Couverture de CRII_015

Article de revue

Pour un partenariat monétaire

Pages 173 à 187

Notes

  • [1]
    Note de la rédaction. L’auteur donne lui-même un peu plus loin sa propre définition de ce terme, proche de l’acception en usage aux États-Unis. Pour la traduction, nous avons gardé le mot « libéral » mais en l’encadrant de guillemets protecteurs. Lorsque le mot apparaît sans guillemets, il faut le comprendre dans le sens qu’il revêt habituellement dans le vocabulaire politique français contemporain, où il renvoie au « moins d’État » ou, comme on dit en anglais, au « laissez-faire ».
  • [2]
    Voir N. Jabko, « In the name of the market : How the European Commission paved the way for monetary union », Journal of European Public Policy 6 ( 3), 1999, pp. 475-495.
  • [3]
    H. James, International Monetary Cooperation since Bretton Woods, Washington et New York, FMI et Oxford University Press, 1996, p. 57.
  • [4]
    Voir J. Gold, « Symmetry as a legal objective of the International Monetary System », dans Legaland Institutional Aspects of the International Monetary System. Selected Essays, vol. 2, Washington, FMI, 1984, pp. 255-307.
  • [5]
    P. Einzig, World Finance since 1914, Londres, Kegan Paul, 1935, p. 117.
  • [6]
    Pour un aperçu du contexte, voir L.W. Pauly, Who Elected the Bankers ? Surveillance and Control in the World Economy, Ithaca, Cornell University Press, 1997.
  • [7]
    Voir J.G. Ruggie, Constructing the World Polity, Londres, Routledge, 1998.
  • [8]
    Comme le soutient Alan Milward de façon convaincante dans ce contexte, les pays européens ont néanmoins réussi à canaliser ce rôle de façon à préserver pour eux-mêmes un degré raisonnable d’autonomie politique. Voir, de cet auteur, The European Rescue of The Nation-State, Berkeley, University of California Press, 1993.
  • [9]
    Selon Susan Strange, le FMI a été un instrument utile, même au début. « Par une série de décisions opérationnelles locales et limitées ayant toutes les apparences de la routine, une ligne d’action s’est lentement imposée, utilisant les ressources du Fonds d’une manière très politique. Sans le dire, le FMI a ainsi fourni des ressources, non pas aux pays en ayant le plus besoin ni à ceux qui avaient adopté la meilleure conduite en matière d’application des règles mais, paradoxalement, à ceux dont les difficultés financières pouvaient mettre en danger la stabilité du système monétaire international ». « IMF : Monetary managers », dans R. Cox, H. Jacobson et al., The Anatomy of Influence, New Haven, Yale University Press, 1974, p. 272.
  • [10]
    Voir par exemple A.C. Cutler, V. Haufler et T. Porter (eds.), Private Authorityin International Affairs, Albany, State University of New York Press, 1999; T.J. Sinclair et K.P. Thomas (eds.), Structure and Agency in International Capital Mobility, Houndmills (UK), Palgrave, 2001; R.B. Hall et T.J. Biersteker (eds.), The Emergence of Private Authority, Cambridge, Cambridge University Press, à paraître.
  • [11]
    Ralph Bryant, adepte de cette position, forge cette expression ( messy globalization) dans son ouvrage Turbulent Waters : Cross-Border Finance and International Governance, Washington, Brookings, à paraître.
  • [12]
    Ibid.
  • [13]
    Voir James M. Boughton, Silent Revolution : The International Monetary Fund, 1979-89, Washington, FMI, 2001.
  • [14]
    Le fait de lier les conseils sur ces politiques à des opérations de prêts conditionnels a suscité de multiples controverses. Voir Structural Conditionality in Fund-Supported Programs, Washington, FMI, 16 février 2001 (www.imf.org ) et M. Goldstein, IMF Structural Conditionality : How much is too much ?, avril 2001, document de travail n° WP 01-4, Washington, Institute for International Economics. Pour des éléments essentiels de contexte, voir J.J. Polak, « The changing nature of IMF conditionality », Essays in International Finance 184, Princeton University, septembre 1991.
  • [15]
    Les ouvrages sur l’histoire de la Banque prouvent cette tendance. Le plus récent et le plus complet est celui de D. Kapur, J.P. Lewis et R. Webb, The World Bank : Its First Half Century, vol. 1-2, Washington, Brookings, 1997. Ces volumes prennent la suite de E.S. Mason et R.E. Asher, The World Bank since Bretton Woods, Washington, Brookings, 1973. Sur l’intérêt pour l’Amérique de promouvoir cette ligne, voir R. Wade, « The US role in the malaise at the World Bank : Get up, Gulliver », congrès de l’American Political Science Association, San Francisco, 30 août-2 septembre 2001, hhttp:// pro. harvard. edu
  • [16]
    J. Williamson (ed.), Latin American Adjustment : How much has happened ?, Washington, Institute for International Economics, 1990. H. James, op. cit., retrace soigneusement l’évolution du consensus.
  • [17]
    Voir également G. Underhill, « Keeping governments out of politics : Transnational securities markets, regulatory cooperation and political legitimacy », Review of International Studies 21 (3), 1995; L.W. Pauly, « Capital mobility, state autonomy, and political legitimacy », Journal of International Affairs 48 ( 2), 1995; et I. Hurd, « Legitimacy and authority in international politics », International Organization 53 ( 2), 1999.
  • [18]
    Pour une excellente analyse, voir C.R. Henning et P.C. Padoan, Transatlantic Perspectives on the Euro, Pittsburgh et Washington, European Community Studies Association /Brookings Institution, 2000. Pour un aperçu utile du contexte historique et théorique, voir M.A. Pollak et G.C. Schaffer (eds.), Transatlantic Governance in the Global Economy, Lanham, Rowman & Littlefield, 2001.
  • [19]
    Il est à noter que les attentes en la matière, maintenant partagées par les « libéraux » des deux côtés de l’Atlantique, dépendent d’une hypothèse préalable : la convergence des compréhensions politiques de la nature, du but et des structures plus profondes des marchés financiers. Cette supposition n’est pas sans poser de problèmes, comme le montre une génération d’ouvrages d’économie politique comparée. Voir, par exemple, S. Berger et R. Dore (eds.), National Diversity and Global Capitalism, Ithaca, Cornell University Press, 1996; H. Kitschelt etal. (eds.), Continuity and Change in Contemporary Capitalism, Cambridge, Cambridge University Press, 1999; et R. Deeg, Finance Capitalism Unveiled, Ann Harbor, University of Michigan Press, 1999.
  • [20]
    Ce thème est développé dans un contexte analytique plus large dans D.M. Andrews et al. (eds.), Governing the World’s Money, Ithaca, Cornell University Press, 2002 (à paraître).
  • [21]
    Pour une étude novatrice, voir R. O’Brien et al. (eds.), Contesting Global Governance : Multilateral Economic Institutions and Global Social Movements, Cambridge, Cambridge University Press, 2000. Voir également J.A. Scholte, Globalization : ACritical Introduction, Basingstoke, Macmillan, 2000.
  • [22]
    J.M. Boughton, op. cit., p. 2.
  • [23]
    Stanley Fisher, économiste de renom alors directeur adjoint du FMI, en a fourni un exemple récent avec « On the need for an international lender of last resort », Essays in International Economics 220, Princeton University, novembre 2000. Il est à noter à ce propos que certains des auteurs les plus en vue de la jeune littérature « libérale » sur la politique des institutions économiques et financières internationales, comme Susan Strange et Robert Cox, se sont ensuite nettement retrouvés du côté des voix les plus critiques.
  • [24]
    R. Gilpin, Global Political Economy, Princeton, Princeton University Press, 2001, pp. 382-384.
  • [25]
    Pour une analyse à références théoriques sur ce thème, voir J. Kirshner, Currency and Coercion : The Political Economy of International Monetary Power, Princeton, Princeton University Press, 1995. B.I. Cohen, « International finance and international relations theory », dans W. Carlsnaes, T. Risse et B. Simmons (eds.), Handbook of International Relations, New York, Sage, 2001, offre un bon résumé des récents travaux cherchant à conjuguer les théories d’économie politique internationale et les résultats empiriques.
  • [26]
    Les travaux actuels sur les questions importantes de droits de propriété au niveau international continuent pour cette raison à souligner l’importance de fondements sociaux et politiques nationaux. Voir par exemple J. Sgard, « Are there such things as international property rights ? », Paris, CEPII, Université de Paris Dauphine, novembre 2001.
  • [27]
    Voir par exemple N. Woods, « Governance in international organizations : The case for reform in the Bretton Woods institutions », United Nations Conference on Trade and Development, International Monetary and Financial Issues for the 1990s, vol. 9, New York, 1998, pp. 81-106; N. Woods, « Making the IMF and the World Bank more accountable », International Affairs 77 ( 1), 2001, pp. 83-100 ; P. Evans et M. Finnemore, « Organizational reform and the expansion of the South’s voice at the Fund », intervention lors de la réunion du groupe technique du G-24, Washington, 17-18 avril 2001.
  • [28]
    Voir par exemple B. Eichengreen, Towards a New International Financial Architecture, Washington, Institute for International Economics, 1999; Council on Foreign Relations Independant Task Force, Safeguarding Prosperity in a Global Financial System, Washington, Institute for International Economics, 1999; M. Goldstein, « Strengthening the international financial architecture : Where do we stand ?», document de travail 00-8, Washington, Institute for International Economics, 2000. Pour une perspective européenne excellente et exhaustive, voir B. Cœuré et J. Pisani-Ferry, « Events, ideas and actions : An intellectual and institutional retrospective on the reform of the international financial architecture », Conférence internationale CDC-CEPII-CEFI, Sienne, 23-24 mai 2000.
  • [29]
    R. Gilpin, op. cit., pp. 388-389.
  • [30]
    Le FMI a par exemple créé récemment un « Service des marchés internationaux de capitaux » très en vue qui aura un rôle central dans les opérations futures. Il expérimente également des « lignes de crédit contingentes » pour aider ses membres à combattre les crises futures, et il s’emploie à promouvoir des normes pour les rapports financiers.
  • [31]
    Pour aborder directement la question de la coordination politique au sein de l’UEM, voir P. Jacquet et J. Pisani-Ferry, « Economic co-ordination in the Euro-Zone », Center for European Reform Essays, janvier 2001. La question de l’équité des questions monétaires internationales est au cœur de l’ordre du jour de la Conférence internationale de financement du développement, réunie en mars 2002 sous les auspices des Nations unies. Pour un aperçu sur le sujet, voir IMF Survey 30 ( 22), 6 novembre 2001, pp. 368-370.
  • [32]
    Cet essai développe des thèmes abordés dans « What new architecture ? International financial institutions and global economic order », Global Governance. A Review of Multilateralism and International Organizations 7 ( 4), 2001. Je remercie l’éditeur Lynne Rienner de m’avoir autorisé à adapter certaines idées de cet article, ainsi que Jérôme Sgard et Nicolas Jabko pour leurs commentaires sur une version antérieure du présent texte.

