Notes
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[1]
« All sexological work from the 1900s to the 1950s can be seen to some extent as a shifting of ballast in response to the first wave of feminism, an adjustment to maintain male advantage » in JEFFREY S. (1990), Anticlimax : a Feminist Perspective on the Sexual Revolution, Londres, The Women’s Press, p. 18, ma traduction.
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[2]
Il s’agit probablement de la sœur de Marcelle Capy.
1 Contrairement à la France où la sexologie n’a guère suscité de vocation historienne, l’histoire de cette discipline a connu au Royaume-Uni ou aux États-Unis un fort développement. Tout un champ d’études florissant s’est constitué depuis les années 1980, avec ses spécialistes, ses œuvres phares et ses controverses. Le rapport problématique entre la sexologie et le féminisme a particulièrement retenu l’attention des historiennes. Schématiquement deux camps s’opposent. Sheila Jeffreys et Margaret Jackson voient surtout dans la sexologie et la psychanalyse des machines de guerre contre le féminisme. « Tous le travail de la sexologie depuis 1900 jusqu’aux années 1950 peut être vu, jusqu’à un certain point comme un lâcher de lest en réponse à la première vague féministe, un aménagement pour maintenir les avantages masculins » [1]. Cette interprétation reste dans le droit fil de la critique radicale portée à la sexologie par les féministes des années 1970. Rappelons par exemple qu’en France l’ouvrage Dire nos sexualités de Xavière Gauthier portait en sous titre la mention Contre la sexologie. Mais depuis, les historiennes Lucy Bland et Lesley Hall nuancent considérablement ce jugement, en montrant que les pionniers de la sexologie sont de fermes partisans de l’égalité des sexes tandis que les féministes s’inspirent, en les modifiant, de leurs théories. Qu’en est-il en France ?
2 Il faut en préalable, brosser à grand traits les débuts de la sexologie dans ce pays. Depuis l’Antiquité, les médecins ont prétendu porter un regard scientifique sur la sexualité humaine, mais au tournant du siècle émerge en force une littérature spécialisée, libérale, dégagée de la morale religieuse (et souvent anticléricale) et qui remet en cause les théories psychiatriques du XIXe siècle. Magnus Hirschfeld (1868- 1935) et Albert Moll (1862-1939) en Allemagne ; Havelock Ellis (1859-1939) en Grande-Bretagne et Auguste Forel (1848- 1931) en Suisse sont les grands noms de ce qui se présentent comme une science nouvelle : la sexologie.
3 Magnus Hirschfeld, médecin pionnier de la lutte pour la dépénalisation de l’homosexualité dans l’Empire Allemand, créateur de l’Institut pour la science sexuelle en 1919, écrit de nombreux ouvrages sur l’inversion, il fuit le régime nazi à Paris. Havelock Ellis, médecin, fondateur de la British society for the study of sex psychology en 1914, a écrit une œuvre monumentale : Studies in the Psychology of Sex (1897-1928), traduite au Mercure de France à partir de 1904. Auguste Forel, médecin aliéniste, professeur à l’université de Zurich, est l’auteur d’un ouvrage à succès La question sexuelle, qui connaît quatre éditions successives dès sa sortie en allemand en 1905. Tous trois fondent en 1921, la Ligue mondiale pour la réforme sexuelle sur une base scientifique (LMRS). Ainsi la sexologie et le mouvement de réforme sexuelle vont-ils main dans la main.
LES DÉBUTS DE LA SEXOLOGIE EN FRANCE
4 Les premières occurrences repérées en France du vocable sexologie datent des années 1910 d’après Francis Ronsin. Le mot a surtout été vulgarisé par les néo-malthusiens en contact réguliers avec leurs voisins anglais de la Malthusian league. Dans L’Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure, qui comporte une entrée sexologie, Eugène Humbert et Eugène Lericolais se disent les inventeurs de ce néologisme en 1912. Même si ce n’est pas tout à fait exact, le fait est qu’ils le promeuvent très précocement. Une maison d’édition nommée Bibliothèque de sexologie sociale publie un ouvrage d’E. Lericolais en 1912 tandis que Génération consciente, périodique dirigé par E. Humbert, comporte une rubrique bibliographique intitulée sexologie à partir de février 1913. C’est aussi Eugène Humbert que contactera en 1927, le Docteur Leunbach, secrétaire général de la LMRS, pour mettre sur pied une antenne française. Le premier bureau de ce comité baptisé « Pro amore », basé au domicile des Humbert, regroupera Victor Margueritte, Pierre Vachet et Eugène Humbert. Les néo-malthusiens et particulièrement le couple Jeanne et Eugène Humbert ont donc beaucoup contribué à la diffusion de la sexologie en France. Vingt ans plus tard, les termes sexologue et sexologie sont largement diffusés et entrent dans les dictionnaires de langue française. A cette époque déjà, la sexologie s’est davantage médicalisée et quelque peu éloignée de ses premières accointances néo-malthusiennes. Edouard Toulouse fonde l’Association d’études sexologiques et la Société de sexologie en 1931 et 1932. Angelo Hesnard fait paraître son Traité de sexologie normale et pathologique en 1933, que l’on peut considérer comme le premier manuel du genre. Au congrès de 1932 de la LMRS, un nouveau bureau français est élu, comportant Berty Albrecht, Pierre Scize et Jean Dalsace.
