Notes
-
[1]
CRUET J., La vie du droit et l’impuissance des lois, éd. Flammarion, 1908.
-
[2]
En ce sens LEVASSEUR G., « La responsabilité pénale du médecin », in Le médecin face aux risques et à la responsabilité, Fayard, 1968, pp 133-159.
-
[3]
Sachant qu’aucune disposition expresse ne définit la fonction de soins du médecin.
-
[4]
Ce qu’une loi réprouve, une autre loi – et seulement une loi– peut l’autoriser, conformément à la règle énoncée par l’article 122-4 du code pénal aux termes duquel « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ». Nous revenons sur ce point infra.
-
[5]
Sous l’empire du Code pénal de 1810, il s’agit des coups et blessures volontaires (art. 309) ; sous l’empire du nouveau Code pénal de 1992, il s’agit des « violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente » (art. 222-9), des « violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours » (art. 222-11) et des « violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail » (art. 222-13).
-
[6]
Cette remarque est faite du point de vue des règles juridiques applicables, et non du point de vue de la réalité des pratiques médicales.
-
[7]
LE BRETON D., « Le sacrifice dans les usages médicaux du corps humain », La revue du MAUSS, n°5, 1995, pp. 21-40.
-
[8]
MANDRESSI R., « Dissections et anatomie » in Histoire du corps, vol. 1, De la Renaissance aux Lumières, (sous la direction de Georges Vigarello), Seuil, 2005, pp. 312-333.
-
[9]
Cependant, David Le Breton a pu montrer que cette conception est celle des élites médicales à laquelle s’est opposée celle de la population : la représentation d’un corps démantelé heurtait les conceptions classiques de notre société pour qui la personne de l’individu décédé persiste dans la dépouille mortelle ; celle-ci ne se résume pas à une enveloppe biologique qu’il serait regrettable de ne pas pouvoir utiliser. Aussi les médecins ont dû se rabattre sur le corps des condamnés à mort, sachant qu’au XIXe siècle, les pauvres, les personnes sans attaches sont souvent l’objet des dissections, précisément parce qu’ils n’ont pas d’entourage familial pour les défendre contre les dissections. Il cite l’exemple suivant « … les pensionnaires d’un hospice de Philadelphie en 1845 implorent la direction d’empêcher l’exhumation du cadavre par les anatomistes chaque fois qu’un décès frappe l’institution. La requête est rejetée avec cynisme : « il faut bien des corps pour les Écoles d’anatomie » : D. Le Breton, article préc.
-
[10]
Selon les travaux de l’historien Jacques Leonard, « les patients des hôpitaux, hospices et asiles appartiennent en grande majorité aux couches défavorisées de la population ; beaucoup de prolétaires, de déracinés, de victimes des accidents du travail manuel et des malheurs de la vie moderne. Dans la morale du temps, il ne paraît pas choquant que ces pauvres gens, en échanges de soins gratuits, fassent l’objet d’explorations cliniques et d’expérimentations thérapeutiques » : J. Léonard, La médecine entre les pouvoirs et les savoirs, Histoire intellectuelle et politique de la médecine française au XIXe siècle, Aubier-Montaigne, 1981, p. 134. Grégoire Chamayou a pu montrer que « ce sont les paralytiques, les orphelins, les bagnards, les prostituées, les esclaves, les colonisés, les fous, les détenus, les internés, les condamnés à mort, les « corps vils » qui ont historiquement servi de matériau expérimental à la science médicale contemporaine » : CHAMAYOU G., Les corps vils, Expérimenter sur les êtres humains aux XVIIIe et XIXe siècles, Les Empêcheurs de tourner en rond, La Découverte, 2008.
-
[11]
On peut se reporter à un article où j’ai développé tous ces points : THOUVENIN D., verbo « Recherche biomédicale, Comment ménager la protection de l’intégrité corporelle et l’intérêt de la connaissance » in Dictionnaire du corps, ss dir. M. MARZANO, PUF, 2007, pp. 805-810.
-
[12]
Créée à Paris le 18 septembre 1947, cette association est à majorité américaine.
-
[13]
J’ai montré que ce code éthique qui est une série de prescriptions morales (au nombre de 10 comme les Dix Commandements) est 1° la transformation en préceptes éthiques de règles juridiques et que 2° ce code est inspiré par le droit américain, alors que ce sont des exactions durant la seconde guerre mondiale sur le territoire de l’Europe qui a conduit à leur condamnation. D’une part, ce sont des règles juridiques qui ont inspiré des règles éthiques et d’autre part, ce sont les conceptions du droit américain parce que ce « code » est la transcription en termes éthiques des énoncés juridiques du jugement du 19 et 20 août 1947. Liées aux exactions nazies, ces règles ont été conçues comme une nécessité visant à éviter la réitération de telles pratiques, le partage de l’Allemagne en zones alliées ayant dévolu cette tâche aux Américains : THOUVENIN D., « Les lois n°94-548 du 1er juillet 1994, n°94-653 et n° 94-654 du 29 juillet 1994 ou comment construire un droit de la bioéthique » in Actualité législative, Dalloz, 1995, pp.149-213.
-
[14]
Cf. GAUDILLIÈRE J.P., Inventer la biomédecine, la France, l’Amérique et la production des savoirs du vivant (1945-1965), La Découverte, 2002.
-
[15]
En ce sens GAUDILLIÈRE J.P., La médecine et les sciences, XIXe-XXe siècles, La Découverte, coll. Repères, 2006.
-
[16]
Il est attribué au biologiste et cancérologue américain Van Rensselaer Potter. Sur ce point, cf. notamment FAGOT-LARGEAULT A., L’homme bioéthique, Maloine, 1984 et « L’émergence de la bioéthique » in Revue philosophique de la France et de l’étranger 2004/3, Tome 129, n°3, pp. 345-350. Également TAGUIEFF P.A., La bioéthique ou le juste milieu, Une quête de sens à l’âge du nihilisme technicien, Fayard, 2007, pp. 253-288.
-
[17]
Le National Institute of Health créé en 1938 devient l’organisme principal de financement de la recherche médicale ; puis, d’année en année, il s’adjoint à partir de 1948 des instituts spécialisés.
-
[18]
Au moyen de Comités institutionnels d’examen (Institutional Rewiev Board connus sous leur sigle d’IRB).
-
[19]
Cf. sur ce point, ISAMBERT F.A., De la bioéthique aux comités d’éthique, Études 1983, p. 671 FAGOT-LARGEAULT A., L’homme bioéthique, préc. .
-
[20]
ISAMBERT F. A, « Révolution biologique ou réveil éthique ? » in Éthique et biologie, Cahiers STS, éd. du CNRS, 1986, pp. 9-41.
-
[21]
ISAMBERT F. A, « Révolution biologique ou réveil éthique ? », préc. : « les besoins de régulation et la crainte de voir réglementer excessivement une activité professionnelle réclamant initiative et prise de responsabilité sont posés comme termes antinomiques parallèlement aux rapports du droit et de la morale. Développer l’aspect éthique du contrôle d’une activité est, dès lors, la contrepartie nécessaire si on veut éviter qu’elle soit l’objet d’une surveillance de la part de la puissance publique ».
-
[22]
Son président était le Pr Jean Bernard qui fut ensuite le premier président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.
-
[23]
Sa création fut proposée à l’issue du Colloque national sur la recherche organisé en 1982 par le ministre de la recherche Jean-Pierre Chevènement ainsi que celle de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, issu de la loi n° 83-609 du 8 juillet 1983 portant création d’une délégation parlementaire dénommée Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
-
[24]
Allocution prononcée par François Mitterrand, président de la république le 2 décembre 1983, Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, Rapport 1984, la documentation française, 1985, pp. 13-16.
-
[25]
Sur le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, on peut se reporter à notre article : THOUVENIN D., « Les institutions nationales de la bioéthique : fonctionnement et compétences » in Revue politique et parlementaire, Bioéthique : entre loi, morale et progrès, n°1050, janv/fév/mars 2009, p. 167-177.
-
[26]
La loi n°94-654 du 29 juillet 1994 a modifié cet énoncé ; désormais sa mission est de « … donner des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société… ».
-
[27]
On notera avec intérêt la définition qui en est donnée sur le site des États généraux de la bioéthique : « bioéthique vient de « bio », qui veut dire « vivant », et « éthique », qui signifie « ce qui est bon et utile pour l’homme. La bioéthique s’intéresse aux activités médicales et de recherche qui utilisent des éléments du corps humain. Par exemple : la greffe d’organes, de tissus (cornées, peau…), de moelle osseuse ; l’assistance médicale à la procréation, qui fait appel aux dons d’ovules et de sperme ; les recherches ayant comme objet l’embryon et les cellules embryonnaires ; le dépistage de maladies faisant appel aux gènes. Elle cherche à répondre le mieux possible aux questions soulevées par le progrès scientifique et technique, au regard des valeurs de notre société ; garantir le respect de la dignité humaine et la protection des plus vulnérables contre toute forme d’exploitation », www.etatsgenerauxdelabioethique.fr/presentation-generale/labioethique-en-quelques-mots.html
-
[28]
Et c’est encore le cas, alors que la loi relative à la bioéthique devra prochainement faire l’objet d’un réexamen ; il s’agit notamment de savoir si des recherches sur l’embryon peuvent continuer à être menées, si les couples homosexuels peuvent accéder à l’AMP, si la détresse de ne pas pouvoir avoir d’enfant légitime et de demander à une autre femme de porter l’enfant puis de le lui remettre peut s’entendre.
-
[29]
En ce sens, par exemple, Questions d’éthique biomédicale, sous la direction de MATTEI J.-F., avec la collaboration de HARLÉ J.-R., LE COZ P. et MALZAC P., Flammarion, coll. Nouvelle bibliothèque scientifique, 2008. Dans une longue introduction, Jean-François Mattei fait référence, avec une grande constance, non pas à la « bioéthique », mais à « l’éthique biomédicale », parce que le terme « bioéthique » lui paraît trop ambigu, laissant « … croire que c’est la biomédecine qui façonne sa propre éthique, alors que l’éthique doit rester au-dessus des savoirs particuliers ». Il ajoute, en se référant à la dernière loi adoptée, celle « relative à la bioéthique » du 6 août 2004, que son titre « peut… donner le sentiment erroné que la bioéthique se résumerait aux sujets abordés dans cette loi ». Il s’oppose à cette idée, car dit-il « … il suffit de penser aux législations spécifiques survenues entre 1994 et 2004, de la stérilisation des femmes handicapées, de la fin de vie, ou encore des droits des malades et notamment des enfants nés atteints de handicaps, pour comprendre que la « loi relative à la bioéthique » ne traite que de quelques sujets parmi beaucoup d’autres relevant pourtant, eux aussi, du même champ de la bioéthique ».
