Notes
-
[1]
Philippe Manigart, "L’évolution des dépenses militaires en Belgique depuis 1900", Courrier Hebdomadaire du CRISP n° 1009, du 30 septembre 1983.
-
[2]
J. Van Doorn, "The Decline of the Mass Army in the West : General Reflections", pp. 147-198 dans Armed Forces and Society 1, 1975, pp. 149-151.
-
[3]
Le taux de participation militaire est tout simplement la proportion d’individus sous les armes par rapport à la population totale (S. Andresky, Military Organization and Society. Berkeley : University of California Press, 1971, p. 33).
-
[4]
En novembre 1944, l’armée belge comptait 16.000 hommes. Face à la résistance de l’armée allemande, les Alliés demandèrent à la Belgique d’augmenter son effort militaire. A la suite du mémorandum Eden-Spaak du 9 novembre 1944, la Belgique s’engagea à porter ses effectifs de 16.000 à 91.000 hommes. En octobre 1945, l’armée belge comptait 115.000 hommes, dont 75.000 à la disposition des Alliés. (Source : J. Barthélémy, Le budget du Ministère de la Défense nationale de 1945 à 1962, Bruxelles, Ecole des Administrateurs militaires (travail de fin d’études), 1965, p. 41).
-
[5]
La participation belgo-luxembourgeoise dans les forces de l’O.N.U. à la guerre de Corée se monta à 3.500 volontaires, soit un bataillon. Source : E. Wanty, "La vie militaire", pp. 331-387 dans Histoire de la Belgique contemporaine, 1914-1980 (ouvrage collectif), Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1975.
-
[6]
D. Curry, A Comparative Analysis of Military Institutions in Developed Nations, Chicago, University of Chicago, Department of Sociology, thèse de doctorat, 1976.
-
[7]
Op. cit., p. 150.
-
[8]
E. Häckel, "Military Manpower and Political Purpose", dans Adelphi Paper n° 72, International Institute for Strategic Studies, 1970.
-
[9]
G. Verhaegen, "Les institutions militaires belges", pp. 425-471 dans Histoire de la Belgique contemporaine, 1830-1914, tome 2, ouvrage collectif, Bruxelles, Dewit, 1929.
-
[10]
E. Gilbert, L’armée dans la Nation : l’entre-deux-guerres en Belgique, Bruxelles, éd. Ferd. Wellens-Pay, 1945.
-
[11]
Par exemple, en ce qui concerne la dispense pour cause morale, la loi sur la milice du 2 septembre 1957 ne prévoyait que trois cas. A l’heure actuelle, la loi en prévoit 10. Ces modifications et ajouts ont fait que le pourcentage de personnes ayant obtenu une dispense au titre de cet article 12 est passé de 4 % en 1965 à 7,4 % en 1979. Source : M.D.N.
-
[12]
Si l’on voulait, par exemple, connaître, d’une manière rigoureuse, le nombre de jeunes gens nés en 1960 qui ont fait ou feront effectivement leur service militaire, il faudrait pour cela les suivre jusqu’à l’âge de 30 ans environ, âge auquel on peut considérer sans risque d’erreur que ceux qui n’ont pas été appelés ne le seront jamais. C’est ce que l’on veut dire par collection de données longitudinales. Parmi ces jeunes nés en 1960, une partie a fait son service en 1978 ou 1979, une autre partie a été exemptée, dispensée ou libérée, et enfin une dernière partie a été soit ajournée, soit sursitaire. Or, parmi ces derniers, un certain nombre seront appelés sous les drapeaux au cours des années suivantes.
-
[13]
Op. cit., p. 453.
-
[14]
Source : La Libre Belgique, lundi 4 janvier 1982, p. 5.
-
[15]
Toutefois, la réduction concomitante de la durée du service militaire a, dans une certaine mesure, quelque peu contrecarré cette tendance.
-
[16]
Par contre, le pourcentage d’exemptions pour cause physique a diminué pendant cette période, puisque l’on est passé de 5,2 % en 1965 à 3,9 % en 1979. Source : M.D.N.
-
[17]
Sources : Chambre des Représentants, Questions et réponses, 28 décembre 1982 et 31 mai 1983, F. Bazier, "Les objecteurs de conscience", travail de fin d’études, U.C.L., janvier 1983.
-
[18]
Source : E. Gilbert, op. cit., pp. 104 et 129.
-
[19]
Source : M.D.N.
-
[20]
M. Martin, "Le déclin de l’armée de masse en France : Notes sur quelques paramètres organisationnels", pp. 87-116 dans Revue française de sociologie, 22, 1981, p. 100.
-
[21]
En 1980, il n’y avait plus que 18,1 % de miliciens à la force aérienne (contre 38,1 % en 1949). A la force navale et à la force terrestre, les pourcentages en 1980 étaient respectivement de 24,3 % et de 35,7 %. Source : M.D.N., Annuaire statistique n° 14.
-
[22]
En 1982, le nombre de fonctions occupées par les volontaires (caporaux et soldats) était d’environ le double de celles occupées par les miliciens. De plus, à la force terrestre, les 3/4 des miliciens servaient dans des fonctions périphériques, "civiles" (administration, intendance, ouvriers, manœuvres, métiers) et seulement 6,3 % dans des fonctions de combat. Encore faut-il ajouter que la majorité des fonctions de combat occupées par les miliciens étaient non spécialisées (infanterie).
-
[23]
En ce qui concerne les organisations militaires, K. Lang a défini le secteur primaire comme celui regroupant l’ensemble des fonctions liées aux opérations tactiques (et dont font partie les fonctions de combat), le secteur secondaire comme celui regroupant les services techniques (production et entretien des équipements militaires) et le secteur tertiaire comme celui regroupant les fonctions logistiques, administratives et de gestion. K. Lang, "Trends in the Military Occupational Structure and their Political Implications", pp. 1-18 dans Journal of Political and Military Sociology 1, 1973, p. 4.
-
[24]
Pour la façon dont ces catégories fonctionnelles ont été construites, voir Ph. Manigart, Les forces armées belges en transition : une étude sur le concept de déclin de l’armée de masse, thèse de doctorat, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Faculté des Sciences sociales, politiques et économiques, 1983, pp. 185-188.
-
[25]
Source : H. Wool, The Military Specialist : Skilled Manpower for the Armed Forces, Baltimore, John Hopkins Press, 1968, p. 42.
-
[26]
Une "Marine Royale" avait bien existé de 1831 à 1862 et, après la première guerre mondiale, un "Corps des Torpilleurs et Marins" avait été constitué, mais il fut supprimé en 1930 et remplacé, sur le papier, par un "Corps de Marine", à former à la mobilisation. L’actuelle force navale, héritière de la "Section belge de la Royal Navy", fut créée par l’arrêté du Régent du 30 mars 1946.
-
[27]
E. Shils, Center and Periphery : Essays in Macrosociology, Chicago, The University of Chicago Press, 1975.
-
[28]
M. Janowitz, The Last-Half Century : Societal Change and Politics in America, Chicago, The University of Chicago Press, 1978.
-
[29]
Depuis 1921, elles pouvaient voter aux élections communales et provinciales.
-
[30]
V. Werner, Les femmes dans l’armée belge, Bruxelles, Institut de Sociologie de l’Université libre de Bruxelles, Centre de Sociologie de la Guerre, 43 p., 1978, pp. 2-3.
-
[31]
M.D. Feld, "Arms and the Woman : Some General Considerations", pp. 555-568 dans Armed Forces and Society 4, 1978, p. 557.
-
[32]
V. Werner mentionne notamment les demandes des sections féminines de certains partis politiques d’accorder aux femmes le droit de s’engager à l’armée. Il faut toutefois noter qu’aucune organisation féminine n’a jamais demandé que les femmes accomplissent leur service militaire en tant que miliciennes.
-
[33]
Source : M. Janowitz et Ch. C. Moskos, "Five Years of the All-Volunteer Force : 1973-1978", pp. 171-218, dans Armed Forces and Society 4, 1978, p. 181.
-
[34]
Source : International Institute for Strategic Studies, The Military Balance, 1981-1982, London, I.I.S.S., 1981.
-
[35]
Op. cit., p. 111.
-
[36]
Ces chiffres, ainsi que les suivants, ont été fournis par le M.D.N.
-
[37]
Op. cit., p. 16.
-
[38]
En 1981, le personnel civil de la Défense nationale se répartissait comme suit : 52 % étaient employés dans l’administration centrale et 48 % comme main-d’œuvre dans les unités et les arsenaux (source : M.D.N.).
-
[39]
Voir, par exemple, Ch.C. Moskos, "From Institution to Occupation : Trends in Military Organizations", pp. 41-50 dans Armed Forces and Society 4, 1977. Selon lui (p. 47), les gros bâtiments de guerre de la Marine américaine (porte-avions, etc.) comptent un nombre important de techniciens civils embarqués et seraient incapables de fonctionner sans ces civils sous contrat. De même, les principaux centres d’ordonnance de l’armée de terre, y compris ceux en zone d’opérations, requièrent des civils sous contrat pour la maintenance et l’assemblage. Quant aux systèmes d’alerte missiles au Groenland, ils sont en fait gérés et "opérés" par des firmes civiles pour le compte de l’U.S. Air Force.
-
[40]
Voir Ph. Manigart, L’évolution des dépenses militaires en Belgique depuis 1900, Courrier Hebdomadaire du CRISP, n° 1009 du 30 septembre 1983.
-
[41]
Ibid.
