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Article de revue

La démobilisation collective au Cameroun : entre régime postautoritaire et militantisme extraverti

Pages 73 à 94

Notes

  • [1]
    PCPA (Programme concerté pluri-acteurs), Note d’étape de l’étude de diagnostic. Synthèse, novembre 2003. Ce programme, qui a débuté au début de l’année 2006 après deux ans de phase pilote, regroupe plusieurs dizaines d’associations et des syndicats camerounais et est principalement financé par le ministère des Affaires étrangères français.
  • [2]
    Cette définition est adaptée de l’introduction de Erik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2005 (4e édition). La démobilisation ne s’apparente donc pas ici au « désengagement » individuel ou collectif de militants tel qu’analysé dans Olivier Fillieule (dir.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005. Il ne s’agit pas non plus de s’interroger sur la disparition des lieux et des expressions de mobilisation politique comme l’analysent les auteurs de l’ouvrage dirigé par Frédérique Matonti, La démobilisation politique, Paris, La Dispute, 2006.
  • [3]
    Voir par exemple Francis B. Nyamnjoh, Jude Fokwang, « Entertaining Repression : Music and Politics in Postcolonial Cameroon », African Affairs, 104 (415), 2005, p. 251-274.
  • [4]
    Sur ce type de « résistances », voir Jean-François Bayart, Achille Mbembe, Comi Toulabor, La politique par le bas en Afrique, Paris, Karthala, 1992.
  • [5]
    F. B. Nyamnjoh, « Cameroon : A Country United by Ethnic Ambition and Difference », African Affairs, 98 (390), 1999, p. 101-118.
  • [6]
    Dominique Malaquais, « Arts de feyre au Cameroun », Politique africaine, 82, juin 2001, p. 101-118.
  • [7]
    Tim Kelsall, « History, Identity and Collective Action », dans Ulf Olsen Engel, Rye Gorm (eds), The African Exception, Aldershot, Ashgate, 2005, p. 53-69.
  • [8]
    Lilian Mathieu, « L’espace des mouvements sociaux », communication présentée au congrès de l’Association française de science politique, Lyon, septembre 2005.
  • [9]
    Richard Joseph, Le mouvement nationaliste au Cameroun, Paris, Karthala, 1986 ; A. Mbembe, La naissance du maquis au Sud-Cameroun, Paris, Karthala, 1996.
  • [10]
    D. Malaquais, Architecture, pouvoir et dissidence au Cameroun, Paris, Karthala/ Yaoundé, Presses de l’UCAC, 2002 ; Meredith Terretta, « “God of Independance, God of Peace”: Village Politics and Nationalism in the Maquis of Cameroon, 1957-1971 », Journal of African History, 4 (1), 2005, p. 75-101.
  • [11]
    J.-F. Bayart, L’État au Cameroun, Paris, Presses de Sciences Po, 1985 (2e édition).
  • [12]
    Cette expression est empruntée à Pierre Flambeau Ngayap, L'opposition au Cameroun. Les années de braise, Paris, Montréal, l’Harmattan, 1999 ; sur cette époque, voir également Fabien Eboussi Boulaga, La démocratie de transit au Cameroun, Paris, L’Harmattan, 1997 ; Milton Krieger, « Cameroon’s Democratic Crossroads, 1990-1994 », Journal of Modern African Studies, 32 (4), 1994, p. 605-628 ; Andreas Mehler, « Cameroun : une transition qui n’a pas eu lieu », dans Jean-Pascal Daloz, Patrick Quantin (dir.), Transitions démocratiques en Afrique, Paris, Karthala, 1997, p. 95-138.
  • [13]
    Sur ces mouvements, qui se sont développés au milieu des années 1980, voir par exemple Piet Konings, Francis B. Nyamnjoh, Negotiating an Anglophone Identity : A Study of the Politics of Recognition and Representation in Cameroon, Leiden, Brill, 2003.
  • [14]
    Voir notamment L. Mathieu, « Rapport au politique, dimensions cognitives et perspectives pragmatiques dans l’analyse des mouvements sociaux », Revue française de science politique, 52 (1), février 2002, p. 75-100.
  • [15]
    Voir l’introduction de Mouna Bennani-Chraïbi, Olivier Fillieule (dir.), Résistances et protestations dans les sociétés musulmanes, Paris, Presses de Sciences Po, 2003.
  • [16]
    John D. Mc Carthy, « The Globalization of Social Movement Theory », dans Jacky Smith, Charles Chatfield, Ron Pagnucco (eds), Transnational Social Movements and Global Politics : Solidarity Beyond the State, Syracuse, Syracuse University Press, 1997.
  • [17]
    Doug McAdam, Sidney Tarrow, Charles Tilly, « Pour une cartographie de la politique contestataire », Politix, 41,1998, p. 7-25.
  • [18]
    J.-F. Bayart, « L’Afrique dans le monde : une histoire d’extraversion », Critique internationale, 5, automne 1999, p. 97-120.
  • [19]
    Cette réflexion se nourrit d’observations et d’entretiens avec des militants syndicaux, étudiants, religieux, environnementaux ou défenseurs des droits de l’Homme au Cameroun entre 2000 et 2002, lors de recherches doctorales, puis en 2005 et 2006, dans le cadre d’un séjour postdoctoral à l’université Yaoundé II financé par l’Agence universitaire de la Francophonie. Je remercie tous ceux qui ont commenté les diverses versions de cet article.
  • [20]
    Mancur Olson, La logique de l’action collective, Paris, PUF, 1978.
  • [21]
    Denis-Constant Martin, La découverte des cultures politiques. Esquisse d’une approche comparatiste à partir des expériences africaines, Les Cahiers du CERI, 2,1992, p. 15-16.
  • [22]
    Sur les élections de juin 2002, voir Jean Takougang, « The 2002 Legislative Election in Cameroon : A Retrospective on Cameroon’s Stalled Democracy Movement », Journal of Modern African Studies, 41 (3), 2003, p. 421-435.
  • [23]
    En 1997, le candidat Biya a récolté 92,5 % des voix, les grands partis SDF et UNDP ayant boycotté l’élection.
  • [24]
    « Une croissance continue qui se cherche des sources stables », Marchés tropicaux, 22 novembre 2002, p. 2477-2478.
  • [25]
    Luc Sindjoun, L’État ailleurs. Entre noyau dur et case vide, Paris, Économica, 2002. Sur les pratiques de dons électoraux pratiqués par le RDPC, voir Antoine Socpa, « Les dons dans le jeu électoral au Cameroun », Cahiers d’études africaines, 157,2000, p. 91-108.
  • [26]
    L. Sindjoun, « Ce que s’opposer veut dire : l’économie des échanges politiques », dans L. Sindjoun (dir.), Comment peut-on être opposant au Cameroun ? Politique parlementaire et politique autoritaire, Dakar, Codesria, 2004, p. 33.
  • [27]
    Léopold Donfack Sonkeng, « L’institutionnalisation de l’opposition : une réalité objective en quête de consistance », dans ibid., p. 44-101.
  • [28]
    La première citation est tirée de Georges Courade, Luc Sindjoun (dir.), « Le Cameroun de l’entre-deux », Politique africaine, 62,1996, p. 3-23 ; la deuxième, de F. B. Nyamnjoh, « Cameroon : A Country United by Ethnic Ambition and Difference », art. cité, p. 102 ; la troisième, de G. Courade (dir.), Le désarroi camerounais. L’épreuve de l’économie-monde, Paris, Karthala, 2000, p. 36.
  • [29]
    Service National Justice et Paix, « Les élections municipales et législatives 2002 au Cameroun : la loi – le crime – la justice. Rapport d’observation électoral », Yaoundé, 16 octobre 2003, et De la souveraineté du peuple camerounais en question, Yaoundé, 2005.
  • [30]
    Depuis 2006, quelques personnalités de l’administration camerounaise ont été arrêtées dans le cadre de l’opération « Épervier » destinée à montrer la volonté politique du gouvernement dans la lutte contre la corruption.
  • [31]
    La moralisation est l’un des axes rhétoriques permanent du Renouveau, expression qualifiant le projet du Président Biya. Ces dernières années, elle a été réitérée sous différentes formes : en 2005 et 2006, deux slogans énoncés par le pouvoir faisaient référence à la moralisation : « Rigueur et moralisation, les 23 ans du Renouveau », pour l’anniversaire de l’accès au pouvoir du président Biya, et « La moralisation de la jeunesse », lors de la Fête de la jeunesse en 2006.
  • [32]
    Pour une analyse des rapports entre homosexualité et recrutement politique, voir Lucien Fidèle Toulou, « Des usages du multipartisme. Transitions postautoritaires et reproduction des élites au Cameroun et au Kenya », thèse de science politique, IEP de Bordeaux, 2005.
  • [33]
    Voir par exemple Stephen Ellis, « Rumors and Power in Togo », Africa, 4,1993, p. 462-476.
  • [34]
    Donatella Della Porta « Social Movements and the State : Thoughts on the Policing of Protest », dans Doug McAdam, John D. McCarthy, Mayer N. Zald (eds), Comparative Politics on Social Movements. Political Opportunities, Mobilizing Structures and Cultural Framings, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 62-92.
