Couverture de CRII_031

Article de revue

Zimbabwe : la « soif de terres » aux origines du mouvement des anciens combattants

Pages 125 à 144

Notes

  • [1]
    Terence Ranger, Peasant Consciousness and Guerrilla War in Zimbabwe, Oxford, James Currey, 1985 ; Josiah Tungamirai, « Recruitment to ZANLA : Building up a War Machine », dans Ngwabi Bhebe, Terence Ranger (eds), Soldiers in Zimbabwe’s Liberation War, Oxford, James Currey, 1995, p. 36-45. La politique et l’idéologie du Front patriotique, composé de la ZAPU et de la ZANU, créées respectivement en 1961 et 1963, étaient imprégnées des divers courants du nationalisme révolutionnaire qui prévalaient en Afrique durant cette période. La lutte pour la libération a très vite pris la forme d’une guérilla contre les colons et le régime rhodésien, à l’instar, notamment, du combat indépendantiste au Mozambique. S’il existait d’importantes divisions (reflétées en partie par l’opposition entre la ZAPU, implantée surtout chez les Ndebele et inspirée par l’URSS, et la ZANU, principalement Shona et penchant plutôt, à l’époque, vers l’expérience chinoise), un large soutien s’est manifesté au sein des différentes couches sociales, mais surtout dans la majorité paysanne, en faveur du gouvernement de la ZANU élu en 1980. Les deux partis ont fusionné en 1988 pour former la ZANU-PF.
  • [2]
    Accord négociant la fin de la guerre et l’indépendance du Zimbabwe.
  • [3]
    Knox T. Chitiyo, « Reconceptualising Zimbabwe’s Land and War Veteran’s Debate », Track Two, Centre for Conflict Resolution, Université du Cap, 2000.
  • [4]
    L’Armée populaire révolutionnaire du Zimbabwe. Il s’agit notamment de ceux qui rejoignaient les partis d’opposition comme le Zimbabwe Unity Movement (ZUM) fondé par l’ancien combattant nationaliste Edgar Tekere.
  • [5]
    L’Armée nationale africaine de libération.
  • [6]
    Human Rights Watch, « Fast-track Land Reform in Zimbabwe », 2002, p. 6 (hhttp :// www. hrw. org/ reports/ 2002/zimbabwe/) ; Sam Moyo, « The Political Economy of Land Redistribution in the 1990s », dans Tanya Bowyer-Bower, Colin Stoneman (eds), Land Reform in Zimbabwe : Constraints and Prospects, Aldershot, Ashgate, 2000, p. 73-81.
  • [7]
    S. Moyo, « Economic Nationalism and Land Reform in Zimbabwe », Harare, SAPES Trust, 1994, p. 5.
  • [8]
    Tom Lebert, « An Introduction to Land and Agrarian Reform in Zimbabwe », Johannesburg, National Land Committee, 2003, p. 10.
  • [9]
    Ted Baumann, « Zimbabwe Ten Years on : A Critical Survey of State Policy and Implications for South Africa », Université du Cap, manuscrit non publié, 1990, p. 6.
  • [10]
    T. Ranger, Peasant Consciousness and Guerrilla War in Zimbabwe, op. cit..
  • [11]
    K. T. Chitiyo, « Reconceptualising Zimbabwe’s Land and War Veteran’s Debate », art. cité.
  • [12]
    S. Moyo, « The Land Occupations Movement and Democratisation in Zimbabwe : The Contradictions of Neoliberalism », Millenium : Journal of International Studies, 2001, p. 14-16.
  • [13]
    Robin Palmer, « Mugabe’s “Land Grab” in Regional Perspective », dans T. A. S. Bowyer-Bower, C. Stoneman, Land Reform in Zimbabwe : Constraints and Prospects, op. cit., p. 15-23.
  • [14]
    C. Stoneman, « Zimbabwe : A Good Example Defused », Indicator South Africa, Université de Durban, 15 (2), 1998. La Banque mondiale elle-même, dans son rapport de 1999 sur le Zimbabwe, a estimé que le nombre de ménages pauvres avait atteint plus de 60 % lors du programme d’ajustement structurel. Cf. Human Rights Watch, « Fast-track Land Reform in Zimbabwe », cité.
  • [15]
    The Herald, 26 juillet 1990.
  • [16]
    C. Stoneman, « Zimbabwe : A Good Example Defused », art. cité. Cette affaire a été à l’origine de fuites de capitaux. Le Centre pour l’économie indigène a relevé à cette occasion qu’il n’y avait pas eu de réaction analogue lorsque les vétérans rhodésiens s’étaient vu attribuer des pensions représentant quelque 10 millions de dollars, et en devises fortes très rares. Cf. The Herald, 8 décembre 1997.
  • [17]
    Sociétés zimbabwéennes (58 %), particuliers (24 %), multinationales (13 %), secteur public (2 %), Églises et ONG (1,6 %), Chemins de fer nationaux et Commission de l’entreposage frigorifique (2 fermes). Voir S. Moyo, « The Political Economy of Land Redistribution in the 1990s », cité.
  • [18]
    Government of Zimbabwe, « Brief for Negotiations on the Land Reform and Resettlement Programme between the Zimbabwean and the British Governments », 2000.
  • [19]
    Au cours de la conférence, la Chine (intéressée par les richesses minérales du Zimbabwe) a offert des tracteurs et des moulins ; les Pays-Bas et le Koweit ont promis une aide financière et technique. Voir Lewis Machipisa, « Zimbabwean Women Demand Land in their Own Right during Donor Conference », Inter Press Service, 14 septembre 1998.
  • [20]
    IRIN (UN Integrated Regional Information Networks), 14 août 2001.
  • [21]
    Un fonds spécial a été créé auquel l’ancienne puissance coloniale ou d’autres acteurs pouvaient cotiser pour indemniser les fermiers blancs. T. Lebert, « An Introduction to Land and Agrarian Reform in Zimbabwe », cité.
  • [22]
    Mouvement social consistant à s’abstenir d’aller au travail ou de poursuivre toute autre activité quotidienne.
  • [23]
    Selon S. Moyo, le syndicat des ouvriers agricoles, la General Agriculture and Plantation Workers Union of Zimbabwe (GAPWUZ), organisation conservatrice faiblement liée à la ZANU-PF, avait, à l’instar de cette dernière, peu fait jusque-là pour faire évoluer les conditions de vie semi-féodales extrêmement dures qui régnaient dans les exploitations agricoles (entretien 2004).
  • [24]
    Eldred Masunungure, « Travails of Opposition Politics in Zimbabwe since Independence », dans David Harold-Barry (ed.), Zimbabwe : The Past is the Future, Harare, Weaver Press, 2004, p. 147-192.
  • [25]
    Un petit groupe d’anciens combattants, la Zimbabwe Liberator’s Platform, a quitté la ZNLWVA et rallié le MDC.
  • [26]
    Cette partie de notre article repose sur les investigations et entretiens conduits par Wilbert Sadomba avec des occupants de terres en 2000.
  • [27]
    Daily News, 12 janvier 2000.
  • [28]
    Entretiens conduits par W. Sadomba entre 2000 et 2005 avec des ouvriers agricoles, des anciens combattants, des fermiers blancs ; observation participante à Mvuma, Shurugwi, Mazowe, Chiweshe et Gomba.
  • [29]
    Au total, 4 exploitants blancs et 11 ouvriers agricoles noirs sont morts durant le mouvement d’occupation. Voir S. Moyo, « Land Policy, Poverty Reduction and Public Action in Zimbabwe », Conférence UNDP (UN Development Programme) et ISS (Institute of Social Studies, La Haye), 2005.
  • [30]
    Interview sur CNN, le 2 mars 2000.
  • [31]
    Jocelyn Alexander, « Squatters, Veterans and the State in Zimbabwe », dans Amanda Hammar et al. (eds), Zimbabwe’s Unfinished Business. Rethinking Land, State and Nation in the Context of Crisis, Harare, Weaver Press, 2003, p. 83-117.
  • [32]
    Les opinions divergent sur la question de savoir si le gouvernement britannique a versé un tiers ou un peu plus de la moitié des 75 millions de livres qu’il avait promis en 1980. Voir T. Lebert, « An Introduction to Land and Agrarian Reform in Zimbabwe », cité.
  • [33]
    Voir N. Andrew, « Le conflit foncier au Zimbabwe et en Afrique du Sud : des scénarios similaires ? », dans « La réforme agraire et les dynamiques sociales du conflit foncier dans les campagnes sud-africaines », thèse de sociologie, Université Paris V, 2005, p. 341-391 ; Colin Powell, « Freeing a Nation from a Tyrant’s Grip », New York Times, 23 juin 2003 ; US Government, 4 et 6 avril 2000,21 décembre 2001,4 mars 2002, (http :// secretary. state. gov/ www/ briefings/ statements/ index. html) ; UK Government, « Zimbabwe Land : Questions and Answers on UK Views », DFID, avril 2003 (http :// www. britishembassy. gov. uk/ servlet/ Front ? page-name= OpenMarket/ Xcelerate/ ShowPage&c= Page&cid= 1054572534557) ; voir aussi les nombreux sites Internet de l’opposition zimbabwéenne et de la diaspora ex-rhodésienne, par exemple, Commercial Farmers Union, Zimbabwe Situation, zw news. SW Africa Radio.
  • [34]
    Government of Zimbabwe, « Report of the Presidential Land Review Committee on the Implementation of the Fast-track Land Reform Programme 2000-2002 », 2003 ; S. Moyo, « Land Policy, Poverty Reduction and Public Action in Zimbabwe », cité.
  • [35]
    S. Moyo, « Land Policy, Poverty Reduction and Public Action in Zimbabwe », cité, p. 16.
  • [36]
    Entretiens avec des anciens combattants, 2000 à 2005.
  • [37]
    Entretien avec Sam Geza, Harare, novembre 2005.
  • [38]
    Entretiens avec des bénéficiaires nouvellement installés, novembre 2005.
  • [39]
    Government of Zimbabwe, « Report of the Presidential Land Review Committee on the Implementation of the Fast-track Land Reform Programme 2000-2002 », cité.
  • [40]
    Entretien avec S. Geza, cité.
  • [41]
    Entretien avec Francis Gonese, Centre for Applied Social Studies, Université de Zimbabwe, novembre 2005 ; S. Moyo, « Land Policy, Poverty Reduction and Public Action in Zimbabwe », cité ; J. Alexander, « Squatters, Veterans and the State in Zimbabwe », cité.
  • [42]
    Andrew Meldrum, Chris McGreal, « Doctor who left a curse on Zimbabwe », Guardian, 5 juin 2000 ; « Zero Hour for Zimbabwe’s Land Snatchers », Telegraph, 22 juin 2002.
  • [43]
    S. Moyo, « The Land Occupations Movement and Democratisation in Zimbabwe : The Contradictions of Neoliberalism », art. cité.
  • [44]
    ZNLWVA, compte rendu d’une réunion de vétérans, de ministres et de hauts fonctionnaires, 18 décembre 2000 ; entretiens 2005.
  • [45]
    Provincial Stakeholder Dialogues, Harare, African Institute of Agrarian Studies, 2004.
  • [46]
    Durant nos entretiens de novembre 2005, plusieurs interlocuteurs, y compris certains exploitants blancs, ont justifié les saisies de grandes fermes et considéré qu’il ne pouvait y avoir de retour en arrière, même si des questions se posent sur le processus lui-même et naturellement sur l’avenir.
  • [47]
    Une liste complète de références bibliographiques est disponible sur le site de Critique internationale (http :// www. ceri-sciences-po. org/ cerifr/ publica/ critique/ criti. htm).

