Couverture de CRIS_1267

Article de revue

Les politiques sociales de la Communauté européenne

Pages 1 à 79

Notes

  • [*]
    Ce travail a été réalisé par l’Observatoire social européen grâce à l’appui de la FEC (Formation - Éducation - Culture).
  • [1]
    Orientations préliminaires pour un programme de politique sociale communautaire, 17 mars 1971.
  • [2]
    Le Traité de Rome est la référence centrale du présent texte, ceci sans méconnaître les traités instituant les deux autres communautés (CECA, Euratom), dont les dispositions seront d’ailleurs citées incidemment. On gardera ainsi présent à l’esprit que les institutions des trois communautés ont été fusionnées.
  • [3]
    Voir à ce sujet l’analyse de Jean Vogel, L’ambiguïté du principe de subsidiarité, in Vers l’Europe sociale, recherche organisée par la section Politique et institution en Europe, CRS-Rome, pour le groupe Gauche unitaire du Parlement européen, Mineo, janvier 1990.
  • [4]
    JOC 77, 19 mars 1984.
  • [5]
    Communication de la Commission au Conseil relative à l’harmonisation technique et à la normalisation, une nouvelle approche, COM (85) 19 du 17 janvier 1985.
  • [6]
    Efficacité, stabilité et équité. Une stratégie pour l’évolution du système économique de la Communauté européenne. Rapport d’un groupe d’études présidé par T. Padoa Schiopa, avril 1987, pp. 23-24.
  • [7]
    La dimension sociale du marché intérieur, Rapport d’étape du groupe interservice, Europe sociale, No spécial, 14 septembre 1988.
  • [8]
    Orientations préliminaires pour un programme de politique sociale communautaire, 17 mars 1971.
  • [9]
    Résolution du Conseil du 21 janvier 1974 concernant un programme d’action sociale, JOC 13, 12 février 1974.
  • [10]
    Cité par Jacques Vandamme, Pour une nouvelle politique sociale en Europe, Economica, 1984, 148 p.
  • [11]
    Observatoire social européen, Europe consultative : où en est la participation syndicale dans les Communautés européennes ?, septembre 1985, 27 p.
  • [12]
    Unice, Memorandum adressé à la nouvelle Commission, décembre 1988.
  • [13]
    COM (88) 815 du 29 mars 1989 modifiant le réglement 1612/68 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté et la directive 68/630 relative au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leurs familles à l’intérieur de la Communauté.
  • [14]
    Directive 89/48 du Conseil, du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans (JOL 19 du 24 janvier 1989).
  • [15]
    COM (80) 358.
  • [16]
    JOC 72 du 18 mars 1988.
  • [17]
    Proposition de directive du Conseil relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles qui complète la directive 98/48, COM (89) 372 final, SYN 209 du 8 août 1989.
  • [18]
    COM (86) 52.
  • [19]
    JOC, décision 87/327 du Conseil - JOL - 166 du 25 mai 1987.
  • [20]
    Cas Defrenne v Belgique (cas No 80/70), cas Defrenne v Sabena (cas No 43/75), cas Defrenne v Sabena (cas No 149/77).
  • [21]
    Voir notamment Drake v Chief Adjudication Manager (cas No 150/85) et Hollande v FNV (cas No 71/85).
  • [22]
    COM (85) 801.
  • [23]
    Recommandation 84/635, 13 décembre 1984, JOL 331, 15 décembre 1984.
  • [24]
    COM (87) 105.
  • [25]
    Coordination des femmes : évaluation du programme d’action de la Commission pour la promotion de l’égalité des chances pour les femmes, novembre 1985.
  • [26]
    Résolution du Conseil, 29 juin 1978, JOC 165, 11 juillet 1978.
  • [27]
    Résolution du Conseil, 27 février 1984, JOC 67, 8 mars 1984.
  • [28]
    Résolution du Conseil, 21 décembre 1987, JOC 28, 3 février 1988.
  • [29]
    OCDE, Perspectives d’emploi, juillet 1989, Paris, pp. 157 et ss.
  • [30]
    Directive 89/392 du Conseil, 14 juin 1989, JOL 29 juin 1989.
  • [31]
    Proposition de réglement du Conseil portant statut de la société européenne, et proposition de directive du Conseil complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne la place des travailleurs, COM (89) 268, 25 mai 1989.
  • [32]
    Directive 75/129 du Conseil du 17 février 1975, JOL 48 du 28 février 1975.
  • [33]
    Voir notamment, Gérard et Antoine Lyon-Caen, Droit social international et européen, 6ème édition, Dalloz, Paris, 1985.
  • [34]
    Directive 77/178 du 14 février 1977, JOL 61 du 5 mars 1977.
  • [35]
    Directive 80/987 du Conseil du 20 octobre 1980, JOL 283 du 20 octobre 1980, modifiée par la Directive 87/164 du Conseil, JOL 66 du 11 mars 1987.
  • [36]
    COM (81) 775.
  • [37]
    COM (84) 159.
  • [38]
    Recommandation du Conseil du 22 juillet 1975 concernant le principe de la semaine de quarante heures et le principe des quatre semaines de congés payés annuels, JOL 199, du 30 juillet 1975.
  • [39]
    Recommandation du Conseil du 18 décembre 1979, concernant l’aménagement du temps de travail, JOL.
  • [40]
    Décision 63/266 du Conseil, du 2 avril 1963, JOC 63 du 20 avril 1963.
  • [41]
    JOL 222, 8 août 1986.
  • [42]
    Rapport Cecchini sur le coût de la non Europe, in Économie européenne No 35, mars 1988.
  • [43]
    Dimension sociale du marché intérieur, Rapport du groupe interservice de la Commission.
  • [44]
    Voir notamment Y. Guillaume, D. Meulders et R. Plasman, Simulation des impacts de l’achèvement du marché intérieur, le cas de la Belgique, Cahiers économiques de Bruxelles, No 124, 4ème trimestre 1989.
  • [45]
    BIT, La négociation collective dans les pays industrialisés à économie de marché : un examen, BIT, Genève, 1989, 351 p.
  • [46]
    COM (82) 716.
  • [47]
    OCDE, Le vieillissement démographique, Paris, 1988.
  • [48]
    COM (86) 410.
  • [49]
    Troisième rapport périodique de la Commission sur la situation et l’évolution socio-économique des régions de la Communauté, COM (87) 230 final, 21 mai 1987.
  • [50]
    Livre blanc pour la réalisation du marché intérieur, COM (85) 310 final, 14 juin 1985.
  • [51]
    Voir Cour des comptes des CE, Rapport spécial No 1/88 sur les procédures et systèmes communautaires et nationaux relatifs à la gestion du Fonds social européen, 5462/88.
  • [52]
    Fonds européen de développement régional, Treizième rapport annuel de la Commission (1987), COM (88) 728 final, 10 janvier 1989.
  • [53]
    Banque européenne d’investissement, Rapport annuel 1988, avril 1989.
  • [54]
    Règlement du Conseil 2052/88 du 24 juin 1988, concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants (JOL 185, 15 juillet 1988) ; Règlement du Conseil 4253/88 du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement (CEE) No 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, d’autre part (JOL 374, 31 décembre 1988).
  • [55]
    La Commission définit un programme opérationnel comme étant un ensemble cohérent de mesures pluriannuelles pour la réalisation duquel il est fait appel à un ou plusieurs fonds structurels ou instrument financier (BEI).
  • [56]
    Espagne (Andalucia, Asturias, Castilla-Leon, Castilla-la-Mancha, Ceuta y Melilla, Comunidad Valenciana, Extremadura, Galicia, Canaria, Murcia) ; France (Départements français d’outre-mer (DOM), Corse) ; Grèce (la totalité du pays) ; Irlande (la totalité du pays) ; Italie (Abruzzi, Basilicata, Calabria, Campania, Molise, Puglia, Sardegna, Sicilia) ; Portugal (la totalité du pays) ; Royaume-Uni (Nothern Ireland).
  • [57]
    Règlement du Conseil 4254/88, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement (CEE) No 2052/88 en ce qui concerne le Fonds européen de développement régional (JOL 374, 31 décembre 1988) ; règlement du Conseil 4255/88 du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement (CEE) No 2052/88 en ce qui concerne le Fonds social européen (JOL 374, 31 décembre 1988) ; règlement du Conseil 4256/88 du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement (CEE) No 2052/88 en ce qui concerne le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section “orientation” (JOL 374 du 31 décembre 1988).
  • [58]
    COM (87) 722.
  • [59]
    COM (88) 369.
  • [60]
    Décision du Conseil 89/457 du 18 juillet 1989 portant établissement d’un programme d’action communautaire à moyen terme concernant l’intégration économique et sociale des groupes de personnes économiquement et socialement moins favorisées, JOL 224, 2 août 1989.

Introduction

1Le Traité de Rome a institué la Communauté économique européenne. C’est l’économie qui a été mise dès le départ au cœur du processus d’intégration. Le développement des échanges entre les pays du Benelux, dont l’union était amorcée en 1948, fondait l’hypothèse selon laquelle la suppression des frontières douanières et l’intensification des relations économiques qui en ont résulté, constituaient un facteur de croissance pour l’ensemble des pays partenaires. Le développement en commun de ces pays devait constituer la première étape d’un processus plus ambitieux d’union européenne.

2Selon la conception qui a présidé à l’élaboration du Traité, la croissance économique devait “naturellement” s’accompagner de progrès social et d’une répartition harmonieuse de ses fruits. L’objectif de la Communauté qui consiste à promouvoir “un relèvement accéléré du niveau de vie” (art. 2 du Traité), devait être réalisé essentiellement par l’établissement du marché commun. Or, davantage encore depuis la fin des années 60 on est obligé de constater que l’application de l’instrument que constituent les lois du marché, ne produit pas les effets mécanistes escomptés.

3Les critiques relatives à l’absence d’une dimension sociale d’ensemble au marché commun ne sont pas nouvelles. La subordination du social à l’économie a justifié les résistances des organisations syndicales au processus d’intégration économique. Le “social” a cependant progressivement acquis droit de cité dans les politiques communautaires. Dès le début des années 1970, marquées par de forts taux d’inflation, l’instabilité monétaire et la hausse dramatique du taux de chômage, il devenait évident que la réalisation de l’union douanière et la libre circulation des travailleurs ne suffiraient pas à assurer une croissance équilibrée entre les pays de la Communauté. La Commission devait tirer argument de cette constatation, justifiant en 1971 la nécessité pour la Communauté d’intégrer les préoccupations sociales [1].

4Le développement de la politique sociale de la Communauté est donc récent. Notre objectif ici est d’en présenter le bilan à un moment où s’amorce une inflexion de la logique qui a présidé jusqu’ici à l’élaboration des politiques communautaires en la matière.

5Cette inflexion porte sur la nature du consensus politique relatif aux compétences juridiques de la Communauté en matière sociale. Nous l’examinons au premier chapitre, qui est aussi consacré à l’exposé des fondements de la légitimité de l’intervention communautaire dans ce domaine et qui décrit la construction programmatique de la politique sociale de la Communauté européenne. Le tournant constitué par l’adoption de l’Acte unique en 1986 est également exposé dans ce premier chapitre.

6Le deuxième chapitre traite des domaines pour lesquels la compétence communautaire est unanimement admise, puisqu’ils sont explicitement inscrits dans le Traité [2]. Il s’agit de l’application des principes relatifs à la libre circulation des travailleurs et à l’égalité entre les hommes et les femmes.

7C’est par le biais des compétences de la Communauté pour promouvoir la réalisation du marché commun qu’ont été adoptées quelques directives qui protègent individuellement et collectivement les travailleurs. Ce détour témoigne déjà du caractère conditionnel des compétences communautaires en la matière. L’unanimité des États sur la capacité de la Communauté à adopter des mesures relatives plus précisément aux conditions de santé et de sécurité du travail est toutefois acquise.

8Dans le chapitre suivant, relatif aux dispositions visant l’organisation des relations du travail, nous voyons que la confrontation entre les compétences de la Communauté et celles des États nationaux, s’est résolue par l’adoption, au cas par cas, de règles communautaires minimales, renvoyant aux législations nationales pour leur concrétisation. Il s’agit ici des droits des travailleurs, de la formation professionnelle et de la gestion prévisionnelle de l’emploi.

9La finalité des compétences attribuées à la Commission pour animer le dialogue social entre les interlocuteurs sociaux et en concrétiser les débouchés en terme de conventions collectives à l’échelon européen n’a pas jusqu’à présent fait l’objet d’un consensus. Les obstacles au développement de ce dialogue sont examinés au chapitre 5.

10L’avant-dernier chapitre de ce dossier aborde le problème de la sécurité sociale. Dans ce domaine, la Commission n’a que la compétence de favoriser la convergence des politiques des États membres par le biais de la concertation entre les représentants des différents pays. Sous l’égide de la Commission, cette convergence non négociée s’opère dès lors dans la façon dont les problèmes sont posés et entre les solutions qui sont adoptées.

11Enfin, nous traitons dans le dernier chapitre de ce que nous nommons les programmes subsidiaires de la Commission. Subsidiaires parce que marginaux, par leurs effets, à l’égard des objectifs de cohésion économique et sociale de la Communauté. Les moyens pour la réalisation de cette cohésion se trouvent peut-être davantage dans la concertation des politiques économique et sociale des pays membres que dans la capacité de la Commission à l’impulser.

12Le présent dossier vise à clarifier la logique de l’institution dans la hiérarchie des compétences qui lui sont reconnues en matière sociale. Cette démarche a une utilité pour expliciter les différentes modalités formelles d’intervention communautaire dans le champ du social.

13Une autre démarche, plus problématique, consisterait à s’interroger sur les effets structurants du marché commun dans le domaine social. De l’espace social qu’il a contribué à modeler, par exemple, à travers la politique agricole commune, ou par les interventions structurelles de la Communauté dans certains secteurs tels que la sidérurgie, les chantiers navals, le textile, la chimie ou l’automobile. Ou encore des effets d’une série de dispositions prévues ou déjà adoptées dans le cadre de l’achèvement du marché intérieur qui contribueront à modifier les missions confiées jusqu’ici aux services publics, notamment dans le domaine des télécommunications. Simultanément, les priorités de la Communauté en matière de recherche et développement canalisent l’effort financier des entreprises et des États vers des innovations, en terme de produits et de procédés, qui modifieront les contenus du travail et les modes de consommation. Enfin la coordination entre les États de la Communauté de leurs politiques monétaires et macro-économiques et demain, de leurs politiques fiscales, ont un impact majeur sur leurs politiques redistributives. Une démarche de cet ordre, beaucoup plus ambitieuse, est cependant hors de portée du présent dossier.

1 – Rappel historique et fondements juridiques

Objectifs et méthode du marché commun

14Le Traité de Rome a identifié les domaines sur lesquels devait porter l’effort de la Communauté pour réaliser l’élimination des barrières. Ces onze domaines sont explicitement détaillés à l’article 3 du Traité. A leur examen on constate qu’il n’a pas été estimé nécessaire, à la réalisation des objectifs du Traité, qu’une politique sociale d’ensemble soit menée au niveau de la Communauté. La suppression des disparités sociales, entre les pays de la Communauté, ne constitue ni un but à atteindre, en soi, ni un domaine de la compétence directe de la Communauté.

15Des objectifs sociaux sont cependant assignés aux politiques économiques générales et sectorielles des pays de la Communauté. C’est ainsi par exemple que l’article 104 leur impose de veiller à assurer dans leur politique économique générale “un haut degré d’emploi”.

16Le Traité comporte toutefois un chapitre relatif à la politique sociale qui fonde la capacité juridique de la Communauté à intervenir en la matière. D’emblée, cette capacité se présente de façon ambiguë. En effet, si l’amélioration des conditions de vie et de travail de la main d’œuvre, et leur égalisation dans le progrès, constitue une des finalités de la Communauté, celle-ci sera atteinte à la fois par la réalisation effective du marché commun, mais également grâce à des procédures prévues par le Traité et à la mise en œuvre de mesures de rapprochement des législations nationales qui seront adoptées (article 117). Dans cette disposition du Traité, on voit coexister deux conceptions. Selon la première, le social est le corollaire du progrès économique et l’effort de la Communauté doit être centré sur la création de dispositifs favorisant la croissance. Selon la seconde conception, les effets bénéfiques du marché commun doivent être complétés par des mesures assurant la convergence des dispositifs juridiques nationaux dans le domaine des politiques sociales. C’est le heurt entre ces deux conceptions qui a rythmé les progrès et les impasses de la Communauté en matière sociale.

17Si une politique active de la Communauté en matière sociale peut être opérée par le rapprochement des dispositions sociales nationales, au niveau communautaire la mise en œuvre de cette méthode est soumise à la démonstration de sa nécessité pour l’établissement du marché commun (article 100). L’intervention de la Communauté ne se trouve juridiquement fondée que lorsque les disparités entre les dispositions nationales sont de nature à “fausser les conditions de la concurrence sur le marché commun”. La légitimité de l’intervention communautaire dans le champ social a été constamment soumise aux aléas de la réflexion conceptuelle et politique sur la liaison entre l’intégration économique et sociale.

18De façon plus problématique encore, la justification des dispositions adoptées au niveau communautaire a subi une inflexion qui remet en cause les efforts déployés jusqu’ici pour mener à bien l’harmonisation des conditions de vie et de travail. Il s’agit du débat relatif à la notion de subsidiarité qui a trait à la fois au niveau fonctionnel auquel doivent être adoptées les décisions, (le niveau local, régional, national, communautaire) et au mode de régulation sociale (normative ou conventionnelle) [3]. L’explicitation de ce principe de subsidiarité se trouve pour la première fois exposée dans le projet de Traité de l’union européenne, rédigé sous l’impulsion de Altiero Spinelli, et adopté par le Parlement européen en 1984 [4]. Dans ce texte, on relève qu’“en vertu du principe de subsidiarité, ne sont transférés à l’Union que les pouvoirs, qui de l’avis général, peuvent être exercés avec plus d’efficacité et à un moindre coût au niveau européen, plutôt qu’au niveau national”. En se référant à un critère d’efficacité, qui n’est toutefois pas autrement explicité, cette définition suggère une méthode d’évaluation qualitative des modes de régulation à mettre en œuvre pour réaliser les objectifs que le projet fixe à la Communauté. Elle se réfère, dans sa seconde partie, à des principes économiques de gouvernement à plusieurs niveaux.