-
[30]
Pour une analyse particulièrement éclairante, cf. TAGUIEFF P.A., La bioéthique ou le juste milieu, Une quête de sens à l’âge du nihilisme technicien, préc. .
-
[31]
Hormis les identifications par voie d’empreintes génétiques.
-
[32]
En l’occurrence son article 34.
-
[33]
La loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain et la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, enfin la loi n° 94-548 du 1er juillet 1994 relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
-
[34]
Ainsi que de son identité génétique, point que je n’aborde pas dans cet article consacré au corps humain et à l’embryon humain en tant qu’ils constituent des ressources biologiques.
-
[35]
Dès la présentation, en Conseil des ministres du 18 décembre 1991, des orientations du gouvernement en matière d’éthique biomédicale, il fut acquis qu’un premier projet de loi définirait « les principes et les règles de nature à garantir le respect des droits de la personne » ; à partir de cette date, l’expression « grands principes » utilisée à tous les stades de la discussion parlementaire devait désigner les fondements des règles relatives au « statut du corps humain ».
-
[36]
Projet de loi relatif au corps humain et modifiant le code civil, Ass. nat. n° 2599, 25 mars 1992, p. 2.
-
[37]
À la différence des pratiques médicales « classiques » où la conviction de se sentir malade suffit pour permettre l’accès aux soins.
-
[38]
Projet de loi relatif au corps humain et modifiant le code civil, Ass. nat. n° 2599, 25 mars 1992, p. 3.
-
[39]
Projet de loi relatif au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain et à la procréation médicalement assistée et modifiant le code de la santé publique, Ass. nat. n° 2600, 25 mars 1992, p. 2.
-
[40]
On peut se reporter à l’analyse que j’en ai proposé : THOUVENIN D., verbo « Statut du corps humain » in Dictionnaire du corps, ss dir. M. MARZANO, PUF, 2007, pp. 896-900.
-
[41]
Art. 16-1 al. 3 du code civil : « le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent pas faire l’objet d’un droit patrimonial ».
-
[42]
Art. 16-5 du code civil : « les conventions ayant pour objet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits, sont nulles » et art. 16-6 du code civil : « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ».
-
[43]
Parmi lesquelles l’obligation de s’assurer soit de l’absence de refus (personne décédée), soit de l’accord exprès de la personne (personne vivante) sur qui le prélèvement est envisagé.
-
[44]
Cependant, l’irrespect de certaines de ces conditions jugées particulièrement importantes est constitutif d’infractions pénales : par exemple, art. L. 1272-2 du code de la santé publique : « comme il est dit à l’article 511-3 du code pénal ci-après reproduit : « art. 511-3 : le fait de prélever un organe sur une personne vivante majeure, y compris dans une finalité thérapeutique, sans que le consentement de celle-ci ait été recueilli dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 1231-1 du code de la santé publique [….] est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 ? d’amende ».
-
[45]
Ce qui explique notamment le rôle très particulier du consentement de la personne sur qui le prélèvement est envisagé ; son existence doit être vérifiée, mais ce n’est pas l’expression de la volonté de la personne qui est à l’origine de la décision. À elle seule cette question très complexe nécessiterait un article complet. On peut se reporter aux analyses que j’ai conduites sur ce point, notamment THOUVENIN D., « Consentement présumé ou droit d’opposition au prélèvement d’organes sur personne décédée : un exemple de conflit entre représentations communes et règles juridiques » (rapport ronéoté, mars 2004, 147 pages).
-
[46]
Les chercheurs contre qui était portée cette accusation ont vivement critiqué cette interdiction qui les empêchait de conduire des recherches notamment pour étudier les défaillances de la reproduction humaine afin d’y porter remède : en ce sens cf. notamment PLACHOT M., « La recherche sur les embryons humains : quelles recherches, quelles conséquences ? » in Le savant et le politique aujourd’hui, Albin Michel, 1996, pp.154-160 ; THIBAULT C., « De la nécessité de l’expérimentation sur l’embryon humain et de son contrôle » in Les lois « bioéthique » à l’épreuve des faits : réalités et perspectives, sous la direction de B. FEUILLET-LE MINTIER, PUF, 1999, pp. 231-242.
-
[47]
Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994, art. 21.
-
[48]
Ainsi, l’article 16-10 du code civil a-t-il été modifié : l’expression « examen des caractéristiques génétiques d’une personne » a été substituée à celle « d’étude génétique des caractéristiques d’une personne » parce que les médecins intervenant dans ce champ estimaient ce terme inadéquat.
-
[49]
CLAEYS A., HURIET C., L’application de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, rapport Ass. nat. n° 1407, Sénat n° 232, 18 févr. 1999.
-
[50]
Cf. pour un bilan de ces techniques le rapport établi par Ch. Thibault et P. Tambourin, « État des connaissances sur la reproduction des mammifères et de l’homme et sur l’utilisation des cellules indifférenciées », Annexe 6 du rapport du Conseil d’Etat, Les lois de bioéthique : cinq ans après, La Documentation française, 1999, pp.243-263. Cf. également A. Claeys, C. Huriet, Le clonage, la thérapie cellulaire et l’utilisation thérapeutique des cellules embryonnaires, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, rapport Ass. nat. n° 2198, Sénat n° 238, 24 févr. 2000 et Commission CE, Rapport relatif à la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, SEC (2003), p 441.
-
[51]
Sur toutes les questions qu’il pose, cf. « Le clonage humain » sous la direction de F. DREIFUSS-NETTER, Problèmes politiques et sociaux, n° 887, La documentation française, avril 2003. Que le clonage soit à finalité thérapeutique ou à finalité reproductrice, les techniques sont identiques. Le Conseil de l’Europe –Protocole additionnel à la Convention de l’Europe pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine, portant interdiction du clonage d’êtres humains du 12 janvier 1998– le Parlement européen–Résolution sur le clonage humain du 12 mars 1997– le Groupe des conseillers pour l’éthique de la biotechnologie –Avis n° 29 du 28 mai 1997 sur les aspects éthiques des techniques de clonage– l’Organisation mondiale de la santé le 11 mars 1997 ont condamné le clonage humain avec la plus grande vigueur. En juin 1997, le Sommet de Denver des Huit a proclamé la nécessité de coopérer pour interdire le clonage humain ; puis l’Unesco et l’Assemblée générale de l’ONU ont adopté respectivement la Déclaration de l’Unesco sur le Génome humain le 11 novembre 1997 la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme le 10 décembre 1998. Enfin, l’article 3 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 lors du Conseil européen de Nice, prévoit que doit être respectée « l’interdiction du clonage reproductif des êtres humains ».
-
[52]
THOUVENIN D., La loi relative à la bioéthique ou comment accroître l’accès aux éléments biologiques d’origine humaine, D. 2005, chron., p.116- 121 et 172-179.
-
[53]
Art. L. 1418-1 du code de la santé publique.
-
[54]
L’article L. 2141-4 al. 2 du code de la santé publique prévoit d’abord la possibilité pour le couple d’accepter que « leurs embryons soient accueillis par un autre couple ».
-
[55]
Selon l’article L. 2141-4 al. 2 du code de la santé publique.
-
[56]
Projet de loi relatif à la bioéthique, Ass Nat. n° 3166, 20 juin 2001, p. 7 : « la solidarité que doit la société en particulier aux malades porteurs de pathologies jusqu’ici incurables et pour lesquelles, de l’avis de tous les experts, les lignages cellulaires obtenus à partir de cellules totipotentes sont porteurs d’immenses espoirs thérapeutiques ».
-
[57]
Art. L. 2151 –5 al. 2du code de la santé publique.
-
[58]
Art. L. 1418-1 12 du code de la santé publique : « ce rapport, qui comporte notamment une analyse des autorisations et agréments accordés au titre des 10° et 11° ainsi que les avis du conseil d’orientation, une évaluation de l’état d’avancement des recherches sur l’embryon et les cellules souches, un état des lieux d’éventuels trafics d’organes ou de gamètes et de mesures de lutte contre ces trafics et une évaluation des conditions de mise en œuvre ainsi que l’examen de l’opportunité de maintenir les dispositions prévues par l’article L. 2131-4-1, est rendu public ».
-
[59]
L’Agence de la biomédecine a rendu son rapport en Octobre 2008 : Bilan d’application de la loi de bioéthique du 6 août 2004, par l’Agence de la biomédecine, Rapport à la Ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, oct. 2008. Par ailleurs, le Conseil d’Orientation de l’Agence de la biomédecine a rendu un Rapport le 20 juin 2008, intitulé « Contribution du Conseil d’Orientation de l’Agence de la biomédecine aux débats préparatoires de la loi de bioéthique ».
-
[60]
Art. 26 de la loi de 2004 : « six mois avant le terme de la période de cinq ans mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique ».
-
[61]
Art. 40 de la loi du 6 août 2004 qui prévoit que « I. - la présente loi fera l’objet d’un nouvel examen d’ensemble par le Parlement dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur. II. -Elle fera en outre l’objet, dans un délai de quatre ans, d’une évaluation de son application par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ». L’OPECST a remis son rapport le 17 décembre 2008 : CLAEYS A., VIALATTE J.S., L’évaluation de l’application de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, rapport Ass. nat. n° 1325, Sénat n° 107, 17 déc. 2008.
-
[62]
Conseil d’Etat, La révision des lois de bioéthique, Les Etudes du Conseil d’Etat, 4855, La documentation française, juin 2009.
-
[63]
Avis n° 105, « Questionnement pour les États Généraux de la bioéthique », www.ccne-ethique.fr http://www.ccne-ethique.fr/
-
[64]
Ils ont donné lieu à trois Forums citoyens : Marseille 09 juin consacré à la Recherche sur les cellules souches et sur l’embryon, diagnostics prénatal et préimplantatoire (DPN, DPI), Rennes le 11 juin sur l’AMP, Strasbourg le 16 juin prélèvement et greffes d’organes, de tissus et de cellules ; médecine prédictive et examen des caractéristiques génétiques.