INTRODUCTION
1Dans un précédent Courrier Hebdomadaire [1], on a étudié l’évolution des dépenses militaires belges au cours du XXème siècle. Pour interpréter cette évolution, on avait eu recours au concept du déclin de l’armée de masse. Pour rappel, on entend par déclin de l’armée de masse, le passage progressif d’un modèle fondé sur la conscription universelle en temps de paix et la mobilisation en cas de crise à ce qu’on appelle une "force-en-soi", c’est-à-dire un système très largement composé de professionnels, se suffisant à lui-même pour la réalisation de ses objectifs et en état permanent de disponibilité et d’alerte. Dans cet article, on analysera l’impact de ce processus de déclin de l’armée de masse sur la structure démographique des forces armées belges. Tout comme pour l’évolution des dépenses militaires, la période couverte sera celle s’étendant de 1900 à 1980, c’est-à-dire la période qui, dans la plupart des pays occidentaux industrialisés, a vu, dans un premier temps, l’armée de masse atteindre son zénith et, dans un deuxième temps, entamer son déclin.
2Le Professeur J. Van Doorn de l’Université de Rotterdam [2] a défini l’armée de masse à partir de trois significations du mot "masse". La première, la plus évidente, est la moins importante. Il s’agit de la taille : les armées de masse étaient des armées relativement nombreuses. La deuxième dimension se rapporte au degré de mobilisation sociale nécessaire au maintien du système : les armées de masse reposaient sur une large participation militaire des citoyens en temps de paix et sur la mobilisation de toutes les forces vives de la Nation en cas de guerre. Enfin, la troisième dimension, la plus importante, se réfère au degré d’homogénéité organisationnelle de ces armées. Dans les armées de masse, la division du travail était relativement réduite.
3A contrario, le déclin de l’armée de masse se caractérise :
- au plan des effectifs, par une diminution substantielle du nombre de soldats et une atténuation des fluctuations de ces effectifs entre temps de paix et temps de crise ;
- au plan de la mobilisation, par le fléchissement du taux de participation militaire [3], par la réduction du rôle de la conscription et par la diminution de l’importance numérique et du rôle des forces de réserve ;
- au plan de la structure militaire interne, par une complexité croissante de la division du travail, ainsi qu’en témoignent notamment le passage d’une structure hiérarchique pyramidale à une structure en forme de diamant et le gonflement des services administratifs et techniques. Ce sont ces différentes variables que l’on va maintenant passer en revue.
I – L’EVOLUTION DES EFFECTIFS DES FORCES ARMEES BELGES, 1900-1980
4La figure I retrace l’évolution des effectifs des forces armées belges depuis 1900. En schématisant quelque peu, on peut la diviser en deux parties : la période antérieure aux années 1950 et la période actuelle. Avant 1953, l’armée belge, au niveau du volume de ses effectifs, présente les caractéristiques d’une armée de masse : relativement peu nombreuse en temps de paix, elle s’accroît de manière considérable en temps de crise. Par contre, à partir du milieu des années 1950, les forces armées belges vont progressivement se rapprocher du modèle de "force-en-soi" : leurs effectifs, après avoir fortement et rapidement diminué jusqu’au début des années 1960, vont progressivement se stabiliser pour ne plus varier que dans le cadre d’une fourchette étroite.
Évolution des effectifs des forces armées belges, 1900-1980
Évolution des effectifs des forces armées belges, 1900-1980
5Entre 1900 et 1912, l’armée belge était fort modeste en taille, ses effectifs tournant autour d’une moyenne annuelle de 43.000 hommes. La première guerre mondiale donna lieu à la première grande mobilisation de la population belge. En effet, de 60.250 hommes en 1913, les effectifs passèrent à 234.000 en 1914. Le volume des forces armées belges resta à un niveau élevé pendant toute la guerre. Le 1er juillet 1918, l’effectif total de l’armée belge était de 221.500 hommes.
6Après la première guerre mondiale, malgré une contraction importante des effectifs – qui se fit surtout sentir après 1923 – ceux-ci ne revinrent néanmoins jamais à leur niveau d’avant-guerre. La période 1927-1935 fut caractérisée par une certaine stabilité du volume des forces belges. Les effectifs tournèrent autour d’une moyenne annuelle d’environ 66.000 hommes. Cette période de stabilité fut toutefois de courte durée puisque, à partir de 1936, après l’adoption de la politique d’indépendance par la Belgique, on assista à une constante progression du nombre de militaires pour atteindre 99.670 hommes en 1939. La deuxième guerre mondiale donna lieu à la plus importante mobilisation que la Belgique ait connue et, en mai 1940, l’armée belge comptait 650.000 hommes.
7La fin de la deuxième guerre mondiale donna lieu à une démobilisation massive des forces armées belges reconstituées après la défaite de 1940 [4]. Les effectifs furent en effet réduits par paliers à partir du 1er janvier 1946 pour atteindre 53.841 hommes en 1947, soit un niveau inférieur à celui de la période d’entre-deux-guerres. La guerre de Corée [5] et le début de la guerre froide vit le dernier accroissement important du nombre de militaires en Belgique (148.495 en 1953).
8La période postérieure à 1953 se caractérise par une diminution quasi constante du volume global des effectifs des forces armées belges. Cette déflation fut particulièrement rapide entre 1953 et 1960 : ils passèrent en effet de 148.495 en 1953 à 108.360 en 1960. Après 1960, les fluctuations relatives d’effectifs diminuèrent d’intensité, bien que le volume des forces armées belges continua à baisser de manière régulière jusqu’en 1974. Le minimum d’après 1950 fut atteint en 1974, année de l’adoption du plan de professionnalisation, avec 87.383 hommes. A partir de 1976, il semble que la tendance à la diminution des effectifs ait été stoppée et même très légèrement inversée.
9Quand on compare l’évolution belge avec ce qui s’est passé, durant la période d’après-guerre, dans quatre pays étudiés par D. Curry [6], à savoir les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et la Suède, on s’aperçoit qu’à l’exception de la Grande-Bretagne, c’est en Belgique qu’on a assisté à la plus forte réduction d’effectifs.
II – L’EVOLUTION DU TAUX DE PARTICIPATION MILITAIRE AU COURS DU XXEME SIECLE
10La deuxième caractéristique de l’armée de masse, telle que définie par J. Van Doorn [7], est le degré de mobilisation de la population nécessaire au maintien de ce système. Une armée de masse requiert une plus grande mobilisation des citoyens que, à la fois, le modèle d’Ancien Régime et le modèle de "force-en-soi".
11Une des mesures empiriques du degré de mobilisation des citoyens est le taux de participation militaire (voir note 1 p. 3). A la lecture du tableau 1, on constate que, jusqu’au milieu des années 1950, le taux de participation militaire a fluctué en sens divers, reflétant bien évidemment en cela les variations d’effectifs enregistrées pendant cette période. Fort bas en temps de paix, il s’est élevé de manière très sensible en temps de guerre. Ainsi, en 1914, il a atteint 3,05 % et en 1940, 7,23 %. A partir du milieu des années 1950, on entre dans une période de déclin presque constant du taux de participation militaire : on passe en effet de 1,58 % en 1955 à 0,95 % en 1980.
Évolution du taux de participation militaire en Belgique (T.P.M.), 1900-1980 (en %)
Évolution du taux de participation militaire en Belgique (T.P.M.), 1900-1980 (en %)
12On observe les mêmes tendances en ce qui concerne la proportion de militaires par rapport à la population active. En 1910, les militaires représentaient 1,28% de la population active. Jusqu’au milieu des années 1950, les pourcentages fluctèrent en sens divers. Le maximum d’après-guerre sera atteint en 1953 (4,10%), après quoi la proportion de militaires par rapport à la population active ne va plus cesser de diminuer jusqu’en 1977 (2,19%). En 1978 et 1979, il y a eu une très légère remontée de cette proportion (2,27%).$$$$
13Quand on compare les taux de participation militaire des différents pays de l’O.T.A.N. pour l’année 1980, on s’aperçoit que la Belgique avait un taux relativement élève puisqu’elle se plaçait en cinquième position, derrière la Grèce, la Turquie, la France et les États-Unis. D’après E. Häckel [8], il existe une relation négative entre le volume des effectifs militaires d’un pays et le degré de "volontarisation" de son armée. C’est-à-dire que, d’une part, une des conséquences de l’adoption d’une force de volontaires a souvent été une baisse sensible des effectifs – et par là, du taux de participation militaire – et que, d’autre part, les armées de volontaires tendent à être, relativement à la population, plus petites que les armées de conscription. C’est ainsi qu’à l’exception des États-Unis, puissance mondiale et qui se doit donc de conserver une armée nombreuse, les deux autres pays qui ont adopté un système de volontaires, à savoir le Canada et la Grande-Bretagne, ont des taux de participation militaire relativement bas (0,33 % pour le Canada et 0,61 % pour la Grande-Bretagne).
14Mais le degré de participation militaire du citoyen peut être mesuré par d’autres indicateurs que le taux de participation militaire. Le taux de participation militaire a en effet deux inconvénients. D’une part, c’est une mesure assez grossière, mêlant volontaires et miliciens. Or, dans l’armée de masse classique, la participation militaire du citoyen s’effectuait essentiellement dans le cadre de la conscription en temps de paix et de la mobilisation en temps de guerre. Il s’ensuit que le développement historique de l’armée de masse peut aussi se mesurer par le degré d’universalisme du service militaire, par l’extension des obligations militaires du citoyen, par la proportion de miliciens dans une armée et par l’importance numérique et le rôle des forces de réserve. Inversement, le déclin de l’armée de masse devrait se traduire au niveau de la participation militaire du citoyen par l’instauration d’un service militaire de plus en plus sélectif, par la diminution de la durée des obligations militaires, par la baisse du nombre de miliciens et la diminution de l’importance numérique et du rôle des forces de réserve.
