Couverture de CRII_075

Article de revue

De la spoliation à l’accumulation : violence, pacification et conflits fonciers en Colombie

Pages 21 à 36

Notes

  • [1]
    Paul Richards, « New War : An Ethnographic Approach », dans P. Richards (ed.), No Peace, no War : An Anthropology of Contemporary Armed Conflicts, Athens, Ohio University Press/Oxford, James Currey, 2005, p. 1-21 ; Marielle Debos, Le métier des armes au Tchad : le gouvernement de l’entre-guerres, Paris, Karthala, 2013 ; Dominique Linhardt, Cédric Moreau de Bellaing, « Ni guerre, ni paix », Politix, 104 (4), 2014, p. 7-23.
  • [2]
    Dennis Rodgers, « Living in the Shadow of Death : Gangs, Violence and Social Order in Urban Nicaragua, 1996-2002 », Journal of Latin American Studies, 38 (2), 2006, p. 267-292.
  • [3]
    Nathalie Duclos (dir.), L’adieu aux armes ? Parcours d’anciens combattants, Paris, Karthala, 2010 ; Cécile Jouhanneau, « Sorties de guerre : reconfigurations des normes et carrières combattantes », Cultures & Conflits, 77, 2010, p. 93-100.
  • [4]
    Voir par exemple Peter Andreas, « The Clandestine Political Economy of War and Peace in Bosnia », International Studies Quarterly, 48 (1), 2004, p. 29-51 ; Edward Aspinall, « Combatants to Contractors : The Political Economy of Peace in Aceh », Indonesia, 87, 2009, p. 1-34 ; Philippe Le Billon, « Corrupting Peace ? Peacebuilding and Post-conflict Corruption », International Peacekeeping, 15 (3), 2008, p. 344-361.
  • [5]
    Kevin Woods, « Ceasefire Capitalism : Military-Private Partnerships, Resource Concessions and Military-State Building in the Burma-China Borderlands », The Journal of Peasant Studies, 38 (4), 2011, p. 747-770.
  • [6]
    Gearoid Millar, « Local Experiences of Liberal Peace Marketization and Emergent Conflict Dynamics in Sierra Leone », Journal of Peace Research, 53 (4), 2016, p. 569-581.
  • [7]
    Jacobo Grajales, Gouverner dans la violence. Le paramilitarisme en Colombie, Paris, Karthala, 2016.
  • [8]
    Enquête dont les résultats ont été publiés dans J. Grajales, « La terre, entre guerre et paix. Politiques foncières et sortie de conflit en Colombie », Les Études du CERI, 223, 2016.
  • [9]
    Je tiens à remercier très sincèrement Jean-Pierre Chauveau pour son soutien amical et bienveillant, ainsi que pour la finesse de ses remarques et l’acuité de ses conseils. Je remercie également les évaluateurs anonymes de Critique internationale qui ont effectué des remarques très utiles pour l’amélioration de ce texte. Ce travail a reçu le soutien financier du CERI et de la Fondation de la Maison des Sciences de l’Homme.
  • [10]
    Daniel Pécaut, Les Farc, une guérilla sans fins ?, Paris, Lignes de repères, 2008.
  • [11]
    Mauricio Romero, « Transformación rural, violencia política y narcotráfico en Córdoba, 1953-1991 », Controversia, 167, 1995, p. 96-121.
  • [12]
    M. Romero, Paramilitares y Autodefensas. 1982-2003, Bogotá, Planeta, 2003.
  • [13]
    León Zamosc, The Agrarian Question and the Peasant Movement in Colombia : Struggles of the National Peasant Association, 1967-1981, Cambridge, Cambridge University Press, 1986.
  • [14]
    Absalón Machado, Donny Meertens (coord.), La tierra en disputa. Memorias de despojo y resistencia en la Costa Caribe (1960-2010), Bogotá, Comisión Nacional de Reparación y Reconciliación. Área de Memoria Histórica, 2010.
  • [15]
    Gérard Martin, « Violences stratégiques et violences désorganisées dans la région d’Urabá en Colombie », Cultures & Conflits, 24-25, 1997, p. 195-238.
  • [16]
    J. Grajales, « The Rifle and the Title : Paramilitary Violence, Land Grab and Land Control in Colombia », The Journal of Peasant Studies, 38 (4), 2011, p. 771-792.
  • [17]
    Alejandro Reyes, « Compra de tierras por narcotraficantes », dans Francisco Thoumi (coord.), Drogas ilícitas en Colombia. Su impacto económico, político y social, Bogotá, Ariel Ciencia Política, 1997, p. 279-346.
  • [18]
    Rocco Sciarrone, « Réseaux mafieux et capital social », Politix, 13 (49), 2000, p. 35-56.
  • [19]
    Voir par exemple Teo Ballvé, « Territories of Life and Death on a Colombian Frontier », Antipode, 45 (1), 2013, p. 238-241 ; J. Grajales, « State Involvement, Land Grabbing and Counter-Insurgency in Colombia », Development & Change, 44 (2), 2013, p. 211-232.
  • [20]
    Base de données Noche y Niebla, CINEP (Centre de recherche et d’éducation populaire). Données compilées par moi.
  • [21]
    Unidad para la Atención y Reparación Integral a las Víctimas, « Informe nacional de desplazamiento forzado en Colombia (1985 – 2012) », Bogotá, 2013.
  • [22]
    Juvenal Barbosa, William Renán, Waldir Suárez, La propiedad rural en el Magdalena 1970-2004 y algunas relaciones con el desplazamiento forzado, Santa Marta, Universidad del Magdalena, Vicerrectoría de Investigación, Fonciencias, Sección II, informe final convocatoria 2004, 2007.
  • [23]
    Yamile Salinas, Juan Manuel Zamara, Justicia y paz. Tierras y territorios en las versiones de los paramilitares, Bogotá, Centro de memoria histórica, 2012.
  • [24]
    Je m’appuie ici sur des entretiens réalisés en 2009 et 2011 avec des responsables départementaux de la politique d’aide aux déplacés internes, des professionnels d’ONG à Santa Marta et à Bogotá, des membres de la communauté mentionnée et leur représentant légal.
  • [25]
    Entretien avec Jheniffer Mojica, ancienne directrice adjointe de l’Incoder, juillet 2015. Elle a notamment été chargée de lancer les enquêtes internes pour corruption.
  • [26]
    A. Reyes, Guerreros y campesinos. El despojo de la tierra en Colombia, Bogotá, FESCOL/Norma, 2009.
  • [27]
    J. Grajales, « Quand les juges s’en mêlent. Le rôle de la justice dans la démobilisation des groupes paramilitaires en Colombie », Critique internationale, 70, 2016, p. 117-136.
  • [28]
    Lucas Gómez, « Le déplacement forcé par la violence en Colombie : émergence, réinscription et transformations d’une nouvelle catégorie de l’action publique », thèse de doctorat en science politique, Sciences Po Paris, 2012.
  • [29]
    J. Grajales, « Land Grabbing, Legal Contention and Institutional Change in Colombia », The Journal of Peasant Studies, 42 (3-4), 2015, p. 541-560.
  • [30]
    Entretiens réalisés en juillet 2015 à Bogotá auprès de la délégation de l’Union européenne, de la coopération canadienne et suédoise et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
  • [31]
    Sur ce Projet de protection des terres et du patrimoine pour la population déplacée (PPTP), mis en place dès 2001, voir María del Rosario Estrada, Nadia Margarita Rodríguez, « La política de tierras para la población desplazada 2001-2011 : de la protección a la restitución », Estudios Socio-Jurídicos, 16 (1), 2014, p. 75-119.
  • [32]
    Sur les organisations de défense des droits humains, voir Sophie Daviaud, L’enjeu des droits de l’homme dans le conflit colombien, Paris, Karthala, 2010 ; Winifred Tate, Counting the Dead : The Culture and Politics of Human Rights Activism in Colombia, Berkeley, University of California Press, 2007. Sur le cas spécifique des mobilisations paysannes, voir Mathilde Allain, « Défendre le territoire. La construction de solidarités internationales par les organisations paysannes colombiennes », thèse de doctorat en science politique, Sciences Po Bordeaux, 2016.
  • [33]
    Human Rights Watch, El riesgo de volver a casa. Violencia y amenazas contra desplazados que reclaman restitución de sus tierras en Colombia, 2013, p. 32.
  • [34]
    ILSA, Montes de María Un escenario de riesgo para la exigibilidad de los derechos de la población víctima del conflicto armado, Bogotá, Publicaciones ILSA, 2014, p. 30.
  • [35]
    Je me fonde ici notamment sur les travaux de Diana Ojeda, Jennifer Petzl, Catalina Quiroga, Ana Catalina Rodríguez, Juan Guillermo Rojas, « Paisajes del despojo cotidiano : acaparamiento de tierra y agua en Montes de María, Colombia », Revista de Estudios Sociales, 35, 2015, p. 107-119. Plusieurs ONG interviennent dans la région. L’un des rapports les plus complets a été rédigé par ILSA, Montes de María. Entre la consolidación del territorio y el acaparamiento de tierras, Bogotá, Publicaciones ILSA, 2012.
  • [36]
    Juanita León, « Las tierras de la posguerra : los nuevos dueños de los Montes de María », La Silla Vacía, 23 novembre 2009.
  • [37]
    D. Ojeda, J. Petzl, C. Quiroga, A. C. Rodríguez, J. G. Rojas, « Paisajes del despojo cotidiano : acaparamiento de tierra y agua en Montes de María, Colombia », art. cité.
  • [38]
    Sonja Vermeulen, Lorenzo Cotula, « Over the Heads of Local People : Consultation, Consent, and Recompense in Large-scale Land Deals for Biofuels Projects in Africa », The Journal of Peasant Studies, 37 (4), 2010, p. 899-916 ; Gert Jan Veldwisch, « Contract Farming and the Reorganisation of Agricultural Production within the Chókwè Irrigation System, Mozambique », The Journal of Peasant Studies, 42 (5), 2015, p. 1003-1028.
  • [39]
    Stéphanie Barral, Capitalismes agraires : économie politique de la grande plantation en Indonésie et en Malaisie, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.
  • [40]
    Pour une présentation des problématiques liées à cette globalisation du foncier, voir Gérard Chouquer, Terres porteuses : entre faim de terres et appétit d’espace, Arles, Éditions Errance, 2012.
  • [41]
    Par exemple dans la zone de San Carlos de Guaroa, où j’ai conduit des entretiens en juillet 2015.
  • [42]
    Jane M. Rausch, Territorial Rule in Colombia and the Transformation of the Llanos Orientales, Gainesville, University Press of Florida, 2013.
  • [43]
    Une courte et violente saison des pluies et une très longue saison sèche nécessitent soit de faire migrer le bétail au gré des saisons, soit de construire des systèmes de gestion des ressources hydrauliques, très rares dans la région.
  • [44]
    Entretien avec un ancien conseiller du ministre de l’Agriculture, Bogotá, juillet 2015.
  • [45]
    Des initiatives visant à montrer que les principes de l’agro-écologie permettraient de rétablir l’équilibre chimique des sols ont été très concluantes. Or ces arguments ne sont toujours pas pris en compte aujourd’hui. Entretien avec la directrice du bureau colombien d’Oxfam, Bogotá, juillet 2015 ; entretien avec le représentant de l’Union locale de producteurs de fruits et légumes de l’Orénoque, Frutorinoquía, Villavicencio, juillet 2015.
  • [46]
    J. Grajales, « Violence Entrepreneurs, Law and Authority in Colombia », Development and Change, 47 (6), 2016, p. 1294-1315.
  • [47]
    En référence, non pas à la seule commercialisation accrue de la terre, mais à sa transformation en marchandise librement échangeable. Karl Polanyi, La Grande Transformation : aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 2009.
  • [48]
    Liza Grandia, « The Tragedy of Enclosures. Rethinking Primitive Accumulation from the Guatemalan Hinterland », présentation au Spring Colloquium, Program in Agrarian Studies, 27 avril 2007, Université de Yale.