1la question de la terre a été au cœur du mouvement de libération nationale du Zimbabwe et de la guérilla des années 1970. L’indé pendance n’ayant été suivie que d’une très modeste réforme agraire, cette question a continué d’alimenter des frustrations dans les campagnes, frustrations qui ont provoqué un mouvement d’occupation des terres à partir de 1998 et, à partir de juillet 2000, l’expropriation de nombreux exploitants, blancs pour la plupart, de fermes agricoles commerciales. Le fait que les « vétérans », les anciens guérilleros, aient joué un rôle très important dans le déclenchement de ce mouvement – condamné et combattu tant par les institutions financières internationales que par les gouvernements et les médias occidentaux – était-il au départ l’expression authentique d’un mécontentement venu d’en bas, ou n’était-il qu’une stratégie désespérée d’un gouvernement aux abois ? Dans quelle mesure la réforme accélérée (fast track), qui a inversé la structure raciale de la propriété foncière héritée de l’époque coloniale, a-t-elle répondu aux aspirations des anciens combattants et des paysans ? Pour répondre à ces questions, il convient de retracer le contexte socioéconomique de la montée de l’agitation rurale et les pressions contradictoires qui ont conduit l’État zimbabwéen à procéder, après des années de relative immobilité, à une redistribution radicale des terres.

2Quand le Zimbabwe s’appelait encore la Rhodésie, la moitié environ des terres agricoles (c’est-à-dire la quasi-totalité des meilleures terres) était aux mains de la petite minorité d’origine européenne tandis que l’écrasante majorité noire vivait sur les Tribal Trust Lands, aujourd’hui nommées zones communautaires. La paysannerie, en particulier sa couche la plus pauvre, était donc concentrée sur ces terres arides dont l’isolement et l’insuffisance des infrastructures aggravaient la pauvreté des ressources. Pour survivre, les familles dépendaient la plupart du temps des dons de parents travaillant en milieu urbain.

3Les luttes éparses menées par les paysans durant les années 1970 ont constitué un élément important de la mobilisation nationale et de la guerre de libération qui ont abouti en 1980 à l’indépendance. Cependant, c’est une dynamique complexe de forces sociales, de classes et de convictions idéologiques qui a présidé au jeu des alliances et des rivalités au sein du mouvement de libération, principalement structuré en deux groupes politiques, la ZANU (Union nationale africaine du Zimbabwe) et la ZAPU (Union populaire africaine du Zimbabwe)  [1]. Les forces nationalistes, dominantes dans le Front patriotique que ces deux formations avaient constitué, dirigeaient la guerre paysanne souvent de loin, à partir de leurs bases arrières situées dans les pays voisins ; des divergences idéologiques sur les objectifs de la lutte et le type de société pour lequel ils combattaient n’ont pas tardé à se développer parmi les guérilleros et au sein de leur base d’appui rurale. Cette relation triangulaire pleine de contradictions entre paysans (et ouvriers agricoles), dirigeants nationalistes et guérilleros a donné le ton des incessants conflits relatifs à la question de la terre, depuis le compromis de Lancaster House signé avec la Grande-Bretagne en 1979  [2] jusqu’à ce jour.

4La politique de réconciliation nationale appliquée au lendemain de ce compromis posait un problème politique majeur, puisqu’en protégeant de fait la propriété des colons elle obligeait ceux qui avaient contribué au changement politique à patienter, notamment en ce qui concernait la redistribution des terres. Une recomposition politique s’est très rapidement opérée, les forces nationalistes de l’État s’alignant de plus en plus sur la petite bourgeoisie et sur les élites noires naissantes, tandis que le rôle politique des paysans et des combattants de la libération demeurait limité.

5Dès le lendemain de l’indépendance, des tensions sont ainsi apparues entre l’État et les anciens guérilleros dont le désarmement et la démobilisation n’ont été accompagnés ni de soutien financier ni d’aide à la réinsertion dans la vie civile. Certes, un tiers d’entre eux environ ont été incorporés dans l’armée régulière ou dans d’autres organes de l’État, mais un grand nombre s’est retrouvé sans terre, sans emploi et sans moyens de subsistance, victimes du sida et de la pauvreté en milieu rural  [3].