  • [35]
    D. McAdam, « Pour dépasser l’analyse structurale de l’engagement militant », dans O. Fillieule (dir.), Le désengagement militant, op. cit., p. 49-73.
  • [36]
    Jean-François Médard, « Autoritarismes et démocraties », Politique africaine, 43, octobre 1991, p. 92-104.
  • [37]
    Marie-Emmanuelle Pommerolle, « À quoi servent les droits de l’homme ? Action collective et changement politique au Kenya et au Cameroun », thèse de science politique, IEP de Bordeaux, 2005, chap. 2.
  • [38]
    Entretiens collectifs à Kribi, 6 avril 2006.
  • [39]
    Observations lors d’un rassemblement « contre la corruption et l’impunité » organisé par « Dynamique citoyenne », le 10 décembre 2005 au centre-ville de Yaoundé.
  • [40]
    Pour un constat semblable voir Joseph-Marie Zambo Belinga, « Quête de notabilité sociale, rémanence autoritaire et démocratisation au Cameroun », Cahier d’études africaines, 171,2003, p. 573-589.
  • [41]
    À titre d’exemple, un leader syndicaliste fermement opposé au régime et ancien cadre de la compagnie ferroviaire nationale accusé de sabotage a finalement été relaxé en 2006 après plusieurs années de procédures et quelques mois passés en prison.
  • [42]
    Pour des résumés succincts de ces mobilisations, voir PCPA - Groupe de travail plaidoyer, « Dix cas de plaidoyers récemment menés par les organisations de la société civile au Cameroun », multigraphié, novembre 2005.
  • [43]
    Voir par exemple Béatrice Pouligny (dir.), « Une société civile internationale ? », Critique internationale, 13, octobre 2001, p. 120-176.
  • [44]
    Les militants peuvent néanmoins jouer avec cette règle et fournir une expertise « de façade » suffisante pour attester un professionnalisme auprès des partenaires financiers.
  • [45]
    Victor Le Vine, Le Cameroun du mandat à l’indépendance, Paris, Présence Africaine, 1986.
  • [46]
    « Si Biya s’entête… », Jeune Afrique Economie, 147, septembre 1991 et A. Mehler, « Cameroun : une transition qui n’a pas eu lieu », cité, p. 128.
  • [47]
    Certains défenseurs de droits de l’homme, par exemple, s’expriment aussi bien au sein du comité des droits de l’homme des Nations unies qu’au sein de l’Organisation mondiale contre la torture ou encore de la Commission africaine des droits de l’homme, sans mentionner les forums non gouvernementaux.
  • [48]
    Alors que certains militants des droits de l’homme commençaient à acquérir une audience internationale, le gouvernement a mis en place une direction chargée des droits de l’homme et de la coopération internationale au sein du ministère de la Justice, notamment en charge de l’application des accords internationaux et de la rédaction des rapports aux organisations internationales.
  • [49]
    Cette expression est empruntée à D.-C. Martin, La découverte des cultures politiques. Esquisse d’une approche comparatiste à partir des expériences africaines, cité. Voir également Allyson Brysk, The Politics of Human Rights in Argentina, Stanford, Stanford University Press, 1994.
  • [50]
    Cette mobilisation, qui a duré d’avril à octobre 1991, avait pour objectif et slogan principal la tenue d’une « conférence souveraine ». Les moyens utilisés pour faire pression sur le gouvernement ont été le refus de payer les impôts, l’arrêt des activités économiques et des manifestations occasionnelles dans plusieurs grandes villes du pays, sauf à Yaoundé, la capitale. Les affrontements avec les forces de l’ordre ont régulièrement ponctué ces manifestations, conduisant au décès de 200 à 400 personnes selon les estimations.
  • [51]
    République du Cameroun, Les droits de l’homme au Cameroun, Yaoundé, novembre 1993, p. 97-106.
  • [52]
    Martin Dieudonné Ebolo, « De la société civile “mythique” à la société civile impure : entre assujettissement, émancipation et collusion », dans L. Sindjoun (dir.), La Révolution passive au Cameroun, Dakar, Codesria, 1999, p. 80.
  • [53]
    Patrice Bigombe Logo, Hélène-Laure Menthong, « Crise de légitimité et évidence de la continuité politique », Politique africaine, 62,1996, p. 17.
  • [54]
    J.-F. Médard, « État, démocratie et développement : l’expérience camerounaise », dans Sophia Mappa (dir.), Développer par la démocratie ? Injonctions occidentales et exigences planétaires, Paris, Karthala, 1995, p. 369.
  • [55]
    F. Eboussi Boulaga, La démocratie de transit au Cameroun, op. cit., p. 87.
  • [56]
    John Lonsdale, « African Pasts in Africa's Future », dans Bruce Berman, John Lonsdale (eds), Unhappy Valley : State and Class, Nairobi, Heinemann/Londres, James Currey, 1992, p. 203-223.
  • [57]
    « Biya dans l’imaginaire collectif », Le Messager, 16 juin 2004.
  • [58]
    F. B. Nyamnjoh, « Cameroon : A Country United by Ethnic Ambition and Difference », art. cité.
  • [59]
    Adam Przeworski, Democracy and the Market, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.
  • [60]
    Les mobilisations étudiantes font souvent l’objet de ce type d’accusations et de pratiques. Voir par exemple Piet Konings, « University Students’ Revolt, Ethnic Militia, and Violence during Political Liberalization in Cameroon », African Studies Review, 45 (2), septembre 2002, p. 179-204.
  • [61]
    Anthony Oberschall, Social Conflict and Social Movements, Englewood Cliffs, Prentice Hall, 1973.
  • [62]
    Entretien avec le secrétaire général de la Ligue des droits de l’homme, 2001.
  • [63]
    L’apolitisme des revendications en faveur des droits de l’homme est souvent considéré comme une limite intrinsèque à ce registre de mobilisation (voir par exemple Marcel Gauchet, La démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard, 2002), mais il peut cependant être investi de sens politique selon le contexte et les acteurs mobilisés. Voir notre analyse du cas kenyan dans M.-E. Pommerolle, « À quoi servent les droits de l’homme ? Action collective et changement politique au Kenya et au Cameroun », cité, chap. 3.
  • [64]
    James Ferguson, The Anti-Politics Machine : « Development », Depoliticization and Bureaucratic Power in Lesotho, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
  • [65]
    Ce sont d’ailleurs des acteurs non étatiques camerounais qui ont été chargés d’organiser « l’atelier sur la validation de la méthodologie du suivi participatif de la mise en œuvre du DSRP au Cameroun » en avril 2006, après que des consultants canadiens eurent proposé un dispositif que les associations camerounaises ont revu de fond en comble.
  • [66]
    Rita Abrahamsen, Disciplining Democracy : Development Discourse and Good Governance in Africa, Londres, Zed Books, 2000.
  • [67]
    Christopher Clapham, Africa and the International System, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.
  • [68]
    Voir par exemple M. Dieudonné Ebolo, « L’implication des puissances occidentales dans les processus de démocratisation en Afrique : analyse des actions américaine et française au Cameroun (1989-1997) », Polis, 6 (2), 1998, p. 21-56.
  • [69]
    J.-M. Zambo Belinga, « Quête de notabilité sociale, rémanence autoritaire et démocratisation au Cameroun », art. cité.
  • [70]
    Pour des constatations équivalentes, voir F. B. Nyamnjoh, « Cameroon : A Country United by Ethnic Ambition and Difference », art. cité.
  • [71]
    Lors de nos enquêtes, plusieurs interlocuteurs (chef traditionnel, « élite », intellectuel) nous ont dit qu’ils étaient membres ou s’affichaient comme sympathisants du RDPC afin de pouvoir se mouvoir et obtenir la bienveillance des autorités. Membre du parti, l’un d’entre eux nous a même dit qu’il adhérait aux « idéaux » mais ne cautionnait pas les pratiques du parti…
  • [72]
    A. Mbembe, « Notes provisoires sur la postcolonie », Politique africaine, 60,1995, p. 76-109.
  • [73]
    Sur la dualité des espaces politiques extravertis, voir par exemple Tim Kelsall, « Shop Windows and Smoke-filled Rooms : Governance and the Re-politicization of Tanzania », Journal of Modern African Studies, 40 (4), 2002, p. 597-619.
  • [74]
    La « démocratie apaisée » est l’une des formules slogans utilisées par les autorités pour décrire, et semble-t-il tenter de forger, un consensus autour de l’ordre existant, après les défis lancés à ce dernier lors des mobilisations de la première moitié des années 1990.