1Les débuts de l’Union monétaire européenne s’inscrivent dans un contexte de fluidité des relations transatlantiques et, plus généralement, de la politique mondiale. Derrière la diplomatie complexe déployée par les États à propos de la lutte contre le terrorisme, du commerce international, des problèmes d’environnement, des réformes dans les pays en développement et du soutien à la croissance dans les pays dominants, se déroule un débat beaucoup plus profond sur l’ordre mondial. Tout bouge, tout est remis en question : les intérêts et les politiques classiques, les instruments de coercition et d’influence, l’exigence de droit, de lois, de justice et de légitimité. Les relations monétaires et financières internationales constituent un bon cadre d’analyse pour tenter de comprendre ce mouvement tectonique.

2Le monde a bien changé depuis 1944 et la Conférence de Bretton Woods. En particulier, l’un des postulats qui ont présidé, à l’époque, aux négociations sur l’ordre monétaire mondial est aujourd’hui soumis à rude épreuve : à savoir qu’il était possible à des entités politiques indépendantes de construire et de gérer une économie mondiale de plus en plus interdépendante. Or, si ces entités souhaitaient instaurer un régime de taux de change stable et une plus grande liberté de circulation des capitaux privés entre pays, il leur fallait bien abandonner une partie de l’autonomie de leurs politiques économiques internes. ÀBretton Woods, les principaux membres de la communauté transatlantique naissante ont apporté à cette question une réponse inédite : la création d’une sorte d’autorité monétaire internationale. Il s’agissait de détacher de son cadre national un secteur particulier de la politique économique, de créer les outils techniques d’une collaboration politique en ce domaine, et donc d’accepter certaines obligations dont l’application serait confiée à une administration internationale spécialisée. C’était implicitement s’engager sur le principe d’équité de la répartition entre pays du poids de l’ajustement aux exigences des échanges internationaux. Cet idéal et la réalité ont en pratique rarement coïncidé, mais le principe d’équité – ou, en jargon économique, de « symétrie » – n’a jamais été abandonné. Aujourd’hui, dans un environnement beaucoup plus complexe, notamment du fait d’un nombre bien plus élevé de partenaires, les États-Unis, le Canada et les membres de l’Union monétaire européenne semblent prêts à le mettre en question.

Autorité politique et interdépendance économique

3Il est à noter d’emblée que l’idée de constituer une autorité à l’échelle du système international est, philosophiquement parlant, une idée« libérale » [1]. Les « réalistes », eux, affirment qu’on ne peut tout au plus espérer qu’une stabilité systémique, laquelle s’obtient par la préservation de l’hégémonie ou, lorsque celle-ci faiblit, par l’équilibre des puissances. Rechercher les moyens de transformer du pouvoir brut en autorité reconnue, par une combinaison des notions de devoir et d’obligation, est pour eux, au mieux, accessoire. À l’opposé, d’autres analystes pensent que l’instauration d’une autorité mondiale fondée sur le sens de la solidarité humaine est une nécessité de justice, mais que c’est là une perspective plutôt vague en système capitaliste. Les « libéraux » s’inscrivent entre ces deux positions.