15D’autre part, tout comme l’évolution des effectifs (dont elle est largement une fonction), l’évolution du taux de participation militaire est sans doute plus liée à l’évolution de la conjoncture internationale que l’évolution des autres variables associées au déclin de l’armée de masse que l’on vient de citer. Il ne fait en effet aucun doute que la baisse substantielle des effectifs qui s’est produite après 1954 est, en grande partie, due à l’avènement de la coexistence pacifique et de la détente. Il est probable qu’en cas de retour prolongé à une situation de tensions aiguës Est-Ouest, on assisterait à un arrêt de cette tendance à la baisse des effectifs des forces armées des nations occidentales. Toutefois il semble exclu que l’on connaisse à nouveau une expansion numérique des organisations militaires aussi importante que par le passé, et cela pour une série de raisons. La plus importante, c’est la diminution du rôle de la mobilisation. Cela est lié à deux phénomènes. Premièrement, à l’ère nucléaire, pour qu’une stratégie de dissuasion soit crédible, il faut disposer de forces tout à fait entraînées et en état permanent d’alerte et de disponibilité. Deuxièmement, les mobilisations de masse des périodes précédentes n’avaient été possibles que parce que la spécialisation professionnelle militaire était relativement peu développée. Or, avec la modernisation des organisations militaires, les tâches se sont spécialisées et compliquées. En conséquence, elles requièrent du personnel plus "professionnel" et plus entraîné qu’auparavant. Cela n’est évidemment pas le cas de la masse potentielle de citoyens mobilisables qui ne seraient pas en mesure de remplir ces fonctions. Le concept de "force-en-soi" traduit assez bien cette relative inélasticité des effectifs des forces armées modernes.
III – L’EVOLUTION DU DEGRE D’UNIVERSALISME DU SERVICE MILITAIRE
16La première des lois de milice de la Belgique indépendante date de 1831. La conscription était alors basée sur le tirage au sort, avec faculté de remplacement à prix d’argent. Toutefois, à cette époque, la conscription était considérée comme une source secondaire de recrutement. Le principe du volontariat comme source principale de recrutement fut d’ailleurs consacré par la loi de 1902. Il faut souligner que les conscrits de cette époque, dans la mesure où ils effectuaient un service militaire de longue durée, étaient beaucoup plus des professionnels que des miliciens. Jusqu’en 1909, la Belgique vécut sous un régime mixte de volontariat et de conscription, nettement orienté vers le modèle d’une armée professionnelle. La participation militaire du citoyen était fort limitée et très inégalitaire (grâce à la disposition du remplacement à prix d’argent, jamais un jeune homme des classes aisées ne faisait son service militaire contre son gré).
17Sous la pression des événements qui précédèrent la première guerre mondiale, le Parlement vota en 1909 une loi supprimant le tirage au sort et le remplacement et instaurant le principe du service personnel obligatoire. Ce service était toutefois limité à un fils par famille. Ce n’est qu’avec la loi du 30 août 1913 que la Belgique adopta enfin le principe du service personnel, général et obligatoire. Il faut cependant noter que, selon G. Verhaegen [9], malgré son caractère théoriquement universel, la loi ne s’appliquait qu’à 49 % des jeunes en âge de milice. Après la première guerre mondiale, la loi d’août 1921 alla dans le sens d’une plus grande universalité : elle affirmait à nouveau le principe du service généralisé et incorporait, par souci d’équité, les inaptes aux unités armées dans les services auxiliaires [10].
18Enfin, les lois coordonnées sur la milice du 2 septembre 1957 consacraient l’égalité entre les Belges en ce qui concerne l’obligation de servir dans les forces armées. Ces lois disposaient expressément dans leur article 2, § 1, que "Tout citoyen belge doit accomplir le service militaire". Le § 2 du même article précisait par ailleurs que "Hormis le cas d’inaptitude physique et sans préjudice de l’exécution des conventions internationales, ce service ne comporte aucune exemption. Il a priorité sur tout autre service". Néanmoins, cette égalité juridique absolue entre les Belges ne concernait que les hommes, les femmes ne faisant pas leur service militaire.
19Il faut attendre 1909 pour voir la conscription devenir un moyen privilégié de recrutement et 1913, pour voir apparaître, dans les textes tout au moins, les principes d’universalisme et d’égalité du service militaire. Au niveau de la participation militaire du citoyen, l’armée beige n’a pris les caractéristiques d’une armée de masse que juste avant la première guerre mondiale, c’est-à-dire beaucoup plus tard que dans les autres nations européennes.
20Au niveau empirique, la baisse du degré d’universalisme et d’égalitarisme du service militaire, consécutive au processus de déclin de l’armée de masse, peut se mesurer de deux façons principales : premièrement, par l’analyse des différents paragraphes des lois sur la milice se rapportant aux motifs de dispense, et, deuxièmement, par l’analyse quantitative de la composition des levées au cours du XXème siècle.
21Une des caractéristiques fondamentales de la conception classique du service militaire dans le contexte des armées de masse était qu’un segment socialement isomorphe de la population civile parente soit représenté au sein de l’institution militaire. Ainsi qu’on l’a vu, en Belgique, il fallut attendre les lois de 1913 et 1921 pour voir réalisée, dans les textes tout au moins, cette caractéristique. Or, au cours de la période postérieure à 1945, une série de modifications des lois sur la milice ont abouti à une détérioration nette de cette caractéristique.
22Cinq dispositions légales érodent, à des degrés divers, le caractère universel et égalitaire du service militaire : le sursis, l’ajournement, l’exemption, la dispense et la libération. De ces cinq mécanismes, deux – libération et dispense – quand ils atteignent un certain niveau, remettent en cause la légitimité du service militaire. Ils aboutissent en fait à augmenter le caractère sélectif – et donc injuste – de ce dernier. Or, à côté des formes traditionnelles d’exemptions pour cause physique (article 14 des lois sur la milice), on a assisté, dans la période d’après-guerre, à un élargissement progressif des conditions légales à satisfaire pour bénéficier d’une libération (article 87) ou d’une dispense pour cause morale (article 12). Cela a abouti à exempter un nombre croissant de catégories d’individus [11].
23Sous un angle plus quantitatif, la baisse du degré d’universalisme et d’égalitarisme du service militaire se manifeste par une diminution du nombre de jeunes dans la population qui font effectivement leur service militaire. Malheureusement, les chiffres concernant le nombre de jeunes faisant effectivement leur service militaire sont rares et fort approximatifs. Cela est dû, pour une bonne part, à des difficultés méthodologiques et pratiques sérieuses. En effet, alors qu’il est facile de connaître le nombre de jeunes appartenant à une levée donnée qui sont appelés au service une année donnée, il est par contre plus difficile de savoir combien de personnes d’une classe d’âge donnée feront, à un moment ou à un autre, leur service. Cela suppose l’existence de données longitudinales sur les différentes classes d’âge [12]. De telles données n’existent pas en Belgique. On en est réduit à des estimations plus ou moins précises.
24On a vu précédemment que, d’après G. Verhaegen [13], la loi de 1913 ne s’appliquait qu’à 49 % des jeunes en âge de milice. Bien qu’aucun chiffre n’existe à ce sujet, on peut supposer qu’entre 1913 et 1957, année où l’égalité et l’universalité du service militaire étaient définitivement consacrées par la loi, le pourcentage de jeunes faisant leur service militaire a sensiblement augmenté. Par contre, il semble bien que, depuis la fin des années 1950, ce pourcentage ait diminué. A l’heure actuelle, on estime généralement que 50 % environ des jeunes gens échappent au service militaire [14].
25Si les séries temporelles dont on dispose sur la composition des levées au cours du XXème siècle ne permettent pas d’évaluer le nombre de jeunes qui feront, à un moment ou à un autre, leur service militaire, elles donnent par contre une idée de la pression de la conscription sur ces différentes levées. L’évolution de cette pression peut être considérée comme un indicateur – indirect – du degré d’universalisme du service militaire.
26Le tableau 2 présente les résultats des opérations de recrutement depuis 1914. La colonne de gauche du tableau indique le nombre de personnes rattachées aux différentes levées depuis 1914 et la colonne de droite, le pourcentage de miliciens aptes et disponibles (contingent) par rapport à ces levées. Il ressort de la lecture de ce tableau que la pression de la conscription sur les différentes levées semble avoir globalement diminué depuis 1914, mais avec de fortes variations. Si l’on excepte les années de guerre (pour lesquelles on ne dispose pas de chiffres), on constate que la participation militaire des jeunes à travers la conscription semble avoir été la plus forte entre 1920 et 1922. Par exemple, 84,9 % des personnes composant la levée de 1922 firent leur service militaire cette année-là. En général, les pourcentages pour la période d’entre-deux-guerres furent supérieurs ou voisins de 50 %. En ce qui concerne la période d’après-guerre, après être tombés à 42 % en 1948 et 1949, les pourcentages remontèrent légèrement entre 1950 et 1953 et atteignirent leur maximum pour cette période en 1952, avec 47 %. Après 1953, ils ne cessèrent pratiquement plus de décroître. Le minimum historique pour toute la période considérée – c’est-à-dire après 1914 – fut même atteint en 1979, avec 17,8 %. On notera également qu’il y a eu une légère remontée en 1980 (18,4 %) et qu’à la suite de l’adoption en 1974 du plan de professionnalisation, les pourcentages tombèrent au-dessous des 20 %.
Résultats des opérations de recrutement, 1914-1980
Résultats des opérations de recrutement, 1914-1980
27Bien qu’encore une fois, au sens strict, ces chiffres ne prouvent pas nécessairement que le pourcentage de jeunes qui font leur service ait diminué depuis 1914 – et surtout depuis la fin de la première guerre mondiale – il n’en reste pas moins qu’ils en constituent un indice sérieux. En tout état de cause, en ce qui concerne la période d’après-guerre, la diminution très sensible de la pression de la conscription sur les différentes classes d’âge est due essentiellement à quatre causes : l’augmentation du nombre de jeunes en âge de faire leur service militaire, particulièrement à partir de la fin des années 1960 ("baby boom"), la réduction des effectifs des forces armées belges, la diminution de la proportion de miliciens dans l’armée belge et l’augmentation du nombre des sursis – suite normale de la démocratisation des études –.