-
[65]
Pourtant aussi bien les lois dites bioéthiques de 1994 que celle relative à la bioéthique de 2004, ont suivi un processus législatif qui a vu les projets de lois présentés par une majorité de gauche, adoptés par une majorité de droite et, dans les deux cas, des positions antagonistes se sont exprimées, qui ont entraîné des modifications notables des projets de lois initiaux. Cf notamment l’analyse très intéressante de Stéphanie HENETTE-VAUCHEZ, « Bioéthique, biopolitique : politique et politisation du vivant », in Bioéthique, biodroit, biopolitique, Réflexions à l’occasion du vote de la loi du 4 août 2004, sous la direction de HENETTE-VAUCHEZ S., LGDJ, coll. Droit et société, 2006, p. 29-50 ; elle montre que la construction des règles en la matière ne se fait pas sur la base de consensus, mais est un terrain sur lequel se consolident des lignes de clivage de plus en plus nettes.
-
[66]
Point que met en avant la ministre de la santé, Madame Roselyne Bachelot-Narquin, dans son Discours de clôture des États généraux de la bioéthique, le 23 juin 2009 : « si ces forums citoyens ont été indispensables, c’est aussi pour notre société et pour le législateur. Cette manifestation de démocratie participative trouve son fondement même dans notre conception de la politique et du droit. Qu’est-ce que la politique, sinon l’organisation de la cité ? Or, cette cité, chacun de nous la compose. Chacun de nous veut et doit pouvoir s’y reconnaître » (les passages mis en gras le sont sur le site où est reproduit ce discours), www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr/
-
[67]
Sur les modalités de la démocratie participative, cf. Blondiaux L., Le nouvel esprit de la démocratie, Actualité de la démocratie participative, Seuil, coll. La République des idées, 2008.
-
[68]
Puisqu’il « est essentiel que les choix politiques soient compris, acceptés et même revendiqués ».
-
[69]
Question qui se pose de manière encore plus aiguë depuis que la greffe à partir de « donneurs » vivants a été rendue plus facile par la loi de bioéthique d’août 2004 ; selon une expression consacrée, le « cercle des donneurs » ayant été élargi. Cf. sur cette question, GATEAU V., Pour une philosophie du don d’organes, Vrin, 2009.
-
[70]
Autres que la vérification de l’accord ou de l’absence de refus, selon les cas, si bien que la pression s’exerce sur les personnes ; ainsi face à la « pénurie » d’organes, l’Agence de la biomédecine rappellera officiellement aux médecins qu’ils ont à informer les jeunes gens du « don » d’organes, alors que la loi reconnaît à toute personne le droit de refuser de son vivant tout prélèvement d’organes après son décès. http://www.ccne-ethique.fr/
« Le droit ne domine pas la société, il l’exprime »
1. LES MÉDECINS PEUVENT PRATIQUER DES INTERVENTIONS SUR LE CORPS D’UNE PERSONNE, MAIS POUR LA SOIGNER.
1 Les médecins sont les seuls à s’être vus reconnaître un accès légitime au corps humain des personnes, mais dans une finalité de soins nécessités par leur état de santé. Toutefois, même dans cette hypothèse, les interventions pratiquées par le médecin sur le corps humain constituent des atteintes volontaires à l’intégrité physique des patients. Mais, il est admis depuis le XIXe siècle que, dans l’exercice de leur art, le médecin ou le chirurgien n’encourent pas de responsabilité pénale à ce titre [2], parce qu’ils sont investis par les lois organisant leur profession de la fonction de soigner les malades. C’est parce qu’il y aurait contradiction à ce qu’un médecin exerçant les missions qu’une loi lui a conférées tombe sous le coup d’une autre loi pour un tel comportement, que ce dernier bénéficie d’une impunité. Cette dernière résulte des règles organisant la profession médicale [3], qui constituent uneautorisation de la loi [4]. Dans ce cas, le geste doit être entrepris dans un but thérapeutique et réalisé dans l’intérêt strictement personnel de la personne soignée.
2 Il s’agit de règles de responsabilité pénale qui visent des comportements jugés répréhensibles parce qu’ils mettent en jeu la vie des individus, alors que notre société attache un prix tout particulier à la protection de la vie humaine [5], ce qui explique qu’elles relèvent des « crimes et délits contre les personnes » ; et, c’est la personne au travers de son corps qui est prise en considération par ces infractions. L’application de ces règles concerne des pratiques médicales qui sont des interventions sur le corps de la personne malade – par un acte invasif d’investigation ou par une intervention chirurgicale– dans lesquelles le corps n’est pas dissocié de la personne objet des soins [6].
2. TOUTE AUTRE EST LA QUESTION DE L’ACCÈS AU CORPS BIOLOGIQUE EN TANT QUE TEL
3 Il s’agit de situations où le corps est utilisé soit comme entité biologique, soit comme ressource d’éléments biologiques. Celles-ci, bien que différentes des pratiques de soins sont en lien avec elles : d’une part, les soins des personnes malades sont dépendants des connaissances nécessaires pour les faire bénéficier de thérapeutiques efficaces, connaissances qui, depuis la fin du XIXe siècle, sont acquises grâce aux recherches biomédicales ; d’autre part, certains soins nécessitent des éléments biologiques qui sont prélevés sur d’autres personnes que celles qui en ont besoin.
4 Les pratiques de recherche ont été théorisées à la fin du XIXe siècle par Claude Bernard, dans son « Introduction à la médecine expérimentale », sous forme de proposition de critères de compatibilité du modèle expérimental avec le modèle clinique. Tandis que l’anatomie n’a pu prospérer que grâce à la dissection et aux prélèvements réalisés sur des cadavres, l’expérimentation doit être conduite sur une personne qu’il ne s’agit pas de soigner. Bien que différentes dans leur nature, ces deux types de pratiques présentent des points communs qui tiennent à ce que, selon David Le Breton, « pour que progresse la connaissance, certains individus doivent sacrifier une part d’eux-mêmes » [7]. En effet, la médecine fondée sur l’anatomie n’a pu se développer qu’en disséquant les cadavres [8], ce qui impliquait de considérer la dépouille mortelle, non plus comme indissociable de la personne qu’elle avait abritée, mais comme une chair accessible au savoir [9]. C’est l’intérêt général de la connaissance qui a servi de fondement à l’utilisation des corps morts, au nom de l’idée qu’ils peuvent encore servir, en l’occurrence aux vivants qui bénéficieront un jour des nouvelles connaissances acquises grâce à la dissection des cadavres.
5 L’utilisation du corps vivant a posé des questions encore plus délicates, notamment celle de savoir comment légitimer une pratique dont la finalité est thérapeutique, mais dans l’intérêt général de la connaissance et non dans l’intérêt de la personne sur qui l’expérimentation est conduite. Relevons simplement pour la suite de nos développements que la contradiction sera historiquement résolue en conduisant les expérimentations sur le corps de certaines personnes [10], la plupart du temps des indigents hospitalisés [11]. Puis, les exactions des médecins nazis sous la forme d’expérimentations menées dans les camps d’extermination donneront lieu à un jugement de condamnation du 19 et 20 août 1947 par un tribunal militaire américain qui a servi de source d’inspiration à un ensemble de règles éthiques établies par l’Association médicale mondiale [12], considérés comme les précurseurs des règles bioéthiques contemporaines : d’abord, le « Code » [13] dit de Nuremberg, qui est la transposition en termes éthiques des énoncés du jugement précité, puis la Déclaration d’Helsinki de 1964, qui a été révisée plusieurs fois (Tôkyô, octobre 1975, Venise, octobre 1983, Hong Kong, septembre 1989, Somerset West, octobre 1996, Édimbourg, octobre 2000, Washington, octobre 2002, Tokyo, 2004, Séoul, Octobre 2008).
6 C’est peu de temps après, au début des années 1950, que va se développer la biomédecine [14], c’est-à-dire une médecine qui s’appuie sur les connaissances acquises grâce aux expérimentations sur l’homme ainsi qu’aux recherches dans le champ de la génétique. Cette biomédecine présente un certain nombre de spécificités : elle nécessite, pour pouvoir soigner certains malades, de disposer d’éléments biologiques qui ne se trouvent que dans les corps de personnes autres que celles qui sont soignées grâce à ces éléments ; elle est également susceptible d’agir sur les mécanismes de la vie, en la créant dans le cadre d’une aide médicale à la procréation. Par ailleurs, à partir d’une trace corporelle ou d’un prélèvement, il est possible d’établir le génome d’une personne ; ce procédé permet l’identification d’une maladie ou d’une prédisposition à une maladie ; en outre, l’analyse des séquences non codantes de l’ADN, mais propres à chaque individu, permet l’identification de la personne. Ces pratiques qui sont hétérogènes, puisqu’elles vont de la transplantation d’organes à l’identification d’une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction, ont en commun de nécessiter l’accès au corps biologique de l’être humain.
7 C’est donc l’irruption de la recherche dans le champ médical qui a modifié les pratiques traditionnelles en la matière, car la médecine expérimentale vise la compréhension des règles du vivant et non la guérison d’une personne unique en son genre. Et, depuis cette époque, on assiste à un brouillage des frontières entre laboratoire et pratique clinique – c’est-à-dire les soins au malade– celle-ci étant désormais étroitement liée à la recherche [15]. Ceci explique que les questionnements soient incessants, car il existe souvent une faible distance séparant les progrès de la connaissance de leurs applications techniques.
8 C’est cette situation faite d’incertitudes qui a conduit les milieux des chercheurs et/ou des médecins à s’interroger sur la légitimité à la fois des pratiques de recherche sur l’homme ainsi que de celles issues de ces nouvelles connaissances désignées sous le vocable de « bioéthique ». Ce terme est la traduction française du terme « bioethics » [16] ; il est, semble-t-il, né au début des années 1970 aux États-Unis lorsque les National Institutes of Health [17], chargés de répartir les subventions de la recherche en matière de santé, mirent au point un système d’examen des conditions éthiques [18] des recherches sur l’homme [19], avec en arrière plan l’idée que la recherche fait courir des risques à l’homme.