4J’emploie ici le terme « libéraux » en en excluant les tenants de l’ultralibéralisme. J’y place les modérés croyant en la possibilité d’une gestion avisée des marchés, les institutionnalistes pour qui un capitalisme bien tempéré est possible moyennant un minimum de codes de comportement admis par les États et les acteurs du marché, et les sociaux-démocrates pour qui tout cadre international de règles doit ménager des dispositifs protégeant les valeurs fondamentales des différentes sociétés. Au plan international, ces « libéraux » privilégient la constitution d’une autorité supranationale ou inter-étatique. Ils ne croient pas seulement possible, mais nécessaire, la domestication du pouvoir brut et des intérêts particuliers immédiats par le biais d’institutions et d’accords durables, équitables et légitimes. Les deux guerres désastreuses du XXe siècle et la Grande Dépression qui les sépare leur fournissent tous les arguments empiriques nécessaires.

5L’Union monétaire européenne est un projet « libéral » dans cette acception du terme [2] : l’espoir de souder l’unité régionale se fonde encore sur le souvenir de la guerre, auquel s’ajoute aujourd’hui, après la guerre froide, la volonté de stabiliser et de rendre prospères les pays de l’Europe centrale et orientale. Comment ce projet s’inscrit-il dans le consensus transatlantique sur les questions du système monétaire et financier qui, dès 1944 en fait, s’est substitué à une véritable autorité politique mondiale ? J’aborderai cette question, pour l’essentiel, par le biais des institutions qui expriment le plus clairement ce consensus : les « jumelles de Bretton Woods », Fonds monétaire international et Banque mondiale.

6« Consensus », ici, ne signifie évidemment ni accord sur toutes les questions liées à ces institutions, ni entente immuable au fil du temps. Mais je pars de l’idée que la trajectoire du FMI et de la Banque mondiale est en quelque sorte la ligne où convergent la position (dominante) des États-Unis et celle des principaux pays européens. Leurs relations n’ont pas toujours été au beau fixe, loin de là. Et de fait, le concept de Bretton Woods, celui d’une structure fiable de collaboration monétaire internationale – capable de stabiliser les taux de change (donc de stimuler le commerce) et de limiter les flux spéculatifs transnationaux de capitaux privés, tout en permettant aux États d’élaborer de façon autonome des politiques monétaires internes pour atteindre des objectifs nationaux– a commencé à s’estomper presque immédiatement après la fin de la SecondeGuerre mondiale et le début de la guerre froide. Cette vision s’est toutefois avérée suffisante, ainsi que l’explique Harold James, pour permettre aux États-Unis, au Canada et à une grande partie des pays d’Europe d’établir un cadre légal et institutionnel « pour limiter leur souveraineté au profit de la coopération et se plier à des règles explicites dans leurs relations économiques » [3]. S’il existait des doutes sur l’extrême difficulté que cela représente pour les États, les crises de change du début des années soixante-dix les ont balayés. L’expérience de coopération a fait long feu lorsque la nécessité politique est entrée en conflit avec le principe fondamental de « symétrie ». Celui-ci impliquait que ce soient à la fois les pays excédentaires et les pays déficitaires dans leurs échanges internationaux qui supportent le poids de la réduction de ces déséquilibres [4]. La communauté transatlantique n’a pas été capable de s’accorder sur la répartition de ce poids il y a une trentaine d’années. Il s’en est suivi l’acceptation d’un système de taux de change flottants (appelé « non-système » par les méchantes langues) et une prolifération des mouvements internationaux de capitaux, avec sans doute pour effet lointain l’avènement de l’Union économique et monétaire de l’Europe. Les jumelles de Bretton Woods sont restées en vie mais, comme nous allons le voir, avec des attributions considérablement remaniées.

7Les Européens, tout à l’organisation concrète de leur union régionale, se sont montrés ces dernières années relativement silencieux sur la plupart des questions monétaires et financières mondiales. Toutefois, ils ont souvent agi de concert avec les Américains, au sein des deux principales institutions, sur les principaux dossiers. Le consensus transatlantique implicite a donc continué à présider au jeu monétaire et financier international, qu’il s’agisse du rééchelonnement de la dette de l’Amérique latine, de l’aide aux pays en transition sortant du socialisme, du renflouement de l’Asie orientale, de la réduction de la dette des pays pauvres ou de la stabilisation financière de pays considérés comme stratégiques dans la lutte contre le terrorisme international. Que va-t-il se passer maintenant, avec l’achèvement de l’union monétaire européenne ?

Les institutions financières et monétaires internationales, en principe et en pratique

8En 1935, le journaliste financier le plus célèbre de l’époque écrivait :

« On considère couramment que la coopération internationale instituée après la guerre consiste simplement à fournir des fonds aux pays qui en ont le plus besoin. Mais en réalité elle est allée beaucoup plus loin.[...] Elle a aussi permis aux pays emprunteurs de tirer le bénéfice maximum de ces prêts en les contraignant à réorganiser leurs finances sur une base plus saine. Les prêts étaient en effet généralement assortis d’un certain contrôle des finances de l’emprunteur. Considéré par celui-ci comme un mal nécessaire, ce contrôle externe l’aidait en fait davantage que le prêt lui-même. Il permettait aux gouvernements bénéficiaires de prendre les mesures impopulaires sans lesquelles ils n’auraient pu retrouver la maîtrise de leur monnaie » [5].

9Tel était, selon Paul Einzig, le principal rôle des institutions financières internationales dans les années suivant la Première Guerre mondiale. Ce qu’on a appelé l’« Organisation économique et financière » de la Société des nations se résumait à son organisme central, dont l’action était parfois complétée par les principaux ministères des Finances et banquescentrales [6]. Ce n’était là qu’une coopération internationale minime. Lorsque la SDN était appelée au secours d’un pays en difficulté, c’était habituellement en dernier ressort. Les grandes puissances de l’époque étaient souvent tentées de tout planter là. C’est à peine si l’on peut parler de système.

10Le livre d’Einzig a du reste tenu lieu d’acte d’accusation à l’encontre d’une autorité internationale à peu près incapable de soutenir une économie mondiale en pleine déflation, prise au piège de l’orthodoxie de la « monnaie saine ». Il avait principalement pour propos de dénoncer les politiques visant en apparence à restaurer un libéralisme de style XIXe siècle en finances internationales, mais ne faisant en réalité que recouvrir de brutales rivalités nationales. Einzig souhaitait lui-même l’instauration d’une structure plus solide de stabilité monétaire par le biais du retour au système de l’étalon-or, structure adossée à une véritable volonté politique et dotée d’un mécanisme assurant la souplesse nécessaire entre les principaux taux de change. Il s’est même prononcé en faveur d’une relance par augmentation de la masse monétaire, qu’il pensait ne pouvoir réussir que si les États imposaient un certain contrôle de leurs économies et planifiaient leur avenir en étroite coopération. Tous ces objectifs devaient selon lui être poursuivis dans le cadre d’une Société des nations plus solide et plus efficace. Bref, l’idée supranationale était dans l’air. Elle n’a jamais atterri.