6Convaincus que le parti au pouvoir avait abandonné les objectifs de la lutte de libération, ces vétérans démunis ont très vite cherché à se réorganiser pour pouvoir peser sur les choix du gouvernement. De son côté, la ZANU-PF – qui avait tendance à assimiler leur attitude critique à la dissidence qui sévissait alors au Matabeleland parmi les guérilleros mal démobilisés de la ZIPRA  [4] – s’efforçait de faire obstacle à leur mobilisation. L’accord signé en 1988 entre la ZAPU et la ZANU, visant à mettre fin aux hostilités ethniques, et l’union scellée entre les deux anciennes armées de la guérilla, la ZIPRA et la ZANLA  [5], ont eu pour conséquence, entre autres, la constitution de l’Association nationale des vétérans de la guerre de libération du Zimbabwe (ZNLWVA). Celle-ci s’est aussitôt employée à exprimer les insatisfactions provoquées par la démobilisation bâclée. Elle a notamment soulevé les questions relatives à l’indemnisation des invalides de guerre et à l’aide qu’il convenait d’apporter à ces vétérans en termes de santé et d’éducation. Sa direction était cependant peu dynamique et son action est demeurée relativement faible.

Modestes redistributions des terres et montée du mécontentement social

7L’un des principaux éléments de l’accord négocié à Lancaster House était le programme de redistribution foncière (land resettlement), mais celui-ci, très modeste et fondé uniquement sur le marché pendant une dizaine d’années, n’a guère remis en cause le quasi-monopole des fermiers blancs au sein de l’agriculture commerciale. L’objectif affiché du gouvernement était pourtant de reprendre progressivement les terres riches afin de remédier autant que possible à la pénurie de terres cultivables, responsable de la pauvreté de la paysannerie, qui représentait 80 % de la population et constitue toujours l’essentiel de sa base sociale. Lorsque de graves difficultés économiques ont surgi dans les années 1990, cette question est donc devenue un facteur croissant d’agitation sociale.

8En vertu du principe acheteur volontaire/vendeur volontaire, que le Royaume-Uni avait défendu avec acharnement et imposé, l’État choisissait les bénéficiaires et acquérait de petites superficies en passant par le marché foncier commercial, toute expropriation étant exclue. Officiellement, l’objectif était d’acheter 8 millions d’hectares, soit environ la moitié des terres agricoles « blanches », et d’y installer 162 000 ménages ruraux sans terre et petits producteurs des zones communautaires. Mais la mise en œuvre était sévèrement limitée par le principe du volontariat qui, en outre, avait tendance à faire monter les prix, sans compter que les propriétaires n’étaient en général disposés à céder que leurs terres les moins productives. La Loi d’acquisition des terres de 1986 accordait à l’État un droit de préemption sur les fermes mises en vente sur le marché et lui permettait, en théorie, d’acquérir toute surface négligée ou sous-exploitée. Toutefois, la plupart des transferts (moins de 3 millions d’hectares au cours des dix premières années) ont été en réalité des régularisations de fermes abandonnées par les blancs pendant et après la guerre et occupées par des paysans. Ces régularisations ont été complétées par l’acquisition privée, par environ 350 noirs, de fermes représentant en tout un million d’hectares  [6].

9Pour l’essentiel, le programme réinstallait des familles paysannes sur des terres acquises par l’État et subdivisées en parcelles de modèle A1, c’est-à-dire en petites exploitations de 10 à 65 hectares dont l’usage était assorti de droits à des permis annuels de résidence, de récolte, de pâturage commun et de stocks de bois  [7]. Le nombre de bénéficiaires était pourtant modeste (54 000). En outre, les terrains repris étant éloignés des zones communautaires, les relocalisations étaient souvent coûteuses et inefficaces. 70 % des superficies acquises sur le marché étaient de qualité médiocre et situées dans les régions arides du Sud ; seule une fraction minime des terres fertiles des trois provinces du Mashonaland a changé de mains  [8].

10Pour compenser les ravages de la guerre, ne serait-ce qu’en partie, on avait octroyé aux habitants des zones communautaires des crédits, des délais de remboursement et des services de commercialisation et de transport. Mais les petits exploitants déjà établis étaient plus à même de profiter de ces mesures que les paysans les plus pauvres (dont un grand nombre étaient des femmes), de sorte que ces aides ont eu plutôt tendance à accentuer la différenciation sociale. Elles ont toutefois permis que la part des livraisons en gros aux offices publics de commercialisation réalisée par les petits paysans passe en dix ans de 10 à 50 %, rejoignant le niveau de productivité des zones blanches adjacentes. Durant la même période, la production vivrière de base, le maïs, a augmenté de 90 %  [9].

11La soif de terre demeurait très forte au sein de la population pauvre et les frustrations dues aux lenteurs de la réforme agraire ont rapidement provoqué des vagues d’occupations de terres d’ampleur variable, mais généralement de caractère local. Le squatting et le braconnage de ressources sur des terres publiques ou privées ont duré pendant toute la première moitié des années 1980, exerçant une pression continue sur le gouvernement pour qu’il accélère la réforme agraire. En 1986, les occupations de terres ont été déclarées illégales et leurs auteurs expulsés ont été sommés d’attendre leur tour. Considérant que le gouvernement les avait trahis en ne saisissant pas la terre, des dissidents de la ZANU-PF ont alors appelé les paysans de la zone communautaire de Chiduku à reprendre la guérilla  [10].

12L’expulsion brutale des squatters de 1985 à 1993 a durablement marqué les esprits. Dans le Matabeleland, elle s’est ajoutée à la répression d’une rébellion d’anciens combattants de la ZIPRA et à une très grave sécheresse accompagnée de désertification, aggravant la pauvreté et provoquant de nombreux décès  [11]. Mais il arrivait également que l’État n’intervienne pas et laisse les propriétaires chasser eux-mêmes les occupants avec une violence plus grande encore. C’est au cours de cette période que se sont enracinés les conflits aigus de la fin des années 1990, d’autant que la sécheresse de 1991-1992 a entraîné de nombreux licenciements d’ouvriers agricoles, accroissant la pression sur la terre dans les zones communautaires. En 1994, les familles paysannes sans terre ou presque constituaient encore près de 40 % de la population  [12].

13Si l’État visait bien, à l’origine, une modeste expansion de l’agriculture paysanne, c’est en réalité de la mobilisation des populations pauvres et sans terre qu’est venue l’impulsion nécessaire à la réalisation de cette première phase de redistribution foncière.

L’État pris en étau

14Durant les années suivantes, le gouvernement s’est de plus en plus trouvé confronté à de vigoureuses pressions contradictoires, les unes venant des institutions internationales et des gouvernements occidentaux opposés à une redistribution radicale, les autres, nationales, favorables à la redistribution, mais exprimant des intérêts de classe divergents. Dès le début des années 1980, le FMI et la Banque mondiale avaient poussé le Zimbabwe à emprunter massivement, en pensant que le poids du service de la dette, assuré par les exportations, irait en s’allégeant grâce à la croissance économique. Il n’en a rien été : les remboursements sont montés en flèche et les bailleurs internationaux ont commencé à faire pression sur le gouvernement pour qu’il réduise ses programmes sociaux et ses aides alimentaires. En 1991, un programme d’ajustement structurel (ESAP) lui a été imposé qui l’a conduit davantage vers la libéralisation et la privatisation  [13]. Pour la population, les effets ont été désastreux : réduction des dépenses sociales, augmentation vertigineuse des prix, pertes d’emplois massives, chute importante des salaires et des revenus  [14]. Les anciens combattants ont été particulièrement touchés par la réduction du secteur public. Cela ne pouvait que les inciter davantage à se rassembler et à se mobiliser. En même temps, l’orientation exportatrice du programme d’ajustement structurel favorisait les fermiers commerciaux blancs, tandis que les agriculteurs les plus pauvres étaient de plus en plus marginalisés.

15De 1989 à 1996, le processus de redistribution des terres a été nettement ralenti, d’une part, à cause du manque de politique offensive d’acquisition de la part de l’État, d’autre part, du fait des conséquences très graves de l’ajustement structurel. Dès l’expiration de l’accord de Lancaster House, en 1990, le gouvernement a instauré de nouvelles dispositions permettant en principe aux pouvoirs publics d’obliger un propriétaire à vendre. L’objectif consistant à redistribuer en tout 8 millions d’hectares était maintenu, 5 autres millions d’hectares restant réservés aux grandes exploitations commerciales blanches cultivant des produits stratégiques. Mais cette rupture avec le principe acheteur volontaire/vendeur volontaire a soulevé de telles protestations de la part des grands propriétaires fonciers et provoqué de telles résistances de la part des bailleurs de fonds étrangers que le gouvernement n’a pu appliquer son plan. Le président Mugabe a alors accentué le ton anti-impérialiste de son discours et accusé les Britanniques de ne s’intéresser à la réforme agraire que dans le but de « protéger l’agroalimentaire expatrié »  [15].