1Manque de représentativité, autocensure, double langage, hostilité de l’État : ce bilan critique de l’état des orga nisations de la « société civile » camerounaise a amené ses auteurs, des associations camerounaises et françaises, à mettre en place un programme de « renforcement de la société civile et des contre-pouvoirs » au Cameroun  [1]. Ce diagnostic et les solutions envisagées par ce programme de coopération mettent en lumière un fait social : la démobilisation collective, plus précisément un état persistant de faiblesse des mouvements sociaux protestataires, c’est-à-dire des formes d’action concertée en faveur d’une cause et faisant appel aux autorités politiques  [2]. La défiance à l’égard des membres du gouvernement, des « élites » en général et même du président de la République, au pouvoir depuis 1982, se fait entendre quotidiennement. Les caricatures journalistiques, les textes de chansons satiriques, le détournement des slogans officiels, à commencer par celui des « grandes ambitions » du régime, les discussions dans les taxis collectifs manifestent un mécontentement général face à la baisse du pouvoir d’achat, aux pratiques de corruption désormais affichées au grand jour, aux facilités diverses que connaissent « les grands », au difficile accès aux soins, à l’éducation, au logement ou à l’emploi  [3]. Ces manières détournées de désapprouver l’ordre des choses expriment des frustrations qui, on le sait, ne conduisent pas toujours à l’expression politique de ce mécontentement mais contribuent à entretenir une résistance et une insoumission silencieuses  [4]. Au-delà, nombre d’initiatives collectives cherchant à pallier les défaillances socioéconomiques de l’État s’ajustent et répondent aux difficultés : tontines, écoles de parents, groupements d’initiatives communautaires, comités de vigilance et même justice populaire participent de cette régulation sociale extra-étatique. Défiance politique et organisation collective ne suffisent cependant pas à créer les conditions propres à favoriser des mobilisations à caractère revendicatif et donc explicitement politique.

