructurations permanentes, nous sommes assez désarçonnés. C’est très difficile de défendre la petite ligne sur le secteur, la non fermeture de tel ou tel engin, sans vision plus générale. On ne peut répondre syndicalement à des problèmes locaux quand la stratégie patronale se dessine au niveau européen. Quand la direction décide de fermer un outil, on se met à table pour discuter le social, les reclassements, les prépensions. Nous sommes désarmés pour aller plus loin, car, à la différence de l’organisation patronale, nous manquons de relais, de concertation au niveau des deux bassins, de la Wallonie, de la Belgique et a fortiori au niveau syndical européen. On peut être unis sur les grands thèmes, mais dès qu’on aborde les problèmes de restructuration, c’est un peu le chacun pour soi : si on ferme chez toi, c’est une bonne affaire pour moi… même si on ne le dit pas ouvertement”.

3 – Caterpillar

127Le groupe américain Caterpillar est le premier producteur mondial de machines de terrassement et d’équipement pour le secteur de la construction.

128Caterpillar dispose de quinze centres de production aux États-Unis, deux au Brésil, au Canada et en France, un en Australie, en Indonésie, au Mexique, en Grande-Bretagne et en Belgique (Gosselies). Cette dernière filiale, qui occupe quelque 5.000 personnes, est la plus importante en dehors des États-Unis. Elle produit des chargeuses sur roues, des pelles hydrauliques, ainsi que des moteurs diesel et des composants hydrauliques.

129Caterpillar est en concurrence directe avec le producteur japonais Komatsu. D’autres producteurs sont également actifs dans ce secteur : Fiat-Hitachi, VME-Kobelco,… Komatsu dispose d’une filiale commune avec la société américaine Dresser Industries. De son côté, Caterpillar a constitué une société avec Mitsubishi au Japon. Caterpillar fait également jouer la concurrence entre ses filiales n’hésitant pas à éliminer les produits là où ils ne sont pas suffisamment rentables.

130En 1974, la direction générale de Caterpillar publiait à l’intention du personnel de l’ensemble des sièges “un code de conduite des affaires internationales et principes d’action”. On y trouvait déjà l’objectif suivant : “Traiter notre personnel de manière équitable et promouvoir la participation en vue d’améliorer les méthodes de travail et les résultats individuels comme ceux de l’entreprise dans son ensemble, améliorer de façon constante la qualité et la réduction des coûts, rehausser notre réputation de qualité…”.

Un nouveau mode d’organisation

131En 1981, le président de Caterpillar, M. Gilmore, déclarait : “Nous avons besoin de plus d’innovations, de nouvelles idées dans la société qui pourront nous rendre plus productifs, plus efficaces au niveau des coûts. La meilleure source d’idées, quel que soit le secteur d’activités, est bien sûr la personne qui réalise le travail. Il ou elle, mieux que personne, sait ce qui peut être réalisé”.

132Richard Gandibleux, qui fut plusieurs années directeur-général de Caterpillar-Gosselies (et aujourd’hui président de Fabrimétal), a plaidé pour la réhabilitation du profit : “Celui-ci reste notre objectif, car il est indispensable pour assurer la continuité de l’entreprise afin de financer la recherche, l’investissement et ensuite la production, donc l’emploi, donc aussi la prospérité de la population…” [24] et pour un large consensus entre pouvoirs publics, organisations patronales et syndicales pour résoudre les problèmes économiques auxquels sont confrontées les entreprises. Ce consensus doit également se vivre au sein de l’entreprise : “L’heure de la lutte des classes est passée. L’affrontement entre syndicats et patronat n’a plus aucun sens quand la prospérité disparaît, pas plus que les affrontements politiques. Nous sommes tous dans la même galère et la galère est en danger. Ce n’est pas le moment ni des déchirements, ni des reproches. C’est le temps du consensus au sein des entreprises et aussi de la Région, de la convergence dans l’effort, de la participation sincère de chacun au sauvetage de tous, de l’écoute des autres” [25].

133Cette réhabilitation de l’entreprise et du profit de même que le plaidoyer pour le consensus social ne vont pas sans une autre conception de la gestion du personnel : “Je n’entends pas mettre en cause le pouvoir de décision, mais il faut l’ouverture sociale, le style participatif de direction. Il faut libérer l’intelligence, accueillir les idées, favoriser l’épanouissement par la créativité, ce qui doit permettre de transformer l’entreprise en société des hommes et des femmes d’aujourd’hui pour que se poursuive demain pour eux et par eux l’aventure du progrès” [26].

134Un important programme de modernisation est lancé par le groupe au début des années 1980.

135En 1981, une nouvelle génération de machines fut intégrée à Caterpillar-Gosselies, avec entre autres les complexes Heller et Pegard. Depuis, le renouvellement technologique a entraîné d’importants investissements. En 1985, la direction de Gosselies annonçait un plan d’investissement de BEF 7,5 milliards. Des équipements de plus en plus sophistiqués ont été introduits. Le transport des pièces a été automatisé et des cellules de travail polyvalentes ont été mises en place.

136En 1988, le groupe lançait un nouveau programme de modernisation, intitulé “Plant with a future” ou “L’usine de l’an 2000”. Ce programme, étalé jusque fin 1991, avait pour objectif l’abaissement des frais de production de 15 à 20 %. Grâce à ces mesures, combinées aux précédentes, les frais de personnel ont connu une baisse importante par rapport au chiffre d’affaires : ils sont passés de 39,5 % en 1983 à 25,8 % en 1988 [27].