5 Comparé aux riches heures de la physiologie et de la psychiatrie française du XIXe siècle, la contribution française à la sexologie du début du XXe siècle fait piètre figure. Sans jamais atteindre une envergure internationale, les maîtres à penser de la sexologie française de ces décennies ont pourtant un profil comparable à celui de nos voisins britanniques ou allemands : il s’agit de médecins laïcs, souvent aliénistes, hygiénistes, partisans de l’eugénisme, mais aussi de militants soucieux de réformes sociales. Les psychiatres Paul Voivenel (1881-1975) ou Edouard Toulouse (1865-1947) sont bien connus, mais leurs recherches sur la vie sexuelle sont assez maigres. On peut en dire autant d’Angelo Hesnard (1886- 1969) et Paul Hartenberg, deux psychiatres qui introduisent Freud en France. En revanche on ne sait pas grand-chose de Pierre Vachet, professeur à l’École des hautes études sociales et rédacteur en chef de la Revue de Psychothérapie. Aucun ne se spécialise exclusivement dans l’étude de la sexualité, aucun ne fera paraître de volumineuse somme sur la question ; pour tous la sexologie n’est qu’une corde à leur violon.
6 D’autres encore, non médecin, sont des militants proches des milieux anarchistes qui réclament la liberté en amour. Enerst-Lucien Juin (1872-1962), anarchiste individualiste fondateur de la revue L’En dehors, théorise la camaraderie amoureuse sous le nom d’emprunt de E. Armand. Jean Marestan, pseudonyme de Gaston Havard, est surtout connu pour son Education sexuelle (1910). René Guyon (1876-1963), auteur des Cahiers d’éthique sexuelle, traduits en anglais et préfacé par le célèbre Dr Norman Haire, est un juriste.
7 Aux côtés de personnalités plus ou moins reconnues, gravite toute une faune de vulgarisateurs sous pseudonyme que l’historiographie a totalement négligée. Jean Fauconney publie des dizaines d’opus sous l’anagramme du Docteur Caufeynon (parfois orthographié Caufeyron) ou le nom de Jaf. On ne sait pas plus qui se cache sous les pseudonymes des docteurs Riolan ou Rhazis.
8 Quels rapports ce milieu, relativement hétérogène, entretient-il avec le mouvement féministe ?
SEXOLOGUES ET FÉMINISTES
9 Sexologues et féministes disposent d’un large terrain d’entente. Les buts de la LMRS, à laquelle la sexologie de l’époque est intimement liée, font une place d’honneur aux revendications féministes : égalité politique, économique et sexuelle entre hommes et femmes ; sécularisation du mariage et droit au divorce ; protection de la mère célibataire et de l’enfant illégitime ; prévention de la prostitution et des maladies vénériennes ; éducation sexuelle ; eugénisme. Sur tous ces points un large accord est possible. La plupart des sexologues salue le courage et la détermination des féministes, même si, médecins, ils partagent le plus souvent l’idée de l’infériorité naturelle de la femme. « La femme, faite pour procréer, est un être inférieur physiologiquement », affirme ainsi le Docteur Serge-Paul (1910, p. 207). Certains tel Auguste Forel se montre partisan d’un « matriarcat » (transmission du nom, choix du domicile conjugal et autorité maternelle). Aussi il n’est pas étonnant de compter plusieurs féministes de premier plan parmi les membres de l’Association d’études sexologiques : Berty Albrecht, Cécile Brunschvicg, Marcelle Kraemer-Bach, Marcelle Legrand-Falco, Yvonne Netter, Suzanne Schreiber-Crémieux, et Maria Vérone. Pour les unes et les autres, la science de la reproduction humaine ne peut qu’accélérer l’émancipation féminine.