2Une explication sociale et morale est avancée pour tenter de comprendre le non-engagement ou le désengagement individuel au Cameroun, au sein de mouvements collectifs : l’individualisme forcené d’une société en « crise » économique et sociale serait le point de départ de cette passivité politique  [5]. Les feymen, ces escrocs devenus les nouveaux modèles d’ascension sociale, reflèteraient cet ethos individualiste et opportuniste, produit d’une crise économique radicale  [6]. Une autre explication de type socio-historique permet d’éclairer cette faiblesse, voire cette inexistence de mouvements sociaux d’envergure, qui serait un trait partagé par l’ensemble des sociétés africaines  [7] : c’est l’histoire elle-même des espaces économiques et politiques africains qui aurait contribué à l’éparpillement et à la fluidité des identités sociales des individus, rendant ainsi difficile l’émergence et la péren-nité d’une action collective.

3Tout en gardant à l’esprit ces éléments sociaux et historiques, il semble intéressant de s’interroger sur les variables proprement politiques de cette démobilisation et notamment sur les contraintes particulières que pose le contexte postautoritaire et extraverti du Cameroun. Notre hypothèse principale est que ces deux caractéristiques de l’espace politique camerounais renforcent l’hétéronomie des mobilisations collectives, lesquelles émergent difficilement, sont étouffées ou conduites par des acteurs et des considérations extérieurs. Cette hétéronomie des mobilisations et corollairement l’inexistence d’un espace des mouvements sociaux sont des éléments constitutifs de l’espace politique postcolonial au Cameroun  [8]. La séquence de mobilisation la plus forte fut celle des années 1950, autour de l’Union des populations du Cameroun (UPC), qui revendiquait l’indépendance et la réunification des deux Cameroun, l’un sous mandat français, l’autre sous mandat britannique. Réprimée par les autorités françaises qui y voyaient opportunément l’influence communiste, cette mobilisation de masse, l’une des seules de l’Afrique coloniale française  [9], a eu des prolongements insurrectionnels dans la région occidentale du Cameroun après l’indépendance obtenue en 1960. À nouveau écrasée par le premier gouvernement de l’indépendance, présidé par Ahmadou Ahidjo, soutenu par le savoir-faire militaire français, cette poursuite de la rébellion, dont la nature est encore aujourd’hui sujette à controverse  [10], a eu pour conséquence l’arrêt des mobilisations politiques du fait d’une législation restrictive puis de la mise en place d’un parti unique et d’organisations « satellites » (organisation de femmes, syndicats, etc.)  [11]. L’extraversion a dès lors caractérisé les mobilisations des années 1970, portées par des exilés politiques dénonçant le régime camerounais depuis la France et la Grande-Bretagne. Ainsi la trajectoire des mobilisations au Cameroun a-t-elle toujours été tributaire d’un espace politique contraignant et de tentatives de contournement par l’extérieur. Ces deux caractéristiques ont pu être dépassées pendant les « années de braise » (1990 à 1993 environ), quand de nouveaux groupes politiques ont émergé et rassemblé assez de soutiens pour se faire entendre et provoquer des changements institutionnels importants  [12]. Mais comme celles des années 1950 les revendications du début des années 1990 sont désormais considérées comme un moment de désordre politique dont il faudrait aujourd’hui payer le prix. Seule une partie de la région anglophone peut être considérée comme un espace continu de revendications : des mouvements sécessionnistes proclament le droit à l’indépendance de ces territoires anciennement sous mandat britannique et contestent la toute-puissance de l’État « francophone »  [13].

4Le « contexte » politique, le plus souvent appréhendé en termes de « structures des opportunités politiques », est un élément discuté des théories des mobilisations  [14]. Cependant, dans le cas du Cameroun, où les acteurs militants insistent souvent sur le rapport tendu aux autorités, sur l’impossibilité de mener certaines activités et sur l’importance des partenaires internationaux, il nous a semblé pertinent de nous arrêter sur deux éléments principaux de ce « contexte » : le postautoritarisme et l’extraversion, de les considérer tant dans leurs dimensions objectives que subjectives et d’expliquer leurs conséquences sur trois variables constituant une mobilisation : l’anticipation des opportunités et des coûts, la capacité de formuler et de faire entendre ses griefs et la participation à l’action publique. L’expression de contexte « postautoritaire » ne doit pas être comprise comme une catégorie définitive mais comme la caractérisation temporaire d’un ensemble d’interactions entre les acteurs (potentiellement) mobilisés et les autorités. Ce qualificatif permet de désigner une situation dans laquelle les limitations juridiques du pluralisme ont été supprimées (fin du parti unique, liberté d’expression recouvrée, etc.), mais où d’autres moyens plus informels de limiter le pluralisme, comme la violence, demeurent des ressorts cruciaux de la domination politique. Notre propos contribuera ainsi à pallier les manques de l’analyse de l’action collective en contexte non démocratique  [15], laquelle est largement sous-étudiée alors même qu’émergerait une « globalisation théorique des mouvements sociaux »  [16]. On retrouve cette lacune en ce qui concerne les théories de l’action collective transnationale dont on sait qu’elles privilégient la dimension internationale et occidentale des réseaux sans véritablement s’attacher aux conditions sociales locales de la connexion des organisations du Sud  [17]. Ici, ce seront les contraintes et les jeux éventuels autour de la dépendance objective des organisations camerounaises qui retiendront notre attention comme variable explicative de la faiblesse de la mobilisation  [18]. Si avoir accès à l’international peut être un atout, comme l’affirment les analyses transnationales, la concurrence de l’international et la « fuite » des mobilisations et des militants vers l’extérieur peuvent empêcher la constitution de mobilisations protestataires.

5Nous commencerons cette étude par l’examen, d’une part, de la reprise en main de la situation politique par un parti politique dominant, intimement lié à l’appareil d’État, d’autre part, de la perception de cette domination par les dirigés, l’une et l’autre contraignant l’émergence ou la pérennisation des mobilisations. Le calcul des coûts de la mobilisation, au niveau individuel ou collectif, révèle que ceux-ci seraient trop élevés pour initier une mobilisation. Cette évaluation négative s’accompagne d’une faible autonomie dans la sélection et la formulation des causes à défendre. L’extraversion de l’action collective conduit en effet à une importation de causes, qui n’est pas particulière au Cameroun. Mais l’appropriation de ces causes, en termes symboliques ou politiques, n’est pas autorisée dans l’espace postautoritaire de ce pays : la restriction du temps politique au temps immédiat – qui passe notamment par un refus de la part de l’État d’accompagner ou de laisser s’exprimer la mémoire collective, notamment celle ayant trait aux mobilisations passées – et la monopolisation de l’énonciation politique constituent des obstacles difficilement surmontables pour une formulation efficace de causes entendues. Enfin, la fermeture de l’État aux acteurs collectifs extérieurs empêche l’implication dans l’action publique de ceux qui ont pu se mobiliser et qui se voient concurrencés par des acteurs internationaux intervenant dans les réformes politiques. Cette réflexion nous permet finalement de préciser les caractéristiques de ce contexte « postautoritaire » et de relever les risques d’une situation dans laquelle l’absence de véritables mobilisations laisse la place à des interactions violentes entre citoyens et autorités  [19].

Évaluer le rapport de force : opportunités réduites et mobilisations coûteuses

6Au-delà de la constatation d’un problème, l’émergence d’une mobilisation tient au départ à l’évaluation des rapports de force entre ceux qui veulent se mobiliser et ceux qu’ils doivent interpeller  [20]. Ce que Denis-Constant Martin appelle « la dialectique de l’affectivité et de la rationalité », c’est-à-dire l’évaluation permanente de ce qui est désirable, de ce qui est jugé possible, des moyens pour atteindre le désirable dans le cadre du possible, des coûts (et des risques) nécessaires et supportables, et l’expression de cette évaluation dans le discours pour la mobilisation sont des exercices continus de l’activité militante  [21]. Dans le cas du Cameroun, la perception d’un pouvoir qui a repris la main après avoir vacillé au début des années 1990 est marquée à la fois par une mise à distance et par une crainte des gouvernants de la part des gouvernés.

La reprise en main du pouvoir par l’ancien parti unique et l’État

7Les revendications du début des années 1990 et la montée en puissance de partis d’opposition à cette époque ont fait long feu. L’ex-parti unique camerounais, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), a renforcé son assise électorale entre 1992 et 2007, détenant 140 sièges (sur 180) à l’Assemblée nationale en 2007 contre 149 en 2002, 116 en 1997 et 88 en 1992  [22]. Paul Biya, le président de la République fondateur de ce parti, a renforcé cette domination partisane en améliorant considérablement ses scores, qui sont passés de 39,9 % en 1992 à 70,9 % en 2004  [23]. Ces victoires sont le résultat de stratégies politiques et d’une économie politique qui ont favorisé le ralliement de nombreux anciens opposants au RDPC. Le régime camerounais a dû faire face à un début de décennie 1990 catastrophique sur le plan économique, mais il a vu sa marge de manœuvre s’élargir à partir du milieu de la décennie, grâce à l’exportation de pétrole et aux remises de dettes  [24]. Alors qu’il demeure le seul à pouvoir récompenser la loyauté politique du fait de son contrôle sur l’État  [25], le RDPC a progressivement associé au pouvoir de nombreux partis d’opposition, d’abord afin de s’assurer une majorité absolue, perdue en 1992, puis, sous forme de « coalitions symboliques », afin de manifester l’ouverture du régime et d’affaiblir ses opposants  [26]. C’est ainsi qu’une branche de l’UPC, puis des représentants de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), le deuxième grand parti d’opposition, ont accepté régulièrement des postes de ministres.

8Cette attraction opportuniste est allée de pair avec le déclin des résultats électoraux des partis d’opposition et l’échec répété de leurs tentatives d’union électorale. Les grands partis du début des années 1990 ont progressivement perdu le soutien des électeurs : de 68 sièges en 1992, l’UNDP est passé à 13 en 1997 et à 4 en 2007, tandis que le Social Democratic Front (SDF), qui avait boycotté les élections de 1992, est passé de 43 sièges en 1997 à 14 en 2007. La désunion entre les partis a été patente dès 1992, et s’est illustrée dans leur incapacité répétée à présenter un candidat unique à l’élection présidentielle de 2004 comme à celle de 1997 et de 1992. Certes, la première moitié de la décennie a vu se constituer un parti dominant au sein de l’opposition, le SDF, mais le boycott de certaines élections a privé celui-ci de savoir-faire et de réseaux indispensables à sa structuration, notamment au sein d’un spoil system généralisé  [27]. De même, l’intégration au sein de l’Assemblée nationale et les transactions qu’elle permet ont affecté la crédibilité de John Fru Ndi, le leader du SDF, également accusé de gérer le parti de manière autoritaire et d’avoir bénéficié de certaines largesses financières du gouvernement. Cet affaiblissement s’est traduit en mai 2006 par la scission du parti en deux branches concurrentes.

L’appréhension du pouvoir : les rumeurs et la peur

9Cette hégémonie conjointe du parti dominant et de l’État s’est incrustée dans les représentations des citoyens. C’est le constat auquel arrivent nombre d’observateurs de la vie politique camerounaise qui, cherchant à comprendre les raisons de son immobilisme malgré les mutations de la société, affirment en chœur que « la société politique camerounaise reste fondamentalement une “droguée de la logique étatique” », que « le pays serait victime d’un sortilège hypnotique envoyé par l’État sorcier » et enfin que « l’État [est] peu présent dans les faits bien qu’omniprésent dans les esprits »  [28]. Cette écrasante domination suscite des questions, tant sur la reprise en main du pouvoir par l’ancien parti unique, que sur les modes d’ascension et de recrutement politiques. Des élections dont on s’accorde à dire qu’elles sont frauduleuses  [29], des enrichissements personnels fulgurants dans les milieux politiques  [30], des discours de « moralisation » en flagrante contradiction avec les pratiques quotidiennes  [31] sont autant d’éléments incongrus qui laissent place à un ensemble de modes populaires d’explication du politique véhiculés notamment par la rumeur. La publication, au premier semestre de l’année 2006, de listes « d’homosexuels présumés » où apparaissaient les noms de hautes personnalités du gouvernement et les débats publics autour de ces « listes » témoignent de l’une de ces explications populaires reflétant une incompréhension doublée d’un dégoût certain pour les pratiques politiques  [32]. Alors qu’elle demeure un tabou très fort au Cameroun et une pratique illégale, l’homosexualité fut dans ces débats reconnue et condamnée comme l’un des moyens d’ascension politique, ce qui revenait à retirer toute légitimité au personnel politique et à ses pratiques. Faisant suite aux rumeurs persistantes sur les rituels magico-politiques envahissant les cercles politiques camerounais (au sein de la Rose-Croix, par exemple), cette nouvelle rumeur s’est trouvée validée par de nombreuses publications dans la presse et par les audiences judiciaires qui succédèrent aux plaintes déposées pour diffamation. Elle conférait au personnel politique des pratiques contraires aux mœurs sociales, le mettait à distance et marquait ainsi le refus populaire de côtoyer ce pouvoir. Si la rumeur, dans des systèmes monolithiques, vient pallier le manque d’information et le manque d’espace d’expression populaire  [33], son contenu manifeste ici un éloignement radical entre gouvernants et gouvernés, même si, au quotidien, les « grands » demeurent indispensables à la redistribution sociale et économique.

10Encore plus dommageable au déclenchement d’une action collective, la peur diffuse d’une réaction des autorités publiques envahit les représentations que se font certains acteurs militants des conséquences de leur mobilisation  [34]. La répression en elle-même peut avoir des effets contradictoires : inhiber la mobilisation, la faire décliner ou au contraire engendrer un effet surgénérateur de réaction à ce nouveau défi, selon le sens que les organisations militantes attribuent à ce rapport de force  [35]. Dans le cas camerounais, les deux premières options (inhiber la mobilisation ou la faire décliner) sont les plus courantes. Les démobilisations individuelles et collectives lors des mouvements précédents peuvent toutes être expliquées par la répression (parfois nuancée par « l’achat » des militants). La répression extrêmement dure des années 1950 et 1960 à l’encontre des militants UPCistes et des villageois de l’Ouest censés les soutenir a ouvert la voie à un régime « autoritaire dur »  [36], qui, durant les années 1970, envoyait les prisonniers politiques dans des camps de détention maintes fois dénoncés par les organisations de défense des droits de l’homme. Après un assouplissement dans les années 1980, la répression a ressurgi au moment des revendications pour le multipartisme au début des années 1990. Violente, elle a aussi été insidieuse : c’est ainsi que les étudiants repérés dans les mobilisations de 1991 à 1993 se sont vus interdire l’accès à la fonction publique ; de leur côté, les avocats ou apprentis-avocats, qui avaient lancé le mouvement, se virent punis, entre autres choses, par la suspension, pendant quelques années, du concours d’accès à la profession. C’est ainsi que mélangeant violence et punition professionnelle, la répression a cassé les velléités militantes de plusieurs générations. On constate, notamment parmi les militants des droits de l’homme, de véritables césures entre générations, qui ne se suivent pas et n’entretiennent pas de relations  [37].

11Du fait de ces différents usages de la répression, la « peur » fait partie du vocabulaire des militants camerounais, qui la mobilisent lors des entretiens pour justifier l’absence, la faiblesse ou la discrétion de certaines actions. Un collectif de petites associations des régions Sud et Littoral nous affirmait par exemple ne pas se sentir capable d’interpeller les autorités sur les implications néfastes de l’oléoduc Tchad-Cameroun dans la zone de Kribi, les autorités étant elles-mêmes impliquées dans cette entreprise  [38]. Lors d’un meeting public de dénonciation de la corruption organisé par le réseau civique « Dynamique citoyenne », les organisateurs nous ont affirmé que certains membres du réseau avaient contribué matériellement à l’événement mais avaient décidé de ne pas se rendre à la manifestation par peur des risques encourus, et ce malgré la banalisation du thème de la lutte anti-corruption aujourd’hui au Cameroun  [39]. Les interprétations des militants et des observateurs relatives à cette affectivité négative généralisée renvoient en partie au traumatisme de la répression qui a suivi les insurrections des années 1960. Si elle demande encore à être approfondie, cette relation causale est évoquée par certains acteurs et l’hypothèse d’une culture politique nationale fondée sur la crainte (et donc sur la soumission et la résignation) des dirigés envers les dirigeants semble pouvoir être avancée au vu de nos observations dans diverses organisations  [40]. Les objections à cette explication se devinent facilement : la « crainte » évoquée par ces militants servirait en fait à justifier leur absence d’engagement et leur tendance à faire du bruit sans se confronter directement à l’Etat, dans le but de faire ensuite acheter leur silence. Au-delà de ces stigmatisations courantes de l’opportunisme militant sur lequel nous reviendrons, il faut noter que les pratiques répressives de l’État camerounais se sont diversifiées depuis le début des années 1990. À la violence policière se sont ajoutées les « tracasseries » judiciaires pour punir et empêcher les ambitions militantes – « tracasseries » qui d’ailleurs se terminent parfois par la victoire de l’accusé militant  [41]. Mais la violence n’a pas disparu, comme l’ont prouvé les diverses périodes où sévissait le « Commandement opérationnel » censé lutter contre le grand banditisme, et coupable de nombreuses exécutions extrajudiciaires. Toujours est-il que de nouveaux dispositifs de contrôle sont désormais utilisés par le régime camerounais, qui, comme beaucoup d’autres, jongle entre exigences internationales de « civilité » et impératifs internes d’endiguement des protestations.

Énoncer les causes : l’impossible réappropriation politique

12Malgré ces formes renouvelées de sanction du militantisme, la persistance de la crainte n’anéantit pas les formes collectives de revendication. La campagne pour la souveraineté alimentaire et contre l’importation de poulets congelés menée par l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (ACDIC), l’implication d’associations camerounaises dans le lobbying autour de l’oléoduc Tchad-Cameroun, la campagne contre les essais thérapeutiques pratiqués sur des prostituées camerounaises dans des conditions éthiques critiquables sont autant d’exemples de mobilisations ayant obtenu un certain succès  [42]. Leur point commun est de dénoncer l’intrusion jugée néfaste d’acteurs extérieurs dans l’espace politique, économique et social camerounais. Il leur faut pour cela s’appuyer sur une expertise – souvent tirée de l’extérieur – et cibler tant les acteurs internationaux que les autorités. Ce poids de l’extérieur contraint donc les mobilisations en ce qui concerne les causes défendues, les pratiques de revendication et leurs cibles, et les empêche de se transformer en revendications fondamentalement politiques. À la dépolitisation du registre de l’expertise et au contournement des autorités par l’extérieur s’ajoute l’impossibilité historique de concevoir un discours politique autonome dans l’espace politique camerounais.

Causes, expertises et arènes de mobilisation : le poids de l’extérieur

13La sélection des causes et le choix des activités menées pour les défendre sont fortement dépendants de thèmes et d’actions prônés par l’extérieur. Cette thèse de la dépendance des « sociétés civiles » du Sud par rapport à leurs bailleurs de fonds ou leurs homologues du Nord n’est pas inédite  [43]. Elle est toutefois renforcée au Cameroun par le fait que le recours à l’extérieur et notamment le déplacement des revendications dans des arènes extérieures possèdent un ancrage historique fort et donc une légitimité qui font de cette extraversion un outil routinier et assez peu questionné des mobilisations contemporaines.

14L’extraversion de l’action publique entraîne celle de l’action collective, la seconde tentant d’infléchir et de répondre aux défaillances de la première. La mise en place des divers instruments de réforme économique : le Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP) et l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) de la Banque mondiale, le Contrat désendettement-développement (C2D) français, les privatisations et leur « accompagnement » social occupent les syndicats et les groupes confessionnels ou associatifs, qui tentent de s’insérer dans les processus de consultation et de décision. Afin de maîtriser les mécanismes d’allègement de la dette, de privatisation ou de suivi budgétaire, ils font appel aux connaissances et au savoir-faire d’experts, aussi bien camerounais, africains qu’occidentaux. Les revendications sur ces sujets techniques requièrent en effet des compétences précises que les militants ne peuvent acquérir que par une formation extérieure qui transfère ainsi des modèles politiques validés à l’international. L’action collective s’adosse ici à la détention d’une expertise opposable aux représentants d’institutions internationales comme aux représentants de l’État, et met de côté toute mobilisation impliquant la confrontation ou la remise en cause des rapports de pouvoir. Les modes d’action correspondant à ce type de mobilisation se déclinent principalement sous la forme de séminaires et de séances de formation. Les bailleurs de fonds ou les associations manquant d’expertise peuvent désormais faire appel à des cabinets de conseil, locaux et internationaux, spécialistes des questions d’ingénierie politique : réforme électorale, éducation au VIH-SIDA ou communication politique sont autant de sujets qu’un même cabinet de conseil peut vendre à des clients de nature forcément hétéroclite. L’expertise proposée doit dès lors être porteuse de modèles d’action et de revendications modérés, sous peine de s’aliéner certains clients. L’expertise est devenue en outre l’une des conditions du soutien des partenaires financiers. Les défenseurs des droits de l’homme sont par exemple obligés de se conformer à des standards (collecte de données fiables et crédibles, rapports détaillés), qui mettent de côté le registre de l’indignation morale et de la dénonciation. Cette obligation sélectionne, de fait, les militants et les organisations capables de mobiliser une telle expertise, souvent validée par l’international, et accroît les coûts d’une mobilisation qui peut espérer être entendue  [44].

15À ce type de standardisation des revendications s’ajoute la formulation dans des arènes extérieures de revendications nationales. Au Cameroun, cette extraversion militante se place dans la continuité d’expériences passées, possède une légitimité propre et s’appuie sur des réseaux et des savoir-faire préexistants. À l’époque coloniale, la position de territoire sous tutelle du Cameroun a conduit les mouvements contestant l’ordre colonial à utiliser les Nations unies comme arène de revendications  [45]. Utilisé par l’UPC comme moyen de pression politique et juridique, le recours à l’extérieur a permis de sortir du « huis clos » entre la puissance colonisatrice et les mouvements contestataires. Après ces premières expériences dont on sait qu’elles n’ont pas abouti, l’extraversion a pris la forme de l’exil, puis ce sont les revendications anglophones, des années 1980 qui réactualisèrent cette stratégie internationale. L’opposition partisane a également utilisé cette modalité d’action dans les années 1990  [46]. Les arènes internationales se sont aujourd’hui multipliées, permettant aux militants camerounais de trouver des lieux de substitution dans lesquels dénoncer les autorités  [47]. Soucieuses de leur monopole d’accès à l’international, celles-ci doivent désormais contrer les offensives des acteurs liés à l’extérieur par l’envoi d’experts capables de répondre aux charges accusatrices de l’adversaire  [48]. Si confrontation il y a, ce déplacement de terrain n’a pas forcément de conséquences directes sur l’espace politique interne. Ce mode routinier de l’action contestataire internationale, à la fois héritage et ajustement à une contrainte toujours existante, amoindrit les effets directs de ces mobilisations.

L’impossibilité d’un discours politique autonome

16Pour se faire entendre et pour être soutenues, les causes défendues doivent trouver une résonance tant auprès des autorités interpellées que d’un public plus large. L’utilisation de symboles leur conférant une dimension historique est l’un des éléments déterminants qui peut les faire pénétrer dans un « champ de sensibilité » susceptible de faire sens au-delà des acteurs de la mobilisation  [49]. Au Cameroun cependant, il semble que puiser des symboles dans un passé partagé et se projeter dans le futur soit difficile, les mobilisations éventuelles étant contraintes à ne se penser qu’au présent.

17La mémoire collective au Cameroun a en effet été encadrée, sélectionnée, voire mise de côté depuis le début de l’indépendance. « L’État-historien » décrit par Achille Mbembe s’est chargé d’écrire une histoire minorant et stigmatisant les mobilisations politiques relatives à la lutte pour l’indépendance menée par l’UPC. Cette perception négative des moments de mobilisation se retrouve à propos de tentatives plus actuelles dont la légitimité est discutée, même si elles sont de nature et d’ampleur différentes de celles de la mobilisation UPCiste. Les « villes mortes » de 1991 sont par exemple très controversées  [50]. Visé par ces mobilisations, le gouvernement en a tiré un bilan noir  [51]. Les comptes rendus journalistiques et les commentaires des leaders de ces mouvements posent, eux, des regards nuancés sur cette période, tandis que les travaux académiques opposent des visions divergentes de ce que furent ces « villes mortes ». « En réalité, il s’agissait de rackets », conclut l’un d’eux  [52] ; « l’opposition a fait régner, dans certaines villes, la terreur et l’insécurité », dénoncent les autres  [53] ; il ne reste que le souvenir de la « souffrance » et de « l’échec », regrette un troisième  [54], tandis qu’un autre voit dans ces actions populaires une « manifestation de résistance civique qui requiert un haut niveau de conscience politique »  [55]. La légitimité de cette mobilisation ne fait donc pas l’unanimité et cela ne lui permet pas d’être présentée comme un moment exemplaire que de nouvelles mobilisations seraient amenées à prolonger.

18Ainsi, l’indisponibilité de symboles nationaux (héros, dates, lieux) pouvant être utilisés pour inscrire les mobilisations dans une mémoire partagée est liée à l’obscurité qui entoure les épisodes de mobilisation et de revendication intenses, au silence relatif des dirigeants successifs sur cette histoire et à l’absence d’unanimité sur ces événements, qui, de ce fait, ne participent pas à la construction de ce que l’historien John Lonsdale appelle un « passé utilisable »  [56]. Ce manque de références communes au passé nuit à la formulation et à la diffusion des causes. Il trahit une absence de valeurs partagées – et discutées – au niveau national, qui pourraient nourrir la culture politique et lier les groupes et les individus qui s’y reconnaissent. Il explique également et surtout cette difficulté à penser l’avenir, comme l’illustre, de façon anecdotique, la panique générale causée par la rumeur de la mort du président de la République, quelques mois avant l’élection présidentielle de 2004  [57]. Sa « résurrection » plébiscitée prouve moins une adhésion au projet du Renouveau (déjà ancien) qu’un soulagement face à un futur impensé, voire impensable et inexprimable, impuissance que Nyamnjoh qualifie comme étant une « absence chronique de vision »  [58]. Les discours quotidiens sur l’imprévisibilité et les dangers de l’après-Biya manifestent une tendance, voire une volonté de ne pas gérer l’incertitude. Or l’une des définitions devenues classiques de la démocratie  [59] repose sur la capacité des gouvernants à gérer cette incertitude par des mécanismes institutionnels adaptés. Cette absence de visibilité conduit ceux qui se mobilisent à utiliser les repères qui sont immédiatement disponibles. Ce sont les discours et les slogans du Président Biya qui leur servent de références pour appuyer leurs revendications. Ainsi, lors d’une manifestation, les membres d’un groupe de défense de l’environnement ont arboré des tee-shirts sur lesquels était imprimé un slogan anticorruption énoncé par le Président. S’il s’agissait en l’occurrence de prendre au mot les discours des gouvernants et de leur demander des comptes, cette référence entérinait aussi l’omniprésence du dirigeant politique, perçu comme le seul pilier d’un régime au futur incertain.

19Dans ces conditions, l’action politique comme l’action collective sont marquées par une forte propension à obtenir des résultats ponctuels, partiels et rapides. Les logiques de cooptation et de scission qui ponctuent les mobilisations syndicales, étudiantes, associatives et bien sûr partisanes peuvent être lues comme une manière de s’adapter et de se conformer à la fugacité de l’action politique et aux incertitudes quant à la possibilité de récolter un jour les fruits de son engagement. Ces manœuvres récurrentes de cooptation et de scission et l’écho favorable qu’elles rencontrent auprès des acteurs engagés entretiennent la suspicion à l’égard des mobilisations. Celles-ci sont qualifiées de « tribalistes », de « politiques » ou d’« opportunistes ». Il est vrai que ces soupçons tendent parfois à se vérifier quand des contre-mobilisations fondées sur des critères ethniques sont mises sur pied ou quand de l’argent est proposé aux acteurs mobilisés  [60]. Mais l’effet de cette disqualification est surtout l’atomisation des entreprises de mobilisation. Or l’atomisation et la segmentation des mouvements, c’est-à-dire leur difficulté à avoir accès aux autorités autrement que sur un mode clientéliste, sont deux caractéristiques, qui, selon Oberschall, rendent particulièrement difficile l’avènement d’une protestation  [61].

20Revenons sur l’un des registres de cette disqualification : l’adjectif « politique » accolé à une mobilisation est perçu comme infamant et délégitime les groupes mobilisés. Cette rhétorique du danger de la « récupération » politique n’est pas inédite, mais elle s’accompagne ici de l’intériorisation d’une incompatibilité entre mobilisations sociales et sphère politique. Les défenseurs des droits de l’homme refusent par exemple de donner une connotation politique à leurs revendications et mettent en avant le caractère universel, neutre, « inodore et incolore »  [62] de cette cause. S’ils critiquent les dysfonctionnements des institutions judiciaires ou policières, ils ne remettent pas en cause les fondements d’un ordre politique (pourtant) largement illégitime et refusent, le plus souvent, de s’allier avec des acteurs partisans  [63]. En fait, ce positionnement s’inscrit dans un contexte de monopolisation du discours légitime par le régime, qui stigmatise « l’opposant » et délimite seul le champ de la politisation. Considérée comme l’une des caractéristiques majeures des autoritarismes par Juan Linz, la dépolitisation de la société et de ceux qui voudraient en dénoncer les problèmes tend à affaiblir les potentielles revendications.

Participer à l’action publique : mise à l’écart et concurrence extérieure

21Influencer, voire participer à la conception de l’action publique est un signe de reconnaissance institutionnelle pour une mobilisation. La participation des « représentants de la société civile » aux négociations qui portent sur certaines réformes politiques est d’ailleurs l’une des volontés des bailleurs de fonds. Depuis le début des années 1990 marquées par la volonté de divers groupes de prendre part à l’action publique, le gouvernement camerounais a fait montre d’une ouverture contrôlée dans ce domaine. Si les canaux de la participation se sont ouverts, la sélection de ceux qui sont susceptibles d’être consultés reste aux mains des autorités et la question de leur représentativité est un enjeu majeur de leur participation. Ces débats engendrent une autre forme, désormais classique, de dépolitisation des échanges entre les autorités et les acteurs extérieurs, du fait de la mise en place de procédures institutionnelles lourdes épuisant le temps des acteurs mobilisés, encadrant les prises de parole autour de questions techniques et faisant enfler les structures parapubliques  [64]. Enfin, la logique d’intervention des acteurs internationaux dans les affaires internes conduit à des concurrences entre acteurs protestataires internationaux et locaux, les premiers bénéficiant d’un avantage, celui de ne pas chercher à contester l’ordre local établi.

22Le contrôle étatique sur la participation d’intervenants de la « société civile » dans la sphère de décision s’est manifesté, par exemple, lors de l’établissement et des négociations de la Commission tripartite de 1991-1993 chargée de travailler sur la tenue d’une éventuelle conférence nationale, lors de la réforme constitutionnelle de 1996, ou encore lors de la négociation de la loi sur l’Observatoire national des élections (ONEL). Chaque fois, les instances de concertation ont répondu à des mobilisations politiques : à propos de la tenue d’une conférence nationale, de la révision constitutionnelle ou de l’indépendance des organes chargés d’organiser les élections. Chaque fois, le choix des membres de ces instances s’est fondé davantage sur des individus, que l’on cherchait à remercier pour leur loyauté ou à coopter, que sur une quelconque « représentativité ». L’exemple du comité de suivi de l’initiative PPTE, instance de concertation exigée par les bailleurs de fonds et qui était censée accueillir des « représentants de la société civile » (Églises, syndicats et associations), illustre bien la logique de recrutement et la nature des critères de « représentativité ». Les deux premiers représentants ont été en effet sélectionnés sur concours par un consultant. La mobilisation n’a donc pas été le critère qui a conduit à cette reconnaissance institutionnelle. C’est l’expertise, contrôlée par l’État, qui a été à l’origine de ce choix. Les risques sont alors grands que ces associations se sentent responsables devant ceux qui les ont nommées plutôt que devant ceux qu’elles sont censées représenter. Ces mécanismes ont été contestés par les acteurs qui prétendent représenter et défendre les intérêts des citoyens : la coalition « Dynamique citoyenne », regroupant une trentaine d’organisations (syndicats et associations) a demandé par exemple que soient revus les critères de sélection. Lorsque les demandes d’implication de la part d’acteurs non étatiques sont prises en compte, comme dans le cas du Comité technique de suivi et d'évaluation des activités de mise en œuvre du Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP), les dispositifs de représentation sont si complexes que des consultances extérieures et des séminaires d’approbation sont nécessaires pour valider ces mécanismes institutionnels lourds et hautement susceptibles d’engloutir les propositions les plus hardies d’acteurs non étatiques, pourtant désormais reconnus  [65]. L’implication de groupes d’intérêt, en tant que représentants, est donc prise en tenailles entre les logiques de contrôle étatique, héritées des années d’autoritarisme et de clientélisme, et les dispositifs de concertation imposés par les bailleurs qui retirent finalement toute substance au dialogue entre l’État et les acteurs protestataires par la lourdeur des institutions mises en place. L’inflation institutionnelle que représentent les divers ateliers de validation et de proposition entérine un changement certain : celui de l’obligation de dialogue, mais l’encadre par des règles de fonctionnement bureaucratique et surtout par la teneur des débats portant exclusivement sur des questions gestionnaires. En effet, l’un des domaines désormais privilégiés des organisations camerounaises de plaidoyer, comme Dynamique citoyenne, est le contrôle budgétaire : contrôle de l’utilisation des fonds PPTE, contrôle de la procédure budgétaire au Parlement et de l’exécution des budgets ministériels. Dans le cadre d’une action diplomatique et internationale orientée vers la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption  [66], les thèmes des débats auxquels participent les acteurs mobilisés se cantonnent à la gestion et dépolitisent la confrontation.

23Les conséquences de l’extraversion de l’action publique sur l’amplitude d’action des militants se manifestent encore plus directement dans la concurrence objective qui se joue entre « opérateurs du changement » étrangers et acteurs militants nationaux. En effet, les acteurs internationaux, États, organisations internationales ou non gouvernementales, possèdent leur propre agenda politique et peuvent de ce fait porter préjudice à certaines initiatives locales. En 2006, le Commonwealth a par exemple enjoint le gouvernement de mettre en place un comité national des élections indépendant. Cette proposition, suivie d’une négociation avec les ministres concernés, est venue couper l’herbe sous le pied à la Conférence épiscopale et au Service national Justice et Paix qui travaillaient depuis quelques mois sur une proposition de réforme des dispositions électorales. Dans ce cas, la mobilisation effective d’acteurs nationaux a été supplantée par des initiatives extérieures qui monopolisent l’expertise de la réforme politique et qui apparaissent comme des acteurs moins nuisibles aux rapports de pouvoir que les militants locaux. Si, dans ce cas précis, les membres du Commonwealth chargés de ce programme ont pris langue, avec quelque retard, avec les leaders de l’initiative camerounaise, ce type de frictions rend compte de la marge de manœuvre que peuvent tirer les dirigeants de ces concurrences, et de la difficulté, pour les acteurs nationaux, d’imposer leur présence dans le jeu politique national. Le primat donné à l’extérieur, par les militants comme par l’État, même s’il présente l’avantage de contourner les contraintes d’un huis clos et favorise la diffusion d’idées, risque de ne pas transformer les rapports de force au sein de la société politique camerounaise : si réformes institutionnelles ou inflexions discursives il y a, la responsabilité en incombera aux acteurs extérieurs, et les dirigeants continueront de n’être responsables que devant eux, et non devant les citoyens camerounais  [67]. Certes, la force de persuasion diplomatique peut être considérée comme plus efficace que les pressions de la rue, mais l’on sait combien les intérêts des puissances étrangères ne sont pas, prioritairement, dépendants des aléas démocratiques de leurs interlocuteurs bilatéraux. Le Cameroun a ainsi vu l’ambassade américaine s’apparenter à une force d’opposition au début des années 1990 puis devenir aujourd’hui plus mesurée, tandis que la représentation française, fidèle à un régime ami, cherche aujourd’hui de nouvelles stratégies face aux concurrences « anglosaxonnes » et va jusqu’à financer les « contre-pouvoirs », sans trop savoir ce que pourront en être les conséquences  [68]. Les liens et concurrences entre militants camerounais et acteurs extérieurs, étatiques ou militants, semblent finalement peser trop lourd pour qu’un champ autonome de mobilisations puisse émerger.

24L ’extraversion est un élément constitutif des trajectoires postcoloniales, mais l’ouverture politique du début des années 1990 au Cameroun a accentué cette tendance en permettant aux acteurs contestataires ou marginaux de recourir eux aussi à l’extérieur : si elle permet de contourner certains obstacles internes, l’extraversion militante tend à renforcer une certaine dépendance, discutée et contestée, mais bien réelle. Au-delà de cette dimension d’extraversion, le contexte camerounais peut être qualifié aujourd’hui de postautoritaire. L’étude des conditions de l’action collective dans ce contexte permet en retour de préciser les caractéristiques de ce type d’arrangement politique. Il ne s’agit nullement de tenter de classer ce régime ou de créer une nouvelle catégorie mais de mettre en évidence, après d’autres, la disjonction entre les institutions et les discours politiques, d’un côté, les pratiques du pouvoir et leurs perceptions, de l’autre. La domination objective et électoralement contestée de l’ex-parti unique, tempérée par une libéralisation politique évidente, ne suffit en effet pas à qualifier de postautoritaire un régime de parti dominant. D’autres éléments attestent cette « rémanence autoritaire »  [69]. La crainte affichée des militants de s’attaquer frontalement à des personnalités publiques (au niveau local ou national) est un élément sub-jectif de perception de ce régime et permet de le qualifier d’autoritaire. La suspicion généralisée devient également, par les pratiques qu’elle engendre (peu de collaboration, secret…), un élément constitutif de ce régime. D’autres types de comportements font de l’espace politique un espace de fiction et de mystification  [70] : l’appartenance de façade au RDPC par exemple est un élément important, voire indispensable, pour le maintien d’un statut social ou administratif  [71]. La loyauté au parti est souvent fictive, mais elle entretient le mythe d’une toute-puissance de l’autorité de l’État et du parti, et permet à ceux qui feignent d’y croire, d’en tirer des avantages. Les slogans étalés sur les banderoles des grandes rues de Yaoundé, les multiples structures interministérielles chargées d’engager des réformes, les arrestations de quelques personnalités censées signifier la lutte contre la corruption font partie de ce théâtre d’ombres qui tient lieu de scène politique. La force du régime est d’imposer un mensonge généralisé sur lequel repose son autorité, par-delà la violence. Certains voient dans ces simulacres, adhésion affichée et détournements discrets, l’essence même des espaces postcoloniaux où gouvernants et gouvernés se retrouvent dans une même convivialité, une « intime tyrannie »  [72]. Cette conception de l’espace politique réfute la dichotomie domination/résistance. La domination s’y accommoderait de « poches d’indiscipline ». Si le constat se vérifie d’une soumission au pouvoir tempérée d’insoumissions ponctuelles, il demeure que les volontés de résistance se font jour, et que cette convivialité, si elle peut les modérer, ne les empêche pas de tenter de s’exprimer dans la limite de certaines frontières posées par le pouvoir. On l’a vu, le retrait du politique de la part d’acteurs pourtant porteurs de revendications à l’encontre des autorités renforce cette tendance à la dépolitisation. En outre, l’immédiateté du temps politique imposée par un refus de l’histoire et le maintien d’une incertitude sur les évolutions politiques d’un pays gouverné depuis vingt-cinq ans par le même chef d’État caractérisent ce régime postautoritaire. Finalement, cette tentative de caractérisation du régime camerounais se fonde davantage sur des éléments de la culture politique que sur des institutions formelles. Le double langage né des conditionnalités démocratiques  [73] et la virtuosité juridique camerounaise obligent à des détours, finalement enrichissants, pour comprendre certaines dynamiques du contexte politique. Cette réflexion sur les facteurs inhibant la mobilisation collective au Cameroun risque de donner de ce pays une impression d’apathie ou de calme social et politique qui serait trompeuse. Survenus respectivement en janvier et en février 2006, le meurtre d’un chef traditionnel et celui d’un gendarme par des villageois mécontents montrent que les rapports entre gouvernants et gouvernés peuvent être très conflictuels. Liées à des problèmes politiques et fonciers locaux et ancrées dans la culture politique spécifique du Nord-Ouest, région anglophone considérée comme « rebelle », ces violences perpétrées à l’encontre des autorités traditionnelles et étatiques expriment aussi une incapacité à échanger dans le cadre routinier des institutions. L’assassinat du chef traditionnel, qui avait vendu frauduleusement les terrains agricoles du village à un homme d’affaires membre du Comité central du RDPC, éclaire ce rejet des injustices commises par les « grands », qui détiennent aujourd’hui un pouvoir sans partage. Celui du gendarme prolonge ce conflit interne et dénie aux forces de l’ordre, particulièrement mal considérées dans cette région, le droit de prendre part aux affaires internes du village. Certes, la « démocratie apaisée »  [74], proclamée après les élections de 1997, a bien réussi à neutraliser les mobilisations politiques, mais certains indices laissent à penser qu’elle n’est pas pour autant « pacifiée » et que la domestication de la violence y est un processus inachevé.

Notes

  • [1]
    PCPA (Programme concerté pluri-acteurs), Note d’étape de l’étude de diagnostic. Synthèse, novembre 2003. Ce programme, qui a débuté au début de l’année 2006 après deux ans de phase pilote, regroupe plusieurs dizaines d’associations et des syndicats camerounais et est principalement financé par le ministère des Affaires étrangères français.
  • [2]
    Cette définition est adaptée de l’introduction de Erik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2005 (4e édition). La démobilisation ne s’apparente donc pas ici au « désengagement » individuel ou collectif de militants tel qu’analysé dans Olivier Fillieule (dir.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005. Il ne s’agit pas non plus de s’interroger sur la disparition des lieux et des expressions de mobilisation politique comme l’analysent les auteurs de l’ouvrage dirigé par Frédérique Matonti, La démobilisation politique, Paris, La Dispute, 2006.
  • [3]
    Voir par exemple Francis B. Nyamnjoh, Jude Fokwang, « Entertaining Repression : Music and Politics in Postcolonial Cameroon », African Affairs, 104 (415), 2005, p. 251-274.
  • [4]
    Sur ce type de « résistances », voir Jean-François Bayart, Achille Mbembe, Comi Toulabor, La politique par le bas en Afrique, Paris, Karthala, 1992.
  • [5]
    F. B. Nyamnjoh, « Cameroon : A Country United by Ethnic Ambition and Difference », African Affairs, 98 (390), 1999, p. 101-118.
  • [6]
    Dominique Malaquais, « Arts de feyre au Cameroun », Politique africaine, 82, juin 2001, p. 101-118.
  • [7]
    Tim Kelsall, « History, Identity and Collective Action », dans Ulf Olsen Engel, Rye Gorm (eds), The African Exception, Aldershot, Ashgate, 2005, p. 53-69.
  • [8]
    Lilian Mathieu, « L’espace des mouvements sociaux », communication présentée au congrès de l’Association française de science politique, Lyon, septembre 2005.
  • [9]
    Richard Joseph, Le mouvement nationaliste au Cameroun, Paris, Karthala, 1986 ; A. Mbembe, La naissance du maquis au Sud-Cameroun, Paris, Karthala, 1996.
  • [10]
    D. Malaquais, Architecture, pouvoir et dissidence au Cameroun, Paris, Karthala/ Yaoundé, Presses de l’UCAC, 2002 ; Meredith Terretta, « “God of Independance, God of Peace”: Village Politics and Nationalism in the Maquis of Cameroon, 1957-1971 », Journal of African History, 4 (1), 2005, p. 75-101.
  • [11]
    J.-F. Bayart, L’État au Cameroun, Paris, Presses de Sciences Po, 1985 (2e édition).
  • [12]
    Cette expression est empruntée à Pierre Flambeau Ngayap, L'opposition au Cameroun. Les années de braise, Paris, Montréal, l’Harmattan, 1999 ; sur cette époque, voir également Fabien Eboussi Boulaga, La démocratie de transit au Cameroun, Paris, L’Harmattan, 1997 ; Milton Krieger, « Cameroon’s Democratic Crossroads, 1990-1994 », Journal of Modern African Studies, 32 (4), 1994, p. 605-628 ; Andreas Mehler, « Cameroun : une transition qui n’a pas eu lieu », dans Jean-Pascal Daloz, Patrick Quantin (dir.), Transitions démocratiques en Afrique, Paris, Karthala, 1997, p. 95-138.
  • [13]
    Sur ces mouvements, qui se sont développés au milieu des années 1980, voir par exemple Piet Konings, Francis B. Nyamnjoh, Negotiating an Anglophone Identity : A Study of the Politics of Recognition and Representation in Cameroon, Leiden, Brill, 2003.
  • [14]
    Voir notamment L. Mathieu, « Rapport au politique, dimensions cognitives et perspectives pragmatiques dans l’analyse des mouvements sociaux », Revue française de science politique, 52 (1), février 2002, p. 75-100.
  • [15]
    Voir l’introduction de Mouna Bennani-Chraïbi, Olivier Fillieule (dir.), Résistances et protestations dans les sociétés musulmanes, Paris, Presses de Sciences Po, 2003.
  • [16]
    John D. Mc Carthy, « The Globalization of Social Movement Theory », dans Jacky Smith, Charles Chatfield, Ron Pagnucco (eds), Transnational Social Movements and Global Politics : Solidarity Beyond the State, Syracuse, Syracuse University Press, 1997.
  • [17]
    Doug McAdam, Sidney Tarrow, Charles Tilly, « Pour une cartographie de la politique contestataire », Politix, 41,1998, p. 7-25.
  • [18]
    J.-F. Bayart, « L’Afrique dans le monde : une histoire d’extraversion », Critique internationale, 5, automne 1999, p. 97-120.
  • [19]
    Cette réflexion se nourrit d’observations et d’entretiens avec des militants syndicaux, étudiants, religieux, environnementaux ou défenseurs des droits de l’Homme au Cameroun entre 2000 et 2002, lors de recherches doctorales, puis en 2005 et 2006, dans le cadre d’un séjour postdoctoral à l’université Yaoundé II financé par l’Agence universitaire de la Francophonie. Je remercie tous ceux qui ont commenté les diverses versions de cet article.
  • [20]
    Mancur Olson, La logique de l’action collective, Paris, PUF, 1978.
  • [21]
    Denis-Constant Martin, La découverte des cultures politiques. Esquisse d’une approche comparatiste à partir des expériences africaines, Les Cahiers du CERI, 2,1992, p. 15-16.
  • [22]
    Sur les élections de juin 2002, voir Jean Takougang, « The 2002 Legislative Election in Cameroon : A Retrospective on Cameroon’s Stalled Democracy Movement », Journal of Modern African Studies, 41 (3), 2003, p. 421-435.
  • [23]
    En 1997, le candidat Biya a récolté 92,5 % des voix, les grands partis SDF et UNDP ayant boycotté l’élection.
  • [24]
    « Une croissance continue qui se cherche des sources stables », Marchés tropicaux, 22 novembre 2002, p. 2477-2478.
  • [25]
    Luc Sindjoun, L’État ailleurs. Entre noyau dur et case vide, Paris, Économica, 2002. Sur les pratiques de dons électoraux pratiqués par le RDPC, voir Antoine Socpa, « Les dons dans le jeu électoral au Cameroun », Cahiers d’études africaines, 157,2000, p. 91-108.
  • [26]
    L. Sindjoun, « Ce que s’opposer veut dire : l’économie des échanges politiques », dans L. Sindjoun (dir.), Comment peut-on être opposant au Cameroun ? Politique parlementaire et politique autoritaire, Dakar, Codesria, 2004, p. 33.
  • [27]
    Léopold Donfack Sonkeng, « L’institutionnalisation de l’opposition : une réalité objective en quête de consistance », dans ibid., p. 44-101.
  • [28]
    La première citation est tirée de Georges Courade, Luc Sindjoun (dir.), « Le Cameroun de l’entre-deux », Politique africaine, 62,1996, p. 3-23 ; la deuxième, de F. B. Nyamnjoh, « Cameroon : A Country United by Ethnic Ambition and Difference », art. cité, p. 102 ; la troisième, de G. Courade (dir.), Le désarroi camerounais. L’épreuve de l’économie-monde, Paris, Karthala, 2000, p. 36.
  • [29]
    Service National Justice et Paix, « Les élections municipales et législatives 2002 au Cameroun : la loi – le crime – la justice. Rapport d’observation électoral », Yaoundé, 16 octobre 2003, et De la souveraineté du peuple camerounais en question, Yaoundé, 2005.
  • [30]
    Depuis 2006, quelques personnalités de l’administration camerounaise ont été arrêtées dans le cadre de l’opération « Épervier » destinée à montrer la volonté politique du gouvernement dans la lutte contre la corruption.
  • [31]
    La moralisation est l’un des axes rhétoriques permanent du Renouveau, expression qualifiant le projet du Président Biya. Ces dernières années, elle a été réitérée sous différentes formes : en 2005 et 2006, deux slogans énoncés par le pouvoir faisaient référence à la moralisation : « Rigueur et moralisation, les 23 ans du Renouveau », pour l’anniversaire de l’accès au pouvoir du président Biya, et « La moralisation de la jeunesse », lors de la Fête de la jeunesse en 2006.
  • [32]
    Pour une analyse des rapports entre homosexualité et recrutement politique, voir Lucien Fidèle Toulou, « Des usages du multipartisme. Transitions postautoritaires et reproduction des élites au Cameroun et au Kenya », thèse de science politique, IEP de Bordeaux, 2005.
  • [33]
    Voir par exemple Stephen Ellis, « Rumors and Power in Togo », Africa, 4,1993, p. 462-476.
  • [34]
    Donatella Della Porta « Social Movements and the State : Thoughts on the Policing of Protest », dans Doug McAdam, John D. McCarthy, Mayer N. Zald (eds), Comparative Politics on Social Movements. Political Opportunities, Mobilizing Structures and Cultural Framings, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 62-92.
  • [35]
    D. McAdam, « Pour dépasser l’analyse structurale de l’engagement militant », dans O. Fillieule (dir.), Le désengagement militant, op. cit., p. 49-73.
  • [36]
    Jean-François Médard, « Autoritarismes et démocraties », Politique africaine, 43, octobre 1991, p. 92-104.
  • [37]
    Marie-Emmanuelle Pommerolle, « À quoi servent les droits de l’homme ? Action collective et changement politique au Kenya et au Cameroun », thèse de science politique, IEP de Bordeaux, 2005, chap. 2.
  • [38]
    Entretiens collectifs à Kribi, 6 avril 2006.
  • [39]
    Observations lors d’un rassemblement « contre la corruption et l’impunité » organisé par « Dynamique citoyenne », le 10 décembre 2005 au centre-ville de Yaoundé.
  • [40]
    Pour un constat semblable voir Joseph-Marie Zambo Belinga, « Quête de notabilité sociale, rémanence autoritaire et démocratisation au Cameroun », Cahier d’études africaines, 171,2003, p. 573-589.
  • [41]
    À titre d’exemple, un leader syndicaliste fermement opposé au régime et ancien cadre de la compagnie ferroviaire nationale accusé de sabotage a finalement été relaxé en 2006 après plusieurs années de procédures et quelques mois passés en prison.
  • [42]
    Pour des résumés succincts de ces mobilisations, voir PCPA - Groupe de travail plaidoyer, « Dix cas de plaidoyers récemment menés par les organisations de la société civile au Cameroun », multigraphié, novembre 2005.
  • [43]
    Voir par exemple Béatrice Pouligny (dir.), « Une société civile internationale ? », Critique internationale, 13, octobre 2001, p. 120-176.
  • [44]
    Les militants peuvent néanmoins jouer avec cette règle et fournir une expertise « de façade » suffisante pour attester un professionnalisme auprès des partenaires financiers.
  • [45]
    Victor Le Vine, Le Cameroun du mandat à l’indépendance, Paris, Présence Africaine, 1986.
  • [46]
    « Si Biya s’entête… », Jeune Afrique Economie, 147, septembre 1991 et A. Mehler, « Cameroun : une transition qui n’a pas eu lieu », cité, p. 128.
  • [47]
    Certains défenseurs de droits de l’homme, par exemple, s’expriment aussi bien au sein du comité des droits de l’homme des Nations unies qu’au sein de l’Organisation mondiale contre la torture ou encore de la Commission africaine des droits de l’homme, sans mentionner les forums non gouvernementaux.
  • [48]
    Alors que certains militants des droits de l’homme commençaient à acquérir une audience internationale, le gouvernement a mis en place une direction chargée des droits de l’homme et de la coopération internationale au sein du ministère de la Justice, notamment en charge de l’application des accords internationaux et de la rédaction des rapports aux organisations internationales.
  • [49]
    Cette expression est empruntée à D.-C. Martin, La découverte des cultures politiques. Esquisse d’une approche comparatiste à partir des expériences africaines, cité. Voir également Allyson Brysk, The Politics of Human Rights in Argentina, Stanford, Stanford University Press, 1994.
  • [50]
    Cette mobilisation, qui a duré d’avril à octobre 1991, avait pour objectif et slogan principal la tenue d’une « conférence souveraine ». Les moyens utilisés pour faire pression sur le gouvernement ont été le refus de payer les impôts, l’arrêt des activités économiques et des manifestations occasionnelles dans plusieurs grandes villes du pays, sauf à Yaoundé, la capitale. Les affrontements avec les forces de l’ordre ont régulièrement ponctué ces manifestations, conduisant au décès de 200 à 400 personnes selon les estimations.
  • [51]
    République du Cameroun, Les droits de l’homme au Cameroun, Yaoundé, novembre 1993, p. 97-106.
  • [52]
    Martin Dieudonné Ebolo, « De la société civile “mythique” à la société civile impure : entre assujettissement, émancipation et collusion », dans L. Sindjoun (dir.), La Révolution passive au Cameroun, Dakar, Codesria, 1999, p. 80.
  • [53]
    Patrice Bigombe Logo, Hélène-Laure Menthong, « Crise de légitimité et évidence de la continuité politique », Politique africaine, 62,1996, p. 17.
  • [54]
    J.-F. Médard, « État, démocratie et développement : l’expérience camerounaise », dans Sophia Mappa (dir.), Développer par la démocratie ? Injonctions occidentales et exigences planétaires, Paris, Karthala, 1995, p. 369.
  • [55]
    F. Eboussi Boulaga, La démocratie de transit au Cameroun, op. cit., p. 87.
  • [56]
    John Lonsdale, « African Pasts in Africa's Future », dans Bruce Berman, John Lonsdale (eds), Unhappy Valley : State and Class, Nairobi, Heinemann/Londres, James Currey, 1992, p. 203-223.
  • [57]
    « Biya dans l’imaginaire collectif », Le Messager, 16 juin 2004.
  • [58]
    F. B. Nyamnjoh, « Cameroon : A Country United by Ethnic Ambition and Difference », art. cité.
  • [59]
    Adam Przeworski, Democracy and the Market, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.
  • [60]
    Les mobilisations étudiantes font souvent l’objet de ce type d’accusations et de pratiques. Voir par exemple Piet Konings, « University Students’ Revolt, Ethnic Militia, and Violence during Political Liberalization in Cameroon », African Studies Review, 45 (2), septembre 2002, p. 179-204.
  • [61]
    Anthony Oberschall, Social Conflict and Social Movements, Englewood Cliffs, Prentice Hall, 1973.
  • [62]
    Entretien avec le secrétaire général de la Ligue des droits de l’homme, 2001.
  • [63]
    L’apolitisme des revendications en faveur des droits de l’homme est souvent considéré comme une limite intrinsèque à ce registre de mobilisation (voir par exemple Marcel Gauchet, La démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard, 2002), mais il peut cependant être investi de sens politique selon le contexte et les acteurs mobilisés. Voir notre analyse du cas kenyan dans M.-E. Pommerolle, « À quoi servent les droits de l’homme ? Action collective et changement politique au Kenya et au Cameroun », cité, chap. 3.
  • [64]
    James Ferguson, The Anti-Politics Machine : « Development », Depoliticization and Bureaucratic Power in Lesotho, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
  • [65]
    Ce sont d’ailleurs des acteurs non étatiques camerounais qui ont été chargés d’organiser « l’atelier sur la validation de la méthodologie du suivi participatif de la mise en œuvre du DSRP au Cameroun » en avril 2006, après que des consultants canadiens eurent proposé un dispositif que les associations camerounaises ont revu de fond en comble.
  • [66]
    Rita Abrahamsen, Disciplining Democracy : Development Discourse and Good Governance in Africa, Londres, Zed Books, 2000.
  • [67]
    Christopher Clapham, Africa and the International System, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.
  • [68]
    Voir par exemple M. Dieudonné Ebolo, « L’implication des puissances occidentales dans les processus de démocratisation en Afrique : analyse des actions américaine et française au Cameroun (1989-1997) », Polis, 6 (2), 1998, p. 21-56.
  • [69]
    J.-M. Zambo Belinga, « Quête de notabilité sociale, rémanence autoritaire et démocratisation au Cameroun », art. cité.
  • [70]
    Pour des constatations équivalentes, voir F. B. Nyamnjoh, « Cameroon : A Country United by Ethnic Ambition and Difference », art. cité.
  • [71]
    Lors de nos enquêtes, plusieurs interlocuteurs (chef traditionnel, « élite », intellectuel) nous ont dit qu’ils étaient membres ou s’affichaient comme sympathisants du RDPC afin de pouvoir se mouvoir et obtenir la bienveillance des autorités. Membre du parti, l’un d’entre eux nous a même dit qu’il adhérait aux « idéaux » mais ne cautionnait pas les pratiques du parti…
  • [72]
    A. Mbembe, « Notes provisoires sur la postcolonie », Politique africaine, 60,1995, p. 76-109.
  • [73]
    Sur la dualité des espaces politiques extravertis, voir par exemple Tim Kelsall, « Shop Windows and Smoke-filled Rooms : Governance and the Re-politicization of Tanzania », Journal of Modern African Studies, 40 (4), 2002, p. 597-619.
  • [74]
    La « démocratie apaisée » est l’une des formules slogans utilisées par les autorités pour décrire, et semble-t-il tenter de forger, un consensus autour de l’ordre existant, après les défis lancés à ce dernier lors des mobilisations de la première moitié des années 1990.
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