3. LE TERME « BIOÉTHIQUE » SOURCE D’AMBIGUÏTÉ
9 François-André Isambert [20] a montré que le développement de la bioéthique et le recours à des règles éthiques a été un moyen pour les milieux médicaux concernés d’éviter un contrôle plus drastique de l’Etat, en mettant en place un système d’autorégulation par les pairs [21] dans l’objectif d’aborder de manière interne les problèmes moraux posés par les applications techniques de la recherche scientifique. C’est dans cette veine, qu’en France, fut d’abord créé en 1974, le comité d’éthique INSERM [22], pour donner un avis sur les questions éthiques posées par les projets de recherche ; il s’agissait, notamment de permettre aux chercheurs de publier dans les revues américaines qui exigeaient que la preuve soit faite de la soumission préalable du projet au contrôle d’un comité d’éthique conformément à la déclaration d’Helsinki. Puis, à partir de 1978, se mirent en place parallèlement, à l’initiative de médecins, des comités locaux d’éthique hospitalo-universitaires (on en dénombrait dix-sept en 1984).
10 Dans un second temps, le pouvoir politique décida au début des années 1980 d’institutionnaliser un débat public sur ces questions. Il a expressément recherché une solution de compromis : ce n’est pas à l’Etat de répondre seul aux questions soulevées et à édicter des règles auxquelles les chercheurs seraient soumis ; ce n’est pas non plus aux chercheurs de décider, mais pour autant la société n’a pas à se décharger d’une responsabilité qui est celle de tous. C’est ce choix qui explique la mise en place d’une réflexion éthique en amont des choix politiques, confiée à une instance nationale, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé [23], dont la composition illustre le souci « de mettre en commun les compétences et les expériences les plus diverses » [24]. Il a été présenté par ses instigateurs comme seul à même, de « … permettre une réflexion sereine sur les choix éthiques et technologiques », la désignation de ses membres à titre personnel leur permettant « d’être à l’abri des pressions politiques et de garder leur indépendance ». Ce dernier [25] s’est vu confier la mission « de donner des avis sur les problèmes moraux qui sont soulevés par la recherche dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé » [26], mission qui traduit clairement le lien existant entre la bioéthique et la recherche.
11 Mais cette manière de traiter les questions relevant du champ de la bioéthique [27] a été porteuse d’ambiguïtés. Le fait de confier officiellement au Comité national d’éthique la tâche de prendre parti sur ces dernières a pu laisser croirequ’il ne s’agissait que de résoudre des problèmes moraux liés aux progrès de la biologie et, notamment, à leurs incidences sur l’activité médicale, alors qu’il s’agit bien de questions sociales mettant en jeu un certain nombre de valeurs et des représentations traditionnelles. Ce n’est jamais l’utilisation de la technique qui a posé un problème, mais bien son acceptabilité sociale [28].
12 Cependant, la mission du Comité national d’éthique étant consultative, il n’a pas le pouvoir d’édicter des règles, d’autant plus que toutes ces pratiques relèvent de domaines nécessitant le vote de lois conformément à la Constitution du 4 octobre 1958. Aussi semble-t-il bien que sa fonction essentielle est de contribuer à leur élaboration « pacifiée », assurée par sa composition qui permet l’expression de la diversité des opinions exprimées, à la différence de l’opposition des positions partisanes au Parlement.
4. POURQUOI L’ADOPTION DE LOIS ÉTAIT-ELLE INDISPENSABLE ET COMMENT LES LOIS BIOÉTHIQUES ONT-ELLES ÉTÉ CONSTRUITES ?
13 Alors que le terme « bioéthique » est l’objet d’interprétations souvent extensives [29] incluant toutes les questions posées par les progrès technoscientifiques dans les pratiques médicales du début jusqu’à la fin de la vie [30], le champ des pratiques relevant de la bioéthique est délimité par la loi française. Ainsi le projet de loi déposé à l’Assemblée nationale le 20 juin 2001, qui aboutira à la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique précisait qu’« entre dans ce champ les matières suivantes : l’expérimentation sur l’homme, le don et l’utilisation d’éléments et de produits du corps humain, l’assistance médicale à la procréation et toutes les questions éthiques liées à l’amont de la naissance, la manipulation du génome ou des connaissances sur le génome, l’utilisation des données de santé à caractère personnel dans la recherche ». Ces activités, pour la plupart médicales [31] ont une particularité commune : elles concernent l’utilisation du corps humain ou son accès en tant que substrat biologique, mais aussi l’utilisation des données nominatives des patients, dans l’un et l’autre cas dans des finalités thérapeutiques pour autrui ou de recherche, autrement dit toujours pour des usages qui ne sont pas faits dans l’intérêt personnel de ceux qui en sont l’objet.
14 Il n’était donc pas possible de se passer de l’adoption de lois, non pas que des règles juridiques aient des vertus intrinsèquement supérieures, mais parce qu’elles étaient indispensables pour reconnaître la légitimité des intérêts d’autres personnes que celle sur qui les éléments biologiques du corps humain sont prélevés ou à partir de qui les données nominatives de santé sont collectées. En outre, toutes les informations tirées de l’ADN d’une personne par le biais d’identifications par empreintes ou tests génétiques pouvant constituer des atteintes potentielles à sa vie privée, leur utilisation est susceptible de menacer les libertés individuelles.
15 Toutes ces pratiques relèvent de domaines nécessitant le vote de lois conformément à la Constitution du 4 octobre 1958 [32], notamment : 1° pour ce qui concerne les pratiques médicales constitutives d’infractions pénales quand elles ne sont pas faites dans l’intérêt thérapeutique de la personne, seule une loi, en raison du principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines, peut prévoir à quelles conditions celle-ci peut ne pas être punie ; tel est le cas à la fois des prélèvements d’éléments du corps humain pour apporter des soins à ceux qui en ont besoin constitutives d’une atteinte à l’intégrité physique et du recueil, de la transmission et du traitement d’informations nominatives dans l’intérêt de la recherche en santé parce qu’elles impliquent une violation du secret professionnel médical ; 2° la possibilité de tirer des informations identifiantes d’un prélèvement biologique, parce qu’elle est susceptible de porter atteinte à la vie privée – objet d’une protection particulièrement attentive, notamment par le biais de la Convention européenne des droits de l’homme– nécessitait une protection légale, sachant que toutes les pratiques en question ne sont pas nécessairement médicales ; 3° pour toutes les pratiques susceptibles de mettre en cause l’état des personnes (par exemple, établissement contentieux ou contestation de la filiation), une loi est indispensable car « la loi fixe les règles concernant l’état et la capacité des personnes » ; 4° la protection de la production d’informations, aussi bien nominatives que génétiques, issues des pratiques de recherche, devait être assurée en conformité aux principes de la protection de la vie privée et de la loi « Informatique et libertés ».
16 Les règles constitutionnelles dont il vient d’être fait état régissent la construction des lois. Une fois ce canevas mis en évidence, il faut ensuite se pencher sur les modalités de construction du projet global retenues par le pouvoir politique ; elles constituent, en effet, un outil précieux de compréhension de la manière dont certaines questions sont discutées aujourd’hui. Trois lois [33] ont été adoptées pour organiser deux grands types de pratiques médicales : l’utilisation du corps humain en tant que ressource d’éléments biologiques et la transmission de données nominatives pour la recherche en santé. Elles ont été réparties dans trois catégories d’ensembles de règles, le code civil, le code de la santé publique et la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; bien que séparées, elles constituent un ensemble cohérent de règles dont le contenu n’est pas étranger à celui des autres, d’autant plus que plusieurs dispositions de chaque loi font des renvois exprès aux autres lois. Toutefois, cette séparation n’en rend pas l’accès facile et induit des interprétations qui ne tiennent compte que d’une seule catégorie de règles.
17 Si pour le gouvernement de l’époque, ces trois catégories de règles sont aussi importantes les unes que les autres, les questions soulevées par le traitement des données nominatives seront rapidement perdues de vue et négligées, bien qu’il s’agisse de questions sensibles de protection de la vie privée. Force est de reconnaître que c’est sur l’accès au corps humain biologique et sur l’utilisation de l’embryon humain que se concentrent débats, contestations, puis revendications de modifications des règles existantes. Il semble bien que, outre le fait que des atteintes à l’intégrité physique des personnes paraissent plus graves, la construction même des règles participe à cette focalisation. Et pour bien en mesurer la portée, il est nécessaire d’évoquer un point qui ne l’a pas encore été, celui des outils juridiques utilisés pour ménager des intérêts contradictoires : d’une part la protection de l’intégrité corporelle de la personne [34] par le biais de règles énonçant des « grands principes » [35], d’autre part, les modalités d’exercice des pratiques médicales d’utilisation d’éléments biologiques, d’assistance médicale et de diagnostic prénatal.
5. LES RÈGLES ÉNONÇANT LES « GRANDS PRINCIPES » ET LES RÈGLES ORGANISANT LES PRATIQUES MÉDICALES D’UTILISATION D’ÉLÉMENTS BIOLOGIQUES, D’ASSISTANCE MÉDICALE ET DE DIAGNOSTIC PRÉNATAL.
18 Dès l’origine, on peut constater de vives oppositions au sujet de l’accès au corps humain et à l’embryon humain, qui, quand ils sont revendiqués comme ressources biologiques par ceux qui en ont besoin, impliquent des atteintes à leur intégrité.
19 S’agissant du corps humain, l’objectif poursuivi par le gouvernement était de répondre à « l’attente de la communauté scientifique et médicale » dans un contexte de multiplication des « formes d’intervention sur le corps humain et les utilisations de celui-ci » et « de concilier les progrès de la science et le nécessaire respect des valeurs essentielles qui s’attachent à la dignité humaine » [36]. Pour ce faire, il édifia un double système de règles : d’une part, des règles de principe reconnaissant à toute personne de nouveaux droits subjectifs, d’autre part, des règles organisant certaines pratiques médicales, dont l’accès est soumis à conditions [37]. Le projet de loi relatif au corps humain [38] en rendait clairement compte : « le principe d’inviolabilité affirme le droit de chacun d’être légalement protégé contre les atteintes des tiers. Il trouve son fondement dans l’idée que le corps humain, incarnation de la personne, participe de l’essence même de l’homme et doit bénéficier du respect dû à celui-ci. Mais le droit de l’individu à l’intégrité de son corps doit être parfois combiné avec d’autres droits, libertés ou intérêts supérieurs. Ainsi, une atteinte à l’intégrité corporelle d’une personne peut être justifiée par l’intérêt de celle-ci (intervention chirurgicale), d’un tiers (don et greffe d’organes) ou de la société (recherche scientifique) ». Le projet de loi relatif au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain et à la procréation médicalement assistée [39] allait dans le même sens, affirmant que « l’un des traits marquants… des bouleversements… induits par la biologie et la génétique est la multiplication des cas d’utilisation des éléments et produits du corps humain pour des transplantations au bénéfice de patients autres que les personnes dont les parties du corps sont ainsi utilisées ».