137En 1989, on plaçait à Gosselies une nouvelle ligne de production de moteurs diesel, entièrement automatisée, qui, à peine installée, était mise à l’arrêt pour plusieurs mois, la complexité et la sophistication de ces chaînes automatisées les rendant vulnérables. On annonça fin 1989 qu’il faudrait des investissements supérieurs à BEF 15 milliards pour réaliser “l’usine de l’an 2000”.

Les “marguerites”

138L’objectif des “marguerites” est double : mettre en place une organisation fonctionnelle dans le but de réduire les coûts et les délais et favoriser la responsabilité du personnel.

139Ce mode d’organisation du travail mis en œuvre en 1982 à Caterpillar-Gosselies, prévoit la constitution de petites entités au sein de l’entreprise, disposant des services essentiels à leur fonctionnement.

140L’entreprise “éclate” en quatorze “marguerites”, entités censées se comporter comme des PME dont la finalité s’organise autour d’un produit, d’une famille de produits similaires ou encore d’une technologie particulière. Concrètement, des cadres du service technique, de l’approvisionnement, des finances, etc., impliqués dans le travail réalisé par un secteur particulier de fabrication sont regroupés dans un même bureau au sein du département de fabrication. C’est ce qu’on appelle une structure décentralisée.

141La structure générale de l’entreprise n’a pas changé. Une structure hiérarchique (directeurs de départements et chefs de divisions restant toujours groupés dans le bâtiment administratif, autour du directeur-général) et une structure horizontale (comportant sept départements, personnel, bureau d’études, production, etc.) sont maintenues. On a simplement déplacé physiquement une série de personnes appartenant aux différents départements de fabrication.

142Dans cette optique, les outils d’information, de communication et de formation, sont orientés de manière à améliorer l’aptitude professionnelle et à faciliter l’adhésion aux objectifs de l’entreprise.

143La phase d’information liée aux marguerites se traduit par une réunion mensuelle au cours de laquelle le chef de section présente à ses ouvriers des informations sur les résultats du mois, les résultats cumulés depuis le début de l’année, l’absentéisme, la sécurité, le rendement de la section,…

144Elle complète l’information du personnel au moyen du journal mensuel Le Godet, de “lettres d’informations” aux chefs de section, du “management meeting” et de réunions annuelles.

145Caterpillar préfère embaucher du personnel jeune dont la formation reçue dans les écoles techniques de la région est complétée par un apprentissage interne, qui peut prendre de deux à vingt-quatre mois. L’entreprise met l’accent sur les possibilités d’ascension sociale à travers la formation, les promotions se faisant à l’intérieur de l’entreprise.

146Les “cercles de participation” sont définis par la direction de Caterpillar-Gosselies, non pas comme des cercles de qualité, mais plutôt comme une “formule d’aménagement” liée aux marguerites. Toute section de l’entreprise est en fait considérée comme un cercle de participation, celui-ci étant un groupe permanent composé du chef, de ses ouvriers et de ses employés. Le chef de section en est l’animateur. Il prend appui sur la réunion mensuelle et le tableau traçant les priorités pour travailler avec de petits groupes sur les objectifs à améliorer [28].

147La revalorisation des ateliers opérée au travers des “cercles de participation” s’est accompagnée d’une politique d’extériorisation par la sous-traitance. Par ailleurs, les unités de production internes ou externes (sous-traitantes) sont tenues de s’aligner (en temps et qualité) sur les commandes de l’aval. Ces unités de production sont tributaires d’une politique d’emploi et d’une politique commerciale qui restent largement centralisées.

La mise en place du management participatif

148Une plus grande implication du personnel est devenue, ces dernières années, une nécessité pour la direction de Caterpillar-Gosselies, en relation avec le contexte concurrentiel international, où le groupe est surtout confronté aux Japonais.

149L’objectif de la “qualité totale” est adopté : plus d’un milliard de francs serait consacré chaque année au “retravail” des pièces. A l’instar de ce qui se passe aux États-Unis, où les entreprises du groupe Caterpillar fonctionnent sur le modèle japonais de participation des travailleurs, la direction de Caterpillar-Gosselies mesure l’importance d’une plus grande implication des travailleurs et des organisations syndicales.

150La mise en place des nouvelles technologies et la rentabilisation des investissements importants qui ont été réalisés à Gosselies nécessitent, pour la direction, une plus grande adhésion du personnel aux objectifs de l’entreprise.

151La gestion “zéro stock”, “zéro défaut”, “zéro délai”, source d’économies, peut devenir un facteur de vulnérabilité préjudiciable en cas de grève. Les stocks à chaque niveau de production ont été, à Gosselies, ramenés de vingt à deux jours. Un manque de motivation ou un arrêt de travail peuvent avoir des effets immédiats.

152La direction de Caterpillar-Gosselies a organisé une série de voyages aux États-Unis, avec des personnalités des milieux politiques et syndicaux, pour leur faire découvrir le fonctionnement du management participatif dans les usines américaines du groupe.

153En 1989, des permanents syndicaux nationaux et régionaux (Charleroi) étaient du voyage. Puis, ce fut au tour de délégués syndicaux FGTB et CSC de l’entreprise, dont le président (FGTB) de la délégation. Cette initiative prise malgré la volonté majoritaire de la délégation FGTB, a d’ailleurs créé un profond malaise parmi les militants et les affiliés de l’entreprise.

154Aux États-Unis, Caterpillar a instauré un système de participation appelé “processus de satisfaction du personnel”. A l’issue des négociations conclues en 1983, Caterpillar et l’UAW (le syndicat de l’automobile) décidaient de former un comité conjoint pour l’installation du processus de satisfaction du personnel. Les principes du processus de satisfaction du personnel étaient approuvés par le comité directeur de Peoria (maison-mère de Caterpillar) le 5 janvier 1988. Le système est basé sur la création de “groupes de travail”, une variante des cercles de qualité.

