Couverture de CRII_033

Article de revue

Les faux-semblants de la réforme du droit pénal vietnamien (1985-2005)

Pages 79 à 108

Notes

  • [1]
    Circulaire interministérielle du 27 mail 1946 publiée dans le n?24 de Công Báo (Journal officiel) et citée par Bernard Fall dans Le Viet-Minh. La République démocratique du Vietnam 1945-1960, Paris, Armand Colin, Cahiers de la FNSP, 1960, p. 98.
  • [2]
    PhEm Hùng, « 40 nFm xây dGng vH phKt huy vai trI cJa TIa Kn nhân dân » (40 ans d’édification et d’affirmation du rôle du Tribunal populaire), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), septembre 1985, p. 40.
  • [3]
    Aleksandr G. Zvâgincev, Ûrij G. Orlov, Prigovorënnye vremenem. Rossijskie i sovetskie prokurory 1937-1953 (Condamnés par l’époque. Les procureurs russes et soviétiques 1937-1953), Moscou, Rosspèn, 2001, p. 19 et 21.
  • [4]
    Anatolij A. Sokolov, Komintern i V´etnam : Podgotovka v´etnamskih politioeskih kadrov v kommunistioeskih VUZah SSSR v 20-30-e gody (Le Komintern et le Vietnam : la formation des cadres politiques vietnamiens dans les établissements d’enseignement supérieur communistes d’URSS dans les années 1920-1930), Moscou, Ran, 1998.
  • [5]
    Yu Xingzhong, « Legal Pragmatism in the People’s Republic of China », Journal of Chinese Law, 3,1989, p. 36.
  • [6]
    Georges Boudarel, Cent Fleurs écloses dans la nuit du Vietnam, communisme et dissidence 1954-1956, Paris, Jacques Bertoin, 1991, p. 148 et « L’idéocratie importée au Vietnam avec le maoïsme », dans G. Boudarel et al., La bureaucratie au Vietnam, Paris, L’Harmattan, 1983, p. 31-106.
  • [7]
    PhEm Hùng, « 40 nFm xây dGng và phKt huy vai trI cJa TIa Kn nhân dân » (40 ans d’édification et d’affirmation du rôle du Tribunal populaire), art. cité, p. 39 et 40.
  • [8]
    Bùi Tín, Vietnam, la face cachée du régime, 1945-1999, Paris, Kergour, 1999, traduit de l’anglais, original en vietnamien (1991), p. 51 (l’auteur est un transfuge du PCV exilé en France depuis 1990).
  • [9]
    Sur la vague de répression de 1967, voir Judy Stowe, « “Révisionnisme” au Vietnam », Communisme, 65-66,2001, p. 244 ; Ilya V. Gaiduk, The Soviet Union and the Vietnam War, Chicago, Ivan R. Dee, 1996, p. 139 ; et le témoignage du fils du secrétaire personnel de H B ChC Minh, V N Thú Hiên, jêm giía ban ngày. H3i kn chRnh trS cNa m2t ngêpi không làm chRnh trS (Nuit en plein jour. Mémoires politiques d’un homme qui ne fait pas de politique), Westminster, V Fn NghD, 1997.
  • [10]
    Lê Míc Tho (1911-1990) participa à la fondation du Parti communiste indochinois en 1930. Le prix Nobel de la Paix lui fut décerné ainsi qu’à Henry Kissinger après la signature des accords de Paris en 1973. Dans son pays, il est surtout connu pour avoir envoyé de nombreux intellectuels et communistes en camps de rééducation. On murmure, non sans malice et avec une certaine satisfaction, que sa famille a été contrainte, il y a quelques années, d’opérer le transfert de sa dépouille de Hanoi à son village natal. Les descendants de ses anciens adversaires avaient en effet pris l’habitude de maculer sa tombe d’excréments humains. Perturber le repos du mort et couvrir d’opprobre sa descendance est encore la meilleure façon d’exprimer son exécration et de rendre justice aux siens.
  • [11]
    NguyPn Mình L Qc, « BQ lu1t hình sG 1999 va nhiDm vu th7 chT hSa chCnh sKch hình sG cJa M2ng trong thai k3 4ói m Ui » (Le Code pénal de 1999 et la mission d’institutionnalisation de la politique pénale du Parti dans la période de renouveau), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), juin 2000, p. 10 (l’auteur était alors ministre de la Justice).
  • [12]
    Mào TrC Xc, « Nguyên t6c phKp chT và sG th7 hiDn trong BQ lu1t hình sG ViDt Nam » (Le principe de la légalité et sa traduction dans le Code pénal du Vietnam), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), août 1999, p. 42.
  • [13]
    Phan HiRn, « BúUc tiTn m Ui trong công tKc xây dGng phKp lu1t cJa nhà núUc ta » (Un pas en avant dans l’élaboration des lois de notre État), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), juin 1984, p. 28.
  • [14]
    Michel Heller, Le monde concentrationnaire et la littérature soviétique, Lausanne, L’âge d’homme, 1974, p. 59.
  • [15]
    V Fn HiRn, « Hoàn thiDn phKp lu1t và tFng cúang phKp chT xY hQi chJ nghZa » (Perfectionner la loi et renforcer la légalité socialiste), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), juillet 1982, p. 30.
  • [16]
    NguyPn Ngoc Minh, « Nâng cao i thíc tôn trong và nghiêm chành ch0p hành phKp lu1t » (Élever la conscience pour faire respecter et strictement exécuter la loi), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), juin 1977, p. 65.
  • [17]
    PhEm Hùng, « TIa Kn nhân dân và viDc thi hành hiTn phKp và phKp lu1t » (Le Tribunal populaire et l’exécution de la Constitution et de la loi), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), août 1981, p. 3.
  • [18]
    Chen Jianfu, Chinese Law. Towards an Understanding of Chinese Law, its Nature and Development, Londres, Kluwer Law International, 1999, p. 41 ; Lo Carlos Wing-Hung, « Socialist Legal Theory in Deng Xiaoping’s China », Columbia Journal of Asian Law, 11,1997, p. 475 (reproduit dans P. Keller (ed.), Chinese Law and Legal Theory, op. cit., p. 91).
  • [19]
    L’armée vietnamienne envahit le Kampuchéa démocratique (Cambodge) en décembre 1978 et entra dans Phnom Penh, le 7 janvier 1979. En représailles, la Chine, qui soutenait les Khmers rouges, envahit le Nord du Vietnam le 17 février. Elle s’en retira peu après, à la suite de l’ultimatum lancé par l’Union Soviétique, alliée du Vietnam, mais maintint des troupes le long de la frontière, où des échauffourées meurtrières eurent lieu jusqu’à la fin de l’occupation vietnamienne du Cambodge, en septembre 1989.
  • [20]
    Dans un discours prononcé le 26 mars 1982 au 5e congrès du PCV, Mikhaïl Gorbatchev, mandaté par le Politburo du PCUS, mit en cause l’efficacité des dirigeants vietnamiens et envisagea l’éventualité d’une baisse de l’aide soviétique si la gabegie se poursuivait.
  • [21]
    PhEm Hùng, « 40 nFm xây dGng và phKt huy vai trI cJa TIa Kn nhân dân » (40 ans d’édification et d’affirmation du rôle du Tribunal populaire), art. cité, p. 40.
  • [22]
    Le terme pháp chZ xE h2i chN nghTa a parfois été traduit en français par « législation socialiste », ce qui, à notre avis, est erroné. Législation socialiste se dit en vietnamien trFt tJ pháp luFt xã h2i chN nghTa.
  • [23]
    Sur le sens du d5i m6i, voir l’excellente analyse de Yann B2o An, « j5i m6i ou la solution de la continuité », dans Stéphane Dovert, Benoît de Tréglodé (dir.), Viêt Nam contemporain, Paris, Les Indes savantes, 2004, p. 117-132.
  • [24]
    NguyPn Mình L Qc, « BQ lu1t hình sG 1999 và nhiDm vu th7 chT hSa chCnh sKch hình sG cJa M2ng trong thai k3 4ói m Ui » (Le Code pénal de 1999 et la mission d’institutionnalisation de la politique pénale du Parti dans la période de renouveau), art. cité, p. 11(nous soulignons).
  • [25]
    Tsai Wen-Hui, Class Struggle and Deviant Labeling in Mao’s China : Becoming Enemies of the People, Lampeter-New York, The Edwin Mellen Press, 2001, p. 32.
  • [26]
    L’expression « État de droit » est une traduction littérale de nhà nò6c pháp quyùn. Certains auteurs anglophones préfèrent utiliser des traductions sémantiques (state-legal-rights, law-based state ou state ruled by law).
  • [27]
    Dominique Colas, Le glaive et le fléau. Généalogie du fanatisme et de la société civile, Paris, Grasset, 1992, p. 305-306.
  • [28]
    Le comité populaire (Ny ban nhân dân) exerce le pouvoir exécutif au niveau local. Ses membres, des fonctionnaires d’État généralement membres du PCV, sont formellement désignés par le conseil populaire (h2i d3ng nhân dân) qui est une assemblée locale composée de représentants élus au suffrage universel direct à bulletin secret tous les cinq ans (art. 7, Constitution de 1992). Le président (chN tSch) du comité populaire ne peut pas être premier secrétaire (bR thò) de la cellule locale du Parti (chi b2 jAng). Pour autant, les élections au conseil populaire ne sont pas démocratiques. Le scrutin n’est pas uninominal et les candidatures spontanées sont de facto impossibles. Les électeurs sont appelés à choisir cinq des sept candidats qui leur sont proposés sur une liste unique, celle du PCV. En général, deux des candidats sont de parfaits inconnus exerçant des professions les prédisposant peu à remplir ces fonctions, de sorte qu’ils sont éliminés d’emblée par les électeurs eux-mêmes. Entretiens menés à Hanoi en 2003.
  • [29]
    Papier présenté par Penelope Nicholson au colloque sur le Vietnam organisé le 6 octobre 2003 au CERI et intitulé « The State of the Law and Rule of Law in Post Mói M Ui Vietnam ».
  • [30]
    Nguyen Hung Quang, Kerstin Steiner, « Ideology and Professionalism : The Resurgence of the Vietnamese Bar » dans John Gillepsie, Penelope Nicholson, Asian Socialism and Legal Change : The Dynamics of Vietnamese and Chinese Reform, Canberra, ANU, 2005, p. 196 et 205.
  • [31]
    Témoignages de deux juges vietnamiens cités par P. Nicholson, « The Vietnamese Courts and Corruption », dans Timothy Lindsey, Howard Dick (eds), Corruption in Asia. Rethinking the governance paradigm, Sydney, Federation Press, 2002, p. 211.
  • [32]
    Affaires de corruption citées par J. Gillepsie, « The Political-Legal Culture of Anti-Corruption Reforms in Vietnam », dans T. Lindsey, H. Dick (eds), Corruption in Asia. Rethinking the governance paradigm, op. cit., p. 187 et suiv..
  • [33]
    Ibid., p. 183.
  • [34]
    NguyPn Ngoc MiDp, So sánh và d7i chiZu b2 luFt hình sJ 1985 và 1999 (Comparer et confronter les Codes pénaux de 1985 et de 1999), Hô Chi Minh ville, Maison d’édition d’Hô Chi Minh-ville, 2000, p. 88. Le Code pénal de 1985 n’est pas traduit. Celui de 1999 est disponible en français sur hhttp :// www. maisondudroit. org/ CodePenal_versionFr/begin.htm (consulté le 14.11.2006).
  • [35]
    Le trafic d’enfants est puni d’une peine allant de dix ans de prison à la réclusion criminelle à perpétuité (art. 120). La pédophilie, l’inceste et la prostitution d’enfants sont également réprimés très sévèrement (art. 112,114,115 et 116).
  • [36]
    NguyPn Ngoc Minh, « Xây dGng phKp lu1t trong thai k3 quK 4Q 5 ViDt Nam » (Édifier la loi pendant la période de transformation socialiste au Vietnam), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), novembre 1981, p. 10.
  • [37]
    Voir, par exemple, les poèmes de deux grands mandarins qui renoncèrent à leurs charges et se retirèrent du monde : « L’éloge de la solitude » de Nguyên H Yng (XVIe siècle) et « L’impermanence du monde » de Nguyên Gia Thiêu (fin XVIIIe ) dans Aigrettes sur la rizière. Chants et poèmes classiques du Viêt-Nam, Paris, Gallimard, 1995, p. 97-99 et 127-132. Les chants et poèmes guerriers sont innombrables. Cf. la note 40 sur NguyPn TrYi et Mille ans de littérature vietnamienne. Une anthologie, Arles, Picquier, 2000.
  • [38]
    Pour exemple, au printemps 2006, quelques paysannes, rassemblées au bord du lac Hoàn KiTm, en face du comité populaire de la ville de Hanoi, brandissaient un portrait de H B ChC Minh sur lequel elles avaient inscrit : « Oncle, viens au secours du peuple ! » (Bác cOu dân). Cet événement est loin d’être isolé : les manifestations de protestation contre les réquisitions de terres se sont multipliées à travers le pays.
  • [39]
    Maurice Durand, Pierre Huard, Connaissance du ViYt-Nam, Paris, Imprimerie nationale, Hanoi, EFEO, 1954, p. 48-49.
  • [40]
    Éminent lettré mort en 1442, NguyPn TrYi fut un stratège et un homme d’État de premier plan. Il permit au souverain Lê Li de chasser les Chinois. Après la victoire sur les Ming en 1427, il rédigea un long poème épique, La Grande Proclamation de la pacification des Chinois, qui compte au nombre des chefs-d’œuvre de la littérature vietnamienne. Connu pour sa droiture et son incorruptibilité, il fut victime d’un complot fomenté par des courtisans jaloux.
  • [41]
    Mào TrC Xc, « Nguyên t6c phKp chT và sG th7 hiDn trong BQ lu1t hình sG ViDt Nam » (Le principe de la légalité et sa traduction dans le Code pénal du Vietnam), art. cité, p. 43.
  • [42]
    NguyPn Xuân Yêm, T2i phDm h4c hiYn dDi và ph0ng ngêa t2i phDm (Criminologie contemporaine et prévention du crime), Hanoi, Nhà xu0t b2n Công an Nhân dân (Éditions de la police populaire), 2001, p. 582.
  • [43]
    LuFt, ph0ng ch7ng ma tLy (Loi de prévention et de lutte contre la drogue), Hanoi, Nhà xu0t b2n ChCnh trï Quôc gia (Éditions de Politique nationale), 2001.
  • [44]
    Phan HiRn, « BúUc tiTn m Ui trong công tKc xây dGng phKp lu1t cJa nhH núUc ta » (Un pas en avant dans l’élaboration des lois de notre État), art. cité, p. 29 et 30.
  • [45]
    Dominique Colas, Les constitutions de l’URSS et de la Russie (1905-1993), Paris, PUF, 1997, p. 17.
  • [46]
    Camille Briffaut, La cité annamite, Paris, Contant Laguerre, 1909, p. 111-113.
  • [47]
    NguyPn Mình L Qc, « BQ lu1t hình sG 1999 và nhiDm vu th7 chT hSa chCnh sKch hình sG cJa M2ng trong thai k3 4ói m Ui » (Le Code pénal de 1999 et la mission d’institutionnalisation de la politique pénale du Parti dans la période de renouveau), art. cité, p. 13.
  • [48]
    Amnesty International, Rapport 2003, Paris, Éditions francophones d’Amnesty International, 2004, p. 405 ; Amnesty International, Vietnam : la peine de mort inhumaine et inefficace, 28 août 2003 (http ://web.amnesty.org/ library/index/fraasa410232003) (consulté le 14.11.2006).
  • [49]
    Jean-Luc Domenach, Chine : l’archipel oublié, Paris, Fayard, 1992, p. 35.
  • [50]
    Jules Silvestre, Considérations sur l’étude du droit annamite, Saigon, Albert Portail, 1922, p. 364. Sur le Code Gia-Long, voir Lê Thành Khôi, Histoire du Vietnam des origines à 1858 (1971), Paris, Sudestasie, 1992, p. 357.
  • [51]
    NguyPn Ngoc MiDp, So sánh và d7i chiZu b2 luFt hình sJ 1985 và 1999 (Comparer et confronter les Codes pénaux de 1985 et de 1999), op. cit., p. 53-54 (souligné par nous).
  • [52]
    La directive est disponible en français sur http :// www. lmvntd. org/ avl/ dossier/ 970431cp. htm (consulté le 14.11.2006). Voir également Human Rights Watch/Asia, « Behind Vietnam's Open Door : A Climate of Internal Repression », 11 novembre 1997 ; le bulletin d’information Thông LuFn en vietnamien du Rassemblement pour la démocratie et le multipartisme (France) (hhttps :// www3. zhonghua999. com/ dmirror/ http/ www. thongluan. org/ diendan/tmt_187.shtml).
  • [53]
    Les constitutions du Vietnam 1946-1959-1980-1992, Hanoi, ThT GiUi, 1995, p. 179.
  • [54]
    Jean-Louis Rocca, L’Empire et son milieu. La criminalité en Chine populaire, Paris, Plon, 1991, p. 91.
  • [55]
    Wong Kam C., « Police Powers and Control in the People’s Republic of China : The History of Shoushen », Columbia Journal of Asian Law, 10,1996, p. 377 (reproduit dans P. Keller (ed.), Chinese Law and Legal Theory, op. cit., p. 391).
  • [56]
    Chen Jianfu, Chinese Law. Towards an Understanding of Chinese Law, its Nature and Development, op. cit., p. 192-193
  • [57]
    « En bref », La Lettre internationale des drogues, 11, septembre 2002, p. 8.
  • [58]
    Art. 28 § 2 de ladite loi. LuFt, ph0ng ch7ng ma tLy (Loi de prévention et de lutte contre la drogue), citée, p. 23-24 ; art. 70 du Code pénal de 1999.
  • [59]
    Les soldats de l’armée du Sud passèrent en général deux ans en prison, les officiers plus de temps encore. Les conditions de détention étaient très dures. Faute de place, il leur fallait, par exemple, dormir à tour de rôle. Entretien au Vietnam, 2003. Sur le régime pénitentiaire et concentrationnaire vietnamien, voir Michel Tauriac, Viêt Nam. Le dossier noir du communisme de 1945 à nos jours, Paris, Plon, 2001, p. 37 et surtout les témoignages d’anciens prisonniers : Moan Van Toai, Le goulag vietnamien, Paris, Robert Laffont, 1979 ; Tran Tri Vu, Lost Years. My 1,632 days in Vietnamese Reeducation Camps, Berkeley, Institute of East Asian Studies, 1988 ; le poète Nguyen Chi Thiên, Fleurs de l’enfer, Paris, Institut de l’Asie du Sud-Est, 2000 ; Huynh Ba Xuân, Oublié 23 ans dans les goulags vietnamiens 1953-1976, Paris, L'Harmattan, 2003 ; Bùi Ngoc T0n, ChuyYn ke nHm 2000 (Récit de l’année 2000), Toronto, Thai M Ui (Temps nouveau), 2000.
  • [60]
    J.-L. Domenach, Chine : l’archipel oublié, op. cit., p. 190 ; sur la proportionnalité des peines en Chine, voir Chen Jianfu, Chinese Law. Towards an Understanding of Chinese Law, its Nature and Development, op. cit., p. 175-177.
  • [61]
    Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, p. 112 .
  • [62]
    J. Silvestre, Considérations sur l’étude du droit annamite, op. cit., p. 365-366. .
  • [63]
    NguyPn Xuân Yêm, T2i phDm h4c hiYn dDi và ph0ng ngêa t2i phDm (Criminologie contemporaine et prévention du crime), op. cit., p. 98.
  • [64]
    NguyPn Ngoc Minh, « B2n ch0t cJa lu1t hình sG xY hQi chJ nghiY » (L’essence de la loi pénale socialiste), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), avril 1983, p. 16.
  • [65]
    Une coutume tout à fait vivace dans le Nord du Vietnam veut que la famille d’un défunt se réunisse au troisième anniversaire de sa mort pour réaliser la cérémonie funéraire du cAi táng, au cours de laquelle les parents proches du mort demandent à une personne étrangère à leur lignage de déterrer ses ossements, de les laver avec de l’eau parfumée, puis de les placer dans une urne funéraire en porcelaine (tieu). Cette urne est ensuite ensevelie dans une orientation précise définie par un géomancien, de préférence sur la terre natale du mort. De la réussite de cette cérémonie dépendent grandement le repos de l’âme du défunt et l’influence bénéfique des ascendants (phLc) sur les vivants.
  • [66]
    Romain Bertrand, Indonésie : la démocratie invisible. Violence, magie et politique à Java, Paris, Karthala, 2002, p. 180.
  • [67]
    Cf. Philippe Papin, « Au Vietnam, le parti contre l’État », Le Monde diplomatique, février 2000, p. 10-11.
  • [68]
    Dépêche AFP du 24 décembre 2004, intitulée « Vietnam’s Courts Ditch Infamous Striped Pyjamas » .
  • [69]
    J. Gillepsie « The Political-Legal Culture of Anti-Corruption Reforms in Vietnam », art. cité, p. 194.
  • [70]
    Voir l’exposé de Hao Yufan, « From the Rule of Man to the Rule of Law : An Unintended Consequence of Corruption in China in the 1990s », Journal of Contemporary China, 8 (22), 1999, p. 405-423.
  • [71]
    Je remercie Yann Vinn et Gilles Favarel-Garrigues pour leurs conseils et leur sollicitude. Cette recherche a pu être menée grâce au soutien financier du ministère des Affaires étrangères (Bourses « Vent d’Est », 2002-2004). Ni mes deux relecteurs ni le MAE ne sauraient être tenus pour responsables des opinions exprimées dans cet article.

1la délinquance et la criminalité sont des manifestations de déviance jugées en référence à des normes culturelles, généralement inscrites dans le droit. Mais le droit ne reflète pas seulement des valeurs éthiques, il véhicule également des idéologies. Aussi toute réforme du droit appelle-t-elle une réflexion sur l’évolution des normes sociales et politiques qui la sous-ten-dent et sur l’évolution des représentations de la déviance qu’elle induit. Le droit pénal vietnamien a subi de profondes transformations depuis le début des années 1980. Au premier Code pénal adopté tardivement en 1985, soit quarante ans après la création de la République démocratique du Vietnam (RDV) et dix ans après la fin de la deuxième guerre indochinoise, a succédé un second Code en 1999.

2En faisant le point sur soixante ans de pratiques judiciaires et sur vingt ans de réformes du droit pénal, nous nous intéresserons aussi bien aux conditions d’édiction des normes pénales et de mise en œuvre des politiques judiciaires qu’aux rapports du juridique et du politique. Notre premier objectif est de montrer les effets de l’incorporation d’un répertoire de valeurs culturelles, de présupposés idéologiques et de partis pris politiques sur la pratique du droit, la définition du crime et l’économie de la peine dans un régime socialiste en mutation. Notre second objectif est d’établir dans quelle mesure une nouvelle conception du droit, non plus instrumentale et démonstrative, mais institutionnelle et rationalisante, est apparue au Vietnam depuis qu’il s’est proclamé, en 1991, comme étant « un État de droit socialiste ». En somme, il s’agit de savoir si, aujourd’hui, la légitimité politique s’ancre davantage dans la légalité, c’est-à-dire dans la conformité et la soumission à la loi, ou si elle continue de s’enraciner dans la démonstration, toujours renouvelée, de la souveraineté de l’État-parti. Il semble bien que l’examen de la réforme du droit pénal vietnamien incite finalement à une réflexion sur la nature du régime vietnamien et sur ses modes de gouvernement.

3L’article s’ouvre sur une étude diachronique de l’articulation des notions de légalité et de légitimité politique depuis 1945. Il se poursuit par une réflexion sur la dimension politique et axiologique de la loi criminelle vietnamienne, saisie à travers la définition du crime et s’achève sur un questionnement relatif à la finalité des peines visant à mettre en lumière certains usages politiques du droit et de la lutte contre la criminalité.

Légalité et légitimité politique

4Pour comprendre les enjeux politiques de la réforme juridique engagée depuis 1985 et la nature des changements qu’elle a induits, il convient de retracer l’histoire non pas des institutions judiciaires vietnamiennes mais du rôle que les autorités politiques ont attribué à la loi depuis 1945, soit, en précisant le contexte sociopolitique d’édiction des normes pénales, de montrer l’évolution des finalités de la loi et de la qualification du crime.

La loi, un instrument au service de la révolution socialiste

5Avant même la proclamation d’indépendance du Vietnam, le jour où l’Armée du salut national, dirigée par HB ChC Minh, fit son entrée dans Hanoi, le 19 août 1945, des cours dites militaires (t0a án quân sJ) ou martiales (t0a án quân pháp) furent mises en place afin de réprimer « les atteintes à l’indépendance du pays ». Ces cours furent placées sous l’autorité de cadres politiques qui reçurent pour consigne de « mettre hors d’état de nuire les ennemis du peuple et non d’appliquer à la lettre des textes périmés les laissant échapper aux justes châtiments de leur crime »  [1]. Moins de deux mois plus tard, le 10 octobre 1945, le gouvernement provisoire ViDt minh rétablit les règlements de l’ancien régime pour les affaires de droit commun. Ainsi, durant quelques années, deux conceptions du droit coexistèrent avec, d’un côté, des juges issus de l’ancien régime « qui considéraient l’indépendance des jugements du tribunal comme un principe intangible »  [2], de l’autre, des comités populaires méfiants à l’égard de la loi et enclins à invoquer la légitimité politique contre la légalité. L’idée de subordination totale de la loi au politique était à l’époque un canon du droit soviétique. Elle s’exprimait à travers une formule qui peut être lue comme un oxymore : la légalité révolutionnaire. André Vychinski, le père de la théorie socialiste du droit et le plus célèbre des procureurs soviétiques, qui eut le triste privilège d’officier pendant les grands procès de Moscou de 1936-1938, en donnait en 1932 une définition éloquente : « La légalité révolutionnaire (revolûcionnaâ zakonnost’) exige un rapport à la loi qui soit souple et, pour ainsi dire, libre, ce qui ne signifie pas arbitraire. Non pas la loi au pied de la lettre, non pas les artifices de la procédure judiciaire, non pas une soumission servile et aveugle à la loi, mais un rapport créateur à la loi, un rapport qui fasse que les exigences de la loi (c’est-à-dire les formules juridiques par lesquelles la loi s’exprime) soient corrigées en fonction de la compréhension du but que la loi est appelée à servir ». Levant toute ambiguïté, il ajoutait qu’« une juste réalisation de la légalité révolutionnaire n’était possible qu’à la condition expresse de comprendre avec exactitude toute la politique [du] Parti et sa réalisation ferme et conséquente »  [3]. Les révolutionnaires vietnamiens passés par les écoles du Komintern dans les années 1920-1930 et les cadres envoyés à l’école du PCUS dans la seconde moitié des années 1950 étaient familiers des théories marxistes-léninistes et staliniennes du droit  [4] et des doctrines forgées par André Vychinski, lesquelles furent largement diffusées en Chine où elles suscitèrent un grand intérêt entre 1954 et 1956  [5]. Le fait que le Code pénal de la Russie soviétique, entré en vigueur le 1er janvier 1961, ait été traduit en vietnamien dès 1962 atteste l’existence d’une coopération précoce dans ce domaine. Cela étant, ce sont, à n’en pas douter, les théories maoïstes du droit qui exercèrent sur les communistes vietnamiens l’influence la plus déterminante dans les années 1950. Bien qu’elle ne se soit véritablement affirmée qu’en 1957, au moment de la répression des Cent Fleurs, l’hostilité de Mao au principe d’égalité devant la loi et au formalisme de la loi, qui, selon lui, restreignait l’expression de la lutte de classe, fit très rapidement des émules au Vietnam. Après la reconnaissance de la RDV par la Chine puis par l’URSS, en janvier 1950, la direction politique du Viêt minh abandonna la politique de front uni avec les nationalistes et le parti communiste réapparut, en février 1951, sous le nom de Parti des travailleurs (PTV). Des conseillers chinois furent dépêchés au Nord Vietnam pour superviser les opérations militaires, encadrer la formation idéologique des révolutionnaires vietnamiens et propager le maoïsme. Ils apportèrent avec eux le cheng feng, la méthode de rectification idéologique chinoise, connue en vietnamien sous le nom de ch?nh huBn (corriger et instruire) et participèrent activement à la mise en place de la réforme agraire et de la justice de classe  [6]. Les cours militaires qui avaient été créées en 1945 furent dissoutes et remplacées par des tribunaux populaires (t0a án nhân dân). Les juges issus de l’ancien régime qui avaient continué d’exercer leurs fonctions furent destitués et remplacés par des cadres politiques d’origine paysanne ou ouvrière, pour certains illettrés, qui avaient pour unique consigne de rendre des jugements épousant la ligne du parti et l’idéologie marxiste-léniniste  [7]. La justice vietnamienne, telle qu’elle fut mise en place au niveau local à partir de 1953, sous les auspices de conseillers chinois, était destinée à briser l’opposition à la réforme agraire. Plusieurs dizaines de milliers de condamnations à mort furent alors prononcées contre les « ennemis de classe », dont beaucoup avaient activement soutenu la résistance antifrançaise et participé à la révolution de 1945  [8]. La réforme agraire fut interrompue sur l’injonction de HB ChC Minh en 1956, quelques mois après la révélation du rapport secret de Khrouchtchev sur les crimes de Staline. Les instigateurs de la réforme agraire, au premier chef desquels figurait le secrétaire général du Parti, Trúang Chinh (pseudonyme signifiant « Longue Marche »), furent démis de leurs fonctions. Tout le monde fit son autocritique et l’on chargea le respecté général GiKp, qui avait, deux ans auparavant, acculé l’armée française à la reddition à MiDn Biên PhJ, de s’excuser publiquement et au nom du Parti pour les abus commis par les tribunaux populaires. Pour autant, le contrôle politique du système judiciaire ne fut pas remis en cause. Après l’adoption d’une loi sur le tribunal populaire, le 14 juillet 1960, les juges nord-vietna-miens ne furent plus nommés par le Parti, mais élus par des « représentants du peuple », tous membres du Parti, ce qui revenait au même.

6En novembre 1967, Trúang Chinh, devenu président, fit édicter une ordonnance sur la répression des crimes contre-révolutionnaires (pháp lYnh trêng trS các t2i phAn cách mDng) dans un contexte particulièrement troublé. Tandis que les bombardements américains faisaient rage au Nord, les dirigeants nord-vietnamiens s’inquiétaient de l’impact de la révolution culturelle chinoise. Plusieurs membres importants du Parti, proches du général GiKp, venaient d’être accusés de fomenter un « complot prosoviétique » et furent jetés en prison  [9] sur l’ordre de Lê Míc Tho, membre brutal et influent du Politburo  [10]. L’ordonnance de Trúang Chinh contenait des prescriptions précises en matière d’organisation de la justice pénale, énonçait les principes généraux destinés à régir le choix des peines et des sanctions complémentaires et définissait les circonstances aggravantes et les modalités d’application des réductions et des remises de peine. Elle fut complétée en 1970 par deux circulaires punissant les atteintes à la propriété socialiste et à la propriété des citoyens, puis, en 1981 et en 1982, par des ordonnances sanctionnant, d’une part, la concussion, d’autre part, la spéculation, la contrebande, la contrefaçon et le commerce illégal  [11]. Les peines étaient laissées à l’entière discrétion des juges. Selon MHo TrC Xc, l’actuel directeur de l’Institut du droit et de l’État de Hanoi, jusqu’en 1985, « les tribunaux et les autres organes chargés d’appliquer la loi avaient toute latitude pour décider de la peine et autres mesures coercitives. Quand une sanction était prévue, elle était trop imprécise, [se résumant] aux formules “il faut réprimer sévèrement” ou “il faut poursuivre en justice”»  [12]. L’ordonnance de 1967 donnait, par ailleurs, force de loi au principe de rétroactivité (nguyên tCc hiYu lJc h3i t7) et au principe de similarité (nguyên tCc tòpng tJ), selon lequel « dans certaines circonstances, il fallait pour réprimer les crimes qui n’étaient pas encore spécifiés appliquer des articles de loi relatifs à des infractions présentant des analogies avec ces crimes »  [13]. La notion d’analogie, inscrite en des termes identiques dans le premier Code pénal de la Russie soviétique (1922)  [14], constituait un autre canon du droit révolutionnaire. Elle avait pour corollaire l’interprétation du délit non comme une violation de la loi, mais comme une action socialement dangereuse. De plus, au motif que « toute infraction à la loi, qu’elle fût intentionnelle ou non, [était susceptible] d’affaiblir la légalité socialiste et de créer une brèche dans laquelle l’ennemi s’engouffrerait », aucune distinction n’était établie entre les crimes de droit commun et les crimes politiques. En somme, la loi n’était rien d’autre qu’un instrument au service  [15] du Parti pour transformer la société. Elle était censée refléter la ligne du Parti, qui en était « l’âme », suivant les mots du premier secrétaire Lê DuWn, et le contenu de la morale socialiste ; elle devait également « contribuer à édifier un homme nouveau socialiste »  [16]. En 1981, PhEm Hùng, révolutionnaire et communiste de la première heure, alors membre du Politburo et président de la Cour suprême du Vietnam, assigna trois rôles clefs aux tribunaux populaires : réprimer, enseigner la discipline et lutter contre les ennemis de l’intérieur. « Lénine a montré qu’en temps de paix le tribunal populaire est “l’expression typique” de la répression et de la contrainte. (…) [Au Vietnam], les tribunaux populaires doivent être un instrument efficace de la dictature du prolétariat. (…) Dans la situation actuelle, il est impératif pour la révolution de punir sans ménagement les bandes de contre-révolutionnaires (b4n phAn cách mDng), les traîtres à la patrie (b4n phAn qu7c), de corriger sévèrement les voleurs de la propriété socialiste, les spéculateurs, les contrebandiers et les voyous. Par ailleurs, les infractions commises par des cadres et des fonctionnaires causent d’importants dommages. Aussi le tribunal populaire se doit-il de punir justement ceux qui pillent les deniers publics, s’acoquinent avec de mauvais éléments, profitent de leur position pour faire passer en cachette les biens de l’État sur le “marché libre”, pratiquent la concussion et oppriment les masses. »  [17]

7Cette longue citation, outre le fait qu’elle établit une typologie des ennemis intérieurs propre à d’autres régimes communistes, illustre le climat de répression qui régnait quelques années seulement avant l’adoption du premier Code pénal. Elle souligne le caractère instrumental de la loi et la place dévolue à la criminalité de droit commun dans la hiérarchie des valeurs du régime. Enfin, elle atteste un phénomène resté relativement tabou entre 1960 et 1980 : la corruption des cadres.

Souveraineté de la loi et codification du droit

8La question de la primauté du droit apparut dans la presse au début des années 1980, à travers la remise en cause de l’impunité des cadres ainsi que plusieurs campagnes de sensibilisation au droit et de lutte contre la petite délinquance. Les autorités vietnamiennes s’engagèrent dans un processus de codification du droit et de rationalisation de l’organisation judiciaire qui aboutit, d’une part, à l’adoption d’une loi sur l’organisation du tribunal populaire en 1981, d’autre part, à l’édiction du premier Code pénal en 1985. On peut raisonnablement supposer qu’en cela les autorités imitaient le mouvement initié par Deng Xiaoping en Chine en 1978, malgré les relations détestables qu’elles entretenaient alors avec le régime chinois. L’ère de réformes inaugurée par Deng avait pour principal pilier la réforme légale dont il avait d’emblée défini les quatre principes fondateurs : « Il doit y avoir des lois à suivre ; ces lois doivent être respectées ; leur application doit être stricte ; ceux qui les enfreignent doivent être poursuivis en justice ». En proclamant, en 1979, que la loi était « la plus haute autorité » et l’instrument privilégié de la modernisation du pays, Deng rompit définitivement avec l’anarchie juridique de la révolution culturelle (1966-1976) et soumit, au moins en théorie, les membres du Parti à la loi  [18]. Confronté depuis l’invasion du Cambodge au risque permanent d’une nouvelle guerre avec la Chine  [19], à des difficultés socioéconomiques d’une gravité sans précédent, au développement de la corruption des cadres et au mécontentement croissant tant de la population que du bailleur de fonds soviétique  [20], le régime vietnamien fut certainement sensible à l’effort de rationalisation qu’offrait en exemple son mentor de toujours.

9Quoi qu’il en soit, le 3 juillet 1981, une loi sur l’organisation et les attributions des tribunaux populaires, venant compléter celle du 14 juillet 1960, fut adoptée afin d’affermir le contrôle de la légalité et de l’action des cadres. Cette loi réglementait les procédures de révision des jugements, étendait les compétences des tribunaux de district et renforçait la coordination des organes chargés de l’exécution des peines, tout en conférant aux tribunaux le droit de rappeler à l’ordre les pouvoirs publics lorsque leur inefficacité était de nature à « favoriser l’apparition du crime »  [21]. Par ailleurs, la question de l’édiction des lois et celle de la soumission à la loi devinrent des sujets d’attention et de débat au sein du PCV à partir du début des années 1980. La notion de « légalité socialiste » (pháp chZ xE h2i chN nghTa)  [22] fut dès lors appréhendée de manière plus légaliste ; son acception s’élargit et ses sens commencèrent à se chevaucher. Elle constituait toujours le support d’un projet politique précis, mais faisait également référence désormais à l’idée de subordination de la pratique judiciaire à la règle écrite. Les juristes n’étaient plus appelés à juger en fonction d’un but politique ou de considérations morales, mais, très concrètement, à partir de lois édictées. En promulguant le 27 juin 1985 un Code pénal qui disposait, dans son article 8, que les crimes et les peines ne pouvaient être appréciés qu’en fonction de lois écrites contenues dans le Code et qu’une procédure pénale ne pouvait être engagée que pour des infractions prévues au Code, le Vietnam sortit indéniablement du règne de l’anomie. Pour autant, le statut de la loi ne changea pas, le renforcement de la légalité socialiste n’ayant eu, à notre avis, d’autres fins que de renforcer le contrôle social et la discipline des cadres et de favoriser le passage à l’économie de marché.

10Dans un premier temps, la réforme du droit pénal consista à exposer clairement les concepts et les catégories de la loi pénale dans un Code, afin de limiter les éléments laissés à la discrétion du juge. Elle donna lieu à un formidable effort de codification (viYc pháp diYn hóa) du droit, de définition et de hiérarchisation des infractions qui s’inscrivait en rupture avec les pratiques du passé. Dans un second temps, elle visa plus particulièrement à mettre en place un cadre juridique susceptible de stimuler l’œuvre de renouveau (d5i m6i en vietnamien) lancée lors du 6e congrès du PCV en décembre 1986  [23] et qui trouva un nouveau souffle après le 7e congrès en 1991, alors que le COMECON et l’URSS, à l’époque principaux donateurs et partenaires économiques du Vietnam, finissaient de se déliter. Depuis le début des années 1990, le PCV avait complètement repensé sa politique économique : l’objectif était désormais de « transformer les mécanismes économiques ; de favoriser la mise en place d’une économie de marché gérée par l’État suivant une orientation socialiste ; de stimuler les différentes composantes économiques et le développement de toutes les formes de propriété ; (…) de réguler les éléments négatifs du marché ; d’encourager chaque individu et chaque organisation à oser penser, oser faire, oser accepter le risque et le défi, tout en les incitant à observer la loi avec franchise et honnêteté, à produire et à faire des affaires avec dynamisme et enthousiasme, enfin à savoir s’enrichir pour soi et pour la société »  [24]. Le parti voulant doter le pays d’institutions judiciaires capables de stimuler le développement économique et de garantir la stabilité sociale et la pérennité du régime, la réforme économique s’est accompagnée d’un approfondissement de la réforme du droit pénal. Après avoir été plusieurs fois amendé, le Code pénal de 1985 a été remplacé en 1999. Entré en vigueur le 1er juillet 2000, le Code dit « de 1999 » comprend 344 articles et deux parties. La première présente les dispositions générales et les règles fondamentales qui déterminent l’organisation de la loi pénale. Elle énonce dans le détail les modalités d’application du Code pénal ; détaille les infractions, les modalités de prescription et d’exonération de la responsabilité pénale, les peines et les mesures judiciaires ; explicite les conditions du prononcé des peines, de la prescription, de la dispense d’exécution et de la réduction de peine, de l’effacement des condamnations et, enfin, les règles applicables aux délinquants mineurs. La seconde partie présente, quant à elle, les dispositions relatives aux infractions.

11La loi pénale vietnamienne n’établit pas, comme c’est le cas en France, de distinction rigoureuse et hiérarchique entre la contravention punie d’une peine de police, le délit puni d’une peine correctionnelle et le crime puni d’une peine afflictive ou infamante. La langue vietnamienne ne permet pas, au demeurant, ce genre de distinction, t2i phDm signifiant à la fois infraction, crime et délit. Dans le système pénal vietnamien, les crimes et les délits ne sont pas définis de manière neutre et impersonnelle, en tant qu’infraction à la loi. Alors que le Code pénal de 1985 distinguait deux types d’infraction – une grave, pour laquelle le prévenu encourait au moins cinq ans de prison, et une peu grave, le Code de 1999 en distingue quatre (art. 8, alinéa 2) : l’infraction peu grave, passible de trois ans de prison ; l’infraction grave pour laquelle l’échelle des peines applicable va jusqu’à sept ans d’emprisonnement ; l’infraction très grave, punie d’une peine allant jusqu’à quinze ans de prison ; et l’infraction « qui provoque un danger social extrêmement grand » et qui est punie d’une peine d’emprisonnement supérieure à quinze ans, de la réclusion criminelle à perpétuité ou de la peine de mort. Les deux Codes ajoutent que « les actes qui portent la marque d’une infraction, mais dont la dangerosité pour la société n’est pas significative, sont traités de manière différente », c’est-à-dire qu’ils donnent lieu à des avertissements ou à des sanctions disciplinaires. En somme, la classification des infractions se fonde sur la gravité du danger social qu’elles sont supposées représenter pour le régime et la société. Cette définition du crime, caractéristique du droit socialiste, de facture soviétique et chinoise, se distingue radicalement de celle, légale et rationnelle, qui prévaut dans le droit classique occidental. Elle aboutit à assimiler la déviance et le « parasitisme » à des formes de criminalité qui appellent, non pas une sanction, mais des mesures de rééducation. À titre de comparaison, en Chine maoïste, ceux qui enfreignaient la loi étaient considérés comme des criminels et emprisonnés pendant une durée déterminée tandis que ceux qui dérogeaient à la ligne idéologique définie par le parti communiste étaient considérés comme des déviants, qualifiés d’« ennemis du peuple » et soumis à une peine de rééducation administrative dont la durée était indéterminée et souvent très longue  [25].

Gouvernement par la loi ou État de droit ?

12Avec la réforme du droit pénal, il semble que les autorités vietnamiennes se soient également efforcées de mettre la législation de leur pays en conformité avec les normes internationales imposées par les pays occidentaux. Tout au moins se sont-elles employées à en adopter la terminologie. Ainsi, lors de son 7e congrès en 1991, le parti communiste a déclaré vouloir faire du Vietnam un « État de droit socialiste » (nhà nò6c pháp quyùn xE h2i chN nghTa)  [26]. L’emploi d’un tel syntagme, à une époque où le pays cherchait à sortir de son isolement diplomatique et à s’attirer les bonnes grâces des investisseurs étrangers et des grandes institutions internationales, n’était certainement pas innocent. En outre, il est important de comprendre le sens et les connotations du terme en vietnamien et d’établir s’il fait référence au respect de procédures et de normes juridiques, c’est-à-dire au gouvernement par la loi (rule by law) ou à une conception particulière des relations qui, dans un État moderne, sont supposées lier gouvernants et gouvernés (rule of law). En suivant Dominique Colas, nous considérons, pour notre part, qu’« un État qui se présente comme un État de droit, parce que la légalité de la loi y est vérifiée par une Cour constitutionnelle, ne connaît pas nécessairement une limitation de sa souveraineté et c’est pourquoi l’État de droit exige une caractérisation qui ne soit pas seulement juridique, mais aussi éthique et politique, où la limitation de l’État soit effective : cet antagonisme de la souveraineté de l’État, c’est la souveraineté de l’homme et du citoyen. Dans un État qui la reconnaît, la souveraineté de l’État doit le céder aux droits de l’homme et du citoyen »  [27].

13Selon John Gillespie, la formule vietnamienne nh9 nò6c pháp quyùn est une traduction du concept juridique soviétique de pravovoe gosudarstvo (État de droit) qui reflèterait lui-même le principe allemand de Rechtsstaat (État de droit). La formule implique, au moins en théorie, que l’État se positionne comme la plus haute, sinon l’unique, source de la loi et que le pouvoir du Parti est limité par la Constitution. Si l’on s’en tient à cette définition minimaliste, le terme vietnamien « d’État de droit socialiste » n’exprime rien de neuf car l’État-parti est l’unique source de la loi au Vietnam depuis 1945, à moins de prouver que l’État vietnamien place désormais la légalité au-dessus de l’idéologie et l’État au-dessus du Parti. La Constitution de 1992 semble aller en ce sens puisqu’elle affirme, dans son article 4, que « toutes les organisations du Parti fonctionnent dans le cadre de la Constitution et de la loi » – mention qui était absente des précédentes constitutions – et qu’elle supprime la possibilité prévue par l’article 128 de la Constitution de 1980 de créer des tribunaux d’exception. Pour autant, le Parti n’est pas soumis à la loi et l’exercice de la justice n’échappe pas à son contrôle. La réforme des institutions judiciaires, mise en place depuis la fin des années 1990, n’a pas diminué l’influence du Parti sur le contrôle de la légalité, le processus de nomination des juges et le déroulement des procès, ni remis fondamentalement en cause le régime d’exception dont jouissent les membres du Parti. Elle n’a pas non plus levé les ambiguïtés qui pesaient sur la définition des domaines de compétences respectifs de l’État et du Parti.

14Depuis l’adoption, le 2 avril 2002, d’une nouvelle loi sur l’organisation des tribunaux populaires, le Conseil des juges, qui détient le pouvoir juridictionnel suprême, a un rôle de conseil du législatif : il est chargé de préparer des projets de loi et des ordonnances, qui sont ensuite soumis à l’Assemblée nationale ou à son comité permanent. Mais, contrairement à ce que son nom pourrait laisser supposer, il n’a pas les attributions d’une cour constitutionnelle. À notre connaissance, aucune instance judiciaire n’est habilitée à vérifier la constitutionalité et la légalité des textes de loi votés par l’Assemblée nationale ou des circulaires édictées par le gouvernement. L’activité judiciaire est, quant à elle, soumise au contrôle du Parquet populaire suprême (ViYn Kiem sát Nhân dân) qui exerce par ailleurs l’action publique. Créé le 26 juillet 1960, le Parquet populaire, qui s’inspire dans son principe et dans son fonctionnement de la Prokuratura soviétique, est directement soumis au pouvoir politique. La loi du 2 avril 2002 a réaffirmé la double fonction des parquets populaires et précisé la nature de leur mission de contrôle. Plus que les juges et les tribunaux, ce sont les procureurs et les parquets populaires qui détiennent le pouvoir judiciaire. Ils représentent le ministère public, vérifient la probité des fonctionnaires de justice, dont ils font partie, ainsi que la légalité des instructions menées par leurs soins et des décisions de justice rendues par les juges, contrôlent l’exécution des peines, les détentions, les gardes à vue, ainsi que l’administration et la rééducation des détenus. Il ne nous a malheureusement pas été possible de déterminer qui, du Parquet ou des différents organes de police, disposait des prérogatives d’instruction judiciaire, ni si, comme en Union Soviétique, ces prérogatives dépendaient de l’incrimination, c’est-à-dire de l’infraction et de l’article de loi concerné. Ces informations, combinées aux taux d’acquittement, nous auraient permis de juger de l’impartialité des juges et de leur degré d’indépendance vis-à-vis des magistrats instructeurs.

15La réforme du droit a par ailleurs abouti à la bureaucratisation et à la centralisation de l’appareil judiciaire, sans que l’emprise du Parti et de l’exécutif sur le processus de nomination et de promotion des juges se soit desserrée. Certes, à l’échelon local, les juges ne sont plus investis dans leurs fonctions par les comités populaires  [28], mais nommés par de hauts magistrats. Théoriquement, donc, l’exercice de la justice échappe au contrôle des comités populaires et des autorités politiques. Mais, en réalité, l’indépendance et l’impartialité de la justice sont loin d’être garanties. Outre une formation juridique, la loyauté envers le Parti et l’aptitude à défendre la légalité socialiste restent les deux principaux critères pour l’élection au poste de juge. Selon Penelope Nicholson, 90 % des juges seraient membres du parti communiste  [29]. Le contrôle exercé par les plus hautes instances de l’État sur la haute magistrature est total et s’organise de manière pyramidale. Selon une loi « sur l’organisation du tribunal populaire », datant également de 2002, l’Assemblée nationale élit pour cinq ans le président de la Cour suprême (art. 40.1) sur proposition du chef de l’État qui nomme directement tous les autres membres de la Cour : les vice-présidents, les juges et les assesseurs (art. 40.3). Le président de la Cour nomme et est habilité à révoquer les magistrats des différentes chambres qui composent la Cour, ainsi que les présidents et les vice-présidents des tribunaux locaux (de district ou de province). Les juges de l’échelon local sont nommés sur proposition du Conseil des juges, les autres magistrats de l’échelon local le sont sur l’avis du comité populaire local (art. 40 alinéas 3 et 4). Quant aux assesseurs, ils sont élus par les comités populaires locaux sur proposition du Front de la patrie (art. 41), une organisation qui réunit les organisations de masse affiliées au PCV.

16Les droits de la défense, garantis par une ordonnance sur les avocats émise en 2001, sont mieux assurés que par le passé, mais restent fort limités en raison du manque de formation des avocats et surtout du peu de cas que les juges et les procureurs font de leurs requêtes et de leurs plaidoyers lors de l’instruction et du procès  [30]. Enfin, il est à noter que les membres du Parti continuent à bénéficier d’un régime d’exception. Lorsqu’ils sont convaincus de corruption, ils ne sont pas, à quelques exceptions près, jugés par un tribunal, mais par une commission disciplinaire interne au Parti, qui est habilitée à les démettre de leurs fonctions, à les exclure du Parti et même à prononcer des peines de rééducation, de détention administrative en prison ou d’assignation à résidence. Les statuts du PCV ne mentionnent pas explicitement ces pratiques pourtant courantes : ils font seulement pudiquement allusion à « différentes formes d’action disciplinaire » (art. 36)  [31]. Ils ne précisent pas non plus si les sanctions prises par le Parti se substituent à celles prévues par la loi. La pratique semble cependant montrer qu’un membre du Parti n’est poursuivi en justice que lorsque la commission de discipline du Parti lui a retiré son immunité  [32]. En somme, même en s’en tenant à une définition strictement juridique de l’État de droit (rule of law), l’État vietnamien n’en est pas un. Les réformes de l’appareil judiciaire engagées depuis le début des années 1990 n’ont pas abouti à une stricte séparation des pouvoirs : la justice n’est indépendante ni du Parti ni du pouvoir exécutif ni du pouvoir législatif. Il n’y a pas de subordination de l’autorité publique à des règles supérieures, en ce sens qu’il n’existe pas d’instance chargée de contrôler la constitutionnalité des lois et la hiérarchie des normes juridiques. En dernier lieu, le contrôle de la légalité des procédures judiciaires, des jugements et des détentions est assuré par le Parquet populaire suprême qui a partie liée avec le Parti. En revanche, l’on peut considérer que le gouvernement par la loi (rule by law) est de plus en plus effectif : le respect de la légalité, au sens de soumission et de conformité à la règle écrite, s’est peu à peu imposé depuis vingt ans, bien qu’il subisse encore des exceptions, que la distinction entre la justice et l’administration ne soit pas établie dans plusieurs domaines politiquement sensibles et que les membres du Parti ne soient pas systématiquement déférés devant un juge lorsqu’ils enfreignent la loi.

La qualification du crime

17Une étude comparée des Codes de 1985 et de 1999, ainsi que de quelques autres textes de loi importants, permet de réfuter la neutralité apparente, tant axiologique que politique, de la qualification du crime depuis l’adoption du Code de 1999. Bien que la terminologie socialiste soit désormais bannie du vocabulaire juridique et que la précision de la loi criminelle constitue un gage de rationalité et d’efficacité, le droit pénal vietnamien n’en reste pas moins fortement marqué par les théories socialistes du droit et par des pratiques héritées du droit coutumier et de la justice révolutionnaire.

Confucianisme et modernité

18Plusieurs analystes s’accordent à reconnaître une résurgence des valeurs confucéennes au Vietnam depuis une dizaine d’années, en particulier dans le discours et la pratique du pouvoir. Ainsi, John Gillespie considère que « la foi en la “discipline collective” et en “l’accomplissement des obligations sociales” ont fourni un socle commun qui a permis à la moralité politique néoconfucéenne d’influencer profondément les relations entre l’État et le parti marxiste-léniniste »  [33]. Pour ce qui concerne la loi pénale, l’influence du confucianisme est contrastée. Elle est presque nulle au niveau de l’édiction des normes pénales. Les deux Codes, de même que les quatre Constitutions, notamment la première, qui date de 1946, et la dernière, qui date de 1992, prônent, en effet, une conception moderne de la citoyenneté et des relations de parenté, en affirmant l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction de sexe, ni d’origine sociale et ethnique. La femme y est l’égale de l’homme. Un aîné ne jouit pas de droits particuliers sur son cadet. Dans le domaine familial, les mariages forcés sont interdits (art. 146 du Code pénal de 1999), de même que la polygamie (art. 147). En revanche, l’influence du confucianisme est patente au niveau des usages politiques du droit et de la mise en œuvre de la loi pénale, notamment lors des amnisties rituelles et des procès organisés comme de grands spectacles. Au moment des fêtes importantes, comme le Nouvel An (TZt nguyên dán), la commémoration de la prise de Saigon, le 30 avril, et l’anniversaire de la proclamation de l’indépendance, le 2 septembre, les autorités accordent des amnisties censées prouver la clémence du Parti et du gouvernement. Les prisonniers reconnus coupables de corruption sont officiellement appelés à faire à nouveau amende honorable en offrant des compensations financières à l’État. Les personnes condamnées pour crime contre la sûreté de l’État ne sont que très rarement concernées par ces amnisties : en janvier 2005, elles n’étaient que six sur les huit mille prisonniers libérés.

19D’autres analystes trouvent aux réformes des racines plus anciennes. Le seul article du Code pénal de 1999 qui puisse être interprété comme une résurgence de pratiques archaïques est l’article 94, qui spécifie que « le fait, pour une femme fortement influencée par des pensées arriérées ou se trouvant dans une situation objective particulière, de tuer son enfant ou de le laisser sans soin jusqu’à ce que mort s’ensuive, est puni d’une peine maximale de rééducation sans détention de deux ans ou d’un emprisonnement de deux à trois mois »  [34]. Classé dans la catégorie des infractions les moins graves, « le meurtre d’un nouveau-né » est puni de la même façon que le délit de non-assis-tance à personne en danger (art. 102). Cette nouvelle disposition légale, absente du Code de 1985 et qui revient quasiment à dépénaliser l’infanticide, ne laisse pas d’interroger. Elle induit, sans que cela soit explicitement spécifié que les nouveaux-nés (con m6i di) ne sont pas considérés comme des enfants, lesquels sont très bien protégés par la loi pénale vietnamienne  [35], et que la qualification de meurtre dépend de l’âge de la victime. Le meurtre d’un nouveau~né n’est pas considéré comme un meurtre à proprement parler, qui donne lieu à une peine minimale de douze ans de prison et peut être puni de la peine de mort (art. 93).

Vestiges du droit coutumier et révolutionnaire

20« La loi, dit un jour Lê DuWn, doit refléter les couleurs nationales. Parce que la loi est attachée à une société, à l’homme, aux façons de penser et aux modes de vie d’un peuple, il nous faut, si nous voulons construire quelque chose de neuf et de progressiste tout en luttant contre la réaction et l’aliénation, partir de la société vietnamienne, de l’homme vietnamien.  [36] » Les valeurs morales et l’éthique des villageois du Nord Vietnam, réinvesties et révisées à la lueur des théories marxistes-léninistes, constituent, à notre avis, le fondement de la « morale socialiste » et, dans une certaine mesure, de la légitimité politique des communistes vietnamiens. Ainsi, la légitimité charismatique d’HB ChC Minh, qui repose, à n’en pas douter, sur sa personnalité exceptionnelle, puise également sa source dans les valeurs villageoises. La mémoire populaire chante la louange des lettrés qui ont préféré aux honneurs et aux fastes de la cour mandarinale la douceur et la frugalité de leur village natal. Elle porte aux nues les héros nationaux, qui, sans relâche, ont chassé ou repoussé l’envahisseur chinois  [37]. Pourquoi HB ChC Minh est-il apparu comme l’homme providentiel ? Parce que sa tempérance et la modération de ses positions ont fait de lui l’incarnation de l’idéal populaire de simplicité, d’ascétisme et d’altruisme, de même que la force et la sincérité de son engagement politique ont fait de lui le héraut du peuple aspirant à la libération nationale. À travers lui, c’est l’alliance du philanthrope et du lettré et du combattant aguerri entièrement dévoué à la cause du peuple et à la restauration de la fierté nationale qui est vénérée. Le mythe est d’ailleurs soigneusement entretenu par le Parti depuis sa mort, il y aura bientôt quarante ans. C’est aussi, au demeurant, cette icône de probité que les gens simples, excédés par l’hypocrisie de certains dirigeants, la concussion et les expropriations sauvages, opposent au pouvoir lorsqu’ils viennent manifester en plein cœur de Hanoi, devant l’Assemblée nationale ou d’autres bâtiments officiels  [38].

21L’instrumentalisation des valeurs populaires, que d’aucuns considèrent comme un syncrétisme du confucianisme, du bouddhisme et du taoïsme  [39], ne se limite pas à l’exercice de la vie politique. L’empreinte de ces croyances sur l’exercice de la justice et sur le rapport des Vietnamiens à la loi est encore sensible aujourd’hui. Un célèbre dicton veut que « la règle du roi cède à la coutume du village » (phép vua thua lY làng). De notre point de vue, la pénalisation des familles de jeunes délinquants et l’imprécision de la définition de la personne et de la responsabilité juridiques constituent des vestiges du droit coutumier et, dans une moindre mesure, de la justice révolutionnaire. Certes, la loi vietnamienne fixe qu’une personne n’est pénalement responsable que de ses actes, et le Code pénal de 1999, à la différence de celui de 1985, sous-trait les parents et le conjoint d’un inculpé aux poursuites pénales en cas de non-dénonciation de l’infraction, sauf si cette dernière concerne la sûreté nationale ou figure au nombre des infractions les plus graves (art. 22). Mais le souvenir des temps anciens où les fautes se payaient de façon familiale est loin d’avoir disparu. Au XVe siècle, lorsque NguyPn TrYi, figure illustre et vénérée de l’histoire vietnamienne, fut accusé de trahison et condamné à la peine capitale, toute sa parentèle le suivit dans la mort. À l’époque classique, la règle voulait qu’on extermine jusqu’au dernier membre de la famille d’un renégat  [40]. Cette prescription n’était pas seulement destinée à préserver le roi de tout risque de représailles ; elle visait également à tuer symboliquement le criminel en le privant, ainsi que ses aïeux, de descendance et donc du culte offert aux morts. Aujourd’hui encore, l’évaluation de la peine tient compte d’éléments subjectifs, comme le passé politique et familial du prévenu, consigné dans son curriculum vitae (ln lSch) : « En décidant de la peine, le tribunal ne délibère pas seulement du caractère et de la dangerosité de l’acte criminel, mais se fonde aussi sur la personnalité (nhân thân) du criminel, ainsi que sur différentes circonstances atténuantes ou aggravantes (các tình ti Z t gi A m nh l và tHng nGng) »  [41]. La prise en compte de la personnalité du prévenu, qui en soi n’a rien d’exceptionnel, se borne souvent à un rappel des faits d’armes ou des « erreurs politiques » de l’inculpé et de ses aïeux. Elle constitue un moyen, non pas de procéder à une individualisation de la peine, mais plutôt de perpétuer une justice de classe, dont l’une des principales caractéristiques était d’affirmer le caractère héréditaire de la malfaisance.

22Cette idée d’hérédité dans la malfaisance s’enracine, par ailleurs, dans l’imaginaire social. Elle fait écho à une conception particulière du monde et des rapports de parenté rendue par un célèbre adage : « j8i cha Hn mGn, j8i con khát nò6c » (Lorsqu’un père a mangé salé, son enfant a soif toute sa vie). Les fautes se paient avec une génération de retard. Autrement dit, les enfants souffriront des erreurs de leurs parents. La conduite de l’individu est donc autant guidée par la volonté de s’éviter des ennuis que par le souci de ne pas attirer le malheur sur sa descendance (vô phLc). Cette croyance, encore très vivace dans le Nord du Vietnam, explique, au moins en partie, que la responsabilité civile et morale se vive de manière assez large, et qu’elle soit individuelle et familiale à la fois. Il est fort probable que cette croyance a un impact direct sur le traitement des toxicomanes et la perception de leurs parents. Les autorités vietnamiennes sont enclines à rejeter sur les familles la responsabilité de ce « fléau social » (tY nDn xE h2i), dont elles redoutent les conséquences sanitaires et sociales et auquel elles associent la prolifération du virus du sida, endémique dans la région. Les études « sociologiques » sur le sujet, toujours plus nombreuses ces dernières années, mettent systématiquement l’accent sur la responsabilité morale des parents de toxicomanes  [42]. Quant à la loi de prévention et de lutte contre la drogue, disponible sous forme de fascicule dans toute les librairies du pays, elle établit leur responsabilité juridique : ils ont pour obligation de dénoncer leur enfant aux autorités compétentes, de lui intimer d’arrêter de se droguer, de l’y contraindre par tous les moyens et de prendre en charge ses frais de séjour en centre de désintoxication forcée  [43].

Dépolitisation de la qualification du crime ?

23Il ressort de la lecture comparée des deux Codes pénaux que la terminologie socialiste n’est plus utilisée pour qualifier le crime dans celui de 1999. Comment interpréter ce fait dans un pays où le parti communiste ne répugne pas, dans d’autres domaines, à recourir à la rhétorique socialiste la plus classique ? Est-ce le résultat d’un simple habillage de la loi ou bien le signe d’une dépolitisation, complète ou partielle, des catégories pénales, de l’incrimination et/ou de l’action judiciaire ? Le Code de 1985 hiérarchisait les crimes en fonction du danger politique qu’ils étaient supposés représenter pour le pouvoir en place. Les crimes contre-révolutionnaires, les atteintes à l’indépendance, à la souveraineté, à l’unité, à l’intégrité de la patrie et au régime socialiste étaient considérés comme les infractions les plus graves ; venaient ensuite les atteintes à la propriété socialiste, puis les crimes économiques (la spéculation, la contrebande, la contrefaçon) et enfin les atteintes à la personnes (le meurtre, le viol, le vol des biens privés)  [44]. Dans le Code pénal de 1999, la classification des infractions est fondée sur le degré de dangerosité du crime, non plus uniquement pour le régime politique, mais pour la société dans son ensemble.

24Cependant, la hiérarchie des valeurs, dont témoigne le classement des infractions, est identique. Les crimes politiques, qualifiés d’« atteintes à la sûreté nationale », occupent toujours la première place. De même que la Constitution soviétique de 1936 « présentait la défense de la patrie comme un devoir sacré et faisait de la trahison et de l’espionnage le pire forfait »  [45], de même que les codes classiques vietnamiens considéraient les crimes de rébellion comme les premiers des dix « crimes atroces »  [46], de même le Code pénal de 1999 place en tête des crimes les plus graves « la trahison, les activités de subversion visant au renversement du pouvoir en place, l’espionnage, les atteintes à l’intégrité territoriale, la rébellion, le banditisme dans les régions reculées, le terrorisme, le sabotage des bases matérielles de la République socialiste du Vietnam, la propagande contre l’État socialiste du Vietnam, les atteintes à l’ordre pénitentiaire et la fuite à l’étranger en vue de s’opposer au pouvoir populaire » (art. 78 à 91). La qualification des crimes politiques n’a pas évolué entre 1985 et 1999 ; le Code pénal de 1999 offre toujours une base légale à la répression politique et religieuse et l’article 88 sur la propagande contre la République socialiste du Vietnam est régulièrement utilisé contre les intellectuels et les autorités religieuses qui refusent de taire leurs opinions ou d’entrer dans le rang.

25La principale évolution est liée au fait que les crimes de droit commun ne sont plus assimilés à une forme passive ou active d’opposition politique et que les criminels de droit commun ne sont plus considérés comme des criminels politiques ni, du reste, décrits dans la presse comme des « rebuts de l’ancienne société », des « saboteurs de l’œuvre de socialisation du pays » et des « suppôts de l’impérialisme américain et de l’expansionnisme chinois », comme cela était systématiquement le cas à la charnière des années 1980. Les infractions économiques sont plus précisément définies par la loi et la propriété privée est mieux défendue. Le « vol de la propriété socialiste », que le Code de 1985 réprimait plus sévèrement que le vol de la propriété privée et qui était passible de la peine de mort (art. 129.2), a disparu du Code de 1999, selon lequel porter atteinte à la propriété de l’État ne constitue plus qu’une circonstance aggravante (art. 48). Cependant, si elles ne figurent plus au nombre des crimes contre la sûreté nationale, les infractions économiques continuent d’être passibles de la prison à perpétuité ou de la peine de mort, lorsque la Cour estime qu’elles portent atteinte aux intérêts vitaux de l’État. Ainsi en est-il du détournement de fonds publics (art. 140), de la mise en circulation de fausse monnaie (art. 180) et de la contrebande, mais aussi du trafic de stupéfiants, du vol avec violence ou encore de l’escroquerie. Dans le même temps, le nouveau Code pénal renforce l’arsenal répressif à la disposition des juges en matière de lutte contre la corruption (chap. 21). Plusieurs articles sanctionnent des formes de corruption qui n’étaient pas prises en compte par le Code de 1985 : l’article 169 sur le détournement de l’aide d’urgence ; l’article 170 sur la violation des règles d’attribution des titres de propriété industrielle et l’article 173 sur les appropriations sauvages de biens fonciers. De l’aveu de NguyPn Mình LQc, ministre de la Justice à la fin des années 1990, une nette tendance à l’alourdissement des peines, tant au niveau de la législation qu’au niveau de l’application et de l’exécution des réglementations en vigueur  [47], marque l’ensemble de la réforme du droit pénal entre 1985 et 1999, et ce malgré une réduction – de 44 à 29 – du nombre d’infractions passibles de la peine capitale. Les statistiques sur la peine de mort et les informations concernant les exécutions sont au reste classées secrets d’État depuis le 5 janvier 2004. On sait cependant qu’entre 1997 et 2002,931 personnes furent exécutées. Parmi elles, 535 étaient condamnées pour meurtre, 310 pour trafic de stupéfiants, 24 pour corruption et 5 pour des infractions relatives aux biens  [48]. Par ailleurs, dans le Code de 1999, la sévérité des peines est fonction de la gravité du préjudice causé, de la nature des trafics et de l’importance des sommes détournées, ce qui laisse une grande liberté d’appréciation aux procureurs et aux juges dans l’évaluation de la peine. Ainsi, la contrebande peut être punie d’une peine allant de six mois d’emprisonnement à la réclusion criminelle à perpétuité, voire à la peine de mort. La dépolitisation de l’incrimination n’a donc pas eu lieu et se limite à certains crimes économiques. La valeur assignée aux crimes politiques et les catégories pénales par lesquelles ils sont définis restent inchangées. Enfin, les peines sont plus lourdes que par le passé, notamment en ce qui concerne les crimes politiques.

La finalité des peines

26La dépolitisation de l’action judiciaire, quant à elle, n’a tout simplement pas eu lieu. Le déroulement des procès et l’économie des peines montrent que le système de contrôle social demeure fondé sur la répression, l’exemplarité et des mécanismes disciplinaires de surveillance et de correction des individus, et que le traitement des inculpés et des prisonniers procède d’une conception du crime héritée de la période de « dictature du prolétariat » et fortement marquée par certaines croyances populaires et pratiques confucéennes.

Répression, rééducation et surveillance

27La propagande des années d’après guerre répétait sans cesse que le traitement des criminels visait non seulement à les punir, mais aussi à faire d’eux des « hommes nouveaux, socialistes et utiles à la société ». Le souci de réformer la pensée et de rééduquer par le travail et la discipline constitue, encore aujourd’hui, un trait caractéristique des systèmes judiciaire et pénitentiaire tant chinois que vietnamiens. Selon Jean-Luc Domenach, « la prégnance du confucianisme a sans doute stimulé la diffusion en Chine d’une idée présente dans toute la pensée occidentale (…) mais qui a été systématisée par le communisme : (…) l’enfermement ne sert pas seulement à punir, mais aussi à réformer les criminels. À l’opposé du scepticisme de la tradition légiste, l’humanisme confucéen pose en principe la bonté fondamentale de l’homme ainsi que sa capacité à se cultiver et à s’amender »  [49]. Au Vietnam, on trouve trace de cette double économie des peines dans des temps anciens. « Nous observons, écrivait le souverain Gia-Long en 1812 en préface du Code de lois éponyme, que, pour gouverner le monde, les hommes saints [les grands empereurs ou les rois de l’Antiquité] ont employé la régénération par la vertu et le châtiment par les peines, sans jamais s’appuyer exclusivement sur l’un des deux moyens et sans en abandonner aucun. »  [50] Les Codes pénaux de 1985 et de 1999 ne dérogent pas à la règle qui veut que toute peine ait une double fonction. L’article 20 du Code pénal de 1985 et l’article 27 du Code pénal de 1999 stipulent que « la peine ne consiste pas seulement à punir le coupable mais aussi à l’éduquer pour faire de lui un individu utile à la société, soucieux d’observer la loi et les règles de la vie socialiste, et à l’empêcher de récidiver »  [51]. Par voie de conséquence, ils assimilent tout criminel à un parasite.

28Par ailleurs, la loi pénale vietnamienne autorise le recours à des réglementations extrajudiciaires en matière de détention administrative et ne respecte pas à cet égard les principes de hiérarchie des normes et de non-contradiction des lois. Depuis le 8e congrès du Parti, en 1996, plusieurs mesures ont été prises, qui visent à renforcer le contrôle politique et social du Parti sur la société. Le 14 avril 1997, le Premier ministre Võ VFn KiDt a signé une directive sur la détention administrative (NghS dSnh 31/CP) qui autorise les comités populaires et les forces de sécurité de l’échelon local, relevant de la police ou de l’armée, à incarcérer des individus dont ils estiment qu’ils constituent une menace pour la sûreté nationale, et ce pour une durée allant de six mois à deux ans, sans que les individus en question soient préalablement déférés devant un juge  [52]. Cette directive contredit l’article 2 des Codes pénaux de 1985 et de 1999, qui stipule que seules les personnes ayant commis une infraction définie par le Code pénal peuvent être poursuivies en justice, et l’article 123 du Code de 1999, qui constitue en infraction l’arrestation, la séquestration et la détention illicites de personnes et qui considère comme une circonstance aggravante le fait de commettre cette infraction par abus de pouvoir. Enfin, elle contredit l’article 72 de la Constitution de 1992, qui établit que « personne ne peut être considéré comme coupable, ni condamné avant qu’un jugement effectif ait été rendu par un tribunal »  [53].

29En Chine aussi, la distinction entre les peines judiciaires et les sanctions administratives reste artificielle. Plusieurs réglementations administratives permettent aujourd’hui encore de soumettre les individus indésirables à la rééducation. En vertu d’une décision du 29 novembre 1979, tous les décrets administratifs et toutes les lois adoptés depuis la fondation de la République populaire de Chine restèrent valides jusqu’au milieu des années 1990, y compris lorsqu’ils entraient en contradiction avec la constitution de 1982. Selon Jean-Louis Rocca, « cette mesure [légitimait] la décision du 1er août 1957 sur la rééducation par le travail qui [permettait] l’incarcération de tout individu pour plusieurs années sans qu’aucune autorité judiciaire n’intervienne  [54] ». Par ailleurs, une circulaire du Conseil d’État chinois datée du 19 février 1980 prévoyait d’envoyer en camp de rééducation les personnes interpellées dans le cadre du shoushen. Cette abréviation de shourong shensha qui signifie littéralement sheltering for investigation désigne une forme de détention préventive qui fut conçue en 1961 par le ministère de la Sécurité publique chinois pour juguler l’exode rural et utilisée dans les années 1980 pour contrôler les populations « flottantes » de jeunes ruraux qui gagnaient les villes (mangliu)  [55]. Un règlement du ministère de la Sécurité publique, datant de janvier 1982, permettait aux autorités locales de prendre des sanctions administratives allant jusqu’à quatre ans de privation de liberté et de rééducation par le travail (laojiao). En 1996, le Code pénal et le Code de procédure pénale chinois, adoptés en 1979, en remplacement d’une réglementation sur l’arrestation et la détention de 1954, furent amendés afin de limiter les abus de pouvoir de la police. L’un comme l’autre continuent néanmoins d’offrir un cadre juridique à la détention arbitraire : lors de cette révision, le shoushen a formellement été aboli, sans qu’il ait été mis un terme aux pratiques qu’il désignait, et la question controversée du maintien du laojiao a tout simplement été ignorée  [56].

30Le Code pénal de 1999 ne prévoit plus qu’une seule forme de rééducation, dite « sans détention ». La peine de rééducation dans un lieu de discipline militaire (cAi tDo q dpn vS km luFt cNa quân d2i) qui, selon le Code de 1985, était réservée aux militaires, a été supprimée. Pourtant, la rééducation reste un élément clef du dispositif de contrôle social au Vietnam. La directive de 1997 sur la détention administrative vise notamment à faciliter l’internement de toxicomanes, de délinquants ou de jeunes sans domicile fixe dans des centres de désintoxication forcée, des centres de rééducation fermés ou encore, dans le cas des mineurs, dans des centres de détention « mi-travail, mi-études ». Des témoignages recueillis au Vietnam ainsi que des reportages télévisés permettent d’apprécier la dureté du régime disciplinaire de ces centres. Au premier semestre 2002, près de trente mille toxicomanes étaient internés dans les soixante et onze centres de désintoxication que compte le pays  [57]. L’internement des toxicomanes mineurs, âgés de 12 à 18 ans, est autorisé par l’article 29 de la loi de prévention et de lutte contre la drogue, adoptée en décembre 2000. Les mineurs sont internés à leur demande ou à celle de leurs parents, tandis que les toxicomanes majeurs le sont sur décision du président du comité populaire qui est saisi par la police de quartier. Dans les deux cas, la durée de l’internement est de un à deux ans et des remises de peine sont possibles en cas de bonne conduite  [58]. Il est à noter que les toxicomanes sont souvent placés en détention non parce qu’ils consomment de la drogue, mais parce qu’ils contreviennent aux dispositions administratives prises à leur encontre par les comités populaires pour les enjoindre d’arrêter. L’article 269 du Code pénal de 1999 stipule, en effet, que tout individu s’opposant à une décision administrative d’assignation à résidence ou de placement dans un établissement de rééducation et de soin s’expose à une peine de six mois à trois ans de prison.

31Par ailleurs, le régime des peines n’a pas été modifié : le Code de 1999 reprend les dispositions sur les peines consignées dans l’article 21 du Code de 1985. Il énonce dans son article 28 les peines principales : l’avertissement, l’amende, la rééducation sans détention, la reconduite à la frontière, l’emprisonnement pour une période déterminée, la réclusion à perpétuité et la condamnation à mort. Comme auparavant, les peines principales, en particulier si elles sanctionnent « une infraction à la sûreté de l’État », peuvent être assorties d’une ou de plusieurs peines complémentaires : interdiction d’exercer une fonction dans l’administration, une activité professionnelle ou un travail régulier, interdiction de séjour dans un lieu déterminé, résidence surveillée, privation de certains droits civiques, confiscation des biens, ainsi que amende et reconduite à la frontière lorsque celles-ci ne sont pas déjà appliquées à titre de peine principale (art. 92). Seul l’exil, à titre de peine principale et de peine complémentaire, est ajouté au nouveau Code et seule la privation des titres militaires à titre de peine complémentaire est supprimée. L’application de peines complémentaires n’est bien sûr pas propre au système pénal vietnamien. Cependant, ces peines, de par leur nature et du fait qu’elles prennent effet à l’expiration de la peine principale, c’est-à-dire souvent au moment de la remise en liberté, ont des fonctions répressives et disciplinaires particulières. Un large usage en a été fait dans le passé, en particulier après 1975, afin d’empêcher les anciens fonctionnaires et militaires du régime du Sud Vietnam de refaire leur vie à leur sortie de prison. Après avoir purgé une peine plus ou moins longue dans des conditions d’extrême promiscuité  [59], ils étaient interdits de séjour dans leur ville ou leur village d’origine et privés du droit d’exercer une activité professionnelle. Condamnés à une vie d’errance et de misère, beaucoup d’entre eux ont préféré prendre la voie de l’exil et grossir le flot des boat people. Aujourd’hui, les peines complémentaires s’appliquent prioritairement aux personnes reconnues coupables de crime contre la sûreté nationale. Elles ne visent pas à favoriser la réadaptation du sujet amendé à travers une mise à l’épreuve pendant une durée déterminée, mais à isoler définitivement du reste de la société celui qui continue d’être considéré comme un délinquant, potentiellement récidiviste. Un peu comme les bagnards étaient marqués au fer rouge, la vie de l’ancien prisonnier doit porter les stigmates de la faute qu’il a commise.

Exemplarité des peines et eschatologie

32Ainsi que l’énonce la dernière phrase de l’article 27 du Code de 1999, « la peine vise enfin à enseigner aux autres individus à respecter la loi et à lutter contre le crime, et pour la prévention du crime ». Les cours de justice sont officiellement investies d’une mission d’éducation et de propagande : leurs statuts spécifient qu’elles doivent inculquer la loyauté envers l’État et le Parti et encourager les gens à vivre honnêtement. Dans ce combat, elles sont relayées par les médias. Plusieurs journaux, comme Công an Nhân dân (Police populaire), se repaissent quotidiennement d’affaires criminelles. Dans certains cas de corruption et de grand banditisme, comme celui, en 2003, du fameux réseau criminel dirigé par NFm Cam, qui impliquait plusieurs hauts fonctionnaires et deux membres du Comité central du PCV et qui aboutit à la condamnation à mort pour meurtre, corruption et jeux d’argent de six des inculpés, le réquisitoire et la lecture du jugement sont retransmis en direct à la télévision. La mise en scène en est savamment orchestrée. Le cérémonial est celui d’une cour martiale. Tout semble étudié pour faire perdre la face aux accusés. Affublés d’un costume rayé de toile grossière, les prisonniers font face à une rangée d’hommes en civil, leurs juges. Ils apparaissent brisés, tête baissée, le regard fuyant, font acte de contrition, se prêtent à des aveux publics et expriment leur repentir, qui, comme en Chine  [60], est nécessaire pour obtenir la clémence des juges et une réduction de peine. L’aveu, dans ce cas, n’est pas destiné à prouver ou à conforter la culpabilité du criminel, mais à rétablir l’ordre qui a été rompu.

33Ces mises en scène semblent destinées avant tout à manifester le triomphe de l’État et du Parti sur le crime. Elles s’inscrivent dans une entreprise de re-légitimation du Parti et des valeurs qu’il véhicule. Comme l’explique si bien Michel Foucault, « la punition publique est la cérémonie du recodage immédiat » ; elle permet « le renforcement collectif du lien entre l’idée du crime et l’idée de la peine »  [61]. Aussi importe-t-il, comme l’affirmait le souverain Gia-Long en 1812, que « la législation pénale soit visible comme la lumière du soleil que rien ne peut obscurcir et que les dispositions prohibitives et pénales soient aussi frappantes que la foudre »  [62]. Outre leur valeur d’exemplarité, ces procès, remplissent deux autres fonctions. Ils sont d’abord destinés à combler une forte demande sociale d’actions d’éclat contre la petite et la grande corruption, en particulier celle de la police, que les habitants de Hanoi surnomment, par dérision, les « mangeurs publics » (công Hn), en jouant sur la prononciation du mot « police » (công an). En désignant des bandits et des fonctionnaires corrompus à la vindicte populaire, il s’agit de montrer que le Parti se saisit de ce problème qui décrédibilise son discours de justice sociale et qui empoisonne la vie quotidienne de tout un chacun dans le pays. Ensuite, ils visent à produire un effet sur les cadres et les fonctionnaires de haut rang. Alors que, de l’aveu d’un criminologue réputé au Vietnam, la faiblesse des moyens financiers et le manque d’expérience et de formation technique des organes de surveillance de la police et des fonctionnaires ne permettent pas d’exercer un contrôle efficace sur les cadres du Parti et de l’administration  [63], l’intimidation reste, veut-on croire, une arme efficace.

34En apparence, l’exemplarité des peines ne repose pas sur « l’éclat des supplices ». Les juristes vietnamiens tirent argument du fait que les peines infamantes ont été abolies pour affirmer que la loi pénale vietnamienne est progressiste. Nul supplice, en effet, puisque les cinq châtiments traditionnels qu’étaient les coups de fouet (xuy), les coups de bâton (trò :ng), le bagne (dôì), la relégation (lòu) et l’exécution (tà) ont disparu, tout comme les châtiments institués par le Code Gia-Long tels que la pendaison (giAo), le supplice de dépeçage et de crevaison des yeux (lHng trì), la décapitation (trAm khiêu) et la lacération jusqu’à ce que mort s’ensuive (lôc thS)  [64]. Nul éclat non plus puisque les condamnés sont généralement fusillés à l’aube et à l’insu de leur famille. Pourtant, un supplice d’un raffinement sans pareil est réservé au condamné à mort. Le corps du fusillé n’est pas rendu à sa famille, qui, dès lors, ne peut pas accomplir les rites funéraires nécessaires au repos de l’âme. Cette dernière n’est autorisée à récupérer les ossements du condamné que trois ans après sa mort, au moment de la cérémonie funéraire du cAi táng qui fait partie des devoirs de piété filiale  [65]. Ainsi, durant trois ans, l’âme du criminel est condamnée à l’errance. Dans un pays où la prégnance des imaginaires sociaux de l’au-delà est très forte et où le culte des ancêtres tient une place primordiale dans la vie quotidienne de millions d’individus, ce châtiment n’a rien d’anodin : il peut être interprété comme une façon, pour le Parti, d’inscrire sa souveraineté dans un ordre intemporel et d’ajouter à son prestige en étendant son emprise sur l’autre monde.

35Après l’exécution des principaux dirigeants du réseau de NFm Cam, la rumeur publique a prétendu que le corps de NFm Cam, enterré sur le terrain d’exécution, avait disparu de son tombeau. Le scandale a pris des proportions telles que les journaux officiels s’en sont emparés. Comme le montre Romain Bertrand à propos des faits de croyances à Java, « la rumeur, à défaut de pouvoir détruire un système de domination, peut se faire l’écho de ses contradictions internes »  [66]. Si le Parti a laissé les journaux monter cette affaire en épingle et vouer aux gémonies les fonctionnaires corrompus qui avaient monnayé le corps du condamné, c’est sans doute qu’en mal de légitimité, il cherchait non seulement à s’inscrire en faux contre les accusations de corruption qui l’accablaient, mais aussi à se présenter en rempart contre l’État corrompu  [67]. Cette rumeur représente, en effet, un franc désaveu et une remise en cause directe du mythe d’infaillibilité et d’invincibilité du régime ; elle montre combien la corruption et la criminalité ébranlent l’autorité et la légitimité de l’État-parti. La confiance des citoyens dans la police et les institutions judiciaires est faible et ne cesse de diminuer. À cet égard, il est significatif que l’expression « faire la loi » (làm luFt) désigne depuis quelques années dans l’argot des rues de Hanoi le fait d’acheter la bienveillance des autorités et singulièrement de la police.

36A u Vietnam, la légitimité politique ne s’ancre pas dans le respect de la loi et de la légalité, comme c’est le cas dans tout État de droit. Elle repose sur un régime de croyances et une communauté de valeurs qui, s’ils restent forts, s’étiolent à mesure que la corruption des représentants de l’État et du Parti devient plus manifeste. Le renforcement de la légalité, ainsi que sa mise en scène, s’inscrit dans une opération de légitimation du pouvoir et constitue un moyen privilégié de lutte contre la corruption et de consolidation du régime. La réforme du droit pénal, en codifiant, rationalisant et modernisant la loi criminelle et l’exercice de la justice, a visé, non pas à transformer, mais à affermir le système de contrôle social. Les mécanismes juridico-légaux, mis en place depuis 1985, viennent en sus des mécanismes disciplinaires de surveillance et de rééducation ; ils ne les ont pas remplacés. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le Code pénal de 1999, précis, rigoureux et moderne par certains aspects, soit plus répressif que le précédent, ou que certains droits garantis par la Constitution de 1992 soient bafoués par des décrets administratifs auxquels un article du Code de 1999 donne force de loi. Une meilleure codification du droit et un respect apparent de la légalité n’induisent pas nécessairement une évolution des valeurs éthiques et politiques sur lesquelles le droit est fondé.

37Certains aspects de la réforme du droit pénal, tels que le renforcement des mécanismes de contrôle de la légalité, et plusieurs décisions politiques récentes, comme l’autorisation accordée aux prévenus de comparaître en civil et non plus dans une tenue humiliante  [68], laissent à penser qu’une évolution vers un système moderne de contrôle social n’est pas exclue à long terme. Si l’on considère, à l’instar du courant réaliste américain du positivisme juridique, que le droit n’a d’existence que dans son application, autrement dit, que ce sont les juges et les procureurs qui font le droit en choisissant d’appliquer ou non des textes de loi, il y a lieu de penser que la corruption des professionnels du droit, qui, faute de sources, n’a pas été prise en compte dans cette étude, constituera un puissant vecteur de modernisation du droit dans les années à venir. À tout le moins, elle incitera les dirigeants du Parti, qui, « comme leurs prédécesseurs confucéens, se méfient des normes légales, préférant diriger en s’appuyant sur la vertu morale et des campagnes de masse »  [69], à dépasser leurs dernières réticences et à renforcer les mécanismes de contrôle de l’application du droit. Ainsi, comme en Chine  [70], la lutte contre la corruption devrait continuer de contribuer à institutionnaliser et affermir le système légal, asseoir la distinction entre les sphères publique et privée et délimiter les domaines de compétences du pouvoir politique et de l’administration  [71].