La revendication s’organise

16Les anciens combattants avaient une influence sociale beaucoup plus grande que leur nombre relativement faible ne le laissait supposer. À bout de patience, ils ont décidé de s’organiser plus systématiquement pour revendiquer des aides sociales et économiques, et surtout des terres. Le 25 avril 1992, lors d’une réunion au ton musclé, ils ont adressé leurs revendications directement au président Mugabe. Après quoi ils sont passés à l’action : manifestations de rue, séquestrations de ministres et hauts personnages de la ZANU-PF dans leurs bureaux, troubles au cours d’une conférence internationale, chahut à l’occasion d’un discours prononcé par Mugabe le Jour des Héros, irruption dans des séances de tribunal et siège de la Présidence. En 1997, ils ont exigé le paiement de pensions et la distribution immédiate des 5 millions d’hectares restants sur les 8 millions promis. Cette fois, Mugabe – qui avait refusé avec énergie de signer la loi garantissant aux anciens combattants un pécule de démobilisation – a dû céder, et une trêve a été instaurée. En plus des avantages sociaux, les anciens combattants ont obtenu que 20 % des superficies qui seraient acquises par l’État leur soient attribués à des fins de redistribution agricole ou résidentielle. Jusque-là, ils bénéficiaient des sympathies de l’opinion, mais lorsque la décision a été prise de lever une taxe pour payer les pensions – décision autour de laquelle les médias ont fait grand bruit sans prendre la peine d’expliquer vraiment le problème de la réinsertion des anciens combattants –, le tollé a été tel que le nouvel impôt a été aussitôt annulé  [16].

17Les actions de l’année 1997 ont poussé le gouvernement à changer de politique et à dresser une liste de 1 471 exploitations à soumettre à la vente obligatoire. Cependant, la grande majorité des fermes concernées, dont les propriétaires relevaient de diverses catégories  [17], ont été retirées de la liste après une série de recours et de litiges. Au final, il n’en restait plus que 102 pour le resettlement, mais les moyens financiers de l’État ne lui permettaient d’en acquérir que 50  [18].

18En 1998, une « conférence des donateurs » a été réunie pour « mettre les choses au clair » et élaborer des programmes de réforme agraire sur cinq et dix ans. Le FMI, la Banque mondiale et l’Union européenne ont promis leur soutien  [19], le Royaume-Uni persistant à préconiser le retour à l’ajustement structurel. Par la suite, les États-Unis et le Royaume-Uni ont invoqué, entre autres, la participation du Zimbabwe à la guerre en République démocratique du Congo comme prétexte pour prendre des sanctions et retirer leur participation – annoncée lors de cette conférence – au financement conditionnel d’une « phase initiale » de redistribution  [20]. La majorité des fonds promis n’étant toujours pas arrivée un an après la conférence, le gouvernement zimbabwéen a décidé de modifier la Constitution pour libérer l’État de toute obligation de compenser les réquisitions de fermes blanches, à l’exception des améliorations en immobilisations  [21].

Polarisation sociale accrue et émergence d’une opposition politique

19L’ajustement structurel a considérablement accru la pression sur la terre et le besoin d’une production de cultures vivrières, provoquant une intensification des luttes qui ont souvent pris la forme d’occupations paysannes. Au lieu de se préoccuper des besoins alimentaires du pays, les grands exploitants, quant à eux, se sont massivement reconvertis à la culture de produits d’exportation rentables (tels que le tabac et les fleurs) et à l’élevage de gibier en ranch, ou ont laissé des terres inexploitées afin de protéger la faune sauvage.

20L’attitude offensive des anciens combattants était par ailleurs contagieuse. Il y a eu des vagues de manifestations, de grèves et de stayaways[22], et même les ouvriers agricoles, fort peu organisés  [23], se sont parfois mis en grève durant cette période.

21La montée des oppositions de type politique et l’apparition d’une organisation de la « société civile » contre l’État a été qualifiée d’« alliance peu sainte, entre le syndicat ZCTU (Zimbabwe Congress of Trade Unions), les employeurs et les grands exploitants agricoles blancs rendus furieux par la désignation de fermes [destinées à l’expropriation] »  [24]. Bénéficiant d’un fort appui financier et politique des États-Unis et de l’Union européenne, le mouvement ouvrier mené par le ZCTU s’est d’abord transformé en mouvement pour la réforme de la Constitution puis en véritable parti d’opposition, le MDC (Mouvement pour le changement démocratique)  [25]. Pendant un temps, il a également attiré certaines fractions de la petite bourgeoisie urbaine et des ouvriers inorganisés, qui s’intéressaient moins à la réforme agraire qu’à la crise économique dont ils souffraient, et qui espéraient que le nouveau mouvement d’opposition pourrait former une coalition. La caractère répressif de la réaction gouvernementale, avec notamment l’arrestation de nombreux opposants, n’a fait qu’alimenter la polarisation politique. Celle-ci, qui touchait également les intellectuels, ne se réduisait pas à un alignement simpliste pour ou contre le gouvernement et le parti dominant. Toutes les couches sociales se battaient, selon des visions politiques très diverses, pour défendre leurs propres intérêts dans un contexte de difficultés économiques croissantes et de critique de l’État. Il est important de noter que, durant toute cette période, les discours qui ont alimenté le débat social à l’intérieur du pays – de même que le battage médiatique occidental contre le Zimbabwe et les fréquentes interventions de George Bush et de Tony Blair à ce sujet – portaient souvent sur des questions de démocratie et de droits de l’homme. Pourtant, ce qui se trouvait au cœur de cette agitation était bien le conflit – beaucoup plus large – relatif à l’adhésion ou non du Zimbabwe au projet néolibéral de l’Occident et à la position stratégique des fermiers blancs en tant que piliers de l’économie agraire au sein de ce projet. En fait, ces discours sur la démocratie tendaient à expulser du débat, ou du moins à ne reconnaître que pour la forme, le droit démocratique fondamental de la population majoritairement rurale à accéder à la terre et à mettre fin aux structures coloniales de la propriété.

22Il y a donc eu plusieurs effets sur la réforme agraire. En partie en réponse aux pressions venues « d’en bas », c’est-à-dire des paysans et des anciens combattants, l’État s’acheminait vers l’acquisition de fermes à redistribuer indépendamment du marché foncier, et ce dans un contexte de détérioration de l’économie et d’un besoin de plus en plus fort de terres productives. Par ailleurs, si une fraction des élites d’affaires aspirait à l’indigénisation du capital, de la terre et des moyens de production, d’autres segments de ces mêmes catégories sociales se ralliaient au modèle libéral et préconisaient des relations plus étroites avec le capital international. Quant aux classes moyennes noires en expansion, tant urbaines que rurales, elles réclamaient elles aussi davantage de terres. Ces effets n’étaient pas en eux-mêmes contradictoires : ils reflétaient la croissance rapide de l’influence, au sein et dans l’entourage du gouvernement, des élites noires, qui, tout en étant favorables à l’idée d’une redistribution des terres possédées par les colons blancs, ne l’envisageaient pas nécessairement au profit des paysans les plus pauvres. Et tout cela s’est produit dans le contexte d’une nouvelle situation internationale unipolaire, où les États occidentaux imposaient au Zimbabwe une série de conditions impossibles à satisfaire, visant la reprise du chemin de la dépendance, de l’alourdissement de la dette extérieure et d’une production agricole presque exclusivement tournée vers l’exportation, le tout étant bien sûr lié à leur principal objectif qui était d’empêcher l’expropriation des grands exploitants blancs.

Un tournant décisif

23En 1998, les anciens combattants ont occupé des terres à Svosve et Goromonzi. Ces actions, rejointes ou soutenues par les paysans, les chefs et les dirigeants politiques locaux, ont provoqué un affrontement direct avec l’État, la ZANU-PF et le président Mugabe et ont par la suite poussé l’État à établir une nouvelle liste de fermes à acquérir. Elles ont été également à l’origine de la vague d’occupations de terres qui a déferlé sur tout le pays en février 2000  [26].