28En ce qui concerne les trois premières causes, il est clair que, dans la mesure où le nombre de jeunes en âge de faire leur service augmentait alors que, dans le même temps, les effectifs des forces armées belges diminuaient, une proportion croissante de ces jeunes devait fatalement échapper au service militaire, pour une raison ou pour une autre [15]. A ce propos, on notera que le nombre de dispenses pour cause morale est passé de 4 % en 1965 à 7,4 % en 1979. En ce qui concerne le pourcentage de jeunes ayant obtenu des sursis, on est passé de 48,4 % de la levée de 1965 à 49,8 % en 1970 et à 53,1 % en 1979 [16].
29Enfin, un dernier indicateur du recul du degré d’universalisme du service militaire est l’augmentation du nombre d’objecteurs de conscience. Bien qu’étant loin d’atteindre l’ampleur qu’a pris ce phénomène en Allemagne de l’Ouest, à la faveur d’une législation particulièrement souple, le nombre d’objecteurs de conscience a néanmoins sensiblement augmenté en Belgique depuis les années 1960. Alors qu’en 1965, on ne dénombrait que 52 objecteurs reconnus par le Conseil de l’objection, en 1976, ils étaient 1.053 et en 1982 2.455 [17].
IV – L’EVOLUTION DE LA DUREE DES OBLIGATIONS MILITAIRES AU COURS DU XXEME SIECLE
30Un troisième indicateur du recul de la participation militaire du citoyen est la réduction progressive des obligations militaires – actives et de réserve –.
31La loi de 1909 – qui introduisit en Belgique le service personnel, quoique limité à un fils par famille – prévoyait un service militaire variant de 15 à 24 mois, pour un simple soldat-milicien : 15 mois dans l’infanterie, 21 mois à l’artillerie et dans le train et 24 mois dans la cavalerie. En 1920, le gouvernement réduisit le temps de service de 15 à 10 mois dans l’infanterie, de 21 à 12 mois à l’artillerie et les services et de 24 à 13 mois à la cavalerie [18]. En 1923, on assista à une légère augmentation, suivie en 1928 d’une nouvelle réduction. La loi du 15 décembre 1937 uniformisa à 12 mois la durée du service militaire. Après la deuxième guerre mondiale, la durée du service passa de 12 à 18 mois en mars 1951 et à 21 mois en juin de cette même année. Elle culmina même en 1952, sous un gouvernement social-chrétien homogène, à 24 mois – mais pour une brève période seulement puisqu’on passa, au cours de la même année, à 21 mois puis à 18 mois en 1954, à 15 mois en 1957 et à 12 mois en 1959. De 1959 à 1974, la durée du service militaire ne fut pas modifiée. Les réductions qui commencèrent en 1974 sont le résultat de la mise en œuvre du plan de professionnalisation, aussi appelé plan de réduction du service militaire. Ce plan visait en effet une réduction progressive, mais rapide, de la durée du service militaire – qui devait passer de 12 à 6 mois. La phase finale de ce plan avait été initialement prévue pour 1978. Mais après des réductions en 1974, 1975 et 1976, en décembre 1977 il n’y eut pas de nouvelles réductions, contrairement à ce qui avait été initialement programmé, et cela en raison d’un manque de ressources budgétaires pour le recrutement de volontaires à court terme. Ces temporaires devaient en principe compenser la diminution du nombre de miliciens disponibles engendrée par cette réduction du temps de service. Depuis 1977, il n’y a plus eu de nouvelles réductions de la durée du service militaire. Il est, à l’heure actuelle, de 8 mois en République fédérale d’Allemagne et 10 mois en Belgique.
32L’année 1974 est une date charnière dans le fonctionnement de l’armée belge. En effet, descendre en-dessous de 12 mois – terme considéré comme un minimum pour former le contingent à des fonctions de combat – suppose une modification radicale du rôle des miliciens dans la défense nationale. La raison en est qu’on ne peut légitimement attendre de miliciens accomplissant un service militaire d’une courte durée qu’ils accomplissent les mêmes rôles que des miliciens accomplissant un service militaire d’une plus longue durée. La décision de réduire substantiellement la durée du service militaire supposait donc une réorganisation des forces armées belges et, notamment, une redistribution des tâches entre militaires et volontaires. C’est ainsi que le plan de 1974 prévoyait que les unités opérationnelles seraient uniquement composées de volontaires tandis que les miliciens seraient affectés à des tâches de défense du territoire belge et constitueraient une "espèce" de réserve immédiate. Faute de moyens et à la suite de difficultés de recrutement de personnel volontaire, cette nouvelle répartition des tâches n’a pu être achevée.
33La réduction de la durée du service militaire est loin d’être un phénomène particulier à la Belgique. Dans certains pays, comme le Canada, la Grande-Bretagne et les États-Unis, cela a abouti à la disparition pure et simple du service militaire obligatoire. Mais, même dans les pays qui ont conservé un système mixte, la durée du service militaire a été réduite. Toutefois, parmi les pays de l’O.T.A.N. qui ont conservé une certaine forme de conscription, la Belgique est le pays où la réduction a été la plus importante et où la durée de base du service militaire est, à l’heure actuelle, la plus courte.
34En ce qui concerne la durée des obligations militaires, on observe la même tendance, c’est-à-dire une nette diminution au cours du XXème siècle. La loi sur la milice de 1909, dans son article 2, fixait la durée du terme de milice à huit années dans l’armée active, suivies de cinq années dans la réserve, soit une durée totale de treize ans. La loi de 1923 porta cette durée à 25 ans – 15 ans dans l’armée active et sa réserve et 10 ans dans l’armée territoriale. La tendance à la baisse s’amorça en 1951 : la loi du 15 juin 1951 sur la milice, le recrutement et les obligations de service, dans son article 3, ramenait en effet la durée des obligations militaires à 15 ans. Il y eut une dernière diminution en 1974, quand la durée fut portée à 8 ans, soit la situation existant en 1909. Enfin, il faut souligner que l’accord de gouvernement, approuvé par les partis politiques de la coalition le 1er avril 1979, prévoyait de ramener la durée de ces obligations à 5 ans, à partir du moment où la durée du service aurait été ramenée à 6 mois [19].
V – L’EVOLUTION DU POURCENTAGE DE MILICIENS DANS LES FORCES ARMEES BELGES, 1921-1980
35Parallèlement à la baisse du taux de participation militaire, du degré d’universalisme et d’égalitarisme du service militaire, et de la durée des obligations militaires, on observe, avec le déclin de l’armée de masse, une tendance vers des forces armées plus "professionnelles", c’est-à-dire que la proportion de soldats volontaires et de carrière par rapport aux miliciens tend à augmenter, pour atteindre sa limite avec l’adoption d’une force de volontaires. Inversement, la proportion de miliciens tend à diminuer. Il s’ensuit que le pourcentage de miliciens dans une armée est une variable importante pour situer une organisation militaire sur le continuum "armée de masse/force-en-soi". Cette diminution du rôle de la conscription est liée à la fois à la modernisation des organisations militaires et aux changements socio-culturels intervenus dans les sociétés occidentales.
36La figure 2 montre l’évolution du nombre de miliciens et de volontaires dans les forces armées belges depuis 1921, année où le gouvernement belge confirma le principe du service militaire personnel généralisé. On constate que le pourcentage de miliciens a diminué au cours de ce siècle, puisqu’on est passé de 69 % en 1921 à 32,8 % en 1980. Autrement dit, la proportion de miliciens par rapport au personnel volontaire s’est inversée. A l’exception de l’immédiat après-guerre (1946-1948), les miliciens restèrent majoritaires dans l’armée belge jusqu’en 1955. En ce qui concerne la période d’après-guerre, le pourcentage de miliciens culmina en 1951 (66,9 %), année qui marque le début de la dernière grande expansion des forces armées belges faisant suite à la guerre de Corée et à la guerre froide. A partir de 1952 et jusqu’en 1960, le nombre de miliciens diminua d’une manière constante, non seulement en termes relatifs mais aussi en termes absolus. En 1960, les miliciens ne représentaient plus que 34,2 % des effectifs. La chute brutale de la proportion de miliciens enregistrée entre 1958 et 1961 s’explique par la réduction de la durée du service décidée en 1959 (de 15 à 12 mois) et par la mise en œuvre d’un programme de recrutement de volontaires à court et moyen termes, baptisés "techniciens OTAN". Mais ce plan fut un échec. C’est pourquoi on enregistra, entre 1962 et 1964, une hausse du pourcentage de miliciens. Ensuite, ce pourcentage se stabilisa autour de 45 % jusqu’en 1974, année de l’adoption du plan de professionnalisation. De 1974 à 1 978, la proportion de miliciens baissa fortement pour atteindre 31,7 % en 1978. La légère remontée enregistrée en 1979 et 1980 s’explique par l’échec du plan de professionnalisation.
Évolution du nombre de miliciens et de volontaires dans les forces armées belges, 1921-1980
Évolution du nombre de miliciens et de volontaires dans les forces armées belges, 1921-1980
37Parallèlement à cette diminution du nombre de miliciens de tous grades, on a assisté, avec le déclin de l’armée de masse, à une modification de la composition du personnel volontaire et de carrière. Ainsi que le note M. Martin [20], "autrefois simples cadres de l’administration et de l’instruction d’une force recrutée pour la mobilisation, ils (les professionnels) sont devenus aujourd’hui l’essence même de cette force". Dans le modèle classique de l’armée de masse, les hommes de troupe – c’est-à-dire les militaires non gradés – étaient essentiellement des miliciens, le personnel volontaire occupant essentiellement des fonctions d’encadrement. Or, avec la professionnalisation progressive des forces armées, le nombre de caporaux et soldats volontaires tend à augmenter, c’est-à-dire que le personnel volontaire n’est plus uniquement composé de personnel d’encadrement. En d’autres termes, au niveau des hommes de troupe, la proportion de volontaires par rapport aux miliciens tend à être plus élevée dans une armée de type "force-en-soi" que dans une armée de masse.