19L’application de ce principe de subsidiarité révèle la tension existant entre ses deux composantes, le mode de régulation et son niveau, et la tentation d’en privilégier exclusivement la seconde. C’est ce qui ressort par exemple de la mise en œuvre par la Commission, de sa “nouvelle approche en matière d’harmonisation”, par laquelle elle a renoncé à une normalisation centralisée au profit du principe de la reconnaissance mutuelle des normes locales [5]. Cette même orientation se retrouve dans la définition du principe de subsidiarité développée par un groupe d’experts, désignés par la Commission. Dans leur rapport, ce principe se trouve explicité dans les termes suivants : “le niveau de gouvernement adéquat est le niveau le plus bas auquel la fonction en cause peut être efficacement exécutée. C’est ce que l’on appelle le ‘principe de subsidiarité’ parce que l’on considère que les niveaux supérieurs de gouvernement ne doivent exercer que des fonctions qui ne peuvent pas l’être efficacement à des niveaux inférieurs [6]. C’est ainsi que dans l’optique de ce rapport la fonction de redistribution des revenus, qui inclut la majeure partie des politiques sociales, n’implique pas un engagement de la Communauté. Selon l’évaluation menée par ce groupe, la réalisation du marché intérieur n’impliquera, sur le plan social que “des débordements plutôt limités entre les pays de la Communauté” (p. 2). Dès lors “les modèles de relation de travail, de sécurité socia-le, de protection de l’emploi et de fixation des salaires doivent rester décentralisés” (p. 124). Dans cette optique, les efforts timides de la Communauté d’intervenir par voie d’harmonisation dans le domaine social ne sont plus considérés comme nécessaires ni même efficaces quant à leurs résultats.

20Cette approche du principe de subsidiarité a toutefois été tempérée, dans un autre rapport, réalisé par des fonctionnaires de la Commission [7]. Ce rapport indique que “la méthode coûts avantages, sous-jacente à ce principe, est pour le moins d’application délicate sur les questions sociales, où souvent les aspects qualitatifs sont dominants (et) par sa logique même, il tend à réduire les externalités au minimum, à les placer le plus souvent au plus bas niveau, et à réduire ainsi la portée de la fonction de redistribution” (p. 68). Toutefois quand il s’agit de définir positivement ce principe, le document des fonctionnaires de la Commission est extrêmement confus : “une utilisation adéquate et appropriée du principe de subsidiarité dans le domaine social, présuppose, par contre, une réflexion préalable qui prenne en compte tant la subsidiarité entre régulation législative et régulation conventionnelle que celle qui existe entre les différents niveaux d’articulation de cette dernière (interprofessionnel, secteur et/ou branche, entreprise). Seulement en suivant un tel procédé fin, on peut utiliser de façon moins grossière et plus crédible la notion de subsidiarité dans le domaine social. Ce qui amènera à la constatation de la nécessité inévitable de procéder progressivement à la définition d’un système de régulation sociale, dont les synergies pourront assurer les convergences normatives et “comportementales” nécessaires au fonctionnement équilibré tant de l’espace économique que de l’espace social” (p. 73).

21La création d’un système communautaire de régulation sociale, ne fait cependant pas, entre les pays membres, l’unanimité nécessaire à ce qu’il puisse effectivement être institué. L’application du principe de subsidiarité est dès lors réduite à la démonstration de l’impact économique, en terme de coût et de bénéfice, des dispositions adoptées à l’échelon de la Communauté. Cette méthode d’appréciation de la division des rôles entre les niveaux les plus adéquats de gouvernement, handicape une approche globale des exigences de régulation sociale dans l’espace européen intégré.

Les bases juridiques

22Si aucune base juridique n’a été prévue par le Traité de Rome pour mener à bien une politique sociale d’ensemble, le texte fondateur de la CEE en aborde cependant quelques aspects ponctuels très importants. Le Traité est à la fois créateur de droit direct européen et de capacité d’intervention dans le domaine social.

Le droit européen

23Le droit européen établit quelques grands principes. Ceux-ci concernent la non discrimination entre les travailleurs, du fait de leur nationalité (article 7), ainsi que l’égalité des salaires masculins et féminins (article 119).

24Les règlements et directives qui ont été adoptés pour mettre ces principes en œuvre constituent un droit supranational qui ne peut être remis en cause par les politiques nationales.

25En outre, le principe de la non régression des régimes de congés payés est établi (article 120).

26Les principes de base établis par le texte fondateur de la Communauté apparaissent fort réduits au regard de ceux qui sont reconnus dans les constitutions et les législations nationales des différents pays.

La politique sociale européenne

Les domaines de compétence

27Les compétences juridiques de la Communauté en matière sociale telles qu’elles sont définies par le Traité lui confèrent l’obligation de légiférer pour réaliser les objectifs communautaires. Ces domaines sont la libre circulation des travailleurs (articles 48 à 51) et la sécurité sociale des travailleurs migrants (article 121), la liberté d’établissement (articles 52 à 58), la réalisation de l’égalité des rémunérations (article 119). La Commission s’est, en outre vu confier l’administration du Fonds social européen (articles 123 à 128) destiné à améliorer les possibilités d’emploi des travailleurs.

28En dehors de ces domaines, la Communauté n’a donc qu’une capacité restreinte de promouvoir la collaboration entre les États dans une série non limitative de domaines : l’emploi, le droit du travail et les conditions de travail, la formation et le perfectionnement professionnels, la sécurité sociale, la protection contre les accidents et les maladies professionnelles, l’hygiène du travail et le droit syndical ainsi que les négociations collectives entre employeurs et travailleurs (article 118).

29Enfin la Commission est chargée de réaliser chaque année un rapport sur l’évolution de la situation sociale de la Communauté : emploi, chômage, revenus, etc. (article 122). Ce rapport permet au Parlement européen de suivre les répercussions sociales dans les États membres de la construction du marché commun.

30Pour être complet, il faut encore citer l’article 39 du Traité qui fixe les objectifs sociaux de la politique agricole commune, à savoir l’emploi optimum de la main d’œuvre et le niveau équitable des revenus des agriculteurs et l’article 75 concernant les incidences régionales de politique communautaire des transports.

Mise en œuvre des politiques sociales

31Il a fallu attendre de longues années pour que prévale la thèse selon laquelle l’harmonisation sociale peut avoir une influence directe sur le fonctionnement du marché commun et que l’on s’achemine vers l’idée que la réalisation de ce dernier n’aurait pas de conséquences automatiques sur l’amélioration de l’emploi et de la qualité de la vie.

32La crise mondiale des années 1970 a accéléré cette prise de conscience. Mais cette impulsion nouvelle est également le résultat de la maturation d’une série de mouvements sociaux (féminisme, anti-autoritarisme, écologie, revendications certes quantitatives mais aussi qualitatives à l’intérieur des organisations syndicales et également en-dehors de celles-ci).

33L’achèvement de l’union douanière, avec une année et demie d’avance sur le calendrier initialement prévu, et la réalisation de la libre circulation des travailleurs se sont avérés des mesures insuffisantes pour réaliser une Communauté économique véritable.

34Le Sommet des chefs d’État et de gouvernement réuni à La Haye les 1er et 2 décembre 1969 devait se prononcer pour la première fois en faveur de la création d’une véritable Union économique et monétaire (pour 1980) assortie d’une “réforme du Fonds social, dans le cadre d’une concertation étroite des politiques sociales”.

35Forte de cette impulsion donnée au plus haut niveau, la Commission devait en tirer les conclusions dans un premier memorandum d’orientation sur la politique sociale de la Communauté et indiquer : “il est (…) inconcevable que la Communauté puisse être construite et renforcée sur le plan économique et monétaire, sans intégrer les préoccupations d’ordre social, alors qu’au sein des États membres, ces préoccupations jouent un rôle croissant dans l’orientation de la vie économique” [8].

36Ce texte fut approuvé par le Sommet des chefs de gouvernement réuni à Paris en 1972, et la Commission a été invitée à élaborer un programme d’action sociale avant le 1er janvier 1974 [9].

37S’appuyant sur le rapport du Premier ministre luxembourgeois, Pierre Werner, qui affirmait la nécessité de consulter les interlocuteurs sociaux dans la mise en œuvre de la politique communautaire, [10], la Commission prit l’initiative de réunions tripartites où se retrouvaient les représentants des organisations syndicales, c’est-à-dire de la Confédération européenne des syndicats - CES qui venait de se créer, des représentants des employeurs, organisés au sein de l’Union des industries de la Communauté européenne - UNICE et des membres de la Commission et du Conseil.

38C’est dans la foulée de ce Sommet qu’ont été créés le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle - CEDEFOP à Berlin et la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail à Dublin. Ces organismes quadripartites (comportant des représentants des travailleurs, des employeurs, des États membres et de la Commission) exercent des activités de recherche destinées à assister la Commission dans l’élaboration de nouvelles directives, de nouveaux programmes communautaires et de projets d’actions. Ils ont également des fonctions d’information et de documentation.

39Toute une série de comités consultatifs dont la composition, le rythme de travail et les pouvoirs diffèrent considérablement, ont commencé à être mis en place à partir de cette période : Comité consultatif sur la sécurité et l’hygiène du travail, Comité consultatif des femmes, etc. [11].

40Le premier programme d’action de la Commission visait des objectifs extrêmement ambitieux : plein emploi, meilleur emploi, amélioration des conditions de vie et de travail de la population en général et des catégories de personnes les plus défavorisées, ainsi que la participation croissante des interlocuteurs sociaux et des travailleurs à la vie de l’entreprise.

41Une base légale explicite n’existant pas dans le Traité pour des propositions communautaires, c’est par le biais de l’harmonisation des législations nationales (article 100) qu’ont été adoptées les quelques directives en matière de politique sociale. Cette base juridique de référence requiert toutefois l’unanimité, ce qui explique que le bilan de cette période soit assez mince. Ce n’est qu’en 1975, soit 17 ans après la signature du Traité de Rome, qu’une première directive CEE utilisant ce concept d’harmonisation, a finalement été adoptée dans le domaine social. Il s’agit de la directive sur les licenciements collectifs (voir ci-dessous).

Les procédures prévues par le Traité

42Le Traité de Rome constitue l’instrument de droit primaire de la Communauté. Il prévoit les instruments dérivés dont dispose la Commission pour réaliser ses objectifs. Ces instruments dérivés sont le règlement et la directive.

43Par le truchement du règlement, la Communauté acquiert le droit de légiférer directement à l’intention des populations des États membres sans passer par l’intermédiaire des instances nationales. En matière sociale, les seuls règlements qui ont été adoptés sont relatifs à la libre circulation des travailleurs et à la sécurité sociale des migrants. Dans le domaine des transports, deux règlements se sont succédés, relatifs au temps de conduite et de repos des transporteurs internationaux.

44La directive est le second instrument de droit dérivé. Elle lie tous les États membres destinataires quant aux résultats à atteindre, laissant aux instances nationales le choix des moyens à mettre en œuvre pour y aboutir. C’est la procédure la plus fréquemment utilisée par le Conseil, non seulement en matière sociale, mais également dans les autres politiques communautaires, car elle permet de tenir compte des armatures juridiques différentes d’État à État.

45Les résolutions et les recommandations du Conseil n’ont pas de force obligatoire. Elles constituent un engagement politique des gouvernements d’en suivre les orientations. Leur concrétisation repose dès lors sur les rapports de force, les luttes d’influence et de pouvoir, qui s’établissent dans chacun des pays de la Communauté. C’est ainsi que des recommandations ont été adoptées par le Conseil dans divers domaines sociaux (semaine de 40 heures, flexibilité de la retraite, aménagement du temps de travail), sans qu’elles aient été suivies d’effets législatifs majeurs dans les différents pays concernés.

46La Cour de justice de la Communauté européenne contrôle la légalité des actes des institutions et le comportement des États membres dans la manière dont ils transposent le droit communautaire dans leur droit national. Elle interprète également le Traité et elle a joué un rôle important dans le domaine social, notamment par la jurisprudence qu’elle a établie en matière d’égalité de traitement des hommes et des femmes et dans l’interprétation du droit des travailleurs migrants à la sécurité sociale.

Un tournant institutionnel

47L’Acte unique européen entré en application au 1er juillet 1987 amende le Traité de Rome. Il est l’aboutissement de longues négociations visant non seulement à élargir les compétences de la Commission, mais aussi à favoriser la prise de décision par le Conseil des ministres à la majorité qualifiée dans certains domaines et, pour celui qui nous intéresse ici, en matière de conditions de travail.

48Trois éléments de cet Acte unique peuvent être rattachés aux politiques sociales. Il s’agit du préambule, de l’article 100 A qui modifie les modalités de prises de décision du Conseil dans les matières qui concernent la réalisation du marché intérieur et des articles 118 A et 118 B qui ont plus particulièrement trait aux compétences de la Communauté en matière sociale.

Le préambule

49Dans les attendus de l’Acte unique, il est intéressant de relever que les États sont “décidés à promouvoir ensemble la démocratie en se fondant sur les droits fondamentaux reconnus dans les constitutions et par les lois des États membres, dans les conventions de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et par la charte sociale européenne, notamment la liberté, l’égalité et la justice sociale”. Rappelons que cette charte européenne rédigée sous l’égide du Conseil de l’Europe, auquel adhèrent 21 pays, a été ratifiée par tous les États de la Communauté à l’exception de la Belgique, du Grand duché de Luxembourg et du Portugal. Cependant, même ratifiée, une convention internationale n’engage les États que sur le plan politique, puisque les infractions ne sont pas autrement sanctionnées. Toutefois, cette charte est importante, car les États qui l’ont ratifiée s’engagent à garantir les droits considérés comme les plus fondamentaux : droit à l’emploi, droit syndical, droit de négociation collective conçu comme englobant le droit de grève, droit à la sécurité sociale, droit à l’assistance médicale, à la protection sociale et économique de la famille, droit des travailleurs migrants.

50Même s’il ne s’agit que d’un préambule qui n’a pas la même force juridique qu’un article du Traité, l’on peut se demander si l’acceptation de ce considérant par les États signataires ne pourrait pas être invoquée pour s’opposer aux mesures de dérégulation sociale qui se sont multipliées, aux atteintes aux droits syndicaux et au blocage des négociations collectives et servir de base à la création d’un socle minimum de droits sociaux européens ?

L’introduction du vote à majorité qualifiée

51Dans le domaine de l’harmonisation des législations, l’Acte unique prévoit dans son article 100 A que les décisions seront dorénavant prises à la majorité qualifiée.

52Le tableau 1 présente la répartition des voix entre les pays de la Communauté. On remarque qu’un “grand” pays seul ne peut plus bloquer une proposition de directive et qu’il doit se trouver un allié au moins parmi les petits pays de la Communauté.

Tableau 1

Pondération des voix entre les États

Tableau 1
État Voix État Voix Rép. féd. d’Allemagne 10 Grèce 5 France 10 Pays-Bas 5 Italie 10 Portugal 5 Royaume-Uni 10 Danemark 3 Espagne 8 Irlande 3 Belgique 5 Grd duché de Luxembourg 2

Pondération des voix entre les États

53Les délibérations sont acquises si elles ont recueilli au moins 54 voix sur un total de 76.

54Cette majorité qualifiée ne s’applique toutefois pas aux matières fiscales, aux dispositions relatives à la libre circulation des personnes, et à celles qui ont trait aux droits et intérêts des travailleurs salariés. Dans ces domaines qui structurent fortement les espaces sociaux nationaux, le verrou de l’unanimité subsiste.

Extension des compétences en matière de politiques sociales

55Dans le domaine social, la Communauté a vu ses compétences sensiblement élargies. Elle a dorénavant une capacité de proposition pour réaliser directement des objectifs de bien-être sans passer par le détour d’une argumentation centrée sur la réalisation du marché commun (article 118 A). En outre, le dialogue social entre les interlocuteurs sociaux, dont les réunions tripartites constituaient l’embryon, se voit reconnu comme une instance de contact entre les interlocuteurs sociaux et comme méthode pour conclure des accords. La Commission est dorénavant formellement chargée de sa relance.

56L’article 118 A ouvre en effet la voie à l’adoption, à la majorité qualifiée, de directives qui visent à “promouvoir l’amélioration, notamment du milieu du travail”. Les États “s’attachent à protéger la sécurité et la santé des travailleurs et se fixent pour objectif l’harmonisation dans le progrès des conditions existant dans ce domaine”. Sans faire régresser les pays les plus “avancés”, les propositions de la Commission indiqueraient un horizon à atteindre par les pays dont les critères en matière de protection des travailleurs sont inférieurs aux balises fixées.

57Des restrictions s’imposent dans l’évaluation de la portée de cet article dont les ambiguïtés sont nombreuses.

58La première a trait à la compatibilité entre les mesures progressives officiellement souhaitées et les “conditions et réglementations techniques existant dans chacun des États” dont il doit être tenu compte. Le danger serait ici de voir la voie s’ouvrir à une politique sociale fondée sur le plus petit dénominateur.

59En outre, dans son second alinéa, cet article 118 A indique que les directives “évitent d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu’elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises”. On peut craindre que cet article ne renforce le droit du travail à plusieurs vitesses, compte tenu du concept variable que représentent les petites et moyennes entreprises dans les différents pays de la Communauté.

60Enfin, ce même article stipule, dans son troisième alinéa, que ces directives ne s’opposent pas à ce que des mesures de protection renforcées des conditions de travail soient maintenues par les États membres. Le mécanisme de ces mesures de sauvegarde est examiné ci-dessous. L’enjeu est d’importance puisque la question est ici de savoir si l’objectif du marché intérieur prévaudra ou non lorsque des mesures de protection sociale renforcée présenteront des risques de re-segmentation de ce marché.

61Le “notamment” de cet article 118 A a déjà été l’occasion de batailles quant à son interprétation. Introduit sur proposition du Danemark, cet article se réfère implicitement à la définition donnée dans ce pays à la notion de milieu du travail et couvre des matières fort vastes, à savoir :

  • la liberté d’association, de représentation et les droits à la négociation ;
  • la durée du travail, les congés et jours fériés, la politique salariale ;
  • l’environnement du travail, favorable à la santé et à la sécurité, une politique de l’environnement ;
  • la démocratisation industrielle, l’information, la coopération et la codécision-participation des travailleurs ;
  • l’égalité hommes-femmes ;
  • les possibilités de formation et de développement, la sécurité d’emploi.

62Aussi bien le Parlement européen que la Confédération européenne des syndicats souhaiteraient une interprétation de cet article allant dans ce sens. Ceci permettrait l’adoption à la majorité qualifiée de directives portant sur des domaines beaucoup plus vastes que les conditions de travail stricto sensu.

63A l’heure actuelle, le caractère extensif de cette notion de milieu du travail reste problématique. L’interprétation dynamique de ce nouvel article est toutefois importante puisqu’elle met en jeu le mode d’adoption des directives (majorité qualifiée ou unanimité). Jusqu’à présent, la Commission s’en est tenue à des propositions de directive visant strictement les conditions d’hygiène et de sécurité. Toutefois, rien dans cette interprétation n’est encore fixé puisqu’on n’en est qu’à l’amorce de la capacité juridique explicite de la Commission d’intervenir dans ce domaine. Le jeu des forces politiques et sociales aura donc ici un rôle non négligeable.

64La seconde innovation de l’Acte unique dans le domaine des politiques sociales amorce l’idée de négociations collectives au niveau européen. L’article 118 B stipule “que la Commission s’efforce de développer le dialogue social entre les partenaires sociaux au niveau européen, pouvant déboucher, si ces derniers l’estiment souhaitable, sur des relations conventionnelles”.

65Cette idée de dialogue social a été lancée par Jacques Delors en 1984. Présidé par la Commission, il réunit à Val Duchesse les représentants de la Confédération européenne des syndicats, de l’Union des industries de la Communauté européenne et de la Confédération européenne des entreprises publiques.

66On ne peut que constater les ambiguïtés de la formulation des dispositions de l’Acte unique qui traduisent l’absence de consensus à la fois sur les domaines qui relèvent de ces discussions, leur portée et leurs conséquences pour les interlocuteurs qui y participent.

67Jusqu’à présent, les interlocuteurs sociaux ont produit deux avis : le premier sur la stratégie de la relance pour la coopération et l’emploi, le second sur l’information et la consultation des travailleurs en matière d’introduction de nouvelles technologies.

68En janvier 1989, il a été décidé de créer au sein du dialogue social, un “groupe de pilotage de haut niveau politique”. Sous son égide, deux sous-groupes ont été constitués. Le premier est chargé de suivre l’évolution du marché du travail et le second d’étudier les problèmes de la formation professionnelle.

69Cependant, aucun des partenaires n’est réellement mandaté pour émettre autre chose qu’un avis et l’UNICE estime avec constance qu’“une négociation collective dans le cadre du dialogue social n’est ni possible, ni utile, ni souhaitable” ( [12]). En termes réglementaires ou conventionnels les débouchés du dialogue social restent incertains du fait de la volonté patronale de maintenir la négociation à un niveau décentralisé, favorable à la dérégulation.

Les mesures de sauvegarde

70Jusqu’à l’adoption de l’Acte unique, les États membres pouvaient prendre des mesures de sauvegarde (article 36), c’est-à-dire interdire l’importation de produits enfreignant leur législation en matière de santé, de sécurité, de protection ou de moralité publique. En cas de litige, c’est la Cour de justice qui tranchait de la légitimité des motifs invoqués. Cependant, la Cour de justice excluait le recours à cet article lorsque l’harmonisation des législations nationales était réalisée par voie de directive.

71C’est dans le domaine des denrées alimentaires que ces mesures de sauvegarde ont été le plus utilisées et c’est la raison pour laquelle un nombre important de propositions de directives sur l’harmonisation des contrôles phytosanitaires et vétérinaires figurent dans le Livre blanc sur l’achèvement du marché intérieur.

72L’Acte unique prévoit que de nouveaux motifs de sauvegarde pourront dorénavant être invoqués après l’adoption d’une directive : il s’agit de la protection de l’environnement, du milieu du travail, des mesures affectant les consommateurs et la sécurité. Ce sera toutefois à la Commission de vérifier si ces mesures ne sont pas maintenues pour des motifs protectionnistes, ce qui lui confère un pouvoir accru par rapport à la situation précédente.

73Dans le domaine qui nous occupe ici, la façon dont sera exploitée la faculté de maintenir des mesures de sauvegarde et les critères de la Commission pour les accepter ou non posera avec acuité le problème de la compatibilité de niveaux de sécurité et de protection différents pour les travailleurs.

La cohésion économique et sociale

74Nouveau titre du Traité, son objet est de “réduire l’écart entre les diverses régions et le retard des régions les moins favorisées”.

75On y prévoit la modification du fonctionnement des fonds structurels (Fonds social européen, Fonds européen de développement régional, Fonds européen d’orientation agricole) et le doublement de leur dotation budgétaire en terme réel à l’échéance 1993. La Banque européenne d’investissement devrait jouer un rôle plus intégré aux côtés des interventions des Fonds, de façon à ce qu’ils soient utilisés de manière plus coordonnée et renforcent mutuellement leur impact (voir ci-dessous).

76Par ailleurs, la Commission a élaboré plusieurs programmes spécifiques visant à atténuer l’aggravation de la situation sociale dans les régions de la Communauté où l’emploi était fortement dépendant de secteurs industriels en déclin. Nous relèverons ici les programmes RESIDER pour les travailleurs de la sidérurgie et RENAVAL pour ceux qui sont affectés par la fermeture des chantiers navals. La Commission a également mis sur pied des programmes pour des fractions de la population particulièrement marginalisées, telles que les handicapés.

77Après ce rappel historique et l’exposé des fondements juridiques de la politique sociale de la Communauté, nous verrons successivement les différents paliers du droit et de la politique sociale dans lesquels la Communauté intervient avec une légitimité plus ou moins reconnue. L’adoption de l’Acte unique offre des chances à l’accélération du processus de décision communautaire mais l’élargissement effectif des compétences communautaires en matière sociale reste encore très largement à négocier.

2 – Le droit communautaire appliqué aux personnes

La libre circulation des travailleurs

Les principes

78Le Traité prévoit pour tout ressortissant de la Communauté la possibilité de postuler des “emplois effectivement offerts”, et interdit les discriminations fondées sur la nationalité, pour ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les conditions de travail.

79En outre, un travailleur employé successivement dans différents pays conservera les différents droits acquis dans chacun d’entre eux (droit à la santé, au chômage, à la pension), bien qu’il ne soit pas facile de les faire valoir auprès des administrations concernées.

80La mobilité des travailleurs est un des acquis du Traité. Ce droit est assez logique, puisqu’à ses débuts, dans la foulée de la Communauté du charbon et de l’acier, la CEE a contribué à rendre possible, sinon à organiser, des mouvements de masse de travailleurs peu qualifiés des campagnes des pays du Sud de la Communauté (à l’époque, essentiellement de l’Italie) vers les mines, la sidérurgie, l’industrie automobile, le bâtiment et les travaux d’infrastructure, situés dans les autres pays.

81Ce droit était toutefois incomplet, notamment pour ce qui concerne :

  • l’extension du droit à la libre circulation des réfugiés et apatrides ;
  • le renforcement du principe d’équivalence des situations en vue d’avantages sociaux et fiscaux ;
  • le renforcement du droit de séjour des travailleurs, lorsqu’ils tombent en chômage ou exercent des emplois de courte durée.

82Pour remédier à ces dernières lacunes, la Commission a proposé au Conseil deux mises à jour de sa législation qui devraient accroître la sécurité juridique des travailleurs migrants et de leur famille [13]. L’objectif de la Commission est triple :

  • étendre le bénéfice du droit communautaire à tous les ascendants et descendants du travailleur, ainsi qu’à ceux de son conjoint (même non communautaire) et aux autres membres de sa famille qui sont à sa charge. A noter que la situation des épouses, veuves ou divorcées, ne serait plus affectée par la modification de leur situation matrimoniale ;
  • renforcer la règle d’égalité de traitement entre nationaux et autres ressortissants communautaires, notamment en matière de droit à la formation professionnelle, aux aides à la mobilité et à l’embauche, à l’aide au logement et aux facilités de financement, aux abattements fiscaux pour enfants à charge etc. ;
  • renforcer le droit de séjour des travailleurs en chômage et de leur famille, qui gardent des liens contractuels dans le pays où ils sont établis et travaillaient, tels que des baux en cours, des prêts, la scolarisation des enfants. Ce droit de séjour renforcé devrait également bénéficier aux travailleurs exerçant des emplois de courte durée.

83Le Conseil des ministres devrait se prononcer à la majorité qualifiée, et en concertation avec le Parlement européen, sur ces importantes modifications de la législation communautaire qui devraient être adoptées dans le courant de 1990.

La logique actuelle

84Le droit communautaire est prolongé par des politiques qui visent à améliorer les possibilités de déplacement des salariés et des indépendants.

85La CEE œuvre pour rendre possibles les mouvements migratoires de personnel hautement qualifié qui s’oriente vers des créneaux d’emploi dans les réseaux des multinationales ou qui souhaitent changer de pays à la suite du redéploiement géographique de certaines activités économiques. Pour cela, un préalable majeur : la reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur, à des fins professionnelles.

86Après avoir tenté d’harmoniser les législations nationales, ce qui n’a pu être mené à bien que pour un petit nombre de professions dans le domaine de la santé, les pays de la CEE ont changé leur fusil d’épaule et décidé de substituer à ce système, celui de la reconnaissance mutuelle, partant du principe que dans une Communauté sociologiquement homogène une formation considérée comme suffisante dans un État doit être acceptée par les pays partenaires. Le Conseil “marché intérieur” a adopté en décembre 1988 la première directive fondée sur cette nouvelle approche [14].

87Cette directive va dans le sens d’une mobilité accrue des professions “haut de gamme” : les entreprises mais également les services aux entreprises, les consultants, les cabinets juridiques anticipent “l’européanisation”, sinon l’internationalisation, de leurs activités et donc de leur recrutement. Il faut noter que parmi les secteurs intéressés par cette mobilité figurent les services publics commerciaux, visés par la privatisation dans plusieurs pays. Ces services qui sont eux aussi à la recherche de professionnels de haut niveau devront affronter une double concurrence avec le secteur privé, celle de la productivité, et la concurrence en matière de recrutement sur un marché du travail dorénavant européanisé.

88La Commission a mis cette même “nouvelle approche” en œuvre pour aboutir à un système de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles [15]. Jusqu’à présent, elle avait procédé par voie d’harmonisation ce qui s’était avéré une méthode extrêmement lente. Seules quelques professions du secteur 2 (l’hôtellerie et la restauration, la réparation automobile, la construction et l’électrotechnique) avaient fait l’objet de descriptifs techniques relatifs aux exigences professionnelles requises. L’approbation de cette proposition devrait assurer la libre circulation effective pour une série de métiers assurés par les petits indépendants (plombiers, électriciens, boulangers, etc.).

Les évolutions en perspective

La libre circulation des non actifs (étudiants-pensionnés-rentiers)

89L’adoption d’une proposition de directive dite “droit de séjour généralisé”, qui devait pour être adoptée, recueillir l’unanimité, s’est heurtée à l’opposition d’un certain nombre d’États qui exigent que des conditions de ressources financières puissent être imposées.

90Devant cette opposition, la Commission a décidé, au mois de mai 1989, de retirer purement et simplement sa proposition initiale et de scinder le problème en présentant trois nouveaux textes [16]. Deux des nouvelles propositions pourront être adoptées à la majorité qualifiée, à savoir :

  • une proposition relative au droit de séjour des étudiants. Cette proposition est fondée sur l’article 7 du Traité CEE interdisant toute discrimination entre les ressortissants des États membres en ce qui concerne l’accès à la formation professionnelle. L’argument de la Commission se base sur le fait que l’accès à la formation professionnelle suppose un droit de séjour effectif ;
  • une proposition relative au droit de séjour des pensionnés. Ici la Commission développe l’argument selon lequel le principe de la libre circulation doit s’appliquer non seulement pendant la partie active de la vie professionnelle mais également au cours de la période inactive.

91Seule l’adoption de la proposition relative au droit de séjour des ressortissants de la Communauté n’exerçant pas d’activité économique reste fondée sur l’article 235 du Traité CEE qui requiert l’unanimité.

92Pour favoriser l’adoption de ces trois nouvelles propositions, les textes imposent que les différentes catégories de personnes concernées soient couvertes par une assurance maladie et ne soient pas en charge de l’assistance sociale.

L’accès aux emplois publics

93L’accès aux emplois publics est jusqu’à présent largement réservé, par les États membres à leurs nationaux. L’article 48 du Traité prévoit en effet que le principe de la libre circulation des travailleurs ne s’applique pas aux emplois dans l’administration publique.

94La Commission a décidé de ne plus admettre une interprétation générale de cette dérogation et de veiller à l’égalité de traitement des ressortissants des autres pays de la Communauté, dans quatre grands secteurs professionnels [17] :

  • la recherche à des fins civiles ;
  • les services publics commerciaux (chemins de fer, transports aériens, radio-télévision, etc.) ;
  • l’enseignement dans les établissements publics ;
  • les hôpitaux et les autres services de santé.

95En concertation avec les administrations nationales et les organisations professionnelles et syndicales, la Commission décidera des emplois qui devront être libérés sans restriction dans ces secteurs, car ils ne sont pas investis de la puissance publique.

96La Commission explique qu’il ne serait pas logique, à la veille de la réalisation d’une Europe sans frontière en matière de science, de technologie et de service, et alors que les États membres estiment qu’il est important pour les enseignants de renforcer leur expérience par des séjours à l’étranger, que l’accès à ce type d’emplois soit encore réservé aux nationaux. En outre la multiplication des programmes communautaires de recherche, tels que ESPRIT dans le domaine de la technologie de l’information ou RACE dans celui des télécommunications, doit s’accompagner d’une complète mobilité des chercheurs. De même, la libéralisation des transports aériens devrait être suivie d’un libre-accès aux professions de pilote, de steward, etc.

Les autres programmes de soutien à la mobilité

97Il existe différents programmes communautaires favorisant la mobilité des travailleurs ou des futurs travailleurs.

98C’est ainsi que le Conseil a adopté en mai 88 un programme d’échange de jeunes travailleurs intitulé YES pour l’Europe [18]. Au cours des trois premières années de son fonctionnement, il devrait permettre à 80.000 jeunes de 18 à 25 ans d’effectuer un séjour d’une semaine ou plus dans un autre État membre. Ce programme est doté d’un budget de 18,5 millions d’Ecus pour une première période (juillet 1988-décembre 1989) et doit être reconduit.

99Autre programme communautaire mais qui s’adresse aux futurs cadres, le programme d’échange d’étudiants ERASMUS adopté le 15 juin 1987 [19]. Son objectif est d’aboutir à ce qu’en 1992, 10 % de la population estudiantine puisse passer une période d’études dans un autre État membre. Son budget s’élève à 85 millions d’Ecus, mais il s’agit d’un programme permanent et sa dotation devrait être ascendante.

L’égalité homme-femme

100Toujours dans le chapitre des droits inscrits dans le Traité, on trouve incontestablement l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes. Notons que ce principe a été inscrit dans le texte fondateur de la CEE non pas pour des motifs relevant du droit de la personne humaine mais pour des raisons économiques : certains pays redoutaient la concurrence déloyale de ceux utilisant une forte main-d’œuvre féminine sous-payée, dans des secteurs précis, tels que l’industrie du textile et du cuir.

La naissance d’une politique communautaire

101L’arrivée massive des femmes sur le marché du travail dans les années 60, le développement de leurs luttes collectives et individuelles, la constitution de réseaux d’informations et de pression construits par les organisations de femmes ont constitué un facteur important dans la traduction du principe formel d’égalité entre les hommes et les femmes, dans les dispositions législatives de la Communauté.

102La traduction de ce principe, inscrit dans le Traité, allait être l’occasion pour la Commission et le Parlement européen d’affirmer leur indépendance et leur compétence fonctionnelle face au Conseil des ministres.

103Soutenue par le Parlement européen, la Commission a été amenée à faire progresser la situation, notamment parce qu’elle a su exploiter la jurisprudence élaborée par la Cour européenne de justice, qui a interdit, même si ce n’est qu’au cas par cas, des situations discriminatoires à l’égard des femmes, qu’il s’agisse de l’égalité de salaire, direct ou indirect, pour un même travail ou pour un travail équivalent, de l’égalité de traitement, et de l’égalité des avantages liés à un contrat de travail.

104La Cour de justice a en effet joué un rôle décisif par les arrêts qu’elle a rendus en la matière. Alors que le Conseil n’avait adopté aucune directive mettant en œuvre cet article du Traité, la Cour a tranché et dit que les dispositions de l’article 119 sont directement applicables dans les États et prévalent donc sur les lois nationales [20]. Il a toutefois fallu attendre la seconde moitié des années 70 pour que le Conseil des ministres adopte effectivement les directives précisant l’application de ce principe (voir tableau 2).

Tableau 2

Les directives adoptées par le Conseil en matière d’égalité de traitement entre les hommes et les femmes

Tableau 2
Directive 75/117 du 10 Janvier 1975 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’application du principe d’égalité de rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (JOL du 19 février 1975). Directive 76/207 du 14 février 1976 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail (JOL 39 du 14 février 1976). Directive 79/7 du 19 décembre 1978 relative à la mise en œuvre progressive du principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JOL 6 du 10 janvier 1976). Directive 86/378 du 24 juillet 1986 relative à la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale (JOL 225 du 12 août 1986). Directive 86/813 du 11 décembre 1986 sur l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, y compris une activité agricole, ainsi que sur la protection de la maternité (JOL 359 du 19 décembre 1986).

Les directives adoptées par le Conseil en matière d’égalité de traitement entre les hommes et les femmes

105Un autre arrêt de la Cour de justice a permis de sortir la question de l’égalité des femmes du champ exclusivement économique. Elle a arrêté que les discriminations entre les hommes et les femmes doivent être éliminées dans tous les aspects de la politique de l’emploi, c’est-à-dire non seulement en matière de salaire direct et indirect, mais aussi en matière de sécurité sociale, de droit au chômage, de formation professionnelle et de conditions de travail [21]. Cet arrêt s’est traduit par une seconde avancée des dispositions législatives en matière d’égalité de traitement reprises également dans le tableau 2.

L’évolution récente

1061985 marque le terme du premier programme de la Commission pour la promotion de l’égalité des chances. Un second programme a été adopté pour la période 1986/1990 [22]. Ce programme reprend les thèmes principaux du premier à savoir :

  • une meilleure application des directives existantes ;
  • de nouvelles orientations en matière de formation professionnelle ;
  • le développement de réseaux, de recherches, de projets pilotes en faveur de l’emploi des femmes ;
  • l’impact des nouvelles technologies sur l’emploi, la santé et la sécurité du travail des femmes ;
  • l’individualisation des droits en matière de sécurité sociale ;
  • l’encouragement au partage des responsabilités familiales et professionnelles ;
  • la sensibilisation et l’évolution des mentalités.

107Ce programme reprend certaines idées qui figuraient dans un rapport de la Commission au Conseil en 1986. Ce rapport suggérait que seules des discriminations positives en faveur des femmes leur permettraient de surmonter la ségrégation dont elles sont l’objet dans un nombre important de domaines. C’est à partir de ce rapport que la Commission a élaboré un programme d’actions positives en faveur des femmes [23].

108Ce programme concerne la réalisation de l’égalité des chances dans les faits et vise à neutraliser les contraintes et les conditionnements fondés sur la ségrégation des rôles dans la société. Des syndicats se sont saisis de l’aide que la Communauté a apporté à ces programmes d’actions pour faire accéder les femmes à des fonctions de pouvoir non seulement dans les entreprises mais également à l’intérieur de leurs organisations, sensibiliser les délégué(e)s aux revendications des femmes dans les entreprises, et réfléchir à des demandes qui ne cadrent pas nécessairement avec les axes de la revendication syndicale.

109Un autre programme communautaire vise à soutenir les initiatives locales d’emplois en faveur des femmes, particulièrement en faveur de celles qui sont au chômage depuis longtemps et des femmes seules avec enfants.

Les nouvelles orientations

110Les nouvelles propositions de la Commission sont reprises au tableau 3.

Tableau 3

Les propositions en cours d’examen

Tableau 3
Proposition de directive complétant la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans les régimes légaux et professionnels de sécurité sociale (COM (87) 494) (pensions de groupes souscrites dans les entreprises par exemple). Proposition de directive sur le renversement de la charge de la preuve (COM (88) 269). Proposition visant à égaliser l’âge de la retraite (COM (86) 365).

Les propositions en cours d’examen

111Au chapitre de la promotion du droit des femmes, la première proposition de directive vise l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans les régimes légaux et professionnels de sécurité sociale, c’est-à-dire par exemple dans les systèmes de pension complémentaire prévus par la loi, et ceux souscrits dans des assurances de groupe.

112Pour favoriser l’exercice du droit effectif des femmes à l’égalité de traitement, la Commission a, en outre, déposé une proposition qui vise à renverser la charge de la preuve en cas de discrimination. Selon ce nouveau schéma, le bénéfice du doute reviendrait à la plaignante et ce ne serait plus à la travailleuse d’apporter la preuve qu’elle est victime d’une discrimination de traitement, de rémunération ou de promotion professionnelle, preuve qu’il lui est fort souvent difficile d’apporter. Ce serait dorénavant à l’employeur de prouver que les accusations qui sont portées contre lui ne sont pas fondées. Cette proposition devrait encourager les femmes, à faire valoir effectivement leurs droits.

113Ces textes sont pour le moment bloqués devant le Conseil des ministres.

114A côté des tentatives de la Commission de poursuivre l’élaboration de normes favorables à une réelle égalité de traitement, apparaît une tendance à la dérégulation de normes nationales existantes. Dans une communication, approuvée par le Conseil, la Commission se propose de supprimer à plus ou moins brève échéance les protections spéciales dont bénéficient les femmes dans une série de métiers (par exemple l’interdiction du travail de nuit, de certains travaux particulièrement pénibles ou stressants) [24]. Elle suggère la suppression de ces interdictions, parallèlement il est vrai, à une amélioration généralisée des conditions de travail (par exemple, par une réduction du temps de travail). La Commission considère que ces protections nuisent à l’emploi des femmes et que leur suppression favoriserait le retour au travail des femmes dont le taux de chômage reste beaucoup plus élevé que celui des hommes.

115De même, elle a déposé en 1987 une proposition de directive visant notamment à égaliser l’âge d’accès à la retraite des femmes sur celui appliqué aux hommes ou à leur donner les mêmes possibilités de choix, à l’intérieur d’une certaine fourchette.

116Ces dernières propositions ne sont pas sans soulever des polémiques à l’intérieur des organisations syndicales qui se demandent si ces différentes mesures sont ou non favorables à l’emploi des femmes ou si elles marquent une régression de certaines protections dont les femmes bénéficiaient et qui devraient au contraire être étendues aux hommes.

Éléments d’évaluation

117L’égalité de traitement des hommes et des femmes, en tant que principe, a nécessité un effort législatif de longue haleine, tant de la Commission que du Parlement européen pour qu’il soit établi juridiquement dans les dispositifs nationaux. Quelque formelle que cette égalité reste dans la pratique, le dispositif normatif mis en place par la Communauté a permis une amélioration des droits des femmes au travail. Certes les organisations féministes sont assez critiques sur l’action de la Commission qu’elles jugent, à l’image de ce qui se passe dans certains pays, trop lente ou trop timide [25]. D’importantes lacunes pour que les femmes et les hommes puissent effectivement concilier leur vie professionnelle, leur vie familiale et sociale, restent encore à combler notamment en matière de congé parental, de répartition des rôles ou pour trouver des solutions au problème de la garde des enfants.

118Une autre critique porte sur les procédures lentes et coûteuses de la Cour de justice qui ne permettent qu’à des travailleuses individuelles de faire valoir leurs droits. Il est par exemple impossible pour une organisation de se porter plaignante dans le cas où une entreprise refuse systématiquement d’engager des femmes sans qu’elle n’en explicite la raison.

119Le rôle de la Commission pour la promotion des droits des femmes n’a pourtant pas été négligeable. Cette avancée ne se serait pas réalisée à ce rythme sans sa législation. C’est un domaine où la notion “d’espace social européen” commence à acquérir une certaine consistance.

3 – Les droits individuels et collectifs des travailleurs

Les conditions de travail

Les acquis

120L’intervention de la Communauté dans les matières relevant des conditions de santé et de sécurité, sur le lieu de travail est un domaine où la mise en œuvre de ses compétences ne lui est pas contestée, la disparité des législations nationales sur le sujet étant unanimement considérée comme un élément susceptible de fausser la concurrence entre les États.

121Comme nous l’avons exposé précédemment, il a cependant fallu attendre 1974 pour qu’un premier programme d’action sociale de la Communauté soit adopté par le Conseil. Ce programme prévoyait, entre autres, une initiative dans le domaine de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail. Cette initiative s’est concrétisée par l’adoption d’un premier programme spécifique en matière de santé-sécurité qui a été adopté en 1978 [26]. Un deuxième programme a été approuvé par le Conseil en 1984 [27] et le dernier, en 1988 [28].

122Le tableau 4 reprend les directives qui ont été adoptées dans le cadre de ces programmes d’action de la Communauté en matière de santé, de sécurité et d’hygiène sur le lieu de travail.

Tableau 4

Directives approuvées

Tableau 4
Directive sur la signalisation de sécurité sur le lieu de travail (77/576/CEE). Directive-cadre pour la protection contre les agents chimiques, physiques et biologiques en général (80/1107/CEE). Directives particulières fixant des limites d’exposition concernant cinq agents chimiques et physiques spécifiques : chlorure de vinyle monomère (78/610/CEE), composés de plomb (82/605/CEE), amiante (83/477/CEE), bruit (86/288/CEE), interdiction de la production et de l’utilisation de quatre substances cancérigènes (la 2-naphtylamine et ses sels, la 4-aminobiphényle et ses sels, la benzidème et ses sels et la 4-nitrodiphényle) (88/364). Directive (88/642) modifiant la directive-cadre (80/1107) concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à des agents chimique, physique et biologique. Directive-cadre (89/391) concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. Directives particulières relatives aux prescriptions minimales de santé et de sécurité : pour les lieux de travail (Directive 89/654 du Conseil, du 30 novembre 1989, JOL 393 du 30 décembre 1989) ; pour l’utilisation par les travailleurs des machines et installations (Directive 89/655 du Conseil, du 30 novembre 1989, JOL 393 du 30 décembre 1989) ; et pour l’utilisation par les travailleurs d’équipements de protection individuelle sur les lieux de travail (Directive 89/656 du 30 novembre 1989, JOL 393 du 30 décembre 1989)

Directives approuvées

123Les propositions prévues par la Commission dans son dernier programme et en cours d’adoption sont deux des directives particulières à la directive cadre 89/391 :

  • en matière de manutention de charge lourde (COM 89/213) et
  • relative au travail sur des équipements à écran de visualisation (COM 89/195).

124Notons que la proposition de directive relative à l’utilisation du benzène (COM (85/669) a été rejetée en deuxième lecture par le Parlement européen et qu’elle nécessiterait dorénavant, pour être adoptée, l’unanimité du Conseil.

125Les propositions qui restent à élaborer portent sur :

  • la révision de la directive de 1977 relative à la signalisation de la sécurité ;
  • l’harmonisation de la composition des pharmacies à bord des navires ;
  • la protection des travailleurs agricoles utilisant des pesticides ;
  • les prescriptions relatives à la sécurité dans le secteur de la construction ;
  • la protection des travailleurs contre les agents biologiques ;
  • la limitation de l’exposition des travailleurs aux composés du cadmium ;
  • la révision d’une série de directives existantes pour réduire les taux d’exposition des travailleurs à l’amiante, au plomb, au bruit, interdisant l’utilisation d’agents dangereux ou réduisant les valeurs limites d’exposition (y compris aux agents chimiques absorbés à travers la peau).

126Il faut ajouter que des questions de santé et de sécurité sont de fait traitées par la Communauté, par le biais des compétences qui lui sont attribuées pour réaliser la libre circulation des marchandises à l’intérieur du marché commun. On ne peut les ignorer sous peine de passer à côté d’aspects importants de cette politique. Ainsi un volet substantiel de la législation en matière de santé et de sécurité découle des législations adoptées pour harmoniser les caractéristiques techniques des produits et favoriser leur libre échange entre les pays de la Communauté. Il s’agit par exemple d’une série de dispositions relatives au bruit de certains équipements. D’autres dispositions adoptées au titre de la politique communautaire en matière d’environnement intéressent également les travailleurs. On trouvera au tableau 5 les directives de cette nature adoptées jusqu’à présent par le Conseil.

Tableau 5

Directives intéressant indirectement les travailleurs

Tableau 5
Dans le cadre de la politique communautaire en matière d’environnement : Directive sur les principaux risques d’accidents majeurs liés à certaines activités industrielles (82/501/CEE). Dans le cadre de l’harmonisation des législations concernant les produits dangereux : Directive 67/548 relative à la classification, l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses ; Directives particulières concernant les solvants (73/173), les peintures, vernis, encres, colles et produits connexes (77/728) ; Directive 79/831 prévoyant un système de notification préalable de mise sur le marché de toute substance chimique nouvelle ; Directive 76/769 relative à la limitation de la mise sur le marché et de l’emploi de certaines substances et préparations. Dans le cadre de la libre circulation des produits, disposition harmonisant les niveaux sonores des équipements suivants : Directive 79/113 concernant les engins et matériels de chantier ; Directive 84/533 concernant les motos compresseurs ; Directive 84/534 concernant les grues à tour ; Directive 84/535 concernant les groupes électrogènes de soudage ; Directive relative aux groupes électrogènes de puissance ; Directive 84/537 relative aux marteaux piqueurs.

Directives intéressant indirectement les travailleurs

127Enfin des normes particulières concernent les secteurs couverts par les Traités EURATOM et CECA.

Les perspectives

128Complèmentairement aux mesures législatives prévues par le troisième programme d’action de la Commission, d’autres initiatives sont envisagées.

129En matière de prévention, la Commission se propose de mettre sur pied un système d’échange rapide d’informations sur les produits, les outils et les équipements dangereux sur le lieu de travail. Le programme d’information sur les substances dangereuses sera élargi.

130En matière de limitation des risques, la Commission poursuivra ses travaux d’évaluation des seuils d’exposition des travailleurs à une série de substances dangereuses et notamment aux hydrocarbures chlorés, aux solvants qui ne sont pas couverts par des directives existantes, aux mélanges d’agents, et aux préparations chimiques. Ces travaux devraient aboutir ultérieurement à la rédaction de nouvelles propositions.

131Dans des domaines où il semble urgent d’aboutir à de nouvelles directives mais où le consensus nécessaire paraît loin d’être acquis, la Commission envisage de procéder par voie de recommandation. Il s’agit notamment d’établir au niveau européen une liste des maladies professionnelles et de promouvoir l’extension et l’organisation des services de santé professionnels.

132Compte tenu des problèmes pour la santé et la sécurité qui risquent de surgir de l’application d’une série de directives prises dans le cadre du marché intérieur, la Commission a prévu d’officialiser les réunions périodiques d’inspecteurs du travail et d’établir un réseau de collaboration entre différents centres de formation dans tous les domaines de la sécurité et de la protection de la santé.

133Dans son troisième programme, enfin, la Commission insiste sur la nécessité de contrôler l’application des règlements existants, en particulier dans les petites et les moyennes entreprises.

Un bilan difficile à évaluer

134La concrétisation des deux premiers programmes de la Commission en dispositions normatives, s’est avérée difficile à réaliser. L’article 100 concernant l’harmonisation des législations requérait l’unanimité, toujours difficile à atteindre.

135Quel en a été l’impact effectif sur l’amélioration de la santé, de la sécurité et de l’hygiène sur les lieux de travail ? Il manque ici une évaluation globale, tant par les organes de la Commission que par les parties intéressées et une estimation qualitative s’avère très difficile. Il faudrait pouvoir examiner si les directives de la Communauté entérinent un niveau minimum de protection ou incitent au contraire les États membres à tenir compte des avancées technologiques pour promouvoir une amélioration constante des conditions de travail. Mesure par mesure, il faudrait pouvoir les comparer aux législations nationales existantes et aux conventions internationales du travail auxquelles, le cas échéant, ont souscrit les États membres.

136En tout état de cause, l’approche de la Commission s’avère insuffisamment globale. Notons qu’à côté du rôle joué par les normes relatives aux conditions de santé et de sécurité dans la protection effective des travailleurs, d’autres paramètres devraient être pris en considération par la Commission pour réaliser une véritable politique de prévention en la matière, telle que l’organisation du temps de travail, le travail par équipe, ou le travail de nuit. En outre, les statistiques récentes relatives aux accidents du travail montrent la relation existante entre la précarité des statuts des travailleurs et leur exposition à des risques physiques [29]. Plusieurs facteurs expliquent cette corrélation, notamment l’absence de formation de ces travailleurs et le recours accru à la sous-traitance pour les travaux particulièrement dangereux, effectués par des personnels qui ne sont pas protégés par les dispositions conventionnelles conclues dans les entreprises.

137A défaut d’une évaluation qualitative des normes fort techniques qui ont été adoptées, reste une évaluation quantitative des dispositions adoptées par la Commission au regard des revendications des travailleurs, concernés au premier chef par ces mesures. Sur base de la plate-forme revendicative élaborée par la Confédération européenne des syndicats lors du congrès de Munich en 1979 et confirmée par les congrès de La Haye en 1982 et de Milan en 1986, on peut esquisser un premier état des lieux. Au plan quantitatif, les directives adoptées recoupent largement les domaines cités dans la plate-forme de la CES. La représentation des syndicats dans les comités consultatifs chargés d’établir les priorités des programmes de la Communauté en matière de santé et de sécurité, et de participer à l’élaboration des dispositions proposées, a permis, selon les intéressés, que soient entendues les préoccupations des syndicats en la matière.

Les nouvelles orientations

138Depuis l’adoption de l’Acte unique, les directives relatives aux conditions de travail peuvent dorénavant être approuvées par le Conseil à la majorité qualifiée. Le rythme d’adoption d’une série de propositions prévues au troisième programme d’action de la Commission a pu, dès lors, être plus soutenu qu’il ne l’avait été précédemment.

139Les directives qui ont été adoptées depuis la ratification de l’Acte unique remplissent une double fonction : marquer la volonté de la Commission de faire avancer l’Europe sociale parallèlement à la réalisation du marché intérieur et donner un contenu au nouvel article 118 A de l’Acte unique. Réalisées dans une certaine précipitation, ces propositions comportent de nombreuses ambiguïtés.

140En effet, l’adoption de ce que l’on a appelé “la nouvelle approche”, par laquelle la Commission a renoncé à harmoniser tous les aspects des lois et règlements, pose de nouveaux problèmes en matière de santé et de sécurité du travail. Rappelons que selon la “nouvelle approche”, les directives se limitent à fixer les exigences essentielles auxquelles doivent répondre les produits et renvoient aux organismes européens de normalisation pour la définition des normes techniques précises, si nécessaire.

141Nous examinerons ici en particulier deux directives qui clarifient les conséquences de cette nouvelle approche de la Commission en matière de normalisation et éclaire la liaison entre la réalisation du marché intérieur et la santé et la sécurité des travailleurs.

142La première vise à réaliser le marché intérieur des machines [30]. La seconde constitue le volet social de la première et est d’autant plus importante qu’il s’agit d’une directive cadre concernant l’amélioration de la sécurité et de la santé sur le lieu de travail et qu’elle a donc inspiré une série de directives particulières qui ont été également adoptées.

143La directive relative à la libre circulation des machines couvre un champ très large puisqu’elle concerne toutes les machines allant de celles qui sont d’une conception très simple aux machines et installations très complexes telles que les cellules et ateliers flexibles. Elle exclut toutefois les machines les plus dangereuses et les engins mobiles qui font l’objet de propositions spécifiques. Cette directive fixe les exigences fondamentales auxquelles les spécifications des machines doivent correspondre pour répondre aux critères essentiels de sécurité. Les États membres ne pourront dorénavant plus interdire la commercialisation, la mise en service et l’utilisation de machines qui répondent à ces critères. Une clause de garantie a cependant été incluse dans la directive autorisant les États membres à retirer une machine qui s’avère dangereuse du marché. La Commission sera toutefois habilitée à contrôler la validité de cette mesure et à veiller qu’elle ne couvre pas de nouvelles entraves aux échanges.

144Les problèmes soulevés par cette directive sont nombreux et concernent notamment les points suivants :

  • si les machines sont admises à la libre circulation, comment articuler la responsabilité des employeurs en matière de prévention pour ce qui concerne l’utilisation des machines ? Les fabricants sont certes obligés d’intégrer les notions de sécurité et de santé dès le stade de conception de machines, mais les travailleurs, utilisateurs des équipements, n’ont pas de lien contractuel avec eux ;
  • la directive habilite le fabricant à apposer sur ses machines, le label de conformité aux prescriptions minimales en matière de santé et de sécurité. Il peut, mais ce n’est pas obligatoire, se référer à des normes techniques qui traduisent les exigences essentielles auxquels les équipements doivent répondre. Ces normes techniques devront être établies par l’Institut européen de la normalisation. A défaut, la référence pourra être celles des normes nationales quand elles existent. La décentralisation de la normalisation est effectuée ici à son niveau le plus bas ;
  • sur base du principe de la reconnaissance mutuelle, en l’occurrence ici du label de conformité des machines, les comités de sécurité et d’hygiène chargés de la politique de prévention des risques, ne pourront plus exiger l’inspection de ces matériels a priori. C’est en cours d’utilisation, si des problèmes surgissent, sur l’intervention du médecin, de l’inspection du travail et des experts de sécurité que le défaut de respect des exigences en matière de sécurité pourra être vérifié ;
  • les procédures de contrôle et l’habilitation des organes de contrôle font également l’objet d’une agréation fondée sur la reconnaissance mutuelle ;
  • l’harmonisation des sanctions est abandonnée. La directive laisse à l’appréciation des États membres les sanctions qui devront être appliquées contre les fabricants ne respectant pas les règles du jeu. Les organisations syndicales, de leurs côtés, souhaitent une harmonisation des sanctions civiles et pénales.

145Cette directive sur la libre circulation des machines qui cadre avec l’objectif “marché intérieur” a de fait un impact important sur les législations et les procédures nationales relatives à la santé et à la sécurité du travail. Prenons l’exemple de la Belgique : dans ce pays, le contrôle de l’utilisation des machines relève de l’inspection du travail dépendant du Ministère du Travail. On peut dès lors concevoir le cas d’espèce dans lequel celui-ci déciderait d’interdire l’utilisation d’une machine, alors que celle-ci répond à la loi, c’est-à-dire à la directive et aux normes de fabrication. Il appartiendrait alors à l’État de prouver que les mesures de sauvegarde qu’il prend sont justifiés par des exigences importantes visées à l’article 36 du Traité. On aboutit ainsi dans les faits à renverser la charge de la preuve et à déplacer le lieu du pouvoir de l’État vers la Commission.

146Philosophiquement, cette directive tend donc à instaurer la responsabilité du fabricant pour la conception et la construction des machines, mais le problème de la responsabilité de l’employeur vis à vis des travailleurs pour l’utilisation des machines demeure. Les employeurs auront dorénavant l’entière liberté de choisir leur matériel. A cet égard, la situation varie de pays à pays : dans certains États membres, il existe des normes d’installation des machines, mais d’autres pays de la Communauté (la Grande-Bretagne, par exemple) fixent des normes techniques déterminant le choix des équipements. Les employeurs risqueraient dès lors de se protéger derrière la responsabilité des fabricants, pour ce qui concerne la mise en œuvre d’une politique de prévention efficace.

147C’est pour unifier les conditions de la concurrence, que la Commission a proposé au Conseil la seconde directive que nous examinons ici : celle concernant l’amélioration de la sécurité et de la santé sur le lieu de travail. Son objet est de “poser certains principes concernant en particulier la prévention des accidents du travail, la protection de la sécurité et de l’hygiène, l’information, la consultation et la formation des travailleurs et de leurs représentants et les mesures générales pour la mise en œuvre de ces principes”.

148Elle régit les matières suivantes :

  • la responsabilité des employeurs ;
  • les obligations des employeurs en ce qui concerne l’organisation et l’évaluation d’une politique de prévention, la détection et l’évaluation des risques, les moyens de prévention à utiliser, le choix de machines, matériaux, installations, etc., l’information, la formation et l’instruction des travailleurs ;
  • l’organisation des services de prévention ;
  • les droits des travailleurs en matière de sécurité et d’hygiène ;
  • les droits des représentants des travailleurs.

149La proposition initiale de la Commission avait largement repris les amendements votés par le Parlement européen en première lecture, mais le Conseil en a fortement restreint la portée. En seconde lecture, une majorité ne s’est pas dégagée au Parlement européen pour maintenir ses amendements et c’est donc la version édulcorée de la directive qui a été adoptée.

150Dans sa rédaction définitive, la directive permet de déroger au principe général de responsabilité des employeurs et la notion de risque différé pour les travailleurs a été abandonnée.

151Quel peut être malgré tout l’impact d’une telle directive sur l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs sur le lieu de travail alors que l’on considère que le niveau de protection des travailleurs est - théoriquement au moins - déjà élevé dans de nombreux pays européens ? Beaucoup dépend de la capacité des organisations syndicales de pousser les portes que l’adoption de cette directive entrouvre selon leurs priorités nationales. Sa transposition dans les droits nationaux pourra être l’occasion d’une rediscussion d’ensemble des concepts de prévention ou, par exemple, du rôle des services médicaux de sécurité et d’hygiène du travail.

152La directive prévoit, par exemple, que les employeurs procèdent (ou fassent procéder) à une analyse des risques pour la sécurité et la santé sur les lieux de travail. Cette obligation est rarement systématique dans les différents pays de la CE. Selon les modalités concrètes de transposition de cette directive qui seront adoptées au niveau national, cette proposition de directive pourrait permettre la généralisation de ce principe. De même, la méthodologie de cette analyse de risques qui n’est pas précisée dans le texte adopté peut également constituer un champ d’approfondissement de la législation nationale en matière de santé et de sécurité du travail.

153En outre, la transposition de cette directive-cadre dans le droit national peut être l’occasion d’une rediscussion de la couverture des travailleurs des PME et des PMI, puisqu’elle prévoit que les États membres définissent la taille des entreprises dans lesquelles l’entrepreneur peut assumer seul la supervision des mesures de prévention. Une autre matière où la proposition de directive pourrait permettre des avancées au niveau national concerne le travail répétitif dont le rythme est réglé par une machine puisque la directive dispose que les travailleurs peuvent prendre des mesures pour en modifier la cadence. Enfin, rien n’interdit d’élargir les dispositions prévues en matière d’information des travailleurs.

154On le voit, sans bouleverser les systèmes existants, cette directive permettrait à l’occasion de sa transposition dans les différents droits nationaux d’élargir et de préciser la protection de la santé des travailleurs. Encore faut-il qu’à cette occasion les ouvertures qu’elle permet ne soient pas gommées, et qu’elle fasse l’objet d’un réel effort de concrétisation.

Le droit des sociétés et la démocratisation de l’économie

155Il existe un droit des sociétés à dominante comptable et fiscale (visant par exemple l’uniformisation des comptes ou la suppression de la double imposition) qui intéresse indirectement les travailleurs puisqu’il conditionne la présentation des comptes qui doivent leur être soumis, dans le cadre des pouvoirs attribués aux comités d’entreprise. Nous nous attacherons cependant ici essentiellement aux propositions de directives qui traitent de la participation des travailleurs.

État des lieux

156Plusieurs propositions de directives ayant trait à la démocratisation de l’économie ont été soumises à l’approbation du Conseil, mais sont restées bloquées faute d’accord.

157Il s’agit des propositions suivantes :

  • proposition de “cinquième directive” concernant la structure des sociétés anonymes, les pouvoirs et obligations de leurs organes de gestion et de surveillance ;
  • proposition de règlement sur le statut d’une société anonyme européenne ;
  • proposition de “directive Vredeling”, relative à l’information et à la consultation des travailleurs dans les entreprises à structures complexes ;
  • proposition de “dixième directive”, concernant les fusions transfrontalières.

158Dans ces propositions, la Communauté a essayé d’introduire un droit d’information, de consultation et de participation des travailleurs, non pas parce qu’elle favorise ce droit en soi, mais parce que ce droit est reconnu, dans des formes réglementaires ou conventionnelles diverses et pour des domaines également fort différents, dans les États membres de la CEE.

159L’harmonisation des droits des sociétés à l’échelon communautaire doit prendre ce facteur en considération tout en prenant en compte la diversité des situations nationales qui procèdent d’une institutionnalisation différente des rapports sociaux.

160Ces différences expliquent l’opposition des États, du patronat mais également les réticences syndicales à l’égard d’un modèle unique introduisant la participation et l’information des travailleurs. L’ensemble de ces propositions est à l’heure actuelle toujours dans l’impasse.

Les éléments du blocage et ses issues

161Bien qu’ils soient convaincus de la nécessité de faciliter le rapprochement entre les firmes européennes pour faire face à la concurrence des entreprises nord-américaines ou nipponnes, les gouvernements ne sont jusqu’à présent pas tombés d’accord sur la question de la représentation des travailleurs. Sans solution à ce problème, des entreprises pourraient être tentées d’opérer des fusions dans le seul but de se soustraire aux législations nationales les plus contraignantes en matière de participation et d’information des travailleurs. C’est en particulier la crainte du gouvernement allemand qui redoute que les obligations de sa législation prévoyant la co-décision des travailleurs ne puissent de ce fait être contournées.

162L’existence d’une législation cadre communautaire déterminant la structure et le mode de création des entreprises, les modes d’organisation des pouvoirs et les modes de représentation des travailleurs serait la solution la plus globale au problème, puisque des dispositions concernant des situations spécifiques, la création d’une société anonyme de statut européen, les fusions d’entreprises, ou les problèmes particuliers posés par les entreprises appartenant à des groupes, pourraient y renvoyer. Mais la proposition de 5ème directive impose des arbitrages entre des traditions juridiques si complexes à opérer, que l’examen de ce texte a été abandonné au profit de la négociation entre les gouvernements de la proposition relative à la société anonyme de statut européen. L’adoption de cette proposition qui présente moins de difficulté technique que la proposition de 5ème directive, permettrait d’y revenir en ayant déblayé les problèmes politiques posés par les mesures relatives à l’information et à la consultation des travailleurs.

163La proposition de société anonyme européenne a fait l’objet d’un certain nombre de versions. Son objectif central est de permettre la création de sociétés transnationales, sur la base de normes directement européennes.

164Dans sa proposition initiale, la Commission avançait l’idée d’organiser un système de participation des travailleurs aux organes de surveillance de la société, assez proche de la cogestion allemande. Cette proposition a certes suscité l’opposition unanime du patronat, mais elle n’a pas non plus reçu un appui sans réticence de la part des organisations syndicales.

165La dernière proposition remaniée de la Commission a été déposée en août 1989 [31].

166Les problèmes posés par la création d’une société au niveau européen et ceux relatifs à l’information des travailleurs ont été scindés. Les aspects relatifs à la création de cette société, aux structures de ses organes de décision sont l’objet d’une proposition de règlement fondée sur l’article 100 A du Traité, permettant son adoption à la majorité qualifiée. Les aspects relatifs à l’information des travailleurs sont abordés dans une proposition de directive fondée sur l’article 54 du Traité relatif au droit d’établissement qui autorise également l’adoption des décisions à la majorité qualifiée. Un premier problème vient de la scission de cette proposition, et de l’adoption effective des dispositions du règlement prévoyant qu’il ne pourra pas entrer en vigueur tant que chacun des États membres n’aura pas intégré la directive dans son droit interne, les deux parties étant déclarées comme “formant un tout indissociable”.

167Un second problème vient de la base juridique choisie pour la proposition de directive, et qui concerne la “coordination des législations des États membres en vue de rendre équivalentes les garanties exigées des sociétés anonymes pour protéger les intérêts des associés et des tiers”. L’acceptation par les États membres d’une interprétation extensive de cette disposition est loin d’être acquise à l’heure actuelle.

168La proposition de la Commission envisage trois procédures de participation des travailleurs :

  • la participation à travers l’élection des membres du conseil de surveillance de la société ;
  • la participation à travers un organe des travailleurs, distinct des organes de la société ;
  • la participation suivant des modalités définies par la négociation collective.

169La Commission s’est, une fois encore, inspirée de la “nouvelle approche” par laquelle les systèmes nationaux sont considérés comme ayant des effets équivalents. En réalité, ces trois modèles n’assurent pas l’équivalence des droits de participation. Seul le premier modèle permet aux représentants des travailleurs d’obtenir des informations en temps utiles, ce qui est la condition d’un droit de participation non strictement “défensif” des travailleurs.

170De fait, il s’agirait plutôt d’un système à la carte quant aux procédures de participation des travailleurs que les États pourraient réduire à l’un ou l’autre des modèles proposés, à l’occasion de la transposition de ce texte dans leur droit interne.

Éléments d’appréciation

171Au vu de ses ambiguïtés, il semble que la proposition de la Commission dans sa dernière version, n’améliorerait pas réellement les droits des travailleurs dans les pays où ils sont insuffisants.

172Les matières sur lesquelles la participation des travailleurs devra être exercée reste imprécise. L’articulation entre le statut de la société anonyme européenne et la législation du pays où elle aura son siège reste imprécise. Enfin, la proposition ne prévoit aucun organe de représentation des travailleurs à un échelon transnational.

173Les négociations entre les experts nationaux avancent lentement et ce sont, pour le moment, les dispositions prévues par le règlement qui sont à l’examen. A l’heure où les OPA se multiplient, où les prises de participation croisées se renforcent, les employeurs sont devenus eux-mêmes demandeurs d’un droit qui facilite ce type d’opérations à l’échelon de la Communauté. Bien qu’ils soient loin d’être d’accord sur son contenu, les interlocuteurs sociaux pressent leurs gouvernements pour qu’ils fassent avancer ce dossier qui est devenu l’une des priorités de l’Europe sociale.

174Il existe cependant dans certaines grandes entreprises européennes ou groupes d’entreprises, quelques accords en matière de droit d’information et de consultation des travailleurs qui s’inspirent plus ou moins du projet de directive de “Vredeling”. Le premier du genre a été conclu en 1985 par la Fédération européenne des métallurgistes-FEM et le groupe Thomson, créant le premier conseil d’entreprise à l’échelon européen. Cet accord a été reconduit en 1987.

175Un second accord a été conclu en 1986 entre l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation-UITA, la FEM et le groupe BSN, il prévoyait la création d’un Comité européen de consultation. Finalement, début 1988, un accord entre le groupe Bull et les syndicats affiliés à la FEM a également été conclu.

176La démocratisation de l’économie souffre donc d’importantes lacunes. A l’heure de l’internationalisation de l’économie les mesures les plus urgentes à adopter concerneraient :

  • l’adoption d’un cadre légal pour la création et le fonctionnement d’un groupe de sociétés ;
  • la prise en compte des intérêts des travailleurs dans les propositions relatives à l’harmonisation des législations en matière d’OPA ;
  • l’élaboration de bilans sociaux ;
  • l’ensemble des droits inscrits dans la Charte sociale du Conseil de l’Europe.

177Dans les domaines où ces lacunes conjuguent même contradictoirement les intérêts des travailleurs et ceux des employeurs, on peut s’attendre à ce que des propositions soient mises par la Commission sur la table du Conseil. De là à leur adoption effective, il y a toutefois fort loin, comme l’expérience le montre. A moins que le patronat n’arrive effectivement à ses fins, à savoir à la séparation radicale du droit des sociétés de l’ensemble de la problématique touchant à la démocratisation de l’économie.

4 – L’organisation du marché du travail

178Dans le domaine de l’organisation du marché du travail, l’activité de la Communauté est réduite. En particulier, l’effort législatif de la Communauté s’avère très limité. De fait, c’est dans la mise en œuvre de programmes favorisant la formation professionnelle qu’une concrétisation restreinte de la volonté des États de mener une politique européenne en la matière a permis l’adoption de mesures dont la portée générale reste limitée.

Le statut et les droits des travailleurs

État des lieux

179Trois directives concernant le droit des travailleurs ont été adoptées.

180La première a trait aux licenciements collectifs [32]. Elle prévoit certains droits à l’information et à la consultation des travailleurs au cas où une entreprise envisage de licencier une partie de son personnel définitif. Cette consultation doit aboutir à un “accord” pour éviter ou réduire les licenciements, ou en atténuer les conséquences. Le projet de licenciement doit être soumis trente jours à l’avance à l’autorité publique compétente. Cette directive n’impose pas d’autorisation préalable aux licenciements. De nombreux spécialistes soulignent qu’elle a été établie sur le plus petit commun dénominateur des législations nationales [33]. Et les droits généraux qu’elle établit n’ont pas empêché l’atténuation des lois existantes, là où elles étaient plus restrictives. La France en offre un exemple récent. En Belgique, les exemples de Michelin ou de Mémorex ont montré qu’en l’absence d’une instance pénale transnationale, cette législation est peu respectée par les employeurs.

181Cette directive a toutefois une signification symbolique importante puisque c’est la première fois que le Conseil a accepté d’utiliser, dans une matière sociale, l’article 100 relatif à l’harmonisation des dispositions législatives nécessaires à la réalisation du marché commun.

182Une deuxième directive concerne le maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise, d’établissement, ou de partie d’établissement [34]. Elle prévoit le transfert vers le nouvel employeur des droits et des obligations existants pour une période que les États ne peuvent fixer à moins d’un an. Elle n’interdit toutefois pas les licenciements pour motifs économiques. Elle impose également certains droits de consultation des travailleurs pour aboutir à un “accord” sur les modalités du transfert. Elle reste cependant muette sur le sort des représentants du personnel dans les organes de la société lorsqu’il en existe dans la société du repreneur. Les États peuvent prévoir des modalités d’arbitrage. Cette directive destinée à protéger les travailleurs contre les licenciements qui sont la conséquence directe d’une fusion ou d’un transfert, ne s’applique pas aux transferts résultant d’une faillite.

183La troisième directive a trait à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur [35]. Elle prévoit la création de Fonds de garantie qui devront assumer les obligations financières de l’employeur envers ses travailleurs, sans toutefois fixer la période couverte par cette assurance qui peut par ailleurs prévoir un plafond. La hauteur et le mode de financement de ces fonds sont déterminés dans chaque État, mais les employeurs y contribuent.

184Ces deux dernières directives se heurtent aux mêmes limites générales que celles que nous avons évoquées pour la première.

185Si les directives adoptées permettent théoriquement une protection équivalente des travailleurs employés dans une entreprise établie dans un des pays de la Communauté, elles sont impuissantes à être respectées lorsque la direction de l’entreprise est située en dehors des pays membres.

Les blocages

186Les propositions de directive sur le statut des travailleurs restent encore à un stade embryonnaire. Elles concernent notamment la couverture sociale des travailleurs volontaires à temps partiel et des travailleurs intérimaires [36] ainsi que les limites au renouvellement de contrats à durée déterminée [37].

187L’adoption de ces directives se heurte à la demande patronale d’une dérégulation des normes nationales en matière par exemple d’aménagement du temps de travail, et à la volonté des employeurs de traiter ces questions à un niveau décentralisé. De profondes divergences existent en outre, entre les organisations syndicales, sur l’opportunité, la portée et le contenu éventuel de ces directives. Ces divergences s’expliquent par la capacité différente que les organisations syndicales ont démontré de résister à ce type d’exigence dans leur pays. L’intervention communautaire dans ces questions est donc beaucoup plus délicate. C’est la grande zone “floue” de l’espace social communautaire.

188C’est autour de ces questions qu’apparaît aujourd’hui la revendication du socle minimum, mise en avant par la Confédération européenne des syndicats : revendication de certains droits sociaux fondamentaux qu’elle espère voir garantir au niveau européen à défaut de l’être au plan national.

189Notons enfin que deux recommandations (qui n’ont donc pas force de loi) concernant l’organisation du temps de travail ont été adoptées par le Conseil.

190La première, en 1975, préconisait l’introduction de la semaine de 40 heures et des quatre semaines de congé annuel [38]. La tendance que l’on observe à la mensualisation ou même, pour certaines professions, à l’annualisation du temps de travail discrédite l’engagement politique des États à réaliser les objectifs de cette recommandation.

191La seconde recommandation est plus récente, elle date de 1982. Elle porte sur la retraite flexible et vise, entre autres, la généralisation de la retraite progressive, l’établissement du libre choix du moment de la retraite, à partir d’un âge déterminé, des formules de retraites alternatives, une compensation financière et le maintien des droits de pension pour les travailleurs âgés dont la durée de travail a fait l’objet d’une réduction progressive [39]. Cette recommandation visait à dégager du marché de l’emploi les travailleurs âgés, dans des conditions équivalentes à celles qui étaient consenties pour les travailleurs des secteurs en difficulté. Or, la tendance actuelle est plutôt inverse : compte tenu de la généralisation du problème de l’emploi, les avantages particuliers accordés aux travailleurs de ces secteurs ont plutôt tendance à être réduits. Cette recommandation visait à favoriser l’embauche de jeunes et à régler le problème de l’âge d’accès à la retraite pour les hommes et pour les femmes, en maintenant la possibilité d’une différenciation, qui serait personnelle et non plus fondée sur le sexe. Compte tenu des difficultés de financement de ces mesures, cette recommandation n’a eu que des effets sectoriels et temporels limités.

La formation professionnelle

192La formation et l’encouragement à la mobilité des travailleurs sont une des voies de régulation du marché du travail. Les moyens d’intervention de la Commission en la matière sont toutefois modestes. La formation professionnelle est l’une des politiques communes de la CEE prévue par le Traité (article 128). Elle doit donc répondre à des exigences communes à travers des méthodes, des institutions et des structures différentes. C’est par une décision que le Conseil a élaboré les principes généraux d’une politique commune de formation professionnelle [40]. Cette décision s’attache à l’aspect collectif de la formation professionnelle : l’économie doit trouver les spécialistes dont elle a besoin. Elle comporte toutefois un aspect individuel : il ne s’agit plus de transplanter des surplus de main-d’œuvre vers des régions où elle est insuffisante, mais d’assurer à chacun le droit individuel à une formation professionnelle qui le rende apte à trouver du travail.

193Depuis les années 80, une nouvelle réflexion a été menée en relation avec le chômage des jeunes. L’accent a été mis sur la liaison entre la politique de l’emploi, l’éducation et la formation professionnelle, et sur la collaboration des administrations chargées de ces questions. Au sein de la Commission, une seule direction générale s’occupe dorénavant de la politique sociale, de l’emploi et de la formation professionnelle.

194Le Fonds social européen est l’instrument de la politique communautaire en matière de formation professionnelle. Par ailleurs, la Commission a reçu du Conseil des moyens financiers pour mettre en œuvre une série de programmes spécifiques.

Le Fonds social européen

195Prévu par le Traité, le Fonds social européen s’intéresse à la formation professionnelle lorsqu’elle est reliée à des problèmes de reconversion industrielle.

196Dans la mesure où les actions financées par ce Fonds sont dorénavant inscrites dans le cadre plus général des programmes de la Communauté visant à favoriser la cohésion économique et sociale entre les Douze, les aspects méthodologiques de la mise en œuvre de ce fonds, et l’évaluation de ses actions sont traitées plus loin.

Les autres programmes communautaires

Le programme COMETT - Community in Education and Training for Technology

197Adopté par le Conseil des ministres le 5 décembre 1986 [41], ce programme communautaire d’éducation et de formation en matière de nouvelles technologies s’adresse en principe à un public assez large : les cadres et les dirigeants d’entreprise, les techniciens supérieurs, les interlocuteurs sociaux, et les formateurs.

198En fait, il est surtout conçu en fonction des besoins des industries de haute technologie et vise essentiellement à renforcer la coopération université-industrie, notamment en encourageant les stages d’étudiants dans les entreprises d’autres États membres, en organisant conjointement des programmes de formation et en encourageant la diffusion rapide des résultats de recherche et développement en technologie dans les universités et les entreprises.

199Notons que l’accès des organisations syndicales à ce programme doit contribuer à les aider à évaluer l’impact des nouvelles technologies sur l’organisation et les conditions de travail et favoriser le contenu des consultations auxquelles, le cas échéant, elles participent, à l’occasion de l’introduction des nouvelles technologies dans les entreprises.

200Son budget global s’élève à 45 millions d’Ecus pour les trois premières années. Ce montant est réparti selon les différents publics-cibles du programme par les experts représentant les États membres. Il est déjà reconduit pour la période 1990-1994.

Programmes divers

Tableau 6

Les programmes et diverses actions de formation de la Commission

Tableau 6
– Programme Erasmus (décision du Conseil 87/327, 15 juin 1987, JOL 166, 25 août 1987) Objectif : favoriser la mobilité des étudiants. – Programme Jeunesse pour l’Europe (décision du Conseil 88/348, JOL 158, 25 juin 1988) Objectif : promouvoir les échanges de jeunes. – Nouvelles technologies dans les systèmes scolaires (conclusion du Conseil, 6 octobre 1989, JOC 277, 31 octobre 1989) Objectif : familiariser les jeunes qui sont à l’école aux nouvelles technologies. – Visites d’études pour des spécialistes de l’enseignement (programme géré par le Cedefop) Objectif : favoriser l’échange entre les administrateurs et les spécialistes de l’éducation, ayant des responsabilités locales ou régionales. – Programme d’échanges pour les jeunes travailleurs (décision du Conseil 84/636 JOL 331, 19 décembre 1984) Objectif : donner une formation aux jeunes, y compris aux jeunes chômeurs (de 18 à 28 ans) au moyen d’échanges, leur permettant de vivre et de travailler dans un autre État. – Formation et préparation des jeunes à la vie adulte et professionnelle (décision du Conseil 89/27 du 16 décembre 1988, JOL 13/28 du 17 janvier 1989) Objectif : favoriser la coopération entre autorités responsables pour la formation de jeunes (réseau européen) pour éviter les échecs scolaires et permettre l’échange des jeunes en formation. – Programme Petra (décision du Conseil 87/569, 1er décembre 1987, JOL 346, 10 décembre 1987)) Objectif : préparation des jeunes, et particulièrement de ceux dont la scolarité a été insuffisante à la vie adulte et professionnelle. – Programme Lingua (décision du Conseil 89/489, 22 mai 1989, JOL 239, 16 août 1989) Objectif : encourager la formation, l’échange des enseignants et les échanges scolaires.

Les programmes et diverses actions de formation de la Commission

201La Communauté a participé à la mise sur pied d’expériences novatrices en matière de formation professionnelle. La priorité des derniers projets-pilotes qu’elle finance, concerne en particulier la préparation des jeunes à la vie active. Ces programmes-actions de formation portent essentiellement sur la formation aux nouvelles technologies des jeunes défavorisés et sur l’échange des jeunes. D’autres programmes sont destinés à la formation continue des adultes, ou encore à la coopération dans le domaine de l’emploi, à l’impact des nouvelles technologies en matière d’organisation du travail et de réduction du temps de travail. Ces programmes ne bénéficient toutefois que de budgets limités. Laboratoires d’idées, ils sont plutôt destinés à donner de l’inspiration aux pouvoirs publics dans des domaines innovants.

La gestion prévisionnelle de l’emploi

202Quels seront les secteurs qui demain seront affectés par la réalisation du marché intérieur ? Quelles seront les régions qui risquent de voir leur taux de chômage s’aggraver ? Inversement, comment orienter la formation des travailleurs en fonction de ces évolutions, celle de tous ceux qui n’ont pas ou qui n’ont plus accès au marché du travail ?

203Les études prospectives les plus optimistes sur les impacts du marché intérieur sur l’emploi, indiquent qu’en toutes hypothèses, il y aura aggravation du chômage avant que les bénéfices économiques attendus de sa réalisation ne permettent une relance des investissements créateurs d’emplois [42]. Des études sectorielles réalisées par les services de la Commission indiquent que pour un certain nombre d’entreprises, les restructurations attendues conduiront à des destructions nettes d’emploi importantes [43]. Les études économétriques qui ont été conduites sur base de projections macro-économiques de la Commission, mettent en doute les modèles qui ont été utilisés et les conclusions qui en ont été tirées [44].

204Il paraît important que les prévisions relatives à l’impact du marché intérieur sur l’emploi puissent être affinées et que des politiques prévisionnelles soient adoptées. Outre la revendication syndicale à propos de l’information des travailleurs et de la démocratisation de l’économie qui permettrait aux organisations d’avoir une vision de la stratégie des entreprises et de ses implications, d’élaborer des réponses aux évolutions, les organisations syndicales ont obtenu de la Communauté un certain nombre d’outils amorçant une gestion prévisionnelle de l’emploi.

205L’Observatoire sur les politiques de l’emploi et des banques de données communautaires analytiques (MISEP, CEDOC, SYSDEM) sont les instruments existants pour tenter d’anticiper les évolutions du marché du travail. Ces différents instruments sont reliés aux Offices nationaux de l’emploi des pays de la Communauté et devraient théoriquement permettre une gestion prévisionnelle de l’offre et de la demande d’emplois, en fonction des profils professionnels qu’on estime nécessaires dans les années à venir.

206Ces systèmes sont toutefois sous-utilisés par la Communauté pour ce qui concerne la définition de politiques prospectives concernant la formation et l’emploi, ne fût-ce que par la difficulté de savoir quels seront les besoins de demain en matière de qualification professionnelle. La liaison avec les analyses prévisionnelles que les entreprises réalisent sur leur besoin de main-d’œuvre reste insuffisante. Le danger est donc que les politiques communautaires pour la promotion de l’emploi ne s’inscrivent uniquement dans le court terme. Une interrogation plus globale serait nécessaire sur les profils professionnels qui permettront à moyen et à plus long terme de faire face aux besoins sociaux, c’est-à-dire à ceux des entreprises mais aussi à des besoins “sociétaux” qui restent plus largement à satisfaire.

5 – Les conventions collectives

207Malgré son importance, ce chapitre sera fort restreint : ni le Traité de Rome ni l’Acte unique n’ont prévu de dispositions dans ce domaine ni a fortiori aucune forme de contrainte de négociation entre les interlocuteurs sociaux. Une révision du Traité serait nécessaire qui déterminerait à la fois l’articulation des modes de régulation sociale et les niveaux auxquels elles devraient être adoptées.

Une possibilité théorique

208L’élaboration de conventions collectives sectorielles ou intersectorielles au plan européen n’a pas encore été ébauchée.

209Deux accords ont cependant été conclus. Le premier en 1968 concerne l’agriculture ; le second en 1971, l’élevage. Il ne s’agit toutefois pas à proprement parler de conventions collectives mais de recommandations faites par les organisations professionnelles à leurs membres et qui portent sur la durée du travail des salariés permanents (durées annuelle, hebdomadaire et quotidienne). Il est à noter que ces accords sont intervenus dans un secteur qui fait l’objet d’une politique commune.

210L’Acte unique, par son article 118 B, ouvre la voie théorique à la conclusion de conventions collectives sur le plan européen. Selon cet article, la Commission doit “s’efforcer de développer le dialogue social entre les partenaires sociaux”, lequel pourrait, si ceux-ci l’estiment souhaitable, déboucher sur des relations conventionnelles. Nous avons dit précédemment que le dialogue social mené à Val Duchesse semble être dans l’impasse.

211L’article 118 B ne suffit certes pas à organiser le dialogue social au sein de la Communauté. C’est plutôt l’évolution de la conjoncture économique, politique et sociale qui favorisera ou non l’amorce d’une concertation de ce type.

Les obstacles à la conclusion de conventions collectives européennes

212De nombreux obstacles, politiques, juridiques et pratiques, se dressent à la conclusion de conventions collectives à l’échelon européen.

213Sur le plan juridique, la capacité de négociations des organisations représentant les interlocuteurs sociaux devrait être harmonisée tant au niveau des groupes d’entreprises que des branches et au niveau interprofessionnel. A l’heure actuelle, les capacités de négocier des organisations syndicales sont très différentes de pays à pays, et une forme de délégation ferme de négociations à un échelon syndical supranational n’est sans doute pas prête à voir le jour.

214Toujours sur le plan juridique, devrait également être harmonisée la portée juridique des conventions collectives à l’égard des personnes morales ou physiques théoriquement représentées par les interlocuteurs sociaux. Ici aussi les droits nationaux sont différents de pays à pays. Il serait important que soient clarifiés les effets normatifs de conventions éventuellement conclues au niveau européen sur des travailleurs non affiliés. De même, les obligations de paix sociale résultant de la conclusion d’une convention collective sont également fort différentes entre les pays de la Communauté.

215Enfin, dernier obstacle et non des moindres, l’hostilité patronale à ce type de négociations. Le patronat est favorable par contre à une décentralisation de la concertation sociale permettant d’aboutir à la conclusion d’accords aussi flexibles que possible [45]. Cette stratégie de dérégulation sociale semble cependant avoir atteint des limites et engendre des effets pervers au regard des conditions de la concurrence. En outre, la multiplication des conflits locaux ou sectoriels recrée une demande, y compris de l’interlocuteur patronal, d’une re-réglementation élargie. Ce sont ces évolutions économiques et sociales qui permettent d’espérer l’ouverture, à terme, de réelles négociations collectives au niveau européen.

216Tant qu’il n’y aura pas d’obligation de négocier, tant que des conflits à l’échelon européen ne surgiront pas, les chances d’aboutir à une négociation collective resteront faibles. Pourtant, il s’agit de l’un des enjeux majeurs pour les organisations syndicales, compte tenu de l’impasse dans laquelle se trouve à l’heure actuelle le dialogue social, de la mise en compétition des collectifs des travailleurs dans les différents pays de la Communauté et de la portée étroite des politiques sociales de la CEE.

Les initiatives à la base

217Notons que des Comités syndicaux se sont mis en place dans quelques entreprises multinationales : nous avons cité déjà les exemples d’accords entre la FEM et le groupe Thomson, de même qu’avec la firme Bull. Un Comité syndical européen a de même été créé chez BSN.

218Des négociations sont en cours dans d’autres groupes d’entreprises européens pour la mise en place de comités similaires : chez Volkswagen, Continental Can Europe et dans le consortium d’Airbus Industries.

219D’autres initiatives en dehors des structures syndicales européennes se sont concrétisées par la création de coordination syndicale. Tel est le cas pour le groupe Solvay et Cie en Belgique, ou encore pour le groupe Gillette en France.

220L’existence de ces comités est récente. Les procédures de participation des travailleurs reconnues dans ces instances, leurs pouvoirs et leur statut par rapport aux employeurs diffèrent considérablement. Ce type d’initiative se heurte non seulement à la difficile coordination des centrales professionnelles des organisations syndicales, mais encore à la concurrence syndicale dans certains pays. Il n’est pas possible d’en faire une présentation globale ni d’en estimer les acquis. Leur multiplication et leur coordination pourraient influer sur la conjoncture politique et sociale et jeter l’amorce de négociations élargies.

6 – La sécurité sociale

L’absence de base juridique

221Il s’agit d’un sujet pour lequel la Communauté est officiellement sans compétence autre que celle de favoriser une collaboration entre les États. Toutefois, cette collaboration n’est pas sans jouer un rôle d’interaction entre les politiques nationales. Comme d’autres instances internationales, la CEE est d’abord un lieu de réflexion et d’orientation des décisions adoptées par les gouvernements. Et si les systèmes nationaux restent différents, basés sur des “contrats sociaux” différents, on observe la convergence des politiques menées pour résoudre les problèmes de financement de la sécurité sociale.

222Sur ce thème, la Communauté a rédigé deux memoranda. Le premier memorandum (1982) s’intitule “Comment promouvoir la collaboration entre les États membres” [46]. L’objet de ce memorandum est de susciter un débat parmi les diverses administrations nationales. Ce document, d’une quinzaine de pages, prévoit un inventaire des différences qui existent dans la situation économique des États membres et dans l’organisation des régimes de sécurité sociale.

Les pistes suivies par la Commission

223Les grandes orientations de la réflexion de la Commission sont les suivantes :

  • la crise de financement est liée à la fois au ralentissement de la croissance économique et à la progression des dépenses de protection sociale ;
  • sur le plan macro-économique, la Commission insiste sur la dimension de l’offre et de la demande que représentent les systèmes de sécurité sociale à l’intérieur de l’ensemble des flux économiques. On insiste cependant davantage sur les aspects du coût salarial alourdi par les cotisations de sécurité sociale ;
  • la question de l’efficacité des régimes de sécurité sociale est soulevée en relation avec le maintien de la pauvreté. Il est toutefois indiqué, dans ce memorandum, que les mesures restrictives prises par les gouvernements, ces dernières années, ont touché davantage les plus défavorisés.

224Sur ces trois aspects principaux, la Commission suggère une série de pistes de réflexion. Sur le point de la progression des dépenses, la Commission reprend à son compte l’idée d’une croissance trop rapide, en évoquant les montants psychologiquement indépassables des prélèvements fiscaux. Compte tenu de cela, elle recommande un examen approfondi des systèmes de soins de santé en évoquant la nécessité de “responsabiliser” davantage les patients aux coûts des soins accordés, et de réétudier les mécanismes d’indexation des prestations.

225Sur le mode de financement des régimes de sécurité sociale, la préoccupation centrale de la Communauté est de suggérer de nouveaux modes de financement ne pénalisant pas l’emploi. Sur le problème de l’efficacité, des mécanismes introduisant une plus grande sélectivité dans l’attribution des prestations sociales sont envisagés.

226Tout au long de l’année 1983, la Commission a provoqué la réunion de tables rondes, dans les différents pays de la CEE, entre interlocuteurs sociaux, fonctionnaires et spécialistes de la sécurité sociale. Son memorandum a fait l’objet de nombreuses critiques qui en ont dénoncé l’incohérence, mais la lecture du texte de synthèse de ces tables rondes révèle davantage la diversité des systèmes de sécurité sociale qu’elle ne donne des indications sur ce que pourrait être une politique communautaire ou à tout le moins des orientations communes.

227Le rythme de dépenses a-t-il effectivement été excessif ? Ce diagnostic de la Commission paraît pour le moins pessimiste, lorsque l’on considère les études réalisées dans le cadre de l’OCDE [47]. Celles-ci suggèrent en particulier que les dépenses sociales globales pourront augmenter, au moins, au même rythme que la croissance du PIB, en tout cas jusqu’en 1990, sur base des réglementations actuelles des régimes de sécurité sociale.

228On peut donc penser que les réactions de la plupart des gouvernements de la CE elle-même ont été excessivement et prématurément restrictives, entraînant un ralentissement de la croissance qui ne rend que plus difficile la création d’emplois. Reste l’horizon plus lointain, l’an 2010, époque où le vieillissement démographique produira un alourdissement des dépenses sociales. Dans cette perspective, les réflexions devraient être menées en vue de modifier l’âge de la retraite et les régimes de pension.

229Le memorandum de 1986, publié en juillet 1986 [48], reprend les thèmes débattus antérieurement. La Commission propose de réfléchir, au niveau européen, sur trois problèmes : le mode de financement de la sécurité sociale, l’évolution démographique, et les processus d’expulsion et de marginalisation d’une fraction croissante des populations hors de la sécurité sociale.

230Plus concrètement, les points de discussion portent sur une modification à la fois de l’assiette des cotisations sociales et sur une modulation des cotisations selon la taille des entreprises. Un autre point de discussion est lié à la question du cofinancement de la sécurité sociale. La Commission explore l’hypothèse d’une privatisation plus ou moins modulée de certaines de ses composantes. Son orientation est évidente : inciter davantage à la constitution des pensions individuelles.

231Par rapport aux situations d’exclusion, la Commission privilégie l’existence d’un revenu minimum garanti qui existe déjà dans sept pays de la Communauté (République fédérale d’Allemagne, Belgique, Danemark, France, Grande-Bretagne, Pays-Bas). Toutefois, en ignorant le problème de l’insertion ou de la réinsertion des travailleurs sur le marché du travail, la Commission s’en tient à une conception du revenu minimum fondée sur l’assistance, qui risque de perpétuer les situations d’exclusion et de précarité.

232Depuis 1986, la Commission n’a plus rédigé de documents officiels sur le sujet. Comme souvent lorsque le sujet est difficile, la Commission fait procéder à des études auprès d’instituts proches des milieux concernés, et teste de façon indirecte les points qui pourraient rassembler un consensus suffisant pour lui permettre de mener plus avant son propre effort de réflexion.

7 – Les programmes subsidiaires

Les fonds structurels

233La réduction des inégalités régionales en matière de croissance et d’emploi a, pendant les années 60, enregistré des résultats positifs. Ceux-ci sont cependant plus la conséquence de la forte croissance économique générale pendant cette période que de politiques structurelles mises en œuvre par la Communauté elle-même. La dépression de la croissance que nous connaissons depuis le milieu des années 70 a entraîné un retournement de tendance. L’adhésion de l’Espagne et du Portugal en 1986, pays les moins avancés de l’Europe communautaire, est venue aggraver les disparités de développement intra-communautaire.

234Le troisième rapport périodique de la Commission sur l’évolution socio-économique des régions de la Communauté [49] montre que, dans aucun des nouveaux pays membres, le revenu par habitant n’atteint le niveau moyen de la Communauté. Dans la Communauté des douze, les disparités en matière de chômage ont plus que doublé entre 1975 et 1985.

235La réalisation du marché intérieur [50] à l’horizon 1992 suscite de nombreuses inquiétudes quant à la possibilité de voir ces disparités s’aggraver. Des mécanismes correcteurs devront être institués.

236C’est pour prendre en compte cet état de fait que l’objectif de cohésion économique et sociale a été élevé au rang de politique communautaire et qu’il fait l’objet du Titre V de l’Acte unique. Plus personne ne croit en effet que le rattrapage des régions défavorisées, qu’elles soient en déclin ou structurellement moins développées, ainsi que la lutte contre le chômage, puissent s’effectuer par le libre jeu du marché.

État des lieux

Le Fonds social européen

237Institué par le Traité, le Fonds social européen-FSE considère à l’origine la formation professionnelle comme un problème conjoncturel. Il s’agit d’adapter la main-d’œuvre aux nécessités de la reconversion industrielle. Dès les années 70, il fallut bien convenir que l’adéquation de la demande et de l’offre d’emplois ne souffrait pas d’une inadaptation passagère. Le chômage se révélait être structurel.

238Adaptant ses propres structures à ce constat, le FSE a subi deux réformes importantes, la première en 1971 et la seconde en 1983. Chacune de ses réformes a contribué à recentrer les interventions du Fonds autour de quelques objectifs prioritaires. Les jeunes, les chômeurs de longue durée, la formation aux technologies nouvelles et la concentration des moyens financiers dans les régions en retard de développement ont ainsi constitué les priorités du FSE dans les années 80.

239Durant cette période, la formation des chômeurs de longue durée et particulièrement celle des jeunes de moins de 25 ans a mobilisé 75 % du budget du FSE. Parallèlement, 40 % des crédits étaient alloués aux régions structurellement défavorisées, le reste allant aux vieux bassins industriels en reconversion qui connaissent également un taux de chômage de longue durée fort élevé.

240Co-finançant des programmes de formation préalablement sélectionnés et approuvés par les gouvernements nationaux, la Commission a peu à dire sur le contenu des programmes qu’elle subsidie et se contente largement de redistribuer les fonds dont elle dispose compte tenu des clés de répartition établies entre ses différentes priorités. Celles-ci, décidées à l’unanimité des membres du Conseil, sont marquées par la volonté des États de s’assurer un “juste retour” dans la répartition des crédits.

241Dans ce contexte, Le FSE a vu son rôle limité à celui d’une caisse de compensation chargée d’occuper les victimes de la crise, sans pouvoir réellement peser sur la politique de formation professionnelle qui reste de la compétence des États. Caisse de compensation d’autant moins efficace que la relative faiblesse de ses moyens budgétaires conjuguée avec le grand nombre de projets financés, aboutit à une dispersion des efforts entre une multitude de petits projets. Le peu de suivi et l’absence d’évaluation de ces initiatives renforce l’impuissance du FSE à influer d’une manière déterminante sur la politique de formation professionnelle [51].

Tableau 7

Répartition des engagements du FSE en 1988 par type d’action (en %)(1)

Tableau 7
Actions en faveur des jeunes de moins de 25 ans 75,2 – dans les régions défavorisées 34,3 – dans les autres régions 40,9 Actions en faveur des personnes de plus de 25 ans 22,1 – dans les régions défavorisées 10,0 – dans les autres régions 12,1 Actions spécifiques novatrices (1) 2,7

Répartition des engagements du FSE en 1988 par type d’action (en %)(1)

(1) Actions qui présentent dans leur contenu, leur méthode ou leur organisation un caractère novateur

Le Fonds européen de développement régional

242Le Traité de Rome ne prévoyait pas de dispositions spécifiques en matière de politique régionale. On s’en remettait à l’époque à l’effet d’entraînement que devait exercer sur les régions périphériques la croissance attendue de la réalisation du marché commun. Dans ce contexte, il s’agissait au mieux d’assurer que la mobilité professionnelle escomptée des régions en retard vers les régions riches s’effectue dans les meilleures conditions possibles (c’était là prioritairement la tâche du FSE). Durant la décennie 60, la croissance soutenue alliée à un phénomène d’immigration vers les pôles de croissance a effectivement permis d’enregistrer un certain nombre de résultats positifs. Le contexte de crise économique du milieu des années 70 s’est traduit sur le plan régional par l’arrêt du processus de relative convergence qui avait caractérisé la décennie précédente. La nécessité d’une politique régionale structurelle plus dynamique est apparue comme urgente.

243C’est devant la constatation de retards de développement régionaux intra-communautaires persistants que le Fonds européen de développement régional-FEDER a été créé en 1975. Au fil des années, le FEDER a acquis un rôle prépondérant dans le cadre de la politique régionale communautaire. Il est progressivement devenu le principal instrument du développement régional.

244Les crédits absorbés par les actions du FEDER sont passés, selon le dernier rapport disponible de la Commission, de 556 millions d’Ecus en 1978 à 3.533 millions d’Ecus en 1987 [52]. Ce montant représente moins de 10 % des crédits de paiement de la Communauté. Une analyse des interventions du FEDER montre que 87 % des subventions accordées sont affectées à des projets d’infrastructure (principalement dans le secteur des transports (47 %), de l’hydraulique (18,8 %) et de l’énergie (15,6 %)). A contrario, peu de demandes de concours pour des investissements industriels, artisanaux, dans le secteur des services ou de demandes d’aides au développement du potentiel endogène des régions.

245C’est en partie pour pallier à cette trop grande concentration des financements dans le cadre de projets sans coordination entre eux, que la Commission a tenté de développer progressivement une approche par programme. Le FEDER peut ainsi financer des programmes entrepris à l’initiative de la Commission, ou à celle des États membres, arrêtés avec l’accord de la Commission.

246Pour les pays les moins favorisés de la Communauté, l’impact du Fonds est sensiblement plus important en termes d’apport à la formation brute de capital fixe (FBCF) ainsi qu’il ressort du tableau 8 :

Tableau 8

L’apport du FEDER aux pays les plus pauvres de la CE

Tableau 8
Pays En % Au PIB A la FBCF Portugal 1,3 6,1 Grèce 0,8 4,4 Irlande 0,5 2,7 Espagne 0,3 1,4

L’apport du FEDER aux pays les plus pauvres de la CE

247Au-delà des critiques que l’on peut formuler à l’égard de la CE quant à la faiblesse des moyens financiers consacrés à la politique régionale (le FEDER ne représentait en 1987 que 0,1 % du PIB communautaire et 0,5 % de l’investissement dans la Communauté des douze), la mobilisation efficiente des budgets disponibles reste largement de la responsabilité des autorités régionales.

248Dès lors, pour pouvoir parler de politique régionale européenne, il faudrait que la Commission ait un réel pouvoir tant au niveau de la conception que de la mise en œuvre des politiques régionales, ce qui n’est pas le cas. Il faudrait aussi que les mécanismes communautaires contribuent à un réel développement des régions peu développées et à un redressement et une diversification économique des régions en déclin.

249L’affectation massive des fonds à des projets d’infrastructures routières soulève la question de savoir si les États membres ne soulagent pas simplement leurs engagements budgétaires sur les ressources de la Communauté, en cette période où tous veillent à réduire le déficit de leurs finances publiques.

250En outre, dans nombre de régions où de vieilles traditions industrielles ont construit leur richesse sur quelques secteurs traditionnels, on a pendant longtemps conçu le développement régional comme devant être fondé sur des pôles de croissance. Cette théorie a abouti à accorder une place prépondérante aux investissements d’infrastructures au détriment de l’investissement en capital humain ou technologique.

251Depuis quelques années, on peut discerner une certaine évolution allant dans le sens d’une plus grande mobilisation des ressources disponibles au profit de projets s’inscrivant dans le cadre du développement du potentiel endogène des régions. C’est ainsi que des projets d’aide à la création ou au développement de PME, la création d’activités nouvelles et l’encadrement pour l’innovation technologique ont été mis en place.

Le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole

252Le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole-FEOGA est l’instrument financier de la politique agricole commune (PAC) de la Communauté.

253Créé en 1962, le FEOGA comporte deux volets : le premier garantit les prix des produits aux agriculteurs. Son objectif premier était, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, d’assurer l’indépendance alimentaire de l’Europe. Son budget s’élève à 27.500 millions d’Ecus en 1988. Chaque année les ministres de l’agriculture de la Communauté se réunissent dans ce qui s’avère souvent être des “marathons agricoles” pour fixer les prix pour chaque campagne (blé, lait, sucre, oléagineux, etc.).

254Cette section “garantie” du FEOGA a des effets sur la structure des exploitations et a des impacts sociaux : favorisant l’intensification de la production, elle a indirectement encadré l’exode rural.

255Aujourd’hui, l’Europe est confrontée à la gestion de stocks importants et doit maîtriser ses dépenses agricoles qui devraient dorénavant progresser à un rythme inférieur à celui de la croissance globale. De nombreuses mesures de maîtrise de la production à caractère automatique ont été adoptées au Sommet des chefs de gouvernement à Bruxelles en février 1988. Ces mesures devraient éviter d’entraîner l’afflux vers les villes d’une population qui ne trouverait plus de débouchés en termes d’emplois. Pour résoudre cette difficulté, une partie des ressources du FEOGA-garantie sera dorénavant utilisée pour l’aide directe aux revenus des petits agriculteurs, à ceux cessant leurs activités, ainsi qu’au gel des terres et aux aides à la prépension. La PAC comprend dès lors une dimension de politique d’assistance sociale dont les effets seraient problématiques si elle s’accompagnait parallèlement d’un exode rural accru et d’une intensification supplémentaire de la production sur les surfaces agricoles restantes.

256Une politique de reconversion agricole vers des produits de meilleure qualité, vers l’exploitation forestière ou la culture de légumes protéiques représenterait une alternative aux mesures adoptées actuellement par la Communauté. De plus, elle permettrait d’articuler la politique agricole communautaire vers des objectifs qualitatifs.

257Le second volet du FEOGA finance les actions que la Communauté entreprend conjointement avec les États membres pour orienter les structures agricoles. Il s’agit d’une politique à vocation directement sociale. Les moyens qui lui sont affectés sont nettement plus modestes (1.130 millions d’Ecus pour 1988).

258Ce volet couvre une gamme considérable d’actions et de régimes d’aides différents qui peuvent être regroupés comme suit :

  • aides pour l’amélioration des conditions de commercialisation et de transformation des produits, qui absorbent la plus grande part des crédits de ce second volet des activités du FEOGA (305,1 millions d’Ecus en 1987) ;
  • aides pour l’agriculture de montagne et de certaines zones défavorisées (260,7 millions d’Ecus) ;
  • aides à la modernisation des exploitations agricoles (135,4 millions d’Ecus).

259Toutes ces catégories associent l’intervention communautaire à des interventions nationales, mais l’articulation entre les dotations communautaires et nationales varie fortement d’une catégorie d’aide à l’autre.

260Les actions sur lesquelles la Commission exerce une maîtrise directe ne représentent qu’un tiers des montants du FEOGA-orientation. Pour le reste, il s’agit, soit d’aides indirectes, soit de remboursements aux États membres de dépenses engagées, certes dans le cadre de règlements communautaires, mais sous leur propre autorité. Cela signifie que la responsabilité des États membres dans l’évolution des structures de ce secteur est primordiale.

261Le bilan que l’on peut tirer, vingt ans après la mise en œuvre de cette politique, est fort mitigé. Ce sont les plus grandes exploitations agricoles, dans les régions les plus favorisées et dans les États membres du Nord qui ont le plus bénéficié des aides communautaires. Celles-ci se sont concrétisées par des investissements intensifs dans des secteurs excédentaires mais bénéficiant de prix “garantis”.

La Banque européenne d’investissement

262A la différence des fonds structurels, la Banque européenne d’investissement-BEI n’accorde pas de subventions, mais des prêts à des conditions plus favorables que celles du marché. Elle ne fonctionne pas non plus sur le modèle d’une clé de répartition entre pays, ce qui signifie qu’il n’y a théoriquement pas de limite aux montants qui peuvent être attribués à un État. Elle accorde des prêts en fonction des objectifs communautaires : développement régional, objectifs énergétiques, modernisation des entreprises, protection de l’environnement et du patrimoine, infrastructure communautaire. Elle accorde également des financements aux pays du bassin méditerranéen et aux pays parties prenantes à la convention de Lomé. Jusqu’à la création du FEDER en 1975, la Banque a représenté la principale source de financement du développement régional dans la CE.

Tableau 9

Répartition par secteur des crédits BEI en 1988 (en %)

Tableau 9
Secteurs % Énergie et infrastructure 66,1 Énergie 20,7 Transports 18,8 Télécommunications 15,0 Eau, assainissement, déchets solides 7,9 Infrastructures urbaines 0,8 Infrastructures diverses 2,9 Industries, services, agriculture 33,9 Industries 28,2 Services 5,0 Agriculture, pêche 0,7

Répartition par secteur des crédits BEI en 1988 (en %)

Source : BEI, Rapport annuel 1988, avril 1989.

263La BEI accorde des prêts directs à des investisseurs privés ou publics dans le cadre général de ses objectifs. Elle accorde également des prêts dits “globaux” à des institutions financières. Ces prêts “globaux” servent prioritairement :

  • dans les zones les moins favorisées, à financer de petites et moyennes entreprises dans l’industrie, les services de tourisme et de petites infrastructures ;
  • en dehors de ces zones, les prêts concernent des investissements de petites et moyennes entreprises ou industries et les investissements industriels de petite ou moyenne dimension contribuant à l’introduction ou au développement de technologies avancées.

264Cette technique de financement de petites et moyennes initiatives qui avait été quelque peu délaissée a, depuis 1987, connu un regain d’intérêt. En 1988, 5.406 crédits représentant 2.062 millions d’Ecus ont été accordés [53].

La réforme des fonds structurels

265L’Acte unique marque plus une volonté de redéfinir le cadre dans lequel s’inscrivent les actions de politique régionale et sociale que la naissance d’une politique nouvelle au niveau communautaire. Il s’agit, comme le stipule l’article 130 D de l’Acte unique, de coordonner les instruments d’intervention dits structurels (Fonds social européen, Fonds européen de développement régional, Fonds européen d’orientation et de garantie agricole pour sa partie orientation) et les prêts de la Banque européenne d’investissement.

Les objectifs de la réforme

266La réforme des fonds structurels prévoit de concentrer l’action de ceux-ci autour de 5 objectifs prioritaires [54] :

  • promouvoir le développement et l’ajustement structurel des régions en retard de développement ;
  • reconvertir les zones gravement affectées par le déclin industriel ;
  • combattre le chômage de longue durée ;
  • faciliter l’insertion professionnelle des jeunes ;
  • accélérer l’adaptation des structures agricoles et le développement des zones rurales.

Les modalités de la réforme

267L’action de la Communauté reste complémentaire aux actions nationales, mais elle instaure un partenariat portant sur la préparation, le financement, le suivi et l’évaluation des actions. Lorsque les programmes opérationnels [55] impliquent l’intervention de plusieurs fonds, la Commission peut mettre en œuvre une approche intégrée.

Types d’action en faveur de régions et de destinataires spécifiques

268Des actions sont prévues en faveur des régions en retard de développement structurel. La liste des régions en retard de développement structurel est établie par la Commission (pour 5 ans) ; elle comprend les régions dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. L’Irlande du Nord ainsi que les départements français d’outre-mer (DOM) sont repris sur cette liste [56]. L’instrument d’intervention principal est le FEDER. Il pourra, en 1993, consacrer jusqu’à 80 % de ses crédits à cet objectif. La très large majorité des ressources budgétaires allouées à la réalisation de cet objectif est répartie par la Commission pour une période de 5 ans et à titre indicatif, entre les États membres concernés, sur base de critères socio-économiques. Le solde sera utilisé par la Commission pour promouvoir des interventions présentant un intérêt communautaire marqué.

269Des actions sont menées en faveur de la reconversion des régions industrielles en déclin. Ces régions sont déterminées par la Commission sur base de critères socio-économiques, tenant compte notamment de la gravité des problèmes industriels ainsi que du chômage. L’intervention des fonds est prévue également en dehors des régions en déclin, pour faciliter la restructuration des secteurs industriels en déclin reconnus par la Communauté.

270Des actions sont entreprises en faveur des chômeurs de longue durée et de l’insertion professionnelle des jeunes. La Commission définit, sur une base pluriannuelle, les orientations d’ensemble en matière de lutte contre le chômage de longue durée et l’insertion professionnelle des jeunes. Les interventions s’effectuent sous forme de programmes opérationnels.

Les dispositions financières

271L’objectif est de doubler en termes réels de la dotation des fonds entre 1987 et 1993. Le Sommet de Bruxelles de février 1988 a décidé que le doublement ne deviendrait effectif qu’à partir de 1993.

272La Commission établit chaque année, dans le cadre de perspectives pluriannuelles, une projection à cinq ans des crédits nécessaires pour les trois fonds structurels. Cette projection inclut une ventilation indicative par objectif.

273Un effort de concentration des ressources sera consenti en faveur des régions structurellement défavorisées. L’augmentation annuelle des crédits d’engagements affectés à cet objectif sera au moins équivalent à celle de l’ensemble des fonds structurels. Le FEDER pourra consacrer jusqu’à 80 % de ses crédits à cet objectif.

274Les règlements d’application de ces réformes et leurs dispositions ont également été adoptées par le Conseil [57].

Les enjeux de la réforme

Sur le plan budgétaire

275Dans le cadre de la réforme des fonds structurels, la Commission a obtenu le doublement de la dotation des fonds. Cet acquis doit cependant être relativisé notamment au regard du document de la Commission portant sur la réforme des fonds. Celui-ci soutenait en effet que la simple prise en compte de l’élargissement impliquait, pour maintenir le niveau des services rendus, un accroissement des dépenses de l’ordre de 40 % d’ici à 1993. C’est dire que les moyens mis en œuvre par les fonds structurels ne seront pas à eux seuls suffisant pour réaliser l’objectif de cohésion économique et sociale inscrit dans l’Acte unique. Les actions que les États développeront en parallèle, ainsi que les aspects qualitatifs des projets demeureront primordiaux pour mener une politique régionale qui soit autre chose qu’une politique de transfert budgétaire.

276Un élément positif de la réforme réside dans la plus grande concentration des moyens financiers disponibles pour le soutien aux interventions structurelles. L’accroissement des ressources consacrées à cet objectif sera en effet au moins proportionnel à celui de l’enveloppe globale des crédits alloués aux différents fonds. De manière plus concrète, cela signifie que des trois fonds structurels c’est le FEDER qui verra son budget augmenter le plus significativement. D’autre part, il pourra concentrer jusqu’à 80 % de ses crédits d’engagements à la réalisation du premier objectif (régions structurellement défavorisées). On peut à cet égard considérer qu’une réelle politique redistributive est mise en œuvre, au niveau de la Communauté, dans le cadre de cet objectif.

277L’impact sur le FSE sera probablement plus aléatoire. D’une part, parce que son budget augmentera de manière moins significative. D’autre part, il reste le seul instrument financier à intervenir par rapport aux cinq objectifs que définit la réforme. Pourra-t-il dans ces conditions éviter les écueils de son action passée (dispersion de ces moyens d’actions entre un nombre d’initiatives trop important, et sans grande coordination entre elles) ?

Faiblesse des pouvoirs de la Commission

278Nous l’avons souligné, l’augmentation de la dotation des fonds structurels, pour significative qu’elle soit, ne représente qu’un accroissement relativement faible face à l’ampleur des problèmes à rencontrer.

279Un autre moyen pour arriver à une plus grande efficacité dans l’utilisation des moyens disponibles résiderait dans une affectation plus efficiente des fonds. La Commission essaye à cet égard de promouvoir une approche basée sur le partenariat (collaboration entre les différents acteurs du développement régional) et sur l’approche intégrée (qui implique une coordination entre les différents objectifs poursuivis). La volonté qui est ainsi affichée de travailler sur base de plans de développement régionaux n’est cependant pas neuve. En effet, à une moindre échelle, le FEDER s’était déjà fixé précédemment des objectifs (20 % des financements) en terme d’action par programmes. L’analyse des aides accordées par ce fonds dans les années qui précédent la réforme montre que ceux-ci n’ont pu être rencontrés. Rien ne garantit dès lors que la volonté affirmée dans les nouveaux règlements produise une efficacité accrue. La mise en œuvre de la réforme donnerait cependant aux institutions européennes un poids plus important dans la gestion des mécanismes structurels. Il importe en effet de souligner que la Commission n’a, dans l’état actuel des choses, que fort peu de pouvoir quant à l’impulsion donnée aux diverses politiques régionales des États membres. Il est à peine schématique de dire qu’elle voit sa fonction limitée à une vérification des règlements décidés en Conseil des ministres.

280La relative inefficacité des mécanismes d’intervention structurelle pose un problème de fond. Ne serait-il pas plus efficace de remplacer ces mécanismes d’intervention par l’instauration de “discriminations positives” dans le cadre des politiques communautaires ? On mentionnera ici l’exemple de la directive portant sur l’ouverture des marchés publics de travaux dans le cadre de laquelle le Parlement européen avait introduit un amendement - non suivi - visant à autoriser les entreprises soumissionnaires à appliquer la législation du pays dans lequel elles sont implantées.

Les programmes spécifiques

Les interventions communautaires sectorielles

281Les interventions communautaires sectorielles sont multiformes mais sont soumises à la conditionnalité (les aides à la restructuration doivent être conformes aux objectifs de la Communauté) et au principe de l’additionnalité (les contributions de la Communauté sont établies en proportion d’un apport spécifique national ou régional). Ces interventions concernent essentiellement les secteurs et populations détaillés ci-après.

La sidérurgie

282Dans ce secteur, la politique sociale de la Communauté passe essentiellement par le canal du Traité CECA qui prévoit :

  • des prêts de conversion pour les investissements créateurs d’emplois de remplacement (article 56, 2a) ;
  • des aides non remboursables à la réadaptation ;
  • un “volet social” comportant lui-même deux mesures d’accompagnement : le financement des opérations de mise en pré-retraite et en chômage partiel. Ce dernier volet n’a pas été réalisé en raison d’un refus du Conseil. A l’époque où il était en discussion, et où une revendication syndicale importante, particulièrement dans la métallurgie allemande, était la diminution du temps de travail sans perte de salaire, l’adoption de ce dernier volet serait revenue à financer une importante diminution du temps de travail ;
  • un programme RESIDER [58] : grâce à des concours du FSE et du FEDER, ce programme finance des actions favorisant l’intégration socio-professionnelle et la mobilité géographique des travailleurs du secteur.

L’agriculture

283Des aides sectorielles sont apportées par les canaux suivants :

  • le programme d’action en matière de sécurité et de santé sur le lieu de travail (aide à la formation, mise en œuvre de fermes-pilotes, missions d’expertise ou d’information) ;
  • des aides au revenu ou des mesures de pré-pension.

284Ces mesures sont financées par le FEOGA.

Autres secteurs en déclin

285Dans le secteur du textile et de l’habillement, ainsi que dans celui de la construction navale, la Communauté apporte des aides spécifiques :

  • par le canal du FEDER : des aides sont accordées à de nouveaux investissements productifs, à la reconversion des sites dégradés, au conseil aux PME, à la diffusion de l’information sur l’innovation, à la création de services communs, etc. ;
  • par le canal du FSE : des aides sont apportées à la formation en vue de la reconversion des salariés quittant ces industries.

286Pour ce qui concerne particulièrement la construction navale, un programme similaire au programme RESIDER a été élaboré. Il porte le nom de RENAVAL [59].

L’intégration de populations défavorisées

L’intégration sociale des handicapés

28710 % de la population de la Communauté souffre d’un handicap qui empêche son insertion dans la vie socio-économique. Le Conseil a adopté un deuxième programme d’actions à leur intention. Ce programme, baptisé HELIOS-Handicaped People in the European Community Living Independently in an Open Society est doté d’un montant peu élevé (19 millions d’Ecus).

La lutte contre la pauvreté

288La pauvreté toucherait 44 millions de personnes dans la Communauté en 1985, soit 14 % de la population active. Et ce pourcentage est en constante progression. Cette estimation ne concerne-t-elle que la pauvreté “reconnue” : il n’existe pas d’information récente permettant de connaître d’autres formes de pauvreté (logements vétustés ou surpeuplés, absence de domicile, analphabétisme etc.).

289L’inventaire des réalisations de la Communauté dans ce domaine met en évidence leur diversité mais également leur modestie par rapport aux besoins à combler. On peut ainsi citer :

  • une action spécifique à moyen terme. Après un premier programme qui portait sur les années 1975-1980, un second programme, d’un montant total de 29 millions d’Ecus a été autorisé pour la période 1985-1988. Un troisième programme quadriennal vient d’être adopté [60]. Comme les programmes précédents, il vise à favoriser des actions-recherches, la diffusion et l’échange de connaissances et le transfert de méthodes innovatrices de lutte contre la pauvreté entre les États membres. Le programme est doté d’un budget de 55 millions d’Ecus. Cette augmentation du budget reste cependant fort éloignée de la demande du Parlement européen qui, dans l’avis qu’il a rendu sur la proposition de la Commission demandait que le budget soit porté à 125 millions d’Ecus.
  • des actions ponctuelles, comme l’aide alimentaire ou l’aide d’urgence. Ainsi, au cours de l’hiver 1986/1987 la Commission a utilisé des excédents agricoles pour un montant de 168 millions d’Ecus. Cette action a été reconduite pour un montant de 100 millions d’Ecus l’hiver suivant.

290La contribution de la Communauté à la lutte contre la pauvreté et ce que l’on nomme la “nouvelle pauvreté” est un axe mineur du renforcement de la cohésion économique et sociale de la CE.

Conclusions

291L’Europe économique commence à exercer une capacité de mobilisation nationale ou régionale. Cette Europe est perçue comme le moyen de faire face à la concurrence américaine et à celle des pays asiatiques. Cette Europe suscite cependant de nombreuses inquiétudes qui sont les seules traces jusqu’à présent de l’existence d’un espace social : celui de l’interrogation.

292Cette notion “d’espace social européen” est récente : elle fut inventée par les socialistes français dans leur memorandum sur l’Europe d’août 1981, qui transposait à l’espace européen un mode de gestion sociale où les organisations syndicales françaises étaient des interlocuteurs actifs dans la concertation sociale, qu’il s’agisse de la confection des lois, des négociations sectorielles ou intersectorielles. A l’échelon européen, il s’agissait de s’attaquer par cette méthode au problème du chômage et à celui que rencontre le financement de la sécurité sociale.

293Selon ce modèle, une forme de partenariat devrait se construire au niveau européen. Pour que ce type de concertation fonctionne, il faudrait que les organes qui représentent les acteurs sociaux soient institutionnalisés à ce niveau. En outre, on a vu que la capacité juridique de la Communauté est loin de recouvrir tous les domaines qui font la puissance des États. Lui manque notamment le pouvoir de fixer les procédures de ce partenariat, et si elles n’aboutissent pas, celui d’y substituer des normes réglementaires. En outre, autant les travailleurs ont pu s’identifier à leurs organisations syndicales nationales, se sentir effectivement représentés dans leurs intérêts, à l’échelon de leur pays, autant l’Europe est peu à même de provoquer ce type de mobilisation. La Confédération européenne des syndicats n’est pas perçue par les travailleurs comme un organe de représentation. Du côté patronal, l’UNICE exerce certes très activement une pression auprès de la CEE mais refuse d’être une instance mandatée pour négocier.

294La Confédération européenne des syndicats a souscrit dès leur formulation aux objectifs de la Commission pour la réalisation du marché intérieur. Aujourd’hui, les premières études effectuées par la Commission montrent qu’au moins à court terme, la libre circulation des biens, des services et des capitaux, et la concurrence accrue qui s’ensuivra entre les entreprises, auront des conséquences négatives sur l’emploi et risquent d’accroître les inégalités régionales. La réalisation du grand marché intérieur provoque dorénavant plus d’inquiétude que d’enthousiasme au sein d’organisations syndicales. Ne risque-t-elle pas de susciter des rivalités internationales parmi les travailleurs ? Leurs organisations pourront-elles les dépasser dans des revendications transeuropéennes ?

295Aujourd’hui, l’Europe sociale n’est toujours pas devenue un concept opératoire, analytique et revendicatif précis.

296Le vocable “social” est devenu fort présent dans les discours de la Commission. A côté de cette notion d’“espace social européen”, la Commission se réfère pour sa part à “la dimension sociale du marché intérieur” ou encore au “volet social” des dispositions techniques prévues pour réaliser cet espace sans frontières. L’ensemble du débat sur l’Europe sociale amorcé par la Commission sur base de la capacité embryonnaire d’intervention de la Communauté en matière sociale est dorénavant relayé auprès des interlocuteurs sociaux et dans les autres institutions de la CE.

297Les ambitions de la Communauté sont vastes. Il faut toutefois bien convenir que les réalisations sont jusqu’à présent partielles, dispersées et peu nombreuses. Le Président de la Commission, les chefs d’État et de gouvernement conviennent dorénavant que l’Europe doit, selon leurs termes, marcher sur ses deux jambes : elle doit certes être économique mais aussi sociale. La référence à l’Europe sociale est devenue un passage obligé des discours sur la construction européenne. Mais la question de savoir si la Communauté pourra effectivement devenir l’instance promotrice de cette Europe sociale reste entière tant pour ce qui est des formes et du contenu d’une possible institutionnalisation de la régulation sociale.


Date de mise en ligne : 02/08/2014

https://doi.org/10.3917/cris.1267.0001

Notes

  • [*]
    Ce travail a été réalisé par l’Observatoire social européen grâce à l’appui de la FEC (Formation - Éducation - Culture).
  • [1]
    Orientations préliminaires pour un programme de politique sociale communautaire, 17 mars 1971.
  • [2]
    Le Traité de Rome est la référence centrale du présent texte, ceci sans méconnaître les traités instituant les deux autres communautés (CECA, Euratom), dont les dispositions seront d’ailleurs citées incidemment. On gardera ainsi présent à l’esprit que les institutions des trois communautés ont été fusionnées.
  • [3]
    Voir à ce sujet l’analyse de Jean Vogel, L’ambiguïté du principe de subsidiarité, in Vers l’Europe sociale, recherche organisée par la section Politique et institution en Europe, CRS-Rome, pour le groupe Gauche unitaire du Parlement européen, Mineo, janvier 1990.
  • [4]
    JOC 77, 19 mars 1984.
  • [5]
    Communication de la Commission au Conseil relative à l’harmonisation technique et à la normalisation, une nouvelle approche, COM (85) 19 du 17 janvier 1985.
  • [6]
    Efficacité, stabilité et équité. Une stratégie pour l’évolution du système économique de la Communauté européenne. Rapport d’un groupe d’études présidé par T. Padoa Schiopa, avril 1987, pp. 23-24.
  • [7]
    La dimension sociale du marché intérieur, Rapport d’étape du groupe interservice, Europe sociale, No spécial, 14 septembre 1988.
  • [8]
    Orientations préliminaires pour un programme de politique sociale communautaire, 17 mars 1971.
  • [9]
    Résolution du Conseil du 21 janvier 1974 concernant un programme d’action sociale, JOC 13, 12 février 1974.
  • [10]
    Cité par Jacques Vandamme, Pour une nouvelle politique sociale en Europe, Economica, 1984, 148 p.
  • [11]
    Observatoire social européen, Europe consultative : où en est la participation syndicale dans les Communautés européennes ?, septembre 1985, 27 p.
  • [12]
    Unice, Memorandum adressé à la nouvelle Commission, décembre 1988.
  • [13]
    COM (88) 815 du 29 mars 1989 modifiant le réglement 1612/68 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté et la directive 68/630 relative au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leurs familles à l’intérieur de la Communauté.
  • [14]
    Directive 89/48 du Conseil, du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans (JOL 19 du 24 janvier 1989).
  • [15]
    COM (80) 358.
  • [16]
    JOC 72 du 18 mars 1988.
  • [17]
    Proposition de directive du Conseil relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles qui complète la directive 98/48, COM (89) 372 final, SYN 209 du 8 août 1989.
  • [18]
    COM (86) 52.
  • [19]
    JOC, décision 87/327 du Conseil - JOL - 166 du 25 mai 1987.
  • [20]
    Cas Defrenne v Belgique (cas No 80/70), cas Defrenne v Sabena (cas No 43/75), cas Defrenne v Sabena (cas No 149/77).
  • [21]
    Voir notamment Drake v Chief Adjudication Manager (cas No 150/85) et Hollande v FNV (cas No 71/85).
  • [22]
    COM (85) 801.
  • [23]
    Recommandation 84/635, 13 décembre 1984, JOL 331, 15 décembre 1984.
  • [24]
    COM (87) 105.
  • [25]
    Coordination des femmes : évaluation du programme d’action de la Commission pour la promotion de l’égalité des chances pour les femmes, novembre 1985.
  • [26]
    Résolution du Conseil, 29 juin 1978, JOC 165, 11 juillet 1978.
  • [27]
    Résolution du Conseil, 27 février 1984, JOC 67, 8 mars 1984.
  • [28]
    Résolution du Conseil, 21 décembre 1987, JOC 28, 3 février 1988.
  • [29]
    OCDE, Perspectives d’emploi, juillet 1989, Paris, pp. 157 et ss.
  • [30]
    Directive 89/392 du Conseil, 14 juin 1989, JOL 29 juin 1989.
  • [31]
    Proposition de réglement du Conseil portant statut de la société européenne, et proposition de directive du Conseil complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne la place des travailleurs, COM (89) 268, 25 mai 1989.
  • [32]
    Directive 75/129 du Conseil du 17 février 1975, JOL 48 du 28 février 1975.
  • [33]
    Voir notamment, Gérard et Antoine Lyon-Caen, Droit social international et européen, 6ème édition, Dalloz, Paris, 1985.
  • [34]
    Directive 77/178 du 14 février 1977, JOL 61 du 5 mars 1977.
  • [35]
    Directive 80/987 du Conseil du 20 octobre 1980, JOL 283 du 20 octobre 1980, modifiée par la Directive 87/164 du Conseil, JOL 66 du 11 mars 1987.
  • [36]
    COM (81) 775.
  • [37]
    COM (84) 159.
  • [38]
    Recommandation du Conseil du 22 juillet 1975 concernant le principe de la semaine de quarante heures et le principe des quatre semaines de congés payés annuels, JOL 199, du 30 juillet 1975.
  • [39]
    Recommandation du Conseil du 18 décembre 1979, concernant l’aménagement du temps de travail, JOL.
  • [40]
    Décision 63/266 du Conseil, du 2 avril 1963, JOC 63 du 20 avril 1963.
  • [41]
    JOL 222, 8 août 1986.
  • [42]
    Rapport Cecchini sur le coût de la non Europe, in Économie européenne No 35, mars 1988.
  • [43]
    Dimension sociale du marché intérieur, Rapport du groupe interservice de la Commission.
  • [44]
    Voir notamment Y. Guillaume, D. Meulders et R. Plasman, Simulation des impacts de l’achèvement du marché intérieur, le cas de la Belgique, Cahiers économiques de Bruxelles, No 124, 4ème trimestre 1989.
  • [45]
    BIT, La négociation collective dans les pays industrialisés à économie de marché : un examen, BIT, Genève, 1989, 351 p.
  • [46]
    COM (82) 716.
  • [47]
    OCDE, Le vieillissement démographique, Paris, 1988.
  • [48]
    COM (86) 410.
  • [49]
    Troisième rapport périodique de la Commission sur la situation et l’évolution socio-économique des régions de la Communauté, COM (87) 230 final, 21 mai 1987.
  • [50]
    Livre blanc pour la réalisation du marché intérieur, COM (85) 310 final, 14 juin 1985.
  • [51]
    Voir Cour des comptes des CE, Rapport spécial No 1/88 sur les procédures et systèmes communautaires et nationaux relatifs à la gestion du Fonds social européen, 5462/88.
  • [52]
    Fonds européen de développement régional, Treizième rapport annuel de la Commission (1987), COM (88) 728 final, 10 janvier 1989.
  • [53]
    Banque européenne d’investissement, Rapport annuel 1988, avril 1989.
  • [54]
    Règlement du Conseil 2052/88 du 24 juin 1988, concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants (JOL 185, 15 juillet 1988) ; Règlement du Conseil 4253/88 du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement (CEE) No 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, d’autre part (JOL 374, 31 décembre 1988).
  • [55]
    La Commission définit un programme opérationnel comme étant un ensemble cohérent de mesures pluriannuelles pour la réalisation duquel il est fait appel à un ou plusieurs fonds structurels ou instrument financier (BEI).
  • [56]
    Espagne (Andalucia, Asturias, Castilla-Leon, Castilla-la-Mancha, Ceuta y Melilla, Comunidad Valenciana, Extremadura, Galicia, Canaria, Murcia) ; France (Départements français d’outre-mer (DOM), Corse) ; Grèce (la totalité du pays) ; Irlande (la totalité du pays) ; Italie (Abruzzi, Basilicata, Calabria, Campania, Molise, Puglia, Sardegna, Sicilia) ; Portugal (la totalité du pays) ; Royaume-Uni (Nothern Ireland).
  • [57]
    Règlement du Conseil 4254/88, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement (CEE) No 2052/88 en ce qui concerne le Fonds européen de développement régional (JOL 374, 31 décembre 1988) ; règlement du Conseil 4255/88 du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement (CEE) No 2052/88 en ce qui concerne le Fonds social européen (JOL 374, 31 décembre 1988) ; règlement du Conseil 4256/88 du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement (CEE) No 2052/88 en ce qui concerne le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section “orientation” (JOL 374 du 31 décembre 1988).
  • [58]
    COM (87) 722.
  • [59]
    COM (88) 369.
  • [60]
    Décision du Conseil 89/457 du 18 juillet 1989 portant établissement d’un programme d’action communautaire à moyen terme concernant l’intégration économique et sociale des groupes de personnes économiquement et socialement moins favorisées, JOL 224, 2 août 1989.

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