24Svosve et Goromonzi sont situées dans la province du Mashonaland oriental. Dans cette région connue pour ces terres fertiles, les paysans des zones communautaires souffraient depuis longtemps d’une cruelle insuffisance de terres et vivaient en situation de conflit avec les fermiers blancs propriétaires de grandes exploitations commerciales avoisinantes. La première ferme occupée à Goromonzi n’a pas été choisie au hasard : on disait que pendant la guerre de libération son propriétaire, Shiro, avait capturé des guérilleros et des habitants de Chikwaka et les avait jetés vivants dans un puits de mine désaffecté après les avoir torturés.

25Svosve et Goromonzi ont été occupées respectivement en juillet et en octobre, mais ces actions avaient été longuement préparées et organisées. À Svosve, ce sont d’anciens combattants fixés à Harare et entrés en contact avec d’autres vétérans cultivateurs de la région qui ont été à l’initiative des occupations. Après avoir discuté trois jours durant, ils ont fini par mobiliser les dirigeants locaux, les autorités traditionnelles et les médiums spirituels pour organiser l’occupation de la ferme Igava. Ensuite, ils ont fait le choix tactique de rester à l’arrière-plan et de laisser les personnalités locales diriger le mouvement.

26À Goromonzi, le chef local, ses conseillers et les vétérans – qu’ils fussent paysans ou fonctionnaires de l’administration locale ou du Rural District Council – ont encadré les paysans et les ouvriers agricoles pour lancer l’occupation de la ferme de Shiro et de dix autres fermes des environs. Ces opérations se sont ensuite étendues aux exploitations commerciales voisines de la zone communautaire de Chinamora, à 20 kilomètres.

27Chaque fois, l’État a réagi tout de suite en envoyant sur place la police, l’Organisation centrale du renseignement (CIO), des ministres et des militants de la ZANU-PF dotés des moyens les plus efficaces pour expulser les occupants.

28À Goromonzi les anciens combattants se sont emparés de documents appartenant à des fermiers blancs. Ils ont ainsi découvert que ces derniers étaient en train de mettre en place une stratégie de sabotage économique dans le but de provoquer la défaite électorale de la ZANU-PF et d’isoler les vétérans en lutte. Il était également question dans ces documents d’intervention britannique et américaine. L’aggravation des antagonismes sociaux entre le mouvement d’opposition essentiellement urbain, allié aux grands propriétaires terriens, et le mouvement pour la terre, aux bases essentiellement rurales – le second accusant le premier de former un « parti de la trahison » hostile à une redistribution de grande ampleur –, est due en partie à la découverte de ces documents mais aussi aux manœuvres entreprises de concert par les fermiers blancs et le MDC pour chasser les occupants, en ayant recours notamment, à des milices.

Le processus constitutionnel

29Plusieurs mobilisations ayant réclamé en 1996-1997 une modification de la Constitution, le gouvernement a créé en avril 1999 une Commission constitutionnelle au sein de laquelle les anciens combattants étaient représentés en tant que groupe d’intérêts. Le processus a débouché sur l’organisation d’un référendum en février 2000, consultation que la ZANU-PF comme le nouveau parti MDC ont d’emblée considéré comme un test pour les élections générales qui allaient avoir lieu au mois de juin suivant. Pour les vétérans, le changement constitutionnel offrait la possibilité de corriger par la voie du droit l’héritage colonial et les déséquilibres fonciers. Pour les fermiers blancs et le MDC, il s’agissait de consolider leur alliance et de s’organiser activement pour le « non », surtout après que les vétérans eurent obtenu, à force de manifestations et de pétitions adressées au Haut Commissaire britannique et au ministre de la Justice, une modification de la clause sur la terre dans le texte soumis au vote. Cette modification était réclamée au motif que « le prix de la terre [avait déjà] été payé par le sang de ceux qui étaient tombés à la guerre »  [27], et que l’indemnisation des expropriés, outre qu’elle renforçait la position des grands propriétaires, était un déni de ce sacrifice.

30Le « non » l’ayant emporté, des vétérans de Masvingo ont aussitôt lancé un mouvement d’occupations dans cette province. Tout aussi rapidement, le mouvement a été suivi dans différentes zones du pays, ouvriers des villes, fonctionnaires, paysans et ouvriers agricoles étant mobilisés pour occuper les fermes. La défaite du projet constitutionnel indiquait par ailleurs que l’opinion était peut-être en train de basculer en faveur du jeune parti d’opposition, ce qui, dans la perspective des élections de juin, représentait un sérieux problème pour la ZANU-PF et le président Mugabe. Ce sont ces considérations qui expliquent dans une large mesure la décision ultérieure de la ZANU-PF de s’allier à l’Association des vétérans et de mobiliser l’appareil d’État pour soutenir et légitimer les occupations.

Les occupations de 2000

31Des anciens combattants, des paysans, des ouvriers agricoles, des jeunes et beaucoup de chômeurs ruraux ont participé au mouvement de l’année 2000. D’après les vétérans qui ont dirigé localement les occupations, celles-ci étaient « spontanées, [sans] programme central ni du parti ni du gouvernement ni de la direction nationale des vétérans (…) pour les guider ou les organiser »  [28].

32De leur côté, le MDC, les fermiers blancs et différents groupes de la société civile ont réagi, parfois violemment, en mobilisant les ouvriers agricoles pour protéger les fermes, voire en attaquant les occupants  [29]. Ceux-ci ont alors modifié leur stratégie : ils ont essayé de rallier les ouvriers agricoles à leur cause. Pour les inciter à rejoindre le mouvement, ils ont organisé des pungwe, des réunions politiques, qui duraient parfois toute la nuit et au cours desquelles ils expliquaient les enjeux et les objectifs de leur lutte. Selon certains vétérans, le ralliement et la participation active des ouvriers agricoles ont été décisifs dans le succès des occupations qui ont suivi, notamment dans les trois provinces du Mashonaland. Ce jugement contredit l’affirmation fréquente selon laquelle tous ces ouvriers seraient restés passifs, voire auraient été hostiles au mouvement.

33Plusieurs critères entraient en jeu dans le choix des fermes à occuper : tout d’abord, l’étendue de l’exploitation et/ou sa proximité avec une zone communautaire. En cela, les occupants s’inspiraient de la politique publique puisqu’ils visaient tout particulièrement les terres exploitées les plus proches, les terres sous-utilisées, celles qui appartenaient à des fermiers blancs (ou noirs) possédant plusieurs propriétés, celles dont la superficie dépassait les limites fixées pour chaque région agro-écologique ou celles qui avaient déjà figuré sur des listes officielles. Mais ils s’en prenaient également aux propriétaires blancs notoirement racistes ou connus pour maltraiter ou mal payer leurs ouvriers, et à ceux qui avaient joué un rôle particulièrement séditieux durant et depuis la guerre de libération, qui avaient été membres de l’organisation paramilitaire rhodésienne des Selous Scouts, ou qui étaient identifiés comme susceptibles de centraliser la résistance au mouvement.

34Si la plupart des occupations de cette vague de l’année 2000 ont été dirigées par des anciens combattants, certaines ont été organisées par des paysans et des ouvriers agricoles, chaque groupe employant des tactiques différentes. Les premiers s’appuyaient sur leur expérience de commandants, de commissaires politiques ou d’agents de renseignement durant la guerre de libération. Ils établissaient leurs bases dans les fermes et coordonnaient à partir de là les groupes d’occupants. Les paysans et les ouvriers agricoles agissaient, au contraire, sous l’égide de chefs traditionnels et de médiums, qui convoquaient des bira, des réunions religieuses et rituelles, et au sein de communautés pour lesquelles le combat contre les exploitants blancs répondait avant tout à des revendications d’autochtonie d’ordre culturel et historique.