1 à l’exposition universelle de Milan en 2015, le stand de la Colombie vantait les nouvelles possibilités d’investissement dans le pays. Après plusieurs décennies de conflit armé, la signature espérée des accords de paix avec la guérilla des Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie), la marginalisation politique – sinon militaire – des groupes armés issus de la démobilisation de la nébuleuse paramilitaire et le déploiement vigoureux de l’État jusque dans les marges du territoire annonçaient l’avènement d’une ère nouvelle. Ce récit de « nation branding » est au cœur du discours politique des gouvernants, surtout lorsqu’ils rencontrent des bailleurs et des investisseurs étrangers pour lesquels la Colombie est redevenue un pays fréquentable. De fait, ce genre d’autopromotion nationale est particulièrement fréquent dans les situations de sortie de conflit. La sociologie des conflits enseigne pourtant à se méfier de telles mises en scène d’une rupture nette entre le temps de la guerre et le temps de la paix [1]. La violence ne disparaît pas du jour au lendemain, et les périodes dites de « post-conflit » sont parfois plus meurtrières que les phases d’affrontements armés [2]. Plutôt que d’envisager la succession de deux étapes essentiellement différentes, mieux vaut considérer les diverses temporalités, les variations de la valeur des ressources violentes, les circulations des acteurs et les dynamiques de reconversion [3].

2 La dimension agraire du conflit armé colombien est fondamentale. C’est en grande partie l’inégalité de l’accès à la terre qui permet de comprendre l’apparition des acteurs armés et l’ancrage de l’État dans le territoire. La question foncière se pose avec d’autant plus d’acuité qu’une partie des déplacés forcés d’origine rurale, qui ont été relégués dans les ceintures de misère des villes pendant des années, sont censés pouvoir revenir sur les terres qu’ils travaillaient auparavant. Les négociations avec les guérillas des Farc et de l’ELN (Armée de libération nationale) réservent d’ailleurs une place importante à la « question rurale », catégorie protéiforme qui englobe la pauvreté des paysans, l’isolement des zones périphériques ainsi que la brutalité avec laquelle des millions d’hectares de terres ont été confisqués.

3 Certes, les niveaux de violence ont baissé, dans certaines zones le retour des réfugiés est devenu possible et une partie des collusions qui avaient soutenu ce processus d’accaparement ont été dévoilées. Pour autant, la violence n’a pas disparu, elle est seulement devenue plus discrète et policée. Les formes d’accumulation des temps de guerre ne se sont pas résorbées ; certaines ont même été accentuées par les logiques politiques du post-conflit, et les nouveaux acteurs de l’accaparement ne voient pas leurs desseins fragilisés par un statut juridique bancal. Reconnues comme étant des éléments centraux de la construction de la paix, les agro-industries font reposer leur modèle productif sur des structures de la propriété foncière qui ont été constituées et défendues par la violence.