155Aux États-Unis, ces “groupes de travail” sont composés de six à douze ouvriers volontaires. Ils se réunissent une heure par semaine, pendant les heures de travail. Ils sont autogérés : ils choisissent parmi les membres un leader et un rapporteur et sont responsables de leurs activités. Ils élaborent leur propre agenda. Cependant, des représentants syndicaux, des directeurs, des coordinateurs peuvent intervenir dans l’ordre du jour de leurs réunions. En dernier lieu, c’est la direction qui a la responsabilité de prendre les décisions relatives à la conduite des affaires.

156Le syndicat local et la direction collaborent aux différentes étapes du processus. Cette structure de participation aux États-Unis se compose de trois étages.

157Il y a “le groupe de travail” qui est chapeauté par “un comité directeur” local constitué du président du syndicat local, du président de la commission paritaire, du directeur de la filiale et du directeur du personnel. Une des principales responsabilités du comité directeur dans sa tâche de coordination est de vérifier les progrès réalisés. Au sommet se trouve le “comité de politique”, coprésidé par le vice-président de l’UAW (le syndicat de l’automobile), dont la mission est d’établir la politique et donner une direction générale aux activités processus de satisfaction du personnel. C’est également lui qui résout tout conflit entre le processus de satisfaction du personnel, la procédure de recours ou les conventions collectives.

158En souscrivant totalement au concept de la participation du personnel, Caterpillar ne cache pas ses intentions : “Nous voulons que cette participation soit la pierre angulaire de notre philosophie de management” déclare son président Pete Donis.

159Le document “Principes du processus de participation” a le mérite de clarifier les choses : “Par leur participation à la résolution des problèmes, les membres du personnel développent un sentiment d’appartenance, car ils ont contribué au processus de développement. L’aspect le plus positif de ce processus n’est pas nécessairement de trouver une solution aux problèmes posés, mais bien d’arriver à des résultats plus difficiles à mesurer, à savoir : de meilleures relations de travail, un sentiment d’appartenance, une ambiance de coopération et de collaboration”.

160Dans ce même document, la direction internationale de Caterpillar reconnaît qu’elle “n’a pas agi suffisamment vite pour changer le style de management et le rendre plus participatif”. Elle s’est abstenue de donner des directives sur la façon et la forme que devait revêtir le processus dans chacune des filiales. “Qu’il n’y ait cependant aucune confusion” s’empresse-t-elle d’ajouter, “Caterpillar souscrit totalement au concept de la participation du personnel et le soutient”. D’ailleurs ce documentreflète la volonté de notre société d’étendre les possibilités pour son personnel de diriger et d’être dirigé de façon participative”.

161Suite aux multiples voyages organisés vers les États-Unis, la direction de Gosselies a fait part aux organisations syndicales locales de propositions concrètes, calquées sur le modèle américain. La structure à trois étages : “les groupes de travail”, “le comité permanent”, (avec les représentants syndicaux) et “le comité d’orientation” (avec les secrétaires régionaux des syndicats de la métallurgie) se retrouve dans ces propositions.

Réponse syndicale

162En dehors des résolutions de congrès syndicaux, il existe peu de déclarations et prises de positions syndicales écrites ayant trait aux expériences sur le terrain.

163La Fédération des métallurgistes FGTB de Charleroi a le mérite d’avoir rédigé une “déclaration politique” qui clarifie sa position concernant les projets de management participatif.

164La CMB-Charleroi se déclare d’abord consciente du caractère inévitable de ce changement organisationnel : “On ne se trompe pas lorsqu’on affirme qu’après le changement technologique, c’est au tour du changement de l’organisation à devenir une priorité dans les objectifs permanents de Caterpillar, et plus spécialement au travers de l’exploitation des ressources humaines et du perfectionnement de son système de communications (…). Il s’agit d’une mutation importante dont les effets directs et indirects sont multiples et fondamentaux (…). Les conditions de travail en seront affectées, de même que les relations collectives de travail nouées au travers de la délégation syndicale, du conseil d’entreprise et du comité de sécurité et d’hygiène”. “Pas d’immobilisme, pas de politique de l’autruche”, souligne-t-on chez les métallurgistes FGTB, “On s’informe, on informe, on se forme, on étudie avant de se prononcer dans un sens ou dans l’autre”.

165La “déclaration politique” de la CMB-Charleroi met ensuite l’accent sur le “non dit” du projet patronal. “Les objectifs et les méthodes présentés par la direction concernant la nouvelle structure ne font pas apparaître clairement d’autres objectifs et effets qui accompagnent généralement les systèmes tels que le processus de satisfaction du personnel”.

166Et d’insister sur le fait que le processus de satisfaction du personnel établit dans l’entreprise “un second réseau de communication, parallèle au système existant, avec des ouvriers utilisés comme relais pour exercer des pressions et agir dans le sens souhaité, à partir du groupe de travail”. Ces groupes de travail peuvent selon la CMB-Métal “devenir des pépinières pour la promotion professionnelle”.

167Il y a aussi les effets directs et indirects sur l’emploi des ouvriers, des employés, des techniciens, des cadres inférieurs et moyens : “Par leur action, les groupes de travail contribuent inévitablement à l’économie de main-d’œuvre”.

168La Fédération des métallurgistes FGTB reconnaît également que “la structure processus de satisfaction du personnel devient aussi la promotrice d’une culture d’entreprise visant à identifier le travailleur à l’entreprise et à renforcer les solidarités de type vertical (…). De même, l’implication plus directe de la fédération syndicale, par sa présence au comité d’orientation, crée une situation nouvelle”.