11Le livre d’Einzig contenait néanmoins déjà certains éléments de l’architecture finalement codifiée dans les accords de Bretton Woods. L’accord de 1944 était la conséquence de la guerre calamiteuse qu’Einzig avait crue évitable. Dans le contexte d’une réflexion profonde sur les moyens de prévenir une guerre future, l’accord de Bretton Woods donnait au Fonds et à la Banque qu’il instituait la possibilité de jouer un rôle supranational modeste, mais constructif, chacun dans son domaine. Ce rôle devait être essentiellement régulateur, et les États créditeurs et débiteurs devaient en tirer des avantages équivalents. On prévoyait la stabilité des taux de change et leur juste arbitrage, la gestion des flux internationaux de capitaux, et une négociation permanente, obéissant à certaines règles, pour déterminer le montant et la répartition du coût de l’ajustement, de la reconstruction et du développement. Il s’agissait, dans les limites fixées par le traité, d’un mécanisme mondial essentiellement automatique visant à donner confiance aux pays qui reconstruisaient leur économie dans l’interdépendance. Au fond, le système reposait, selon la célèbre analyse de John Ruggie, sur un compromis entre les opportunités économiques créées par une ouverture croissante et la nécessité politique d’établir de nouveaux mécanismes internes qui amortissent les conséquences négatives d’une plus grande liberté des marchés. Ces mécanismes, que nous considérons maintenant comme normaux et que nous baptisons sociaux-démocrates [7], seraient différents selon les pays, mais cette diversité serait elle-même prise en compte dans ce que Ruggie appelle le compromis du libéralisme intégré. Cette fusion du pouvoir et d’une perspective sociale légitime devait venir étayer l’idée naissante d’une autorité internationale. Les institutions multilatérales concrétisant cette idée seraient très différentes, et autrement plus efficaces, que ne l’avait été la SDN.

12Mais on en resta au stade des principes. Le leadership des États-Unis, naturellement préoccupés de leurs propres intérêts mais réceptifs aux inquiétudes européennes à long terme, s’avéra d’une importance vitale. L’argent, les armes et les soldats américains, et la poursuite plus ou moins « éclairée » des intérêts à long terme des États-Unis dans une Europe stable, démocratique et capitaliste, voilà ce qui a été déterminant. Le FMI et la Banque mondiale se sont rapidement trouvés relégués au second plan, tandis que le gouvernement américain, et surtout les entreprises américaines, assumaient un rôle plus direct et plus affirmé dans la reconstruction d’une économie internationale interdépendante [8]. Bien qu’ayant survécu à l’installation de la guerre froide, le FMI et la Banque mondiale étaient, dès les années soixante, dépassés dans leur conception et dans leurs aspirations les plus ambitieuses de gestion de système. Le facteur décisif en l’occurrence a probablement été la résurrection progressive de la finance mondiale. Ces institutions se sont vu alors confier les tâches de gestion et de prévention des crises [9].

13Les États-Unis sont restés le pilier de cet ordre en évolution, même si le siège du véritable pouvoir financier s’est en quelque sorte déplacé de Washington à New York, autrement dit du public au privé. La Grande-Bretagne et le Canada ont accepté cet état de fait, la France a rapidement retrouvé voix au chapitre, et l’Allemagne a peu à peu gagné un siège à la table des négociations, suivie, dans les années soixante-dix, par le Japon. Une nouvelle variante du libéralisme intégré s’est fait jour. Des compromis parfois malaisés ont fait cohabiter une liberté accrue du commerce et une plus grande ouverture des marchés des capitaux avec des États-providences aux particularismes persistants. Cette évolution a été rendue possible par de multiples facteurs : les garanties offertes par des traités, les taux de change flottants que l’on avait écartés à Bretton Woods, et, des deux côtés de l’Atlantique, une aversion de fait, sinon toujours exprimée, à l’encontre de l’idéologie libérale.

14La flexibilité des taux de change s’avéra toutefois, en pratique, fort différente de ce qu’elle avait été dans l’entre-deux-guerres, au moins pour les partenaires transatlantiques. Elle reçut le sceau de la légitimité au milieu des années soixante-dix lorsque les États-Unis et la France (au nom de ses voisins européens) réussirent à négocier (péniblement) un nouveau mandat pour le FMI, centré sur la « surveillance » multilatérale. Il s’agissait de favoriser le développement d’un « système stable des taux de change » devant conduire à une prospérité économique durable. En fait, la ratification du deuxième amendement aux statuts du FMI reconstituait un fondement d’autorité légitime au sein d’un système permettant désormais aux flux de capitaux privés à court et long terme d’être le facteur réel d’équilibre.

15Beaucoup d’observateurs se demandent toutefois aujourd’hui si l’instauration de cet ordre, certes plus mondialisé, nous ramène en réalité à la rigidité que les principaux négociateurs de Bretton Woods voulaient éliminer. Les grandes institutions financières internationales ont-elles perdu leur ancrage dans un monde en voie de restructuration par l’intégration des marchés de capitaux ? Trouve-t-on dans ces marchés eux-mêmes, dominés par des institutions privées domiciliées surtout aux États-Unis et dans les principaux États européens, les vrais fondements d’une économie en voie de mondialisation, caractérisée par des déséquilibres et une injustice persistante ? L’autorité politique internationale, fondée jadis sur la coopération et représentée par les institutions financières internationales (IFI), est-elle désormais réduite à ce minimum permettant d’empêcher certains pays en crise financière de basculer dans le gouffre et d’y entraîner tout le système ? Quelle est aujourd’hui l’autorité politique qui assigne aux IFI leurs missions essentielles : les États-Unis (seuls ou avec d’autres membres du G 7 – l’incarnation la plus claire, actuellement, du partenariat transatlantique) ? Ou bien un organisme intergouvernemental dûment constitué, intégrant de nombreux pays, et qui saurait trouver le point d’équilibre entre l’exigence de légitimité et de responsabilité, d’une part, et, de l’autre, la réalité d’une très grande inégalité politique internationale ? Ou bien encore a-t-on affaire surtout à de puissants intérêts privés en voie de devenir ce que certains observateurs appellent l’autorité privée [10] ? Les IFI en sont-elles réellement réduites, comme jadis l’Organisation économique et financière de la SDN, à servir simplement d’intermédiaires en dernier ressort pour des pays en situation désespérée ? Que reste-t-il, dans un monde de globalisation financière et d’intégration monétaire régionale, de l’élan commun vers une autorité politique internationale exprimé à Bretton Woods ?

Les dimensions mondiale et régionale du changement

16Dans la vision rationaliste des économistes, la locomotive de la technologie et des finances tire aujourd’hui irrésistiblement l’économie mondiale vers des marchés efficients et globalisés. Les réalistes politiques jugent au contraire que ces marchés dépendent d’une puissance politique hégémonique faute de laquelle ils seraient fragiles par construction. On peut considérer, à la différence de ces deux positions, que l’innovation dans les techniques financières et la libéralisation délibérée des politiques économiques plongent le monde dans une « mondialisation brouillonne » à l’avenir indéterminé [11]. Le développement progressif de mécanismes supranationaux du type de ceux qu’avait imaginés le consensus transatlantique de 1944 apparaît aujourd’hui plus souhaitable à ceux, nombreux, qui redoutent de voir les marchés détachés de leur base politique. Ces mécanismes semblent nécessaires pour corriger les défauts des marchés et la remise en cause des dispositifs de redistribution que provoque leur ouverture. Mais, comme l’écrit Ralph Bryant, « le rêve cosmopolite d’institutions gouvernementales mondiales de type fédéral – d’un début de gouvernement mondial s’exerçant collectivement au niveau planétaire– n’a aucune chance de se réaliser avant, au bas mot, de nombreuses décennies » [12]. Une évolution notable des institutions économiques mondiales existantes s’est toutefois produite depuis vingt ans.

17Un concours d’événements au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix a poussé le FMI à jouer un rôle plus important qu’il ne l’avait jamais fait jusqu’alors [13]. L’aspect visible en a été la stabilisation des marchés financiers après la crise de la dette mexicaine de 1982. Mais surtout, et de manière plus imperceptible, le FMI en est venu, dans les années quatre-vingt-dix, par suite de l’évolution idéologique au sein des pays membres eux-mêmes, à jouer un rôle plus actif de conseiller dans le domaine des politiques macro-économiques, voire, de plus en plus, microéconomiques (ou structurelles) [14]. Parallèlement, et de façon tout aussi controversée, la Banque mondiale a visé davantage « l’ajustement structurel » dans l’octroi de ses propres prêts aux pays les plus pauvres de la planète [15].

18Le « consensus de Washington », selon l’expression de John Williamson, a fourni le programme de cette évolution [16], mais c’est la nouvelle réceptivité de l’opinion qui a rendu possible une expérimentation de politique économique au niveau mondial. Orthodoxie monétaire, rigueur budgétaire et libéralisation économique, même dans des secteurs jadis sévèrement contrôlés comme la finance, emportaient désormais l’adhésion tant en Europe que dans une grande partie du monde en développement. Certains excès, comme la nouvelle « économie de l’offre » et un monétarisme simpliste, ont défrayé la chronique pendant les années quatre-vingt mais, plus profondément, il s’est agi d’une véritable révolution qui a mis en lumière les obstacles structurels au fonctionnement efficace des marchés. La rigidité des marchés du travail européens devint par exemple le sujet de vifs débats. La spirale inflationniste mondiale des années soixante-dix et le « coup de collier » qu’il avait fallu fournir pour l’enrayer semblaient appeler une réforme générale de politique économique. Le renouveau du libéralisme économique classique, aux États-Unis comme en Europe, en a fourni le fondement théorique. La crise financière et l’effondrement des autres stratégies de développement donnèrent l’impulsion finale d’un changement rapide. Mais jusqu’où les conseils du FMI et de la Banque mondiale ont-ils pénétré la structure profonde du pouvoir et de l’autorité à l’échelle mondiale ?

19L’union économique et monétaire de l’Europe redonne de la vigueur aux arguments de ceux qui jugent cette structure mondiale fondamentalement conflictuelle, ou ne laissant de place à la collaboration qu’en cas d’équilibre (précaire) du rapport de forces des grandes puissances. Par le passé, leur logique a conduit à penser que le marché commun, puis unique, déboucherait sur une « forteresse Europe », sur la renaissance du protectionnisme et sur la rupture avec l’interdépendance économique transatlantique de l’après-guerre. Àl’aube de l’Union économique et monétaire, cette même logique fait maintenant entrevoir un bloc monétaire européen capable de rivaliser avec les Américains pour l’obtention d’un avantage concurrentiel au plan régional. La période de l’entre-deux-guerres connaissait naturellement des conditions très différentes de celles d’aujourd’hui, mais les négociateurs réunis à Bretton Woods en 1944 n’auraient eu aucune difficulté à comprendre une telle logique. En tout cas, ils n’en ont eu aucune à percevoir la nécessité systémique d’y résister. L’économie mondiale est aujourd’hui confrontée à un problème fondamental de légitimité politique, en raison d’une intégration des marchés qui n’est pas encadrée par des mécanismes fiables et largement acceptés, permettant de corriger les déséquilibres les plus graves sur les marchés de change. Cela vaut aussi bien si l’on considère que le système naissant est diffus par nature, ou si l’on juge qu’il est en fait contrôlé en sous-main par un pays hégémonique [17]. Les retombées financières de l’Union monétaire européenne auront certainement de profondes répercussions à cet égard. Les débats de politique étrangère se centrent déjà sur les questions les plus évidentes [18]. Les optimistes espèrent que l’UEM contribuera à faire adhérer l’Europe centrale et orientale à l’idée de prospérité interdépendante incarnée par l’Europe occidentale après la Seconde Guerre mondiale. Ils attendent également de l’approfondissement de l’union la création de marchés plus vastes, plus fluides et plus ouverts dans le noyau des pays européens les plus avancés, permettant d’améliorer les perspectives de croissance et de prospérité systémiques. Ils espèrent enfin que l’union constituera un contrepoids positif à la position systémique dominante de l’économie américaine, ce qui inciterait les États-Unis à l’autodiscipline budgétaire et monétaire. Les pessimistes, au contraire, considèrent que l’union, associée à des marchés restés à certains égards rigides, provoquera une trop grande dépendance envers les exportations, selon un schéma qui a entraîné force frictions politiques et instabilité monétaire entre les États-Unis et l’Europe occidentale (principalement l’Allemagne) à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix. Voire, au pire, que l’existence de blocs monétaires régionaux compacts en Europe et en Amérique du Nord facilitera, en cas de crise financière systémique, l’adoption de politiques monétaires concurrentielles comme dans l’entre-deux-guerres. La confirmation de ces espoirs ou celle de ces craintes dépendra largement d’une question plus importante : saura-t-on, des deux côtés de l’Atlantique, préserver un certain nombre de préférences communes quant aux deux forces principales qui dirigent le processus d’intégration financière et qui orientent leurs effets– soit, d’une part, les marchés globalisés et, de l’autre, les institutions financières multilatérales ?

Une nouvelle structure d’autorité monétaire ?

20Il est certain que l’intégration des marchés financiers ne pose un problème politique que sur le plan des principes et qu’elle constitue dans les faits une opportunité économique pour les États-Unis, le Canada et les principaux pays européens. Malgré les manchettes parfois incendiaires des journaux, les marchés financiers mondiaux semblent peser assez peu sur les politiques budgétaires, les plans de développement et les programmes sociaux de ces pays. Leurs institutions financières nationales, leurs grandes entreprises et leurs ressortissants sont les plus influents et les mieux placés sur ces marchés : ceux-ci leur fournissent un supplément de ressources et de flexibilité pour la mise en œuvre de leurs priorités nationales. Le dilemme politique potentiel n’en reste pas moins clair. Plus l’intégration financière transatlantique s’approfondit, plus grande doit être l’intégration de l’autorité régulatrice qui la sous-tend [19]. En bref, si l’union monétaire et l’intégration financière s’orientent dans la direction constructive espérée par les optimistes, une impulsion politique analogue à celle qui existe à l’intérieur de l’Europe devrait se manifester dans les relations transatlantiques.

21En pratique, c’est bien une telle impulsion qui se trouve derrière la collaboration politique minimale au sein des IFI et les dispositifs ad hoc plus récents comme le G 7 financier et le Forum de stabilité financière. Ces derniers s’avéreront selon toute probabilité inappropriés, mais ils permettent de différer la réponse au problème de fond que pose la concomitance de l’ouverture des marchés et du cloisonnement des entités politiques. Or ce problème est déjà pressant pour un grand nombre de pays situés en dehors du noyau transatlantique : ils sont dépendants de marchés financiers régulés par d’autres et sont soumis à la pression des intérêts de ressortissants d’autres États.

22La réapparition des institutions financières internationales sur ce problème précis n’a rien de fortuit. Dans des conditions de crise, les marchés financiers mondiaux pourraient se dés-intégrer, mais sans doute à un coût humain considérable. Des institutions internationales d’envergure modeste jouent un rôle en atténuant ce coût, et les institutions régionales peuvent s’avérer encore plus utiles dans leur aire de compétence. Il s’agit là du scénario pessimiste pour l’UEM. En période de troubles, des marchés régionaux bien régulés et une union monétaire régionale ont de meilleures chances de résister aux chocs exogènes. La question est de savoir si cette logique peut fonctionner à l’échelle mondiale, avec des institutions internationales solides, capables d’abord de prévenir les chocs et, si nécessaire, d’empêcher la dés-intégration des marchés internationaux [20].

23Ce second schéma nous confronte encore une fois au décalage entre les espoirs placés par les « libéraux » dans les organisations de Bretton Woods immédiatement après la Seconde Guerre mondiale d’un côté et, de l’autre, la réalité de ce qu’elles sont devenues cinquante ans plus tard. Les contestataires remuants, présents lors de toutes les grandes réunions des gouverneurs du FMI et de la Banque mondiale, lors des sommets du G 8, des réunions de l’OMC et d’autres manifestations internationales, incarnent la critique la plus virulente de ce décalage. Pour eux, les organisations internationales ne sont plus que des outils de coercition maniés par les grandes puissances et par les intérêts privés qui agissent sous leur couvert. Elles ouvrent des marchés et créent des opportunités, même pour certains résidents de pays en développement et en « transition », mais dans le cadre d’une configuration fondamentalement injuste et rigidement hiérarchique du pouvoir politique mondial [21].

24Il est peu d’analystes libéraux des affaires internationales pour rejeter purement et simplement cette interprétation. L’historien officiel du FMI lui-même se trouve forcé de concéder que cet organisme « est devenu, dans une certaine mesure, l’agent d’une répartition inégale et inéquitable du pouvoir économique » [22]. Quand bien même les IFI ne sont pas près de s’écrouler sous les assauts de la contestation, comment ne pas voir qu’elles-mêmes et leurs principaux États membres ont tout intérêt à prendre au sérieux la question fondamentale de la légitimité ? Comme le soulignent leurs défenseurs, le FMI et la Banque mondiale pourraient être de bons outils pour gérer le système de manière plus équilibrée et plus constructive [23]. Seulement, disent-ils, les concessions nécessaires ne doivent pas être le seul fait des pays demandeurs d’assistance financière, mais aussi des grands États. Or, les réalistes ont raison de nous le rappeler, il faut pour cela que lesdits grands États soient pleinement convaincus de la stabilité de leur propre système. Dès lors qu’on prend conscience de cette contrainte, on peut affiner le débat sur l’autorité mondiale dans ce domaine et le conduire au-delà de la seule indignation.

25Comme le dit Robert Gilpin, « la décision et la responsabilité au sein du FMI, de l’OMC et de la Banque mondiale restent, de façon disproportionnée, du ressort des États-Unis et, à un moindre degré, de l’Europe occidentale.[...] [Il n’empêche que ces organisations] sont, en dernière analyse, responsables de leur action devant des gouvernements nationaux qui, du moins dans les systèmes démocratiques, se trouvent à leur tour devoir rendre des comptes à leur électorat » [24]. La hiérarchie actuelle peut être injuste, mais elle constitue le point de départ de toute avancée pratique vers une plus grande équité. L’acception classique, webérienne, du concept d’autorité politique est ici fort utile. Un système dont le mode de domination est perçu comme injuste – qu’il s’agisse d’un État ou du marché – peut durer quelque temps. Mais seul le passage de la coercition à la légitimité porte une promesse d’inscription dans la durée [25]. La domination des grandes puissances du moment, ou même d’intérêts privés s’exprimant par le biais de marchés impersonnels, perdra du terrain dès que l’influence réelle commencera à se déplacer vers les acteurs lésés ou qui se sentent tels. L’affirmation d’un droit à diriger doit s’accompagner chez le dominant de la conscience de ses obligations : telle est la condition de durée de tout système reposant sur la notion de légitimité. L’efficacité ne suffit pas. Même les sociétés fondées sur le dogme des droits de l’individu admettent la nécessité absolue d’un minimum de solidarité sociale pour assurer la stabilité et la prospérité à long terme [26]. Il faut être fou pour ignorer l’exigence de justice ; mais le système centré sur les pays démocratiques formant la communauté transatlantique et le Japon est-il aujourd’hui assez stable pour la prendre en compte ?

26Si les IFI ne sont plus que des instruments de coercition ou, en termes plus aimables, de gestion des crises locales, elles ne dureront qu’aussi longtemps que la structure de pouvoir qui les soutient ne change pas. Mais l’énergie avec laquelle leurs détracteurs s’investissent dans leur étude donne à penser que les choses bougent [27]. De même, un nombre croissant de documents internes au FMI et à la Banque mondiale portent sur la participation, la pauvreté, la marginalisation sociale et la redistribution. On assiste selon toute apparence à une montée des inquiétudes sur la légitimité de l’ordre mondial, dont les IFI sont une composante. Même après la crise de 1997, l’énorme littérature portant sur la « nouvelle architecture financière internationale », quoique relativement technique, cherchait bien à répondre à la tension croissante entre efficacité et justice à l’échelle mondiale [28]. Ce sont, encore une fois, les réalistes politiques, et non les détracteurs des IFI ou les techniciens, qui expriment le plus clairement l’urgence de relever les grands défis auxquels celles-ci sont confrontées. Citons de nouveau Gilpin :

« [Le problème, c’est] le décalage croissant entre la répartition de l’autorité au sein des institutions internationales existantes et la répartition internationale du pouvoir économique.[...] Une querelle à quatre s’est déclarée pour savoir “qui gouverne” ces institutions responsables de la gestion de l’économie mondiale. Avec la disparition des alliances de la guerre froide et l’affirmation croissante par les États-Unis de leur statut de superpuissance, les Japonais et les Européens sont plus déterminés à contrecarrer le pouvoir des Américains au sein du FMI et des autres organismes économiques internationaux. Une coalition de pays moins développés et en voie d’industrialisation, qui pensent que leurs intérêts doivent être davantage pris en compte, fait également entendre ses exigences » [29].

27En sommes-nous vraiment revenus à un monde où une « coopération » à sens unique existe lorsque cela sied aux grandes puissances, mais où l’on ne se pose pas la question fondamentale de la légitimité ? Ne nous reste-t-il qu’à espérer que les marchés mondiaux, miraculeusement détachés de la politique, se substituent au rêve impossible de la création d’une structure d’autorité vraiment mondiale ? La stabilité du système est-elle à ce point fragile qu’il nous soit impossible de nous poser la véritable question ? Il est clair qu’on recherche, au niveau régional, et au moins en Europe et en Amérique du Nord, des solutions pratiques au déficit croissant de légitimité des institutions et des marchés internationaux. Dans les pays de l’UEM, ceci est au cœur du débat sur la création d’un dispositif régional efficace pour élaborer (et représenter à l’étranger) des politiques communes sur les questions monétaires et financières extérieures. Mais, au niveau mondial, il a fallu jusqu’ici se contenter de « groupes de travail » sans pouvoir, de communiqués stéréotypés lors des réunions au sommet, et de réorganisations périodiques des IFI [30].