4 À rebours des récits normatifs et téléologiques du post-conflit, nous nous interrogeons sur l’enchevêtrement des logiques de la guerre et de la sortie de guerre dans les transformations récentes du capitalisme agraire en Colombie. Notre analyse s’inscrit ainsi dans les débats actuels sur l’économie politique de la sortie de conflit, qui portent sur la reconversion des ressources violentes et le repositionnement des acteurs armés sur le terrain des activités économiques légales [4]. Elle met de surcroît l’accent sur l’articulation entre les processus internes à la Colombie, les flux internationaux de capitaux et l’imaginaire de la globalisation, dans le sillage des travaux de Kevin Woods sur le « capitalisme de cessez-le-feu » en Birmanie [5] ou de Gearoid Millar sur le paradigme de la « paix libérale » dans les politiques de développement agraire en Sierra Leone [6].

5 Dans ce cadre, nous nous intéressons aux transformations des formes d’accaparement de la terre liées à la relative pacification de la situation colombienne. La baisse des niveaux de violence ne remet pas fondamentalement en cause les formes d’exclusion et de spoliation qui ont été instaurées par la violence. Au contraire, des dynamiques qui trouvent leur origine dans les moments les plus violents de l’histoire récente du pays se stabilisent et s’accentuent dans la période actuelle. Les données utilisées proviennent de plusieurs séjours de terrain en Colombie. La première partie de cette étude se fonde sur des enquêtes réalisées en 2009 et 2011 dans le cadre de mes recherches doctorales [7]. La suite s’appuie sur une autre enquête réalisée en 2015, à Bogotá et dans la région de l’Orénoque, sur les transformations des politiques de développement agricole dans cette région [8]. Ces divers séjours de terrain m’ont amené à conduire des entretiens auprès de fonctionnaires en charge des politiques foncières et de l’aide aux victimes de déplacements forcés, aussi bien au niveau central que local, à rencontrer des acteurs d’ONG actives sur ces thématiques et à m’entretenir avec des paysans et des éleveurs dans les régions du Magdalena et de l’Orénoque [9].

La terre en jeu

Violence et économie politique du foncier rural

6 La formation des guérillas marxistes des années 1960 doit être comprise en lien, d’une part, avec la colonisation de la frontière agraire amazonienne par des paysans sans terre, d’autre part, avec les conflits opposant des organisations paysannes aux grands propriétaires fonciers dans des zones marquées par l’emprise de l’hacienda, la grande propriété latifundiaire. Ainsi les origines de la guérilla des Farc sont-elles ancrées dans le déplacement de familles paysannes fuyant la violence des montagnes andines [10]. Et dans certaines régions du pays comme le Córdoba [11], les premiers maquis sont liés à la répression étatique des mobilisations paysannes ou encore aux promesses non tenues de soutien public à la petite propriété paysanne.

7 La formation des groupes paramilitaires, décrits par leurs promoteurs comme une réaction à l’insurrection communiste, est, elle aussi, intrinsèquement liée aux conflits dans les campagnes. Dans bien des régions, les premiers groupes armés de ce type émergent comme une réaction des élites foncières aux menaces de bouleversement d’une société rurale extrêmement inégalitaire [12]. Au cours des années 1970, face à la recrudescence des conflits fonciers [13], marquée notamment par la généralisation de la stratégie d’occupation des parcelles privées par les mouvements paysans, les grands propriétaires organisent la riposte en créant des milices constituées parfois de bandits locaux, dont certains ont été libérés par la police en échange de leurs services [14].

8 Ces groupes armés sont engagés pour réprimer le mouvement paysan, accusé par les grands propriétaires d’être le bras civil de l’insurrection. Ils interviennent également dans les conflits du travail sur les grandes plantations, notamment en assassinant des leaders et des membres des syndicats, par exemple dans les zones agro-industrielles d’Uraba [15] ou du Magdalena [16], situées dans l’arrière-pays caraïbe.

9 Leur intervention dans l’économie politique du foncier rural va cependant bien au-delà puisqu’ils participent également à un accaparement massif de terres dans les zones placées sous leur contrôle. Ce phénomène, identifié par des sociologues et des géographes dès le milieu des années 1990 [17], est dû, entre autres, à l’implication étroite de nombreux promoteurs du paramilitarisme dans le trafic de drogues, implication qui les conduit à voir dans la terre une ressource clé pour le blanchiment de fonds. Au demeurant, l’accaparement est le plus souvent un phénomène violent. Les paramilitaires utilisent la contrainte physique pour obliger les paysans à abandonner leurs terres ou à les vendre à des prix situés au-dessous du marché. Pour cela, ils s’appuient sur leur « capital social » [18], des réseaux d’alliances qui leur permettent d’avoir accès à diverses sphères de l’économie – légale comme illégale – et de la politique. Certains hommes d’affaires s’associent alors à leur entreprise de colonisation violente du territoire [19], tandis que leurs relations au sein des institutions publiques leur permettent notamment d’obtenir des titres de propriété. Leur capacité à nouer des alliances dans ces milieux se rapporte non seulement à leur emprise territoriale, mais aussi à leurs origines sociales. Issus le plus souvent de la bourgeoisie rurale, ces individus appartiennent à un groupe social qui a longtemps cumulé les positions de pouvoir politique et les positions de captation économique.

10 Ces formes d’accaparement sont donc liées à des historicités locales ; les rapports entre les groupes paramilitaires et les élites foncières, les conflits entre mouvements paysans et grands propriétaires ou encore la pénétration locale des institutions publiques. Il convient donc d’explorer les mécanismes politiques de l’accaparement par une étude de cas.

Les paramilitaires et l’accaparement de terres

11 Dans le département du Magdalena, l’implantation des groupes paramilitaires est ancienne. Dès le début des années 1980, des milices armées, initialement dédiées à la protection de la production et du trafic de drogues – marihuana d’abord, cocaïne ensuite – rallient la cause contre-insurrectionnelle. Au milieu des années 1990, un nouvel acteur apparaît dans la région : les Autodéfenses unies de Colombie (AUC), groupe armé qui nourrit l’ambition de devenir une « confédération » nationale de milices paramilitaires et qui, de fait, deviendra le groupe hégémonique, au détriment des milices paramilitaires autochtones.

12 Les liens entre les paramilitaires et les milieux politiques et entrepreneuriaux locaux sont, eux aussi, anciens. À chaque élection, Hernán Giraldo, l’une des figures centrales du paramilitarisme local, négocie le soutien des populations placées sous son contrôle avec les barons politiques de la région. Sa zone d’influence, située dans le périmètre de la municipalité de Santa Marta, chef-lieu départemental, constitue une ressource électorale importante dans le marchandage avec les élites politiques de la ville. Les relations nouées dans le nord du département, dédié à l’économie agro-industrielle, sont également symptomatiques du capital social des paramilitaires. Le développement vertigineux de l’exploitation de la banane à partir du début des années 1990 se traduit par une arrivée massive de travailleurs agricoles. Avec eux arrivent les syndicats, identifiés par les propriétaires fonciers au communisme et à l’insurrection. Une répression violente est aussitôt lancée par les paramilitaires. Les homicides de leaders syndicaux et de militants se succèdent. Dans les municipalités concernées par l’économie de la banane (Ciénaga, Fundación et Aracataca), les paramilitaires assassinent 54 personnes au cours de la seule année 1992 [20].