35Au sein du gouvernement, les réactions étaient loin d’être univoques, les divisions se creusant davantage dans l’appareil d’État et dans le parti au pouvoir. À titre d’exemple, le vice-président Msika, qui assurait l’intérim en l’absence temporaire de Mugabe, a donné l’ordre à la police de mettre le feu aux cahutes des occupants. Mais, à son retour, le président n’a pas condamné les actes d’occupation. Qui plus est, il a annoncé que le gouvernement n’interviendrait pas pour y mettre fin  [30]. En fait, l’État a plutôt cherché à imposer sa direction sur le mouvement d’occupation des terres après le mois de mars. Pour assurer ce contrôle « d’en haut », il a eu recours à une grande diversité de moyens, allant du vote de nouvelles lois à l’usage de la violence en passant par la persuasion et l’infiltration des groupes d’anciens combattants  [31].

La réforme accélérée et ses implications

36Les échanges – très médiatisés – de propos acerbes entre Blair et Mugabe, le premier invoquant la « bonne gouvernance », le second s’indignant de l’ingérence étrangère dans les décisions d’un État souverain, puisent leurs racines dans un conflit de longue date avec l’ancienne puissance coloniale, conflit portant notamment sur le financement de la réforme agraire  [32]. La plupart des États occidentaux ont fait cause commune avec le Royaume-Uni contre une redistribution radicale fondée sur l’expropriation, en insistant sur son droit d’ingérence et sur la non-légitimité du gouvernement de Mugabe qui ne se pliait plus aux règles néocoloniales établies en 1980. Pendant plusieurs années, les pressions internationales exercées sur le Zimbabwe n’ont cessé de s’accroître, les sanctions diplomatiques et économiques, de plus en plus sévères, étant parfois coordonnées avec les réseaux de résistance ou les campagnes de presse des exploitants blancs (soutenus par la diaspora rhodésienne) ; ceux-ci accumulaient par ailleurs des stocks de céréales qu’ils vendaient à titre privé ou qu’ils brûlaient en signe de protestation, en pleine pénurie alimentaire. Le discours des puissances occidentales sur la démocratie, l’État de droit, la « bonne gouvernance » et le pluralisme politique était totalement en contradiction avec leur stratégie de coercition consistant, précisément pour des raisons de désaccord politique, à couper les crédits financiers et l’aide aux importations de pétrole et d’autres biens de base, à suspendre l’aide alimentaire et la fourniture de médicaments contre le sida, tout cela dans le double but de déstabiliser l’économie zimbabwéenne et de faire porter au gouvernement la responsabilité des dégâts. De leur côté, les gouvernements britannique et américain, souvent soutenus par l’Union européenne et l’Australie, ne dissimulaient guère leur intention de remodeler le paysage politique national du Zimbabwe, finançant presque ouvertement plusieurs groupes de presse se posant en ONG nouvellement constituées et cherchant à consolider les forces politiques d’opposition pour faire tomber le gouvernement ZANU-PF. Les secrétaires d’État américains, Colin Powell puis Condoleezza Rice, l’ont du reste laissé entendre à plusieurs occasions  [33].

Le basculement de la répartition des terres héritée de l’époque coloniale

37En 1987,2,8 millions d’hectares seulement avaient été redistribués sur les 8 millions promis par le gouvernement et, en 2000, cette superficie ne s’était accrue que de 0,7 million d’hectares. Dans un contexte caractérisé, d’une part, par les très fortes réticences de l’étranger à soutenir une politique publique d’acquisitions, même compensées, d’autre part, par une vague d’occupations menées par une population rurale extrêmement mobilisée, l’État s’est senti contraint de procéder à une réforme radicale. Mais c’est seulement après que le mouvement d’occupations des terres lancé par les vétérans de la guerre de libération eut imposé la question de l’expropriation en occupant les fermes, que le gouvernement est passé à l’acte.

38Après les élections de juin 2000, il a donc établi un nouveau lot, assez important, de fermes susceptibles de faire l’objet d’expropriations mais cette fois par la « voie rapide » (fast track), et sans indemnisation. À la fin de l’année 2003,7 millions d’hectares environ de grandes exploitations jusque-là détenues par des blancs avaient été redistribuées à des fermiers noirs appartenant à différentes catégories sociales : la répartition de la propriété foncière entre noirs et blancs en a été inversée de manière décisive. Selon les données arrêtées en novembre 2004,141 000 familles ont reçu des parcelles de type A1 couvrant au total 4,2 millions d’hectares et 2,3 millions d’hectares de terres de type A2, c’est-à-dire destinées à l’exploitation commerciale, ont été répartis entre 14 500 bénéficiaires de parcelles. Les fermiers blancs ont officiellement conservé 3 à 4 % des terres agricoles (les avis divergent quant à une évaluation précise) et les grandes entreprises agricoles – souvent étrangères – ont continué d’en exploiter environ 4 %. À cette époque, plus de 2 millions d’hectares étaient encore non attribués  [34].

39Ce changement frappant s’est pourtant accompagné d’une différenciation sociale accrue. S’il est vrai que la majorité des terres ont bien été redistribuées aux populations rurales pauvres, l’expansion des zones communautaires – où, répartition coloniale oblige, plus d’un million de familles paysannes travaillent des sols ingrats pour assurer leur subsistance – n’est toujours pas suffisante pour atténuer vraiment la densité de ces zones surpeuplées. Il semble également que très peu de terres aient été attribuées aux ouvriers agricoles. Or beaucoup d’entre eux sont des femmes en situation d’emploi précaire et sans droits à la terre. Elles accomplissent presque 70 % du travail agricole mais ont reçu moins de 20 % des terres redistribuées. En revanche, des familles urbaines, dont environ 10 % sont des parents et des amis de chefs influents, fonctionnaires, enseignants et hommes d’affaires de la campagne, se sont vu attribuer un tiers des terres transférées  [35].

40Les anciens combattants, quant à eux, ont bénéficié d’un peu moins que les 20 % promis. Or, dans les régions où ils avaient participé aux occupations, ces vétérans espéraient, comme beaucoup de paysans, être réinstallés sur des fermes de catégorie A2, ce qui n’a pas été le cas. Les raisons invoquées – incapacité à produire un projet d’exploitation en anglais, manque de capitaux ou insuffisance de qualifications « professionnelles » en agriculture – ont été mal acceptées par les anciens combattants  [36].

41Le fait que l’accès des ouvriers agricoles à la terre ne se soit guère amélioré a également soulevé de vives controverses, rendues plus complexes encore par le fait que beaucoup d’entre eux étaient considérés comme « étrangers », parce que descendants d’immigrés en provenance du Malawi ou du Mozambique. Sur ce point précis, le débat s’est cependant apaisé, de nombreux ouvriers agricoles ayant obtenu la nationalité zimbabwéenne depuis la réforme. « On ne [pouvait] pas leur dire de rentrer chez eux : c’est ici, chez eux ! », a expliqué un ancien administrateur des redistributions, lui-même vétéran  [37].

42Un grand nombre d’ouvriers agricoles sont retournés dans les zones communautaires, d’autres ont été réembauchés par les nouveaux exploitants noirs ; beaucoup, aussi, se sont faits orpailleurs. Le fait que si peu de femmes et d’ouvriers agricoles aient reçu des terres ne tient pas seulement aux carences administratives, aux discriminations ethniques ou aux idées « traditionnelles » concernant les agricultrices et leurs droits en tant que femmes à posséder de la terre. Il renvoie surtout à une politique de quasi-exclusion d’un segment important des populations rurales défavorisées qui auraient dû, normalement, être prioritaires dans l’accès au statut de nouveaux petits fermiers, d’autant plus qu’elles sont sans nul doute plus expérimentées – même si elles sont beaucoup moins pourvues en capital et en influence – que les hommes d’affaires et autres citadins bénéficiaires de la réforme qui, ces dernières années, se sont éloignés des activités agricoles.

