Notes
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[1]
Nous ne referons pas ici l’histoire du mot et renvoyons le lecteur aux travaux d’Henri-Jacques Stiker (1982,1987, 1990,1991,1996, 2001) en la matière.
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[2]
Cf. International classification of impairments, disabilities and handicaps. A manual of classification relating to the consequences of disease. (1980), traduit en français sous le titre : Classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages. Un manuel de classification des conséquences des maladies, Editions du CtNERHI et INSERM, Paris, 1988.
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[3]
Déficience : « toute perte de substance ou altération d’une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique ».
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[4]
Incapacité : « toute réduction – résultant d’une déficience –, partielle ou totale, de la capacité d’accomplir une activité d’une façon ou dans les limites considérées comme normales pour un être humain ».
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[5]
Cf. L’étude du problème général de l’inadaptation des personnes handicapées de François bloch-Lainé, La Documentation Française, 1968. Ce rapport présenté à Matignon en décembre 1967 fut précurseur de la loi de 1975. Autour de la notion d’Enfance Inadaptée, nous retrouvons ce souci de « regroupement dans une perspective de traitement » – avec des intentions infiniment moins louables – dans les travaux du Conseil technique de l’enfance déficiente ou en danger moral qui verra le jour par arrêté du 25 juillet 1943. Cf. sur cette ténébreuse question les travaux de Christian Rossignol (1992,1998,2000) et de Michel Chauvière (1980).
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[6]
Cette notion de « moyenne » déterminée par une volonté de normalisation au sens statistique et probabiliste découle d’une idéologie dont François Ewald trace les grandes lignes dans L’Etat providence : « La théorie de l’homme moyen annonce l’ère où la perfection s’identifiera avec la normalité, où le grand impératif de la morale sociale sera de normaliser. La perfection, le devoir, le bien, le bien-être seront d’être dans la norme et la moyenne » (1986, p. 161).
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[7]
Dans l’antériorité, « personne handicapée » et « personne porteuse de handicap » en sont d’autres expressions.
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[8]
Dans un sketch, un célèbre humoriste français fustige cette tendance et force le trait par l’usage de « non-comprenant » en lieu et place du trivial « con ».
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[9]
« Le refoulement désigne le processus visant au maintien dans l’inconscient de toutes les idées et représentations liées à des pulsions et dont la réalisation, productrice de plaisir, affecterait l’équilibre du fonctionnement psychologique de l’individu en devenant source de déplaisir » (Elisabeth Roudinesco, Michel Plon, 1997, p. 883).
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[10]
« La puissance du ça exprime la finalité propre de la vie de l’individu ; elle tend à satisfaire les besoins innés de celui-ci [...] Nous donnons aux forces qui agissent à l’arrière plan des besoins impérieux du ça et qui représentent dans le psychisme les exigences d’ordre somatique, le nom de pulsions. bien que constituant la cause ultime de toute activité, elles sont, par nature, conservatrices. En effet, tout état auquel un être est un jour parvenu tend à se réinstaurer dès qu’il a été abandonné [...] Après de longues hésitations, de longues tergiversations, nous avons résolu de n’admettre l’existence que de deux pulsions fondamentales : l’éros et la pulsion de destruction [...] Le but de l’éros est d’établir de toujours plus grandes unités, donc de conserver : c’est la liaison. Le but de l’autre pulsion, au contraire, est de briser les rapports, donc de détruire les choses [...] son but final est de ramener ce qui vit à l’état inorganique et c’est pourquoi nous l’appelons aussi pulsion de mort » (Sigmund Freud, 1938, pp. 7-8).
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[11]
Celui-là même qui réalisera un an plus tard Freaks.
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[12]
Le sideshow est une sorte d’espace annexe au cirque où sont montrées diverses attractions.
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[13]
Le film connaît des ponctuations différentes.
-
[14]
Star hollywoodienne du cinéma muet, virtuose du maquillage et des travestissements, Lon Chaney, fils de parents sourds-muets, fut le comédien fétiche de tod browning avec lequel il interprètera de nombreux « monstres ».
-
[15]
op. cit. p. 16.
-
[16]
op. cit. p. 20.
-
[17]
Dans le Totémisme aujourd’hui et la Pensée sauvage, Claude Lévi-Strauss (1962) envisage le totémisme comme un cas particulier – déformé et fantasmé par l’observateur occidental –, d’un procédé général dans les sociétés dites « sauvages » où les différences sont signifiées dans la société au moyen de différences répertoriées dans le monde naturel. Ainsi un animal « totémique » n’est pas l’objet d’une identification avec un individu ou un groupe mais c’est un « outil conceptuel ». Les espèces naturelles ne sont pas choisies parce que « bonnes à manger, mais parce que bonnes à penser ».
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[18]
Cf. dans le présent ouvrage, l’article d’Henri-Jacques Stiker « Pour une nouvelle théorie du handicap. La liminalité comme double ».
-
[19]
op. cit. p. 306.
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[20]
op. cit. p. 313.