13 L’arrivé des AUC dans la région se traduit par un renforcement des stratégies d’influence politique. Les paramilitaires participent au jeu électoral, soutiennent leurs propres candidats aux postes de maire et de gouverneur, ainsi que dans les conseils municipaux et départementaux. La plupart de leurs alliés sont des politiciens bien établis. Leur alliance avec de telles personnalités permet aux paramilitaires de placer leurs associés au Parlement où ils peuvent ainsi influencer les débats législatifs, les nominations à la tête des agences exécutives et les investissements publics dans des projets locaux. Cette mainmise se traduit par l’accaparement de grandes extensions de terres. Selon les sources officielles, entre 2000 et 2008, 294 664 personnes sont déplacées dans le Magdalena [21]. Des sociologues et des démographes ont analysé la composition de cette population [22] : plus de 42 % des déplacés sont des paysans travaillant une parcelle de terre qu’ils possèdent, mais un peu plus de la moitié seulement d’entre eux (59,2 %) ont un titre de propriété couvrant ladite parcelle. Les tenanciers dépourvus de titre sont bien sûr les plus exposés aux formes d’accaparement violent, la contrainte suffisant à les faire partir. Dans les autres cas, des stratégies plus sophistiquées sont nécessaires. On peut par exemple les forcer à vendre, au besoin en « assassinant le propriétaire pour acheter à la veuve », propos souvent rapportés par mes interviewés, et qui se retrouvent partout en Colombie. Les cessions se font au-dessous du prix du marché, et les victimes racontent que les chèques reçus sont souvent sans provisions. Une fois le propriétaire parti, il est d’ailleurs possible de falsifier un acte de vente avec l’aide des notaires [23].

14 Même lorsque la violence suffit à elle seule à s’approprier des terres, il faut ensuite convertir ces ressources mal acquises en propriété officiellement et juridiquement reconnue, échangeable sur le marché et éventuellement utilisable dans le cadre d’un secteur agro-industriel globalisé. Les conditions économiques et institutionnelles créent ainsi une demande de reconnaissance légale de la part de tous les acteurs. La profitabilité même de leur activité nécessite, comme dans tout marché criminel, de blanchir les profits qui en sont issus.

15 Un exemple où se mêlent pratiques violentes et stratégies bureaucratiques permet de préciser nos arguments [24]. Au début des années 1990, l’Institut colombien de la réforme agraire (Incora) distribue à des familles paysannes des terres situées dans la municipalité de Chivolo. L’un des groupes de bénéficiaires, formé de 37 familles, reçoit ainsi les terres d’une ancienne hacienda, appelée El Encanto, qui a été rachetée par l’Incora. En 1996, des groupes paramilitaires arrivent dans la région. Les meurtres commencent en octobre de cette même année. Les menaces sont de plus en plus fortes, et puis un jour, c’est l’instituteur, Roberto Barrios, qui est exécuté devant les habitants rassemblés de force. La mise en scène du meurtre, qui vise à créer la terreur, provoque un déplacement massif des familles vers le centre urbain de Chivolo. Lorsque quelques paysans cherchent à retourner sur leurs terres dans les mois qui suivent, deux d’entre eux sont assassinés. La peur annihile alors toute tentative d’action collective.

16 C’est à ce moment que l’Incora intervient à nouveau. Une décision administrative datée d’octobre 2002 affirme que les terres allouées en 1991 ont été abandonnées par les allocataires du programme de réforme agraire et qu’elles doivent donc être distribuées à de nouveaux bénéficiaires. Selon les enquêtes criminelles qui suivent, ceux-ci sont des cadres de l’organisation paramilitaire et des exploitants agricoles alliés. Une partie d’entre eux auraient servi de prête-noms à Jorge Cuarenta, commandant paramilitaire de la région. En fait, les politiques alliés aux paramilitaires contrôlent les nominations à toutes les instances liées à la propriété de la terre : non seulement les notaires, mais aussi les postes à l’Incora et dans l’agence qui l’a remplacé, l’Incoder (Institut colombien de développement rural).

17 De telles configurations ne sont pas propres au Magdalena. Les enquêtes internes à l’Incoder, déclenchées à partir de 2011, montrent que des montages très similaires ont été utilisés dans tout le pays [25]. Des recherches académiques ont d’ailleurs montré l’ampleur du phénomène, ainsi que l’enchevêtrement de la violence, de la criminalité bureaucratique et des stratégies économiques [26].

Vers la pacification ?

18 La démobilisation des groupes paramilitaires entre 2003 et 2006 et les enquêtes judiciaires portant sur leurs alliances politiques bouleversent durablement cette situation [27]. L’extradition d’une grande partie des chefs paramilitaires, la fragmentation des groupes armés et l’incarcération de nombreux élus amoindrissent le pouvoir des groupes qui ont dominé la politique locale. Cela ne signifie pas que ces réseaux disparaissent. Certains politiques continuent de contrôler leur appareil électoral depuis la prison. Il en est de même pour les paramilitaires : une partie d’entre eux ne rendent pas les armes ou les reprennent aussitôt après avoir empoché les subsides réservés aux démobilisés. Lorsque je me rends pour la première fois à Santa Marta en 2009, l’ancrage de ces groupes armés dans la vie quotidienne des quartiers populaires – où ils contrôlent ou taxent l’économie formelle et informelle – et dans les campagnes – où ils menacent les paysans qui souhaitent revenir sur leurs terres – est patent. Aujourd’hui, les organisations de défense des droits de l’homme n’ont de cesse de dénoncer la pusillanimité du gouvernement qui affirme que les conditions de sécurité sont réunies pour un retour vers les campagnes des déplacés forcés, mais ne fait rien pour les protéger lorsqu’ils sont menacés et assassinés. La situation de ces dernières années ne s’apparente donc pas à une rupture nette dans les modalités d’exercice du pouvoir ; la véritable nouveauté concerne l’émergence et la centralité politique du problème de l’accaparement des terres.

19 Il serait trop long d’analyser ici le détail d’un tel processus. Évoquons simplement plusieurs canaux d’émergence. L’un d’eux concerne le domaine judiciaire. Dès 1997, la Cour constitutionnelle effectue un contrôle serré de la politique d’attention aux déplacés, mettant à l’œuvre une procédure de suivi et de contrôle des politiques gouvernementales [28]. Par ailleurs, les nombreuses enquêtes judiciaires conduites à la suite de la démobilisation des groupes paramilitaires mettent en lumière la manière dont ceux-ci ont pu utiliser la violence pour accumuler de grandes extensions de terres [29]. Le problème est également porté par les agences internationales de coopération [30], qui soulignent l’insuffisance des ressources allouées à la seule politique de protection du patrimoine des déplacés, laquelle vise à instaurer un moratoire sur la vente des terres dans les zones les plus conflictuelles [31]. Par ailleurs, le problème est également pris en charge par des organisations de victimes, héritières d’une longue histoire de mobilisation par le droit en Colombie [32].

20 Une partie de ces revendications sont reprises par le président Juan Manuel Santos, peu après son élection en 2010. Cette décision doit être rapportée aux cycles d’affrontements et de négociations avec les organisations de guérilla. Santos se présente comme un fervent défenseur du « post-conflit » : après la démobilisation des paramilitaires, il lui reviendrait de signer la paix avec les rebelles, et notamment avec le premier groupe d’entre eux, les Farc. La promotion d’une politique rurale soucieuse à la fois de réparation des victimes et de développement des campagnes marquerait ainsi la volonté de son gouvernement de traiter les « causes structurelles » du conflit. L’installation de pourparlers officiels avec les Farc à la Havane en septembre 2012, après des mois de négociations secrètes, est en partie le résultat de ce nouvel agenda rural.