43Les interminables procès intentés par les fermiers blancs pour contester leur expropriation ont ralenti la mise en œuvre des transferts. Certains ont même essayé de se venger en agressant physiquement les arrivants ou en brûlant leurs maisons  [38]. D’autres, dont la taille des propriétés ne dépassait pas la limite maximale fixée par la réforme, sont restés sur place et coopèrent avec les nouveaux fermiers noirs. La Loi sur les occupants des terres rurales votée en mars 2001 a instauré pour ceux qui avaient occupé des terres avant cette date une modeste protection juridique contre l’expulsion injustifiée par les autorités, par les anciens propriétaires blancs ou par des prétendants noirs envieux  [39]. Par ailleurs, comme cela arrive fréquemment dans les pays en voie de développement, la réforme agraire a rapidement été suivie de multiples pressions exercées sur les bénéficiaires les plus pauvres pour les obliger à revendre leurs terres. C’est sans doute l’une des raisons de la nationalisation des terres. Le 17e amendement constitutionnel, disposant que toute terre agricole est propriété de l’État, a été adopté en octobre 2005 et complété en mars 2006 par des mesures visant à sécuriser la tenure foncière comme l’instauration des baux à long terme. Avant cette loi, quelques « hommes d’affaires » avaient su profiter de la confusion générale et de la lenteur avec laquelle les autorités apportaient leur appui aux nouveaux fermiers pour dépouiller certains d’entre eux de leurs terres contre des sommes dérisoires  [40]. La gestion des transferts de terre par l’administration a été inégale, influencée en certains endroits par des membres des comités fonciers de province ou de district, que ce soit des hauts fonctionnaires, des chefs, des hommes d’affaires ruraux ou des vétérans. Le rapport 2003 de la Commission chargée d’enquêter sur la réforme agraire relève un certain nombre d’« irrégularités » : des attributions de propriétés à des ministres et à leurs proches plutôt qu’aux personnes inscrites sur les listes d’attente ou l’allocation à certains individus de plus d’une ferme ou de terres dont la superficie totale dépasse la limite maximale autorisée. Cependant, les anciens combattants et les comités fonciers locaux ont fait éclater au grand jour la corruption qui règne au niveau de l’État et, avec l’appui des fonctionnaires locaux, ils ont pu veiller à ce que la distribution soit plus équitable  [41].

44La nécessité de réagir aux occupations de terres opérées « d’en bas » a intensifié les divisions politiques qui existaient au sein de la ZANU-PF et du gouvernement, divisions liées en partie aux enjeux de l’échéance électorale de juin 2000 et à l’urgence pour le parti de retenir son électorat rural. Toutefois, on ne saurait réduire le mouvement d’occupation des terres au Zimbabwe à un simple calcul électoral dans lequel les anciens combattants auraient joué le rôle de « troupes de choc » pour sauver un gouvernement en crise, comme l’affirment certains auteurs  [42]. Le soutien apporté « par en haut » était du reste plein de contradictions et l’État n’a pu maîtriser le mouvement des occupations qu’au bout de trois ans  [43]. Si l’élite au pouvoir a réussi à coopter la direction nationale de la ZNLWVA, les tensions politiques n’ont pas disparu à la base  [44]. Par ailleurs, dans toutes les provinces du pays, de nombreux anciens combattants continuent à contester la distribution des meilleurs lots qu’ils jugent discriminatoire à l’égard des populations déshéritées des campagnes  [45]. Au-delà des contestations, la mise en œuvre de ces changements pose des problèmes concrets dont la résolution prendra du temps. Il existe encore de graves pénuries. L’accès aux carburants, aux semences, aux engrais et autres biens indispensables à la production demeure insuffisant, le labour et les infrastructures également. En outre, les pressions concernant les terrains résidentiels et la crise du logement exigent une solution urgente, comme l’ont dramatiquement souligné les démolitions et expulsions massives dans les zones périurbaines pendant l’opération de « nettoyage », Murambatsvina, en 2005.

45L a réforme a également fait l’objet de nombreuses critiques relatives à des questions de gouvernement et de société, dont celle de la place accordée à l’expression du désaccord politique, même si certains de ses anciens adversaires justifient aujourd’hui la réforme  [46]. Les censeurs ont tendance à exempter les puissants lobbies internationaux de leur responsabilité dans la paralysie de l’économie, ce qui leur permet de défendre l’argument néolibéral qui veut qu’une « mauvaise gouvernance » provoque immanquablement la faiblesse de la productivité (et de la rentabilité) et la détresse de la population. Il faut bien distinguer, d’une part, les problèmes auxquels il est possible de trouver une réponse dans le cadre de pensée nationaliste des dirigeants ZANU-PF et dans le contexte d’un renforcement du marché intérieur, d’autre part, les problèmes dont la solution passerait par l’adoption d’un cadre tout à fait différent : soit une transformation plus profonde des rapports fonciers actuels et de la société, transformation qui, dès lors, serait plus conforme aux objectifs de libération partagés par une partie des anciens combattants, de la paysannerie et des intellectuels, soit, à l’inverse, le retour le plus rapidement possible aux contraintes du marché, à la dynamique de reconcentration foncière et à la dépendance complète vis-à-vis de l’Occident et de ses institutions financières internationales.

46Le mouvement des anciens combattants a été partie prenante dans les changements majeurs intervenus au Zimbabwe ces dernières années ; ses débats internes, ses polarisations sont ceux de la société zimbabwéenne dans son ensemble. La question de la direction qu’il prendra demeure donc ouverte  [47]