-
[21]
Jean-Paul Valabrega (2001), dresse une liste non exhaustive de ce qu’il nomme « l’iconographie de l’irreprésentable » : le sommeil, le corps étendu, le cadavre, les ossements, le tombeau, le cercueil, le double, l’ombre, la croix, l’immobilité, le mutisme, les yeux fermés, les larmes, le noir, le blanc, la vieillesse, la maladie, les pieds devant, les eaux profondes, la nuit, le désert, le froid, le feu, les animaux, etc. Iconographie à laquelle nous ajoutons la figure de l’infirme.
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[22]
Cf. le chapitre « Pour une nouvelle théorie du handicap », ajout à la troisième édition de Corps infirmes et Sociétés (2005) où Henri-Jacques Stiker passe en revue toutes les théories récentes du handicap : avec l’école de Chicago autour du stigmate d’Erving Goffman (1975), la théorie culturaliste de Harlan Lane (1991), celle de la liminalité de Robert F. Murphy (1987) et de l’oppression avec Mike Oliver (1990), pour asseoir sa propre proposition théorique : l’infirmité comme double.
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[23]
Cf. Olivier R. Grim, du monstre à l’enfant, Anthropologie et Psychanalyse de l’infirmité, Editions du CtNERHI/ P.u. F., 2000.
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[24]
« La bonne copine » de Nicolas Cuche avec Robin Renucci dans le rôle de Vincent et Mimie Mathy dans celui de Juliette. La comédienne est également la vedette d’une série où elle incarne un ange et comme chacun sait, un ange n’a pas de sexe.
-
[25]
ibid, p. 275.
Handicap et pulsion de mort, une hypothèse
1« Personne en situation de handicap » est l’un derniers avatars dominants en date pour désigner un sujet porteur d’une « atteinte invalidante à l’intégrité somato-psychique », pour reprendre ici la définition qu’en donne Simone Korff-Sausse (1996,1996b) dans ses travaux. Cette expression – pertinente au plan descriptif et dont on ne peut nier la valeur pour ne pas oublier la personne et son environnement –, est-elle anthropologiquement satisfaisante ? N’est-ce pas « l’arbre des mots pour cacher la forêt de la pensée » pour voler ici l’expression à Gérard Lenclud (1992) ? Et ne resterait-on pas à l’orée du bois ?
2Le mot handicap dans son usage ordinaire désigne une gêne, une entrave, une difficulté. Nous savons avec Henri-Jacques Stiker combien la notion de handicap est une figure historique de l’infirmité [1]. Importé du monde du turf et du sport dans celui du sanitaire dès le début du XXe siècle, le terme « handicap » débute sa carrière comme métaphore de la situation d’infirmité. Par cette analyse, Henri-Jacques Stiker met en évidence l’idée sous-jacente d’égalisation sur laquelle s’appuient les pratiques professionnelles. Cette notion désigne toutefois en même temps, et sans clairement les différencier, la cause : anomalie organique, maladie, malformation, etc., mais aussi la conséquence, c’est-à-dire le fait d’être en situation d’écart par rapport à une norme. En d’autres termes, déficience et entrave provoquée par cette dernière sont confondues. Sur la foi des travaux de Philip Wood et de Michael burry [2] pour lever cette confusion, le handicap dans son acception française est défini comme un désavantage social pour un individu donné résultant d’une déficience [3] ou d’une incapacité [4] q ui limite ou interdit l’accomplissement d’un rôle normal – en rapport avec l’âge, le sexe, les facteurs sociaux ou culturels. Pour Henri-Jacques Stiker, cette tentative de mise en ordre conduit à penser le handicap comme une « socialisation de la déficience et de l’incapacité [...] Le handicap est l’entrave rencontrée socialement ou la mise en situation sociale d’un défaut, d’un déficit » (ibid., p. 27). Par le jeu des définitions, le vocabulaire du handicap couvre un champ très large et l’unifie partiellement. Dans une perspective politique, il s’agit de regrouper par « commodité » afin d’envisager les mesures sociales à prendre en faveur de la population concernée [5]. Se retrouvent dans le même « chapeau » – pour oser ce mot – défauts et déficits de natures et d’étiologies très variées où sont touchées les sphères motrice, sensorielle, intellectuelle comme tous les secteurs de la vie psychique. La notion est donc aujourd’hui largement générique puisque l’on va jusqu’à parler de « handicapé social » pour désigner un individu dont la situation sociale est entravée par comparaison à une « moyenne » [6].
3Même s’il ne fut pas reconnu comme tel par le Dictionnaire, « handicapé » comme substantif eut son heure de gloire. Compris comme une facilité d’usage où il s’agit d’aller au plus court, « les handicapés » témoigne d’un glissement fâcheux dont « personne en situation de handicap » est un des contrepoints [7]. Cette dernière formule est séduisante au premier abord et témoigne d’une idéologie positive où il s’agit de dégager l’être de la chose, éviter l’amalgame, la disparition derrière le handicap. Comme opération sémantique – que l’on retrouve à l’œuvre dans le glissement d’aveugle à malvoyant, de sourd à malentendant ou de paralytique à personne à mobilité réduite [8] –, elle vise pour une part « la démédicalisation des personnes et du secteur au profit des actions et des acteurs de l’insertion sociale et professionnelle » ainsi l’interprète Henri-Jacques Stiker (1996, p. 29). Cette euphémisation est toujours au travail. Nous sommes sans cesse à la recherche de la formule idéale qui évacuerait toute idée déplaisante où l’individu serait réduit à son manque, à sa déficience. Entreprise louable car « l’individu », dans une perspective démocratique, n’est jamais réduit à une seule de ses caractéristiques. Seules les tyrannies, quel que soit leur visage, se satisfont pour leurs coupables industries de catégorisations réductrices et univoques.