10 Mais il existe aussi des points nettement plus polémiques. La prophylaxie anticonceptionnelle, on le sait, ne rencontre l’adhésion que d’une minorité de féministes, tandis que pour les sexologues, le contrôle des naissances est la condition sine qua non de l’eugénisme et du bonheur conjugal. Cette même conception progresse chez les féministes de La voix des femmes par exemple, mais la majorité des groupes réformistes reste à l’écart de cette revendication.
LA SENSUALITÉ DES FEMMES
11 Plus difficile est d’évaluer les possibles désaccords à propos des pratiques sexuelles car le silence presque complet règne côté féministe. Les discours sur les persécutions et privations imposées par l’intolérance et l’ignorance ou le souhait d’établir une conduite humaine et rationnelle envers les « anormaux sexuels », ne se retrouvent pas, ou très peu, chez les féministes.
12 S’ils jugent l’appétit sexuel féminin bien moins impérieux que le masculin, les sexologues mettent en avant la nécessité du plaisir féminin. La chasteté nuit autant aux femmes qu’aux hommes entraînant divers troubles plus ou moins graves : « des maux de tête, des troubles digestifs, des angoisses, des palpitations, des insomnies, des cauchemars, et surtout des obsessions sexuelles terribles. Les moins résistants versent dans les manies et les délires » (Vachet P., 1927, p. 118). La figure de la vieille fille, aigrie et irascible faute d’amour, prend ainsi forme. Surtout les perversions, masturbation et homosexualité en tête, risquent alors de se développer. Tous voient dans l’homosexualité une triste pathologie qui relève de la médecine et non des magistrats. S’ils souhaitent la dépénalisation de ce vice, c’est moins par tolérance que par souci bien compris de santé publique. Les mariages de convenance, les chantages contre les invertis nuisent d’avantage à la société que des rencontres discrètes et stériles entre des individus majeurs. La plupart, à la suite des recherches d’Hirschfeld et d’Ulrich y voit un mal inné, plus rarement acquis. L’homosexualité féminine tient peu de place dans ces ouvrages. Dans sa bibliothèque sexuelle (1905-1907) le Dr Raoul Désormeaux consacre 59 pages à « la pédérastie » et 4 à « l’inversion sexuelle chez la femme ». Pourtant, elle paraît être plus fréquente aux yeux de nombreux médecins. Du fait de la primauté des sentiments et d’une sensualité plus diffuse chez la femme, l’appétit homosexuel est « un phénomène pathologique mal délimité chez elle d’avec les sensations normales » (Forel A., 1906). « Je livre à la méditation de mes lecteurs ce fait singulier : jamais je n’ai rencontré une femme qui m’ai demandé de la guérir d’une inversion sexuelle et dieu sait que la proportion des lesbiennes excède de très loin celle des pédérastes » ajoute Pierre Vachet (Vachet P., 1927, p. 220).
13 Mais les rapports hétérosexuels paraissent aussi, en eux mêmes, très problématiques. Le défaut de jouissance sexuelle des femmes mariées, très fréquent, est pathogène. « Angoissées, prises de migraines et de troubles digestifs, hantées de désespoirs et d’idées de suicide » telle est « la fameuse névrose d’angoisse liée à un défaut de satisfaction sexuelle complète » (Vachet P., 1927, p 82-83). Pour beaucoup, la froideur de la femme tient à la maladresse du mari « il convient de prendre pour viatique l’idée qu’une femme froide n’a besoin que d’être échauffée » affirme Pierre Vachet (Vachet P., 1927, p. 81). Cette frustration sexuelle provient à la fois des lois de la reproduction et des mœurs. « L’amour physique implique essentiellement une violence que l’homme impose à la femme : voilà le fait d’où il faut partir » déclare Édouard Toulouse (Toulouse. E., 1918, p. 149). La déchirure de l’hymen, la dilatation du conduit génital mais aussi la pudeur froissée, rendent les rapports désagréables et douloureux pendant plusieurs mois, au bas mot. Si l’homme manque de tact et de délicatesse, la femme, marquée à vie, peut devenir définitivement froide. Dans l’espèce humaine, comme dans les espèces animales, l’homme joue le rôle actif et agressif, tandis que la femme, passive, se protège par la pudeur. De plus l’amour physique n’est pas dissociable chez la femme du sentiment et du désir de maternité. Cette « différence fonctionnelle » est encore aggravée par l’éducation qui préconise l’ignorance et l’obéissance des filles tandis que les garçons jouissent d’une plus grande liberté. Pour contrecarrer cet état de fait, Édouard Toulouse préconise une inversion de la double morale : « c’est le contraire qu’il faudrait réaliser : la chasteté du jeune homme pour lui apprendre à se contenir, et la liberté chez la jeune fille pour éveiller ses sentiments » (Toulouse. E., 1918, pp. 37-38). Il ressort aussi que les femmes ont un rôle civilisateur à jouer : « C’est à la femme – ordinaire victime et complice bénévole – à s’opposer à tout ce qui peut faire dériver l’amour vers la brutalité » (Toulouse. E., 1918, p. 256).
14 Dans les descriptions les plus détaillées, la symétrie prévaut pour les plaisirs féminins et masculins, lesquels proviennent tous deux du frottement mécanique des organes génitaux lors du coït. Le clitoris est sans conteste l’organe du plaisir féminin. Pierre Vachet est le plus explicite : « L’orgasme est déclenché chez elle par la friction du clitoris, qui correspond au pénis de l’homme. Les mouvements du coït éveillent dans les parois vaginales des sensations voluptueuses qui se répercutent sur le clitoris, déterminant un état de congestion particulier de cet organe. Le volume de celui-ci augmentant de ce fait, il peut alors entrer en contact avec la verge, ce qui amène l’orgasme final » (Vachet P, 1930, p. 122). Cette physiologie du coït est classique depuis le milieu du XIXe siècle. Les courbes voluptueuses de l’homme et de la femme, dessinées par Van de Velde, ne se distinguent que par un décalage temporel. Les femmes sont plus lentes, les hommes plus rapides, l’essentiel de la mésentente sexuelle conjugale viendrait de là. « Par conséquent il est nécessaire que l’excitation de la femme commence plus tôt (pendant le prélude pour ainsi dire), afin que les sommets des deux courbes puissent coïncider, et qu’ainsi la satisfaction des deux partenaires surviennent au même instant » (Hirschfeld M., 1931, pp. 67-68).
15 La conception freudienne du développement de la sexualité féminine, (évoluant, comme on le sait, d’un stade infantile, centré sur le clitoris, vers la maturité, fondée sur le vagin), se diffuse dans les années 1930, sans devenir hégémonique. Angelo Hesnard (1886-1969), un des premiers traducteurs et importateurs de Freud, membre de l’AES, contribuera grandement à l’imposer, en opposant dans son traité de sexologie, plusieurs fois réédité jusqu’au années 1950, l’orgasme incomplet, infantile, à l’orgasme complet, vaginal. Moins influente, Marie Bonaparte s’emploie à durcir le freudisme sur cette question. La princesse, grande propagatrice des théories freudiennes en France est membre de la Société de sexologie et de l’AES dès leur fondation. Elle publie en 1933, un article sur « Les deux frigidités de la femme », dans lequel elle nomme clitoridisme, cette « sorte d’infirmité », cette « inadaptation à une fonction vitale », qu’est « l’anesthésie vaginale » doublée de l’orgasme incomplet (Bulletin de la société de sexologie, n°5, mai 1933). Dès 1924, elle proposait une opération chirurgicale pour ces cas. C’est surtout après guerre que ses recherches sur la sexualité des femmes se diffuseront.
PAROLES DE FEMMES
16 La parole féminine, et plus encore féministe, sur tous ces aspects est extrêmement rare. Il n’existe malheureusement pas de Marie Stopes à la française. Marie Stopes, botaniste, suffragiste de la Women’s freedom league et néomalthusienne se spécialise dans les questions sexuelles après l’échec de son premier mariage. Son premier ouvrage Married love : A New Contribution to the Solution of Sex Difficulties (1918), qui s’inspire beaucoup des recherches d’Havelock Ellis, connaît un succès international. En France, quelques personnalités libertaires prennent position, mais plus sur les enjeux sociaux que corporels. On peut évoquer les contributions de Madeleine Vernet (1878-1949), de Madeleine Pelletier (1874-1939), de Jeanne Marqués et de Jeanne Humbert (1890-1986). Toutes sont libre penseuses et néo-malthusiennes, seule M. Pelletier se définie comme féministe.
17 Pour les néo-malthusiennes, comme pour les néo-malthusiens, seule la maternité consciente produirait l’essentiel de l’émancipation des femmes. Jeanne Marquès [2] par exemple, lance régulièrement des appels aux féministes dans Génération consciente, périodique dirigé par Eugène Humbert. Elle polémique avec Arria Ly, « apôtre de la virginité absolue » et ses adeptes qui « se refusent à comprendre que la véritable émancipation de la femme est l’émancipation sexuelle que peut seule résoudre une éducation néo-malthusienne ». Ainsi, « elle aura au point de vue sexuel les mêmes droits que les hommes se sont arrogés par privilège » (Génération consciente, n°51, juin 1912). Jeanne Humbert tient des propos très similaires dans La grande réforme dirigée également par son mari. « Quels insurmontables préjugés, dont elles [les féministes] subissent sans doute à leur insu l’atavique pression, peuvent-ils obnubiler à ce point leur entendement qu’elles ne perçoivent pas que l’infériorité de la situation qui leur est faite, réside d’abord et avant tout dans la dépendance sexuelle où la nature s’est complu à les placer ? » se demande-t-elle (Humbert J., 1935).
18 Madeleine Vernet et Madeleine Pelletier se montrent, elles, beaucoup plus critiques. Le néo-malthusianisme, la liberté amoureuse et sexuelle ne sauraient assurer l’égalité des sexes. Madeleine Vernet, fait paraître en 1906 une courte brochure sur L’amour libre, dans laquelle elle souhaite voir se réaliser « une seule morale pour les deux sexes : la liberté absolue de l’amour » (Vernet M., 1924, p. 12). Mais 15 ans plus tard, elle change d’avis et tente, sans succès, d’interdire la réédition de son essai. Madeleine Pelletier, première femme interne des asiles d’aliénés, libertaire, a une formation similaire à bien des sexologues. Elle évoque les questions sexuelles dans de nombreuses brochures : Le célibat état supérieur (s.d.), l’amour et la maternité (s.d.) ; La prétendue infériorité psychophysiologique des femmes (1904) ; L’Emancipation sexuelle de la femme (1911) ; L’éducation féministe des filles (1914), qui comporte un chapitre sur l’éducation sexuelle ; De la prostitution (1928) ; La rationalisation sexuelle (1935) et son roman La femme vierge (1933). En insistant surtout sur l’oppression sexuelle subie par les femmes, elle produit la critique la plus radicale de l’hétérosexualité. Ces deux femmes montrent toutes deux les limites de l’égalité amoureuse et sexuelle y compris dans ce milieu politique avancé.
19 Pour Madeleine Vernet, l’amour libre « loin d’aider à l’affranchissement de la femme, est le plus souvent pour elle une source nouvelle de servitude et de souffrance », car « il la livre aux caprices de l’homme, aux dangers de l’avortement, de l’abandon et de la misère » (Vernet M., 1920, pp. 4-5 et 28). Toutes deux insistent sur l’imprévoyance des hommes, notamment de la classe ouvrières, qui prennent leur plaisir et « se repose sur la femme du soin de prendre toute précaution utile. Or, on sait combien ces moyens sont aléatoires et peu sûrs » (Vernet M., 1920, p. 25). L’avortement, libre et médicalisé, pour M. Pelletier, doit donc nécessairement accompagner la prévention des naissances. M. Vernet insiste surtout sur l’éducation du sens moral et de la responsabilité des hommes, ainsi que sur la reconnaissance de la maternité comme fonction sociale. L’éventuelle grossesse, les risques de l’avortement ne sont pas seuls en cause à son sens, il y a aussi « cette autre vérité que nul psychologue ne démentira : la femme s’attache par le fait même qu’elle se donne, et plus elle se donne, plus elle s’attache. La nature de l’homme, au contraire, le porte à se détacher lorsqu’il a obtenu la possession » (Vernet M., 1920, p. 27). Don d’un côté, possession de l’autre, cette asymétrie sexuelle rejoint celle mise en avant par les sexologues.
20 Le pessimisme de M. Pelletier va beaucoup plus loin puisqu’elle ne voit aucune possibilité d’épanouissement sexuel pour la femme de son temps. Mariée, elle doit arriver vierge et ignorante, rester fidèle ensuite et se soumettre au bon vouloir de son époux qui peut lui imposer des grossesses non voulues et des « perversions sexuelles ». Son adultère est bien plus puni par la loi que celui de l’homme. Célibataire, elle vit sous la surveillance étroite de la concierge et des voisins et se trouve en butte aux grossièretés masculines dans les lieux publics. Dans le mariage ou l’amour libre, « la femme n’est que l’instrument dont l’homme se sert pour jouir ; il la consomme comme un fruit » elle risque ensuite la grossesse et l’avortement. Elle remarque que même dans la littérature néo-malthusienne « Les ouvrages les plus avancés sur l’éducation sexuelle, se bornent à donner le conseil de ménager la femme » (Pelletier M., 1978, p. 110). Aussi la sexualité féminine ne peut s’exprimer librement : « La femme ne fait cependant pas qu’être désirée ; elle désire ; l’instinct sexuel parle aussi en elle : mais la société ne lui donne aucun droit de se faire valoir » (Pelletier M., 1911, pp. 38 et 39). Sa solution ne passe pas par un aménagement de l’hétérosexualité, comme le préconisent les sexologues, mais par le refus de toute sexualité. Afin de ne pas devenir l’objet de la sexualité masculine, elle a fait le choix de la chasteté, tout comme Arria Ly. Ses vêtements masculins disent clairement, qu’elle a cessé « volontairement d’être désirable » (Pelletier M., 1919 cité par Maignien C., p. 14). Elle fait l’éloge de « l’état supérieur » qu’est le célibat, seul moyen de rester libre et conteste les sexologues car « les médecins qui ont écrit sur les dangers de la chasteté n’ont pensé qu’aux hommes, les femmes n’ont pas une sexualité aussi impérieuse » (Pelletier M., 1919 cité par Maignien C., pp.114-115). Près de 20 ans plus tard, dans son roman autobiographique intitulée La femme vierge elle justifie le même choix : « Elle, Marie, avait remplacé l’amour par la vie cérébrale, mais combien peu sont capables de le faire. Plus tard la femme pourra s’affranchir sans renoncer à l’amour. Il ne sera plus pour elle une chose vile, que seuls le mariage et la maternité peuvent relever. La femme pourra, sans être diminuée, vivre sa vie sexuelle » (Pelletier M., 1996, p. 145). Il faut noter qu’elle n’offre guère d’alternative au couple : ni la masturbation, qui risque de « faire de la jeune fille une dévoyée toute sa vie », ni l’amour entre femmes. Tout au plus conseille-t-elle aux femmes qui veulent rester vierges « la vie en commun à plusieurs jeunes filles » afin d’éviter la solitude (Pelletier M., 1978, pp. 113 et 115).
21 Seules Jeanne Humbert (1890-1986) et Berty Albrecht (1893-1943) contribuent au développement de la sexologie en France. La première, se consacre de plus en plus aux questions sexuelles, au fils de ses articles dans La grande réforme et de ses ouvrages. Dans son roman précurseur En Pleine vie, publié en 1930 dans la collection « Pro amor », elle explique pédagogiquement les buts de la réforme sexuelle et annonce un ouvrage qui traitera de « la froideur de la femme en amour, les causes, comment la vaincre, le droit à l’amour pour la femme » (Humbert J., 1930). Celui-ci ne verra malheureusement jamais le jour, mais 4 ans plus tard elle signe avec Camillo Berneri un plaidoyer pour la connaissance de la vie érotique, sous toutes ses formes, nourri de toute la littérature sexologique de l’époque. Il restera à l’état de tapuscrit (Humbert J. et Berneri C., 1934). La seconde, qui a découvert à Londres les milieux socialiste, féministe, néo-malthusien et la LMRS, fait paraître de 1933 à 1936, 6 numéros du Problème sexuel, revue entièrement consacrée à la réforme sexuelle. Aucune des deux ne fait œuvre de création, mais chacune compile les théories les plus libérales.
22 Est-ce l’influence de Camillo Berneri ou le fruit de son évolution personnelle ? Camillo Berneri (1897-1937), anarchiste italien, a écrit plusieurs textes sur la sexologie notamment La libertad sexual de la mujer, il a pu influencer sa co-auteure (Berneri C., 1988). En tous cas, on ne peut que constater l’évolution rapide, d’un ouvrage à l’autre, des positions de Jeanne Humbert. Dans En pleine vie (1930), Jeanne Humbert, par la bouche de son héro le Dr Fernandez, condamnait les « déplorables habitudes de masturbation et de saphisme » qui compromettent le bonheur conjugal car la femme devient « insensible aux rapports sexuels normaux et reste, toute sa vie, clitoridienne, la sensibilité du clitoris s’étant exagérément développée au détriment des nerfs érectiles vaginaux, qui, faute de fonctionner, s’atrophient » (Humbert J., 1930, p. 119). Dans Sous la cagoule, elle donne encore des conseils aux parents pour « enrayer la propagation de cette malheureuse perversion » qu’est la masturbation (Humbert J. et Berneri C., 1934, p. 118). Mais dans Tartufe contre Eros, écrit peu après, la masturbation, si elle reste passagère, modérée et s’exerce par défaut du coït, devient une phase normale du développement sexuel et même un apprentissage de la puberté qui assure la primauté de la zone génitale. Et dans leur passage sur « l’art de l’amour » c’est bien le clitoris qu’il faut solliciter. Quant au saphisme et à la sodomie, ils tendent à en faire non des perversions mais des « aberrations ». Dans leur conclusion ils s’interrogent sur le sens de la normalité, car comme ils observent une infinité de variations « cette infinité même démontre bien que la variation est normale ». La morale sexuelle de demain reposera sans doute sur deux axiomes « Ne nuis pas à ton voisin » et « pour le reste fait ce qu’il te plait » (Humbert J. et Berneri C., 1934, pp. 156 et 122).
23 De même, Berty Albrecht traduit et imprime à compte d’auteur, des textes britanniques et allemands parmi les plus libéraux : Norman Haire, Dora Russel ou Max Hodann, par exemple, qui tendent à voir dans la masturbation un phénomène relativement anodin, tant qu’elle ne se substitue pas au coït. Par contre, le thème de l’homosexualité, n’est guère abordé.
24 Au terme de ce trop rapide parcours, il nous faut conclure. On l’aura compris aucune réponse tranchée n’existe. On risque toujours l’anachronisme à jauger une époque à l’aune de critères bien postérieurs. Après les mouvements féministes et homosexuels des années 1970, cette première sexologie nous semble évidemment désuète, étroite d’esprit, voire, dans son accouplement avec l’eugénisme, dangereuse. Mais replongée dans son contexte, et a fortiori, comparée aux discours médicaux du XIXe siècle, elle peut être qualifiée de progressiste et de libératrice. Libres penseurs, socialistes ou anarchistes, ces médecins n’en sont pas moins des hommes, ils théorisent la sexualité de leur point de vue. Ce biais masculin sera fortement contesté par les nouvelles féministes des années 1970.
25 Il est incontestable que cette science nouvelle, productrice de normes, participe à « l’invention de l’hétérosexualité » et partant, à la pathologisation de l’homosexualité. La stigmatisation de la « vieille fille » (spinster) et de la chasteté nourrit les conclusions de S. Jeffrey et M. Jackson, évoquées plus haut. La sexologie contribue à ériger l’hétérosexualité en norme absolue et à discréditer les autres comportements, notamment les amitiés et cohabitations de deux femmes célibataires, chastes ou non, qui autrefois ne suscitaient pas de médisance. Pour M. Vernet, M. Pennetier ou Arria Ly, il ne fait pas de doute que la liberté sexuelle accroît l’exploitation des femmes et que la contraception, sans modification du comportement masculin ne résout rien. D’autres, plus jeunes, telle Jeanne Humbert ou Berty Albrecht, assimilent et répandent le discours sexologique le plus libéral, mais sans se soucier spécialement des femmes. Il faudra attendre l’après deuxième guerre pour qu’une subjectivité féminine s’exprime plus nettement à propos des pratiques sexuelles.
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Mots-clés éditeurs : Militant, Néo-malthusianisme, Sexologie au XIXe siècle, Féminisme
Date de mise en ligne : 06/06/2011
https://doi.org/10.3917/cpsy.058.0067Notes
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[1]
« All sexological work from the 1900s to the 1950s can be seen to some extent as a shifting of ballast in response to the first wave of feminism, an adjustment to maintain male advantage » in JEFFREY S. (1990), Anticlimax : a Feminist Perspective on the Sexual Revolution, Londres, The Women’s Press, p. 18, ma traduction.
-
[2]
Il s’agit probablement de la sœur de Marcelle Capy.