169Face au “non dit”, la CMB-Métal de Charleroi met l’accent sur la nécessaire adaptation du système américain au système belge des relations collectives. Pour ce faire, la FGTB propose quatre types de mesures :

  • valorisation maximale des rôles de la délégation syndicale, du conseil d’entreprise et du conseil de sécurité et d’hygiène, et cela dans deux directions : d’une part, par l’application effective des dispositions légales et conventionnelles. L’accent est mis d’abord sur l’information et la consultation au stade des projets, ainsi que sur la liberté d’information des travailleurs par les délégués. D’autre part, la négociation avant décision doit être systématisée ;
  • formation syndicale sur le processus de satisfaction du personnel : l’information des délégués de la délégation syndicale, conseil d’entreprise et conseil de sécurité et d’hygiène est nécessaire, car “sans adhésion consciente et solide des travailleurs et de leurs représentants, c’est l’échec” ;
  • clause de nullité du processus de satisfaction du personnel ou d’arrêt ponctuel : cette clause devrait s’appliquer “dés l’irrespect des rôles conférés à la délégation syndicale, au conseil d’entreprise et au conseil de sécurité et d’hygiène”. Son objectif est de “donner une crédibilité suffisante aux garanties sociales énoncées” ;
  • négociation sur les alternatives : “les expériences ne peuvent se faire qu’avec l’accord des parties intéressées” et en “établissant un équilibre entre les objectifs économiques, techniques et sociaux (autonomie des travailleurs et des délégués syndicaux, libertés collectives et syndicales, expression collective des travailleurs, amélioration des conditions de travail, du contenu du travail, des conditions de vie)”.

170La CMB-Métal soulève également la question des “contreparties financières, plus particulièrement celles liées aux inventions d’origine individuelle et collective”.

171Le document syndical se termine sur une déclaration de principe : “Face à la culture d’entreprise que de nouveaux « croisés » veulent nous imposer en déifiant le siège d’exploitation et de domination que reste l’entreprise, où la recherche du pouvoir et du profit prévaut sur les autres objectifs, construisons chaque jour, renforçons à chaque heure la culture ouvrière basée sur le développement de la solidarité des travailleurs, des libertés égalitaires, de la démocratie dans l’entreprise et au-delà”.

172Une partie de la délégation FGTB de l’entreprise s’est opposée au management participatif. Pour ces délégués et ces militants syndicaux, le principal danger du processus de satisfaction du personnel porte sur le fonctionnement de la délégation syndicale. Danger soulevé d’ailleurs par la Fédération des métallurgistes FGTB dans sa “déclaration politique”, quand elle parle du “respect de l’autonomie syndicale” ou encore, quand elle met l’accent sur la situation nouvelle créée par “l’implication plus directe de la fédération syndicale, par sa présence au comité d’orientation”.

173Ces délégués, militants et affiliés opposés au management participatif, estiment qu’en impliquant de manière aussi étroite les fédérations et les délégations syndicales dans la gestion de l’entreprise (“groupes de travail”, “comité permanent” et comité d’orientation”), la direction de Caterpillar-Gosselies cherche à en faire des courroies de transmission des objectifs stratégiques de la société.

174Prenons un exemple simple”, commente un des délégués opposés au processus de satisfaction du personnel, “un travailleur de l’usine est menacé de licenciement pour une question d’absentéisme. Toute une procédure de défense est prévue pour éviter ce licenciement, mais cela suppose une démarche énergique et tenace de la part du délégué de section. Comment ce délégué pourrait-il entamer cette procédure avec la pugnacité requise si, en même temps, il participe aux « groupes de travail processus de satisfaction du personnel » ou dans les autres organes liés à celui-ci, partageant ainsi les mêmes responsabilités que la direction dans l’élaboration et la mise en œuvre du « processus de satisfaction du personnel »” ?

175Par ailleurs, l’introduction du management participatif et d’un bon climat dans l’entreprise peut-elle aller de pair avec la perspective d’importantes restructurations et pertes d’emploi ou encore avec une combativité syndicale soutenue ? C’est la question qui est posée aujourd’hui à Caterpillar.

176M. Wester, actuel président-directeur général, annonçait en 1990 son intention de licencier 650 personnes. L’accord conclu fin 1990 prévoit la prépension à 52 ans, la limitation des contrats à durée déterminée, ainsi que la possibilité de licenciement économique avec une prime de BEF 10.000 pendant douze à quinze mois suivant l’ancienneté.

177Au conseil d’entreprise du 11 octobre 1991, la direction annonça une nouvelle restructuration de l’entreprise qui devrait toucher dès 1992 plusieurs centaines d’emplois (plus de 600).

178Sans doute peut-on rappeler une déclaration de R. Gandibleux [29] qui énonçait le rapport entre la crise et les relations industrielles en ces termes : “quand la prospérité disparaît ; il ne peut être question d’affrontement, ni de mise en cause du pouvoir de décision de la direction, mais de consensus, notamment avec les délégations syndicales”.

179Face à une combativité soutenue dans l’entreprise, la direction a été régulièrement placée devant tantôt la nécessité d’en appeler à la créativité, la responsabilité et la participation des ouvriers pour réussir “l’usine de l’an 2000”, tantôt la mise au pas, voire le licenciement de militants syndicaux.

4 – Les organisations syndicales et le management participatif

180Les positions syndicales concernant le management participatif varient d’une entreprise à l’autre, en fonction de la personnalité des acteurs syndicaux. Cependant, de la “neutralité positive”, on est passé dans beaucoup d’entreprises à une présence effective dans les cercles.