20 Deux corps de règles permettront de ménager ces deux catégories d’intérêts : d’une part, ceux de toute personne grâce aux droits subjectifs qui lui sont reconnus dans le code civil au titre de ce que l’on appelle le « statut du corps humain » [40] ; d’autre part, ceux des personnes qui ont besoin de ces différents soins, les règles du code de la santé publique fixant à la fois les conditions d’exercice de ces activités par les praticiens et celles de leur accès par les patients. Toutefois, l’arbitrage des intérêts se fait en faveur des secondes, si bien que les « grands principes » sont moins une protection pour la personne que le moyen d’établir les exceptions autorisant l’accès au corps humain comme ressource biologique pour ceux qui en ont besoin. De plus, l’intégration de ces deux catégories de règles dans deux codes différents contribue à occulter le fait que les intérêts des uns se font au détriment de celui des autres.
21 Le législateur n’a pas eu pour objectif d’empêcher l’accès au corps biologique, mais seulement d’écarter certaines modalités d’utilisation du corps humain ou d’obtention de ses éléments : il a exclu la qualité de biens du corps humain et de ses éléments [41], écartant la possibilité pour la personne de passer un accord avec une autre personne, aux termes duquel elle lui transfèrerait un des éléments de son corps [42] ; il a réservé l’accès au corps biologique aux médecins qui sont autorisés, aux conditions [43] fixées par la loi, à effectuer les prélèvements nécessaires sur ce dernier. Ces règles garantissent leur irresponsabilité pénale [44] ; ils ne peuvent pas être poursuivis pour une atteinte à l’intégrité physique. Outre que ces règles sont construites en fonction d’un geste ou d’une activité réalisés par les médecins, elles en font les arbitres des intérêts en jeu, puisque ce sont eux qui prennent la décision du prélèvement et non pas les personnes objet du prélèvement [45].
22 S’agissant de l’embryon humain, le projet de loi n° 2600 du 21 mars 1992 réunissait dans un même livre l’ensemble des règles juridiques ayant trait à toutes les formes de médecine de substitution : la procréation médicalement assistée était mise sur le même plan que les prélèvements d’organes, de tissus humains et de cellules, la création d’un embryon étant considérée comme faisant partie d’un processus médical. La conservation et l’utilisation des embryons ne seront évoqués qu’au stade de la discussion parlementaire. Or le Sénat modifia l’architecture initiale du projet pour que les règles relatives à l’embryon humain le rattachent à la conception d’un enfant ; il estima que la plupart des dispositions adoptées par l’Assemblée nationale assimilaient les embryons humains à des produits du corps humain, méconnaissant leur vocation à devenir des êtres humains. Aussi décida-t-il d’intégrer les dispositions le concernant dans un livre du Code de la santé publique ayant trait à la protection de la famille et de la jeunesse, afin de mettre en avant l’objectif à atteindre : la conception d’un enfant.
23 Par ailleurs, entre le dépôt des projets de loi et leur deuxième lecture par l’Assemblée nationale, des élections avaient eu lieu entraînant un changement de majorité (de gauche en 1992 à droite en 1993) ce qui conduisit à l’interdiction à la fois de la « conception in vitro d’embryons humains à des fins d’étude, de recherche ou d’expérimentation » et de « toute expérimentation sur l’embryon » afin d’éviter qu’il soit traité comme un matériau biologique [46].
24 En définitive, de l’ensemble législatif tel qu’il a été construit par les lois des 29 juillet 1994, il résulte que si les éléments du corps humain sont accessibles et utilisables pour autrui, tel n’est pas le cas de l’embryon humain sur lequel les expérimentations ont été interdites, parce qu’il est considéré comme une personne potentielle, qui serait empêché de venir à la vie en raison des atteintes subies.
25 Depuis le début des années 1980, l’idée que les règles légales en vigueur sont toujours en retard est souvent mise en avant, puisque leur contenu serait constamment remis en cause par les innovations scientifiques. Ceci explique notamment que le législateur ait prévu la nécessité de leur réexamen, communément présenté sous le vocable de « révision » des lois bioéthiques. Pourtant, elle n’a jamais été prévue ; c’est un autre mécanisme qui a été retenu, celui de l’évaluation du système de règles, procédure dont il est intéressant de mesurer maintenant la portée comme les effets.
6. UN NOUVEL EXAMEN DE LA LOI APRÈS ÉVALUATION ET NON UNE RÉVISION DE CELLE- CI.
26 Si les trois lois dites bioéthiques ont été votées en 1994, c’est seulement pour la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, qu’il a été prévu qu’elle ferait « … l’objet, après évaluation de son application par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, d’un nouvel examen par le Parlement dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur » [47]. Ce modèle introduit pour la première fois dans la loi du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion (RMI) est sous-tendu par la vérification, dans un souci d’efficacité, de la fiabilité des règles mises en place par rapport au projet qu’elles traduisent.
27 Seule l’évaluation de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 ayant été envisagée, le champ des dispositions susceptibles de faire l’objet d’un nouvel examen du Parlement était donc déterminé par le champ d’application de cette loi ; étaient donc concernés la médecine prédictive, l’identification des maladies d’origine génétique et la recherche génétique, le prélèvement et l’utilisation des éléments et produits du corps humain, le diagnostic prénatal, l’assistance médicale à la procréation, la recherche sur l’embryon et les cellules embryonnaires. Étaient exclues de ce réexamen toutes les règles issues des deux autres lois.
28 Cependant, un certain nombre de dispositions de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 renvoyant expressément à la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994, il fut malgré tout nécessaire de se référer aux règles de principe qu’elle édicte ; mais, seules les dispositions de principe relatives aux pratiques médicales concernées [48] furent prises en considération. Ainsi par exemple, les questions soulevées par le recours aux empreintes génétiques dans le cadre des actes délinquants n’ont pas été abordées. De même, il n’y a pas eu le moindre débat, ni la moindre analyse concernant les dispositions de la loi n° 94-548 du 1er juillet 1994 intégrées dans la loi dite Informatique et Libertés.
29 L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) conduisit cette évaluation sous forme de bilan, en tenant compte de « l’ampleur des bouleversements scientifiques qui se sont produits depuis cinq ans » [49]. Cette démarche a contribué à conforter l’idée que les lois de bioéthique devaient être modifiées tous les cinq ans pour pouvoir tenir compte des « avancées » des découvertes scientifiques, à l’époque le clonage et la création de lignées cellulaires ainsi que les résultats d’études montrant que la survie des greffons prélevés sur des personnes vivantes était supérieure à celle des greffons issus de personnes décédées. En effet, l’évaluation de cette loi fut concomitante de l’isolation en 1998 de cellules souches embryonnaires qui a ouvert des perspectives de recherche importantes pour de nombreuses maladies [50] permettant d’envisager des études expérimentales qui ne soient plus spécifiques à la reproduction humaine, mais concernent l’amélioration de la santé des personnes en général ; ces possibilités ont semblé accrues grâce au clonage [51] qui permet l’obtention de cellules génétiquement identiques à celles du patient, évitant ainsi le risque de rejet.
30 Si le rapport d’évaluation fut rendu en 1999, l’adoption d’une nouvelle loi ne se fit que cinq ans après. Ce retard s’explique en raison des craintes que les débats au Parlement ne soient à nouveau l’occasion de vives dissensions au sujet de l’embryon humain et ce, d’autant plus, que la création de lignées cellulaires avait changé la donne puisque l’embryon apparaissait comme une ressource biologique. Et c’est ce contexte qui explique les caractéristiques de la loi n° 2004- 800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique [52] : elle constitue un ensemble de règles juridiques dites bioéthiques gouvernant l’ensemble des pratiques médicales et/ou de recherche dont l’objet est le corps humain et l’embryon en tant que ressource ou entité biologique ; cette unification a trouvé sa traduction par la création de l’Agence de la biomédecine dont les compétences s’étendent à tout le vivant biologique, à savoir « la greffe, la reproduction, l’embryologie et la génétique » [53]. Ces règles sont le produit des choix politiques du législateur français qui a dû tenir compte à la fois des multiples intérêts en jeu –aussi bien de santé, scientifiques qu’économiques– et des positions idéologiques ; ce compromis a conduit au maintien de l’interdiction des recherches sur l’embryon, mais à l’adoption concomitante d’un régime dérogatoire et temporaire (durée limitée à cinq ans) d’autorisation de ces recherches ainsi qu’à l’autorisation de l’utilisation des embryons surnuméraires ne faisant plus l’objet d’un projet parental pour une autre finalité [54], notamment de recherche [55]. Celle-ci a été fondée, à l’instar des organes, tissus, cellules et produits du corps humain, sur la solidarité [56] vis-à-vis des malades : de même que les éléments biologiques peuvent soigner un malade, ou s’ils ne sont pas d’assez bonne qualité pour cet objectif, servir à des recherches visant à améliorer les connaissances des maladies, de même les embryons créés dans le but de faire vivre un enfant peuvent être utilisés dans une finalité de recherche, et pas seulement sur la reproduction.
7. L’ÉCHÉANCE DU RÉEXAMEN DE LA LOI DANS LE DÉLAI DE 5 ANS EST DÉSORMAIS IMPÉRATIVE : UNE INFLATION DE RAPPORTS ET DE CONSULTATIONS.