28Est-ce là le mieux que l’on puisse faire ? Peut-être. Mais cela suppose que les dirigeants politiques et leurs conseillers économiques sont bien d’accord sur un certain nombre de points décisifs : par exemple sur le fait que l’ajustement spontané des principaux taux de change suscite la collaboration monétaire internationale là où elle est nécessaire, que les marchés financiers n’ont aucunement besoin de prêteur en dernier ressort et que les institutions financières internationales peuvent donc s’en tenir au rôle limité décrit il y a longtemps par Paul Einzig. Certes, il est difficile de confier à ces institutions une mission de redistribution ; il n’en est pas moins vrai que l’histoire monétaire internationale du XXe siècle révèle à la fois le caractère incontournable de telles missions et l’illusion qui consisterait à faire reposer toute la coordination internationale sur la seule automaticité des marchés dans un monde où l’autonomie politique reste une valeur. Aussi technique et limité qu’ait pu paraître le mandat d’origine des institutions de Bretton Woods, l’idéal normatif d’équité dans la répartition internationale du poids de l’ajustement revêtait une importance cruciale à une époque où les souvenirs des années trente étaient encore vivaces. C’eût été un acte de foi naïf, en 1944, de croire qu’une vague montante de prospérité pourrait emporter tous les pays. Les délégués de la conférence de Bretton Woods étaient du moins convaincus que les économies excédentaires et déficitaires devaient se partager équitablement la responsabilité de l’ajustement des déséquilibres des paiements internationaux. Pourquoi en irait-il différemment aujourd’hui ?

29L’adoption par les États-Unis d’une politique raisonnablement large d’esprit et la division des opinions en Europe (et donc son relatif silence) sur les questions monétaires mondiales ont longtemps pu prévenir l’occurrence de conflits systémiques capables de perturber la situation actuelle de « mondialisation brouillonne ». Mais les États-Unis ne restent jamais longtemps unanimes sur un même sujet et l’UEM promet de rapprocher peu à peu les avis exprimés par les Européens dans leurs relations monétaires extérieures. Rien ne laisse prévoir la résurgence d’un conflit monétaire généralisé entre les États-Unis (et leur partenaire canadien) et la nouvelle Europe ; mais le rééquilibrage entre les deux côtés de l’Atlantique en accroît la possibilité, notamment en cas de divergence de leurs politiques économiques ou de leurs intérêts stratégiques fondamentaux. Toutefois, il est plus vraisemblable qu’à l’avenir le principal différend opposera, d’une part, les États-Unis et l’Europe (quels que soient leurs démêlés) et, de l’autre, une grande partie du reste du monde : et ceci, pour les uns comme pour les autres, s’avérera de plus en plus dangereux. En cherchant à réduire cette tension croissante, ils trouveront ensemble [31] des raisons impératives pour revenir à la règle de « symétrie » proposée par les « libéraux » à Bretton Woods, mais aussi pour l’élargir [32].