Date de mise en ligne : 01/02/2007

https://doi.org/10.3917/crii.033.0079

Notes

  • [1]
    Circulaire interministérielle du 27 mail 1946 publiée dans le n?24 de Công Báo (Journal officiel) et citée par Bernard Fall dans Le Viet-Minh. La République démocratique du Vietnam 1945-1960, Paris, Armand Colin, Cahiers de la FNSP, 1960, p. 98.
  • [2]
    PhEm Hùng, « 40 nFm xây dGng vH phKt huy vai trI cJa TIa Kn nhân dân » (40 ans d’édification et d’affirmation du rôle du Tribunal populaire), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), septembre 1985, p. 40.
  • [3]
    Aleksandr G. Zvâgincev, Ûrij G. Orlov, Prigovorënnye vremenem. Rossijskie i sovetskie prokurory 1937-1953 (Condamnés par l’époque. Les procureurs russes et soviétiques 1937-1953), Moscou, Rosspèn, 2001, p. 19 et 21.
  • [4]
    Anatolij A. Sokolov, Komintern i V´etnam : Podgotovka v´etnamskih politioeskih kadrov v kommunistioeskih VUZah SSSR v 20-30-e gody (Le Komintern et le Vietnam : la formation des cadres politiques vietnamiens dans les établissements d’enseignement supérieur communistes d’URSS dans les années 1920-1930), Moscou, Ran, 1998.
  • [5]
    Yu Xingzhong, « Legal Pragmatism in the People’s Republic of China », Journal of Chinese Law, 3,1989, p. 36.
  • [6]
    Georges Boudarel, Cent Fleurs écloses dans la nuit du Vietnam, communisme et dissidence 1954-1956, Paris, Jacques Bertoin, 1991, p. 148 et « L’idéocratie importée au Vietnam avec le maoïsme », dans G. Boudarel et al., La bureaucratie au Vietnam, Paris, L’Harmattan, 1983, p. 31-106.
  • [7]
    PhEm Hùng, « 40 nFm xây dGng và phKt huy vai trI cJa TIa Kn nhân dân » (40 ans d’édification et d’affirmation du rôle du Tribunal populaire), art. cité, p. 39 et 40.
  • [8]
    Bùi Tín, Vietnam, la face cachée du régime, 1945-1999, Paris, Kergour, 1999, traduit de l’anglais, original en vietnamien (1991), p. 51 (l’auteur est un transfuge du PCV exilé en France depuis 1990).
  • [9]
    Sur la vague de répression de 1967, voir Judy Stowe, « “Révisionnisme” au Vietnam », Communisme, 65-66,2001, p. 244 ; Ilya V. Gaiduk, The Soviet Union and the Vietnam War, Chicago, Ivan R. Dee, 1996, p. 139 ; et le témoignage du fils du secrétaire personnel de H B ChC Minh, V N Thú Hiên, jêm giía ban ngày. H3i kn chRnh trS cNa m2t ngêpi không làm chRnh trS (Nuit en plein jour. Mémoires politiques d’un homme qui ne fait pas de politique), Westminster, V Fn NghD, 1997.
  • [10]
    Lê Míc Tho (1911-1990) participa à la fondation du Parti communiste indochinois en 1930. Le prix Nobel de la Paix lui fut décerné ainsi qu’à Henry Kissinger après la signature des accords de Paris en 1973. Dans son pays, il est surtout connu pour avoir envoyé de nombreux intellectuels et communistes en camps de rééducation. On murmure, non sans malice et avec une certaine satisfaction, que sa famille a été contrainte, il y a quelques années, d’opérer le transfert de sa dépouille de Hanoi à son village natal. Les descendants de ses anciens adversaires avaient en effet pris l’habitude de maculer sa tombe d’excréments humains. Perturber le repos du mort et couvrir d’opprobre sa descendance est encore la meilleure façon d’exprimer son exécration et de rendre justice aux siens.
  • [11]
    NguyPn Mình L Qc, « BQ lu1t hình sG 1999 va nhiDm vu th7 chT hSa chCnh sKch hình sG cJa M2ng trong thai k3 4ói m Ui » (Le Code pénal de 1999 et la mission d’institutionnalisation de la politique pénale du Parti dans la période de renouveau), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), juin 2000, p. 10 (l’auteur était alors ministre de la Justice).
  • [12]
    Mào TrC Xc, « Nguyên t6c phKp chT và sG th7 hiDn trong BQ lu1t hình sG ViDt Nam » (Le principe de la légalité et sa traduction dans le Code pénal du Vietnam), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), août 1999, p. 42.
  • [13]
    Phan HiRn, « BúUc tiTn m Ui trong công tKc xây dGng phKp lu1t cJa nhà núUc ta » (Un pas en avant dans l’élaboration des lois de notre État), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), juin 1984, p. 28.
  • [14]
    Michel Heller, Le monde concentrationnaire et la littérature soviétique, Lausanne, L’âge d’homme, 1974, p. 59.
  • [15]
    V Fn HiRn, « Hoàn thiDn phKp lu1t và tFng cúang phKp chT xY hQi chJ nghZa » (Perfectionner la loi et renforcer la légalité socialiste), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), juillet 1982, p. 30.
  • [16]
    NguyPn Ngoc Minh, « Nâng cao i thíc tôn trong và nghiêm chành ch0p hành phKp lu1t » (Élever la conscience pour faire respecter et strictement exécuter la loi), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), juin 1977, p. 65.
  • [17]
    PhEm Hùng, « TIa Kn nhân dân và viDc thi hành hiTn phKp và phKp lu1t » (Le Tribunal populaire et l’exécution de la Constitution et de la loi), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), août 1981, p. 3.
  • [18]
    Chen Jianfu, Chinese Law. Towards an Understanding of Chinese Law, its Nature and Development, Londres, Kluwer Law International, 1999, p. 41 ; Lo Carlos Wing-Hung, « Socialist Legal Theory in Deng Xiaoping’s China », Columbia Journal of Asian Law, 11,1997, p. 475 (reproduit dans P. Keller (ed.), Chinese Law and Legal Theory, op. cit., p. 91).
  • [19]
    L’armée vietnamienne envahit le Kampuchéa démocratique (Cambodge) en décembre 1978 et entra dans Phnom Penh, le 7 janvier 1979. En représailles, la Chine, qui soutenait les Khmers rouges, envahit le Nord du Vietnam le 17 février. Elle s’en retira peu après, à la suite de l’ultimatum lancé par l’Union Soviétique, alliée du Vietnam, mais maintint des troupes le long de la frontière, où des échauffourées meurtrières eurent lieu jusqu’à la fin de l’occupation vietnamienne du Cambodge, en septembre 1989.
  • [20]
    Dans un discours prononcé le 26 mars 1982 au 5e congrès du PCV, Mikhaïl Gorbatchev, mandaté par le Politburo du PCUS, mit en cause l’efficacité des dirigeants vietnamiens et envisagea l’éventualité d’une baisse de l’aide soviétique si la gabegie se poursuivait.
  • [21]
    PhEm Hùng, « 40 nFm xây dGng và phKt huy vai trI cJa TIa Kn nhân dân » (40 ans d’édification et d’affirmation du rôle du Tribunal populaire), art. cité, p. 40.
  • [22]
    Le terme pháp chZ xE h2i chN nghTa a parfois été traduit en français par « législation socialiste », ce qui, à notre avis, est erroné. Législation socialiste se dit en vietnamien trFt tJ pháp luFt xã h2i chN nghTa.
  • [23]
    Sur le sens du d5i m6i, voir l’excellente analyse de Yann B2o An, « j5i m6i ou la solution de la continuité », dans Stéphane Dovert, Benoît de Tréglodé (dir.), Viêt Nam contemporain, Paris, Les Indes savantes, 2004, p. 117-132.
  • [24]
    NguyPn Mình L Qc, « BQ lu1t hình sG 1999 và nhiDm vu th7 chT hSa chCnh sKch hình sG cJa M2ng trong thai k3 4ói m Ui » (Le Code pénal de 1999 et la mission d’institutionnalisation de la politique pénale du Parti dans la période de renouveau), art. cité, p. 11(nous soulignons).
  • [25]
    Tsai Wen-Hui, Class Struggle and Deviant Labeling in Mao’s China : Becoming Enemies of the People, Lampeter-New York, The Edwin Mellen Press, 2001, p. 32.
  • [26]
    L’expression « État de droit » est une traduction littérale de nhà nò6c pháp quyùn. Certains auteurs anglophones préfèrent utiliser des traductions sémantiques (state-legal-rights, law-based state ou state ruled by law).
  • [27]
    Dominique Colas, Le glaive et le fléau. Généalogie du fanatisme et de la société civile, Paris, Grasset, 1992, p. 305-306.
  • [28]
    Le comité populaire (Ny ban nhân dân) exerce le pouvoir exécutif au niveau local. Ses membres, des fonctionnaires d’État généralement membres du PCV, sont formellement désignés par le conseil populaire (h2i d3ng nhân dân) qui est une assemblée locale composée de représentants élus au suffrage universel direct à bulletin secret tous les cinq ans (art. 7, Constitution de 1992). Le président (chN tSch) du comité populaire ne peut pas être premier secrétaire (bR thò) de la cellule locale du Parti (chi b2 jAng). Pour autant, les élections au conseil populaire ne sont pas démocratiques. Le scrutin n’est pas uninominal et les candidatures spontanées sont de facto impossibles. Les électeurs sont appelés à choisir cinq des sept candidats qui leur sont proposés sur une liste unique, celle du PCV. En général, deux des candidats sont de parfaits inconnus exerçant des professions les prédisposant peu à remplir ces fonctions, de sorte qu’ils sont éliminés d’emblée par les électeurs eux-mêmes. Entretiens menés à Hanoi en 2003.
  • [29]
    Papier présenté par Penelope Nicholson au colloque sur le Vietnam organisé le 6 octobre 2003 au CERI et intitulé « The State of the Law and Rule of Law in Post Mói M Ui Vietnam ».
  • [30]
    Nguyen Hung Quang, Kerstin Steiner, « Ideology and Professionalism : The Resurgence of the Vietnamese Bar » dans John Gillepsie, Penelope Nicholson, Asian Socialism and Legal Change : The Dynamics of Vietnamese and Chinese Reform, Canberra, ANU, 2005, p. 196 et 205.
  • [31]
    Témoignages de deux juges vietnamiens cités par P. Nicholson, « The Vietnamese Courts and Corruption », dans Timothy Lindsey, Howard Dick (eds), Corruption in Asia. Rethinking the governance paradigm, Sydney, Federation Press, 2002, p. 211.
  • [32]
    Affaires de corruption citées par J. Gillepsie, « The Political-Legal Culture of Anti-Corruption Reforms in Vietnam », dans T. Lindsey, H. Dick (eds), Corruption in Asia. Rethinking the governance paradigm, op. cit., p. 187 et suiv..
  • [33]
    Ibid., p. 183.
  • [34]
    NguyPn Ngoc MiDp, So sánh và d7i chiZu b2 luFt hình sJ 1985 và 1999 (Comparer et confronter les Codes pénaux de 1985 et de 1999), Hô Chi Minh ville, Maison d’édition d’Hô Chi Minh-ville, 2000, p. 88. Le Code pénal de 1985 n’est pas traduit. Celui de 1999 est disponible en français sur hhttp :// www. maisondudroit. org/ CodePenal_versionFr/begin.htm (consulté le 14.11.2006).
  • [35]
    Le trafic d’enfants est puni d’une peine allant de dix ans de prison à la réclusion criminelle à perpétuité (art. 120). La pédophilie, l’inceste et la prostitution d’enfants sont également réprimés très sévèrement (art. 112,114,115 et 116).
  • [36]
    NguyPn Ngoc Minh, « Xây dGng phKp lu1t trong thai k3 quK 4Q 5 ViDt Nam » (Édifier la loi pendant la période de transformation socialiste au Vietnam), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), novembre 1981, p. 10.
  • [37]
    Voir, par exemple, les poèmes de deux grands mandarins qui renoncèrent à leurs charges et se retirèrent du monde : « L’éloge de la solitude » de Nguyên H Yng (XVIe siècle) et « L’impermanence du monde » de Nguyên Gia Thiêu (fin XVIIIe ) dans Aigrettes sur la rizière. Chants et poèmes classiques du Viêt-Nam, Paris, Gallimard, 1995, p. 97-99 et 127-132. Les chants et poèmes guerriers sont innombrables. Cf. la note 40 sur NguyPn TrYi et Mille ans de littérature vietnamienne. Une anthologie, Arles, Picquier, 2000.
  • [38]
    Pour exemple, au printemps 2006, quelques paysannes, rassemblées au bord du lac Hoàn KiTm, en face du comité populaire de la ville de Hanoi, brandissaient un portrait de H B ChC Minh sur lequel elles avaient inscrit : « Oncle, viens au secours du peuple ! » (Bác cOu dân). Cet événement est loin d’être isolé : les manifestations de protestation contre les réquisitions de terres se sont multipliées à travers le pays.
  • [39]
    Maurice Durand, Pierre Huard, Connaissance du ViYt-Nam, Paris, Imprimerie nationale, Hanoi, EFEO, 1954, p. 48-49.
  • [40]
    Éminent lettré mort en 1442, NguyPn TrYi fut un stratège et un homme d’État de premier plan. Il permit au souverain Lê Li de chasser les Chinois. Après la victoire sur les Ming en 1427, il rédigea un long poème épique, La Grande Proclamation de la pacification des Chinois, qui compte au nombre des chefs-d’œuvre de la littérature vietnamienne. Connu pour sa droiture et son incorruptibilité, il fut victime d’un complot fomenté par des courtisans jaloux.
  • [41]
    Mào TrC Xc, « Nguyên t6c phKp chT và sG th7 hiDn trong BQ lu1t hình sG ViDt Nam » (Le principe de la légalité et sa traduction dans le Code pénal du Vietnam), art. cité, p. 43.
  • [42]
    NguyPn Xuân Yêm, T2i phDm h4c hiYn dDi và ph0ng ngêa t2i phDm (Criminologie contemporaine et prévention du crime), Hanoi, Nhà xu0t b2n Công an Nhân dân (Éditions de la police populaire), 2001, p. 582.
  • [43]
    LuFt, ph0ng ch7ng ma tLy (Loi de prévention et de lutte contre la drogue), Hanoi, Nhà xu0t b2n ChCnh trï Quôc gia (Éditions de Politique nationale), 2001.
  • [44]
    Phan HiRn, « BúUc tiTn m Ui trong công tKc xây dGng phKp lu1t cJa nhH núUc ta » (Un pas en avant dans l’élaboration des lois de notre État), art. cité, p. 29 et 30.
  • [45]
    Dominique Colas, Les constitutions de l’URSS et de la Russie (1905-1993), Paris, PUF, 1997, p. 17.
  • [46]
    Camille Briffaut, La cité annamite, Paris, Contant Laguerre, 1909, p. 111-113.
  • [47]
    NguyPn Mình L Qc, « BQ lu1t hình sG 1999 và nhiDm vu th7 chT hSa chCnh sKch hình sG cJa M2ng trong thai k3 4ói m Ui » (Le Code pénal de 1999 et la mission d’institutionnalisation de la politique pénale du Parti dans la période de renouveau), art. cité, p. 13.
  • [48]
    Amnesty International, Rapport 2003, Paris, Éditions francophones d’Amnesty International, 2004, p. 405 ; Amnesty International, Vietnam : la peine de mort inhumaine et inefficace, 28 août 2003 (http ://web.amnesty.org/ library/index/fraasa410232003) (consulté le 14.11.2006).
  • [49]
    Jean-Luc Domenach, Chine : l’archipel oublié, Paris, Fayard, 1992, p. 35.
  • [50]
    Jules Silvestre, Considérations sur l’étude du droit annamite, Saigon, Albert Portail, 1922, p. 364. Sur le Code Gia-Long, voir Lê Thành Khôi, Histoire du Vietnam des origines à 1858 (1971), Paris, Sudestasie, 1992, p. 357.
  • [51]
    NguyPn Ngoc MiDp, So sánh và d7i chiZu b2 luFt hình sJ 1985 và 1999 (Comparer et confronter les Codes pénaux de 1985 et de 1999), op. cit., p. 53-54 (souligné par nous).
  • [52]
    La directive est disponible en français sur http :// www. lmvntd. org/ avl/ dossier/ 970431cp. htm (consulté le 14.11.2006). Voir également Human Rights Watch/Asia, « Behind Vietnam's Open Door : A Climate of Internal Repression », 11 novembre 1997 ; le bulletin d’information Thông LuFn en vietnamien du Rassemblement pour la démocratie et le multipartisme (France) (hhttps :// www3. zhonghua999. com/ dmirror/ http/ www. thongluan. org/ diendan/tmt_187.shtml).
  • [53]
    Les constitutions du Vietnam 1946-1959-1980-1992, Hanoi, ThT GiUi, 1995, p. 179.
  • [54]
    Jean-Louis Rocca, L’Empire et son milieu. La criminalité en Chine populaire, Paris, Plon, 1991, p. 91.
  • [55]
    Wong Kam C., « Police Powers and Control in the People’s Republic of China : The History of Shoushen », Columbia Journal of Asian Law, 10,1996, p. 377 (reproduit dans P. Keller (ed.), Chinese Law and Legal Theory, op. cit., p. 391).
  • [56]
    Chen Jianfu, Chinese Law. Towards an Understanding of Chinese Law, its Nature and Development, op. cit., p. 192-193
  • [57]
    « En bref », La Lettre internationale des drogues, 11, septembre 2002, p. 8.
  • [58]
    Art. 28 § 2 de ladite loi. LuFt, ph0ng ch7ng ma tLy (Loi de prévention et de lutte contre la drogue), citée, p. 23-24 ; art. 70 du Code pénal de 1999.
  • [59]
    Les soldats de l’armée du Sud passèrent en général deux ans en prison, les officiers plus de temps encore. Les conditions de détention étaient très dures. Faute de place, il leur fallait, par exemple, dormir à tour de rôle. Entretien au Vietnam, 2003. Sur le régime pénitentiaire et concentrationnaire vietnamien, voir Michel Tauriac, Viêt Nam. Le dossier noir du communisme de 1945 à nos jours, Paris, Plon, 2001, p. 37 et surtout les témoignages d’anciens prisonniers : Moan Van Toai, Le goulag vietnamien, Paris, Robert Laffont, 1979 ; Tran Tri Vu, Lost Years. My 1,632 days in Vietnamese Reeducation Camps, Berkeley, Institute of East Asian Studies, 1988 ; le poète Nguyen Chi Thiên, Fleurs de l’enfer, Paris, Institut de l’Asie du Sud-Est, 2000 ; Huynh Ba Xuân, Oublié 23 ans dans les goulags vietnamiens 1953-1976, Paris, L'Harmattan, 2003 ; Bùi Ngoc T0n, ChuyYn ke nHm 2000 (Récit de l’année 2000), Toronto, Thai M Ui (Temps nouveau), 2000.
  • [60]
    J.-L. Domenach, Chine : l’archipel oublié, op. cit., p. 190 ; sur la proportionnalité des peines en Chine, voir Chen Jianfu, Chinese Law. Towards an Understanding of Chinese Law, its Nature and Development, op. cit., p. 175-177.
  • [61]
    Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, p. 112 .
  • [62]
    J. Silvestre, Considérations sur l’étude du droit annamite, op. cit., p. 365-366. .
  • [63]
    NguyPn Xuân Yêm, T2i phDm h4c hiYn dDi và ph0ng ngêa t2i phDm (Criminologie contemporaine et prévention du crime), op. cit., p. 98.
  • [64]
    NguyPn Ngoc Minh, « B2n ch0t cJa lu1t hình sG xY hQi chJ nghiY » (L’essence de la loi pénale socialiste), TDp chR C2ng sAn (Revue communiste), avril 1983, p. 16.
  • [65]
    Une coutume tout à fait vivace dans le Nord du Vietnam veut que la famille d’un défunt se réunisse au troisième anniversaire de sa mort pour réaliser la cérémonie funéraire du cAi táng, au cours de laquelle les parents proches du mort demandent à une personne étrangère à leur lignage de déterrer ses ossements, de les laver avec de l’eau parfumée, puis de les placer dans une urne funéraire en porcelaine (tieu). Cette urne est ensuite ensevelie dans une orientation précise définie par un géomancien, de préférence sur la terre natale du mort. De la réussite de cette cérémonie dépendent grandement le repos de l’âme du défunt et l’influence bénéfique des ascendants (phLc) sur les vivants.
  • [66]
    Romain Bertrand, Indonésie : la démocratie invisible. Violence, magie et politique à Java, Paris, Karthala, 2002, p. 180.
  • [67]
    Cf. Philippe Papin, « Au Vietnam, le parti contre l’État », Le Monde diplomatique, février 2000, p. 10-11.
  • [68]
    Dépêche AFP du 24 décembre 2004, intitulée « Vietnam’s Courts Ditch Infamous Striped Pyjamas » .
  • [69]
    J. Gillepsie « The Political-Legal Culture of Anti-Corruption Reforms in Vietnam », art. cité, p. 194.
  • [70]
    Voir l’exposé de Hao Yufan, « From the Rule of Man to the Rule of Law : An Unintended Consequence of Corruption in China in the 1990s », Journal of Contemporary China, 8 (22), 1999, p. 405-423.
  • [71]
    Je remercie Yann Vinn et Gilles Favarel-Garrigues pour leurs conseils et leur sollicitude. Cette recherche a pu être menée grâce au soutien financier du ministère des Affaires étrangères (Bourses « Vent d’Est », 2002-2004). Ni mes deux relecteurs ni le MAE ne sauraient être tenus pour responsables des opinions exprimées dans cet article.

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