31 C’est le régime transitoire et dérogatoire actuel des recherches sur l’embryon [57], qui a imprimé sa marque sur les modalités de discussion d’une possible modification de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Venant à échéance en février 2011, il rend nécessaire la discussion des règles en la matière au plus tard en 2010, alors que plusieurs types d’évaluations ont été introduits pour alimenter la réflexion. Le Gouvernement y a ajouté d’autres consultations, soit sous forme d’avis, de rapports ou d’États Généraux. On les décrira succinctement, avant de s’interroger sur les raisons de leur multiplication.
32 La loi de 2004 a prévu un double système d’évaluations :
- 1° un examen de la pertinence du maintien des dispositions actuelles sur les recherches sur les cellules souches embryonnaires et sur les cellules souches adultes ; elles font l’objet d’une attention soutenue, puisque, d’une part, l’état d’avancement de ces recherches est évalué annuellement par l’Agence de la biomédecine [58] et d’autre part, une évaluation sur cinq ans des résultats de ces recherches est prévue « afin de permettre un nouvel examen de ces dispositions par le Parlement » par l’Agence [59] et l’OPECST [60] ; l’une comme l’autre sont fondées sur la même idée : le sort des règles dépend du résultat des recherches. Si la conclusion était l’absence d’intérêt des recherches, il n’y a aurait pas lieu de continuer à utiliser les embryons et les cellules souches ; la démonstration serait faite de l’inutilité d’adopter définitivement des règles les organisant ;
- 2° une évaluation de l’application de la loi de 2004 par l’OPECST [61], c’est-à-dire un examen de l’ensemble des règles qui en sont issues. Cet organisme a rendu son rapport dans lequel il dresse un bilan en demi-teinte : la plupart des décrets d’application n’ont été publiés que tardivement (la moitié étaient parus fin 2006), certains restant aujourd’hui encore en attente. Évoquant les pistes d’évolution du texte, l’OPECST propose notamment de maintenir l’interdiction de la gestation pour autrui, mais recommande plusieurs évolutions majeures en matière d’assistance médicale à la procréation : autoriser les femmes célibataires à y avoir recours et lever l’anonymat sur les dons de gamètes lorsque les enfants issus d’insémination avec tiers donneur en font la demande.
34 Mais sans attendre ces rapports, lors du Conseil des ministres du 16 juillet 2008 Madame Roselyne Bachelot, ministre de la santé présenta une communication sur la « méthode et le contenu de la révision de la loi de bioéthique » ; elle indiqua que le choix avait été fait, outre celui de consulter différentes institutions –le Conseil d’État en vue d’une étude préalable à la révision de la loi [62], le Comité consultatif national d’éthique en vue d’un avis identifiant les problèmes philosophiques et les interrogations éthiques [63] – d’organiser des États généraux de la bioéthique « afin de permettre, sur ces questions décisives et sensibles, à tous les points de vue de s’exprimer et aux citoyens d’être associés » pour que « le débat sur la bioéthique ne soit pas confisqué par les experts », car « les Français doivent pouvoir être informés et faire connaître leur avis sur des sujets qui engagent la condition humaine et les valeurs essentielles sur lesquelles est bâtie notre société ».
35 Présentant le 8 décembre 2008, le Comité de pilotage des États généraux [64], la Ministre de la santé a légitimé ce choix par la volonté « d’associer l’ensemble des citoyens au débat. Ainsi pourront s’exprimer tous les points de vue, tous les grands courants de pensée de notre pays. Je veux souligner, parce que j’y suis très attachée, cette dimension démocratique, à laquelle vous devrez être particulièrement attentifs. Elle témoigne à la fois de l’universalité des thèmes abordés et de la volonté du gouvernement de mener une politique par tous et pour tous. Les spécialistes seront sollicités pour leurs compétences et leurs connaissances, mais ils ne devront pas confisquer le débat. À leurs côtés, le grand public pourra, après avoir entendu et interrogé les experts, faire part de ses opinions et de ses ressentis ».
36 On peut donc constater que, depuis le début des années 1980, un même fil conducteur guide les pouvoirs publics, en matière de bioéthique : veiller à permettre la plus large expression des points de vue, en ne réservant pas ces questions ni aux seuls experts, ni au seul législateur, au nom de l’idée de risques de choix partisans [65]. Alors qu’il s’agit de questions politiques, au sens où elles ont trait à la vie sociale et à l’organisation de la cité [66], tous les gouvernements qui se sont succédé ont considéré que le processus législatif de création des règles devait être précédé de consultations auprès d’organismes censés représenter ce qu’on a d’abord appelé « la société civile », puis désormais « les citoyens ». La lecture du Discours de clôture des États généraux de la bioéthique de Madame Roselyne Bachelot-Narquin, le 23 juin 2009 est très éclairante d’un double point de vue, celui du rôle des citoyens dans la démocratie, celui de l’éthique par rapport au politique. Sur le premier plan, la « participation citoyenne » [67] est certes un moyen de faire remonter vers le sommet les souhaits exprimés par la base, mais c’est aussi un moyen pour organiser des échanges constants entre tous les acteurs concernés, qu’il s’agisse des experts, du politique, de la société toute entière ; de la base au sommet et du sommet vers la base [68], le souhait est exprimé que soient organisées des consultations régulières fondées sur des échanges interdisciplinaires et des débats publics locaux. Sur le second plan, l’éthique est présentée comme étant « par nature transversale », en ce sens que « transcendant toutes les spécialités, elle est la spécialité de tous », les discussions qu’elle implique permettant de dégager des « points d’adhésion forts… » et « d’autres points de doute qui attestent de l’importance de la réflexion ». Et ce sont les points d’accord qui serviront de socle à la loi, laquelle est « l’expression de l’intérêt général » ce qui « exige de dépasser les intérêts particuliers, intérêts qui, tous légitimes, sont bien souvent contradictoires » ; et, elle répond aux exigences d’égalité et de « protection du plus faible ». Mais comment transcender ces intérêts ? en se référant à « nos valeurs communes » et en privilégiant la loi sur le contrat car sa raison d’être est de protéger le plus faible, tandis que « lorsque deux parties s’entendent pour édicter des règles qui garantit que la plus vulnérable des deux ne sera pas lésée ? ».
37 Curieusement les médecins sont les grands absents de cette analyse ; pourtant ce sont eux qui sont les « régulateurs » des différentes pratiques dans le champ bioéthique. Revenant à mes propos liminaires, je conclurai en mettant l’accent sur le rôle éminent des médecins depuis la fin du XIXe siècle dans ces différents domaines. Certes, des demandes sont exprimées par les patients : demandes de transplantations, demandes d’assistance à la procréation, demandes de diagnostics génétiques etc. ; mais elles sont dépendantes des moyens disponibles mis en œuvre depuis 2004 sous l’égide de l’Agence de la biomédecine. Or, ce sont les médecins, qui en définitive, arbitrent ces intérêts contradictoires, notamment entre différentes catégories de patients ; ainsi, ceux sur qui sont prélevés des organes, sont des malades hospitalisés [69], les embryons sur lesquels sont conduits des recherches ont été créés dans une finalité procréative. Mais ces différentes situations sont prises en considération comme autant d’intérêts parallèles sans que les contradictions potentielles entre eux fassent l’objet de modalités précises de règlement [70]. Pourtant ce sont les conditions effectives de leurs pratiques qui demeurent relativement peu connues, masquées par un discours éthique qui cherche constamment à concilier tous les intérêts en jeu, plutôt que de les confronter.
Mots-clés éditeurs : Bioéthique, Corps humain, Embryon humain, Biomédecine, Lois bioéthiques
Mise en ligne 12/04/2010
https://doi.org/10.3917/cpsy.055.0039Notes
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[1]
CRUET J., La vie du droit et l’impuissance des lois, éd. Flammarion, 1908.
-
[2]
En ce sens LEVASSEUR G., « La responsabilité pénale du médecin », in Le médecin face aux risques et à la responsabilité, Fayard, 1968, pp 133-159.
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[3]
Sachant qu’aucune disposition expresse ne définit la fonction de soins du médecin.
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[4]
Ce qu’une loi réprouve, une autre loi – et seulement une loi– peut l’autoriser, conformément à la règle énoncée par l’article 122-4 du code pénal aux termes duquel « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ». Nous revenons sur ce point infra.
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[5]
Sous l’empire du Code pénal de 1810, il s’agit des coups et blessures volontaires (art. 309) ; sous l’empire du nouveau Code pénal de 1992, il s’agit des « violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente » (art. 222-9), des « violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours » (art. 222-11) et des « violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail » (art. 222-13).
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[6]
Cette remarque est faite du point de vue des règles juridiques applicables, et non du point de vue de la réalité des pratiques médicales.
-
[7]
LE BRETON D., « Le sacrifice dans les usages médicaux du corps humain », La revue du MAUSS, n°5, 1995, pp. 21-40.
-
[8]
MANDRESSI R., « Dissections et anatomie » in Histoire du corps, vol. 1, De la Renaissance aux Lumières, (sous la direction de Georges Vigarello), Seuil, 2005, pp. 312-333.
-
[9]
Cependant, David Le Breton a pu montrer que cette conception est celle des élites médicales à laquelle s’est opposée celle de la population : la représentation d’un corps démantelé heurtait les conceptions classiques de notre société pour qui la personne de l’individu décédé persiste dans la dépouille mortelle ; celle-ci ne se résume pas à une enveloppe biologique qu’il serait regrettable de ne pas pouvoir utiliser. Aussi les médecins ont dû se rabattre sur le corps des condamnés à mort, sachant qu’au XIXe siècle, les pauvres, les personnes sans attaches sont souvent l’objet des dissections, précisément parce qu’ils n’ont pas d’entourage familial pour les défendre contre les dissections. Il cite l’exemple suivant « … les pensionnaires d’un hospice de Philadelphie en 1845 implorent la direction d’empêcher l’exhumation du cadavre par les anatomistes chaque fois qu’un décès frappe l’institution. La requête est rejetée avec cynisme : « il faut bien des corps pour les Écoles d’anatomie » : D. Le Breton, article préc.
-
[10]
Selon les travaux de l’historien Jacques Leonard, « les patients des hôpitaux, hospices et asiles appartiennent en grande majorité aux couches défavorisées de la population ; beaucoup de prolétaires, de déracinés, de victimes des accidents du travail manuel et des malheurs de la vie moderne. Dans la morale du temps, il ne paraît pas choquant que ces pauvres gens, en échanges de soins gratuits, fassent l’objet d’explorations cliniques et d’expérimentations thérapeutiques » : J. Léonard, La médecine entre les pouvoirs et les savoirs, Histoire intellectuelle et politique de la médecine française au XIXe siècle, Aubier-Montaigne, 1981, p. 134. Grégoire Chamayou a pu montrer que « ce sont les paralytiques, les orphelins, les bagnards, les prostituées, les esclaves, les colonisés, les fous, les détenus, les internés, les condamnés à mort, les « corps vils » qui ont historiquement servi de matériau expérimental à la science médicale contemporaine » : CHAMAYOU G., Les corps vils, Expérimenter sur les êtres humains aux XVIIIe et XIXe siècles, Les Empêcheurs de tourner en rond, La Découverte, 2008.
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[11]
On peut se reporter à un article où j’ai développé tous ces points : THOUVENIN D., verbo « Recherche biomédicale, Comment ménager la protection de l’intégrité corporelle et l’intérêt de la connaissance » in Dictionnaire du corps, ss dir. M. MARZANO, PUF, 2007, pp. 805-810.
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[12]
Créée à Paris le 18 septembre 1947, cette association est à majorité américaine.
-
[13]
J’ai montré que ce code éthique qui est une série de prescriptions morales (au nombre de 10 comme les Dix Commandements) est 1° la transformation en préceptes éthiques de règles juridiques et que 2° ce code est inspiré par le droit américain, alors que ce sont des exactions durant la seconde guerre mondiale sur le territoire de l’Europe qui a conduit à leur condamnation. D’une part, ce sont des règles juridiques qui ont inspiré des règles éthiques et d’autre part, ce sont les conceptions du droit américain parce que ce « code » est la transcription en termes éthiques des énoncés juridiques du jugement du 19 et 20 août 1947. Liées aux exactions nazies, ces règles ont été conçues comme une nécessité visant à éviter la réitération de telles pratiques, le partage de l’Allemagne en zones alliées ayant dévolu cette tâche aux Américains : THOUVENIN D., « Les lois n°94-548 du 1er juillet 1994, n°94-653 et n° 94-654 du 29 juillet 1994 ou comment construire un droit de la bioéthique » in Actualité législative, Dalloz, 1995, pp.149-213.
-
[14]
Cf. GAUDILLIÈRE J.P., Inventer la biomédecine, la France, l’Amérique et la production des savoirs du vivant (1945-1965), La Découverte, 2002.
-
[15]
En ce sens GAUDILLIÈRE J.P., La médecine et les sciences, XIXe-XXe siècles, La Découverte, coll. Repères, 2006.
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[16]
Il est attribué au biologiste et cancérologue américain Van Rensselaer Potter. Sur ce point, cf. notamment FAGOT-LARGEAULT A., L’homme bioéthique, Maloine, 1984 et « L’émergence de la bioéthique » in Revue philosophique de la France et de l’étranger 2004/3, Tome 129, n°3, pp. 345-350. Également TAGUIEFF P.A., La bioéthique ou le juste milieu, Une quête de sens à l’âge du nihilisme technicien, Fayard, 2007, pp. 253-288.
-
[17]
Le National Institute of Health créé en 1938 devient l’organisme principal de financement de la recherche médicale ; puis, d’année en année, il s’adjoint à partir de 1948 des instituts spécialisés.
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[18]
Au moyen de Comités institutionnels d’examen (Institutional Rewiev Board connus sous leur sigle d’IRB).
-
[19]
Cf. sur ce point, ISAMBERT F.A., De la bioéthique aux comités d’éthique, Études 1983, p. 671 FAGOT-LARGEAULT A., L’homme bioéthique, préc. .
-
[20]
ISAMBERT F. A, « Révolution biologique ou réveil éthique ? » in Éthique et biologie, Cahiers STS, éd. du CNRS, 1986, pp. 9-41.
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[21]
ISAMBERT F. A, « Révolution biologique ou réveil éthique ? », préc. : « les besoins de régulation et la crainte de voir réglementer excessivement une activité professionnelle réclamant initiative et prise de responsabilité sont posés comme termes antinomiques parallèlement aux rapports du droit et de la morale. Développer l’aspect éthique du contrôle d’une activité est, dès lors, la contrepartie nécessaire si on veut éviter qu’elle soit l’objet d’une surveillance de la part de la puissance publique ».
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[22]
Son président était le Pr Jean Bernard qui fut ensuite le premier président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.
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[23]
Sa création fut proposée à l’issue du Colloque national sur la recherche organisé en 1982 par le ministre de la recherche Jean-Pierre Chevènement ainsi que celle de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, issu de la loi n° 83-609 du 8 juillet 1983 portant création d’une délégation parlementaire dénommée Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
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[24]
Allocution prononcée par François Mitterrand, président de la république le 2 décembre 1983, Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, Rapport 1984, la documentation française, 1985, pp. 13-16.
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[25]
Sur le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, on peut se reporter à notre article : THOUVENIN D., « Les institutions nationales de la bioéthique : fonctionnement et compétences » in Revue politique et parlementaire, Bioéthique : entre loi, morale et progrès, n°1050, janv/fév/mars 2009, p. 167-177.
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[26]
La loi n°94-654 du 29 juillet 1994 a modifié cet énoncé ; désormais sa mission est de « … donner des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société… ».
-
[27]
On notera avec intérêt la définition qui en est donnée sur le site des États généraux de la bioéthique : « bioéthique vient de « bio », qui veut dire « vivant », et « éthique », qui signifie « ce qui est bon et utile pour l’homme. La bioéthique s’intéresse aux activités médicales et de recherche qui utilisent des éléments du corps humain. Par exemple : la greffe d’organes, de tissus (cornées, peau…), de moelle osseuse ; l’assistance médicale à la procréation, qui fait appel aux dons d’ovules et de sperme ; les recherches ayant comme objet l’embryon et les cellules embryonnaires ; le dépistage de maladies faisant appel aux gènes. Elle cherche à répondre le mieux possible aux questions soulevées par le progrès scientifique et technique, au regard des valeurs de notre société ; garantir le respect de la dignité humaine et la protection des plus vulnérables contre toute forme d’exploitation », www.etatsgenerauxdelabioethique.fr/presentation-generale/labioethique-en-quelques-mots.html
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[28]
Et c’est encore le cas, alors que la loi relative à la bioéthique devra prochainement faire l’objet d’un réexamen ; il s’agit notamment de savoir si des recherches sur l’embryon peuvent continuer à être menées, si les couples homosexuels peuvent accéder à l’AMP, si la détresse de ne pas pouvoir avoir d’enfant légitime et de demander à une autre femme de porter l’enfant puis de le lui remettre peut s’entendre.
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[29]
En ce sens, par exemple, Questions d’éthique biomédicale, sous la direction de MATTEI J.-F., avec la collaboration de HARLÉ J.-R., LE COZ P. et MALZAC P., Flammarion, coll. Nouvelle bibliothèque scientifique, 2008. Dans une longue introduction, Jean-François Mattei fait référence, avec une grande constance, non pas à la « bioéthique », mais à « l’éthique biomédicale », parce que le terme « bioéthique » lui paraît trop ambigu, laissant « … croire que c’est la biomédecine qui façonne sa propre éthique, alors que l’éthique doit rester au-dessus des savoirs particuliers ». Il ajoute, en se référant à la dernière loi adoptée, celle « relative à la bioéthique » du 6 août 2004, que son titre « peut… donner le sentiment erroné que la bioéthique se résumerait aux sujets abordés dans cette loi ». Il s’oppose à cette idée, car dit-il « … il suffit de penser aux législations spécifiques survenues entre 1994 et 2004, de la stérilisation des femmes handicapées, de la fin de vie, ou encore des droits des malades et notamment des enfants nés atteints de handicaps, pour comprendre que la « loi relative à la bioéthique » ne traite que de quelques sujets parmi beaucoup d’autres relevant pourtant, eux aussi, du même champ de la bioéthique ».
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[30]
Pour une analyse particulièrement éclairante, cf. TAGUIEFF P.A., La bioéthique ou le juste milieu, Une quête de sens à l’âge du nihilisme technicien, préc. .
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[31]
Hormis les identifications par voie d’empreintes génétiques.
-
[32]
En l’occurrence son article 34.
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[33]
La loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain et la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, enfin la loi n° 94-548 du 1er juillet 1994 relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
-
[34]
Ainsi que de son identité génétique, point que je n’aborde pas dans cet article consacré au corps humain et à l’embryon humain en tant qu’ils constituent des ressources biologiques.
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[35]
Dès la présentation, en Conseil des ministres du 18 décembre 1991, des orientations du gouvernement en matière d’éthique biomédicale, il fut acquis qu’un premier projet de loi définirait « les principes et les règles de nature à garantir le respect des droits de la personne » ; à partir de cette date, l’expression « grands principes » utilisée à tous les stades de la discussion parlementaire devait désigner les fondements des règles relatives au « statut du corps humain ».
-
[36]
Projet de loi relatif au corps humain et modifiant le code civil, Ass. nat. n° 2599, 25 mars 1992, p. 2.
-
[37]
À la différence des pratiques médicales « classiques » où la conviction de se sentir malade suffit pour permettre l’accès aux soins.
-
[38]
Projet de loi relatif au corps humain et modifiant le code civil, Ass. nat. n° 2599, 25 mars 1992, p. 3.
-
[39]
Projet de loi relatif au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain et à la procréation médicalement assistée et modifiant le code de la santé publique, Ass. nat. n° 2600, 25 mars 1992, p. 2.
-
[40]
On peut se reporter à l’analyse que j’en ai proposé : THOUVENIN D., verbo « Statut du corps humain » in Dictionnaire du corps, ss dir. M. MARZANO, PUF, 2007, pp. 896-900.
-
[41]
Art. 16-1 al. 3 du code civil : « le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent pas faire l’objet d’un droit patrimonial ».
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[42]
Art. 16-5 du code civil : « les conventions ayant pour objet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits, sont nulles » et art. 16-6 du code civil : « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ».
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[43]
Parmi lesquelles l’obligation de s’assurer soit de l’absence de refus (personne décédée), soit de l’accord exprès de la personne (personne vivante) sur qui le prélèvement est envisagé.