181Est éclairante à cet égard l’enquête réalisée au cours du deuxième trimestre 1990 par l’asbl PRACQ en collaboration avec la Banque nationale de Belgique [30].

182Cette enquête a été réalisée auprès de 1.400 entreprises dans tous les secteurs économiques (à l’exclusion de l’enseignement, des principaux services publics et des indépendants). A la question : “Quelles sont, par ordre d’importance, les difficultés dans la mise en œuvre du management participatif ?”, les réponses données par près de 600 entreprises mentionnaient principalement “le temps nécessaire à cette mise en œuvre(51 %) et commedifficulté marginale, l’attitude des syndicats” (2 %).

183Toutefois les organisations syndicales n’accordent pas un blanc-seing au management participatif.

184Nous nous limiterons aux positions des centrales ouvrières dans la métallurgie et aux résolutions de congrès des deux organisations nationales, FGTB et CSC.

Les centrales professionnelles

185

Tentant d’accréditer l’idée d’une communauté d’intérêts entre patrons et travailleurs, il rêve de faire de ceux-ci des demandeurs en matière de flexibilité qui rivaliseraient entre eux afin de gagner en productivité. Avant toute chose, le congrès constate que le management participatif ne modifie en rien les données fondamentales du système économique qui est le nôtre. L’entreprise restera toujours ce même lieu d’exploitation où les travailleurs continuent à être exclus des véritables choix économiques et stratégiques” [31].

186La position de la Centrale nationale des métallurgistes FGTB, à l’occasion de son congrès des 30 et 31 mars 1990, s’articule sur quatre axes :

  • le congrès “réaffirme que l’organisation est et reste le lieu idéal où les travailleurs s’expriment et sont entendus” ;
  • le congrès “conditionne toute introduction des formes participatives les moins agressives (cercles de qualité, de progrès), à la conclusion d’une convention devant être approuvée par l’ensemble des organisations syndicales présentes dans l’entreprise”. Cette convention doit préciser en toute clarté les objectifs, les missions et les méthodes de ces lieux “dits de participation”. Elle stipulera que les représentants syndicaux dans l’entreprise devront siéger de droit dans ces organes pour informer l’ensemble des travailleurs de ce qui s’y passe et mettre en garde les travailleurs qui y participent sur les implications des propositions avancées. Cette convention devra impérativement prévoir le renvoi automatique devant les instances ad hoc (le conseil de sécurité et d’hygiène, le comité d’entreprise et la délégation syndicale) de toutes questions qui sont du ressort de celles-ci. Le rôle de premier plan des représentants syndicaux dans l’entreprise est également souligné. “Il leur faut combattre tout développement d’une culture d’entreprise et y substituer une culture sociale faite de solidarité” ;
  • le congrès est pour une “réponse conflictuelle au management participatif : il s’oppose à une approche étriquée de la qualité et préconise la recherche d’une qualité vraiment totale englobant conditions de travail, protection de l’environnement, emploi, formation, santé, sécurité et hygiène, affectation des résultats ainsi que les investissements” ;
  • enfin, le congrès “réaffirme l’importance du contrôle ouvrier compris comme un contrôle total en réponse au management participatif”. Pour ce faire, il met en particulier l’accent sur la formation syndicale.

187La Centrale chrétienne des métallurgistes de Belgique voit aussi “se développer à côté des conseils d’entreprise, des comités et de la délégation syndicale, un circuit parallèle de concertation, généralement basé sur une concertation directe, briefing systématique par l’employeur et/ou les cadres et enfin l’introduction de « managers sociaux » qui essaient d’entretenir des contacts directs et réguliers avec les travailleurs (individuellement, collectivement, via des tracts, petits journaux,…).(…) Que tous ces phénomènes risquent de miner à terme tout le système de concertation n’est pas un danger imaginaire” [32].

188Le projet de résolution du congrès de 1988 de la Centrale chrétienne des métallurgistes de Belgique “défend toute forme de concertation correcte et valable, mais exige que l’introduction de pareils systèmes de concertation soit préalablement discutée dans les organes paritaires légaux et avec les organisations syndicales et que les résultats en soient régulièrement évalués”. “Il s’oppose à la mise en place de systèmes de concertation qui reprendraient ou affaibliraient les compétences des organes de concertation existants”. “Il mandate les instances de la CCMB pour renforcer les efforts de formation et d’information des militants sur les nouvelles formes de gestion (formules différentes, avantages et inconvénients)”.

Les structures nationales FGTB et CSC

189Les prises de position des deux organisations nationales interprofessionnelles sont sensiblement les mêmes. Il ne s’agit pas de se laisser marginaliser, de rester en dehors de cette “nouvelle culture d’entreprise”, mais d’avancer une réponse “contractuelle” et “conditionnelle” au management participatif.

190Les deux organisations syndicales revendiquent préalablement la négociation sur les conditions de fonctionnement de ces nouveaux organes participatifs. Elles exigent en outre le respect de la “concertation structurée” dans l’entreprise, des règles d’information et de consultation existantes (conseil d’entreprise et comité de sécurité et d’hygiène). Elles mettent enfin l’accent sur la préservation de l’autonomie de la délégation syndicale, voire “l’équivalence des droits syndicaux” avec ceux accordés aux cercles (par exemple, la tenue des réunions syndicales pendant les heures de travail).

191Les résolutions du congrès extraordinaire de la FGTB nationale des 23 et 24 novembre 1990 précisent que la FGTB s’oppose à la mise en place par les directions d’entreprise de structures de concertation en dehors des délégations syndicales, des conseils d’entreprises et conseils de services et d’hygiène.

192

Mais, nous ne pouvons fermer les yeux. Là où le patronat présente de telles initiatives, il faut les récupérer suivant les principes suivants : la FGTB veillera à ce que la concertation finale se fasse au sein du conseil d’entreprise, du comité de sécurité et d’hygiène et de la délégation syndicale. Les nouveaux organes de concertation voulus par le management ne peuvent être instaurés qu’à la suite de négociations. Afin de s’assurer le rapport de force le plus favorable, nos délégués définiront au préalable les limites de ces organes, garantiront une participation sur une base volontaire, vérifieront régulièrement l’évolution et l’objectif, prévoiront un contrôle par la délégation syndicale, revendiqueront des facilités syndicales, notamment l’accès syndical indépendant aux moyens de communication”.

193Les résolutions du congrès de la Confédération des syndicats chrétiens du 25 mai 1990 soulignent que la CSC “veut prêter une collaboration positive à des initiatives de concertation au travail, mais aux conditions suivantes :

  • elles ne peuvent être l’expression d’une douce contrainte de l’entreprise, mais doivent permettre un apport et une autonomie réels des travailleurs ;
  • elles ne peuvent viser à vider la concertation structurée dans l’entreprise de sa substance ;
  • elles ne peuvent être mises en route qu’après concertation préalable avec les syndicats ;
  • elles doivent être organisées dans les heures de travail”.

194Ces résolutions précisent encore que “les mécanismes de concertation existants ont toujours la priorité sur d’autres formes (même directes) de participation”.

195Si au niveau des consignes précises à mettre en avant sur le terrain des entreprises, les propositions des deux organisations syndicales sont sensiblement convergentes, il n’en est pas de même au niveau de la démarche et plus précisément de la philosophie qui la sous-tend.

196La FGTB nationale s’en remet à la “stratégie du judo”, en utilisant la communication ouverte par l’employeur (cercles de qualité, journal d’entreprise,…) pour faire valoir les positions syndicales et pour indiquer les limites de l’ouverture patronale à la “démocratie” [33].

197Les résolutions du congrès des 23 et 24 novembre 1990 parlent de “souffle nouveau pour le contrôle ouvrier”. “Les oppositions d’intérêt, la mercantilisation croissante et le manque d’expression critique, donnent une pertinence supplémentaire à la notion de contrôle, comme stratégie syndicale. (…) En effet, le contrôle ouvrier comporte à la fois la nécessité de contestation, la nécessité de participation transformatrice et la nécessité d’autonomie totale de prise de responsabilités”.

198De par sa philosophie, la CSC se montre sensible à la cogestion. Elle rappelle d’ailleurs régulièrement des propositions déjà émises en 1971 de la création de “conseil des travailleurs” et de “conseil de surveillance” dans les entreprises. “Cela nous fait un siècle d’inspiration commune entre vous, les patrons qui êtes les forces vives du développement économique et nous les syndicats, qui veillons au grain pour la justice sociale”. “Etablir le consensus n’est pas impossible, même si nous n’éviterons pas certaines confrontations. Nous devons le chercher à chaque fois qu’il se crée de la richesse et a chaque fois qu’il est le seul instrument qui puisse faire avancer l’évolution économique et sociale de façon permanente et équilibrée. J’ai la ferme conviction que notre attitude doit être orientée vers une collaboration franche et loyale. Ainsi avancera le progrès pour tous” [34].

Conclusion

199On peut se poser la question de savoir si la réponse syndicale contractuelle et conditionnelle est à la mesure du défi lancé par le management participatif. Celui-ci ne remet-il pas en cause les formes d’actions collectives qui ont dominé la période de croissance ? Ne prend-il pas à contre-pied un syndicalisme d’opposition qui s’était confronté à des pratiques hiérarchiques autoritaires, un syndicalisme basé sur des revendications immédiates ? Les pratiques du management participatif ont également une portée anti-syndicale en ce sens que la négociation comme mode de résolution des conflits est remplacée par des formes d’implication des salariés et d’organisation d’une coopération collective qui n’éclairent pas les rapports de forces en présence.

200L’attitude défensive des syndicats devant le management participatif ne traduit-elle pas un certain désarroi ? On peut le constater dans le décalage existant entre les attitudes de principe, les résolutions du congrès et la pratique sur le terrain. Cependant, le management participatif montre aussi ses limites dans l’entreprise lorsqu’il s’agit, par exemple, de décisions sur la politique de l’emploi.

201L’intériorisation par les travailleurs des normes de production et des finalités de l’entreprise ne sont pas un rempart contre les restructurations, les pertes d’emploi, le stress et le sentiment d’être écarté des décisions stratégiques de l’entreprise. De plus, des salariés mieux informés et formés, plus conscients de leurs capacités, maîtrisant mieux leur univers de travail,… peuvent formuler de nouvelles exigences revendicatives.

202Cela peut inciter des syndicalistes à battre le management participatif sur son propre terrain, en avançant des contre-propositions ou en posant des garde-fou, le syndicalisme jouant ainsi un effet correcteur.

203Mais cela peut aussi déboucher sur une attitude plus offensive, liée au contrôle sur l’emploi, les conditions de travail, la politique industrielle, les investissements, les bénéfices, la productivité, etc. L’efficacité d’une telle démarche requiert l’implication des affiliés. Des affiliés qui, mieux informés et appelés à exercer leur créativité, sont susceptibles de ne pas se contenter de suivre les consignes de leurs organisations syndicales, mais d’exiger, sur ce terrain également, d’être des acteurs.

204Le repositionnement international du patronat pousse les organisations syndicales à dépasser elles aussi le cadre de l’entreprise, de la région et du pays.

205Dans une économie de plus en plus internationalisée, l’action syndicale limitée à l’entreprise montre assez vite ses limites. Par ailleurs, face au concept globalisant de la “nouvelle culture d’entreprise”, les risques d’un syndicalisme corporatiste pourraient devenir réalité.


Annexes

1 – Positions du 29ème congrès national de la CSC (1990) relatives au management participatif et à la flexibilité

206

“Notre programme de démocratisation de l’entreprise et de l’économie constitue la réponse valable à la volonté de certains employeurs d’accroître l’autonomie, la responsabilité et la participation des travailleurs.
Aussi voulons-nous prêter une collaboration positive à des initiatives de concertation au travail, mais aux conditions suivantes :
  • elles ne peuvent être l’expression d’une douce contrainte de l’entreprise, mais doivent permettre un apport et une autonomie réels des travailleurs ;
  • elles ne peuvent viser à vider la concertation structurée dans l’entreprise de sa substance ;
  • elles ne peuvent être mises en route qu’après concertation préalable avec les syndicats ;
  • elles doivent être organisées dans les heures de travail.
Les mécanismes de concertation existants ont toujours la priorité sur d’autres formes (même directes) de participation, parce que seuls les travailleurs protégés peuvent parler librement et parce que les intérêts de tous les travailleurs s’y retrouveront. Aussi ces mécanismes de concertation doivent-ils être revalorisés :
  • par une protection efficace des représentants des travailleurs et des délégués syndicaux ;
  • par un meilleur fonctionnement et de plus larges compétences ;
  • avec comme objectif final l’installation d’un conseil des travailleurs et d’un conseil de surveillance.
Nous voulons éviter à tout prix que la flexibilité (dans les contrats de travail, les temps de travail et la rémunération) subdivise le groupe des travailleurs en travailleurs à horaires fixes et en travailleurs flexibles.
Les contrats de travail doivent autant que possible être de durée indéterminée :
  • le nombre de contrats temporaires et précaires doit être limité légalement et conventionnellement ;
  • les contrats temporaires et précaires doivent être au moins aussi chers et doivent en outre, au bout d’un certain temps, être convertis en contrats fixes de durée indéterminée ;
  • le travail intérimaire doit être découragé par le renforcement et une stricte application de la réglementation, et par un prix élevé (également pour les entreprises publiques de travail intérimaire).
Des réglementations-cadres et des normes générales doivent éviter que des temps de travail flexibles deviennent un facteur de concurrence et de surenchère entre des entreprises :
  • limitation du nombre de possibilité de dérogation dans le droit du travail ;
  • flexibilisation uniquement sur la base de volontariat, après accord des syndicats, également dans les PME (révision CCT 42) et dans un cadre sectoriel ;
  • forte limitation de la flexibilité dans le travail à temps partiel ;
  • flexibilisation en raison des consommateurs uniquement pour des activités socialement essentielles ;
  • maintien de l’interdiction du travail de nuit : dérogations uniquement moyennant l’autorisation de la commission paritaire et moyennant un encadrement qualitatif et social.
Inversement, nous exigeons une flexibilité de la part des employeurs pour :
  • humaniser des temps de travail pénibles ;
  • permettre à leurs travailleurs de choisir une durée de travail et la carrière qui leur conviennent le mieux, avec des possibilités garanties de retour à l’ancien système.
Nous parerons aux incertitudes en inégalités de formes de rémunérations flexibles en :
  • concluant de préférence des CCT sectorielles et intersectorielles ;
  • refusant la participation aux bénéfices, des formules individuelles de participation au capital et autres formes de rémunérations liées aux résultats de l’entreprise ;
  • n’acceptant des formules collectives de participation aux bénéfices que moyennant des conditions sévères : pour tous les travailleurs, avec des cotisations ONSS normales, moyennant contrôle de la fixation du résultat, sans diminution de l’emploi et pas au détriment du salaire ordinaire.
En tout cas, les participations des travailleurs au capital ne sont pas une forme de démocratisation pour nous : la participation des travailleurs doit se fonder sur leur apport de travail, pas sur leur détention de capital”.
Sources : Syndicaliste n°338, 25 mai 1990, p. 10

2 – Positions du congrès national de la FGTB des 23 et 24 novembre 1990 relatives au management participatif et à la flexibilité

207

“Contrecarrer les stratégies patronales.
  • le succès syndical implique une extension de nos terrains de négociation ;
  • c’est ainsi que des directions essaient de mettre en place des structures de concertation en dehors des délégations syndicales, des comités de sécurité et d’hygiène et conseils d’entreprise. Il s’agit de structures destinées à rencontrer les besoins du patronat, de rentabiliser au mieux l’atelier ou le bureau. Nous nous opposons à ces initiatives mais nous ne pouvons pas fermer les yeux. Là où le patronat présente de telles initiatives, il faut les récupérer suivant les principes suivants ;
  • La FGTB veillera à ce que la concertation finale se fasse au sein du comité d’entreprise, du conseil de sécurité et d’hygiène et de la délégation syndicale ;
  • les nouveaux organes de concertation voulus par le management ne peuvent être instaurés quà la suite de négociations. Afin d’assurer le rapport de force le plus favorable, nos délégués :
    • définiront au préalable les limites de ces organes ;
    • garantiront une participation sur une base volontaire ;
    • vérifieront régulièrement l’évolution et l’objectif ;
    • prévoiront un contrôle par la délégation syndicale ;
    • revendiqueront des facilités syndicales, notamment l’accès syndical indépendant aux moyens de communication ;
    • par ailleurs, la déréglementation combinée avec la recherche d’une compétitivité et une productivité maximale, sans tenir compte des besoins des travailleurs a vu s’accroître diverses formes de flexibilité dans l’organisation du travail.
    Vis-à-vis de ces pratiques, les positions suivantes doivent être réaffirmées :
    • La flexibilité dans l’organisation du travail flexibilité des horaires, de la durée du travail, recours au temps partiel, aux statuts précaires tels que contrats à durée déterminée, travail intérimaire) doit être limitée et encadrée au niveau légal et conventionnel.
    • l’encadrement conventionnel doit tenir compte de la qualité du travail et des compensations, tant sur le plan du niveau et de la qualité de l’emploi, que sur le plan du travail.
    • Par ailleurs, il est inadmissible de voir imposer des systèmes de travail aux travailleurs qui ne sont pas le résultat des négociations.
    • Les nouvelles formes de travail doivent être maîtrisées par les travailleurs. Les expériences acquises sur le terrain, en matière de loi sur le travail et la CCT 42, doivent être évaluées de façon approfondie, afin d’en tirer les conclusions qui s’imposent quant à l’avenir.
    • la flexibilité salariale est un leurre qui napportera jamais la garantie constituée par des augmentations généralisées des rémunérations ;
    • le Congrès rejette toute forme d’« Actionnariat ouvrier » qui ne peut que leurrer les travailleurs qui alimenteraient ainsi le capital de l’entreprise, mais resteraient néanmoins écartés de toute capacité d’influer, tant sur sa gestion que sur sa stratégie.
    L’intéressement aux résultats de l’entreprise n’est, d’autre part, concevable que pour autant :
    • que soit assurée et assumée la conclusion de conventions collectives dans les conditions habituelles ;
    • que ne soit mise en cause en aucune manière, l’indexation des salaires ;
    • et que soient négociées paritairement toutes clauses et conditions d’intéressement à ces résultats qualitatifs et quantitatifs”.
Congrès extraordinaire FGTB, 23-24 novembre 1990

Notes

  • [1]
    Nathalie Delbrassinne, Nouveaux modes de gestion sociale, implications syndicales, FEC, avril 1991, pp.10-11.
  • [2]
    Pour l’expérience japonaise, voir B. Coriat, Penser à l’envers, Ed. Ch. Bourgois, décembre 1990.
  • [3]
    G. Lentini, Cercles de qualité et qualité totale, Bulletin de la FAR, n 180, 1990, pp.11-27.
  • [4]
    Ibidem.
  • [5]
    B. Coriat, op. cit., pp.162.
  • [6]
    B. Coriat, op. cit., pp.171-172.
  • [7]
    Pierre Van der Wielen, Juste à temps et qualité totale, Athena, n 39-40, mars-avril 1988, p.17.
  • [8]
    M. Capron, Cockerill Sambre, de la fusion à la “privatisation”, Courrier hebdomadaire du CRISP, n°1253-1254, 1989.
  • [9]
    Les employés présents dans les cercles sont, pour la plupart, directement impliques dans la production (techniciens, chimistes, personnel de maîtrise).
  • [10]
    Cockerill Sambre, rapport annuel 1990, p.48.
  • [11]
    Extrait de la deuxième rencontre des cercles, avril 1989, p.5.
  • [12]
    Cockerill Sambre, rapport annuel, 1990, p.48.
  • [13]
    Cockerill Sambre, rapport annuel 1990, p.48.
  • [14]
    Cockerill Sambre, rapport annuel 1990, p.48.
  • [15]
    Actuel, mensuel de la direction de Cockerill Sambre, juin-juillet 1991.
  • [16]
    Cockerill Sambre, Actuel, mai 1986.
  • [17]
    Cockerill Sambre, rapport annuel 1990, p.46.
  • [18]
    N. Delbrassine, op. cit., p.75.
  • [19]
    Combat, 22 mai 1989.
  • [20]
    N. Delbrassine, op. cit., p.61.
  • [21]
    Tract CSC, 25 octobre 1990.
  • [22]
    Métallurgistes CSC Liège, Conclusions et décisions sur le thème : le management participatif, les 11 et 12 février 1990.
  • [23]
    Combat, 22 mai 1989.
  • [24]
    Discours à Fabrimétal, 19 avril 1989.
  • [25]
    Déclaration de R. Gandibleux, La Nouvelle Gazette, 11 juin 1985.
  • [26]
    Discours de R. Gandibleux à Fabrimétal, 19 avril 1989.
  • [27]
    Document de la Banque Bruxelles Lambert, mars 1989.
  • [28]
    Voir J.-M. Delmalle et F. Denuit, Décentralisation dans l’organisation du tavail, les “marguerites” de Caterpillar, Innovation sociale et entreprise, Presse universitaire de Namur, 1985.
  • [29]
    La Nouvelle Gazette, 11 juin 1985.
  • [30]
    PRACQ, Enquête sur la recherche de la qualité totale dans les entreprises belges, décembre 1990, p.70.
  • [31]
    CMB (FGTB), Répondre aux nouveaux défis, Résolutions du congres des 30 et 31 mars 1990.
  • [32]
    CSC-Métal, Réagir, Document de travail “plus de travail de meilleure qualité pour tous”.
  • [33]
    FGTB, congrès extraordinaire des 23 et 24 novembre 1990, p.79.
  • [34]
    R. D’Hondt, L’avenir et l’enjeu des relations sociales dans l’entreprise, L’Entreprise et l’Homme, n 6, 1990, p.213.
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