38A partir du milieu des années 50, le rôle des miliciens s’est considérablement marginalisé. C’est à la force aérienne, et dans une moindre mesure à la force navale, que l’évolution a été la plus nette [21]. Ces services, parce qu’ils sont hautement spécialisés et technologiquement avancés, se sont beaucoup plus professionnalises que la force terrestre, où les tâches à accomplir sont restées, malgré tout, encore relativement moins spécialisées et où les systèmes d’armes sont moins complexes.
39La tendance vers une force plus "professionnelle" est beaucoup plus prononcée en Belgique que dans la plupart des autres pays occidentaux. En effet, à l’exception du Canada, des États-Unis, de la Grande-Bretagne et du Luxembourg qui ont des systèmes de volontaires, la Belgique est, parmi les pays industrialisés de l’O.T.A.N., celui où la proportion de miliciens est la plus faible.
VI – L’EVOLUTION DES CAPACITES DE MOBILISATION DES FORCES ARMEES BELGES AU COURS DU XXEME SIECLE
40Avec l’avènement de systèmes militaires de type "force-en-soi", le principe de la mobilisation, qui était au cœur même de la logique du fonctionnement des armées de masse classique, tend à perdre de son importance. La raison en est simple. Pour qu’une stratégie de dissuasion soit crédible, les forces conventionnelles doivent être tout à fait entraînées et en état permanent de disponibilité et d’alerte, ce qui ne serait pas le cas avec une force basée sur la mobilisation. Ce déclin du rôle de la mobilisation dans le nouvel environnement stratégique se traduit, d’une manière opérationnelle, par une réduction substantielle du volume global des forces de réserve en cas de mobilisation. Par exemple, en 1940, le volume des forces armées belges a atteint 650.000 hommes, à l’heure actuelle, en cas de mobilisation, celles-ci n’en aligneraient plus, en tout et pour tout, qu’environ 200.000 (voir figure 1). Cela signifie que, par rapport à la population active, la capacité de mobilisation des forces armées belges est passée d’environ 17 % en 1940 à 4,8 % en 1980.
41Mais la différence entre la période d’avant-guerre et la période actuelle n’est pas, loin de là, seulement quantitative. Bien plus importante est l’évolution qualitative intervenue au cours de cette période. Par rapport à la période d’avant-guerre, le volume actuel des forces de réserve est indéniablement largement surestimé compte tenu de la valeur opérationnelle de ces forces. Le prototype du soldat a depuis longtemps cessé d’être le fusilier : les tâches se sont diversifiées et sont devenues plus complexes. Cela nécessite donc un entraînement plus poussé. Or, d’une part, en raison de la diminution de la durée du service militaire et surtout de la contraction du nombre de fonctions militaires réservées aux miliciens [22], la conscription ne joue plus qu’un rôle limité dans la préparation de réservistes qualifiés, capables de remplir efficacement leurs tâches. D’autre part, dans les armées modernes, avec l’obsolescence rapide des divers systèmes d’armes, l’entraînement des militaires est vite périmé, si l’on n’effectue pas de fréquents rappels. Mais le coût de ces rappels est extrêmement élevé. Même si, quantitativement, les forces mobilisables sont restées, en apparence, relativement importantes, les nécessités du recyclage des réservistes, les problèmes posés par leur répartition et leur intégration dans les unités opérationnelles ont rendu toute mobilisation de masse impossible.
42Pour conclure, on peut donc dire qu’à partir du milieu des années 50, les forces armées belges ont progressivement perdu leur caractère d’armée de masse pour se rapprocher du modèle de "force-en-soi". La diminution substantielle des effectifs, leur plus grande inélasticite entre temps de paix et temps de crise, le déclin du taux de participation militaire et de l’importance de la mobilisation ainsi que la réduction du rôle de la conscription en sont des indicateurs. L’analyse de l’évolution de la structure militaire interne confirmera cette transformation.
VII – L’EVOLUTION DE LA STRUCTURE HIERARCHIQUE DES FORCES ARMEES BELGES DEPUIS 1900
43La troisième caractéristique des armées de masse, telle que définie par J. Van Doorn, et de loin la plus importante, était leur grande homogénéité organisationnelle. Les bataillons des armées de l’époque napoléonienne étaient des exemples extrêmes de cette homogénéité. Toutefois, dès la fin du XIXème siècle, les organisations militaires des pays occidentaux commencèrent à devenir plus complexes. Cette tendance à la différenciation allait s’accélérer d’une manière spectaculaire avec le déclin de l’armée de masse. Une méthode particulièrement fructueuse de mesurer empiriquement ce passage d’une structure militaire homogène à une structure plus différenciée, plus hétérogène, est d’analyser l’évolution de la distribution du personnel à travers la structure hiérarchique.
44Les armées d’Ancien Régime utilisaient une technologie très peu sophistiquée. La division du travail dans ces armées était donc extrêmement simple, les niveaux hiérarchiques peu nombreux et très rigidement définis. C’est ainsi qu’il y avait une dichotomie très nette entre les officiers (les nobles) et les hommes de troupe (le peuple). A l’intérieur de chaque strate, la spécialisation était pratiquement inexistante. La grande masse des effectifs se composait d’individus sans qualifications particulières qui exécutaient des tâches similaires et standardisées. Ces armées reposaient sur une structure hiérarchique pyramidale à large base. La chaîne de commandement se rétrécissait rapidement et un seul homme, en général, dominait le tout. Dans un tel système, la seule fonction des rangs intermédiaires de la hiérarchie était de transmettre les ordres venus d’en haut et de coordonner les activités de la troupe.
45Sous l’impact, notamment, du progrès technologique et de l’accroissement des effectifs, ce type de structure hiérarchique allait rapidement se modifier. En effet, la complexité croissante des armements et de l’environnement dans lequel opèrent les organisations militaires modernes a nécessité la création de toute une série d’activités nouvelles et cette différenciation fonctionnelle a, à son tour, créé des problèmes de coordination et de communication, ce qui a conduit à une augmentation des tâches administratives. Tout cela a entraîné une multiplication des niveaux hiérarchiques et une croissance des rangs intermédiaires (les rangs où se trouvent la majorité des spécialistes). Autrement dit, à la structure pyramidale traditionnelle allait progressivement se substituer une structure hiérarchique de forme plus hexaédrique. Cette tendance au gonflement des rangs intermédiaires, qui avait débuté au début du XXème siècle, s’est évidemment accélérée avec le passage d’armées de masse à des "forces-en-soi". Cette accélération s’explique, d’une part, par la plus grande dépendance des systèmes militaires de type "force-en-soi" envers la technologie et les techniques de gestion et, d’autre part, par la diminution du nombre de miliciens dans ces armées.
46Le tableau 3 présente l’évolution de la structure hiérarchique des forces armées belges depuis 1900. On observe qu’entre 1936 (première année où les sous-officiers sont classés séparément des caporaux et soldats) et 1980, la proportion de soldats a fortement diminué tandis que celle des sous-officiers augmentait : on est passé, pour les caporaux et soldats, de 86,3 % en 1936 à 65,1 % en 1980 et de 7,8 % à 27,5 % pour les sous-officiers.
Évolution des F.A.B., par grande catégorie de grade, 1900-1980 (en pourcentage)
Évolution des F.A.B., par grande catégorie de grade, 1900-1980 (en pourcentage)
Notes : – miliciens compris– avant 1936, sous-officiers, caporaux et soldats étaient regroupés sous le vocable "hommes de troupe".
47L’examen de l’évolution de la structure hiérarchique des trois forces depuis 1950 (tableau 4) révèle quant à lui d’intéressantes différences entre la force terrestre d’une part et les forces aérienne et navale d’autre part. En effet, si la base de la structure hiérarchique s’est fortement rétrécie dans les trois services, on constate toutefois que celle de la force terrestre a moins évolué que celle des deux autres forces. La force terrestre, avec sa base assez large (70,9 % de caporaux et soldats en 1980), présente encore les caractéristiques d’une organisation reposant essentiellement sur une main-d’œuvre peu qualifiée. Par contre, l’augmentation sensible du corps des sous-officiers à la force aérienne – et, dans une moindre mesure, à la force navale – reflète la croissance des tâches techniques et administratives, caractéristique de toute organisation reposant sur l’utilisation d’une technologie complexe. La force aérienne est d’ailleurs le seul service où, en 1980, la proportion de caporaux et soldats était inférieure à 50 %.
Effectifs militaires par grande catégorie de grade et par force, 1950-1980 (en pourcentage)
Effectifs militaires par grande catégorie de grade et par force, 1950-1980 (en pourcentage)
Note : miliciens compris48On observe le même phénomène de gonflement des rangs intermédiaires au niveau du corps des officiers. En termes de grandes catégories de grade en effet (tableau 5), on constate que, si la proportion d’officiers généraux est demeurée relativement stable, et assez basse, depuis le début de ce siècle (0,9 % en 1900 contre 0,6 % en 1980), il apparaît par contre que la taille relative du groupe d’officiers supérieurs a augmenté très sensiblement (16,5 % en 1900 contre 24,6 % en 1980), tandis que le pourcentage d’officiers subalternes diminuait proportionnellement (82,6 % en 1900 contre 74,8 % en 1980). Il semble que ce soit essentiellement au cours de la période d’après-guerre que le gonflement des rangs intermédiaires ait débuté. En effet, pendant la période antérieure, on ne distingue aucune tendance claire à l’accroissement du corps des officiers supérieurs, les pourcentages fluctuant en sens divers. Par contre, entre 1953 et 1980, le volume relatif de ce groupe s’est accru de 58 %. Cette augmentation s’est évidemment faite au détriment des officiers subalternes qui ont vu leur pourcentage diminuer de 11 % en valeur relative entre 1953 et 1980.
Évolution de la structure hiérarchique du corps des officiers belges, par grande catégorie de grade, 1900-1980 (en pourcentage)
Évolution de la structure hiérarchique du corps des officiers belges, par grande catégorie de grade, 1900-1980 (en pourcentage)
VIII – LA DIVISION DU TRAVAIL DANS LES FORCES ARMEES BELGES
49Dans les armées d’Ancien Régime, la majorité des soldats était engagée dans des fonctions spécifiquement militaires, c’est-à-dire dans des fonctions de combat. Avec les progrès technologiques accomplis dans les systèmes d’armes, la tendance s’est inversée. La puissance de feu accrue, la plus grande complexité des armements et l’amélioration des moyens de communication et de transport ont rendu nécessaire le recrutement d’une main-d’œuvre plus qualifiée et plus spécialisée. En termes organisationnels, la tendance prédominante depuis le début du XIXème siècle est celle d’un glissement des fonctions de combat vers des fonctions de support, administratives, logistiques et techniques. Pour emprunter une terminologie utilisée pour distinguer les différents secteurs de l’activité économique, on peut dire qu’il y a eu, depuis le XIXème siècle, dans les organisations militaires comme dans l’économie, une diminution sensible des activités primaires au profit des activités secondaires et tertiaires [23].
50Le tableau 6 présente la répartition fonctionnelle des caporaux et soldats des trois forces, pour l’année 1982 [24]. On voit qu’en 1982, 24,2 % des caporaux et soldats (volontaires et miliciens) des forces armées belges occupaient des fonctions purement militaires. C’est à la force navale que les soldats occupant des fonctions purement militaires sont proportionnellement les moins nombreux (19,2 % contre 24,8 % à la force terrestre et 22,6 % à la force aérienne). Quant au pourcentage de soldats employés dans des fonctions techniques au sens large (fonctions techniques et mécaniciens), il est de 22,3 %.
Répartition fonctionnelle des caporaux et des soldats des FAB, 1982 (en pourcentage)
Répartition fonctionnelle des caporaux et des soldats des FAB, 1982 (en pourcentage)
Notes : – le service médical n’est pas inclus dans le total FAB– volontaires et miliciens
– infanterie FAé = fusilier de l’air ; équipages systèmes d’armes collectifs = autres fonctions purement militaires
– infanterie FN = fusilier marin ; équipages systèmes d’armes collectifs = matelot canonier ; appui direct au combat = matelot de pont et scaphandrier
51Mais ce qui frappe peut-être le plus dans le tableau 6, c’est le pourcentage particulièrement élevé de soldats employés dans des tâches "civiles" peu qualifiées (ouvriers, services), c’est-à-dire des tâches qui n’ont que peu de rapport, direct ou indirect, avec la tâche centrale d’une organisation militaire – la préparation au combat. Presque la moitié des soldats des forces armées belges (44,8 %) sont employés dans de telles fonctions. Par comparaison, en 1963, le pourcentage de soldats américains utilisés à de telles tâches n’était que de 19,1 % [25]. Cette importante différence s’explique sans nul doute par le fait que les forces armées belges ont beaucoup moins recours que les forces armées des autres pays développés à de la main-d’œuvre civile pour effectuer de telles tâches (voir plus loin).
IX – LA MODIFICATION DES EQUILIBRES INTERARMEES
52J. Van Doorn a noté que la réduction des effectifs des forces armées se faisait toujours au détriment de la force terrestre. Un tel phénomène paraît logique. En effet, dans la mesure où il y a une liaison entre le déclin de l’armée de masse et la diminution de la proportion du personnel combattant, il est normal que l’importance de la force terrestre – en quelque sorte le service le plus voué au combat, du moins sous ses formes les plus élémentaires et les plus traditionnelles – diminue.
53En Belgique, avant 1949, il n’existait pas à proprement parler de forces autonomes. Avant 1914, les forces armées belges pouvaient être considérées comme une armée de terre à 100 %. Après 1921 et jusqu’en 1940, les forces armées belges comprenaient les branches suivantes : l’infanterie, la cavalerie, l’artillerie, le génie, l’aéronautique, le corps des transports, les troupes de l’intendance et des services divers. En 1921, le service aéronautique ne représentait que 2,6 % des forces armées belges (tableau 7). Pendant toute la période d’entre-deux-guerres, le pourcentage ne dépassa jamais les 4 %. En ce qui concerne la force navale, elle n’existait pas à proprement parler avant 1949 [26].
Évolution des effectifs par force, 1921-1980
Évolution des effectifs par force, 1921-1980
Note : (+) A partir de 1974, le % des 3 forces ne représente plus 100 %. Cela est dû à l’apparition d’une 4ème force, le service médical.54Ainsi que le montre le tableau 7, entre 1949 et 1980, la proportion de personnel rattaché à la force terrestre a substantiellement diminué, puisque l’on est passé de 84,2 % à 67,4 %, ce qui représente une perte relative par rapport à 1949 de 20 %. Parallèlement, la force aérienne passait de 14,1 % en 1949 à 22 % en 1980, soit une progression relative de 56 %. Quant à la force navale, elle est passée de 1,7 % en 1949 à 4,7 % en 1980, soit une progression relative de 176 %. Mais si, en termes relatifs, c’est à la force navale que la progression a été la plus spectaculaire, en termes absolus par contre, il faut bien constater que sa part dans les forces armées belges est restée très modeste. Enfin, il faut noter qu’à partir de 1974, est apparue une nouvelle force autonome : le service médical. En 1974, il représentait 5,7 % du personnel des forces armées belges et en 1980, 5,9 %. Ainsi donc, le service médical est, en effectifs, le troisième service, avant la force navale.
X – LE RECRUTEMENT DE FEMMES DANS LES FORCES ARMEES BELGES
55Le recrutement de femmes dans les forces armées résulte de trois processus historiques :
561) Le mouvement général d’affranchissement socio-politique à l’œuvre dans nos sociétés occidentales. Pour emprunter la formulation de E. Shils [27], il s’agit d’un processus d’intégration au centre de la société de groupes maintenus jusque-là à sa périphérie. Or, de tous ces groupes sociaux périphériques, qu’ils soient sociaux, religieux, raciaux ou sexuels, les femmes constituent le groupe numériquement le plus important. M. Janowitz [28] a montré le rôle déterminant, dans nos sociétés, de l’institution militaire, et de la conscription en particulier, dans l’élargissement de la notion de citoyenneté, c’est-à-dire dans l’intégration de larges segments de la société, jusque-là exclus, dans le processus politique. Faut-il rappeler que ce n’est pas un hasard si, en Belgique, le suffrage universel direct (pour les hommes) ne fut instauré qu’en 1919, c’est-à-dire après l’introduction en 1913 du service militaire personnel et universel et après que de larges segments de la population aient combattu pendant la première guerre mondiale ? A ce propos, il faut noter que les femmes durent attendre 1949 pour se voir accorder le droit de vote aux élections législatives [29]. Ainsi que le note V. Werner [30], une des raisons fut certainement leur participation plus active à la deuxième guerre mondiale, tant dans la Résistance que dans les forces belges.
57Ce rôle d’intégration de l’institution militaire explique, selon M.D. Feld [31], pourquoi la plupart des minorités ont toujours regardé leur exclusion de l’armée, ou de certaines fonctions à l’intérieur de celle-ci, comme une situation reflétant leur qualité de citoyens de seconde zone. En conséquence, elles ont, la plupart du temps, lutté pour une participation plus grande et plus directe à la défense de leur pays. Bien que, avec le déclin de l’armée de masse, le symbolisme civique du service militaire ait perdu de son importance au cours de cette seconde moitié du XXème siècle, il n’a pas complètement disparu. Il est donc normal que certaines organisations féminines, dans leur campagne pour l’égalité absolue entre les sexes, aient à leur tour demandé l’accès des femmes à la carrière militaire [32].
582) Toutefois sans la transformation organisationnelle des systèmes militaires, le recrutement et, ensuite, l’élargissement du champ des fonctions ouvertes au personnel féminin auraient été impossibles. L’évolution technologique des organisations militaires a eu en effet comme conséquence de profondément modifier la nature de la division du travail à l’intérieur de ces organisations. Cette évolution a eu notamment pour effet d’atténuer la distinction autrefois très nette entre fonction "masculine" et fonction "féminine". Avec le développement technologique, il y a eu une croissance importante des fonctions non-combattantes, telles que les tâches d’administration, de logistique, de communication, de contrôle et de renseignement, et parallèlement, une nette diminution des fonctions de type purement militaire, "héroïque" ou "viril". Il s’en est suivi que le nombre de postes auxquels les femmes avaient accès a considérablement augmenté.
59L’avènement des armements nucléaires – et l’adoption qui en est résultée de la stratégie de dissuasion – a accéléré cette tendance au déclin des fonctions combattantes et à la multiplication des fonctions sédentaires non-combattantes. Bien plus, l’accent mis sur la dissuasion altère la définition de ce qui est vraiment "militaire" (un technicien de contrôle de tir de missiles intercontinentaux n’est pas à proprement parler un "combattant", pourtant son geste aurait des conséquences autrement plus dramatiques que celui d’un fusilier ou d’un tankiste). Il en résulte que les femmes seront affectées plus fréquemment à des tâches qui, bien que n’étant pas des tâches de combat proprement dites, n’en sont pas moins devenues, de par la logique de la dissuasion, des tâches centrales.
603) Déclin de la conscription comme méthode de recrutement et recours accru à des volontaires. L’abolition de la conscription est une condition importante pour un plus grand recrutement des femmes dans les forces armées en temps de paix. En effet, devant les difficultés de recruter un nombre suffisant de volontaires masculins, en particulier par suite de la baisse de prestige de la carrière militaire, les forces armées se trouvent dans l’obligation d’ouvrir plus largement leurs portes aux femmes. Ce n’est donc pas un hasard si l’intégration des femmes est, en général, plus marquée dans les organisations militaires les plus "volontarisées". Ainsi, en 1964, l’armée américaine ne comptait que 1,1 % de femmes. En 1973, année de la suppression du service sélectif ("Selective Service"), le pourcentage était de 2,5 %. En 1978, il était passé à 8,1 % [33]. En Belgique, la décision de recruter des femmes dans les forces armées fut prise à la suite de l’adoption, en 1974, du plan de professionnalisation. Ce plan, rappelons-le, prévoyait d’augmenter fortement le nombre de volontaires et de diminuer la durée du service militaire.
61Parmi les pays de l’O.T.A.N., la Belgique ne commença à recruter des femmes que très tardivement. Le recrutement ne commença en effet qu’en 1975 pour les volontaires féminins et en 1977, pour les officiers. En 1978, les premières femmes entraient à l’École Royale Militaire. Depuis 1981, juridiquement tout au moins, l’intégration des femmes dans les forces armées belges est achevée et l’égalité entre les sexes y est complète. En effet, depuis cette date, les conditions d’accès à une fonction militaire doivent être fixées sans distinction entre les sexes, les avis de recrutement ne peuvent plus faire mention du sexe du candidat et tout emploi offert doit l’être aux candidats des deux sexes. En d’autres termes, désormais, les femmes peuvent, si elles le désirent, postuler des fonctions combattantes, ce qui leur était auparavant interdit. Toutefois, jusqu’à présent, aucune femme non-officier n’exerce de fonctions combattantes. Il faut reconnaître que les pressions de l’État-Major pour dissuader son personnel féminin de postuler de telles fonctions ont, jusqu’à présent, grandement contribué à cet état de fait.
62Le tableau 8 montre l’évolution des effectifs féminins des forces armées belges depuis 1976. Le pourcentage de femmes à l’armée a nettement augmenté, puisqu’on est passé de 1,22 % à 3,62 % en 1980. En 1976, il y avait 1.067 femmes à l’armée belge ; en 1980, elles étaient 3.402, soit une augmentation relative de 219 %. Bref, l’augmentation du taux de "féminisation" des forces armées belges a été assez rapide, même si ce taux reste encore assez bas. On peut noter que, quand le recrutement du personnel féminin fut décidé, l’objectif final était de recruter environ 5.000 femmes, ce qui devait représenter environ 5 % du personnel militaire total. L’État-Major Général estimait que cet objectif pouvait être atteint en 1980. Manifestement, à l’heure actuelle, il est loin d’être atteint. La raison principale en est la mise en sommeil du plan de professionnalisation en raison du manque de ressources financières suffisantes.
Évolution des effectifs féminins dans les FAB, 1976-1980, en chiffres absolus et en % de la population féminine
Évolution des effectifs féminins dans les FAB, 1976-1980, en chiffres absolus et en % de la population féminine
63Quand on compare le taux de "féminisation" dans les forces armées des pays de l’O.T.A.N., on s’aperçoit que, bien que la Belgique ait été un des derniers pays à recruter des femmes dans ses forces armées, elle était, en 1981, dans le peloton de tête en ce qui concerne le pourcentage de femmes employées à l’armée. Elle se classait en cinquième position derrière la Norvège (16,4 %), le Canada (13,2 %), les États-Unis (8,2 %) et la Grande-Bretagne (4,8 %). La France arrivait en sixième position avec 2,9 %. Venaient ensuite le Danemark (1,5 %), les Pays-Bas (1,3 %), la Grèce (0,4 %) et la République fédérale d’Allemagne (0,01 %) [34].
XI – LE RECRUTEMENT DE PERSONNEL CIVIL DANS LES FORCES ARMEES BELGES
64Ainsi qu’il a été dit, sous l’effet du processus de modernisation des organisations militaires des pays développés, les institutions militaires ont petit à petit perdu leur spécificité. Sans complètement disparaître, les caractéristiques structurelles qui les différenciaient des organisations bureaucratiques civiles se sont néanmoins peu à peu estompées. Il y a eu une convergence accrue entre les institutions civiles et militaires et la frontière militaro-civile est devenue plus perméable. En effet, si l’on excepte les fonctions de combat – qui restent des fonctions purement militaires – les qualifications qu’impliquent la plupart des spécialités techniques et administratives sont directement transférables sur le marché civil du travail. Cette "déflation de la spécificité militaire", pour reprendre l’expression de M. Martin [35], implique que, tout comme elles le sont déjà par des femmes, un nombre croissant de tâches "militaires" peuvent être – et sont de plus en plus – exercées par des civils.
65Une des mesures empiriques du degré de "civilianisation" des institutions militaires est le rapport militaires/civils. Il s’agit tout simplement du nombre de militaires pour chaque civil employé par l’établissement militaire. Ce rapport a diminué au cours de ce siècle en Belgique. En 1900, il y avait 653,2 militaires pour chaque civil employé au Ministère de la Guerre [36]. En 1924, ce rapport n’était déjà plus que de 276,4 et, en 1980, il était tombé à 10,47. La baisse du rapport militaires/civils est due à l’effet conjugué de deux processus : d’une part, l’augmentation du nombre de civils employés par la Défense nationale et, d’autre part, la diminution des effectifs militaires. La multiplication du personnel civil employé par la Défense nationale a surtout eu lieu au cours de l’immédiat après-guerre puisqu’on est passé de 71 civils en 1900 à 5.009 en 1951. Par la suite, l’augmentation a globalement continué mais à un rythme plus lent et avec quelques périodes de repli. En 1980, il y avait 8.967 civils employés par la Défense nationale.
66Mais si le rapport militaires/civils a considérablement diminué au cours du XXème siècle, il n’en reste pas moins qu’à l’heure actuelle, le nombre de civils employés par la Défense nationale est très peu élevé comparativement à d’autres pays. Ainsi, en 1979, alors que le pourcentage de civils employés dans l’établissement militaire belge n’était que de 7,5 %, il était de 46 % en Grande-Bretagne, 33 % aux États-Unis, 28 % en République fédérale d’Allemagne, 23 % en France et 22 % aux Pays-Bas.
67Pour E. Häckel [37], l’importance de l’administration civile dans un établissement militaire n’est pas le signe d’une inefficacité bureaucratique mais, au contraire, est un indicateur d’une grande efficacité, d’une utilisation rationnelle de la main-d’œuvre et d’une grande spécialisation des organisations militaires. Un nombre peu élevé de civils est en effet souvent le signe d’une utilisation gaspilleuse de la main-d’œuvre militaire. Ceci paraît particulièrement être le cas en Belgique, où un grand nombre de tâches peu spécialisées, "civiles" (par exemple, les tâches de services, les fonctions de manœuvre) sont toujours effectuées par des militaires – et en particulier par des miliciens – alors que dans les armées de volontaires, telles que les armées américaines et britanniques, ces tâches sont effectuées par du personnel civil (ne fut-ce qu’en raison des difficultés à recruter du personnel militaire).
68Comparativement, la "civilianisation" de l’institution militaire belge – à ce niveau strictement quantitatif tout au moins – est encore assez timide. Une illustration de cette timidité est le fait que les tâches accomplies par ce personnel civil en Belgique sont fort limitées. Il semble bien que l’utilisation soit principalement limitée aux tâches administratives et d’entretien [38]. Dans d’autres pays par contre, comme les États-Unis, cette "civilianisation" de l’organisation militaire va jusqu’à l’utilisation de personnel civil, non plus seulement pour des tâches administratives ou de routine, mais aussi pour des tâches qui, jusqu’à présent, étaient considérées comme typiquement "militaires" [39].
CONCLUSION
69Au cours de ce Courrier Hebdomadaire, un certain nombre de changements qui ont affecté les forces armées belges au cours du XXème siècle ont été examinés dans le cadre du modèle du déclin de l’armée de masse. L’impression qui se dégage de l’analyse – essentiellement descriptive – de l’évolution de la structure démographique militaire belge est que l’on peut bien parler de déclin de l’armée de masse. On pourrait sans doute situer le début de ce processus aux alentours des années 1950. C’est à cette époque en effet que les tendances concernant l’évolution des dépenses militaires, des effectifs et de la mobilisation se sont renversées (en grande partie à la suite du relâchement des tensions Est-Ouest). C’est à cette époque également que l’on a observé une certaine accélération de la différenciation structurelle et fonctionnelle, de la modification des équilibres interarmées et de la "civilianisation" de l’institution militaire belge.
70Qu’en est-il maintenant de la place de la Belgique sur un continuum "armée de masse/force-en-soi" ? Pour des raisons essentiellement pratiques (existence de données comparables), on se limitera à une brève analyse comparative des pays de l’O.T.A.N.
71Contrairement à ce qui s’est passé aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Canada, en Belgique, les tendances au déclin de l’armée de masse ne se sont pas traduites – du moins jusqu’à présent – par une transformation organisationnelle radicale, à savoir par l’adoption d’une armée de volontaires. Par contre, il semble bien que cette transformation ait été plus marquée en Belgique que parmi les autres pays d’Europe Occidentale de l’O.T.A.N.
72En effet, on constate que, parmi ces pays, la Belgique a le taux de "volontarisation", c’est-à-dire le pourcentage de volontaires par rapport aux effectifs totaux, le plus élevé, les obligations militaires les moins longues (mis à part le Luxembourg), la structure hiérarchique la moins pyramidale et le taux de féminisation le plus élevé (mis à part la Norvège). La Belgique occupe également une bonne place en ce qui concerne le degré de sélectivité du service militaire et la baisse des effectifs et des dépenses militaires (en %) [40]. Par contre, la Belgique a encore des dépenses de personnel [41] et un taux de participation militaire relativement élevés, des capacités de mobilisation assez importantes – sur le papier tout au moins –, une force terrestre encore largement dominante et un taux de "civilianisation" peu élevé. Faute de données, il est malheureusement impossible de situer la Belgique par rapport aux autres pays sur le plan de la division du travail.
73Il semble qu’on puisse conclure de la précédente énumération que, sur un continuum organisationnel, la Belgique occupe une place intermédiaire, bien que sans doute plus proche des États-Unis, de la Grande-Bretagne et du Canada que de pays comme la France ou la République fédérale d’Allemagne qui conservent encore certaines caractéristiques des armées de masse. Proches de la Belgique, se trouveraient les petits pays de l’O.T.A.N. (Pays-Bas, Danemark, Norvège). En dernier lieu et les plus proches du modèle d’armée de masse viendraient les pays les moins industrialisés (l’Italie, le Portugal, la Grèce et la Turquie).
Notes
-
[1]
Philippe Manigart, "L’évolution des dépenses militaires en Belgique depuis 1900", Courrier Hebdomadaire du CRISP n° 1009, du 30 septembre 1983.
-
[2]
J. Van Doorn, "The Decline of the Mass Army in the West : General Reflections", pp. 147-198 dans Armed Forces and Society 1, 1975, pp. 149-151.
-
[3]
Le taux de participation militaire est tout simplement la proportion d’individus sous les armes par rapport à la population totale (S. Andresky, Military Organization and Society. Berkeley : University of California Press, 1971, p. 33).
-
[4]
En novembre 1944, l’armée belge comptait 16.000 hommes. Face à la résistance de l’armée allemande, les Alliés demandèrent à la Belgique d’augmenter son effort militaire. A la suite du mémorandum Eden-Spaak du 9 novembre 1944, la Belgique s’engagea à porter ses effectifs de 16.000 à 91.000 hommes. En octobre 1945, l’armée belge comptait 115.000 hommes, dont 75.000 à la disposition des Alliés. (Source : J. Barthélémy, Le budget du Ministère de la Défense nationale de 1945 à 1962, Bruxelles, Ecole des Administrateurs militaires (travail de fin d’études), 1965, p. 41).
-
[5]
La participation belgo-luxembourgeoise dans les forces de l’O.N.U. à la guerre de Corée se monta à 3.500 volontaires, soit un bataillon. Source : E. Wanty, "La vie militaire", pp. 331-387 dans Histoire de la Belgique contemporaine, 1914-1980 (ouvrage collectif), Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1975.
-
[6]
D. Curry, A Comparative Analysis of Military Institutions in Developed Nations, Chicago, University of Chicago, Department of Sociology, thèse de doctorat, 1976.
-
[7]
Op. cit., p. 150.
-
[8]
E. Häckel, "Military Manpower and Political Purpose", dans Adelphi Paper n° 72, International Institute for Strategic Studies, 1970.
-
[9]
G. Verhaegen, "Les institutions militaires belges", pp. 425-471 dans Histoire de la Belgique contemporaine, 1830-1914, tome 2, ouvrage collectif, Bruxelles, Dewit, 1929.
-
[10]
E. Gilbert, L’armée dans la Nation : l’entre-deux-guerres en Belgique, Bruxelles, éd. Ferd. Wellens-Pay, 1945.
-
[11]
Par exemple, en ce qui concerne la dispense pour cause morale, la loi sur la milice du 2 septembre 1957 ne prévoyait que trois cas. A l’heure actuelle, la loi en prévoit 10. Ces modifications et ajouts ont fait que le pourcentage de personnes ayant obtenu une dispense au titre de cet article 12 est passé de 4 % en 1965 à 7,4 % en 1979. Source : M.D.N.
-
[12]
Si l’on voulait, par exemple, connaître, d’une manière rigoureuse, le nombre de jeunes gens nés en 1960 qui ont fait ou feront effectivement leur service militaire, il faudrait pour cela les suivre jusqu’à l’âge de 30 ans environ, âge auquel on peut considérer sans risque d’erreur que ceux qui n’ont pas été appelés ne le seront jamais. C’est ce que l’on veut dire par collection de données longitudinales. Parmi ces jeunes nés en 1960, une partie a fait son service en 1978 ou 1979, une autre partie a été exemptée, dispensée ou libérée, et enfin une dernière partie a été soit ajournée, soit sursitaire. Or, parmi ces derniers, un certain nombre seront appelés sous les drapeaux au cours des années suivantes.
-
[13]
Op. cit., p. 453.
-
[14]
Source : La Libre Belgique, lundi 4 janvier 1982, p. 5.
-
[15]
Toutefois, la réduction concomitante de la durée du service militaire a, dans une certaine mesure, quelque peu contrecarré cette tendance.
-
[16]
Par contre, le pourcentage d’exemptions pour cause physique a diminué pendant cette période, puisque l’on est passé de 5,2 % en 1965 à 3,9 % en 1979. Source : M.D.N.
-
[17]
Sources : Chambre des Représentants, Questions et réponses, 28 décembre 1982 et 31 mai 1983, F. Bazier, "Les objecteurs de conscience", travail de fin d’études, U.C.L., janvier 1983.
-
[18]
Source : E. Gilbert, op. cit., pp. 104 et 129.
-
[19]
Source : M.D.N.
-
[20]
M. Martin, "Le déclin de l’armée de masse en France : Notes sur quelques paramètres organisationnels", pp. 87-116 dans Revue française de sociologie, 22, 1981, p. 100.
-
[21]
En 1980, il n’y avait plus que 18,1 % de miliciens à la force aérienne (contre 38,1 % en 1949). A la force navale et à la force terrestre, les pourcentages en 1980 étaient respectivement de 24,3 % et de 35,7 %. Source : M.D.N., Annuaire statistique n° 14.
-
[22]
En 1982, le nombre de fonctions occupées par les volontaires (caporaux et soldats) était d’environ le double de celles occupées par les miliciens. De plus, à la force terrestre, les 3/4 des miliciens servaient dans des fonctions périphériques, "civiles" (administration, intendance, ouvriers, manœuvres, métiers) et seulement 6,3 % dans des fonctions de combat. Encore faut-il ajouter que la majorité des fonctions de combat occupées par les miliciens étaient non spécialisées (infanterie).
-
[23]
En ce qui concerne les organisations militaires, K. Lang a défini le secteur primaire comme celui regroupant l’ensemble des fonctions liées aux opérations tactiques (et dont font partie les fonctions de combat), le secteur secondaire comme celui regroupant les services techniques (production et entretien des équipements militaires) et le secteur tertiaire comme celui regroupant les fonctions logistiques, administratives et de gestion. K. Lang, "Trends in the Military Occupational Structure and their Political Implications", pp. 1-18 dans Journal of Political and Military Sociology 1, 1973, p. 4.
-
[24]
Pour la façon dont ces catégories fonctionnelles ont été construites, voir Ph. Manigart, Les forces armées belges en transition : une étude sur le concept de déclin de l’armée de masse, thèse de doctorat, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Faculté des Sciences sociales, politiques et économiques, 1983, pp. 185-188.
-
[25]
Source : H. Wool, The Military Specialist : Skilled Manpower for the Armed Forces, Baltimore, John Hopkins Press, 1968, p. 42.
-
[26]
Une "Marine Royale" avait bien existé de 1831 à 1862 et, après la première guerre mondiale, un "Corps des Torpilleurs et Marins" avait été constitué, mais il fut supprimé en 1930 et remplacé, sur le papier, par un "Corps de Marine", à former à la mobilisation. L’actuelle force navale, héritière de la "Section belge de la Royal Navy", fut créée par l’arrêté du Régent du 30 mars 1946.
-
[27]
E. Shils, Center and Periphery : Essays in Macrosociology, Chicago, The University of Chicago Press, 1975.
-
[28]
M. Janowitz, The Last-Half Century : Societal Change and Politics in America, Chicago, The University of Chicago Press, 1978.
-
[29]
Depuis 1921, elles pouvaient voter aux élections communales et provinciales.
-
[30]
V. Werner, Les femmes dans l’armée belge, Bruxelles, Institut de Sociologie de l’Université libre de Bruxelles, Centre de Sociologie de la Guerre, 43 p., 1978, pp. 2-3.
-
[31]
M.D. Feld, "Arms and the Woman : Some General Considerations", pp. 555-568 dans Armed Forces and Society 4, 1978, p. 557.
-
[32]
V. Werner mentionne notamment les demandes des sections féminines de certains partis politiques d’accorder aux femmes le droit de s’engager à l’armée. Il faut toutefois noter qu’aucune organisation féminine n’a jamais demandé que les femmes accomplissent leur service militaire en tant que miliciennes.
-
[33]
Source : M. Janowitz et Ch. C. Moskos, "Five Years of the All-Volunteer Force : 1973-1978", pp. 171-218, dans Armed Forces and Society 4, 1978, p. 181.
-
[34]
Source : International Institute for Strategic Studies, The Military Balance, 1981-1982, London, I.I.S.S., 1981.
-
[35]
Op. cit., p. 111.
-
[36]
Ces chiffres, ainsi que les suivants, ont été fournis par le M.D.N.
-
[37]
Op. cit., p. 16.
-
[38]
En 1981, le personnel civil de la Défense nationale se répartissait comme suit : 52 % étaient employés dans l’administration centrale et 48 % comme main-d’œuvre dans les unités et les arsenaux (source : M.D.N.).
-
[39]
Voir, par exemple, Ch.C. Moskos, "From Institution to Occupation : Trends in Military Organizations", pp. 41-50 dans Armed Forces and Society 4, 1977. Selon lui (p. 47), les gros bâtiments de guerre de la Marine américaine (porte-avions, etc.) comptent un nombre important de techniciens civils embarqués et seraient incapables de fonctionner sans ces civils sous contrat. De même, les principaux centres d’ordonnance de l’armée de terre, y compris ceux en zone d’opérations, requièrent des civils sous contrat pour la maintenance et l’assemblage. Quant aux systèmes d’alerte missiles au Groenland, ils sont en fait gérés et "opérés" par des firmes civiles pour le compte de l’U.S. Air Force.
-
[40]
Voir Ph. Manigart, L’évolution des dépenses militaires en Belgique depuis 1900, Courrier Hebdomadaire du CRISP, n° 1009 du 30 septembre 1983.
-
[41]
Ibid.