Couverture de CRII_079

Article de revue

Moraliser les dirigeants syndicaux ? Sur les usages politiques d’une loi de transparence financière dans le syndicalisme états-unien

Pages 135 à 157

Notes

  • [1]
    Seymour Martin Lipset, Martin A. Trow, James S. Coleman, Union Democracy : The Internal Politics of the International Typographical Union, Glencoe, Free Press, 1956.
  • [2]
    Il y avait 134 syndicats en 2014. L’affiliation à la principale fédération, l’American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO) n’est pas la norme. En 2014, elle regroupait 57 syndicats comptant dans leurs rangs la majorité des 14,6 millions d’adhérents (soit 11,1 % des travailleurs, tous secteurs confondus). Court Gifford, Directory of U.S. Labor Organizations 2014, Arlington, Bloomberg BNA, 2014.
  • [3]
    Mancur Olson, Logique de l’action collective, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2011 (1965).
  • [4]
    Stanley Aronowitz, False Promises : The Shaping of American Working Class Consciousness, Durham, Duke University Press, 1992 (1973).
  • [5]
    Nelson Lichtenstein, State of the Union : A Century of American Labor, Princeton, Princeton University Press, 2013 (2002).
  • [6]
    Aaron Brenner, Robert Brenner, Calvin Winslow (eds), Rebel Rank and File : Labor Militancy and Revolt from Below in the Long 1970s, New York, Verso, 2010.
  • [7]
    Charles Tilly, La France conteste : de 1600 à nos jours, Paris, Fayard, 1986. Sur l’évolution de ce concept chez Tilly, voir Olivier Fillieule, « Tombeau pour Charles Tilly : répertoires, performances et stratégies d’action », dans Olivier Fillieule, Éric Agrikoliansky, Isabelle Sommier (dir.), Penser les mouvements sociaux : conflits sociaux et contestations dans les sociétés contemporaines, Paris, La Découverte, 2010, p. 77-99.
  • [8]
    Michel Offerlé, « Retour critique sur les répertoires de l’action collective (XVIIIe-XXIe siècles) », Politix, 81, 2008, p. 182.
  • [9]
    Je remercie Karim Fertikh et Hélène Michel pour leurs remarques sur des premières versions de ce texte ainsi que les évaluateurs anonymes de Critique internationale pour leurs commentaires.
  • [10]
    Dans les années 2000, d’autres États occidentaux ont mis en place des dispositifs similaires. En France, la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale fait de la transparence financière l’un des principaux critères de la représentativité syndicale. Au Canada, une loi a vu le jour en 2014 avant d’être abrogée en 2017. Rémi Bourguignon, Karel Yon, « La transparence financière des organisations syndicales au prisme de la démocratie syndicale », communication au 6e Congrès de l’Association française de sociologie, Saint-Quentin-en-Yvelines, juillet 2015 ; Thomas Collombat, Laurence-Léa Fontaine, « Un an de gouvernement Trudeau : quel bilan pour le mouvement syndical ? », Chronique internationale de l’IRES, 157, 2017, p. 29-42.
  • [11]
    Archon Fung, Mary Graham, David Weil, Full Disclosure : The Perils and Promise of Transparency, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.
  • [12]
    Robert S. Atkin, Marick F. Masters, « Union Democracy and the Labor-Management Reporting and Disclosure Act : An Alternative Reform Proposal », Employee Responsibilities and Rights Journal, 8 (3), 1995, p. 193-208.
  • [13]
    Cécile Robert, « La politique européenne de transparence (2005-2016) : de la contestation à la consécration du lobbying », Gouvernement et action publique, 6 (1), 2017, p. 9-32.
  • [14]
    John D. McCarthy, Mayer N. Zald, « Resource Mobilization and Social Movements : A Partial Theory », American Journal of Sociology, 82 (6), 1977, p. 1212-1241.
  • [15]
    M. Offerlé, Sociologie des groupes d’intérêt, Paris, Montchrestien, 1998 (1994).
  • [16]
    Les noms des structures syndicales et des individus dont les informations sont publiques (par exemple les dirigeants syndicaux locaux et nationaux) n’ont pas été modifiés. En revanche, ceux de la plupart des personnes interviewées l’ont été en respectant le genre et l’appartenance à une minorité racisée. Les différents documents et extraits d’entretiens convoqués sont traduits par nos soins.
  • [17]
    Les définitions de la démocratie syndicale sont variables et les travaux consacrés à cette thématique nombreux. Margaret Levi, David Olson, Jon Agnone, Devin Kelly, « Union Democracy Reexamined », Politics & Society, 37 (2), 2009, p. 203-228 ; George Strauss, « Union Democracy », dans Jack Fiorito, Daniel G. Gallagher, George Strauss (eds), The State of the Unions, Madison, Industrial Relations Research Association, 1991, p. 201-236.
  • [18]
    Les antennes syndicales portent souvent des numéros qui correspondent à leur ancienneté (la première en date porte le n°1 et ainsi de suite). Ici, « B » renvoie à building (immobilier) et « J » à janitorial (que l’on peut traduire, à défaut d’équivalent en français, par services de nettoyage), ces deux lettres correspondant aux périmètres de syndicalisation de l’antenne.
  • [19]
    Statuts du SEIU, Art. IV Section 4., révision de 2012, et statuts de l’UFCW, Art. 15., révision de 2008.
  • [20]
    N. Lichtenstein, State of the Union : A Century of American Labor, op. cit.
  • [21]
    « Profile – Gus Bevona », 32B-32J, juin-juillet 1981, p. 3. Local 32B-32J Collection. Walter P. Reuther Library, Archives of Labor and Urban Affairs, Wayne State University.
  • [22]
    Ibid.
  • [23]
    Au sujet des formations sur le mouvement syndical destinées aux travailleurs et/ou aux syndicalistes de profession, voir Richard Dwyer, « Workers’ Education, Labor Education, Labor Studies : An Historical Delineation », Review of Educational Research, 47 (1), 1977, p. 179-207. Sur l’université de Cornell en particulier, voir K. Yon, « Contribution à une sociologie des lieux de production symbolique des relations professionnelles : Cornell et le “renouveau syndical” », communication au 6e congrès des Associations francophones de science politique, Lausanne, février 2015. Sur la discipline des relations industrielles et l’idéologie qui la sous-tend, voir Christopher L. Tomlins, The State and the Unions : Labor Relations, Law, and the Organized Labor Movement in America, 1880-1960, Cambridge, Cambridge University Press, 1985.
  • [24]
    « Thomas P. McNutt – President », site internet de l’UFCW Local 400, archivé le 12 novembre 2012.
  • [25]
    Dans le syndicalisme états-unien, le népotisme est une pratique courante bien que contestée. Voir Harold L. Wilensky, Intellectuals in Labor Unions : Organizational Pressures on Professional Roles, Glencoe, Free Press, 1956.
  • [26]
    Entretien avec un consultant travaillant depuis les années 1970 avec différents employeurs négociant des accords collectifs avec l’antenne 400 de l’UFCW, Washington DC, 8 mai 2012.
  • [27]
    Kyoung-Hee Yu, « Between Bureaucracy and Social Movements : Careers in the Justice for Janitors », thèse de doctorat en sociologie, Cambridge, MIT, 2008.
  • [28]
    Rick Fantasia, Kim Voss, Des syndicats domestiqués : répression patronale et résistance syndicale aux États-Unis, Paris, Raisons d’agir, 2003.
  • [29]
    SEIU Local 32B-32J, 1934-1994 – Sixty Years of Progress, New York, Allied Printing Trades Council, 1994, et UFCW Local 400, « Security and Opportunity », Union Leader, 42 (2), juin-août 2010, p. 2-3.
  • [30]
    D’une manière générale, les rémunérations des dirigeants syndicaux états-uniens locaux et nationaux sont sans commune mesure avec celles de leurs homologues européens. N. Lichtenstein, State of the Union : A Century of American Labor, op. cit.
  • [31]
    Ibid.
  • [32]
    K-H. Yu, Between Bureaucracy and Social Movements : Careers in the Justice for Janitors, op. cit.
  • [33]
    Kim Voss, Rachel Sherman, « Breaking the Iron Law of Oligarchy : Union Revitalization in the American Labor Movement », American Journal of Sociology, 106 (2), 2000, p. 303-349.
  • [34]
    R. Fantasia, K. Voss, Des syndicats domestiqués : répression patronale et résistance syndicale aux États-Unis, op. cit.
  • [35]
    Carlos Guzman v. Gus Bevona and Local 32B-32J Executive Board, 791 F.Supp. 80 (1992). SEIU Executive Office : John Sweeney Records, Box 9, Folder 14, Walter P. Reuther Library, Archives of Labor and Urban Affairs, Wayne State University.
  • [36]
    « Dues Boost Approved by Overwhelming Majority », 32B-32J, 58 (1), janvier-février 1991, p. 1, 4-5. Local 32B-32J Collection. Walter P. Reuther Library, Archives of Labor and Urban Affairs, Wayne State University.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    Ibid.
  • [39]
    Carlos Guzman v. Gus Bevona and Local 32B-32J Executive Board, cité.
  • [40]
    Peter S. Bearman, Doormen, Chicago, University of Chicago Press, 2005.
  • [41]
    Ruth Milkman (ed.), Organizing Immigrants : The Challenge for Unions in Contemporary California, Ithaca, ILR Press, 2000.
  • [42]
    P. S. Bearman, Doormen, op. cit.
  • [43]
    Herman W. Benson, « A Rising Tide of Union Democracy », dans Ray M. Tillman, Michael S. Cummings, The Transformation of U.S. Unions : Voices, Visions and Strategies from the Grassroots, Londres, Lynne Rienner Publishers, 1999, p. 27-47.
  • [44]
    Pour une introduction à cette notion, voir Liora Israël, L’arme du droit, Paris, Presses de Sciences Po, 2009.
  • [45]
    H. W. Benson, « A Rising Tide of Union Democracy », cité.
  • [46]
    A. Brenner, R. Brenner, C. Winslow (eds), Rebel Rank and File : Labor Militancy and Revolt from Below in the Long 1970s, op. cit.
  • [47]
    Entretien avec des militants du Comité pour un syndicat démocratique, Bowie, Maryland, 13 novembre 2012.
  • [48]
    « About US », site internet du Comité pour un syndicat démocratique, page archivée le 2 avril 2012.
  • [49]
    Entretien avec des militants du Comité pour un syndicat démocratique, cité.
  • [50]
    Christopher Hood, David Heald (eds), Transparency : The Key to Better Governance ?, Oxford, Oxford University Press, 2011.
  • [51]
    N. Lichtenstein, State of the Union : A Century of American Labor, op. cit.
  • [52]
    Ibid.
  • [53]
    Gary N. Chaison, Unions in America, Thousand Oaks, Sage Publications, 2006.
  • [54]
    N. Lichtenstein, State of the Union : A Century of American Labor, op. cit.
  • [55]
    Pour des développements, voir Émilien Julliard, « Contraindre le fait syndical par sa mise en transparence financière aux États-Unis (années 1950-années 2010) », Revue française d’administration publique, 165, 2018, à paraître.
  • [56]
    M. Offerlé, Sociologie des groupes d’intérêt, op. cit.
  • [57]
    Pourtant, G. Bevona était soupçonné d’entretenir des liens avec la mafia. P. S. Bearman, Doormen, op. cit. Ce sont généralement des audits de la comptabilité menés, au-delà de ce qui est déclaré, par des agents du Département du Travail qui révèlent les pratiques délictueuses. A. Fung, M. Graham, D. Weil, Full Disclosure : The Perils and Promise of Transparency, op. cit.
  • [58]
    C. Robert, « Les instruments de la transparence : usages et enjeux politiques des formes de connaissances sur le lobbying », communication au 14e Congrès de l’Association française de science politique, Montpellier, juillet 2017.
  • [59]
    A. Fung, M. Graham, D. Weil, Full Disclosure : The Perils and Promise of Transparency, op. cit.
  • [60]
    En 1999, alors qu’il n’était pas encore possible de consulter les comptes syndicaux en ligne, l’Administration a enregistré 8 000 demandes. L’essentiel des requêtes émanait d’entreprises, de consultants patronaux ainsi que d’universitaires, et non des syndiqués. Il est peu probable que la sociologie des demandeurs soit très différente depuis la mise en ligne des déclarations en 2002. Ibid.
  • [61]
    R. Atkin, M. Masters, « Union Democracy and the Labor-Management Reporting and Disclosure Act : An Alternative Reform Proposal », art. cité.
  • [62]
    Phillip B. Wilson, « Conquering the Enemy Within : The Case for Reform of the Landrum-Griffin Act », Journal of Labor Research, 26 (1), 2005, p. 135-154.
  • [63]
    Il faut un temps considérable pour remplir ces nouvelles déclarations, si bien que cette réforme a été considérée par certains comme une entrave à la bonne marche des organisations syndicales voulue par les Républicains. John Logan, « Union Financial Reporting and Disclosure under the LMRDA : A Comparison of the Bush and Obama Administrations », dans David Lewin, Paul J. Gollan (eds), Advances in Industrial and Labor Relations, Bingley, Emerald, 21, 2015, p. 29-55.
  • [64]
    Ibid.
  • [65]
    Ibid.
  • [66]
    Il fallait se rendre alors soit au Département du Travail à Washington DC, soit dans l’un de ses bureaux présents dans chaque État. Il était également possible de faire parvenir les déclarations par courrier, mais ce service est payant et peut se révéler onéreux. A. Fung, M. Graham, D. Weil, Full Disclosure : The Perils and Promise of Transparency, op. cit.
  • [67]
    Damien de Blic, Cyril Lemieux, « Le scandale comme épreuve : éléments de sociologie pragmatique », Politix, 71 (3), 2005, p. 9-38.
  • [68]
    P. S. Bearman, Doormen, op. cit.
  • [69]
    Alan Finder, « Reclusive Building Union Chief Earned $412,000 in 1989 », The New York Times, 8 mai 1991. L’article figure dans les archives du SEIU. SEIU Executive Office : John Sweeney Records, Box 9, Folder 14, Walter P. Reuther Library, Archives of Labor and Urban Affairs, Wayne State University.
  • [70]
    Ibid.
  • [71]
    « About US », site internet du Comité pour un syndicat démocratique, page archivée le 2 avril 2012.
  • [72]
    Source : déclarations comptables de l’antenne 400 de l’UFCW pour la période 1997-2009. Le montant des salaires est en dollar constant, à sa valeur en 2013.
  • [73]
    Source : déclarations comptables de l’antenne 400 de l’UFCW pour la période 1990-2013. Le montant des salaires est en dollar constant, à sa valeur en 2013.
  • [74]
    Messages postés sur la page Facebook du Comité pour un syndicat démocratique, archivés le 18 novembre 2012.
  • [75]
    D. de Blic, C. Lemieux, « Le scandale comme épreuve : éléments de sociologie pragmatique », art. cité.
  • [76]
    La littérature souligne l’importance d’adopter une perspective dynamique et interactionnelle sur les modes d’action déployés par les groupes mobilisés, qui dépendent notamment des coups portés par leurs adversaires. Hélène Combes, Olivier Fillieule, « De la répression considérée dans ses rapports à l’activité protestataire », Revue française de science politique, 61 (6), 2011, p. 1047-1072.
  • [77]
    Carlos Guzman v. Gus Bevona and Local 32B-32J Executive Board, cité.
  • [78]
    Ibid.
  • [79]
    Ibid.
  • [80]
    Ibid.
  • [81]
    L. Israël, L’arme du droit, op. cit.
  • [82]
    Il semble que les parrainages aient été introduits cette année-là en réponse à l’activité dissidente, d’après les propos de G. Bevona tenus lors d’une réunion syndicale ouverte aux adhérents à l’automne 1992. SEIU Local 32B-32J Records, Box 12. Walter P. Reuther Library, Archives of Labor and Urban Affairs, Wayne State University.
  • [83]
    P. S. Bearman, Doormen, op. cit.
  • [84]
    Members for a Better Union v. Bevona, 972 F. Supp. 240 (1997).
  • [85]
    P. S. Bearman, Doormen, op. cit.
  • [86]
    Members for a Better Union v. Bevona, cité.
  • [87]
    Statuts de l’antenne 32B-32J du SEIU, Art. XVI, révision de 2009. Les statuts de 2009 valent comme preuve partielle : dans la mesure où il nous a été impossible d’avoir accès aux statuts de l’époque, il nous faut supposer que les règles sont restées les mêmes depuis les années 1990.
  • [88]
    P. S. Bearman, Doormen, op. cit.
  • [89]
    Members for a Better Union v. Bevona, cité.
  • [90]
    P. S. Bearman, Doormen, op. cit.
  • [91]
    Entretien avec des militants du Comité pour un syndicat démocratique, cité.
  • [92]
    Entretien avec une permanente de l’antenne 400 de l’UFCW, Woodbridge, Virginie, 20 juin 2013.
  • [93]
    Entretien avec des militants du Comité pour un syndicat démocratique, cité.
  • [94]
    Liste électorale remise par les opposants.
  • [95]
    Frédéric Sawicki, Bruno Duriez, « Réseaux de sociabilité et adhésion syndicale. Le cas de la CFDT », Politix, 63, 2003, p. 17-51.
  • [96]
    Entretien avec des militants du Comité pour un syndicat démocratique, cité.
  • [97]
    Ibid.
  • [98]
    Ibid.
  • [99]
    Ibid.
  • [100]
    Jérôme Pélisse, « A-t-on conscience du droit ? Autour des Legal Consciousness Studies », Genèses, 59 (2), 2005, p. 114-130.
  • [101]
    Pièces contenues dans le dossier de contestation des élections daté du 8 novembre 2012 adressé par les opposants au permanent de l’UFCW supervisant le scrutin.
  • [102]
    Ibid.
  • [103]
    Ibid.
  • [104]
    Joseph T. Hansen, UFCW International President, « To Candidates in UFCW Local n° 400’s October 2012 Election », 6 février 2013. Courrier présent sur le site internet des opposants, archivé le 13 février 2013.
  • [105]
    « Tom McNutt Resigns as President ; Mark Federici Takes Leadership Role », 30 novembre 2012. Site de l’antenne 400 de l’UFCW, archivé le 25 janvier 2013.
  • [106]
    Robert Michels, Sociologie du parti dans la démocratie moderne : enquête sur les tendances oligarchiques de la vie des groupes, Paris, Gallimard, 2015 (1911).
  • [107]
    S. M. Lipset, M. Trow, J. Coleman, Union Democracy : The Internal Politics of the International Typographical Union, op. cit.
  • [108]
    K. Voss, R. Sherman, « Breaking the Iron Law of Oligarchy : Union Revitalization in the American Labor Movement », art. cité.
  • [109]
    D. de Blic, C. Lemieux, « Le scandale comme épreuve : éléments de sociologie pragmatique », art. cité.