47Traduit de l'anglais par Rachel Bouyssou

Notes

  • [1]
    Terence Ranger, Peasant Consciousness and Guerrilla War in Zimbabwe, Oxford, James Currey, 1985 ; Josiah Tungamirai, « Recruitment to ZANLA : Building up a War Machine », dans Ngwabi Bhebe, Terence Ranger (eds), Soldiers in Zimbabwe’s Liberation War, Oxford, James Currey, 1995, p. 36-45. La politique et l’idéologie du Front patriotique, composé de la ZAPU et de la ZANU, créées respectivement en 1961 et 1963, étaient imprégnées des divers courants du nationalisme révolutionnaire qui prévalaient en Afrique durant cette période. La lutte pour la libération a très vite pris la forme d’une guérilla contre les colons et le régime rhodésien, à l’instar, notamment, du combat indépendantiste au Mozambique. S’il existait d’importantes divisions (reflétées en partie par l’opposition entre la ZAPU, implantée surtout chez les Ndebele et inspirée par l’URSS, et la ZANU, principalement Shona et penchant plutôt, à l’époque, vers l’expérience chinoise), un large soutien s’est manifesté au sein des différentes couches sociales, mais surtout dans la majorité paysanne, en faveur du gouvernement de la ZANU élu en 1980. Les deux partis ont fusionné en 1988 pour former la ZANU-PF.
  • [2]
    Accord négociant la fin de la guerre et l’indépendance du Zimbabwe.
  • [3]
    Knox T. Chitiyo, « Reconceptualising Zimbabwe’s Land and War Veteran’s Debate », Track Two, Centre for Conflict Resolution, Université du Cap, 2000.
  • [4]
    L’Armée populaire révolutionnaire du Zimbabwe. Il s’agit notamment de ceux qui rejoignaient les partis d’opposition comme le Zimbabwe Unity Movement (ZUM) fondé par l’ancien combattant nationaliste Edgar Tekere.
  • [5]
    L’Armée nationale africaine de libération.
  • [6]
    Human Rights Watch, « Fast-track Land Reform in Zimbabwe », 2002, p. 6 (hhttp :// www. hrw. org/ reports/ 2002/zimbabwe/) ; Sam Moyo, « The Political Economy of Land Redistribution in the 1990s », dans Tanya Bowyer-Bower, Colin Stoneman (eds), Land Reform in Zimbabwe : Constraints and Prospects, Aldershot, Ashgate, 2000, p. 73-81.
  • [7]
    S. Moyo, « Economic Nationalism and Land Reform in Zimbabwe », Harare, SAPES Trust, 1994, p. 5.
  • [8]
    Tom Lebert, « An Introduction to Land and Agrarian Reform in Zimbabwe », Johannesburg, National Land Committee, 2003, p. 10.
  • [9]
    Ted Baumann, « Zimbabwe Ten Years on : A Critical Survey of State Policy and Implications for South Africa », Université du Cap, manuscrit non publié, 1990, p. 6.
  • [10]
    T. Ranger, Peasant Consciousness and Guerrilla War in Zimbabwe, op. cit..
  • [11]
    K. T. Chitiyo, « Reconceptualising Zimbabwe’s Land and War Veteran’s Debate », art. cité.
  • [12]
    S. Moyo, « The Land Occupations Movement and Democratisation in Zimbabwe : The Contradictions of Neoliberalism », Millenium : Journal of International Studies, 2001, p. 14-16.
  • [13]
    Robin Palmer, « Mugabe’s “Land Grab” in Regional Perspective », dans T. A. S. Bowyer-Bower, C. Stoneman, Land Reform in Zimbabwe : Constraints and Prospects, op. cit., p. 15-23.
  • [14]
    C. Stoneman, « Zimbabwe : A Good Example Defused », Indicator South Africa, Université de Durban, 15 (2), 1998. La Banque mondiale elle-même, dans son rapport de 1999 sur le Zimbabwe, a estimé que le nombre de ménages pauvres avait atteint plus de 60 % lors du programme d’ajustement structurel. Cf. Human Rights Watch, « Fast-track Land Reform in Zimbabwe », cité.
  • [15]
    The Herald, 26 juillet 1990.
  • [16]
    C. Stoneman, « Zimbabwe : A Good Example Defused », art. cité. Cette affaire a été à l’origine de fuites de capitaux. Le Centre pour l’économie indigène a relevé à cette occasion qu’il n’y avait pas eu de réaction analogue lorsque les vétérans rhodésiens s’étaient vu attribuer des pensions représentant quelque 10 millions de dollars, et en devises fortes très rares. Cf. The Herald, 8 décembre 1997.
  • [17]
    Sociétés zimbabwéennes (58 %), particuliers (24 %), multinationales (13 %), secteur public (2 %), Églises et ONG (1,6 %), Chemins de fer nationaux et Commission de l’entreposage frigorifique (2 fermes). Voir S. Moyo, « The Political Economy of Land Redistribution in the 1990s », cité.
  • [18]
    Government of Zimbabwe, « Brief for Negotiations on the Land Reform and Resettlement Programme between the Zimbabwean and the British Governments », 2000.
  • [19]
    Au cours de la conférence, la Chine (intéressée par les richesses minérales du Zimbabwe) a offert des tracteurs et des moulins ; les Pays-Bas et le Koweit ont promis une aide financière et technique. Voir Lewis Machipisa, « Zimbabwean Women Demand Land in their Own Right during Donor Conference », Inter Press Service, 14 septembre 1998.
  • [20]
    IRIN (UN Integrated Regional Information Networks), 14 août 2001.
  • [21]
    Un fonds spécial a été créé auquel l’ancienne puissance coloniale ou d’autres acteurs pouvaient cotiser pour indemniser les fermiers blancs. T. Lebert, « An Introduction to Land and Agrarian Reform in Zimbabwe », cité.
  • [22]
    Mouvement social consistant à s’abstenir d’aller au travail ou de poursuivre toute autre activité quotidienne.
  • [23]
    Selon S. Moyo, le syndicat des ouvriers agricoles, la General Agriculture and Plantation Workers Union of Zimbabwe (GAPWUZ), organisation conservatrice faiblement liée à la ZANU-PF, avait, à l’instar de cette dernière, peu fait jusque-là pour faire évoluer les conditions de vie semi-féodales extrêmement dures qui régnaient dans les exploitations agricoles (entretien 2004).
  • [24]
    Eldred Masunungure, « Travails of Opposition Politics in Zimbabwe since Independence », dans David Harold-Barry (ed.), Zimbabwe : The Past is the Future, Harare, Weaver Press, 2004, p. 147-192.
  • [25]
    Un petit groupe d’anciens combattants, la Zimbabwe Liberator’s Platform, a quitté la ZNLWVA et rallié le MDC.
  • [26]
    Cette partie de notre article repose sur les investigations et entretiens conduits par Wilbert Sadomba avec des occupants de terres en 2000.
  • [27]
    Daily News, 12 janvier 2000.
  • [28]
    Entretiens conduits par W. Sadomba entre 2000 et 2005 avec des ouvriers agricoles, des anciens combattants, des fermiers blancs ; observation participante à Mvuma, Shurugwi, Mazowe, Chiweshe et Gomba.
  • [29]
    Au total, 4 exploitants blancs et 11 ouvriers agricoles noirs sont morts durant le mouvement d’occupation. Voir S. Moyo, « Land Policy, Poverty Reduction and Public Action in Zimbabwe », Conférence UNDP (UN Development Programme) et ISS (Institute of Social Studies, La Haye), 2005.
  • [30]
    Interview sur CNN, le 2 mars 2000.
  • [31]
    Jocelyn Alexander, « Squatters, Veterans and the State in Zimbabwe », dans Amanda Hammar et al. (eds), Zimbabwe’s Unfinished Business. Rethinking Land, State and Nation in the Context of Crisis, Harare, Weaver Press, 2003, p. 83-117.
  • [32]
    Les opinions divergent sur la question de savoir si le gouvernement britannique a versé un tiers ou un peu plus de la moitié des 75 millions de livres qu’il avait promis en 1980. Voir T. Lebert, « An Introduction to Land and Agrarian Reform in Zimbabwe », cité.
  • [33]
    Voir N. Andrew, « Le conflit foncier au Zimbabwe et en Afrique du Sud : des scénarios similaires ? », dans « La réforme agraire et les dynamiques sociales du conflit foncier dans les campagnes sud-africaines », thèse de sociologie, Université Paris V, 2005, p. 341-391 ; Colin Powell, « Freeing a Nation from a Tyrant’s Grip », New York Times, 23 juin 2003 ; US Government, 4 et 6 avril 2000,21 décembre 2001,4 mars 2002, (http :// secretary. state. gov/ www/ briefings/ statements/ index. html) ; UK Government, « Zimbabwe Land : Questions and Answers on UK Views », DFID, avril 2003 (http :// www. britishembassy. gov. uk/ servlet/ Front ? page-name= OpenMarket/ Xcelerate/ ShowPage&c= Page&cid= 1054572534557) ; voir aussi les nombreux sites Internet de l’opposition zimbabwéenne et de la diaspora ex-rhodésienne, par exemple, Commercial Farmers Union, Zimbabwe Situation, zw news. SW Africa Radio.
  • [34]
    Government of Zimbabwe, « Report of the Presidential Land Review Committee on the Implementation of the Fast-track Land Reform Programme 2000-2002 », 2003 ; S. Moyo, « Land Policy, Poverty Reduction and Public Action in Zimbabwe », cité.
  • [35]
    S. Moyo, « Land Policy, Poverty Reduction and Public Action in Zimbabwe », cité, p. 16.
  • [36]
    Entretiens avec des anciens combattants, 2000 à 2005.
  • [37]
    Entretien avec Sam Geza, Harare, novembre 2005.
  • [38]
    Entretiens avec des bénéficiaires nouvellement installés, novembre 2005.
  • [39]
    Government of Zimbabwe, « Report of the Presidential Land Review Committee on the Implementation of the Fast-track Land Reform Programme 2000-2002 », cité.
  • [40]
    Entretien avec S. Geza, cité.
  • [41]
    Entretien avec Francis Gonese, Centre for Applied Social Studies, Université de Zimbabwe, novembre 2005 ; S. Moyo, « Land Policy, Poverty Reduction and Public Action in Zimbabwe », cité ; J. Alexander, « Squatters, Veterans and the State in Zimbabwe », cité.
  • [42]
    Andrew Meldrum, Chris McGreal, « Doctor who left a curse on Zimbabwe », Guardian, 5 juin 2000 ; « Zero Hour for Zimbabwe’s Land Snatchers », Telegraph, 22 juin 2002.
  • [43]
    S. Moyo, « The Land Occupations Movement and Democratisation in Zimbabwe : The Contradictions of Neoliberalism », art. cité.
  • [44]
    ZNLWVA, compte rendu d’une réunion de vétérans, de ministres et de hauts fonctionnaires, 18 décembre 2000 ; entretiens 2005.
  • [45]
    Provincial Stakeholder Dialogues, Harare, African Institute of Agrarian Studies, 2004.
  • [46]
    Durant nos entretiens de novembre 2005, plusieurs interlocuteurs, y compris certains exploitants blancs, ont justifié les saisies de grandes fermes et considéré qu’il ne pouvait y avoir de retour en arrière, même si des questions se posent sur le processus lui-même et naturellement sur l’avenir.
  • [47]
    Une liste complète de références bibliographiques est disponible sur le site de Critique internationale (http :// www. ceri-sciences-po. org/ cerifr/ publica/ critique/ criti. htm).
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.170

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions