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Article de revue

Certains problèmes de l'assurance maladie-invalidite belge

Pages 5 à 20

Notes

  • [6]
    Actuellement, il semble que l’opinion la plus répandue, consiste à considérer que l’organisme assureur est l’ensemble des mutualités, fédérations groupées au sein d’une union nationale. Mais pendant longtemps, beaucoup identifiaient l’organisme assureur à la mutualité pour les risques "primaires", à la fédération pour les risques fédéraux et à l’union nationale pour les risques nationaux.
  • [7]
    Bien entendu, chacun des O.A. se prononce pour le régime de répartition qui lui est le plus favorable, soit celui basé sur les rémunérations, soit celui basé sur les dépenses, soit celui basé sur le nombre de bénéficiaires, etc…
  • [8]
    La répartition des subsides de l’Etat suivra la même tendance.
  • [9]
    Cette mesure fut accusée d’être "étatique".
  • [10]
    En millions de francs
  • [11]
    La cumulation de "petits risques" peut, ici, constituer un gros risque.

1Depuis son institution, l’assurance maladie-invalidité obligatoire, ne cesse de provoquer, quel que soit le Gouvernement, des difficultés politiques et sociales plus ou moins grandes.

2C’est à ce point vrai, qu’un ministre d’un gouvernement démissionnaire peut, en guise de consolation, être sûr que son successeur subira, à ce sujet, des "ennuis" aussi graves que ceux qu’il a supportés ou que son prédécesseur a dû supporter avant lui.

3La matière est ainsi : explosive, insaisissable, récalcitrante, dangereuse, déconcertante.

4Quelles sont les raisons de cet état de choses ?

Le projet d’accord de solidarité nationale

5Cette situation, selon certains, trouve son origine dans la hâte avec laquelle l’assurance maladie-invalidité a été instituée en Belgique ; certaines questions essentielles on été volontairement ou consciemment négligées.

6Mais, il faut reconnaître que si l’on avait à ce moment là, essayé de les résoudre, il est possible que l’on n’eut pas procédé à l’institution de l’assurance obligatoire en cas de maladie ou d’invalidité.

7*

8La sécurité sociale belge a pour base un "projet d’Accord de solidarité nationale", dans lequel on lisait que "les mesures d’urgence visent principalement…, l’institution d’un système complet de sécurité sociale des travailleurs reposant sur la solidarité nationale et la restauration ou l’instauration des méthodes de collaboration paritaire entre organisassions d’employeurs et organisations des travailleurs".

9L’organisation préconisée n’était évidemment dessinée que dans ses grandes lignes, ainsi qu’on va le voir :

10

" 22 L’organisation de l’assurance sera confiée aux Unions Nationales de Fédérations de Mutualités agréées, ou pour les assujettis non mutualistes, à des services régionaux administrés paritairement…
25 Les employeurs délivreront aux assurés des bons qui constateront le montant du salaire ayant servi de base au précompte de la cotisation de l’assuré et au versement de l’employeur. Ces bons seront remis librement par l’assuré à la mutualité de son choix ou au service régional paritaire. Ils seront encaissés auprès du Comité National de l’assurance maladie-invalidité pour 90 % de leur valeur. Les 10 % restants permettront au Comité National de l’A.M.I. de subsidier les Unions Nationales ou les services régionaux paritaires qui, après enquête, seront reconnus avoir eu à supporter des charges légitimes supérieures à leurs ressources.
26 Les unions nationales de mutualités et les services régionaux paritaires recevront, en outre, de l’Etat, par l’intermédiaire du Comité National de l’assurance maladie-invalidité, des subventions proportionnelles à celles dont bénéficient les mutualités.
27 Le Comité National de l’assurance maladie-invalidité contrôlera le fonctionnement des unions nationales agréées et des services régionaux paritaires et élaborera des règlements nécessaires à l’application de la loi.
Il comprendra un représentant de chacune des unions nationales agréées, des représentants en nombre égal des organisations d’employeurs et de travailleurs et des représentants des départements ministériels intéressés.
En cas d’opposition entre l’ensemble des représentants des organisations d’employeurs et l’ensemble des représentants des organisations syndicales de travailleurs, les questions en cause seront soumises au Gouvernement.
28 Le régime ainsi établi a un caractère provisoire. Les représentants des parties intéressées se réservent d’étudier et de préconiser éventuellement d’autres formules lorsque le législateur s’occupera d’établir un régime définitif".

L’arrêté-loi du 28.12.44 et l’arrêté du Régent du 21 mars 1945

11Bien que cet Accord ne soit resté qu’à l’état de projet, il servit cependant de fondement à l’édifice qui fut bâti par MM. Achille Van Acker et Léon-Eli Troclet ; le premier ayant contresigné l’arrêté-loi de cadre du 28.12.44 et le second le premier arrêté royal organique du 21 mars 1945.

12Il était évident que les rédacteurs des textes susdits, confrontés avec les problèmes réels devaient fatalement essayer de les résoudre.

13C’est la raison pour laquelle l’arrêté royal du 21.3.45 organique de l’assurance maladie-invalidité, esquissait déjà les solutions à certains problèmes qui existent encore maintenant et sur la plupart desquels le projet d’accord était muet.

14Par la suite, toutes les lacunes et omissions du régime apparurent inévitablement.

15Nous pouvons synthétiser les diverses tentatives de réformes par la publication des lois et arrêtés royaux suivants :

  1. l’arrêté royal du 13 janvier 1949.
    (Gouvernement P.S.B. – P.S.C.).
  2. l’arrêté royal du 31 décembre 1952.
    (Gouvernement homogène P.S.C.).
  3. l’arrêté royal du 31 décembre 1954.
    (Gouvernement socialiste-libéral).
  4. l’arrêté royal du 22 septembre 1955.
    (Gouvernement socialiste-libéral).
  5. la loi du 14 juillet 1957 et l’arrêté-royal du 14.7.56.
    (Gouvernement socialiste-libéral).
  6. l’arrêté royal du 31.12.58.
    (Gouvernement P.S.C.-libéral).
  7. la réforme en préparation du Gouvernement P.S.C.-libéral.

16Tous ces textes tentaient de résoudre certains problèmes essentiels que nous allons passer en revue.

I – PROBLEMES FINANCIERS

a – Problèmes structurels des organismes assureurs

17Conformément aux dispositions du projet d’accord de solidarité nationale, "l’administration de base" de l’assurance maladie-invalidité était confiée aux Unions Nationales de Mutualités agréées et aux Offices Régionaux (groupés actuellement au sein d’une Caisse Auxiliaire) tandis que l’administration générale était confiée au Fonds National d’Assurance Maladie-Invalidité, établissement public.

18Ces Unions Nationales et ces Offices Régionaux ont été dénommés "organismes assureurs". [6]

19Dès lors, on est amené à constater que le législateur voulait faire de l’assurance maladie-invalidité conçus de cette manière une sorte de prolongement sinon d’aboutissement de l’assurance mutualiste libre.

20En effet l’organisme assureur reçoit des cotisations (augmentées des subsides de l’Etat) individuelles par travailleur qui lui est affilié. [6]

21La preuve en est, que même si un travailleur a payé ses cotisations (elles sont obligatoirement perçues sur la rémunération), il ne pourra jouir des prestations s’il ne s’affilie pas, comme en matière d’assurance libre à une mutualité ou n’adhère pas à un office régional de la Caisse Auxiliaire.

22L’assurance maladie-invalidité est donc baignée, imbibée de l’esprit mutualiste et non de celui de service public.

23Comte tenu de cette dénomination (organismes assureurs), il fallait par conséquent déterminer la part dans la masse des cotisations versées par les employeurs et les travailleurs à l’O.N.S.S. (augmentée des subsides de l’Etat) revenant à chaque organisme assureur.

b – Méthodes de répartition des ressources de l’assurance parmi les organismes assureurs

1 – Répartition selon la valeur des rémunérations

24Du 1er janvier 1945 au 31 décembre 1948, les cotisations de l’A.M.I. et les subsides de l’Etat (16 % du montant des cotisations) furent répartis entre les organismes assureurs selon la valeur des rémunérations inscrites sur les bons de cotisation remis par les assurés à la mutualité.

25Dans le cadre de cette technique, et selon les organismes assureurs, des résultats extrêmement différents furent enregistrés.

26Les uns enregistraient un boni substantiel tandis que les autres accusèrent des déficits parfois considérables.

27En effet cette méthode de répartition procurait à l’organisme assureur dont l’effectif était composé en majorité d’employés ou de membres du personnel de maîtrise des entreprises, des cotisations d’un montant élevé, en raison de rémunérations élevées, tandis que les dépenses étaient relativement faibles, alors que l’organisme assureur dont l’effectif était composé essentiellement d’ouvriers accusait des cotisations infiniment moindres et des dépenses beaucoup plus importantes que le premier organisme assureur.

28C’est à ce moment là que les organismes assureurs en mali (socialistes) réclamèrent la compensation au nom de la solidarité nationale et que les organismes assureurs en boni (chrétiens) la discutèrent âprement, au nom de l’autonomie mutualiste et de la responsabilité de chaque organisme assureur.

2 – Répartition des subsides selon les dépenses

29C’est en 1947 que cette situation fut connue et le Gouvernement d’alors prit une mesure de rectification en ce sens que les cotisations ouvrières et patronales étant toujours réparties entre les organismes assureurs selon la valeur des rémunérations inscrites sur les bons de cotisation, les subsides de l’Etat eux, furent répartis selon les dépenses de chaque organisme assureur.

30Cette première "adaptation", qui altérait légèrement le principe du "projet" de Pacte, souleva des réactions politiques importantes au sein de la majorité ; on accusait le ministre responsable de drainer les subsides de l’Etat vers certaines mutualités (celles qui avaient d’importantes dépenses) au détriment d’autres.

31Cette agitation persista jusqu’au moment où le Gouvernement P.S.B. – P.S.C. dut confronter les points de vue sur d’autres problèmes : question royale, question scolaire et lors de négociations dans le cadre général pour l’assurance maladie-invalidité, il fut décidé qu’à partir du 1er janvier 1949, les ressources de l’assurance seraient réparties parmi les organismes assureurs en fonction des risques des assurés.

3 – Répartition des ressources de l’assurance selon les risques

32Le profane considérera peut être cette discussion comme purement académique et inutile.

33Elle a toute son importance en régime de pluralisme institutionnel.

34La science actuarielle montre que la morbidité d’une masse d’individus varie selon la profession, l’âge, le sexe et le lieu de résidence, etc…

35En conséquence, en régime de pluralisme institutionnel (6 organismes assureurs composés de 117 fédérations et 1.849 mutualités primaires) on est tenu, à moins de modifier la mission des mutualités et de les transformer en organismes payeurs, de déterminer les "recettes" comptables de chacun des organismes assureurs.

36L’établissement depuis le 1er janvier 1949, des critères de répartition selon les risques a eu pour but de répartir les cotisations entre les organismes assureurs, selon une méthode moins arbitraire que celle qui fut utilisée de 1945 à 1948.

37Malheureusement, les tables de morbidité de la population belge manquaient. C’est la raison pour laquelle les techniciens chargés de la mission d’établir ces critères durent pour 1949 et 1950, utiliser des tables de morbidité établies par des expériences étrangères sur des populations différentes. Ces tableaux se révélèrent rapidement très inexacts et les tables initiales furent corrigées au fur et à mesure de l’expérience belge.

38Il est à remarquer que l’établissement par les organes de l’assurance des statistiques nécessaires pour corriger ces tables de morbidité coûtent d’après certains près de 300.000.000 en frais d’administration.

4 – Equilibre financier des organismes assureurs

39Les recettes des organismes assureurs étant déterminées selon l’une ou l’autre de ces méthodes de répartition, qu’arrive-t-il si l’un ou plusieurs ou tous les organismes assureurs est ou sont en déficit.

40Jusqu’à présent, il n’est rien arrivé, parce que les textes des arrêtés royaux pris à ce sujet n’ont jamais pu être appliqués dans la plénitude de leur conception.

41Les textes applicables de 1945 à fin 1948 étaient muets à ce sujet.

42Les textes applicables de 1949 à 1952 comportaient l’obligation pour l’organisme assureur en déficit de percevoir (à la charge des travailleurs seuls) une cotisation supplémentaire à celle versée par le travailleur et l’employeur à l’O.N.S.S., à la charge de ses affiliés.

43Les textes applicables de 1952 à 1954 comportaient l’obligation pour l’organisme assureur (sinon la fédération ou la mutualité primaire) de maintenir ses dépenses dans les limites de ses recettes soit par une réduction des avantages accordés soit par la perception d’une cotisation suffisante à la charge des travailleurs seuls.

44Les textes applicables à partir de 1955 redeviennent muets, ce qui devait en conséquence mettre les déficits à la charge de l’Etat.

45La réforme envisagée par le Gouvernement actuel en reviendrait au principe que l’on a essayé d’appliquer de 1952 à 1954 : Sous le gouvernement P.S.C. homogène.

5 – Notion de responsabilité

46Certains organismes assureurs ou même des fédérations des mutualités réclament leur autonomie complète ou partielle et revendiquent dans la même mesure la responsabilité et la propriété totale des fonds qui leur sont accordés, quelle que soit la méthode que l’on utilise pour déterminer la "part" qui leur revient. [7] Etant donné, disent les défenseurs de cette notion, que les ressources sont distribuées parmi les organismes assureurs selon les risques de leurs affiliés, personne, ni l’Etat, ni le F.N.A.M.I., ni les syndicats, ni les employeurs, ne peuvent intervenir dans la gestion de cette part qui d’après eux devient un patrimoine de l’organisme assureur.

47D’autres affirment qu’au contraire dans un régime de sécurité sociale, les fonds mis à la disposition des organismes assureurs, appartiennent à la collectivité nationale des travailleurs, quelle que soit leur opinion politique ou l’organisme assureur d’affiliation.

48Pour ces derniers, il appartient à l’Etat de supporter les déficits de l’A.M.I. parce que disent-ils, rendre responsable un organisme assureur de son déficit, c’est en rendre responsable les seuls travailleurs affiliés à cet organisme.

49Il serait immoral, ajoutent-ils, qu’un organisme assureur accidentellement en boni, puisse accorder des prestations supplémentaires ou plus avantageuses alors qu’un autre organisme assureur devrait faire appel à des cotisations nouvelles pour maintenir les prestations à un niveau identique. Trop d’éléments, la plupart imprévisibles, peuvent influencer les ressources ou les dépenses d’un organisme assureur déterminé ou de l’ensemble de l’assurance, sur lesquels ni les travailleurs, ni les institutions ou ni même les Pouvoirs publics n’ont de prise.

c – Equilibre financier de l’assurance

50Quels sont ces éléments influençant les recettes ou les dépenses ?

1 – Éléments influençant les recettes

51Le volume des cotisations de sécurité sociale est proportionnel au volume de l’emploi ou (et) à la valeur des rémunérations payées.

52Si le volume de l’emploi ou si la valeur des rémunérations payées augmente ou diminue dans une région du pays ou pour l’ensemble du pays, le volume des cotisations [8] diminuera ou augmentera et la part revenant à l’O.A. qui recrute ses membres dans cette région ou l’ensemble de l’assurance fluctuera de la même manière, les cotisations payées par l’Etat pour les chômeurs n’ayant pas une valeur suffisante comparativement à celles qui seraient perçues sur un salaire normal.

53Or, peuvent déterminer le volume de l’emploi : la situation économique nationale ou régionale, les épidémies (grippe asiatique, p. exemple), le froid (bâtiment, forêts, navigation intérieure), la reconversion des industries (industries marginales), les inondations (Verviers), les grèves et les lock-out, etc…

2 – Éléments influençant les dépenses

54Ces éléments sont notamment :

  • l’augmentation inéluctable de la charge de l’invalidité ;
  • l’augmentation du nombre de bénéficiaires par rapport aux actifs ;
  • les améliorations continuelles de la règlementation et de la jurisprudence ;
  • les progrès techniques de la médecine et de la pharmacie ;
  • la politique de construction d’établissement de soins qui facilite l’accessibilité aux soins ;
  • les engagements internationaux de la Belgique ;
  • les épidémies nationales (grippe asiatique) ou régionales (polio).

55Chacun de ces éléments représentant un problème important, nous les examinons ci-après :

56*

1 – L’invalidité

57Lorsque la sécurité sociale est apparue et quand fut créée l’assurance maladie-invalidité obligatoire, les travailleurs salariés bénéficiaires des indemnités primaires ou d’invalidité à charge des institutions mutualistes libres, furent indemnisés à charge de la sécurité sociale, à partir Au 1er janvier 1945 par les organismes assureurs. Le nombre des invalides pris en charge par le F.N.A.M.I. est évalué à 6.000.

58Leur charge ainsi que celle des travailleurs devenus invalides à partir du 1er janvier 1945 s’est accrue de la manière suivante.

tableau im1
Dates NOMBRE Montants, des indemnites.1 ANC3 U?? UNS UNL UNP OR totaux 31.12.45 2419 446 3051 428 1158 123 7625 49.5 31.12.46 4411 973 5615 759 1743 119 13620 115.7 31.12.47 7768 1722 8699 1423 2279 318 22209 231.1 31.12.48 9228 2322 11464 1516 2769 364 27663 329.7 31.12.49 10713 3545 16553 2510 3938 607 36966 586.7 31.12.50 11799 4327 15519 2113 4095 561 38.414 584.1 31.12.51 12909 4519 17109 2145 4105 563 41350 733.6 30.6.52 13806 4513 17537 2327 4343 542 43068 9282 30.6.53 15217 4760 18714 2587 4385 580 46243 987.52 30.6.54 15739 4722 17920 2522 4362 583 45848 1014.12
1 En millions de francs.
2 Dépenses pour l’exercice complet.
3 ANC – Alliance des Mutualités Chrétiennes.
UNN – Union Nationale des Mutualités Neutres.
UNS – Union Nationale des Mutualités Socialistes.
UNL – Union Nationale des Mutualités Libérales.
UNP – Union Nationale des Mutualités Professionnelles.
OR – Offices Régionaux.

59En pourcentage de la masse des rémunérations (ouvriers et employés) soumises à la perception des cotisations de la sécurité sociale, la charge évolue de la manière suivante :

tableau im2
1945 0.162 1950 0.96 1946 0.25 1951 1.05 1947 0.41 1952 1.26 1948 0.55 1953 1.34 1949 1.00 1954

60En pourcentage de la masse des rémunérations non plafonnées (ouvriers et employés) la charge évolua de la manière suivante :

tableau im3
1945 0.14 % 1950 11.73 1946 0.22 1951 12.83 1947 5.75 1952 15.38 1948 6.98 1953 16.05 1949 12.19 1954 16.51

61La charge des indemnité d’invalidité a donc augmenté à un rythme sensiblement plus rapide que celui des ressources totales de l’assurance.

62Cette tendance continuera à s’accentuer jusqu’au moment où l’assurance aura atteint la période de stabilisation ; à ce moment, et selon les prévisions fondées sur les expériences étrangères, le nombre d’invalides sera de 70.000 environ et la charge s’élèvera à plus ou moins 2 milliards.

63De l’observation de ce phénomène est apparue la constatation que l’invalidité absorbant une partie de plus en plus grande des ressources de l’A.M.I., la partie réservée aux autres prestations (maladie, maternité, décès) se rapetissait de plus en plus.

64C’est pourquoi, la loi du 14.7.1955 a introduit une nouvelle technique de financement.

65En effet, le Gouvernement du moment désireux d’assainir les ressources de l’assurance maladie obérée par l’augmentation constante de la charge de l’invalidité a créé la Caisse Nationale de l’Invalidité alimentée par une annuité égale à 10 % des ressources du F.N.A.M.I. [9]

66Or, cette annuité ne suffit pas pour couvrir la charge.

67Le Gouvernement de l’époque, conscient de cet état de choses, s’était engagé à trouver des ressources afin d’assurer l’équilibre financier de l’assurance invalidité.

68Les nécessités d’ordre financier étaient prévues comme suit :

I Charge de l’invalidité. [10] - II Différences probables à combler. [10]

tableau im4
I II 1955 1080 380 1956 1145 445 1957 1200 500 1958 1250 550 1959 1295 595 1960 1335 635 I II 1965 1480 780 1970 1550 850 1975 1600 900 1980 1610 910 1990 1615 915

I Charge de l’invalidité. [10] - II Différences probables à combler. [10]

69La différence probable à combler a été établie : en estimant d’une part que la recette serait constante et fixée à 700 millions et d’autre part en considérant que les fluctuations de l’indice des prix de détail peuvent avoir pour conséquence d’accentuer encore cette différence.

70Cependant, à notre connaissance, aucune mesure définitive n’a été prise sur ce financement.

71Remarquons en passant que la création d’une assurance invalidité, techniquement équilibrée sur le plan actuariel, a fait l’objet de discussions longues et passionnées.

72En effet, certaines Unions Nationales considèrent que la gestion de l’assurance invalidité doit appartenir aux mutualités, le principe de l’autonomie primant, pour elles, tous les autres principes.

2 – L’augmentation du nombre de bénéficiaires

73Un autre phénomène qui a été observé est celui de l’augmentation continuelle du nombre de bénéficiaires.

74Cette augmentation provoque un accroissement constant des dépenses de l’A.?.?.

75Cette augmentation peut être constatée de trois manières différentes :

  • la masse des bénéficiaires augmente d’une manière constante ;
  • la masse des travailleurs actifs n’évolue pas de la même manière que celle des pensionnés, l’augmentation du nombre des premiers étant d’un rythme plus faible que celle du nombre des pensionnés ;
  • ces phénomènes ont une allure différente au sein de chaque organisme assureur.

76*

3 – Les améliorations continuelles de la règlementation et de la jurisprudence

77L’assurance maladie-invalidité a été l’objet, depuis 1945, d’améliorations constantes, tant sur le plan des prestations que de la détermination des personnes pouvant en bénéficier.

78Il serait vain de vouloir décrire les améliorations survenues depuis 1945 concernant par exemple, l’accessibilité aux prestations ou le champ des bénéficiaires.

79Les gestionnaires de l’A.M.I. se sont généralement efforcés de résoudre les problèmes, qui journellement se posaient à eux, dans l’intérêt des assurés. Parfois même, il ne se sont pas toujours rendus compte des répercussions de leurs décisions sur les dépenses de l’assurance maladie-invalidité.

4 – Les progrès techniques de la médecine et de la pharmacie

80L’art de la médecine et la pharmacie profitent des progrès incessants de la science.

81Le médecin et le pharmacien sont doublés de l’ingénieur ou du biologiste.

82Ces progrès n’en rendent pas moins les soins aux malades plus coûteux et leur incidence sur les dépenses de l’A.M.I. est évidemment considérable.

83A ce sujet, il est utile de faire remarquer que les dépenses de l’A.M.I. sont un investissement constant dans le capital "santé" de la nation.

5 – L’éducation des bénéficiaires

84On constate également que les bénéficiaires de l’A.M.I., sous l’effet de l’éducation générale, vont de plus en plus souvent consulter le médecin omnipraticien ou spécialistes.

85Si cette propension est souhaitable sur le plan de la santé publique, il est indubitable qu’elle est désastreuse pour l’équilibre financier d’une assurance maladie-invalidité à recettes limitées comme elles le sont actuellement.

6 – La politique de construction d’établissements de soins

86La concurrence politique des groupements mutualistes, l’esprit institutionnel des collectivités ou l’esprit commercial tout court, et l’attitude du corps médical ont poussé les dirigeants mutualistes ou autres à la création de cliniques, de policliniques ou de dispensaires.

87Il n’y a sans doute pas une fédération de mutualités (voir même une mutualité primaire) qui ne souhaite posséder à la disposition de ses membres un établissement de soins. De nombreuses mutualités ou fédérations en disposent et si ces établissements de soins ne dépendent pas d’elles sur le plan juridique, ils y sont étroitement liés parce que les dirigeants de l’un ou de l’autre sont approximativement les mêmes personnes.

88Il est vrai que les dirigeants mutualistes agissant ainsi veulent doter les travailleurs d’un établissement qui leur procure les soins à meilleur compte et dans les meilleures conditions et cela en raison d’une part de l’industrie des Pouvoirs Publics ou d’autre part du montant des honoraires perçus dans les établissements privés ou par les médecins et autres auxiliaires. Ajoutons que d’autres que les dirigeants mutualistes agissent de la même manière : groupements de médecins, intercommunales, syndicats, etc…

89Il en est résulté une prolifération parfois désordonnée d’établissements de soins et les bénéficiaires pouvant se faire soigner plus facilement et moins onéreusement ont recours plus fréquemment au service de leur clinique, de leur polyclinique ou de leur dispensaire.

7 –  Les engagements internationaux de la Belgique

90L’interdépendance économique et politique des pays de l’Europe Occidentale a eu sa répercussion dans le domaine de la sécurité sociale.

91Aussi, on a assisté depuis 1947 à l’élaboration de toute une série de conventions de sécurité sociale.

92Ces conventions facilitent l’accès aux prestations des travailleurs migrants et par voie de conséquence, augmentent les charges de l’assurance maladie-invalidité.

8 – Les épidémies

93Nous ne citerons qu’un exemple, celui de la "grippe asiatique" qui a coûté à elle seule une somme évaluée à 200.000.000 Frs.

II – PROBLEMES JURIDIQUES

94Le point le plus difficile en matière d’assurance maladie-invalidité est de déterminer la personne juridiquement responsable.

95Il apparaîtra singulier que pour des dépenses qui sont de l’ordre de 10.000.000.000 Frs, il soit impossible de fixer les frontières des responsabilités.

96Pourtant, il en est bien ainsi.

a – Contrôle de l’Etat

97En vertu des textes, le Fonds National d’Assurance Maladie-Invalidité établissement public, est placé sous le contrôle de la Cour des Comptes et du Ministère des Finances.

98Ce contrôle ne va pas plus loin que l’établissement public dont il s’agit, tant et si bien que le contrôle de l’Etat s’exerce sur les recettes et les dépenses du F.N.A.M.I. et ne s’exerce pas sur celles des organismes assureurs.

b – Contrôle du F.N.AM.I.

99On pourrait croire que le F.N.A.M.I. a les moyens de réprimer les abus. Sans doute a-t-il les moyens de contrôler (par sondages) ; quant aux moyens de réprimer les abus, il n’en a pas.

100C’est à ce point vrai que pour les erreurs qu’il constate il ne peut qu’en informer le siège central de l’O.A.

101Le F.N.A.M.I. n’a aucun moyen de coercition à l’égard des O.A. pour que ceux-ci supportent le montant des prestations ou les récupèrent effectivement ou prennent des mesures de sauvegarde.

102Cette situation résulte de la guerre froide que livrent d’une part ceux qui sont partisans de voir l’A.M.I. devenir un service public et ceux qui veulent voir l’A.M.I. rester un service mutualiste.

103Qui a raison ?

104Chacun a son avis à ce sujet. Sur le plan juridique, les principes de la loi de 1894 sur les associations mutualistes sont aux antipodes de ceux de l’arrêté-loi de 1944 sur la sécurité sociale des travailleurs.

105Dans le cadre de la loi de 1894, ce sont des "personnes" qui se solidarisent volontairement au sein de groupements indépendants les uns des autres, en vue de se garantir notamment contre la maladie et le décès.

106Cette collectivité pouvant refuser l’affiliation d’une personne pour différentes raisons (âge trop élevé, maladie préexistante, comportement politique ou civil, etc…).

107Dans le cadre de l’arrêté-loi du 28.12.44 une cotisation est payée obligatoirement par le travailleur et ce n’est pas parce que la double cotisation (ouvrière et patronale) est versée que le travailleur est en droit de bénéficier des prestations, il doit pour cela, en outre, devenir membre d’une mutualité ou d’un office régional : la mutualité pouvant refuser l’affiliation comme pour l’assurance libre.

108Ainsi donc, le régime de sécurité sociale (obligatoire) s’écarte du service public, pour redevenir un service mutualiste.

109Or, dans le cadre de la loi de 1894 c’est l’assemblée générale des membres d’une mutualité qui est souveraine et responsable ; l’Etat ne vérifiant en fait que l’octroi des subsides.

110Qui est souverain en matière d’assurance maladie-invalidité obligatoire ?’

111Est-ce l’assemblée générale de la mutualité ou de la fédération ?

112Est-ce la réunion au sein d’une Union Nationale des délégués des fédérations ?

113Est-ce le Comité Permanent ou Conseil d’Administration du F.N.A.M.I. où se trouvent les délégués des organismes syndicaux et mutualités et ou se trouveraient les délégués des employeurs s’ils acceptaient encore d’y venir ?

114Est-ce le Ministre responsable devant le Parlement ?

115Ou enfin, est-ce, en définitive, le "collège intermutualiste national" groupement privé des représentants des unions nationales de mutualités.

116A chacune de ces questions on pourrait répondre comme un Normand, à la fois par l’affirmative et la négative et cette réponse prudente serait exacte.

117En réalité on assiste dans ce domaine comme dans tant d’autres au heurt de la conception "dirigiste" et de la conception "décentraliste et institutionnaliste".

118Que deviennent dans ces conditions d’une part la responsabilité ministérielle et d’autre part la gestion paritaire ?

119Le problème de la gestion paritaire et de la responsabilité ministérielle en matière d’assurance maladie-invalidité surtout lorsqu’il se complique de la participation prépondérante, aux organes de gestion des représentants mutuellistes, est extrêmement complexé et très délicat.

120Si le Ministre qui a l’assurance maladie-invalidité dans ses attributions, a la responsabilité de ce secteur, devant le Parlement il veut, bien entendu, détenir également l’autorité effective de gestion du secteur.

121Si par contre, ce secteur devait être géré paritairement, on ne pourrait faire reproche au Ministre, c’est-à-dire à l’Etat de la situation financière de ce secteur ou des conditions dans lesquelles les prestations sont servies.

122Si enfin, l’assurance doit être gérée par les assurés au sens mutualiste du motion ne peut imputer la responsabilité de ce secteur au Ministre, c’est-à-dire l’Etat, ou aux représentants des organisations syndicales et patronales qui cependant y sont intéressés ; le premier sur le plan politique, les seconds sur le plan économique.

123Remarquons que les représentants (?) des organisations professionnelles de médecins, de pharmaciens, d’infirmiers et sinon de fournisseurs de prothèses (bandagistes, orthopédistes, etc…) demandent eux aussi à avoir leur mot à dire dans les organes de gestion s’ils ne revendiquent pas toute l’autorité de gestion.

124Comment au sein des organes de gestion concilier tous ces points de vue différents, sans qu’il y ait des répercussions sur le plan politique ? C’est là le noeud de ce problème.

125Remarquons que, les représentants des organisations patronales ont retiré leur épingle du jeu en donnant leur démission des organes de gestion de l’A.MI.

III – PROBLEMES ADMINISTRATIFS

126Dans l’impossibilité de résoudre les problèmes structurels et devant le déficit croissant de l’assurance maladie-invalidité, d’aucuns se retournent vers ceux qui n’y peuvent rien : les travailleurs.

127C’est la raison pour laquelle il a été envisagé sous une forme quelconque, de réduire les avantages.

a – Petits risques

128C’est alors qu’est née l’idée que parmi les prestations de l’assurance maladie-invalidité il en existait de facilement supportables par la classe ouvrière, sans que l’A.N.I. intervint.

129La difficulté fut de définir ces prestations car si un remboursement de médecine générale de 30 Frs. pour une visite du médecin au domicile du malade ne représente rien pour un travailleur qui gagne 10.000 frs. par mois, et qui n’a ni épouse ni enfants à charge, il n’en est plus de même lorsque le travailleur ne gagne que 5.000 frs. par mois et qu’il a une épouse et des enfants à charge [11] ou lorsqu’il s’agit d’un pensionné de vieillesse ou d’une veuve.

130Ainsi donc une définition des petits risques dans une telle conception doit être trouvée non seulement en fonction do la nature de la prestation mais surtout en fonction du niveau de vie des travailleurs.

131Cela revient à dire que l’adoption du principe du non remboursement des petits risques signifierait l’instauration dans le cadre de sécurité sociale, d’une notion très rapprochée de l’indigence, comme en matière d’assistance publique.

b – Franchise

132D’autres ont suggéré de ne faire intervenir l’A.?.?. qu’après que le travailleur ait dépensé lui-même une certaine somme et supporté ainsi les premiers frais médicaux.

133Cette méthode aurait certes éliminé les petits risques.

134Mais elle aurait aussi exigé la tenue d’un inventaire par travailleur des sommes payées directement par lui.

135C’est alors que l’on a songé, en matière d’incapacité de travail des ouvriers, à faire supporter les premiers jours d’inactivité par l’employeur.

136Cette idée a été associée, à celle du salaire hebdomadaire garanti, mais il ne s’est pas encore trouvé une majorité parlementaire pour l’instaurer.

c – Prestations facultatives

137Le gouvernement P.S.C. homogène tenta de résoudre le problème autrement, par l’arrêté royal du 31.12.1952.

138Il voulait instaurer un système qui comportait une intervention uniforme et obligatoire de l’A.N.I. dans le coût de certaines prestations et une intervention facultative limitée aux plus importantes qui devait être différente selon les mutualités et fixée par les statuts de chacune des mutualités ou fédérations ou unions nationales établie conformément à la loi de 1894 sur l’assurance mutualiste libre.

139Il ne put être appliqué en raison des difficultés politiques.

d – Assurances régionales

140Reprenant la même idée dans son principe, le gouvernement actuel, instaurerait, un régime basé sur une assurance nationale pour certaines prestations et des assurances régionales pour d’autres prestations, les fédérations régionales étant responsables de la gestion du risque qu’elles doivent supporter.

CONCLUSION

141Nous nous sommes efforcés de retracer le plus objectivement possible quelques uns des problèmes essentiels de l’Assurance Maladie obligatoire qui constituent l’infrastructure du probité de l’A.M.I.

142On aura remarqué que, sous-jacentes à ces problèmes, il y a deux conceptions fondamentales, divergentes – sinon opposées –, qui s’affrontent en permanence et donnent une teinte politique, souvent passionnée, à chaque tentative de reforme du système.

143Nous croyons que ces deux conceptions, dont l’une est principalement défendue par la Mutualité Chrétienne, l’autre par la Mutualité Socialiste, sont respectivement : d’une part, la conception de l’association mutualiste, avec responsabilité et indépendance de l’association, et d’autre part, la conception du service public maladie-invalidité.

144Il y a probablement entre les deux une incompatibilité fondamentale à laquelle se heurterait celui qui tenterait une conciliation des deux thèses.

145Ceci en tous cas apparaît clairement pour certains secteurs, comme par exemple celui des examens et des soins médicaux. L’enseignement de l’Eglise catholique, qu’entend respecter la Mutualité chrétienne, est aussi exigeant ici qu’en matière d’enseignement. C’est là un facteur dont le sociologue doit tenir compte. L’incompatibilité est peut-être beaucoup moins grande dans le secteur du payement d’indemnités (en tous cas il semble que la chose soit admise par exemple pour le payement des pensions, etc…).

146Qu’il y ait d’autres facteurs qui jouent, ceci est indubitable.

147C’est ainsi qu’il faut certainement tenir compte, pour comprendre certaines positions, de l’influence idéologique qui peut être exercée par l’association sur ses membres. On ne voit pas clairement, à ce sujet, si la mutualité socialiste, an se prononçant pour le service public "Service National de la Santé" abandonne l’idée d’une détermination de l’idéologie des travailleurs par le truchement d’institutions mutuellistes spécifiquement socialistes. On notera par ailleurs que la transformation en service public n’est réclamée que pour l’assurance-maladie où le déficit est chronique et non pour l’assurance-vie incendie où la rentabilité est assurée.

148En d’autres termes, aucune organisation ne réclame actuellement une formule de compensation entre les secteurs rentables et les secteurs déficitaires de l’assurance.


Date de mise en ligne : 22/12/2014

https://doi.org/10.3917/cris.041.0005

Notes

  • [6]
    Actuellement, il semble que l’opinion la plus répandue, consiste à considérer que l’organisme assureur est l’ensemble des mutualités, fédérations groupées au sein d’une union nationale. Mais pendant longtemps, beaucoup identifiaient l’organisme assureur à la mutualité pour les risques "primaires", à la fédération pour les risques fédéraux et à l’union nationale pour les risques nationaux.
  • [7]
    Bien entendu, chacun des O.A. se prononce pour le régime de répartition qui lui est le plus favorable, soit celui basé sur les rémunérations, soit celui basé sur les dépenses, soit celui basé sur le nombre de bénéficiaires, etc…
  • [8]
    La répartition des subsides de l’Etat suivra la même tendance.
  • [9]
    Cette mesure fut accusée d’être "étatique".
  • [10]
    En millions de francs
  • [11]
    La cumulation de "petits risques" peut, ici, constituer un gros risque.

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