Couverture de CRII_092

Article de revue

Les espaces sociaux du gouvernement international de la violence

Pages 9 à 22

Notes

  • [1]
    Max Weber, Le savant et le politique : une nouvelle traduction par Catherine Colliot-Thélène (dir.), Paris, La Découverte, 2003, p. 118.
  • [2]
    John Mueller, « War Has Almost Ceased to Exist : An Assessment », Political Science Quarterly, 124 (2), 2009, p. 297-321 ; Joshua Goldstein, Winning the War on War : The Decline of Armed Conflict Worldwide, New York, Dutton, 2011 ; Steven Pinker, The Better Angels of Our Nature : Why Violence Has Declined ?, New York, Allan Lane, 2011.
  • [3]
    Siniša Malešević, « The Organisation of Military Violence in the 21st Century », Organization, 24 (4), 2017, p. 456-474.
  • [4]
    Paul Collier, Economic Causes of Civil Conflicts and Their Implications for Policy, Washington D.C., The World Bank, 2000 ; Robert Kaplan, « The Coming Anarchy », Atlantic Monthly, février 1994, p. 44-76 ; Mary Kaldor, Old and New Wars : Organized Violence in a Global Era, Cambridge, Polity Press, 1999.
  • [5]
    Peter Singer, Wired for War : The Robotics Revolution and Conflict in the 21st Century, Londres, Penguin Books, 2009.
  • [6]
    Marielle Debos, Le métier des armes au Tchad. Le gouvernement de l’entre-guerres, Paris, Karthala, 2013 ; Jacobo Grajales, Gouverner dans la violence, Paris, Karthala, 2016.
  • [7]
    Jean-Gustave Padioleau, L’État au concret, Paris, PUF, 1982.
  • [8]
    Bruno Jobert, Pierre Muller, L’État en action. Politiques publiques et corporatisme, Paris, PUF, 1987.
  • [9]
    Par exemple, Pierre Lascoumes, Patrick Le Galès, Sociologie de l’action publique, Paris, Armand Colin, 2012.
  • [10]
    Susan Strange, The Retreat of the State : The Diffusion of Power in the World Economy, Cambridge, Cambridge University Press, 1996 ; Deborah D. Avant, Martha Finnemore, Susan K. Sell (eds), Who Governs the Globe ?, New York, Cambridge University Press, 2010 ; Laurent Bonelli, Willy Pelletier (dir.), L’État démantelé : enquête sur une révolution silencieuse, Paris, La Découverte, 2010.
  • [11]
    Frédéric Ocqueteau, Polices entre État et marché, Paris, Presses de Sciences Po, 2004 ; Matthieu Ansaloni, « Le marché comme instrument politique. Le désengagement de l’État dans l’usage des pesticides en France », Sociétés contemporaines, 105 (1), 2017, p. 79-102.
  • [12]
    Béatrice Hibou (dir.), La privatisation des États, Paris, Karthala, 1999 ; Cyril Magnon-pujo, « La souveraineté est-elle privatisable ? La régulation des compagnies de sécurité privée comme renégociation des frontières de l’État », Politix, 95 (3), 2011, p. 129-153 ; Philipp Genschel, Bernhard Zangl, « L’État et l’exercice de l’autorité politique. Dénationalisation et administration », Revue française de sociologie, 52 (3), 2011, p. 509-535.
  • [13]
    Saskia Sassen, Losing Control ? Sovereignty in an Age of Globalization, New York, Columbia University Press, 1996 ; S. Sassen, Territory, Authority, Rights : From Medieval to Global Assemblages, Princeton, Princeton University Press, 2006.
  • [14]
    Rita Abrahamsen, Michael Williams, Security beyond the State : Private Security in International Politics, New York, Cambridge University Press, 2011 ; Gilles Favarel-Garrigues, Laurent Gayer, « Violer la loi pour maintenir l’ordre. Le vigilantisme en débat », Politix, 115 (3), 2016, p. 7-33.
  • [15]
    Human Rights Watch et Pax Mondial, par exemple, font pression sur les États pour qu’ils interdisent le développement des « robots tueurs ». Ingvild Bode, Hendrik Huelss, « Autonomous Weapons Systems and Changing Norms in International Relations », Review of International Studies, 44 (3), 2018, p. 1-21.
  • [16]
    Florent Pouponneau, « Une division internationale du travail diplomatique. Analyse de la politique étrangère française autour du problème du nucléaire iranien », Revue française de science politique, 63 (1), 2013, p. 51-73.
  • [17]
    Gregory Daho, La transformation des armées : enquête sur les relations civilo-militaires en France (2016), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2020 ; Delphine Lecombe, Nous sommes tous en faveur des victimes : la diffusion de la justice transitionnelle en Colombie, Paris, LGDJ, 2014 ; F. Pouponneau, La politique française de non-prolifération nucléaire : de la division du travail diplomatique, Bruxelles, Peter Lang, 2015.
  • [18]
    Yves Buchet de Neuilly, L’Europe et la politique étrangère, Paris, Économica, 2005 ; Antoine Vauchez, « Le prisme circulatoire. Retour sur un leitmotiv académique », Critique internationale, 59 (2), 2013, p. 9-16.
  • [19]
    Elke Krahmann, « Conceptualizing Security Governance », Cooperation and Conflict, 38 (1), 2003, p. 5-26 ; Anna Leander, « The Power to Construct International Security : On the Significance of Private Military Companies », Millennium, 33 (3), 2005, p. 803-825.
  • [20]
    Benjamin Lemoine, « Les “dealers” de la dette souveraine. Politique des transactions entre banques et État dans la grande distribution des emprunts français », Sociétés contemporaines, 92 (4), 2013, p. 59-88 ; Olivier Nay, « Gouverner par le marché. Gouvernements et acteurs privés dans les politiques internationales de développement », Gouvernement et action publique, 4 (4), 2017, p. 127-154.
  • [21]
    Philippe Bezès, Christine Musselin, « Le New Public Management. Entre rationalisation et marchandisation ? », dans Laurie Boussaguet, Sophie Jacquot, Pauline Ravinet (dir.), Une « French touch » dans l’analyse des politiques publiques ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2015, p. 125-152.
  • [22]
    Franck Petiteville, Andy Smith, « Analyser les politiques publiques internationales », Revue française de science politique, 56 (3), 2016, p. 357-366.
  • [23]
    Nathalie Duclos, Courtiers de la paix. Les vétérans au cœur du statebuilding international au Kosovo, Paris, CNRS Éditions, 2018.
  • [24]
    Ce dossier laisse ainsi de côté le cas des violences qui s’exprimeraient totalement en marge de l’État et des institutions nationales et internationales, violences souvent caractérisées trop rapidement comme étant illégitimes ou privées.
  • [25]
    Pour une première synthèse de cette perspective, voir Sandrine Lefranc, « Ce qui se joue à l’international. Les relations internationales à l’épreuve de la sociologie des crises politiques », dans Myriam Aït-Aoudia, Antoine Roger (dir.), La logique du désordre. Relire la sociologie de Michel Dobry, Paris, Presses de Sciences Po, 2015, p. 199-220.
  • [26]
    Y. Buchet de Neuilly, « La gestion internationale routinière des crises. Sectorisation des relations internationales et mondialisation de l’institution étatique », dans ibid., p. 221-224.
  • [27]
    Pierre Bourdieu, Sur l’État. Cours au Collège de France 1989-1992, Paris, Le Seuil, 2012. Par espaces sociaux, nous entendons ici des sphères sociales relativement autonomisées et fonctionnant tendanciellement selon des logiques spécifiques. Nous retenons le terme d’espace social plutôt que celui de champ, parce que ces sphères ne possèdent pas nécessairement l’ensemble des propriétés qui définissent un champ (l’autonomisation et l’homologie structurale, notamment).
  • [28]
    Dans le cas de l’Afghanistan, Gilles Dorronsoro propose par exemple une analyse de ce qu’il nomme un « gouvernement transnational » dans des registres que l’on pourrait ici rapprocher. Gilles Dorronsoro, Le gouvernement transnational de l’Afghanistan : une si prévisible défaite, Paris, Karthala, 2021.
  • [29]
    Marian Eabrasu, « Les états de la définition wébérienne de l’État », Raisons politiques, 45 (1), 2012, p. 187-209.
  • [30]
    P. Bourdieu, « L’opinion publique n’existe pas », Les Temps modernes, 318, janvier 1973, p. 1292-1309 (repris dans Questions de sociologie, Paris, Les Éditions de Minuit, 1984, p. 222-235).
  • [31]
    Michel Dobry, « Le président de la République en cohabitation. Modes de pensée préconstitués et logiques sectorielles », dans Bernard Lacroix, Jacques Lagroye (dir.), Le Président de la République. Usages et genèses d’une institution, Paris, Presses de Sciences Po, 1992, p. 276-277.
  • [32]
    Yves Déloye, Sociologie historique du politique, Paris, La Découverte, 2017.
  • [33]
    Janice Thomson, Mercenaries, Pirates and Sovereigns. State-building and Extraterritorial Violence in Early Modern Europe, Princeton, Princeton University Press, 1994.
  • [34]
    Serge Gruzinski, La pensée métisse, Paris, Fayard, 1999.
  • [35]
    Patrick Carroll, « Articulating Theories of States and State Formation », Journal of Historical Sociology, 22 (4), 2009, p. 553-603 ; Desmond King, Patrick Le Galès, « Conceptualiser l’État contemporain », Revue française de sociologie, 52 (3), 2011, p. 453-559.
  • [36]
    M. Weber, Le savant et le politique : une nouvelle traduction, op. cit. (nous soulignons).
  • [37]
    Sur ce point, voir également C. Colliot-Thélène, « La fin du monopole de la violence légitime ? », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 34 (1), 2003, p. 5-31.
  • [38]
    P. Bourdieu, « Esprits d’État : genèse et structure du champ bureaucratique », Actes de la recherche en sciences sociales, 96-97, 1993, p. 49-62.
  • [39]
    Michel Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France, Paris, Le Seuil, 1997.
  • [40]
    Bob Jessop, « Bringing the State Back In (Yet Again) : Reviews, Revisions, Rejections, and Redirections », International Review of Sociology, 11 (2), 2001, p. 149-173.
  • [41]
    Timothy Mitchell, « The Limits of the State : Beyond Statist Approaches and Their Critics », American Political Science Review, 85 (1), 1991, p. 77-96 ; J. Thomson, « State Sovereignty in International Relations : Bridging the Gap Between Theory and Empirical Research », International Studies Quarterly, 39 (2), 1995, p. 213-233.
  • [42]
    S. Strange, The Retreat of the State : The Diffusion of Power in the World Economy, op. cit.
  • [43]
    James Rosenau, Ernst Czempiel (eds), Governance without Government : Order and Change in World Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1992 ; Michael Barnett, Raymond Duvall (eds), Power in Global Governance, Cambridge, Cambridge University Press, 2005.
  • [44]
    Rob B. J. Walker, Inside/Outside : International Relations as Political Theory, Cambridge, Cambridge University Press, 1993.
  • [45]
    Cynthia Weber, Simulating Sovereignty : Intervention, the State and Symbolic Exchange, Cambridge, Cambridge University Press, 1995.
  • [46]
    Patricia Owens, « Distinctions, Distinctions : “Public” and “Private” Force ? », International Affairs, 84 (5), 2008, p. 977-990.
  • [47]
    Thomas Biersteker, Cynthia Weber (eds), State Sovereignty as Social Construct, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.
  • [48]
    Jonathan Jospeh, « The Limits of Governmentality : Social Theory and the International », European Journal of International Relations, 16 (2), 2010, p. 223-246 ; Nico Krisch, « Liquid Authority in Global Governance », International Theory, 9 (2), 2017, p. 237-260.
  • [49]
    Julia Costa Lopez, Benjamin De Carvalho, Andrew A. Latham, Ayse Zarakol, Jens Bartelson, Minda Holm, « Forum : In the Beginning There Was no World (for It) : Terms, Concepts, and Early Sovereignty », International Studies Review, 20 (3), 2018, p. 489-519 ; Benjamin De Carvalho, Halvard Leira, John M. Hobson, « The Big Bangs of IR : The Myths that Your Teachers Still Tell You about 1648 and 1919 », Millennium, 39 (3), 2011, p. 735-758.
  • [50]
    Georg Sorensen, The Transformation of the State. Beyond the Myth of Retreat, New York, Palgrave, 2004 ; Stephan Leibfried, Michael Zurn, Transformations of the State ?, New York, Cambridge University Press, 2005 ; P. Genschel, B. Zangl, « L’État et l’exercice de l’autorité politique. Dénationalisation et administration », art. cité.
  • [51]
    Roland Paris, « The Right to Dominate : How Old Ideas about Sovereignty Pose New Challenges for World Order », International Organization, 74 (3), 2020, p. 453-489.
  • [52]
    C. Magnon-pujo, « Normer la violence privée ? La construction sociale d’un contrôle des compagnies de sécurité privée », thèse de doctorat en science politique, Université Paris 1, 2015 ; Jacobo Grajales, Romain Le Cour Grandmaison, L’État malgré tout. Produire l’autorité dans la violence, Paris, Karthala, 2019.
  • [53]
    Si ce diagnostic semble être relativement partagé, tous les auteurs ne proposent pas une chronologie similaire du renforcement de ce brouillage, certains le datant du 11 septembre 2001, d’autres de la fin de la guerre froide, voire de la seconde guerre mondiale ou de la Révolution française. M. Dobry, « Exposé conclusif », colloque « Gouverner la violence ? Dynamiques normatives autour de la violence contemporaine », Idex-Lyon, Triangle, Université Lyon 2, 8 novembre 2019.
  • [54]
    Ibid.
  • [55]
    Ibid. ; P. Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Les Éditions de Minuit, 1980.
  • [56]
    Par transaction collusive, nous entendons des échanges entre acteurs situés dans des espaces sociaux différenciés, qui apparaissent peu légitimes, voire illégitimes du point de vue de la logique propre à chacun de ces espaces. M. Dobry, « Valeurs, croyances et transactions collusives. Notes pour une réorientation de la théorie de la légitimation des systèmes démocratiques », dans Javier Santiso (dir.), À la recherche de la démocratie : mélanges offerts à Guy Hermet, Paris, Karthala, 2002, p. 103-120.
  • [57]
    Ce dossier s’inscrit dans le projet « Gouverner la violence ? Dynamiques normatives autour de la violence contemporaine », coordonné par Cyril Magnon-pujo (projet IMPULSION – IDEXLYON, Université de Lyon – Programme Investissement d’Avenir (ANR-16-IDEX-0005). Nous remercions Yves Buchet de Neuilly, Dorota Dakowska et Cécile Jouhanneau, qui ont discuté des versions antérieures de ces textes lors d’un colloque organisé à Lyon en novembre 2019. Les contributions à ce colloque de Michel Dobry, Nathalie Duclos, Delphine Griveaud et Pierre France ont également grandement contribué à notre réflexion collective, enrichie par les remarques d’Hélène Combes, du comité de rédaction de Critique internationale et des évaluateurs et évaluatrices anonymes de la revue. Enfin, ce dossier n’aurait pu aboutir sans l’aide de Catherine Burucoa.
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1Au moment où l’apparent retour de l’État sur la scène internationale viendrait se confronter aux dynamiques de globalisation et de dispersion de l’usage de la force, la question du gouvernement de la violence et donc du monopole de la contrainte physique légitime se pose à nouveau. Peut-on encore penser, comme le déclarait Max Weber en 1919, que « l’État est cette communauté humaine qui, à l’intérieur d’un territoire déterminé (...), revendique pour elle-même et parvient à imposer le monopole de la violence physique légitime » [1] ? Et peut-on encore considérer, suivant le modèle westphalien, que l’espace international est celui d’États souverains et monopolistiques ?

2En adoptant une approche empirique, non limitée au contexte national, et en s’intéressant au gouvernement contemporain de la violence, les auteur·es de ce dossier soulignent les limites des conceptions traditionnelles de l’État. Ils et elle rappellent l’importance d’un décentrement de notre regard sur le monopole de la violence légitime en insistant non seulement sur les acteurs, mais aussi sur les espaces sociaux qui contribuent à produire cette violence et à façonner la spécificité de la position de l’État dans ce domaine.

Des formes contemporaines de la violence organisée aux configurations d’acteurs : approches de Relations internationales

3Depuis une vingtaine d’années, différentes théories en Relations internationales analysent les nouvelles formes prises par la violence organisée en les rapportant aux transformations récentes des acteurs et des instruments en charge de la mettre en œuvre ou de la prévenir. Selon la « perspective du déclin de la violence » (decline of violence perspective), les guerres du xxie siècle seraient moins nombreuses, plus localisées, plus courtes et moins meurtrières que celles des siècles précédents [2]. Une telle dynamique serait due à la place et au rôle accrus des organisations internationales (ONU, Union européenne, OTAN, ONG humanitaires), qui auraient contribué à l’institutionnalisation de normes délégitimant les conquêtes territoriales. Face à l’émergence de ces nouveaux acteurs, les États ne disposeraient plus du monopole de la définition de la contrainte physique légitime, ce qui les conduirait à infléchir leurs propres pratiques guerrières.

4Les auteurs que Siniša Malešević réunit sous le label des « théories des nouvelles guerres » (new wars theories) [3] émettent un diagnostic très différent : loin d’être en déclin, la violence contemporaine prendrait des formes inédites – décentralisées, chaotiques, déterritorialisées – et cibleraient plus souvent les civils que les militaires [4]. Cette transformation serait moins due à la restructuration du système international sous l’égide des organisations internationales qu’aux dynamiques d’affaiblissement des États qui accentueraient le rôle des acteurs privés et des guerres intra-étatiques dans les conflits armés contemporains.

5Enfin, les tenants de l’« approche de la technologie comme actant » (the technological displacement approach) attribuent un rôle structurant aux instruments mobilisés pour mettre en œuvre la violence. La guerre serait ainsi susceptible d’être constamment redéfinie à mesure que la technologie (par exemple les drones militaires) augmenterait la distance physique et émotionnelle par rapport aux champs de bataille [5].

6Qu’elles insistent sur l’intervention des organisations internationales, l’affaiblissement des États ou les évolutions de la technologie, ces différentes théories ont en commun de corréler les formes contemporaines de la violence organisée aux reconfigurations des jeux d’acteurs qui la mettent en œuvre ou qui cherchent à la prévenir. Elles peuvent toutefois paraître succinctes tant elles ignorent la sociologie politique aussi bien de l’État que de l’action publique et de l’international, qui fournit pourtant un stock de connaissances solide pour penser les processus observés [6].

Des reconfigurations de l’action publique aux formes contemporaines de la violence organisée : approches de sociologie politique

7Depuis les années 1970, de nombreuses études interrogent la place de l’État dans l’élaboration et la mise en œuvre de l’action publique. En scrutant l’État « au concret » [7] et « en action » [8], leurs auteurs ont démontré que « le modèle classique des politiques menées à titre principal par un État centralisé sur des secteurs bien déterminés » serait aujourd’hui « dépassé », tant l’action publique serait prise dans des dynamiques supra et infranationales ainsi que dans l’enchevêtrement entre acteurs publics et privés [9]. Ces travaux ont conclu, pour certains, au retrait de l’État [10], pour d’autres, à son repositionnement dans de nouveaux schémas de gouvernance ou en tant que « coproducteur » de l’action publique [11], voire à son redéploiement [12]. La notion d’« assemblage » proposée par Saskia Sassen [13] traduit l’une de ces façons de repenser périmètre et rôle de l’État, via la réarticulation du territoire, de l’autorité et du droit. Ce serait ainsi une nouvelle géographie du pouvoir qui se développerait, dans laquelle la puissance souveraine, ne pouvant plus se caractériser par ses institutions et/ou sa territorialité, se repositionnerait et se transformerait dans des agencements spécialisés et orientés selon les objectifs et les usages.

8Un tel constat s’applique pleinement au gouvernement contemporain de la violence. Dans ce domaine, il est possible d’observer, dans de nombreux cas, la pluralité des acteurs impliqués. Ainsi, le recours à des compagnies de sécurité privée par les États, l’influence des industriels sur la définition des politiques de défense, l’intervention de groupes de citoyens « en armes », ou l’action des ONG dans la mise en œuvre des interventions pour le « retour à la paix » démontrent une imbrication des logiques publiques et privées autour de la gestion politique de la violence [14]. Dans de nombreux pays, des acteurs privés associatifs, parfois soutenus par des organisations internationales, tentent, par leurs mobilisations contre des pratiques étatiques qu’ils jugent liberticides, de limiter le périmètre d’exercice de la violence légitime [15]. Dans le dossier du nucléaire iranien, la tentative d’autonomisation de la diplomatie européenne face au leadership américain a été entravée notamment par la transnationalisation d’Airbus dont certaines pièces des avions étaient fabriquées aux États-Unis [16]. Les politiques étrangères, les engagements militaires et les pratiques de résolution de conflit se définissent ainsi en fonction d’interdépendances et d’interactions entre une multitude d’espaces sociaux [17], dont chacun est doté de ses logiques propres [18].

9Cependant, ce questionnement sur les reconfigurations de l’action publique se révèle encore épars dans le domaine du gouvernement de la violence, a fortiori au niveau international. S’il est reconnu que l’avènement d’une « gouvernance de la sécurité » à l’aube des années 2000 a été la manifestation d’une réévaluation de l’échelon étatique [19], rares sont les travaux qui analysent les pratiques quotidiennes de gestion de la contrainte physique. Dans un contexte d’interpénétration croissante des secteurs privé et public [20], de rationalisation de l’action de l’État [21] et d’internationalisation, voire de transnationalisation des pratiques de gouvernement [22], il manque une analyse des pratiques observables sur le terrain. Les études consacrées aux nouvelles formes de la violence organisée s’appuient sur des hypothèses largement travaillées par la sociologie de l’État, de l’action publique et de l’international, sans pour autant se confronter pleinement à cette littérature. Inversement, l’analyse de l’action publique, qui vise à repenser la sociologie de l’État, n’a pas encore élaboré de questionnement systématique sur les politiques liées à la violence, alors même que le monopole de la contrainte physique légitime a été construit comme l’un des attributs de l’État.

10À partir de ce double constat, nous entendons répondre concrètement à plusieurs questions. Tout d’abord, qui produit les politiques de mise en œuvre et de prévention de la violence légitime ? Ce « qui » renvoyant ici non seulement à des acteurs mais surtout à des espaces sociaux entretenant des rapports de collusion et de collision [23]. Ensuite, que nous disent les relations et interactions à travers lesquelles se tissent ces politiques des rapports de pouvoir entre ces différents acteurs, institutions et espaces sociaux ? Enfin, quelles sont les (re)définitions de la violence produites par ces politiques ?

11Il s’agit d’interroger la façon dont des acteurs en partie extérieurs à l’État, voire susceptibles de s’opposer à lui, contribuent à façonner la spécificité de la position étatique au sein de configurations diverses [24]. En retour, l’analyse des lieux et des logiques de la fabrication de ces politiques permet de saisir comment émergent et se consolident des (re)définitions de la violence légitime et illégitime.

12Nous proposons donc d’appliquer des questionnements existant dans le champ de la sociologie de l’action publique et de l’État à des dispositifs, assemblages d’acteurs, savoirs et pratiques issus d’espaces sociaux multiples donnant forme au gouvernement de la violence, au-delà de l’échelon national. Cette perspective rejoint des réflexions initiées par la sociologie des relations internationales à la française autour de la division du travail et de la différenciation sociale dans l’espace international [25]. Elle les prolonge en ce qu’elle cherche à décrire non seulement les rapports de force ou de sens entre acteurs, mais aussi la « mise en interaction » des espaces sociaux dans lesquels évoluent ces acteurs, ainsi que ses effets.

13Dans ses travaux sur la gestion par les Européens de la guerre en ex-Yougoslavie, Yves Buchet de Neuilly montre qu’un même État, ou plus encore un même diplomate, peut défendre des mesures différentes selon l’arène dans laquelle il intervient. Il peut par exemple contribuer à la mise en place de sanctions sévères à l’encontre des dirigeants albanais et serbes lors d’une négociation internationale sur la sécurité collective, et faire en sorte que ces mêmes sanctions deviennent des « coquilles vides » quand il participe à une négociation sur la régulation internationale du commerce. D’un espace social à un autre, « les intérêts des États et les rapports de force ne sont plus les mêmes ». Dès lors, « pour comprendre la gestion internationale des crises, il convient (...) de saisir cette pratique dans une pluralité de secteurs » [26]. Notre propos s’inscrit dans le prolongement de cette approche en tenant compte des « effets de structure » propres à chacun de ces espaces [27] autant que des effets de leurs rencontres. Les relations, interdépendances et interactions socialement structurées entre ces espaces sociaux donnent lieu à des configurations spécifiques définissant ce gouvernement de la violence [28].

14Il ne s’agit pas toutefois de proposer un modèle unique, et transposable quels que soient les cas, de configuration du gouvernement international de la violence. Dans les échanges entre ces différents espaces nationaux – extravertis ou non – et transnationaux, notre projet est d’identifier des invariants tout en analysant les nouvelles pratiques et les nouvelles organisations du pouvoir dans lesquelles l’État prend forme, se voit redéfini et finalement consolidé.

Penser le monopole de la violence légitime par ses marges

15Cette interrogation conduit à questionner la position monopolistique prêtée à l’État. Cette mise en doute n’est pas récente. Polysémique, contestée, la notion semble pourtant demeurer incontournable [29]. Elle pourrait fonctionner à la manière de l’« opinion publique ». Que « l’opinion publique n’existe pas » [30] ne l’empêche pas d’exister, mais l’amène à exister sur le mode d’un artefact qui produit des effets sociaux et politiques, qui constitue une ressource et une contrainte dans les jeux politiques [31]. Toute une série de travaux, tant en sociologie politique qu’en Relations internationales, suggèrent qu’il en va de même pour le monopole de la violence légitime.

De la dynamique de concentration du pouvoir aux relations entre espaces sociaux

16La sociologie historique s’est d’abord saisie de ce qui constitue la spécificité de la forme politique « État », à savoir les dynamiques d’homogénéisation, de concentration et de centralisation du pouvoir [32]. Dans l’espace international, ces logiques se sont traduites à l’époque moderne par la délégitimation de la violence privée – celle des mercenaires, des pirates ou des corsaires –, délégitimation qui a conduit de facto à la monopolisation de la violence légitime par l’État au-delà de ses frontières et à l’affirmation de sa souveraineté, de manière progressive et contingente [33]. Si l’on pense la formation des États à partir de ces dynamiques, notre période contemporaine apparaît alors comme celle du « passage de l’homogène à l’hétérogène, du singulier au pluriel, de l’ordre au désordre ». Selon Serge Gruzinski, cette vision est souvent une « illusion » [34]. De fait, différents sociologues du politique qui ont pu questionner notre perception de ce qu’avait été l’État ont relevé que le rôle de la centralisation avait probablement été exagéré [35].

17Même les textes de Max Weber paraissent moins univoques quand on les relit aujourd’hui. La définition classique de l’État qu’il propose dans Le savant et le politique est en effet complétée, dans une seconde phrase moins souvent citée, par : « Ce qui est spécifique à l’époque présente est que tous les autres groupements et toutes les autres personnes ne se voient accorder le droit à la violence physique que dans la mesure où l’État la tolère de leur part : il passe pour la source unique du “droit” à la violence » [36]. Certes, le principe d’une revendication du monopole de la contrainte physique légitime est clairement affirmé. Cependant, Weber insiste moins ici sur la dynamique de centralisation en elle-même que sur les relations entre les différents acteurs qui font exister ce monopole. Il insiste sur la « tolérance » de l’État pour qu’un groupe puisse exercer ou non la violence. Il insiste également sur le fait que ces groupes acceptent de faire « passer » l’État « pour la source unique du “droit” à la violence » [37]. Le propos incite alors à opérer un double décentrement du regard : d’une part, en déréifiant l’État, ce qui suppose de ne pas se limiter à décrire un processus de centralisation mais de considérer les relations entre les différents segments de l’État qui, au jour le jour, font exister le monopole ; d’autre part, en saisissant non plus les seuls États mais les autres acteurs ou, mieux, les autres espaces sociaux qui contribuent à la prévention et à la mise en œuvre de la violence légitime.

18La sociologie de l’État esquissée par Pierre Bourdieu confirme cette hypothèse en insistant sur la dynamique historique de concentration du capital symbolique par l’État, qui aurait alors pour attribut spécifique la reconnaissance par autrui de sa maîtrise des moyens d’action plus que la maîtrise effective de ces moyens [38]. Dans sa relecture post-structuraliste du concept d’État, Michel Foucault va plus loin en insistant notamment sur les effets du discours et de la croyance en la monopolisation de la violence pour expliquer non seulement le pouvoir qui est associé à l’État mais aussi les institutions qui le reproduisent. Son autorité résiderait alors plus dans des relations que dans des institutions, comme le suggère son concept de « gouvernementalité » [39]. Ces différentes propositions invitent à une approche de l’État « moins stato-centrée » [40] ; approche qui ne vise pas forcément à abandonner la notion de monopole de la contrainte physique légitime [41], mais à penser les « assemblages » des espaces sociaux qui produisent les politiques de prévention et de mise en œuvre de la violence.

Une fiction aux effets bien réels ?

19Tout un pan de la littérature traditionnellement rattachée au champ des Relations internationales peut être relié à ces discussions relatives à la conceptualisation du rôle et de la place de l’État dans le gouvernement de la violence. Au-delà des recherches aujourd’hui bien connues sur le possible retrait de l’État face à l’expression de pouvoirs extérieurs [42], ou sur l’organisation des différentes autorités au-delà de l’échelon étatique [43], certains auteurs cherchent non pas simplement à « réévaluer » la place de l’État dans une nouvelle architecture du pouvoir, mais à mettre directement en cause les catégories de pensée relevant pour partie de fictions d’autant plus problématiques qu’elles ont eu tendance à devenir autoréalisatrices. Ainsi l’« international », la « souveraineté », voire l’« État » sont-ils parfois mis en cause comme des concepts devenus fondateurs pour la discipline sans que leur pertinence pour une réflexion critique sur l’organisation du pouvoir et de la violence aujourd’hui ait été évaluée et ré-évaluée. On trouve ainsi dans les travaux pionniers de Rob Walker [44] et de Cynthia Weber [45] une dénonciation du mythe construit autour des traités de Westphalie de 1648, qui a écrasé toute conception autre de la souveraineté de l’État en réduisant celle-ci, par définition, à l’expression de l’autorité absolue sur un territoire et une population. En rappelant son caractère de construit social, temporellement et géographiquement déterminé, ces auteur·es soulignent la nécessité de repenser les manières d’envisager l’organisation du pouvoir et le gouvernement de la violence que l’on ne peut réduire, par principe, à un monopole de la contrainte physique légitime en interne et à une lutte entre entités souveraines et monopolistiques en externe. Construction plutôt qu’invariant, ce monopole de la contrainte physique légitime attribué à l’État et sa reconnaissance par autrui – caractéristiques de cette souveraineté portée comme une vertu cardinale des Relations internationales par les théoriciens réalistes et libéraux – seraient donc à reconsidérer en questionnant les « distinctions » fondatrices de la discipline [46]. Pour ces auteur·es, fonder la souveraineté moderne sur la distinction privé/public autour la violence relèverait bien plus d’une croyance et d’un impensé que d’une réalité [47].

20Selon ceux que l’on a pu qualifier de hard constructivists, la souveraineté de l’État n’aurait en soi jamais existé de même que le monopole de la violence légitime n’aurait jamais été total. L’une et l’autre auraient toutefois été imposés par les États eux-mêmes à travers le travail de leurs diplomates et juristes œuvrant à la promotion d’une vision favorable aux puissances dominantes, avant d’être reprises et diffusées par des théoriciens des Relations internationales parfois proches eux-mêmes de ces cercles du pouvoir étatique. Ce n’est qu’assez récemment que sont apparues des analyses mettant en avant non seulement l’importance des pouvoirs non étatiques mais aussi la possibilité d’une autorité ne reposant pas sur un gouvernement central, des rapports hiérarchiques entre privé et public, le commandement et la coercition [48]. Ainsi le débat sur la place prise par ces conceptions fondatrices demeure-t-il intense en Relations internationales [49], même s’il continue d’être dominé par des réflexions sur la place et l’autorité de l’État [50] ou récemment sur les formes d’autorité « extralégale » ou « organique » de l’État [51]. Au-delà des interrogations théoriques, la perpétuation de cette croyance dans la souveraineté de l’État et dans son monopole a des effets pratiques, notamment dans la manière dont les acteurs se pensent et se positionnent par rapport à ce monopole supposé de la contrainte physique légitime [52]. Plus que la boîte noire de l’État, c’est dès lors celles de ces acteurs, de leurs espaces sociaux et de leurs relations avec différents segments de l’État qu’il convient d’ouvrir.

Les configurations des espaces sociaux internationaux de la violence légitime

21Les auteur·es réuni·es dans ce dossier prennent pour objet d’étude des politiques qui ont été longtemps pensées comme étant l’expression par excellence des prérogatives régaliennes : faire la guerre, lutter contre le terrorisme, négocier la paix. Pourtant, dans leurs contributions, l’État n’apparaît que comme un protagoniste pris dans des configurations complexes plus larges, voire comme un acteur dont le rôle peut même simplement s’esquisser en creux. Un tel déplacement de perspective, en s’appuyant sur l’analyse de l’organisation sociale qui sous-tend ces politiques, permet d’aborder plusieurs thèmes : le flou qui environne les politiques de mise en œuvre et de prévention de la violence, la place et le rôle de l’État, partant la légitimité de la violence dont le monopole lui est attribué.

La logique du flou

22À suivre nombre d’analystes, notre situation contemporaine serait marquée par le renforcement du brouillage des frontières entre public et privé, entre guerre et crime, entre militaire et civil, entre ennemi étatique et adversaire politique [53]. La notion de policing, mobilisée par Anthony Amicelle dans ce dossier, illustre cette tendance. En étudiant la contribution des banques internationales à la lutte contre le terrorisme via l’utilisation d’instruments algorithmiques de surveillance de leurs clients, il montre que tout ce qui est policier ne relève pas de la police, mais est désormais pris en charge par une grande diversité d’acteurs.

23Cependant, le constat d’un brouillage des frontières s’articule souvent avec des considérations plus normatives. Plus ou moins implicitement, l’accroissement du flou et de l’indétermination est perçu comme un facteur de dysfonctionnement et de dérèglement tandis que seules la netteté et la détermination produiraient de l’efficacité [54]. Diffuse, une telle conception pâtit probablement d’un biais intellectualiste qui confond « les choses de la logique et la logique des choses » [55]. C’est du moins ce que suggèrent les auteur·es de ce dossier, qui se sont attaché·es à montrer l’efficacité pratique de l’indétermination des catégories : loin d’être dysfonctionnel, le flou constitue en effet l’une des conditions de la mise en œuvre des politiques qui administrent ou préviennent la violence légitime. En Afghanistan, par exemple, la guerre menée par l’OTAN a été présentée à ses débuts comme relevant d’une Approche globale, c’est-à-dire d’une forme d’intervention de faible intensité, insistant sur le continuum sécurité/développement. Or, comme le montre ici Julien Pomarède, cette catégorie est devenue tellement flottante au fil des interactions entre les alliés américains et européens que les actions militaires les plus intenses et létales (le Surge) ont pu finalement être qualifiées comme en relevant pleinement. Ce flou a alors permis de maintenir un compromis minimal entre les États membres pour que l’OTAN puisse suivre au plus près les stratégies définies par les États-Unis sans que les Européens « perdent la face ». Ce faisant, il a également, et surtout, permis de légitimer la radicalisation de l’action militaire sur tout le territoire afghan. De même, aux États-Unis, la « médicalisation » de la peine de mort a contribué au maintien de son acceptation sociale par l’euphémisation de la violence qu’elle met en scène (Nicolas Fischer). Quant au peacebuilding, il fonctionne comme un label tellement vague que chaque agence peut s’en revendiquer pour valoriser ses propres actions, contribuant ainsi à le faire vivre (Sandrine Lefranc).

Brouillage des frontières, différenciation des espaces sociaux et rôle de l’État

24Que devient alors l’État dans ces configurations élargies d’acteurs ? À la lumière des quatre contributions de ce dossier, il s’avère peu pertinent de décrire trop rapidement de tels assemblages de pouvoir comme un brouillage des frontières tant les effets de ces mêmes frontières continuent d’être structurants.

25Anthony Amicelle démontre toute l’importance d’une approche résolument empirique pour penser de tels enjeux. La contribution des banques à la lutte contre le blanchiment de l’argent du terrorisme et de la criminalité est souvent présentée comme porteuse d’une forme de dédifférenciation entre le secteur bancaire et la sécurité étatique. Cependant, son enquête ethnographique sur l’installation d’algorithmes de surveillance des flux financiers dans une banque conduit à réviser sensiblement de telles conclusions. Par-delà la rhétorique de la complexité, le travail de terrain révèle une relative simplicité de ces algorithmes, simplicité due justement, d’une part, aux difficultés structurelles d’articulation des univers de la finance et de la sécurité, d’autre part, aux relations entre les banques et les autorités fédérales. Compte tenu de l’obligation d’une communication, d’une intelligibilité et d’une explicabilité de ces algorithmes entre les différents espaces sociaux concernés, ce dispositif socio-technique constitue un indice de la différenciation structurelle de ces espaces et du maintien de leurs logiques sociales spécifiques.

26En analysant les controverses relatives à l’usage des produits nécessaires aux injections létales aux États-Unis, Nicolas Fischer travaille sur ce qui pourrait être qualifié de réaffirmation de la différenciation structurale ou, plus précisément, de rupture des transactions collusives entre deux espaces sociaux [56]. Pendant plusieurs décennies, les laboratoires pharmaceutiques ont ignoré – c’est-à-dire ont fermé les yeux sur – les usages létaux de leurs médicaments destinés à l’origine à soigner des patients. En rendant publics dans différentes arènes des usages et des relations jusque-là invisibilisés, des ONG ont enclenché un rappel à l’ordre structural, obligeant chaque secteur à se conformer à ses propres logiques sociales (d’un côté, administrer la peine capitale, de l’autre, soigner des pathologies). Cette perturbation des échanges entre les autorités fédérales et l’industrie pharmaceutique (producteurs et diffuseurs) a complexifié l’exécution des peines aux États-Unis. Elle a contribué à multiplier les retards et les « ratés » (ces derniers suscitant de vives contestations), au point que l’hypothèse d’une disparation pratique de la peine capitale est redevenue un possible aux États-Unis. Elle a également produit des effets sur chacune des deux parties, prises isolément. Les États fédérés ont eu tendance à réaffirmer le principe de la souveraineté politique (en appliquant la « loi du secret » sur la composition des injections létales ou en requalifiant ces substances comme étant des « armes » d’État), tandis que l’exigence accrue de contrôle de l’usage de leurs produits a conduit les laboratoires à une centralisation des circuits de distribution jusque-là éclatés des médicaments.

27Dans la contribution de Sandrine Lefranc sur l’espace social de la justice transitionnelle, rien ne prédispose à retrouver l’État au cœur des politiques internationales de prévention de la violence. Les pacificateurs qu’elle présente s’opposent aux conceptions étatiques dominantes de la résolution des conflits armés, et promeuvent des solutions qui marginalisent les élites politiques, généralement au premier plan, en s’appuyant sur la « société civile ». L’auteure elle-même ne prend pas pour objet l’État. Pourtant, l’État est partout, mais en creux. En effet, la position construite par ces ONG dans l’espace international tient précisément à leur capacité à se différencier des politiques étatiques. Elles existent d’abord sur la scène internationale en tant qu’institutions critiques de l’ordre interétatique. Dès lors, loin de porter un brouillage, elles ont intérêt à jouer de la différenciation des rôles, à entretenir des frontières et ainsi à réaffirmer la spécificité de la position étatique. Par la mise au jour de ces mécanismes, Sandrine Lefranc invite également à repenser le rôle des croyances dans la définition d’une violence légitime ou illégitime. Les acteurs de la justice transitionnelle ne semblent pas forcément croire en l’efficacité des solutions qu’ils promeuvent. Ils savent que beaucoup de leurs interventions, et notamment les plus anciennes, n’ont pas eu le succès escompté, mais cela ne les empêche pas de promouvoir ces modes alternatifs de résolution des conflits armés. Au-delà des convictions des pacificateurs, leurs propositions de « paix positive » tiennent d’abord à travers les interdépendances dans lesquelles sont pris ces acteurs. Ils ne peuvent occuper une place dans l’espace international qu’à condition d’affirmer et de radicaliser leurs distances avec les experts réalistes et étatiques. En suivant cette piste, également empruntée par Julien Pomarède, penser la légitimité du monopole étatique de la violence suppose de se tourner moins directement vers les croyances des acteurs que vers l’organisation sociale qui sous-tend ces politiques. Ainsi le monopole prêté à l’État n’est-il pas étudié ici à partir de la dynamique de concentration du pouvoir mais de la division sociale du travail, c’est-à-dire de la contribution de différents espaces sociaux à une différenciation des rôles. C’est dans la mise en relation d’espaces sociaux qui demeurent paradoxalement distincts que se construit le gouvernement de la violence mais aussi la définition même de cette violence. Celle-ci repose en effet sur les interdépendances et interactions entre les espaces sociaux qui produisent ces politiques, et non simplement sur les convictions des agents. Ce sont ces rapports de collusion et de collision qui façonnent les politiques de mise en œuvre et de prévention de la violence et qui font exister le monopole de la violence légitime sur lequel ce dossier se propose d’enquêter [57].


Date de mise en ligne : 07/09/2021

https://doi.org/10.3917/crii.092.0012

Notes

  • [1]
    Max Weber, Le savant et le politique : une nouvelle traduction par Catherine Colliot-Thélène (dir.), Paris, La Découverte, 2003, p. 118.
  • [2]
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  • [3]
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  • [4]
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  • [5]
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  • [6]
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  • [7]
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  • [8]
    Bruno Jobert, Pierre Muller, L’État en action. Politiques publiques et corporatisme, Paris, PUF, 1987.
  • [9]
    Par exemple, Pierre Lascoumes, Patrick Le Galès, Sociologie de l’action publique, Paris, Armand Colin, 2012.
  • [10]
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  • [11]
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  • [12]
    Béatrice Hibou (dir.), La privatisation des États, Paris, Karthala, 1999 ; Cyril Magnon-pujo, « La souveraineté est-elle privatisable ? La régulation des compagnies de sécurité privée comme renégociation des frontières de l’État », Politix, 95 (3), 2011, p. 129-153 ; Philipp Genschel, Bernhard Zangl, « L’État et l’exercice de l’autorité politique. Dénationalisation et administration », Revue française de sociologie, 52 (3), 2011, p. 509-535.
  • [13]
    Saskia Sassen, Losing Control ? Sovereignty in an Age of Globalization, New York, Columbia University Press, 1996 ; S. Sassen, Territory, Authority, Rights : From Medieval to Global Assemblages, Princeton, Princeton University Press, 2006.
  • [14]
    Rita Abrahamsen, Michael Williams, Security beyond the State : Private Security in International Politics, New York, Cambridge University Press, 2011 ; Gilles Favarel-Garrigues, Laurent Gayer, « Violer la loi pour maintenir l’ordre. Le vigilantisme en débat », Politix, 115 (3), 2016, p. 7-33.
  • [15]
    Human Rights Watch et Pax Mondial, par exemple, font pression sur les États pour qu’ils interdisent le développement des « robots tueurs ». Ingvild Bode, Hendrik Huelss, « Autonomous Weapons Systems and Changing Norms in International Relations », Review of International Studies, 44 (3), 2018, p. 1-21.
  • [16]
    Florent Pouponneau, « Une division internationale du travail diplomatique. Analyse de la politique étrangère française autour du problème du nucléaire iranien », Revue française de science politique, 63 (1), 2013, p. 51-73.
  • [17]
    Gregory Daho, La transformation des armées : enquête sur les relations civilo-militaires en France (2016), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2020 ; Delphine Lecombe, Nous sommes tous en faveur des victimes : la diffusion de la justice transitionnelle en Colombie, Paris, LGDJ, 2014 ; F. Pouponneau, La politique française de non-prolifération nucléaire : de la division du travail diplomatique, Bruxelles, Peter Lang, 2015.
  • [18]
    Yves Buchet de Neuilly, L’Europe et la politique étrangère, Paris, Économica, 2005 ; Antoine Vauchez, « Le prisme circulatoire. Retour sur un leitmotiv académique », Critique internationale, 59 (2), 2013, p. 9-16.
  • [19]
    Elke Krahmann, « Conceptualizing Security Governance », Cooperation and Conflict, 38 (1), 2003, p. 5-26 ; Anna Leander, « The Power to Construct International Security : On the Significance of Private Military Companies », Millennium, 33 (3), 2005, p. 803-825.
  • [20]
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  • [21]
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  • [22]
    Franck Petiteville, Andy Smith, « Analyser les politiques publiques internationales », Revue française de science politique, 56 (3), 2016, p. 357-366.
  • [23]
    Nathalie Duclos, Courtiers de la paix. Les vétérans au cœur du statebuilding international au Kosovo, Paris, CNRS Éditions, 2018.
  • [24]
    Ce dossier laisse ainsi de côté le cas des violences qui s’exprimeraient totalement en marge de l’État et des institutions nationales et internationales, violences souvent caractérisées trop rapidement comme étant illégitimes ou privées.
  • [25]
    Pour une première synthèse de cette perspective, voir Sandrine Lefranc, « Ce qui se joue à l’international. Les relations internationales à l’épreuve de la sociologie des crises politiques », dans Myriam Aït-Aoudia, Antoine Roger (dir.), La logique du désordre. Relire la sociologie de Michel Dobry, Paris, Presses de Sciences Po, 2015, p. 199-220.
  • [26]
    Y. Buchet de Neuilly, « La gestion internationale routinière des crises. Sectorisation des relations internationales et mondialisation de l’institution étatique », dans ibid., p. 221-224.
  • [27]
    Pierre Bourdieu, Sur l’État. Cours au Collège de France 1989-1992, Paris, Le Seuil, 2012. Par espaces sociaux, nous entendons ici des sphères sociales relativement autonomisées et fonctionnant tendanciellement selon des logiques spécifiques. Nous retenons le terme d’espace social plutôt que celui de champ, parce que ces sphères ne possèdent pas nécessairement l’ensemble des propriétés qui définissent un champ (l’autonomisation et l’homologie structurale, notamment).
  • [28]
    Dans le cas de l’Afghanistan, Gilles Dorronsoro propose par exemple une analyse de ce qu’il nomme un « gouvernement transnational » dans des registres que l’on pourrait ici rapprocher. Gilles Dorronsoro, Le gouvernement transnational de l’Afghanistan : une si prévisible défaite, Paris, Karthala, 2021.
  • [29]
    Marian Eabrasu, « Les états de la définition wébérienne de l’État », Raisons politiques, 45 (1), 2012, p. 187-209.
  • [30]
    P. Bourdieu, « L’opinion publique n’existe pas », Les Temps modernes, 318, janvier 1973, p. 1292-1309 (repris dans Questions de sociologie, Paris, Les Éditions de Minuit, 1984, p. 222-235).
  • [31]
    Michel Dobry, « Le président de la République en cohabitation. Modes de pensée préconstitués et logiques sectorielles », dans Bernard Lacroix, Jacques Lagroye (dir.), Le Président de la République. Usages et genèses d’une institution, Paris, Presses de Sciences Po, 1992, p. 276-277.
  • [32]
    Yves Déloye, Sociologie historique du politique, Paris, La Découverte, 2017.
  • [33]
    Janice Thomson, Mercenaries, Pirates and Sovereigns. State-building and Extraterritorial Violence in Early Modern Europe, Princeton, Princeton University Press, 1994.
  • [34]
    Serge Gruzinski, La pensée métisse, Paris, Fayard, 1999.
  • [35]
    Patrick Carroll, « Articulating Theories of States and State Formation », Journal of Historical Sociology, 22 (4), 2009, p. 553-603 ; Desmond King, Patrick Le Galès, « Conceptualiser l’État contemporain », Revue française de sociologie, 52 (3), 2011, p. 453-559.
  • [36]
    M. Weber, Le savant et le politique : une nouvelle traduction, op. cit. (nous soulignons).
  • [37]
    Sur ce point, voir également C. Colliot-Thélène, « La fin du monopole de la violence légitime ? », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 34 (1), 2003, p. 5-31.
  • [38]
    P. Bourdieu, « Esprits d’État : genèse et structure du champ bureaucratique », Actes de la recherche en sciences sociales, 96-97, 1993, p. 49-62.
  • [39]
    Michel Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France, Paris, Le Seuil, 1997.
  • [40]
    Bob Jessop, « Bringing the State Back In (Yet Again) : Reviews, Revisions, Rejections, and Redirections », International Review of Sociology, 11 (2), 2001, p. 149-173.
  • [41]
    Timothy Mitchell, « The Limits of the State : Beyond Statist Approaches and Their Critics », American Political Science Review, 85 (1), 1991, p. 77-96 ; J. Thomson, « State Sovereignty in International Relations : Bridging the Gap Between Theory and Empirical Research », International Studies Quarterly, 39 (2), 1995, p. 213-233.
  • [42]
    S. Strange, The Retreat of the State : The Diffusion of Power in the World Economy, op. cit.
  • [43]
    James Rosenau, Ernst Czempiel (eds), Governance without Government : Order and Change in World Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1992 ; Michael Barnett, Raymond Duvall (eds), Power in Global Governance, Cambridge, Cambridge University Press, 2005.
  • [44]
    Rob B. J. Walker, Inside/Outside : International Relations as Political Theory, Cambridge, Cambridge University Press, 1993.
  • [45]
    Cynthia Weber, Simulating Sovereignty : Intervention, the State and Symbolic Exchange, Cambridge, Cambridge University Press, 1995.
  • [46]
    Patricia Owens, « Distinctions, Distinctions : “Public” and “Private” Force ? », International Affairs, 84 (5), 2008, p. 977-990.
  • [47]
    Thomas Biersteker, Cynthia Weber (eds), State Sovereignty as Social Construct, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.
  • [48]
    Jonathan Jospeh, « The Limits of Governmentality : Social Theory and the International », European Journal of International Relations, 16 (2), 2010, p. 223-246 ; Nico Krisch, « Liquid Authority in Global Governance », International Theory, 9 (2), 2017, p. 237-260.
  • [49]
    Julia Costa Lopez, Benjamin De Carvalho, Andrew A. Latham, Ayse Zarakol, Jens Bartelson, Minda Holm, « Forum : In the Beginning There Was no World (for It) : Terms, Concepts, and Early Sovereignty », International Studies Review, 20 (3), 2018, p. 489-519 ; Benjamin De Carvalho, Halvard Leira, John M. Hobson, « The Big Bangs of IR : The Myths that Your Teachers Still Tell You about 1648 and 1919 », Millennium, 39 (3), 2011, p. 735-758.
  • [50]
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  • [51]
    Roland Paris, « The Right to Dominate : How Old Ideas about Sovereignty Pose New Challenges for World Order », International Organization, 74 (3), 2020, p. 453-489.
  • [52]
    C. Magnon-pujo, « Normer la violence privée ? La construction sociale d’un contrôle des compagnies de sécurité privée », thèse de doctorat en science politique, Université Paris 1, 2015 ; Jacobo Grajales, Romain Le Cour Grandmaison, L’État malgré tout. Produire l’autorité dans la violence, Paris, Karthala, 2019.
  • [53]
    Si ce diagnostic semble être relativement partagé, tous les auteurs ne proposent pas une chronologie similaire du renforcement de ce brouillage, certains le datant du 11 septembre 2001, d’autres de la fin de la guerre froide, voire de la seconde guerre mondiale ou de la Révolution française. M. Dobry, « Exposé conclusif », colloque « Gouverner la violence ? Dynamiques normatives autour de la violence contemporaine », Idex-Lyon, Triangle, Université Lyon 2, 8 novembre 2019.
  • [54]
    Ibid.
  • [55]
    Ibid. ; P. Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Les Éditions de Minuit, 1980.
  • [56]
    Par transaction collusive, nous entendons des échanges entre acteurs situés dans des espaces sociaux différenciés, qui apparaissent peu légitimes, voire illégitimes du point de vue de la logique propre à chacun de ces espaces. M. Dobry, « Valeurs, croyances et transactions collusives. Notes pour une réorientation de la théorie de la légitimation des systèmes démocratiques », dans Javier Santiso (dir.), À la recherche de la démocratie : mélanges offerts à Guy Hermet, Paris, Karthala, 2002, p. 103-120.
  • [57]
    Ce dossier s’inscrit dans le projet « Gouverner la violence ? Dynamiques normatives autour de la violence contemporaine », coordonné par Cyril Magnon-pujo (projet IMPULSION – IDEXLYON, Université de Lyon – Programme Investissement d’Avenir (ANR-16-IDEX-0005). Nous remercions Yves Buchet de Neuilly, Dorota Dakowska et Cécile Jouhanneau, qui ont discuté des versions antérieures de ces textes lors d’un colloque organisé à Lyon en novembre 2019. Les contributions à ce colloque de Michel Dobry, Nathalie Duclos, Delphine Griveaud et Pierre France ont également grandement contribué à notre réflexion collective, enrichie par les remarques d’Hélène Combes, du comité de rédaction de Critique internationale et des évaluateurs et évaluatrices anonymes de la revue. Enfin, ce dossier n’aurait pu aboutir sans l’aide de Catherine Burucoa.

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