1 contrairement au Syndicat de l’imprimerie étudié par Lipset, Trow et Coleman, dans lequel les luttes entre deux factions ont permis de contenir la formation d’une oligarchie [1], le syndicalisme états-unien est marqué, dans son ensemble, par une absence de vie politique interne. Aujourd’hui encore, il est composé de nombreuses organisations [2] construites historiquement sur les périmètres des métiers et des secteurs d’activité. Les syndicats états-uniens n’ont pas la prétention de représenter les travailleurs dans leur totalité. Selon la règle générale de l’union shop, les travailleurs ont obligation d’adhérer à un syndicat déterminé, reconnu préalablement par la majorité des salariés d’une unité de négociation (bargaining unit). En échange de leurs cotisations, la plupart du temps déduites directement de leurs salaires, les adhérents (et eux seuls) bénéficient de l’accord collectif (labor contract) négocié par le syndicat – par le biais de l’une de ses antennes syndicales (local unions) –, et couvrant, selon les cas, un ou des sites d’établissement d’une ou plusieurs entreprises. Cet accord régit les salaires, les conditions de travail et des avantages sociaux (benefits), dont une assurance santé et des pensions de retraite. Ce syndicalisme « coercitif » (coercive), selon le mot de Olson [3], aurait pour effet de dépolitiser les adhérents, certains d’entre eux ne sachant même pas qu’ils sont membres [4]. De fait, au moment des élections des dirigeants syndicaux (locaux ou nationaux), les listes d’opposition sont rares et la participation très faible. Pourtant, à partir des années 1960, le syndicalisme a été remis en cause dans ses logiques de fonctionnement instituées après-guerre [5] par des groupes de militants qui se revendiquent « de la base » [6], et contestent les dirigeants syndicaux en fonction. Leurs actions collectives pour lutter contre ces derniers ont solidifié un ensemble de modes d’action qui se sont constitués en un répertoire d’action collective, concept de Charles Tilly [7] désignant ici « la somme des moyens d’action effectivement utilisés ou utilisables par une organisation ou un mouvement » [8]. L’une des composantes de ce répertoire a été la mobilisation des comptes syndicaux, rendus publics par l’État fédéral. C’est à ce type d’usage politique de la « transparence financière » du syndicalisme, impliquant l’obligation de dévoiler la comptabilité syndicale, que nous nous intéressons ici [9].

2 Le Labor-Management Reporting and Disclosure Act (LMRDA), ou loi Landrum-Griffin, votée en 1959, est certainement l’un des dispositifs les plus anciens de transparence financière du syndicalisme [10], concernant les structures dont une partie au moins des adhérents se recrute dans le secteur privé. Le LMRDA est plus large qu’une simple loi de transparence. Entre autres, il régule la vie interne des syndicats. Par exemple, pour les élections des dirigeants syndicaux, les adhérents ont la garantie d’un ensemble de droits : élire régulièrement leurs dirigeants, pouvoir se déclarer candidat, contester une élection. Les syndiqués ont également la possibilité de voter sur la hausse des cotisations et sur des points soulevés lors des réunions syndicales. La loi contraint également toutes les structures syndicales (fédérations, sièges syndicaux, antennes syndicales et autres corps intermédiaires) à déposer chaque année leurs comptes auprès du Département du Travail, par le biais des formulaires normés. Ces données sont publiques, consultables par toute personne intéressée. Il s’agit notamment de permettre aux adhérents de connaître l’utilisation de leurs cotisations, qui constituent l’essentiel des ressources des syndicats [11]. Ce volet de la loi repose sur la croyance selon laquelle la « transparence » permet de lutter contre des comportements illégaux ou réprouvés par l’« opinion publique » (tels que des rémunérations élevées) [12]. Ce mode de gouvernement des pratiques, dont le principe est d’amener les acteurs concernés à choisir de changer leur comportement, plutôt que de prendre le risque de voir leur image détériorée par le maintien de pratiques discréditées par les informations émises, est généralement daté du début du XXe siècle aux États-Unis [13].

3 Ainsi les déclarations comptables peuvent-elles être mobilisées lors de contestations des dirigeants syndicaux. Des acteurs récupèrent les comptes auprès de l’État fédéral, puis ils en extraient certains éléments qu’ils dévoilent aux adhérents, afin de les mobiliser pour mettre un terme au mandat de leurs représentants, ou les contraindre à agir différemment. Ces informations permettent à ces entrepreneurs de cause [14] de recourir au registre de la scandalisation [15], en objectivant les différences entre les conditions matérielles d’existence des représentants syndicaux et celles de leurs mandants. Ce faisant, la « transparence » est à la base d’une critique morale de la représentation, issue de catégorisations ordinaires largement partagées : le représentant serait plus proche dans son mode de vie du « patron » que des salariés dont il est censé défendre les intérêts. Nous analysons comment et avec quelles conséquences des entrepreneurs de dissidence ont fait usage des comptes syndicaux, mis en forme et rendus disponibles par un dispositif public de transparence.

4 Pour cela, nous étudions deux mouvements dissidents qui sont apparus au niveau d’antennes syndicales, respectivement dans les années 1990 et au début des années 2010 [16]. La première antenne est affiliée au Service Employees International Union (SEIU), qui comptait plus d’un million d’adhérents dans les années 1990. La seconde dépend du United Food and Commercial Workers (UFCW), qui revendiquait 1,3 million de membres au début des années 2010. Ces structures locales de syndicats majeurs opérant dans les services sont parmi les plus importantes de leur organisation (plusieurs dizaines de milliers de travailleurs en sont adhérents). Au moment où les dissidences ont éclaté, elles connaissaient des difficultés (déclin des effectifs, négociation d’accords collectifs au rabais), ce qui a rendu d’autant plus facile la remise en cause de la légitimité de leurs dirigeants. Pour notre étude de l’antenne du SEIU, nous avons surtout utilisé des documents (pétitions, presse syndicale, réunions syndicales filmées, témoignages lors de procès) issus des archives du syndicat entreposées à la bibliothèque Walter P. Reuther de l’université d’État de Wayne à Détroit. Pour la structure de l’UFCW, nous avons principalement mobilisé les entretiens que nous avons conduits auprès de dissidents et de permanents, ainsi que les outils de propagande du mouvement d’opposition (site internet, tracts).

5 Nous retracerons tout d’abord les contextes dans lesquels des entrepreneurs de dissidence ont contesté la légitimité des dirigeants des antennes syndicales, en inscrivant leur mobilisation dans le sillage des luttes pour un autre syndicalisme. Nous nous intéresserons ensuite à la façon dont ces acteurs ont mobilisé les déclarations comptables pour faire scandale, et aux effets de ce mode d’action sur les possibilités d’opposition aux dirigeants en fonction.

Des appropriations différenciées des luttes pour un autre syndicalisme

6 Les dirigeants des antennes syndicales fondent leur légitimité sur leur capacité à négocier les « meilleurs accords collectifs possible ». Ils incarnent une conception experte du syndicalisme, centrée sur les services et avantages sociaux à destination des adhérents. Or, si elle est centrale, cette conception est remise en cause depuis les années 1960 par des acteurs se revendiquant d’autres visions du syndicalisme. Leurs mouvements ont pris de l’ampleur en partie parce que les dirigeants traditionnels ne parviennent plus à maintenir la qualité des accords collectifs négociés, qui est à la base de leur légitimité. Dans les cas étudiés ici, des acteurs ont tenté de créer un mouvement d’opposition aux dirigeants locaux au nom de la « démocratie syndicale » [17]. Pour ce faire, ils ont repris le répertoire d’action établi par des luttes similaires et largement basé sur des dispositions du LMRDA.

Lutter contre les « labor barons »

7 Les entrepreneurs de dissidence s’en sont pris à des dirigeants syndicaux qui partagent beaucoup de caractéristiques communes. Ils étaient à la tête d’antennes syndicales qui sont parmi les plus grandes de leur organisation. Au début des années 1990, l’antenne 32B-32J du SEIU [18], implantée dans la ville de New York, comptait environ 70 000 adhérents, principalement des concierges et des agents de maintenance de bâtiments résidentiels et commerciaux, œuvrant dans plusieurs milliers d’immeubles surtout situés dans Manhattan. Au début des années 2010, l’antenne 400 de l’UFCW revendiquait un peu moins de 30 000 membres, employés majoritairement dans des supermarchés répartis dans huit États autour de Washington DC (plus de 300 magasins). L’importance numérique de ces deux antennes donne à leurs dirigeants un poids non négligeable au sein de leur syndicat. En effet, dans les deux cas, le nombre de délégués envoyés au congrès du syndicat pour voter sur les résolutions et élire l’équipe dirigeante nationale est calculé au prorata des effectifs des antennes [19]. Pour les mêmes raisons, les dirigeants de ces antennes détiennent en général des mandats nationaux et siègent au comité directeur (executive board) de leur syndicat.

8 Les dissidences se sont formées principalement contre les présidents de ces antennes alors en fonction et non pas contre l’ensemble des équipes dirigeantes (composées chacune, entre autres, d’un secrétaire-trésorier, d’un ou de plusieurs vice-présidents, ainsi que de permanents non élus à la tête de différents départements). Devenus très jeunes des syndicalistes de profession, ces présidents ont construit leurs carrières au niveau des antennes syndicales en occupant des postes dédiés à la négociation et à l’administration des accords collectifs. Il s’agit de fonctions centrales, y compris localement, du fait de la décentralisation des relations professionnelles [20]. Ainsi, Gus Bevona (1940-2010), président de l’antenne 32B-32J du SEIU entre 1981 et 1999, a débuté sa carrière syndicale en 1959 en tant que permanent dédié à des tâches administratives au sein de cette structure où s’est déroulée toute sa carrière. En 1965, il est devenu chargé de tournées dans les sites syndiqués (business agent). Cette position, qui est la plus courante au niveau des antennes syndicales, consiste à visiter différents sites afin de résoudre les problèmes des adhérents dans le cadre des accords collectifs (erreur de rémunération, licenciement abusif par exemple). Il a commencé à occuper des fonctions électives en 1966, et a accédé à la présidence de l’antenne en 1981. S’il dit avoir suivi des formations à l’Université, ses débuts comme permanent à l’âge 19 ans indiquent qu’il n’était pas diplômé du supérieur [21]. Les cours qu’il a suivis à Cornell [22] – lieu central pour la diffusion des acquis de la discipline des relations industrielles, qui promeut la « pacification » des relations professionnelles [23] – lui ont permis de devenir un expert de la négociation et de l’application des accords collectifs.

9 La carrière de Tom McNutt, président de l’antenne 400 de l’UFCW entre 2010 et 2012 est relativement similaire. Né à la fin des années 1950, il a arrêté ses études après le lycée en 1975 pour travailler comme caissier dans un magasin syndiqué par l’UFCW. En 1980, il est devenu organizer (il recrutait de nouveaux membres) pour une antenne de l’UFCW dans le Maryland, puis pour une autre antenne en Pennsylvanie, dont il a été élu secrétaire-trésorier en 1982. En 1985, il est devenu chargé de tournées syndicales pour une autre antenne encore [24], puis permanent de l’antenne 400 en 1993, en tant que directeur de l’organizing. Nous pouvons penser que son père, qui dirigeait alors cette local union, est intervenu dans son recrutement [25]. De fait, T. McNutt a occupé ce poste pendant un an avant d’être élu vice-président, puis en 1997, il est devenu secrétaire-trésorier, par accord entre son père, qui mettait un terme à sa carrière syndicale, et le successeur de celui-ci [26]. Enfin, lorsque ce dernier a pris sa retraite, en 2010, T. McNutt est devenu président de l’antenne 400. Si sa carrière a été marquée par des postes liés à l’organizing, il s’agissait plutôt pour lui de portes d’entrée dans une structure. En effet, à une exception près, il a occupé ce type de fonctions à chaque fois qu’il arrivait dans une antenne, et pendant peu de temps. Sa trajectoire témoigne du faible statut longtemps attribué à l’organizing[27]. À l’instar de G. Bevona, son parcours s’inscrit d’abord dans l’administration des accords collectifs.

10 Les carrières de ces deux présidents, exclusivement menées à l’échelle locale, s’inscrivent dans une conception traditionnelle du syndicalisme centrée sur la défense des intérêts immédiats des adhérents. Cette forme de syndicalisme dominante aux États-Unis a été qualifiée de « business unionism » par des réformateurs et/ou des universitaires, principalement à des fins critiques [28]. La propagande syndicale dépeint ces dirigeants comme des experts de la négociation des accords collectifs et de la gestion des prestations sociales qui les accompagnent [29]. À ce titre, ils prétendaient à des conditions matérielles d’existence qui les distinguaient des adhérents. Ainsi, leurs rémunérations annuelles étaient de plusieurs centaines de milliers de dollars [30]. Dans les années 1980-1990, elles sont devenues un point crucial des critiques formulées à leur égard dans le contexte du déclin des effectifs des antennes et de ce que les historiens ont appelé des négociations de concession [31]. Les adhérents ont vu en effet leurs rémunérations et avantages sociaux stagner et être hiérarchisés non seulement selon l’ancienneté mais aussi selon la date d’embauche. Il s’agissait de réduire de manière permanente les droits des nouveaux entrants pour maintenir ceux des syndiqués les plus anciens, de moins en moins nombreux.

11 Ces dirigeants ont été alors perçus comme des « barons » (labor barons) – et leurs antennes comme des « baronnies » (fiefdoms) à conquérir [32] – par des acteurs défendant des conceptions du syndicalisme plus « inclusives » (ouvertes aux minorités), « mouvementistes » (poreuses aux mouvements sociaux) et « démocratiques » (promouvant la participation des adhérents aux activités syndicales et dans le processus de décision), et dont certains occupent des postes dans les sièges syndicaux [33]. Leur vision différente du mouvement syndical s’explique par le fait que, contrairement aux présidents désavoués, beaucoup de ces acteurs, qu’ils soient militants de « base » ou évoluant à des niveaux supérieurs, ont participé aux mouvements sociaux des années 1960 (mouvements pour les droits civiques, contre la guerre du Vietnam notamment) [34]. Ainsi le contraste entre le train de vie des présidents de ces structures et les concessions accordées par eux lors des négociations est-il le fondement, sinon la justification, des mobilisations menées localement à leur encontre.

Les ambiguïtés des mobilisations organisées au nom de la démocratie syndicale

12 Les entrepreneurs de dissidence dans ces antennes entendaient promouvoir la démocratie syndicale. La diversité de leurs caractéristiques sociales et des origines de leur lutte traduit la consolidation du répertoire de contestation des dirigeants syndicaux, qui s’appuie sur les dispositions du LMRDA. Cependant, au regard de l’histoire du texte et des profils variés des dissidents, ces mobilisations ne sont pas sans ambiguïtés.

13 Au début des années 1990, Carlos Guzman, portier au World Trade Center, adhérent depuis 1970 et délégué syndical (shop steward), a initié une action collective contre la direction de l’antenne 32B-32J du SEIU [35], pour contester la hausse des cotisations de 25 % intervenue à l’automne 1990 [36]. Conformément au LMRDA, les adhérents s’étaient prononcés par un vote à bulletin secret lors d’une réunion syndicale organisée pour l’occasion : 891 avaient voté pour l’augmentation et 78 contre [37], chiffres importants dans l’absolu certes, mais moins si l’on se souvient que l’antenne revendiquait alors plus de 70 000 adhérents. G. Bevona et son équipe ont longuement justifié l’augmentation de ces cotisations : hausse du coût de la vie, renflouement de la caisse de grève dans le cadre des préparatifs de négociations collectives, construction du nouveau bâtiment abritant l’antenne [38]. De son côté, C. Guzman a estimé que cette hausse avait été votée de manière non démocratique – le scrutin ayant été organisé entre 18 h et 20 h, beaucoup d’adhérents n’avaient pu y participer parce qu’ils travaillaient à ce moment-là [39] – et qu’elle servait avant tout à accroître la rémunération des dirigeants (document 1).

14 Certains éléments de la biographie de C. Guzman éclairent la création du mouvement dissident qu’il a lancé. Cet immigré équatorien a connu la répression politique du régime militaire [40], et l’expérience de la dictature a pu le prédisposer à se mobiliser en faveur de la démocratie syndicale. Son cas n’est pas isolé, puisque des enquêtes menées en Californie montrent que dans les années 1980-1990 des migrants de pays d’Amérique latine, dont des exilés politiques, ont été à la fois les objets et les moteurs de campagnes de syndicalisation auxquelles s’opposaient des dirigeants syndicaux [41].

15 Pour conduire sa lutte, C. Guzman a demandé l’aide de l’Association for Union Democracy (AUD) située à New York [42]. Fondée en 1969, cette structure entend garantir les droits des adhérents contre la « bureaucratie syndicale » [43]. L’association fournit une aide juridique aux opposants, grâce notamment à des avocats mettant leurs compétences au service de luttes, ce que l’on peut considérer comme du cause lawyering[44]. L’AUD a ainsi soutenu d’importants courants d’opposition (dans les syndicats des mineurs et des routiers entre autres) et, plus largement, a contribué à amplifier les mobilisations pour la démocratie syndicale dans les années 1970 [45]. Ces mobilisations se sont traduites par des changements de dirigeants syndicaux et par un nombre important de grèves sauvages, sans autorisation du syndicat [46]. Dans le cas de l’antenne 400 de l’UFCW, ce sont les sœurs du président T. McNutt qui ont été à l’origine de la dissidence. Pourtant, comme leur frère, elles ont longtemps profité du népotisme régnant dans l’antenne anciennement dirigée par leur père. L’une y a été secrétaire pendant une quinzaine d’années, avant de devenir agent immobilier ; l’autre en a assuré le nettoyage des locaux en tant que prestataire [47]. Lorsqu’il est devenu président de l’antenne en 2010, T. McNutt a cessé d’avoir recours aux services de cette dernière. Ses deux sœurs ont alors lancé une mobilisation, le Committee for a Democratic Union (Comité pour un syndicat démocratique), dans le but d’empêcher sa réélection. Le but affiché était « d’aider les adhérents à participer au sein de leur syndicat et d’encourager une démocratie accrue » [48]. Elles sont parvenues à rallier des membres à leur entreprise, et ont constitué une liste adverse lors des élections de 2012. Les sœurs de T. McNutt n’ont pas sollicité l’aide de l’AUD, mais se sont inspirées d’autres mouvements dissidents au sein de l’UFCW dont elles avaient eu connaissance grâce à Internet [49], et dans lesquels elles sont allées puiser des modes d’action et de cadrage de leur mobilisation. Elles aussi ont fait usage de dispositions du LMRDA.

16 L’utilisation de cette loi par des dissidents ne va pas de soi. Comme d’autres outils de promotion de la « transparence » [50], le LMRDA a été défendu au nom de la « démocratie », et plus particulièrement de la « démocratie syndicale ». Cependant, il s’inscrit dans le prolongement des efforts de réduction du pouvoir des syndicats intervenus après la seconde guerre mondiale (la loi Taft-Hartley de 1947), par opposition aux années 1930, où, entre autres, la négociation collective et le droit de grève dans le secteur privé ont été reconnus par l’État fédéral. Le LMRDA a été voté dans le sillage de l’épisode maccarthyste s’attaquant aux « ennemis de l’intérieur » [51]. Il avait pour objet revendiqué de lutter contre la corruption (infiltration par le crime organisé, détournement de fonds à des fins personnelles), endémique à certains syndicats à l’époque et qui faisait alors l’objet d’une attention sans précédent de la part de l’État fédéral [52]. Le LMRDA avait ainsi pour mission de faciliter la destitution des syndicalistes corrompus, mais aussi de favoriser un gouvernement plus démocratique des syndicats, sur la base du principe que l’absence de démocratie syndicale favoriserait le développement de la corruption [53]. Limitée en fait à quelques organisations telles que les Teamsters (le syndicat des routiers), la corruption a alors servi de prétexte à des acteurs qui pensaient que donner des droits aux adhérents garantis par l’État pouvait affaiblir les directions syndicales [54]. Le LMRDA et ses usages s’inscrivent donc dans une double histoire : la décimation du mouvement syndical dans la seconde moitié du XXe siècle et les luttes contre les « labor barons » [55]. Ainsi les mobilisations de dissidents syndicaux ont-elles pu contribuer indirectement à armer une critique libérale et patronale du syndicalisme.

17 Les dissidences étudiées ici dénoncent le fonctionnement des antennes syndicales qui seraient aux mains de dirigeants mus par leurs seuls intérêts personnels. Elles ont été rendues possibles notamment par des mobilisations antérieures dont les modes d’action et les conceptions du syndicalisme ont rendu plus facile leur appropriation dans un contexte de remise en cause des dirigeants syndicaux traditionnels. Pour s’opposer aux dirigeants locaux, les entrepreneurs de dissidence ont en effet eu recours à deux dispositions du LMRDA : les déclarations des comptes des antennes syndicales et les règles encadrant les élections internes.

S’opposer aux dirigeants syndicaux par le scandale

18 En utilisant des informations contenues dans les déclarations comptables des antennes syndicales, les dissidents ont cherché à provoquer un scandale susceptible de mobiliser des soutiens à leur cause, en premier lieu pour remporter les élections internes. Cependant, ces manœuvres ont pris difficilement auprès des adhérents, notamment à cause de la répression et de la contre-mobilisation dont leurs actions collectives ont fait l’objet de la part des dirigeants locaux. À terme, la répression a engendré l’intervention des sièges syndicaux.

Des dissidences armées par la transparence de la comptabilité syndicale

19 Comme dans les dissidences étudiées ici, la scandalisation est souvent utilisée par des groupes qui ne peuvent pas recourir au nombre ou à l’expertise [56]. Les dissidents sont peu nombreux et ne semblent pas en mesure de procéder à une analyse des déclarations comptables capable de dévoiler d’éventuels comportements frauduleux pouvant être à la base de procédures (internes aux syndicats et/ou judiciaires) à l’encontre des dirigeants [57]. Ils mettent alors ces documents au service d’une critique ordinaire de la représentation reprochant aux dirigeants de vivre comme des nantis.

20 À l’instar de certains dispositifs de transparence européens [58], l’État fédéral rend publiques les déclarations des comptes syndicaux mais n’en assure pas la promotion, qui est réalisée par des acteurs privés [59]. Aussi ces déclarations sont-elles méconnues des adhérents, et davantage utilisées par d’autres acteurs dont les employeurs [60]. C’est une branche du Département du Travail, l’Office of Management and Labor Standards (OLMS), qui définit les modalités de déclaration et d’accessibilité, la loi restant floue sur ce point [61]. Ces modalités ont évolué dans les années 1990-2000, en particulier durant le premier mandat de George W. Bush. L’administration républicaine a profité de scandales de détournement de fonds syndicaux pour mettre en ligne les déclarations de façon plus détaillée que par le passé, époque à laquelle, hormis les rémunérations des élus et/ou des permanents, les données étaient très agrégées [62]. Désormais, les dépenses sont listées une à une (coût d’impression de la presse syndicale, frais de bouche… ) [63]. Ces réformes du dispositif ont eu des conséquences sur les informations mobilisées par les dissidents.

21 Au début de l’année 1991, C. Guzman a organisé avec d’autres syndiqués une pétition demandant la tenue d’un nouveau vote sur la hausse des cotisations. Cette pétition révélait les rémunérations des dirigeants, information qu’il avait recueillie dans les comptes de l’antenne. Les justifications officielles de la hausse des cotisations ont été mises en perspective avec le traitement des dirigeants, présenté comme ayant augmenté de 20 % entre 1989 et 1990 (« Maintenant vous pouvez comprendre où vont nos cotisations », document 1). La liste de l’équipe dirigeante présentée était incorrecte, puisqu’y figuraient des élus bénévoles siégeant au comité directeur, à l’instar de Marie Nurse, mais pas les permanents non élus à la tête de certains départements [64]. Il semble que C. Guzman ait ciblé en priorité les rémunérations du président, du secrétaire-trésorier, du vice-président ainsi que celle de l’assistant du président. Ces informations n’étaient certainement pas connues de la plupart des adhérents, puisqu’il était indiqué que l’on pouvait les obtenir auprès du bureau local du Département du Travail [65], un des seuls moyens d’accès aux déclarations comptables à cette époque [66].

22 La construction du scandale est également passée par le recours aux médias [67]. C. Guzman est parvenu à contacter un journaliste du New York Times qui a écrit un article dépeignant l’immoralité de G. Bevona [68]. Ses revenus ont été détaillés : son salaire de président de l’antenne 32B-32J, mais aussi de président d’une autre antenne, et ses indemnités en tant que vice-président du SEIU. Pour avoir une idée du total des revenus de G. Bevona, le journaliste a dû consulter la comptabilité de différentes structures du SEIU (deux antennes et le siège). Il s’est avéré qu’en 1989 il avait gagné 412 000 dollars (soit près de 750 000 dollars aujourd’hui en tenant compte de l’inflation), ce qui aurait fait de lui le dirigeant syndical le mieux payé du pays [69]. Ce n’était pas seulement son train de vie mais aussi le népotisme pratiqué par le président qui était pointé du doigt. À partir des déclarations comptables, le journaliste a pu établir que l’épouse de G. Bevona était secrétaire à l’antenne 32B-32J et que son frère y occupait aussi des fonctions électives rémunérées [70].

23 Nous retrouvons une utilisation similaire de la comptabilité syndicale pour dénoncer le train de vie des dirigeants de l’antenne de l’UFCW. La transparence des informations est allée de pair avec le but affiché de démocratisation du fonctionnement de la structure, comme nous avons pu le lire sur le site internet des dissidents : « Le Comité pour un syndicat démocratique a été créé pour aider les adhérents de l’antenne 400 de l’UFCW à accéder à des informations publiques concernant le fonctionnement de leur syndicat : les façons dont leurs cotisations sont dépensées ainsi que d’autres informations importantes comme les statuts qui contiennent les règles et les procédures gouvernant le fonctionnement du syndicat, notamment les règles et les procédures pour les adhérents qui cherchent à se faire élire » [71]. La palette des arguments à l’encontre de la direction de l’antenne 400 est plus riche que celle utilisée dans le cas de l’antenne 32B-32J. Le site internet des opposants présentait des éléments sur le contenu, jugé médiocre, des accords collectifs. La balance des recettes et des dépenses de l’antenne syndicale, négative, tirée des documents comptables, était également mobilisée pour en dénoncer la mauvaise gestion. Elle était principalement imputée au président, qui aurait été animé d’une soif de richesse personnelle opposée aux intérêts des syndiqués. Son salaire, dont le montant et l’augmentation ont été décriés, aurait servi à entretenir un mode de vie proche des employeurs qu’il prétendait combattre, comme le révèle un tract consacré à l’achat d’une maison d’un million de dollars par T. McNutt, information sûrement obtenue grâce aux liens familiaux des dissidentes avec le président (document 2).

24 Dans ce tract, l’augmentation du salaire de T. McNutt ainsi que le salaire lui-même sont exagérés. Les frais professionnels, qui étaient de l’ordre de 25 000 à 30 000 dollars par an, sont additionés à son salaire. La critique de l’augmentation de sa rémunération est basée sur son ancienne fonction, celle de secrétaire-trésorier, qu’il a occupée entre 1997 et 2009 et pour laquelle il gagnait en moyenne 180 000 dollars par an [72]. Or, si l’on prend comme point de comparaison les salaires de ses prédécesseurs, ses revenus apparaissent comme étant dans la norme. Son père gagnait en moyenne 242 000 dollars par an, le président suivant 237 000 dollars, et T. McNutt, 243 000 dollars [73]. Ainsi, il ne s’est pas s’agi de faire de la « transparence » un instrument de « démocratisation » du fonctionnement de l’antenne syndicale, mais de délégitimer ce président en particulier, en faisant feu de tout bois. Des messages postés sur la page Facebook créée à l’occasion de cette mobilisation attestent ce mélange des genres, où le répertoire d’action des luttes pour la démocratie syndicale a alimenté une mobilisation ayant avant tout pour origine des querelles familiales :

25

Message du 30 juillet 2011 : « Le site internet de l’antenne 400 de l’UFCW dit que cette structure se “bat pour la dignité et les conditions d’existence de 40 000 familles de travailleurs dans la région du centre du littoral atlantique”. Si cela est vrai, alors demandez-vous pourquoi Tom McNutt a licencié sa propre sœur, à l’hôpital, sur le lit de sa mère mourante. Vraiment, dignité et conditions d’existence, pourquoi n’en témoignes-tu pas un peu à l’égard de ta propre famille ? »

26

Message du 18 août 2011 : « Sur le site internet de l’OLMS, cliquez sur chercher puis recherche basique puis inscrivez le numéro de dossier 05511. C’est là que vous pouvez voir comment vos cotisations syndicales sont dépensées !!! Séminaire de motivation avec parcours de golf pour les permanents : 40000 dollars, comme s’ils voulaient partir en vacances avec leur patron. Dîner à Jerry’s Seafood pour plus de 11000 dollars. Combien d’entre vous peuvent aller manger là-bas ? 40000 dollars + 11000 dollars = 51000 dollars. Cela n’aurait-il pas pu permettre d’embaucher un autre permanent pour servir les adhérents ? »

27

Message du 7 mars 2012 : « Dans une conversation récente avec McNutt, le “dirigeant élitiste” parle des adhérents de l’antenne 400 en les traitant de “rednecks stupides”. McNutt oublie qu’ils paient son salaire de 300 000 dollars et que ce sont des adhérents qui travaillent dur » [74].

28 Le premier message en particulier révèle comment des catégories morales ordinaires sont transposées à une critique de la représentation. Un dirigeant syndical qui se comporte mal dans le cadre familial ne peut véritablement se soucier du sort des syndiqués. Cette transposition est d’autant plus facilitée par le népotisme dont la fratrie a bénéficié, qui brouille les frontières entre les sphères familiale et syndicale. Par ailleurs, ces messages sont le reflet des réformes des déclarations des comptes syndicaux et de leurs modalités d’accès, intervenues au début des années 2000. Ainsi, les sœurs de T. McNutt ont détaillé aux syndiqués la marche à suivre pour consulter les comptes de l’antenne sur Internet. Elles ont aussi mis à profit la multitude de détails figurant désormais dans les déclarations : prix d’un dîner offert aux employés de l’antenne dans un restaurant de fruits de mer situé dans une banlieue chic de Washington DC, coût d’un séminaire de motivation où les employés ont joué au golf. Ces dépenses attesteraient que T. McNutt était, aussi bien socialement que moralement, inapte à représenter les adhérents. Nous pouvons alors interroger les effets de la publicisation de ces données comptables par les dissidents, notamment vis-à-vis de leur capacité à recruter des soutiens à leur cause.

Rallier des soutiens à la cause malgré la répression

29 La production d’un scandale par l’utilisation des comptes syndicaux a été la première étape des mobilisations dissidentes. Elle devait permettre de recruter des soutiens nécessaires pour recourir à des procédures régulées par le LMRDA, en premier lieu les élections internes. Pour les dissidents, l’enjeu a été de passer du registre de la scandalisation à celui du nombre. Mais pour cela, encore fallait-il que ces scandales prennent, ce qui implique d’examiner les réactions collectives qu’ils ont suscitées, en d’autres termes de saisir l’attachement de divers publics (adhérents, dirigeants syndicaux nationaux) aux normes que les dissidents estimaient être transgressées par les dirigeants de ces structures [75]. Les dissidents ont perdu les élections et autres votes face aux dirigeants locaux : le taux de participation n’a guère dépassé les 10 %. Ce constat peut indiquer le désintérêt sinon la désapprobation des adhérents vis-à-vis de la cause portée par les opposants. Cependant, ces scrutins ont été entachés de fraudes et marqués par certaines formes de répression à l’encontre des dissidents. Ils ont ainsi donné à ceux-ci la possibilité de recourir au droit pour tenter de démettre les dirigeants locaux [76], provoquant la réaction des directions syndicales nationales.

30 En février 1991, C. Guzman est parvenu à collecter plus de 400 signatures d’adhérents pour sa pétition, qu’il a transmise, accompagnée de revendications, à G. Bevona [77]. Début mars, des individus suspects rôdant devant chez lui ont questionné ses voisins sur ses habitudes. Prenant peur, C. Guzman est parti vivre chez des amis et n’a plus osé se rendre à son travail pendant une semaine. Il a déposé une plainte. L’enquête a révélé que des détectives privés avaient été embauchés par G. Bevona pour épier ses faits et gestes [78]. Son employeur a diminué subitement ses heures de travail, sans justification [79]. C. Guzman a lancé alors une procédure judiciaire contre G. Bevona et le comité directeur de l’antenne, au motif du non-respect de certaines clauses du LMRDA, en premier lieu celle protégeant la liberté d’expression des adhérents [80]. Il a remporté le procès après plusieurs appels de la décision par l’antenne. En 1992, il s’est lancé sans succès dans une campagne pour conquérir l’antenne 32B-32J, et a renouvelé sa candidature à chaque élection interne (tous les trois ans) pendant près d’une décennie.

31 La réussite du procès a attesté l’efficacité de l’« arme du droit » [81], plus particulièrement du recours à l’arène judiciaire, comme mode d’action, mais aussi comme moyen de protection contre la répression. Au milieu des années 1990, la mobilisation dissidente s’était renforcée à l’intérieur de l’antenne, et plusieurs militants bien identifiés, en plus de C. Guzman, ont pris le nom de Members for a Better Union (les adhérents pour un meilleur syndicat). Le recrutement de sympathisants était nécessaire pour préparer la bataille des élections internes. Les statuts de l’antenne indiquent, au moins depuis 1992, que les candidatures aux fonctions dirigeantes doivent recueillir des parrainages représentant 2 % des syndiqués [82]. Dès lors, l’action collective a pris deux dimensions, au demeurant liées : utiliser les élections internes ou la possibilité d’amender les statuts de l’antenne que peut proposer un groupe d’adhérents pour combattre la direction de la structure ; constater les infractions à la loi lors de ces tentatives pour déplacer le conflit dans l’arène judiciaire. Cette stratégie a été développée avec un avocat de l’AUD qui a pris l’affaire en main [83].

32 Ainsi, lors des élections de 1995, les dissidents sont allés devant les tribunaux pour dénoncer l’asymétrie des ressources de campagne des différents candidats [84]. Les dirigeants avaient puisé dans les fonds de l’antenne pour financer leur propre campagne électorale [85]. Or le LMRDA interdit cette utilisation des fonds syndicaux, qu’elle soit directe ou indirecte. Les campagnes électorales ne peuvent être financées que par les fonds propres des candidats ou par des donations, et menées sur leur temps libre [86]. Le paroxysme a été atteint en 1997, lorsque les militants sont parvenus à organiser un vote pour modifier les statuts de l’antenne. Pour ce faire, ils ont dû recourir à une pétition signée par au moins 10 % des adhérents de la structure [87], preuve qu’une part non négligeable des membres était réceptive à la cause des dissidents. Leurs propositions étaient les suivantes : l’élection (au lieu de la nomination) des shop stewards et des permanents en charge des tournées sur les lieux de travail ; la ratification des accords collectifs par les adhérents et non par le comité directeur de l’antenne ; la réduction des rémunérations des dirigeants, qui ne pourraient pas dépasser 125000 dollars annuels [88]. Des fraudes ont été constatées le jour du scrutin. D’abord, le temps réservé au vote (moins d’une demi-journée) qui a rendu impossible la participation d’au moins 20 % des adhérents, ce qui est illégal. Ensuite, les conditions mêmes du vote : une petite salle de l’antenne dépourvue d’isoloirs ; la présence de certains permanents, censés veiller au bon déroulement du scrutin, arborant des badges où il était écrit « vote no » ; la rédaction d’un argumentaire en faveur du non sur les bulletins de vote, uniquement en anglais, alors que beaucoup d’adhérents ne parlaient que l’espagnol. Le bourrage des urnes a été également constaté [89]. Saisis par les opposants, les tribunaux ont ordonné en 1997 et 1998 de nouveaux scrutins, et ce à plusieurs reprises, du fait de nouvelles infractions. Le dernier vote, malgré tout remporté par les dirigeants en place, a été supervisé par des arbitres neutres. Faute de sources, il est difficile de comprendre les motifs des adhérents qui ont continué à voter en faveur de l’équipe en place. Il est peu probable qu’ils aient ignoré les accusations des dissidents, largement diffusées grâce aux procès, articles de presse et pétitions qui circulaient dans la structure. Il faudrait alors pouvoir saisir les manières dont les dirigeants de l’antenne 32B-32J ont entretenu leur légitimité, par exemple en décrédibilisant leurs accusateurs. La victoire finalement remportée par les urnes n’a pas été synonyme de la fin des ennuis judiciaires pour G. Bevona. Les fraudes électorales ont été sanctionnées par des amendes et par des frais de justice atteignant plusieurs millions de dollars. Pour pousser le dirigeant vers la sortie, les opposants ont proposé l’annulation des charges retenues contre lui en échange de sa démission. C’est le cheval de Troie qu’a utilisé la direction du SEIU pour prendre le contrôle de l’antenne en 1999. Celui-ci s’est traduit par le parachutage de nouveaux dirigeants, tandis que les dissidents ont été dans l’ensemble écartés des positions de pouvoir [90].

33 Des événements semblables se sont déroulés à l’antenne de l’UFCW en 2012, année d’élections internes. N’étant pas adhérentes, les sœurs de T. McNutt, à l’origine de la dissidence, ne pouvaient se porter candidates aux élections. Il leur a donc fallu recruter des candidats, et plus largement des soutiens à leur cause. Dès 2011, elles ont créé un site internet, ouvert un compte Facebook, et tenté de discuter avec les adhérents en amont des réunions syndicales. C’est grâce à Tony Gomez, un adhérent qui avait été permanent de l’antenne de 1990 à 2010, qu’elles ont constitué une liste, dont il a pris la tête. Après l’arrivée de T. McNutt en 2010, T. Gomez a été licencié de sa position de permanent, en raison, selon lui, des différends qu’il avait eus avec le nouveau président, notamment sur le montant des cotisations syndicales qu’il jugeait trop élevé [91]. D’autres pensent que c’est à cause d’un accident de la route qui aurait affecté ses facultés physiques et mentales [92]. Depuis son licenciement, T. Gomez est retourné travailler, à plus de 50 ans, à la poissonnerie d’un supermarché syndiqué, chose qu’il n’avait plus faite depuis le début des années 1990. Nous disposons de peu d’éléments pour saisir les logiques de son engagement au-delà de son licenciement. Il a confessé avoir été plusieurs fois tenté, voire incité à se présenter dans les années 2000. Issu des classes populaires, il a grandi dans le Bronx, et parle, sans plus de précisions, de son père comme d'un homme engagé en politique qui aurait tenté de se faire élire au poste de sénateur de l’État de New York [93].

34 La liste des opposants qu’il a essayé d’établir était trop petite pour l’ensemble des postes électifs à pourvoir (27 au total : président, secrétaire-trésorier, recorder, et 24 vice-présidents, dont la moitié n’étaient pas des permanents). Seules 10 personnes étaient sur sa liste, 3 femmes et 7 hommes, dont 2 étaient des shop stewards, et un, permanent, la majorité étant des syndiqués sans responsabilités [94]. Comme T. Gomez, la plupart vivaient et travaillaient en Virginie, contrairement aux sœurs de T. McNutt qui habitaient le Maryland. Le fait que certains se connaissaient depuis longtemps souligne l’importance des sociabilités préalables dans le recrutement militant [95]. En cas de victoire, les 17 positions restantes devaient être attribuées à des candidats de la liste concurrente. En l’absence de candidats suffisants, les opposants ont cherché en priorité à se débarrasser de T. McNutt et de ses proches. Les sœurs du président se sont progressivement effacées au profit des adhérents figurant sur la liste. Il pouvait s’agir d’une stratégie visant à montrer aux adhérents que les opposants partageaient avec eux une proximité socio-morale dont ne pouvait se targuer l’exécutif en place. Pourtant, cette dimension a été peu mobilisée. Les opposants sur la liste ont été simplement présentés comme des « adhérents de la base » (rank-and-file members), identité que traduisait leur hexis corporel. T. Gomez, par exemple, avait des caractéristiques physiques associées aux classes populaires. Il était à la limite de l’obésité. Lorsque nous l’avons rencontré, il portait des jeans larges, un sweatshirt et des baskets blanches usées, avait de multiples boucles d’oreilles, parlait avec un fort accent latino et utilisait beaucoup d’argot [96]. Les sœurs du président de l’antenne ont fourni la majorité des ressources, aussi bien financières (frais liés aux déplacements en voiture, à l’impression des tracts…) que stratégiques (connaissance des règles encadrant les élections, des déclarations des comptes syndicaux) [97]. Leur campagne électorale a donné aux dissidents l’occasion de découvrir le peu de connaissances que les adhérents avaient de leurs représentants. Selon les dissidents, beaucoup de membres disaient ne pas savoir qu’il y avait des élections ni même connaître l’existence de T. McNutt. D’autres se plaignaient du travail de représentation effectué par les permanents, et se considéraient comme des « vaches à lait » (cash-cows), tout juste bons à verser une partie de leur salaire à une organisation ne faisant rien pour eux [98]. Si les dissidents ont dit avoir rencontré plusieurs centaines d’adhérents (sur environ 30 000), il est difficile de déterminer qu’elle a été la diffusion de leur cause parmi les membres. Elle a été relayée par leur site internet et leur page Facebook, mais pas par les médias qu’ils ont sollicités en vain [99].

35 Là aussi, les dirigeants de la structure de l’UFCW ont réprimé les opposants, ou du moins une partie d’entre eux, les plus vulnérables : ceux qui étaient sur la liste électorale et non les sœurs du président. Pour se défendre, les dissidents n’ont pas eu recours à un avocat ou à l’arène judiciaire. Bien qu’ils aient mobilisé les statuts du syndicat et le LRMDA, leurs usages sont restés ceux des « gens ordinaires » (ordinary people) [100]. Les procédures qu’ils ont utilisées sont restées cantonnées à l’enceinte de l’UFCW. En effet, puisque l’État fédéral, par le biais du LRMDA, régule certains aspects de la vie interne des syndicats, on retrouve ces dispositions dans les statuts des organisations syndicales, qui ont mis en place des mécanismes de règlement interne des conflits relatifs à ces questions.

36 Lors de la phase de la campagne consistant à sensibiliser les adhérents et à récolter des parrainages, plusieurs incidents sont survenus. Le coût de l’engagement a été particulièrement élevé pour les deux shop stewards, des femmes, qui figuraient sur la liste. Dans la mesure où elles étaient nommées à ces responsabilités et non élues, leur mandat pouvait leur être retiré à tout moment. Le statut de shop stewards offre des avantages, notamment l’impossibilité d’être transféré sur un autre site de l’entreprise où est implantée l’antenne 400. Cet aspect n’est pas anodin dans le cadre des frontières géographiquement très étendues de la structure, et il l’est encore moins pour les femmes, susceptibles d’avoir des charges de famille auxquelles elles peuvent moins se soustraire que les hommes. La première shop steward à subir les foudres de la direction a exprimé publiquement son mécontentement à propos de négociations collectives intervenues quelques mois avant les élections. La semaine suivante, elle était démise de ses responsabilités syndicales. L’autre shop steward a perdu son mandat après avoir récolté des parrainages pour la liste de T. Gomez. Un mois plus tard, elle s’est rendue à la réunion syndicale ouverte aux adhérents de la zone où elle travaillait afin d’obtenir des explications : les permanents étaient mal à l’aise et en désaccord entre eux sur la version des faits à lui fournir pour justifier la décision, censée avoir été prise par leur supérieur, de lui retirer son mandat [101].

37 D’autres irrégularités sont survenues à l’approche du scrutin à l’automne 2012. Des permanents ont fait campagne en faveur de la réélection de T. McNutt sur leur temps de travail. Une lettre postée aux frais de l’antenne a été envoyée aux adhérents, dans laquelle les dissidents étaient qualifiés d’« imposteurs » (impersonators). La propagande des opposants aurait été également retirée d’un ensemble de sites [102]. L’organisation du scrutin a été elle-même problématique. Le déroulement par correspondance du vote impliquait que les bulletins soient envoyés par la poste, puis comptés par un agent postal, avant d’être remis au responsable des élections (un permanent de l’UFCW). La base de données utilisée pour envoyer les bulletins, censée comptabiliser les adhérents à jour de leurs cotisations, était inexacte. Par ailleurs, certains permanents et shop stewards ont demandé aux adhérents de leur remettre directement les bulletins, en leur proposant de les aider à les remplir [103]. Lors du comptage des voix, les dissidents auraient constaté un écart de presque 1 000 bulletins entre le sac remis par la poste (qui en contenait 2 251) et le décompte total (3 332). La participation a été faible, aux alentours de 10 %, et la liste de T. McNutt a remporté les suffrages, loin devant celle de T. Gomez. Les dissidents ont contesté les élections, et constitué un dossier adressé au permanent de l’UFCW responsable du scrutin, qui contenait des témoignages sur les irrégularités et les formes de répression qu’ils avaient subies. La procédure a abouti en leur faveur : la direction de l’UFCW a ordonné de nouvelles élections au printemps 2013 [104], mais T. McNutt avait à ce moment-là quitté la présidence de l’antenne. Selon la version officielle, il avait été appelé à des fonctions plus importantes au siège de l’UFCW [105]. En réalité, il a été contraint de démissionner par le syndicat. Quant aux dissidents, ils ont été, là aussi, écartés de l’équipe dirigeante qui a succédé à celle de T. McNutt.

38 Grâce au LMRDA, les mouvements dissidents au sein du syndicalisme états-unien ont pu enrichir leur répertoire d’action collective. Les données extraites des déclarations des comptes syndicaux dans le but de déclencher un scandale ont permis aux opposants de fournir les preuves d’une coupure entre la « base » et les dirigeants, par la mise en lumière de trains de vie laissant supposer que les réprésentants ont des intérêts radicalement différents des adhérents. Ce constat est en décalage avec les travaux qui se concentrent sur les conditions objectives qui président à la constitution d’une oligarchie [106], à sa limitation [107], voire à son renversement par d’autres acteurs [108].

39 Selon nous, l’oligarchie syndicale est aussi produite par des critiques morales ordinaires de la représentation, mobilisées par des dissidents pour délégitimer les dirigeants. En réglementant la vie interne des organisations syndicales, le LMRDA a donné plus de chances aux opposants de renverser les dirigeants en place. Dans les cas étudiés ici, les dissidents ne sont pas parvenus à scandaliser suffisamment les adhérents pour que ceux-ci votent contre leurs représentants. L’asymétrie des ressources entre les dissidents et les dirigeants locaux, la répression et les fraudes ont joué un rôle majeur dans ce qui semble être l’échec de ces mobilisations. Cependant, les nombreuses irrégularités dénoncées par les dissidents lors de procédures judiciaires ou internes au syndicat ont provoqué l’intervention des sièges syndicaux qui, dans un même mouvement, ont alors écarté les opposants et les responsables en fonction. Pour les dirigeants syndicaux nationaux, ces dissidences ont donc constitué une opportunité. Elles leur ont permis d’intervenir dans des structures locales soucieuses de préserver leur autonomie, en plaçant à leur tête un personnel jugé apte à conduire les réformes nécessaires pour redresser des effectifs en déclin et des accords collectifs fragilisés. C’est dans ces refontes organisationnelles et ces changements du personnel syndical local que se trouve la « force instituante » des scandales portés par les dissidents [109].

Document 1

Extrait de la pétition contre la hausse des cotisations des adhérents de l’antenne 32B-32J du SEIU, 1991

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Extrait de la pétition contre la hausse des cotisations des adhérents de l’antenne 32B-32J du SEIU, 1991

SEIU Executive Office : John Sweeney Records, Box 9, Folder 14, Walter P. Reuther Library, Archives of Labor and Urban Affairs, Wayne State University.
Document 2

Tract dénonçant le train de vie du président de l’antenne 400 de l’UFCW, 2012

figure im2

Tract dénonçant le train de vie du président de l’antenne 400 de l’UFCW, 2012

Site internet des militants du Comité pour un syndicat démocratique de l’antenne 400 de l’UFCW, archivé le 25 septembre 2012.

Date de mise en ligne : 30/05/2018

https://doi.org/10.3917/crii.079.0135

Notes

  • [1]
    Seymour Martin Lipset, Martin A. Trow, James S. Coleman, Union Democracy : The Internal Politics of the International Typographical Union, Glencoe, Free Press, 1956.
  • [2]
    Il y avait 134 syndicats en 2014. L’affiliation à la principale fédération, l’American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO) n’est pas la norme. En 2014, elle regroupait 57 syndicats comptant dans leurs rangs la majorité des 14,6 millions d’adhérents (soit 11,1 % des travailleurs, tous secteurs confondus). Court Gifford, Directory of U.S. Labor Organizations 2014, Arlington, Bloomberg BNA, 2014.
  • [3]
    Mancur Olson, Logique de l’action collective, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2011 (1965).
  • [4]
    Stanley Aronowitz, False Promises : The Shaping of American Working Class Consciousness, Durham, Duke University Press, 1992 (1973).
  • [5]
    Nelson Lichtenstein, State of the Union : A Century of American Labor, Princeton, Princeton University Press, 2013 (2002).
  • [6]
    Aaron Brenner, Robert Brenner, Calvin Winslow (eds), Rebel Rank and File : Labor Militancy and Revolt from Below in the Long 1970s, New York, Verso, 2010.
  • [7]
    Charles Tilly, La France conteste : de 1600 à nos jours, Paris, Fayard, 1986. Sur l’évolution de ce concept chez Tilly, voir Olivier Fillieule, « Tombeau pour Charles Tilly : répertoires, performances et stratégies d’action », dans Olivier Fillieule, Éric Agrikoliansky, Isabelle Sommier (dir.), Penser les mouvements sociaux : conflits sociaux et contestations dans les sociétés contemporaines, Paris, La Découverte, 2010, p. 77-99.
  • [8]
    Michel Offerlé, « Retour critique sur les répertoires de l’action collective (XVIIIe-XXIe siècles) », Politix, 81, 2008, p. 182.
  • [9]
    Je remercie Karim Fertikh et Hélène Michel pour leurs remarques sur des premières versions de ce texte ainsi que les évaluateurs anonymes de Critique internationale pour leurs commentaires.
  • [10]
    Dans les années 2000, d’autres États occidentaux ont mis en place des dispositifs similaires. En France, la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale fait de la transparence financière l’un des principaux critères de la représentativité syndicale. Au Canada, une loi a vu le jour en 2014 avant d’être abrogée en 2017. Rémi Bourguignon, Karel Yon, « La transparence financière des organisations syndicales au prisme de la démocratie syndicale », communication au 6e Congrès de l’Association française de sociologie, Saint-Quentin-en-Yvelines, juillet 2015 ; Thomas Collombat, Laurence-Léa Fontaine, « Un an de gouvernement Trudeau : quel bilan pour le mouvement syndical ? », Chronique internationale de l’IRES, 157, 2017, p. 29-42.
  • [11]
    Archon Fung, Mary Graham, David Weil, Full Disclosure : The Perils and Promise of Transparency, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.
  • [12]
    Robert S. Atkin, Marick F. Masters, « Union Democracy and the Labor-Management Reporting and Disclosure Act : An Alternative Reform Proposal », Employee Responsibilities and Rights Journal, 8 (3), 1995, p. 193-208.
  • [13]
    Cécile Robert, « La politique européenne de transparence (2005-2016) : de la contestation à la consécration du lobbying », Gouvernement et action publique, 6 (1), 2017, p. 9-32.
  • [14]
    John D. McCarthy, Mayer N. Zald, « Resource Mobilization and Social Movements : A Partial Theory », American Journal of Sociology, 82 (6), 1977, p. 1212-1241.
  • [15]
    M. Offerlé, Sociologie des groupes d’intérêt, Paris, Montchrestien, 1998 (1994).
  • [16]
    Les noms des structures syndicales et des individus dont les informations sont publiques (par exemple les dirigeants syndicaux locaux et nationaux) n’ont pas été modifiés. En revanche, ceux de la plupart des personnes interviewées l’ont été en respectant le genre et l’appartenance à une minorité racisée. Les différents documents et extraits d’entretiens convoqués sont traduits par nos soins.
  • [17]
    Les définitions de la démocratie syndicale sont variables et les travaux consacrés à cette thématique nombreux. Margaret Levi, David Olson, Jon Agnone, Devin Kelly, « Union Democracy Reexamined », Politics & Society, 37 (2), 2009, p. 203-228 ; George Strauss, « Union Democracy », dans Jack Fiorito, Daniel G. Gallagher, George Strauss (eds), The State of the Unions, Madison, Industrial Relations Research Association, 1991, p. 201-236.
  • [18]
    Les antennes syndicales portent souvent des numéros qui correspondent à leur ancienneté (la première en date porte le n°1 et ainsi de suite). Ici, « B » renvoie à building (immobilier) et « J » à janitorial (que l’on peut traduire, à défaut d’équivalent en français, par services de nettoyage), ces deux lettres correspondant aux périmètres de syndicalisation de l’antenne.
  • [19]
    Statuts du SEIU, Art. IV Section 4., révision de 2012, et statuts de l’UFCW, Art. 15., révision de 2008.
  • [20]
    N. Lichtenstein, State of the Union : A Century of American Labor, op. cit.
  • [21]
    « Profile – Gus Bevona », 32B-32J, juin-juillet 1981, p. 3. Local 32B-32J Collection. Walter P. Reuther Library, Archives of Labor and Urban Affairs, Wayne State University.
  • [22]
    Ibid.
  • [23]
    Au sujet des formations sur le mouvement syndical destinées aux travailleurs et/ou aux syndicalistes de profession, voir Richard Dwyer, « Workers’ Education, Labor Education, Labor Studies : An Historical Delineation », Review of Educational Research, 47 (1), 1977, p. 179-207. Sur l’université de Cornell en particulier, voir K. Yon, « Contribution à une sociologie des lieux de production symbolique des relations professionnelles : Cornell et le “renouveau syndical” », communication au 6e congrès des Associations francophones de science politique, Lausanne, février 2015. Sur la discipline des relations industrielles et l’idéologie qui la sous-tend, voir Christopher L. Tomlins, The State and the Unions : Labor Relations, Law, and the Organized Labor Movement in America, 1880-1960, Cambridge, Cambridge University Press, 1985.
  • [24]
    « Thomas P. McNutt – President », site internet de l’UFCW Local 400, archivé le 12 novembre 2012.
  • [25]
    Dans le syndicalisme états-unien, le népotisme est une pratique courante bien que contestée. Voir Harold L. Wilensky, Intellectuals in Labor Unions : Organizational Pressures on Professional Roles, Glencoe, Free Press, 1956.
  • [26]
    Entretien avec un consultant travaillant depuis les années 1970 avec différents employeurs négociant des accords collectifs avec l’antenne 400 de l’UFCW, Washington DC, 8 mai 2012.
  • [27]
    Kyoung-Hee Yu, « Between Bureaucracy and Social Movements : Careers in the Justice for Janitors », thèse de doctorat en sociologie, Cambridge, MIT, 2008.
  • [28]
    Rick Fantasia, Kim Voss, Des syndicats domestiqués : répression patronale et résistance syndicale aux États-Unis, Paris, Raisons d’agir, 2003.
  • [29]
    SEIU Local 32B-32J, 1934-1994 – Sixty Years of Progress, New York, Allied Printing Trades Council, 1994, et UFCW Local 400, « Security and Opportunity », Union Leader, 42 (2), juin-août 2010, p. 2-3.
  • [30]
    D’une manière générale, les rémunérations des dirigeants syndicaux états-uniens locaux et nationaux sont sans commune mesure avec celles de leurs homologues européens. N. Lichtenstein, State of the Union : A Century of American Labor, op. cit.
  • [31]
    Ibid.
  • [32]
    K-H. Yu, Between Bureaucracy and Social Movements : Careers in the Justice for Janitors, op. cit.
  • [33]
    Kim Voss, Rachel Sherman, « Breaking the Iron Law of Oligarchy : Union Revitalization in the American Labor Movement », American Journal of Sociology, 106 (2), 2000, p. 303-349.
  • [34]
    R. Fantasia, K. Voss, Des syndicats domestiqués : répression patronale et résistance syndicale aux États-Unis, op. cit.
  • [35]
    Carlos Guzman v. Gus Bevona and Local 32B-32J Executive Board, 791 F.Supp. 80 (1992). SEIU Executive Office : John Sweeney Records, Box 9, Folder 14, Walter P. Reuther Library, Archives of Labor and Urban Affairs, Wayne State University.
  • [36]
    « Dues Boost Approved by Overwhelming Majority », 32B-32J, 58 (1), janvier-février 1991, p. 1, 4-5. Local 32B-32J Collection. Walter P. Reuther Library, Archives of Labor and Urban Affairs, Wayne State University.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    Ibid.
  • [39]
    Carlos Guzman v. Gus Bevona and Local 32B-32J Executive Board, cité.
  • [40]
    Peter S. Bearman, Doormen, Chicago, University of Chicago Press, 2005.
  • [41]
    Ruth Milkman (ed.), Organizing Immigrants : The Challenge for Unions in Contemporary California, Ithaca, ILR Press, 2000.
  • [42]
    P. S. Bearman, Doormen, op. cit.
  • [43]
    Herman W. Benson, « A Rising Tide of Union Democracy », dans Ray M. Tillman, Michael S. Cummings, The Transformation of U.S. Unions : Voices, Visions and Strategies from the Grassroots, Londres, Lynne Rienner Publishers, 1999, p. 27-47.
  • [44]
    Pour une introduction à cette notion, voir Liora Israël, L’arme du droit, Paris, Presses de Sciences Po, 2009.
  • [45]
    H. W. Benson, « A Rising Tide of Union Democracy », cité.
  • [46]
    A. Brenner, R. Brenner, C. Winslow (eds), Rebel Rank and File : Labor Militancy and Revolt from Below in the Long 1970s, op. cit.
  • [47]
    Entretien avec des militants du Comité pour un syndicat démocratique, Bowie, Maryland, 13 novembre 2012.
  • [48]
    « About US », site internet du Comité pour un syndicat démocratique, page archivée le 2 avril 2012.
  • [49]
    Entretien avec des militants du Comité pour un syndicat démocratique, cité.
  • [50]
    Christopher Hood, David Heald (eds), Transparency : The Key to Better Governance ?, Oxford, Oxford University Press, 2011.
  • [51]
    N. Lichtenstein, State of the Union : A Century of American Labor, op. cit.
  • [52]
    Ibid.
  • [53]
    Gary N. Chaison, Unions in America, Thousand Oaks, Sage Publications, 2006.
  • [54]
    N. Lichtenstein, State of the Union : A Century of American Labor, op. cit.
  • [55]
    Pour des développements, voir Émilien Julliard, « Contraindre le fait syndical par sa mise en transparence financière aux États-Unis (années 1950-années 2010) », Revue française d’administration publique, 165, 2018, à paraître.
  • [56]
    M. Offerlé, Sociologie des groupes d’intérêt, op. cit.
  • [57]
    Pourtant, G. Bevona était soupçonné d’entretenir des liens avec la mafia. P. S. Bearman, Doormen, op. cit. Ce sont généralement des audits de la comptabilité menés, au-delà de ce qui est déclaré, par des agents du Département du Travail qui révèlent les pratiques délictueuses. A. Fung, M. Graham, D. Weil, Full Disclosure : The Perils and Promise of Transparency, op. cit.
  • [58]
    C. Robert, « Les instruments de la transparence : usages et enjeux politiques des formes de connaissances sur le lobbying », communication au 14e Congrès de l’Association française de science politique, Montpellier, juillet 2017.
  • [59]
    A. Fung, M. Graham, D. Weil, Full Disclosure : The Perils and Promise of Transparency, op. cit.
  • [60]
    En 1999, alors qu’il n’était pas encore possible de consulter les comptes syndicaux en ligne, l’Administration a enregistré 8 000 demandes. L’essentiel des requêtes émanait d’entreprises, de consultants patronaux ainsi que d’universitaires, et non des syndiqués. Il est peu probable que la sociologie des demandeurs soit très différente depuis la mise en ligne des déclarations en 2002. Ibid.
  • [61]
    R. Atkin, M. Masters, « Union Democracy and the Labor-Management Reporting and Disclosure Act : An Alternative Reform Proposal », art. cité.
  • [62]
    Phillip B. Wilson, « Conquering the Enemy Within : The Case for Reform of the Landrum-Griffin Act », Journal of Labor Research, 26 (1), 2005, p. 135-154.
  • [63]
    Il faut un temps considérable pour remplir ces nouvelles déclarations, si bien que cette réforme a été considérée par certains comme une entrave à la bonne marche des organisations syndicales voulue par les Républicains. John Logan, « Union Financial Reporting and Disclosure under the LMRDA : A Comparison of the Bush and Obama Administrations », dans David Lewin, Paul J. Gollan (eds), Advances in Industrial and Labor Relations, Bingley, Emerald, 21, 2015, p. 29-55.
  • [64]
    Ibid.
  • [65]
    Ibid.
  • [66]
    Il fallait se rendre alors soit au Département du Travail à Washington DC, soit dans l’un de ses bureaux présents dans chaque État. Il était également possible de faire parvenir les déclarations par courrier, mais ce service est payant et peut se révéler onéreux. A. Fung, M. Graham, D. Weil, Full Disclosure : The Perils and Promise of Transparency, op. cit.
  • [67]
    Damien de Blic, Cyril Lemieux, « Le scandale comme épreuve : éléments de sociologie pragmatique », Politix, 71 (3), 2005, p. 9-38.
  • [68]
    P. S. Bearman, Doormen, op. cit.
  • [69]
    Alan Finder, « Reclusive Building Union Chief Earned $412,000 in 1989 », The New York Times, 8 mai 1991. L’article figure dans les archives du SEIU. SEIU Executive Office : John Sweeney Records, Box 9, Folder 14, Walter P. Reuther Library, Archives of Labor and Urban Affairs, Wayne State University.
  • [70]
    Ibid.
  • [71]
    « About US », site internet du Comité pour un syndicat démocratique, page archivée le 2 avril 2012.
  • [72]
    Source : déclarations comptables de l’antenne 400 de l’UFCW pour la période 1997-2009. Le montant des salaires est en dollar constant, à sa valeur en 2013.
  • [73]
    Source : déclarations comptables de l’antenne 400 de l’UFCW pour la période 1990-2013. Le montant des salaires est en dollar constant, à sa valeur en 2013.
  • [74]
    Messages postés sur la page Facebook du Comité pour un syndicat démocratique, archivés le 18 novembre 2012.
  • [75]
    D. de Blic, C. Lemieux, « Le scandale comme épreuve : éléments de sociologie pragmatique », art. cité.
  • [76]
    La littérature souligne l’importance d’adopter une perspective dynamique et interactionnelle sur les modes d’action déployés par les groupes mobilisés, qui dépendent notamment des coups portés par leurs adversaires. Hélène Combes, Olivier Fillieule, « De la répression considérée dans ses rapports à l’activité protestataire », Revue française de science politique, 61 (6), 2011, p. 1047-1072.
  • [77]
    Carlos Guzman v. Gus Bevona and Local 32B-32J Executive Board, cité.
  • [78]
    Ibid.
  • [79]
    Ibid.
  • [80]
    Ibid.
  • [81]
    L. Israël, L’arme du droit, op. cit.
  • [82]
    Il semble que les parrainages aient été introduits cette année-là en réponse à l’activité dissidente, d’après les propos de G. Bevona tenus lors d’une réunion syndicale ouverte aux adhérents à l’automne 1992. SEIU Local 32B-32J Records, Box 12. Walter P. Reuther Library, Archives of Labor and Urban Affairs, Wayne State University.
  • [83]
    P. S. Bearman, Doormen, op. cit.
  • [84]
    Members for a Better Union v. Bevona, 972 F. Supp. 240 (1997).
  • [85]
    P. S. Bearman, Doormen, op. cit.
  • [86]
    Members for a Better Union v. Bevona, cité.
  • [87]
    Statuts de l’antenne 32B-32J du SEIU, Art. XVI, révision de 2009. Les statuts de 2009 valent comme preuve partielle : dans la mesure où il nous a été impossible d’avoir accès aux statuts de l’époque, il nous faut supposer que les règles sont restées les mêmes depuis les années 1990.
  • [88]
    P. S. Bearman, Doormen, op. cit.
  • [89]
    Members for a Better Union v. Bevona, cité.
  • [90]
    P. S. Bearman, Doormen, op. cit.
  • [91]
    Entretien avec des militants du Comité pour un syndicat démocratique, cité.
  • [92]
    Entretien avec une permanente de l’antenne 400 de l’UFCW, Woodbridge, Virginie, 20 juin 2013.
  • [93]
    Entretien avec des militants du Comité pour un syndicat démocratique, cité.
  • [94]
    Liste électorale remise par les opposants.
  • [95]
    Frédéric Sawicki, Bruno Duriez, « Réseaux de sociabilité et adhésion syndicale. Le cas de la CFDT », Politix, 63, 2003, p. 17-51.
  • [96]
    Entretien avec des militants du Comité pour un syndicat démocratique, cité.
  • [97]
    Ibid.
  • [98]
    Ibid.
  • [99]
    Ibid.
  • [100]
    Jérôme Pélisse, « A-t-on conscience du droit ? Autour des Legal Consciousness Studies », Genèses, 59 (2), 2005, p. 114-130.
  • [101]
    Pièces contenues dans le dossier de contestation des élections daté du 8 novembre 2012 adressé par les opposants au permanent de l’UFCW supervisant le scrutin.
  • [102]
    Ibid.
  • [103]
    Ibid.
  • [104]
    Joseph T. Hansen, UFCW International President, « To Candidates in UFCW Local n° 400’s October 2012 Election », 6 février 2013. Courrier présent sur le site internet des opposants, archivé le 13 février 2013.
  • [105]
    « Tom McNutt Resigns as President ; Mark Federici Takes Leadership Role », 30 novembre 2012. Site de l’antenne 400 de l’UFCW, archivé le 25 janvier 2013.
  • [106]
    Robert Michels, Sociologie du parti dans la démocratie moderne : enquête sur les tendances oligarchiques de la vie des groupes, Paris, Gallimard, 2015 (1911).
  • [107]
    S. M. Lipset, M. Trow, J. Coleman, Union Democracy : The Internal Politics of the International Typographical Union, op. cit.
  • [108]
    K. Voss, R. Sherman, « Breaking the Iron Law of Oligarchy : Union Revitalization in the American Labor Movement », art. cité.
  • [109]
    D. de Blic, C. Lemieux, « Le scandale comme épreuve : éléments de sociologie pragmatique », art. cité.

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