1 Le dossier de cette nouvelle livraison explore un double point de vue original et atypique sur les migrations : il les aborde au sein d’une même nation, des territoires métropolitains vers les territoires ultramarins, et se centre sur des populations qui se distinguent généralement de leurs homologues et de leurs collègues locaux par leur blanchité.
2 Violaine Girard, François Féliu et Camille Noûs abordent le cas de Mayotte. Ils montrent en quoi le passage de fonctionnaires par ce département d’outre-mer repose sur des avantages structurels qui jouent aussi dans la poursuite de leurs carrières et comment ces avantages s’articulent indéniablement à des privilèges symboliques fondés sur la race. Si bien que « la blanchité constitue ici une propriété sociale discriminante, au sein d’un État postcolonial pourtant réputé aveugle à la race ».
3 Florence Ihaddadene place le regard sur les Volontaires de service civique (VSC) en Guadeloupe. Elle explique que ce programme – hors du droit du travail – participe à l’exclusion des fonctionnaires titulaires ou contractuels guadeloupéens de la fabrique des politiques publiques locales. Son analyse permet de comprendre aussi comment ces volontaires non seulement se construisent dans leur rapport à l’État français, mais aussi construisent leurs (futures) trajectoires professionnelles.
4 Audrey Célestine ouvre une perspective différente en portant son regard sur les départs « outre-la-mer » depuis la Martinique. En analysant, sur un temps long, un programme de mobilité des Martiniquais vers l’Hexagone, elle interroge la façon dont les circulations migratoires façonnent les formes d’identification raciale. Elle montre ainsi comment émergent de nouvelles façons d’être blanc.he ou noir.e en fonction des expériences migratoires.
5 Enfin, Pauline Leonard nous permet de mettre en regard les outre-mer français avec une autre configuration postcoloniale : Hong Kong. Alors que les rouages administratifs de l’Empire disparaissent, emportant avec eux les conceptions de la race et de la nationalité, elle analyse comment des femmes britanniques renégocient leurs identités de genre et de race depuis la rétrocession de l’île.
6 Ce dossier est complété par deux articles Varia. Emmanuelle Veuillet analyse les régimes identitaires de la guerre au Soudan du Sud, et interroge, elle aussi, les modalités de construction des catégorisations ethniques qui émanent autant du gouvernement que des groupes d’opposition. Ce faisant, elle décrit la façon dont ces catégorisations président à une réorganisation de l’ensemble de l’espace social et politique. Kari De Pryck, quant à elle, traite d’une thématique fort différente : le rôle des États membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). En rupture avec les approches médiatiques qui mettent la lumière sur les savants de renom qui participent à ses travaux, elle montre la nécessité de prendre en compte les relations des auteurs de rapports du GIEC avec les délégués gouvernementaux.
7 La sortie de ce numéro intervient dans un contexte international tragique. Critique internationale tient à exprimer sa profonde solidarité avec les chercheur·es et étudiant·es, et l’ensemble de la société ukrainienne, victimes de l’intervention militaire de la Russie. La revue soutient la pétition lancée au nom de la communauté scientifique. Elle s’associe à la démarche de l’Association SFERES (Société française pour les études russes et est-européennes en sciences sociales), qui recense les initiatives de soutien aux collègues, étudiant·es et citoyen·nes ukrainien·es : https://sferes.hypotheses.org/885.
8 Bonne lecture