30Traduit de l’anglais par Marie-Pierre Émery

Notes

  • [1]
    Note de la rédaction. L’auteur donne lui-même un peu plus loin sa propre définition de ce terme, proche de l’acception en usage aux États-Unis. Pour la traduction, nous avons gardé le mot « libéral » mais en l’encadrant de guillemets protecteurs. Lorsque le mot apparaît sans guillemets, il faut le comprendre dans le sens qu’il revêt habituellement dans le vocabulaire politique français contemporain, où il renvoie au « moins d’État » ou, comme on dit en anglais, au « laissez-faire ».
  • [2]
    Voir N. Jabko, « In the name of the market : How the European Commission paved the way for monetary union », Journal of European Public Policy 6 ( 3), 1999, pp. 475-495.
  • [3]
    H. James, International Monetary Cooperation since Bretton Woods, Washington et New York, FMI et Oxford University Press, 1996, p. 57.
  • [4]
    Voir J. Gold, « Symmetry as a legal objective of the International Monetary System », dans Legaland Institutional Aspects of the International Monetary System. Selected Essays, vol. 2, Washington, FMI, 1984, pp. 255-307.
  • [5]
    P. Einzig, World Finance since 1914, Londres, Kegan Paul, 1935, p. 117.
  • [6]
    Pour un aperçu du contexte, voir L.W. Pauly, Who Elected the Bankers ? Surveillance and Control in the World Economy, Ithaca, Cornell University Press, 1997.
  • [7]
    Voir J.G. Ruggie, Constructing the World Polity, Londres, Routledge, 1998.
  • [8]
    Comme le soutient Alan Milward de façon convaincante dans ce contexte, les pays européens ont néanmoins réussi à canaliser ce rôle de façon à préserver pour eux-mêmes un degré raisonnable d’autonomie politique. Voir, de cet auteur, The European Rescue of The Nation-State, Berkeley, University of California Press, 1993.
  • [9]
    Selon Susan Strange, le FMI a été un instrument utile, même au début. « Par une série de décisions opérationnelles locales et limitées ayant toutes les apparences de la routine, une ligne d’action s’est lentement imposée, utilisant les ressources du Fonds d’une manière très politique. Sans le dire, le FMI a ainsi fourni des ressources, non pas aux pays en ayant le plus besoin ni à ceux qui avaient adopté la meilleure conduite en matière d’application des règles mais, paradoxalement, à ceux dont les difficultés financières pouvaient mettre en danger la stabilité du système monétaire international ». « IMF : Monetary managers », dans R. Cox, H. Jacobson et al., The Anatomy of Influence, New Haven, Yale University Press, 1974, p. 272.
  • [10]
    Voir par exemple A.C. Cutler, V. Haufler et T. Porter (eds.), Private Authorityin International Affairs, Albany, State University of New York Press, 1999; T.J. Sinclair et K.P. Thomas (eds.), Structure and Agency in International Capital Mobility, Houndmills (UK), Palgrave, 2001; R.B. Hall et T.J. Biersteker (eds.), The Emergence of Private Authority, Cambridge, Cambridge University Press, à paraître.
  • [11]
    Ralph Bryant, adepte de cette position, forge cette expression ( messy globalization) dans son ouvrage Turbulent Waters : Cross-Border Finance and International Governance, Washington, Brookings, à paraître.
  • [12]
    Ibid.
  • [13]
    Voir James M. Boughton, Silent Revolution : The International Monetary Fund, 1979-89, Washington, FMI, 2001.
  • [14]
    Le fait de lier les conseils sur ces politiques à des opérations de prêts conditionnels a suscité de multiples controverses. Voir Structural Conditionality in Fund-Supported Programs, Washington, FMI, 16 février 2001 (www.imf.org ) et M. Goldstein, IMF Structural Conditionality : How much is too much ?, avril 2001, document de travail n° WP 01-4, Washington, Institute for International Economics. Pour des éléments essentiels de contexte, voir J.J. Polak, « The changing nature of IMF conditionality », Essays in International Finance 184, Princeton University, septembre 1991.
  • [15]
    Les ouvrages sur l’histoire de la Banque prouvent cette tendance. Le plus récent et le plus complet est celui de D. Kapur, J.P. Lewis et R. Webb, The World Bank : Its First Half Century, vol. 1-2, Washington, Brookings, 1997. Ces volumes prennent la suite de E.S. Mason et R.E. Asher, The World Bank since Bretton Woods, Washington, Brookings, 1973. Sur l’intérêt pour l’Amérique de promouvoir cette ligne, voir R. Wade, « The US role in the malaise at the World Bank : Get up, Gulliver », congrès de l’American Political Science Association, San Francisco, 30 août-2 septembre 2001, hhttp:// pro. harvard. edu
  • [16]
    J. Williamson (ed.), Latin American Adjustment : How much has happened ?, Washington, Institute for International Economics, 1990. H. James, op. cit., retrace soigneusement l’évolution du consensus.
  • [17]
    Voir également G. Underhill, « Keeping governments out of politics : Transnational securities markets, regulatory cooperation and political legitimacy », Review of International Studies 21 (3), 1995; L.W. Pauly, « Capital mobility, state autonomy, and political legitimacy », Journal of International Affairs 48 ( 2), 1995; et I. Hurd, « Legitimacy and authority in international politics », International Organization 53 ( 2), 1999.
  • [18]
    Pour une excellente analyse, voir C.R. Henning et P.C. Padoan, Transatlantic Perspectives on the Euro, Pittsburgh et Washington, European Community Studies Association /Brookings Institution, 2000. Pour un aperçu utile du contexte historique et théorique, voir M.A. Pollak et G.C. Schaffer (eds.), Transatlantic Governance in the Global Economy, Lanham, Rowman & Littlefield, 2001.
  • [19]
    Il est à noter que les attentes en la matière, maintenant partagées par les « libéraux » des deux côtés de l’Atlantique, dépendent d’une hypothèse préalable : la convergence des compréhensions politiques de la nature, du but et des structures plus profondes des marchés financiers. Cette supposition n’est pas sans poser de problèmes, comme le montre une génération d’ouvrages d’économie politique comparée. Voir, par exemple, S. Berger et R. Dore (eds.), National Diversity and Global Capitalism, Ithaca, Cornell University Press, 1996; H. Kitschelt etal. (eds.), Continuity and Change in Contemporary Capitalism, Cambridge, Cambridge University Press, 1999; et R. Deeg, Finance Capitalism Unveiled, Ann Harbor, University of Michigan Press, 1999.
  • [20]
    Ce thème est développé dans un contexte analytique plus large dans D.M. Andrews et al. (eds.), Governing the World’s Money, Ithaca, Cornell University Press, 2002 (à paraître).
  • [21]
    Pour une étude novatrice, voir R. O’Brien et al. (eds.), Contesting Global Governance : Multilateral Economic Institutions and Global Social Movements, Cambridge, Cambridge University Press, 2000. Voir également J.A. Scholte, Globalization : ACritical Introduction, Basingstoke, Macmillan, 2000.
  • [22]
    J.M. Boughton, op. cit., p. 2.
  • [23]
    Stanley Fisher, économiste de renom alors directeur adjoint du FMI, en a fourni un exemple récent avec « On the need for an international lender of last resort », Essays in International Economics 220, Princeton University, novembre 2000. Il est à noter à ce propos que certains des auteurs les plus en vue de la jeune littérature « libérale » sur la politique des institutions économiques et financières internationales, comme Susan Strange et Robert Cox, se sont ensuite nettement retrouvés du côté des voix les plus critiques.
  • [24]
    R. Gilpin, Global Political Economy, Princeton, Princeton University Press, 2001, pp. 382-384.
  • [25]
    Pour une analyse à références théoriques sur ce thème, voir J. Kirshner, Currency and Coercion : The Political Economy of International Monetary Power, Princeton, Princeton University Press, 1995. B.I. Cohen, « International finance and international relations theory », dans W. Carlsnaes, T. Risse et B. Simmons (eds.), Handbook of International Relations, New York, Sage, 2001, offre un bon résumé des récents travaux cherchant à conjuguer les théories d’économie politique internationale et les résultats empiriques.
  • [26]
    Les travaux actuels sur les questions importantes de droits de propriété au niveau international continuent pour cette raison à souligner l’importance de fondements sociaux et politiques nationaux. Voir par exemple J. Sgard, « Are there such things as international property rights ? », Paris, CEPII, Université de Paris Dauphine, novembre 2001.
  • [27]
    Voir par exemple N. Woods, « Governance in international organizations : The case for reform in the Bretton Woods institutions », United Nations Conference on Trade and Development, International Monetary and Financial Issues for the 1990s, vol. 9, New York, 1998, pp. 81-106; N. Woods, « Making the IMF and the World Bank more accountable », International Affairs 77 ( 1), 2001, pp. 83-100 ; P. Evans et M. Finnemore, « Organizational reform and the expansion of the South’s voice at the Fund », intervention lors de la réunion du groupe technique du G-24, Washington, 17-18 avril 2001.
  • [28]
    Voir par exemple B. Eichengreen, Towards a New International Financial Architecture, Washington, Institute for International Economics, 1999; Council on Foreign Relations Independant Task Force, Safeguarding Prosperity in a Global Financial System, Washington, Institute for International Economics, 1999; M. Goldstein, « Strengthening the international financial architecture : Where do we stand ?», document de travail 00-8, Washington, Institute for International Economics, 2000. Pour une perspective européenne excellente et exhaustive, voir B. Cœuré et J. Pisani-Ferry, « Events, ideas and actions : An intellectual and institutional retrospective on the reform of the international financial architecture », Conférence internationale CDC-CEPII-CEFI, Sienne, 23-24 mai 2000.
  • [29]
    R. Gilpin, op. cit., pp. 388-389.
  • [30]
    Le FMI a par exemple créé récemment un « Service des marchés internationaux de capitaux » très en vue qui aura un rôle central dans les opérations futures. Il expérimente également des « lignes de crédit contingentes » pour aider ses membres à combattre les crises futures, et il s’emploie à promouvoir des normes pour les rapports financiers.
  • [31]
    Pour aborder directement la question de la coordination politique au sein de l’UEM, voir P. Jacquet et J. Pisani-Ferry, « Economic co-ordination in the Euro-Zone », Center for European Reform Essays, janvier 2001. La question de l’équité des questions monétaires internationales est au cœur de l’ordre du jour de la Conférence internationale de financement du développement, réunie en mars 2002 sous les auspices des Nations unies. Pour un aperçu sur le sujet, voir IMF Survey 30 ( 22), 6 novembre 2001, pp. 368-370.
  • [32]
    Cet essai développe des thèmes abordés dans « What new architecture ? International financial institutions and global economic order », Global Governance. A Review of Multilateralism and International Organizations 7 ( 4), 2001. Je remercie l’éditeur Lynne Rienner de m’avoir autorisé à adapter certaines idées de cet article, ainsi que Jérôme Sgard et Nicolas Jabko pour leurs commentaires sur une version antérieure du présent texte.

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