21 La politique phare devient alors la restitution des terres. Instaurée en 2011, elle vise à l’identification des victimes de déplacements forcés ayant perdu le contrôle, la jouissance et/ou la propriété de leurs terres, et ouvre la voie à la restitution des parcelles spoliées ou à d’autres formes de réparation pécuniaire.

22 Ces cinq dernières années sont donc marquées par l’intégration progressive des politiques foncières – concernant aussi bien la propriété de la terre que la mobilité des populations rurales – dans l’agenda de la sortie de conflit. L’ouverture du chantier de la politique de restitution suscite en effet l’émergence de plusieurs problèmes politiques. Sa mise en œuvre exige des institutions fiables, une connaissance fine des marchés fonciers et des sociétés rurales et une présence plus forte de l’État sur le territoire. Toutes ces conditions manquent d’autant plus cruellement que des institutions comme l’Incoder ou le notariat ont pleinement participé au processus d’accaparement foncier.

Une nouvelle économie politique du foncier ?

23 La consolidation de la situation sécuritaire se traduit à partir de 2011 par des politiques ambitieuses visant à favoriser le retour des populations déplacées dans leur territoire d’origine et leur accès aux terres spoliées. Une observation attentive révèle cependant que ces nouvelles dispositions ne remettent pas en cause la structure des inégalités et les hiérarchies sociales issues du conflit armé. Au contraire, une nouvelle économie politique du foncier rural se dessine, caractérisée par de nouvelles modalités d’accumulation de la terre qui, à leur tour, génèrent de nouvelles formes d’inégalité et de nouveaux conflits.

Violence et accaparement

24 Si les niveaux de violence ont diminué, la contrainte physique n’a pas disparu de la gestion des conflits fonciers. Elle peut consister en une intimidation armée, voire aller jusqu’au meurtre, ce qui s’explique aisément par le fait que le milieu paramilitaire s’est restructuré en de nouvelles entreprises de violence, plus fragmentées que par le passé, mais non moins liées aux acteurs de l’économie agro-industrielle. Les données sur les homicides liés aux demandes de restitutions sont éparses et peu fiables. Le Défenseur du peuple, sorte d’Ombudsman chargé de la politique de défense des droits humains, en a recensé 71 entre 2006 et 2011 dans l’ensemble du pays, et le Procureur général de la nation (Fiscal general de la Nación) affirmait en 2013 en avoir identifié 56 depuis 2000 [33]. L’origine policière de ces chiffres laisse dubitatif quant à leur fiabilité : la police n’a-t-elle pas conclu à un crime passionnel au sujet de la mort d’un éventuel bénéficiaire de restitution retrouvé décapité et présentant des signes de torture [34] ?

25 Reprenons ici nos données sur le cas d’accaparement cité plus haut, afin de préciser le lien entre revendications de droits et menaces. Dès 2007, plusieurs familles de la communauté d’El Encanto cherchent à retourner sur leurs terres. Elles sont soutenues dans leur démarche par une ONG de défense des droits de l’homme, ILSA (Institut latino-américain pour une société et un droit alternatifs), qui cherche à reconstruire les liens entre les familles victimes de déplacements forcés et à favoriser l’action collective. Le retour se fait sans soutien de l’État. Quatre ans avant le vote de la loi sur la restitution de terres, le problème n’est pas à l’agenda public et toute tentative de mobilisation des victimes des paramilitaires est vue avec suspicion par le gouvernement de l’époque. À leur arrivée sur leurs anciennes parcelles, les paysans trouvent des terres clôturées, servant à l’élevage et à la production de palmier à huile et de bois précieux. La mobilisation des paysans d’El Encanto, ainsi que d’autres communautés voisines ayant vécu des expériences similaires, aboutit à la décision d’abrogation des actes d’allocation de terres aux nouveaux propriétaires. Les premières décisions datent de 2010 ; en 2011, la Cour suprême exige l’abrogation de 36 titres de propriété.

26 La mobilisation des paysans suscite la réaction de divers acteurs liés aux milieux paramilitaires. Des menaces téléphoniques se succèdent et des groupes d’hommes armés harcèlent les paysans jusque dans leurs maisons. Peut-être en raison de l’envergure politique acquise par ce cas, aucun meurtre n’est commis. Les caractéristiques des auteurs de ces menaces trahissent la persistance des cycles de violence. On y trouve Omar Montero, alias Codazzi, ancien cadre paramilitaire, Augusto Castro, homme d’affaires et frère d’un ancien député condamné pour ses liens avec les paramilitaires, et Saúl Severini, éleveur soupçonné par la justice d’avoir commandité plusieurs massacres et d’avoir joué un rôle clé dans l’appareil financier des paramilitaires. Aujourd’hui encore, les paysans subissent des menaces fréquentes : Augusto Castro, qui a été arrêté en 2012 et incarcéré pour association de malfaiteurs et déplacement forcé, a été assigné à résidence en janvier 2016, et les paysans craignent l’influence locale qu’il pourrait continuer d’exercer dans ces conditions.

27 Si la violence armée a perdu de son intensité, c’est aussi parce que ses conséquences sont désormais inscrites dans les territoires. Refaçonnés par l’accaparement, ceux-ci sont marqués par l’exploitation agro-industrielle, qui a effacé les traces de l’agriculture paysanne. Les biens communs qui contribuaient à la survie économique des populations ont disparu, les ressources naturelles – notamment l’eau – sont monopolisées par le nouveau mode de production, et les infrastructures – chemins, routes – privatisées. Les paysans sont désormais encerclés par la plantation.

28 Le cas des Montes de María, région située également dans les plaines caraïbes, illustre de manière brutale la convergence de la pacification du territoire et de l’accaparement des terres. Dans cette région, les niveaux de violence ont été particulièrement élevés, puisque 13 homicides ont eu lieu entre 2006 et 2013, ainsi que de nombreuses agressions sexuelles à des fins d’intimidation évidentes. Or parallèlement à ces violences physiques ont également eu lieu des transformations économiques et géographiques porteuses d’exclusion [35].

29 Cette région fait partie des zones prioritaires de consolidation dès 2002. Une présence massive des forces de sécurité, un temps dotées de prérogatives exceptionnelles dans le cadre de l’état d’urgence, y est déployée. Des efforts étalés sur plusieurs années aboutissent à une marginalisation des Farc, qui gardent néanmoins la capacité d’organiser dans la région des opérations ponctuelles et ciblées. L’effet le plus visible se situe cependant au niveau de l’activité économique. Dès 2008, des entrepreneurs intéressés par l’acquisition de terres arrivent dans la région. Ils achètent à des prix très bas – environ 100 euros l’hectare pour les premiers achats [36] – les terres de paysans qui ont dû quitter la région. Ils ont réussi à se procurer, probablement auprès des institutions, des informations précises sur ces paysans : leur domicile, alors qu’ils se sont pour beaucoup installés dans les bidonvilles de la ville de Carthagène ; les dettes qui pèsent sur leurs parcelles – crédits bancaires et taxe foncière – et empêchent toute perspective d’exploitation future. Ces transferts doivent contourner des obstacles administratifs. En vertu d’un dispositif national visant à protéger le patrimoine des déplacés, un moratoire a été instauré sur les ventes d’exploitations agricoles. La levée de ce moratoire requiert l’accord des autorités locales. Or les liens entre les entrepreneurs et l’administration semblent avoir joué dans la levée de ces obstacles. L’ONG ILSA a ainsi recensé les méthodes utilisées pour contourner le moratoire – décisions postérieures à l’acte d’achat, utilisation de sociétés anonymes pour éviter d’afficher le nom de l’acheteur – qui montrent, là encore, la promptitude avec laquelle l’administration a pu accorder des passe-droits.

30 Une fois les entreprises installées, diverses productions agro-industrielles se mettent en place – coton, palmier, bois précieux – qui transforment durablement le paysage agraire de la région [37]. Des schémas d’agriculture contractuelle, associant des entreprises et des paysans sont également mis en œuvre ; ils comportent des effets pervers, abondamment documentés par la littérature [38], en ce qu’ils font peser l’essentiel du risque sur les « associés » paysans. Les promesses de création d’emploi ne sont pas tenues, les exploitations agro-industrielles nécessitant beaucoup moins de main-d’œuvre que l’agriculture paysanne. Toutes ces transformations, soulignées par des chercheurs travaillant sur des terrains très divers [39], tendent ainsi à faire de l’exploitation agro-industrielle la seule organisation possible, rendant impraticable l’agriculture paysanne.

Nouvelles accumulations

31 Cette nouvelle économie politique du foncier ne se caractérise pas uniquement par la pérennisation des conséquences de la violence sur le territoire. Elle est également marquée par l’émergence de nouveaux acteurs qui viennent renforcer les dynamiques préalables d’accumulation, mais dont les caractéristiques sont davantage compatibles avec le discours du post-conflit. Ainsi, de grandes entreprises agro-industrielles colombiennes et étrangères investissent massivement dans la nouvelle « frontière agraire » que la pacification du territoire rend enfin exploitable. Un dernier exemple nous permettra de préciser ces dynamiques.

32 Dans les plaines de l’Orénoque, situées au sud-est de Bogotá, les fonctionnaires du ministère de l’Agriculture, les politiques et les associations de grands producteurs calculent qu’il existe environ quatre millions d’hectares disponibles pour des investissements à grande échelle. Une véritable ruée vers l’Orénoque commence alors au milieu des années 2000. Les conditions de sécurité, en cours de stabilisation, permettent à ces entrepreneurs d’envisager de s’installer sur ces terres. Des projets de grande ampleur sont lancés. La multinationale étasunienne Cargill acquiert 52 000 hectares et déclare à terme vouloir en exploiter 90 000, même si seule une portion de l’acquisition initiale est mise en exploitation. D’autres groupes étrangers s’installent, comme le brésilien Monica ou comme Poligrow, au capital hispano-italien. Le gouvernement chinois va même jusqu’à déclarer qu’il est prêt à y exploiter 400 000 hectares. Cette expansion ne peut cependant pas s’expliquer par la seule globalisation du foncier [40]. D’une part, parce que l’on trouve désormais dans l’Orénoque tous les géants colombiens de l’agro-industrie, ainsi que des conglomérats industriels ayant récemment développé une branche agricole. D’autre part, parce que, parallèlement à ces achats, mais de manière beaucoup plus discrète, des acheteurs de moindre importance prolifèrent. La médiatisation de ces acquisitions à grande échelle attire en effet des investisseurs petits et moyens, intéressés notamment par la spéculation. Sur ce point, les sources quantitatives sont inexistantes, mais, dans les zones proches de la principale ville, Villavicencio, les habitants rapportent l’arrivée en masse d’acheteurs étrangers à la région [41], donnée que j’ai pu confirmer auprès de fonctionnaires de la Direction départementale de l’agriculture, et qui se perçoit notamment dans l’augmentation vertigineuse des prix de la terre, qui ont pu être multipliés par dix dans les zones habitées par certains de mes interlocuteurs. L’acquisition de grandes étendues de terres dans cette région peut s’expliquer par les caractéristiques singulières de l’occupation du territoire [42]. Dans la zone du piémont andin, on pratique une petite agriculture familiale ; dans le reste de la région, les immenses étendues de plaines sont dédiées à un élevage très extensif. La faible densité de population et l’immensité de la frontière agraire qui s’ouvrait aux colons arrivés sur les plaines, au moins jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle, ont produit une population d’éleveurs qui occupaient des territoires immenses (plus de 5 000 hectares), dont les limites étaient avant tout déterminées par le nombre de têtes de bétail possédées et par l’utilisation de techniques de transhumance qui visaient à économiser les ressources en pâture et à s’adapter aux cycles des pluies [43].

33 Les autorités publiques ont leur part dans la production d’une telle géographie imaginée, qui fait de cette région la dernière frontière agraire et qui légitime, au nom de considérations géographiques et techniques, la primauté accordée aux agro-industries. Ici aussi, la convergence entre pratiques économiques et consolidation sécuritaire se confirme. C’est au milieu des années 2000, à partir du redéploiement des forces militaires le long des – rares – axes routiers et autour des exploitations pétrolières, que les potentialités agro-industrielles de la région sont redécouvertes. À partir de 2004, le ministère de l’Agriculture, dirigé à l’époque par un ancien responsable du patronat agro-industriel, lance une série d’études sur les caractéristiques biochimiques des sols de l’Orénoque [44]. Une problématique technique est alors identifiée : les sols en question sont acides et riches en aluminium. Il est donc nécessaire de les traiter préalablement à toute exploitation agricole intensive. Ces procédés chimiques existent et ont déjà été expérimentés au Brésil. Des équipes de chercheurs colombiens et des fonctionnaires du ministère de l’Agriculture visitent alors le grand centre de recherche agronomique brésilien, Embrapa. À la même époque, des initiatives émanant de la Présidence font de l’Orénoque l’un des territoires de la Colombie les plus attractifs pour les entreprises – notamment étrangères – qui envisageraient de s’y installer : cette politique de « marketing territorial » non seulement vante la sécurisation de la région, mais aussi offre des avantages fiscaux exceptionnels.

34 Le modèle agro-industriel occupe désormais dans le discours des gouvernants et dans le contenu des politiques publiques une place hégémonique. Ce faisant, il exclut deux types de population : d’une part, les éleveurs autochtones qui, bien que contrôlant de vastes étendues de terre, sont largement dépourvus de représentation politique et considérés, qui plus est, au ministère de l’Agriculture comme arriérés et peu efficaces ; d’autre part, les paysans sans terre et les victimes de déplacements forcés, auxquels l’État a promis – notamment dans le cadre des négociations avec les Farc – des parcelles de terres. Selon les opposants au gouvernement, l’Orénoque aurait pu constituer un réservoir de terres pour ces populations vulnérables. Or, selon le ministère, les caractéristiques des sols nécessitent des investissements pouvant aller jusqu’à 3 000 euros par hectare [45], tandis que l’absence presque totale d’infrastructures ferme toute perspective de commercialisation à des exploitations petites ou moyennes. Dans un cas comme dans l’autre, seules les grandes entreprises semblent pouvoir faire face aux contraintes économiques de la situation.

35 Il s’ensuit que toutes les mesures censées protéger ou promouvoir l’agriculture paysanne sont ici inopérantes. Illustrons cette inefficacité par l’exemple des dispositifs de titrisation. L’établissement de titres de propriété est présenté, en accord avec les « bonnes pratiques » promues par les organisations internationales, comme une façon de sécuriser les petites exploitations. Dans l’Orénoque, une politique de titrisation a été ainsi impulsée, notamment dans les zones de piémont où domine la petite propriété familiale. Or aucun moratoire ne pèse sur la revente des terres dont la propriété est formalisée. Par ailleurs, la titrisation ne s’accompagne d’aucun soutien sur le plan technique ou financier. Dans un contexte où les acheteurs potentiels ne manquent pas, l’option la plus rationnelle pour beaucoup de bénéficiaires semble donc être la revente de leurs terres, dès lors qu’ils obtiennent un titre. Bien que les sources permettant de quantifier ce phénomène soient inexistantes, notre observation des pratiques sociales révèle qu’il est assez répandu. Ainsi, à Villavicencio, il existe des négociants en terres spécialisés dans ce type de rachats. Ils approchent les paysans alors même que ceux-ci n’ont pas encore reçu leur titre ni même parfois engagé de procédures, se chargent des démarches administratives et engagent au besoin des topographes et des avocats.

36 Parallèlement à ces transformations économiques, le milieu agro-industriel réclame des réformes dans la réglementation sur l’achat et l’allocation de terres. Ces demandes ont été prises en compte par le gouvernement qui, au bout d’un processus législatif rendu tortueux par la mobilisation d’élus de l’opposition de gauche, a obtenu le vote d’une loi portant sur le dispositif Zidres (Zones d’intérêt pour le développement rural, économique et social). Celui-ci lève l’essentiel des entraves à l’exploitation des terres du domaine national et à la mise en œuvre de contrats d’exploitation avec des propriétaires, y compris des bénéficiaires de la politique de restitution de terres.

37 La violence, notamment celle des groupes paramilitaires, a profondément façonné le capitalisme agraire dans les campagnes colombiennes. Elle a accentué l’inégalité, dans une configuration qui se caractérisait déjà par la concentration massive de la terre entre les mains des grands propriétaires. Or la démobilisation des groupes paramilitaires n’a pas abouti à une marginalisation de la violence, mais plutôt à des situations hybrides où le renforcement des institutions officielles s’accompagne du maintien de modes violents d’exercice du pouvoir [46]. Une telle configuration est visible dans les cas du Magdalena et des Montes de María, où les processus d’accumulation de la terre se poursuivent.

38 Par-delà la capacité des acteurs armés à maintenir leur emprise sur les territoires où ils dictaient auparavant leur loi, il existe des formes plus complexes de reproduction des inégalités issues de la guerre. Alors que la reconfiguration par la violence de certains territoires marginalise l’agriculture paysanne et que l’État colombien voit dans les agro-industries le meilleur modèle pour tirer profit de la pacification de la situation politique, l’accumulation de la terre et sa « marchandisation » [47] persistent par des moyens qui semblent, au premier abord, socialement et politiquement plus acceptables. Les conséquences de la violence sur ces territoires ruraux s’étendent bien au-delà de la période d’affrontements armés et s’inscrivent au cœur de la sortie de conflit. Si le marché capitaliste n’a pu être créé que par la contrainte, on voit ici une preuve supplémentaire de la compatibilité entre accumulation violente et reproduction du capital sur un plus long terme [48].


Date de mise en ligne : 04/05/2017.

https://doi.org/10.3917/crii.075.0021

Notes

  • [1]
    Paul Richards, « New War : An Ethnographic Approach », dans P. Richards (ed.), No Peace, no War : An Anthropology of Contemporary Armed Conflicts, Athens, Ohio University Press/Oxford, James Currey, 2005, p. 1-21 ; Marielle Debos, Le métier des armes au Tchad : le gouvernement de l’entre-guerres, Paris, Karthala, 2013 ; Dominique Linhardt, Cédric Moreau de Bellaing, « Ni guerre, ni paix », Politix, 104 (4), 2014, p. 7-23.
  • [2]
    Dennis Rodgers, « Living in the Shadow of Death : Gangs, Violence and Social Order in Urban Nicaragua, 1996-2002 », Journal of Latin American Studies, 38 (2), 2006, p. 267-292.
  • [3]
    Nathalie Duclos (dir.), L’adieu aux armes ? Parcours d’anciens combattants, Paris, Karthala, 2010 ; Cécile Jouhanneau, « Sorties de guerre : reconfigurations des normes et carrières combattantes », Cultures & Conflits, 77, 2010, p. 93-100.
  • [4]
    Voir par exemple Peter Andreas, « The Clandestine Political Economy of War and Peace in Bosnia », International Studies Quarterly, 48 (1), 2004, p. 29-51 ; Edward Aspinall, « Combatants to Contractors : The Political Economy of Peace in Aceh », Indonesia, 87, 2009, p. 1-34 ; Philippe Le Billon, « Corrupting Peace ? Peacebuilding and Post-conflict Corruption », International Peacekeeping, 15 (3), 2008, p. 344-361.
  • [5]
    Kevin Woods, « Ceasefire Capitalism : Military-Private Partnerships, Resource Concessions and Military-State Building in the Burma-China Borderlands », The Journal of Peasant Studies, 38 (4), 2011, p. 747-770.
  • [6]
    Gearoid Millar, « Local Experiences of Liberal Peace Marketization and Emergent Conflict Dynamics in Sierra Leone », Journal of Peace Research, 53 (4), 2016, p. 569-581.
  • [7]
    Jacobo Grajales, Gouverner dans la violence. Le paramilitarisme en Colombie, Paris, Karthala, 2016.
  • [8]
    Enquête dont les résultats ont été publiés dans J. Grajales, « La terre, entre guerre et paix. Politiques foncières et sortie de conflit en Colombie », Les Études du CERI, 223, 2016.
  • [9]
    Je tiens à remercier très sincèrement Jean-Pierre Chauveau pour son soutien amical et bienveillant, ainsi que pour la finesse de ses remarques et l’acuité de ses conseils. Je remercie également les évaluateurs anonymes de Critique internationale qui ont effectué des remarques très utiles pour l’amélioration de ce texte. Ce travail a reçu le soutien financier du CERI et de la Fondation de la Maison des Sciences de l’Homme.
  • [10]
    Daniel Pécaut, Les Farc, une guérilla sans fins ?, Paris, Lignes de repères, 2008.
  • [11]
    Mauricio Romero, « Transformación rural, violencia política y narcotráfico en Córdoba, 1953-1991 », Controversia, 167, 1995, p. 96-121.
  • [12]
    M. Romero, Paramilitares y Autodefensas. 1982-2003, Bogotá, Planeta, 2003.
  • [13]
    León Zamosc, The Agrarian Question and the Peasant Movement in Colombia : Struggles of the National Peasant Association, 1967-1981, Cambridge, Cambridge University Press, 1986.
  • [14]
    Absalón Machado, Donny Meertens (coord.), La tierra en disputa. Memorias de despojo y resistencia en la Costa Caribe (1960-2010), Bogotá, Comisión Nacional de Reparación y Reconciliación. Área de Memoria Histórica, 2010.
  • [15]
    Gérard Martin, « Violences stratégiques et violences désorganisées dans la région d’Urabá en Colombie », Cultures & Conflits, 24-25, 1997, p. 195-238.
  • [16]
    J. Grajales, « The Rifle and the Title : Paramilitary Violence, Land Grab and Land Control in Colombia », The Journal of Peasant Studies, 38 (4), 2011, p. 771-792.
  • [17]
    Alejandro Reyes, « Compra de tierras por narcotraficantes », dans Francisco Thoumi (coord.), Drogas ilícitas en Colombia. Su impacto económico, político y social, Bogotá, Ariel Ciencia Política, 1997, p. 279-346.
  • [18]
    Rocco Sciarrone, « Réseaux mafieux et capital social », Politix, 13 (49), 2000, p. 35-56.
  • [19]
    Voir par exemple Teo Ballvé, « Territories of Life and Death on a Colombian Frontier », Antipode, 45 (1), 2013, p. 238-241 ; J. Grajales, « State Involvement, Land Grabbing and Counter-Insurgency in Colombia », Development & Change, 44 (2), 2013, p. 211-232.
  • [20]
    Base de données Noche y Niebla, CINEP (Centre de recherche et d’éducation populaire). Données compilées par moi.
  • [21]
    Unidad para la Atención y Reparación Integral a las Víctimas, « Informe nacional de desplazamiento forzado en Colombia (1985 – 2012) », Bogotá, 2013.
  • [22]
    Juvenal Barbosa, William Renán, Waldir Suárez, La propiedad rural en el Magdalena 1970-2004 y algunas relaciones con el desplazamiento forzado, Santa Marta, Universidad del Magdalena, Vicerrectoría de Investigación, Fonciencias, Sección II, informe final convocatoria 2004, 2007.
  • [23]
    Yamile Salinas, Juan Manuel Zamara, Justicia y paz. Tierras y territorios en las versiones de los paramilitares, Bogotá, Centro de memoria histórica, 2012.
  • [24]
    Je m’appuie ici sur des entretiens réalisés en 2009 et 2011 avec des responsables départementaux de la politique d’aide aux déplacés internes, des professionnels d’ONG à Santa Marta et à Bogotá, des membres de la communauté mentionnée et leur représentant légal.
  • [25]
    Entretien avec Jheniffer Mojica, ancienne directrice adjointe de l’Incoder, juillet 2015. Elle a notamment été chargée de lancer les enquêtes internes pour corruption.
  • [26]
    A. Reyes, Guerreros y campesinos. El despojo de la tierra en Colombia, Bogotá, FESCOL/Norma, 2009.
  • [27]
    J. Grajales, « Quand les juges s’en mêlent. Le rôle de la justice dans la démobilisation des groupes paramilitaires en Colombie », Critique internationale, 70, 2016, p. 117-136.
  • [28]
    Lucas Gómez, « Le déplacement forcé par la violence en Colombie : émergence, réinscription et transformations d’une nouvelle catégorie de l’action publique », thèse de doctorat en science politique, Sciences Po Paris, 2012.
  • [29]
    J. Grajales, « Land Grabbing, Legal Contention and Institutional Change in Colombia », The Journal of Peasant Studies, 42 (3-4), 2015, p. 541-560.
  • [30]
    Entretiens réalisés en juillet 2015 à Bogotá auprès de la délégation de l’Union européenne, de la coopération canadienne et suédoise et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
  • [31]
    Sur ce Projet de protection des terres et du patrimoine pour la population déplacée (PPTP), mis en place dès 2001, voir María del Rosario Estrada, Nadia Margarita Rodríguez, « La política de tierras para la población desplazada 2001-2011 : de la protección a la restitución », Estudios Socio-Jurídicos, 16 (1), 2014, p. 75-119.
  • [32]
    Sur les organisations de défense des droits humains, voir Sophie Daviaud, L’enjeu des droits de l’homme dans le conflit colombien, Paris, Karthala, 2010 ; Winifred Tate, Counting the Dead : The Culture and Politics of Human Rights Activism in Colombia, Berkeley, University of California Press, 2007. Sur le cas spécifique des mobilisations paysannes, voir Mathilde Allain, « Défendre le territoire. La construction de solidarités internationales par les organisations paysannes colombiennes », thèse de doctorat en science politique, Sciences Po Bordeaux, 2016.
  • [33]
    Human Rights Watch, El riesgo de volver a casa. Violencia y amenazas contra desplazados que reclaman restitución de sus tierras en Colombia, 2013, p. 32.
  • [34]
    ILSA, Montes de María Un escenario de riesgo para la exigibilidad de los derechos de la población víctima del conflicto armado, Bogotá, Publicaciones ILSA, 2014, p. 30.
  • [35]
    Je me fonde ici notamment sur les travaux de Diana Ojeda, Jennifer Petzl, Catalina Quiroga, Ana Catalina Rodríguez, Juan Guillermo Rojas, « Paisajes del despojo cotidiano : acaparamiento de tierra y agua en Montes de María, Colombia », Revista de Estudios Sociales, 35, 2015, p. 107-119. Plusieurs ONG interviennent dans la région. L’un des rapports les plus complets a été rédigé par ILSA, Montes de María. Entre la consolidación del territorio y el acaparamiento de tierras, Bogotá, Publicaciones ILSA, 2012.
  • [36]
    Juanita León, « Las tierras de la posguerra : los nuevos dueños de los Montes de María », La Silla Vacía, 23 novembre 2009.
  • [37]
    D. Ojeda, J. Petzl, C. Quiroga, A. C. Rodríguez, J. G. Rojas, « Paisajes del despojo cotidiano : acaparamiento de tierra y agua en Montes de María, Colombia », art. cité.
  • [38]
    Sonja Vermeulen, Lorenzo Cotula, « Over the Heads of Local People : Consultation, Consent, and Recompense in Large-scale Land Deals for Biofuels Projects in Africa », The Journal of Peasant Studies, 37 (4), 2010, p. 899-916 ; Gert Jan Veldwisch, « Contract Farming and the Reorganisation of Agricultural Production within the Chókwè Irrigation System, Mozambique », The Journal of Peasant Studies, 42 (5), 2015, p. 1003-1028.
  • [39]
    Stéphanie Barral, Capitalismes agraires : économie politique de la grande plantation en Indonésie et en Malaisie, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.
  • [40]
    Pour une présentation des problématiques liées à cette globalisation du foncier, voir Gérard Chouquer, Terres porteuses : entre faim de terres et appétit d’espace, Arles, Éditions Errance, 2012.
  • [41]
    Par exemple dans la zone de San Carlos de Guaroa, où j’ai conduit des entretiens en juillet 2015.
  • [42]
    Jane M. Rausch, Territorial Rule in Colombia and the Transformation of the Llanos Orientales, Gainesville, University Press of Florida, 2013.
  • [43]
    Une courte et violente saison des pluies et une très longue saison sèche nécessitent soit de faire migrer le bétail au gré des saisons, soit de construire des systèmes de gestion des ressources hydrauliques, très rares dans la région.
  • [44]
    Entretien avec un ancien conseiller du ministre de l’Agriculture, Bogotá, juillet 2015.
  • [45]
    Des initiatives visant à montrer que les principes de l’agro-écologie permettraient de rétablir l’équilibre chimique des sols ont été très concluantes. Or ces arguments ne sont toujours pas pris en compte aujourd’hui. Entretien avec la directrice du bureau colombien d’Oxfam, Bogotá, juillet 2015 ; entretien avec le représentant de l’Union locale de producteurs de fruits et légumes de l’Orénoque, Frutorinoquía, Villavicencio, juillet 2015.
  • [46]
    J. Grajales, « Violence Entrepreneurs, Law and Authority in Colombia », Development and Change, 47 (6), 2016, p. 1294-1315.
  • [47]
    En référence, non pas à la seule commercialisation accrue de la terre, mais à sa transformation en marchandise librement échangeable. Karl Polanyi, La Grande Transformation : aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 2009.
  • [48]
    Liza Grandia, « The Tragedy of Enclosures. Rethinking Primitive Accumulation from the Guatemalan Hinterland », présentation au Spring Colloquium, Program in Agrarian Studies, 27 avril 2007, Université de Yale.
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