-
[44]
Cependant, l’irrespect de certaines de ces conditions jugées particulièrement importantes est constitutif d’infractions pénales : par exemple, art. L. 1272-2 du code de la santé publique : « comme il est dit à l’article 511-3 du code pénal ci-après reproduit : « art. 511-3 : le fait de prélever un organe sur une personne vivante majeure, y compris dans une finalité thérapeutique, sans que le consentement de celle-ci ait été recueilli dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 1231-1 du code de la santé publique [….] est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 ? d’amende ».
-
[45]
Ce qui explique notamment le rôle très particulier du consentement de la personne sur qui le prélèvement est envisagé ; son existence doit être vérifiée, mais ce n’est pas l’expression de la volonté de la personne qui est à l’origine de la décision. À elle seule cette question très complexe nécessiterait un article complet. On peut se reporter aux analyses que j’ai conduites sur ce point, notamment THOUVENIN D., « Consentement présumé ou droit d’opposition au prélèvement d’organes sur personne décédée : un exemple de conflit entre représentations communes et règles juridiques » (rapport ronéoté, mars 2004, 147 pages).
-
[46]
Les chercheurs contre qui était portée cette accusation ont vivement critiqué cette interdiction qui les empêchait de conduire des recherches notamment pour étudier les défaillances de la reproduction humaine afin d’y porter remède : en ce sens cf. notamment PLACHOT M., « La recherche sur les embryons humains : quelles recherches, quelles conséquences ? » in Le savant et le politique aujourd’hui, Albin Michel, 1996, pp.154-160 ; THIBAULT C., « De la nécessité de l’expérimentation sur l’embryon humain et de son contrôle » in Les lois « bioéthique » à l’épreuve des faits : réalités et perspectives, sous la direction de B. FEUILLET-LE MINTIER, PUF, 1999, pp. 231-242.
-
[47]
Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994, art. 21.
-
[48]
Ainsi, l’article 16-10 du code civil a-t-il été modifié : l’expression « examen des caractéristiques génétiques d’une personne » a été substituée à celle « d’étude génétique des caractéristiques d’une personne » parce que les médecins intervenant dans ce champ estimaient ce terme inadéquat.
-
[49]
CLAEYS A., HURIET C., L’application de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, rapport Ass. nat. n° 1407, Sénat n° 232, 18 févr. 1999.
-
[50]
Cf. pour un bilan de ces techniques le rapport établi par Ch. Thibault et P. Tambourin, « État des connaissances sur la reproduction des mammifères et de l’homme et sur l’utilisation des cellules indifférenciées », Annexe 6 du rapport du Conseil d’Etat, Les lois de bioéthique : cinq ans après, La Documentation française, 1999, pp.243-263. Cf. également A. Claeys, C. Huriet, Le clonage, la thérapie cellulaire et l’utilisation thérapeutique des cellules embryonnaires, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, rapport Ass. nat. n° 2198, Sénat n° 238, 24 févr. 2000 et Commission CE, Rapport relatif à la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, SEC (2003), p 441.
-
[51]
Sur toutes les questions qu’il pose, cf. « Le clonage humain » sous la direction de F. DREIFUSS-NETTER, Problèmes politiques et sociaux, n° 887, La documentation française, avril 2003. Que le clonage soit à finalité thérapeutique ou à finalité reproductrice, les techniques sont identiques. Le Conseil de l’Europe –Protocole additionnel à la Convention de l’Europe pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine, portant interdiction du clonage d’êtres humains du 12 janvier 1998– le Parlement européen–Résolution sur le clonage humain du 12 mars 1997– le Groupe des conseillers pour l’éthique de la biotechnologie –Avis n° 29 du 28 mai 1997 sur les aspects éthiques des techniques de clonage– l’Organisation mondiale de la santé le 11 mars 1997 ont condamné le clonage humain avec la plus grande vigueur. En juin 1997, le Sommet de Denver des Huit a proclamé la nécessité de coopérer pour interdire le clonage humain ; puis l’Unesco et l’Assemblée générale de l’ONU ont adopté respectivement la Déclaration de l’Unesco sur le Génome humain le 11 novembre 1997 la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme le 10 décembre 1998. Enfin, l’article 3 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 lors du Conseil européen de Nice, prévoit que doit être respectée « l’interdiction du clonage reproductif des êtres humains ».
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[52]
THOUVENIN D., La loi relative à la bioéthique ou comment accroître l’accès aux éléments biologiques d’origine humaine, D. 2005, chron., p.116- 121 et 172-179.
-
[53]
Art. L. 1418-1 du code de la santé publique.
-
[54]
L’article L. 2141-4 al. 2 du code de la santé publique prévoit d’abord la possibilité pour le couple d’accepter que « leurs embryons soient accueillis par un autre couple ».
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[55]
Selon l’article L. 2141-4 al. 2 du code de la santé publique.
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[56]
Projet de loi relatif à la bioéthique, Ass Nat. n° 3166, 20 juin 2001, p. 7 : « la solidarité que doit la société en particulier aux malades porteurs de pathologies jusqu’ici incurables et pour lesquelles, de l’avis de tous les experts, les lignages cellulaires obtenus à partir de cellules totipotentes sont porteurs d’immenses espoirs thérapeutiques ».
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[57]
Art. L. 2151 –5 al. 2du code de la santé publique.
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[58]
Art. L. 1418-1 12 du code de la santé publique : « ce rapport, qui comporte notamment une analyse des autorisations et agréments accordés au titre des 10° et 11° ainsi que les avis du conseil d’orientation, une évaluation de l’état d’avancement des recherches sur l’embryon et les cellules souches, un état des lieux d’éventuels trafics d’organes ou de gamètes et de mesures de lutte contre ces trafics et une évaluation des conditions de mise en œuvre ainsi que l’examen de l’opportunité de maintenir les dispositions prévues par l’article L. 2131-4-1, est rendu public ».
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[59]
L’Agence de la biomédecine a rendu son rapport en Octobre 2008 : Bilan d’application de la loi de bioéthique du 6 août 2004, par l’Agence de la biomédecine, Rapport à la Ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, oct. 2008. Par ailleurs, le Conseil d’Orientation de l’Agence de la biomédecine a rendu un Rapport le 20 juin 2008, intitulé « Contribution du Conseil d’Orientation de l’Agence de la biomédecine aux débats préparatoires de la loi de bioéthique ».
-
[60]
Art. 26 de la loi de 2004 : « six mois avant le terme de la période de cinq ans mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique ».
-
[61]
Art. 40 de la loi du 6 août 2004 qui prévoit que « I. - la présente loi fera l’objet d’un nouvel examen d’ensemble par le Parlement dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur. II. -Elle fera en outre l’objet, dans un délai de quatre ans, d’une évaluation de son application par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ». L’OPECST a remis son rapport le 17 décembre 2008 : CLAEYS A., VIALATTE J.S., L’évaluation de l’application de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, rapport Ass. nat. n° 1325, Sénat n° 107, 17 déc. 2008.
-
[62]
Conseil d’Etat, La révision des lois de bioéthique, Les Etudes du Conseil d’Etat, 4855, La documentation française, juin 2009.
-
[63]
Avis n° 105, « Questionnement pour les États Généraux de la bioéthique », www.ccne-ethique.fr http://www.ccne-ethique.fr/
-
[64]
Ils ont donné lieu à trois Forums citoyens : Marseille 09 juin consacré à la Recherche sur les cellules souches et sur l’embryon, diagnostics prénatal et préimplantatoire (DPN, DPI), Rennes le 11 juin sur l’AMP, Strasbourg le 16 juin prélèvement et greffes d’organes, de tissus et de cellules ; médecine prédictive et examen des caractéristiques génétiques.
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[65]
Pourtant aussi bien les lois dites bioéthiques de 1994 que celle relative à la bioéthique de 2004, ont suivi un processus législatif qui a vu les projets de lois présentés par une majorité de gauche, adoptés par une majorité de droite et, dans les deux cas, des positions antagonistes se sont exprimées, qui ont entraîné des modifications notables des projets de lois initiaux. Cf notamment l’analyse très intéressante de Stéphanie HENETTE-VAUCHEZ, « Bioéthique, biopolitique : politique et politisation du vivant », in Bioéthique, biodroit, biopolitique, Réflexions à l’occasion du vote de la loi du 4 août 2004, sous la direction de HENETTE-VAUCHEZ S., LGDJ, coll. Droit et société, 2006, p. 29-50 ; elle montre que la construction des règles en la matière ne se fait pas sur la base de consensus, mais est un terrain sur lequel se consolident des lignes de clivage de plus en plus nettes.
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Point que met en avant la ministre de la santé, Madame Roselyne Bachelot-Narquin, dans son Discours de clôture des États généraux de la bioéthique, le 23 juin 2009 : « si ces forums citoyens ont été indispensables, c’est aussi pour notre société et pour le législateur. Cette manifestation de démocratie participative trouve son fondement même dans notre conception de la politique et du droit. Qu’est-ce que la politique, sinon l’organisation de la cité ? Or, cette cité, chacun de nous la compose. Chacun de nous veut et doit pouvoir s’y reconnaître » (les passages mis en gras le sont sur le site où est reproduit ce discours), www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr/
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Sur les modalités de la démocratie participative, cf. Blondiaux L., Le nouvel esprit de la démocratie, Actualité de la démocratie participative, Seuil, coll. La République des idées, 2008.
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Puisqu’il « est essentiel que les choix politiques soient compris, acceptés et même revendiqués ».
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Question qui se pose de manière encore plus aiguë depuis que la greffe à partir de « donneurs » vivants a été rendue plus facile par la loi de bioéthique d’août 2004 ; selon une expression consacrée, le « cercle des donneurs » ayant été élargi. Cf. sur cette question, GATEAU V., Pour une philosophie du don d’organes, Vrin, 2009.
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Autres que la vérification de l’accord ou de l’absence de refus, selon les cas, si bien que la pression s’exerce sur les personnes ; ainsi face à la « pénurie » d’organes, l’Agence de la biomédecine rappellera officiellement aux médecins qu’ils ont à informer les jeunes gens du « don » d’organes, alors que la loi reconnaît à toute personne le droit de refuser de son vivant tout prélèvement d’organes après son décès. http://www.ccne-ethique.fr/