4Pour une autre part, on peut considérer les résultats de cette opération sémantique comme les signes d’une activité psychique : des rejetons de l’inconscient. Ce terme français issu de la botanique pour traduire l’allemand Abkömmling évoque l’image de quelque chose qui repousse après qu’on ait cherché à le supprimer. Ainsi, quelles représentations liées à une pulsion – dont il faut déterminer la nature –, cherche-t-on de l’individuel au collectif à repousser ou maintenir dans l’inconscient, en d’autres termes à refouler [9] et qui réapparaissent sous forme de formules dénominatives successives de plus en plus policées ? Nous postulons dans un premier temps que les pulsions de mort, telles qu’elles sont définies dans la dernière théorie freudienne des pulsions [10], sont ici à l’œuvre. « tournées d’abord vers l’intérieur et tendant à l’autodestruction, les pulsions de mort seraient secondairement dirigées vers l’extérieur, se manifestant alors sous la forme de la pulsion d’agression ou de destruction » (Jean Laplanche et Jean-bertrand Pontalis, 1967, p. 371). Les personnes en situation de handicap sont une cible privilégiée de ces pulsions, telle est l’hypothèse. Si dans les discours et les pratiques d’exclusion leur lisibilité est évidente, elles n’en demeurent pas moins présentes et à l’œuvre dans ce qu’il convient d’appeler l’intégration : c’est-à-dire l’ensemble des procédures issues de la philosophie liée à la notion de handicap, permettant à la personne handicapée de « rejoindre » le groupe social. Nous expliquons ainsi pourquoi l’intégration reste toujours si difficile à être pleinement réalisée dans les faits : elle est traversée de part en part par la pulsion de mort.
5En effet, selon la formule freudienne, les contenus inconscients sont « indestructibles » et les éléments refoulés ne sont jamais anéantis. Ils tendent sans cesse à réapparaître à la conscience par des chemins plus ou moins tortueux et par l’intermédiaire de formations dérivées plus ou moins identifiables : les rejetons de l’inconscient, dans lesquels nous avons reconnu ces formules dénominatives. Leur sollicitude affichée, le besoin impérieux et itératif de désigner et d’évacuer dans le même mouvement toute discrimination – jusqu’à inventer la « discrimination positive » – sont la marque d’un contreinvestissement, c’est-à-dire de ce processus économique postulé par Sigmund Freud (1900,1920) qui consiste ici à transformer en son contraire ce qui doit être refoulé pour faire obstacle à son retour à la conscience. Dans son article L’inconscient, Sigmund Freud précise le statut de la pulsion :
« [Elle] n’est connue de la conscience que par la représentation qui la représente, et dans l’inconscient elle n’est aussi présente que sous la forme de cette représentation. La pulsion apparaît aussi sous la forme d’affect, mais lorsque la motion pulsionnelle est refoulée, l’affect qui lui est lié, l’affect ne pouvant être refoulé, est attaché à une autre représentation, rendant ainsi la motion inconnaissable » (1915, pp. 81-82).
7Dans notre essai métapsychologique, « personne à mobilité réduite » comme exemple serait un rejeton contre-investi, c’est-à-dire un émissaire travesti de la figure de l’infirme comme représentation de mort, elle-même plénipotentiaire de la pulsion de mort. Cette représentation est l’objet de ce renvoi dans les profondeurs du discours individuel et social, ce que la (bonne) conscience ne peut supporter et admettre.
8Dans cette perspective, nous postulons l’existence d’un statut anthropologique sous-jacent des infirmes dont les effets sont à la mesure de sa puissance et nous proposons de partir à sa découverte par l’analyse d’un film qualifié de mythique par le langage commun. Nous le verrons en effet, Freaks réalisé en 1932 par tod browning rassemble toutes les qualités nécessaires pour être ainsi désigné, et bien plus encore : par les circonstances de sa création, par sa forme et son contenu, par son impact et son incroyable carrière, ce film recèle une vérité forte et profonde qui, de l’individuel au collectif, éclaire la place de l’infirme dans le champ social. La lumière s’estompe, le rideau s’ouvre, le projecteur fait entendre son cliquetis caractéristique. Place au film et à son analyse.
Contexte historique
9L’Amérique des années trente a besoin de se changer les idées. Il lui faut s’abstraire par tous les moyens des dures réalités imposées par la crise économique qui affecte le monde à cette époque. Hollywood mettra en œuvre tout son savoir-faire pour permettre à l’Amérique de rêver et d’oublier – le temps d’un film – l’âpreté du quotidien. Dans cette conjoncture le cinéma fantastique, genre longtemps dédaigné, gagne ses lettres de noblesses et se hisse au sein du Septième Art au même rang que le film noir, le western, la comédie musicale ou le burlesque. Ainsi, des œuvres très diverses voient le jour où sont mis en scène les grands mythes de la littérature de l’étrange et de l’effroi. Le 14 février 1931 sort sur les écrans le premier film sonore d’épouvante : dracula, adapté du roman éponyme de bram Stoker (1897). Ce chef d’œuvre de la littérature gothique anglo-saxonne est réalisé par un maître du genre : tod browning [11]. Frankenstein, réalisé la même année par James Whale, s’inspire de l’œuvre de Mary W. Shelley : Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818). Le public est au rendez-vous, les deux films connaissent un franc succès, consacrant bela Lugosi (1882-1956) pour le premier et Boris Karloff (1887-1969) pour le second au firmament du film fantastico-horrifique. Comme l’indique Jean-Claude Romer :
« Alléchés par la vogue que connaissent dracula et Frankenstein, les compagnies rivales de l’universal mirent immédiatement en chantier tout un programme de films fantastiques, présentant un catalogue très complet de monstres, de médecins psychopathes et d’aliénés divers » (1985, p. 778).
11Irving thalberg, producteur et bras droit de Louis b. Mayer – grand patron de la Metro-Goldwin-Mayer à l’époque –, cherche donc matière à tourner pour ne pas laisser Universal tirer seul les profits d’un filon commercialement prometteur. L’étincelle viendra du comédien nain Harry Earles. Le futur Hans évoque une nouvelle de Clarence A. Robbins publiée dans le Munsey’s Magazine de février 1923 sous le titre Spurs : « les éperons ». Cette histoire présente de nombreux atouts pour intéresser producteur, réalisateur et comédiens. Elle conte les déboires amoureux d’un nain convoité pour sa fortune qui finit par se venger de son épouse et de l’amant de celle-ci. De ce sujet, acheté huit mille dollars par la M.G.M., naîtra Freaks. Irving thalberg réunira autour de ce projet une équipe qui se connaît bien. Il charge Willis Goldbeck et Leon Gordon de scénariser l’histoire. Il dira à ce propos : « J’ai demandé quelque chose d’horrifiant et je l’ai eu ! ». Réalisé en 1932 par Tod Browning, ce film, conçu dans une perspective où il s’agit par la surenchère de capter un public friand de fantastique, ira trop loin pour les canons de l’époque et s’avèrera dès sa sortie un échec commercial et culturel retentissant. Dès lors, enveloppé d’une aura sulfureuse, il connaîtra pendant trente ans une carrière chaotique pour, en fin de compte, s’inscrire à la fin des années soixante comme film culte au Panthéon cinématographique.
L’argument du film
12Il est simple : pourquoi représenter, avec plus ou moins de bonheur, des êtres chimériques plus ou moins monstrueux, alors que la réalité dépasse la fiction ? Ce qui fera la force du film, et du même coup son échec, est alors scellé : tod browning engage d’authentiques phénomènes de foire recrutés principalement chez barnum & bailey et monte, pour les besoins du film – une chronique sur les coulisses d’un cirque –, une galerie de monstres où il expose tour à tour toute une série de nains, une femme à barbe, un homme-tronc, des sœurs siamoises, un homme à la maigreur extrême surnommé le squelette humain vivant, un androgyne, un torse vivant, des femmes sans bras et les Pinheads – littéralement : les têtes d’épingles –, pour désigner des sujets simples d’esprit, de petite taille, présentant des dysmorphies diverses et variées.
L’histoire
13Hans le nain dresseur de poneys fiancé à Frieda, l’écuyère naine, est amoureux de Cléopâtre, la belle trapéziste. Cette dernière, par cupidité, feint d’être séduite et l’entretient dans l’illusion d’un amour partagé. Avec la complicité d’Hercules dont elle devient la maîtresse, elle tentera de l’empoisonner après l’avoir épousé pour s’emparer de sa fortune. Les deux amants finiront par payer chèrement leur félonie. Les freaks veillent et déjouent la machination. La vengeance des monstres sera terrible. Par une nuit d’orage, transformée en femme oiseau Cléopâtre deviendra la plus hideuse des attractions du sideshow [12]. Quant à Hercules, cette même nuit, au cours d’une tentative pour éliminer un témoin gênant, il est tout bonnement exécuté dans la version expurgée. Dans la version originale censurée [13], castré par les freaks, il termine sa carrière de lutteur comme chanteur soprano.
Réalités représentables et fictions représentées
14Parce qu’il fait appel à de véritables phénomènes de foire, Freaks est, comme l’écrit Jacques Lourcelles (1992), le film du malaise par excellence, où se mêlent fiction horrifique, mettant en scène la vengeance de monstres ; fable philosophique où la monstruosité biologique s’oppose à la monstruosité morale, et documentaire sur les coulisses d’un cirque dont les sociétaires sont pour le moins singuliers. Le tout est au service d’une peinture sans complaisance de la sexualité humaine, de la plus bestiale à la plus romantique, où la distinction entre monstrueux et non monstrueux se brouille. Pour tod browning, toutes les vérités sont bonnes à dire. Ainsi, lorsque Violet et Daisy Hilton les sœurs siamoises apparaissent pour la première fois à l’écran, elles s’avancent dans une allée en direction du spectateur. Cette vision nous laisse un court instant perplexes. Fraîches et charmantes dans leurs tenues printanières, elles donnent l’impression, de prime abord, de se déplacer côte à côte, bras dessus bras dessous. Mais derrière leur démarche ambleuse, un rien entravée, apparaît l’infirmité : Daisy et Violet sont soudées l’une à l’autre par la hanche. La soudure est si intime qu’elle donne l’impression de deux êtres étroitement liés du haut de l’épaule jusqu’au bas du dos. Violet et Daisy partagent le même système circulatoire sanguin, les liens du sang prennent ici une valeur singulière. Roscœle bègue, compère d’Hercules sur la piste, aime Daisy et ne cesse de se chamailler avec Violet, sa future belle-sœur, qui entend mener sa vie comme bon lui semble. D’ailleurs, elle aime Monsieur Vadja et va l’épouser. Les deux futurs beaux-frères sont présentés l’un à l’autre, il s’ensuit ce savoureux dialogue :
Vadja : « Lorsque nous serons mariés, j’espère que vous viendrez nous rendre visite ! »
Roscœ: « bien sûr, et vous également, passez donc nous voir de temps en temps ! »
16On se plaît alors à imaginer la nuit de noces. Leurs extravagances matrimoniales mises en scène avec humour par tod browning s’inspirent de la vie des deux sœurs, tout en restant en deçà de la réalité. Nées à brighton en Angleterre le 5 février 1908, leur naissance est placée sous de tragiques auspices. Leur génitrice – mère célibataire barmaid de son état –, les aurait vendues à une certaine Mary Hilton, la sage-femme responsable de leur mise au monde. Cette dernière voit là une opportunité de gagner de l’argent en les exhibant. Après avoir été « entraînées », les sœurs siamoises furent effectivement montrées dès leur plus jeune âge dans des sideshows sous leur nom d’adoption. Maltraitées toute leur jeunesse, elles décident à l’âge de vingt-trois ans – à la mort de Mary Hilton –, de devenir leur propre manager et de s’affranchir de la tutelle sous laquelle elles avaient été placées. Par décision de justice elles auront gain de cause et se retrouveront à la tête d’une coquette somme d’argent. Même si elles clament haut et fort détester la vie de forains, elles sont, parmi les Freaks, celles à gagner le mieux leur vie : tournées théâtrales et de cirque leur garantissent des revenus très confortables. Devenues de beaux partis par la magie de l’argent, elles connaîtront chacune de nombreuses idylles. Elles se marièrent et divorcèrent de maris qui les escroquèrent. Finalement ruinées, lassées des tournées, elles échouèrent à Charlotte en Caroline du Nord où elles trouvèrent un emploi de vendeuses chez un épicier. Elles décédèrent dans cette localité à l’âge de 61 ans, le 6 janvier 1969, emportées par la grippe. La réalité dépasse une fois de plus la fiction. Ce qui paraît surréaliste à l’écran, d’une incroyable liberté, n’est en fait que le pâle reflet d’une réalité sordide et en même temps en avance sur les préjugés et les a priori. De la ville à la scène, la vie des sœurs Hilton démontre à quel point il existe un monde entre la réalité représentable et la fiction effectivement représentée.
Chronique d’un échec anoncé
17Autour de l’infirmité, le télescopage de la réalité avec la fiction et l’écart entre le représentable et le représenté constituent un nœud paradoxal qui scellera l’échec du film. En effet pour le spectateur des années trente – dont le quotidien n’est pourtant pas une route semée de pétales de roses –, voir sur grand écran du monstrueux, du bizarre, de l’étrange, du sordide ne le rebute guère. bien au contraire, mais il faut pour cela que la représentation reste factice, même si elle atteint un haut degré de réalisme comme l’attestent les interprétations de Lon Chaney [14] et son immense succès. Au contraire, l’irruption de l’infirmité authentique dans un film, même si elle est prise dans une trame narrative imaginaire, coupe court à la rêverie, au jeu subtil des identifications. Derrière la figure polysémique du monstre se trouve, parmi d’autres, le masque de la mort. Plus le monstre est authentique, plus la mort est proche, palpable, contagieuse. Se détourner prend alors les allures d’un réflexe de survie. Dans le prologue du film, c’est bien l’attitude de la spectatrice quand elle hurle et se détourne de la vision d’horreur aménagée dans la fosse où gesticule ce qui reste de Cléopâtre : elle y voit sa propre déchéance, sa propre mort.
Entre la vie et la mort
18Pourquoi Eros, dans la perspective d’une sexualité génitalisée, librement consentie entre adultes valides et infirmes demeure tabou et scandaleux ? Répondons en compagnie de Robert F. Murphy. Anthropologue enseignant à l’université de Columbia, il écrit en 1987 The body Silent, traduit en France trois ans plus tard sous le titre ambigu : Vivre à corps perdu. L’auteur précise que son ouvrage est « le récit des répercussions d’une infirmité sur [son] statut de membre de la société [15] ». D’un petit spasme musculaire en 1972 jusqu’à la tétraplégie en 1986, sa paralysie progressive, lent résultat du développement d’une tumeur de la moelle épinière, associée à son enquête auprès d’autres personnes en situation de handicap, l’amène à formuler, de son propre aveu, une question fondamentale : « En vérité, serait-il [...] préférable d’être mort ? [16] », à laquelle son livre va porter réponse par un habile tissage mêlant position subjective, anthropologie, sociologie, histoire et psychanalyse.
La résurrection
19Au sortir de sa première hospitalisation, il envisage avec gravité la possibilité d’attenter à ses jours. Ses méditations sur la mort, prolongées jusque dans ses rêves, sont la conséquence de la gravité de son état et du sentiment de séparation et d’isolement provoqué par « l’univers du fauteuil roulant ». Il cessera de « se détourner de la vie en se retirant dans la mort » écrit-il, sous la pression affective de sa famille et parce qu’il considère en fin de compte « qu’être vivant était vraiment trop intéressant pour s’en priver ». Cette résurrection arrive à point nommé. Robert F. Murphy se voit décerner à cette époque un prix d’enseignement par son université. Celle-ci organise pour la circonstance un dîner où sont conviés collègues, étudiants et proches. La cérémonie, interprétée par l’impétrant lui-même comme un rite de passage au sens d’Arnold van Gennep (1909), sanctionne la réapparition en public de l’anthropologue avec son nouveau statut d’infirme. Robert F. Murphy se rend vite compte qu’il est fêté non seulement comme un enseignant de retour mais plus encore comme un survivant. Il se remet au travail pour stopper des rumeurs selon lesquelles il était « mort », du moins professionnellement. Pourtant, Robert F. Murphy remarque au sein du campus universitaire combien son simple passage en fauteuil suffit à alourdir l’atmosphère : on évite de le croiser, de le regarder, de le saluer, comme « s’il avait été nimbé d’un halo qui risquait de les contaminer » écrit-il.
20Robert F. Murphy incarne comme « survivant » une figure de mort : c’est-à-dire celui dont thanatos n’a pas voulu ou qui a échappé à sa morsure, mais dont le commerce a laissé sur le rescapé des signes évidents de mutilations physiques et/ou psychiques. Il est élu par son groupe d’appartenance comme lieu de représentation et de projection avec lequel il faut néanmoins conserver une distance de sécurité, car la mort est terriblement contagieuse. Robert F. Murphy cloué dans son fauteuil est à son corps défendant un totem [17], c’est-à-dire un artefact bon à penser l’altérité et la mort.
« Ni chair ni poison »
21Dans cette perspective, Robert F. Murphy stigmatise – pour oser le mot – cette tyrannie qui consiste à contraindre l’homo occidentalis de la seconde moitié du vingtième siècle et de ce début de troisième millénaire à être mince et musclé en plus que d’être propre et de sentir bon. Sous peine d’être mis à l’index, celui-ci doit cultiver une apparence juvénile pour avoir le droit de fréquenter les champs sociaux où il sera susceptible de cueillir les fruits du succès dans tous les domaines de la vie de relation. Au-delà de la pertinence de la critique, ce « droit canonique » résumé par la formule populaire : « à vieux, pauvre et malade, mieux vaut être jeune, riche et bien portant », est une expression parmi de nombreuses autres de la négation de la mort. une fois encore la personne en situation de handicap contrevient à ces commandements et se retrouve reléguée – lorsqu’elle n’est pas expulsée – à la marge des champs sociaux de notre métaphore parce qu’elle ne répond pas à cet idéal et qu’elle démontre, par sa simple présence, le caractère dérisoire de cette illusion d’immortalité. La société se rêve éternellement « jeune, belle, riche et saine » pendant que ses membres emplissent les charters de la relégation lorsqu’ils ne satisfont plus à ces critères. A partir du concept de liminalité, qu’il reprend à son compte [18], Robert F. Murphy s’interroge. Au-delà de formes d’expression diverses et variées qui en rendent compte, conserver et perpétuer la vie sont des valeurs universelles essentielles, en contrepoint aucune société ne prend l’homicide à la légère, précise-t-il. Si Eros et thanatos subissent des traitements variables d’une culture à l’autre, l’équation où s’opposent la vie et l’amour à la mort et à l’aliénation constitue un thème central universel dont l’infirmité se trouve être une métaphore forte. L’Homme confère à l’infirmité une véritable signification, Robert F. Murphy est on ne peut plus clair sur cette question : l’infirmité est « une métaphore de la mort et un “commentaire” sur la vie » [19] ou encore : « L’inertie du paralytique est symbolique de la mort elle-même, il est la négation de la vie [...] c’est comme une mort prématurée au sein même de la vie » [20]. Si Robert F. Murphy, comme anthropologue, éclaire le statut social caché des infirmes par son concept de liminalité et déclare sans détour comme personne en situation de handicap : la figure de l’infirme est une représentation de mort ; paradoxalement il ne fait pas de lien direct entre les deux propositions : l’infirme est socialement en situation de liminalité parce qu’il est une représentation de mort. Et dans la multitude de ces représentations [21] dont – de l’individuel au collectif – la psyché est avide, l’infirme présente une qualité rare qui le rend extrêmement précieux pour la communauté : il est vivant. Et nous touchons au paradoxe : être de chair et de sang, traversé par la vie et transpercé par la mort, il est unique dans la forêt des représentations de mort et cette valeur se voit augmentée d’une autre plus rare encore : il est un émissaire de l’inconnaissable, c’est-à-dire un survivant venu ou revenu des territoires supposés s’étendre en deçà de la naissance et au-delà de la mort, et dont le commun des mortels ne sait rien car telle est son indépassable condition. L’infirme comme éclaireur de contrées insondables et terrifiantes occupe une place sociale fondamentale. Il est comme le voltigeur militaire, à la fois élite et quantité « négligeable », offert en sacrifice pour aller à la rencontre de l’ennemi, à la fois pour le harceler et rendre compte de ses forces pour mieux le combattre et l’anéantir. Au péril de sa vie et de son intégrité, il est une estafette désignée volontaire par la troupe et son état-major restés dans l’illusoire confort de l’arrière.
22« Parce que, sur un mode ou un autre, théologique, laïque, sacré, profane et même athée, la mort ne peut être, par les vivants et les survivants, que niée », nous dit Jean-Paul Valabrega (2001, pp. 48-49), selon deux modalités essentielles : l’immortalité et l’éternité – et les exemples ne manquent pas –, le tissu social, en instituant la différence par la hiérarchie ou la juxtaposition, ou en promulguant l’assimilation, ne peut et ne veut intégrer et/ou combler l’écart entre valides et infirmes car ces derniers sont d’une importance capitale dans le processus de négation de la mort. Aux questions « pourquoi les sociétés occidentales traitent-elles ainsi les infirmes, et pourquoi l’intégration reste-t-elle une utopie ? », les théories du handicap [22], par leurs éclairages croisés, tentent de nous rendre compte de ce statut hors du commun. Car sous le handicap perce toujours un problème d’infirmité sans solution qui mobilise du symbolique, quelle que soit la théorie appelée à la rescousse. A partir de la leçon de Marcel Mauss commentée par bruno Karsenti (1994), la maîtrise de ce problème nécessite un système de signes qui médiatise les relations individuelles et construit dans le même temps la socialisation des individus et leur unification en un groupe. Comme les facettes d’une pierre taillée passée entre les mains de plusieurs diamantaires, les figures du stigmatisé d’Erving Goffman (1975), de l’outsider de Norbert Elias (1997), de l’opprimé de Mike Oliver (1990), de l’étrangeté de Simone Korff-Sausse (1996), du double d’Henri-Jacques Stiker (2005) confiné dans un espace de liminalité repensé par Robert F. Murphy (1987), rendent compte de la complexité de la situation de handicap, figure historique de l’infirmité. En tant que dénominateur commun, la figure de l’infirme comme représentation de mort fédère toutes ces théories car, sans être réduites à ce seul terme, toutes y conduisent.
Conclusion
23Si nous considérons aujourd’hui d’une part les traitements sociaux réalisés en direction des personnes en situation de handicap, ces derniers sont clairement orientés par un certain pragmatisme dont une expression comme « discrimination positive » est l’un des signes conscient et inconscient les plus patents ; d’autre part, l’obsolescence dans laquelle se trouvent les rituels de passage en général et ceux plus particuliers relatifs à la mort – au point d’ailleurs de faire de cette dernière une figure de terreur absolue au service du mercantile dans des formes diverses et variées –, force est de constater que rapprocher la figure de l’infirme avec celle de la mort n’est pas dans l’air du temps. Nous pensons pourtant que ce rapprochement et sa mise en pleine lumière favorisera le changement. Rapprocher la figure du monstre de celle de l’enfant, comme nous l’avons fait dans une recherche précédente [23], est le plus sûr moyen d’anéantir le spectre qui empêche de considérer l’enfant en situation de handicap comme un être en devenir au sein d’une société capable de l’accueillir au mieux de ses potentialités. Dans une perspective identique, rapprocher la figure de l’infirme de celle de la mort est le plus sûr moyen de permettre aux personnes en situation de handicap d’occuper symboliquement, imaginairement et réellement une autre place dans la société, d’être « désinsularisés », pour emprunter ici la formule à Charles Gardou (2005).
24A ce titre, en 2005, un téléfilm [24] diffusé à heure de grande écoute mettait en scène la vie sentimentale d’une naine. Juliette, journaliste dans un magazine féminin, cherche l’âme sœur sur le « net ». Elle rencontre Vincent, sémillant quadragénaire. Mais du virtuel à la réalité, Juliette ne parvient pas à sauter le pas. Lors d’un échange de photographies elle lui transmet un cliché de sa meilleure amie, une jolie blonde de taille « normale ». Après maints chassé-croisés et quiproquos, ils finiront par se retrouver. La scène finale est éloquente par sa chasteté. L’un en face de l’autre, les deux tourtereaux se tiennent les mains. De toute sa hauteur, Vincent contemple Juliette silencieusement. Aucun baiser n’est échangé, nous n’assisterons à aucune scène de lit, la sexualité reste virtuelle et hors champ. Si, comme le précise Alain blanc (2003, p. 276), « la mise en image de la déficience peut être analysée comme une étape contemporaine du processus de civilisation » et si – poursuit-il – « la création d’images apprivoise le regard [25] », alors sur les traces de Freaks il est de première importance de réaliser une profusion de fictions cinématographiques et télévisuelles centrées sur l’infirmité pour oser ce que toute œuvre – de la plus médiocre à la plus accomplie – montre aujourd’hui en matière d’amour.
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Mots-clés éditeurs : Handicap, Infirmité, Monstruosité, Représentation de mort, Freaks
Mise en ligne 21/06/2007
https://doi.org/10.3917/cpsy.045.0097Notes
-
[1]
Nous ne referons pas ici l’histoire du mot et renvoyons le lecteur aux travaux d’Henri-Jacques Stiker (1982,1987, 1990,1991,1996, 2001) en la matière.
-
[2]
Cf. International classification of impairments, disabilities and handicaps. A manual of classification relating to the consequences of disease. (1980), traduit en français sous le titre : Classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages. Un manuel de classification des conséquences des maladies, Editions du CtNERHI et INSERM, Paris, 1988.
-
[3]
Déficience : « toute perte de substance ou altération d’une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique ».
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[4]
Incapacité : « toute réduction – résultant d’une déficience –, partielle ou totale, de la capacité d’accomplir une activité d’une façon ou dans les limites considérées comme normales pour un être humain ».
-
[5]
Cf. L’étude du problème général de l’inadaptation des personnes handicapées de François bloch-Lainé, La Documentation Française, 1968. Ce rapport présenté à Matignon en décembre 1967 fut précurseur de la loi de 1975. Autour de la notion d’Enfance Inadaptée, nous retrouvons ce souci de « regroupement dans une perspective de traitement » – avec des intentions infiniment moins louables – dans les travaux du Conseil technique de l’enfance déficiente ou en danger moral qui verra le jour par arrêté du 25 juillet 1943. Cf. sur cette ténébreuse question les travaux de Christian Rossignol (1992,1998,2000) et de Michel Chauvière (1980).
-
[6]
Cette notion de « moyenne » déterminée par une volonté de normalisation au sens statistique et probabiliste découle d’une idéologie dont François Ewald trace les grandes lignes dans L’Etat providence : « La théorie de l’homme moyen annonce l’ère où la perfection s’identifiera avec la normalité, où le grand impératif de la morale sociale sera de normaliser. La perfection, le devoir, le bien, le bien-être seront d’être dans la norme et la moyenne » (1986, p. 161).
-
[7]
Dans l’antériorité, « personne handicapée » et « personne porteuse de handicap » en sont d’autres expressions.
-
[8]
Dans un sketch, un célèbre humoriste français fustige cette tendance et force le trait par l’usage de « non-comprenant » en lieu et place du trivial « con ».
-
[9]
« Le refoulement désigne le processus visant au maintien dans l’inconscient de toutes les idées et représentations liées à des pulsions et dont la réalisation, productrice de plaisir, affecterait l’équilibre du fonctionnement psychologique de l’individu en devenant source de déplaisir » (Elisabeth Roudinesco, Michel Plon, 1997, p. 883).
-
[10]
« La puissance du ça exprime la finalité propre de la vie de l’individu ; elle tend à satisfaire les besoins innés de celui-ci [...] Nous donnons aux forces qui agissent à l’arrière plan des besoins impérieux du ça et qui représentent dans le psychisme les exigences d’ordre somatique, le nom de pulsions. bien que constituant la cause ultime de toute activité, elles sont, par nature, conservatrices. En effet, tout état auquel un être est un jour parvenu tend à se réinstaurer dès qu’il a été abandonné [...] Après de longues hésitations, de longues tergiversations, nous avons résolu de n’admettre l’existence que de deux pulsions fondamentales : l’éros et la pulsion de destruction [...] Le but de l’éros est d’établir de toujours plus grandes unités, donc de conserver : c’est la liaison. Le but de l’autre pulsion, au contraire, est de briser les rapports, donc de détruire les choses [...] son but final est de ramener ce qui vit à l’état inorganique et c’est pourquoi nous l’appelons aussi pulsion de mort » (Sigmund Freud, 1938, pp. 7-8).
-
[11]
Celui-là même qui réalisera un an plus tard Freaks.
-
[12]
Le sideshow est une sorte d’espace annexe au cirque où sont montrées diverses attractions.
-
[13]
Le film connaît des ponctuations différentes.
-
[14]
Star hollywoodienne du cinéma muet, virtuose du maquillage et des travestissements, Lon Chaney, fils de parents sourds-muets, fut le comédien fétiche de tod browning avec lequel il interprètera de nombreux « monstres ».
-
[15]
op. cit. p. 16.
-
[16]
op. cit. p. 20.
-
[17]
Dans le Totémisme aujourd’hui et la Pensée sauvage, Claude Lévi-Strauss (1962) envisage le totémisme comme un cas particulier – déformé et fantasmé par l’observateur occidental –, d’un procédé général dans les sociétés dites « sauvages » où les différences sont signifiées dans la société au moyen de différences répertoriées dans le monde naturel. Ainsi un animal « totémique » n’est pas l’objet d’une identification avec un individu ou un groupe mais c’est un « outil conceptuel ». Les espèces naturelles ne sont pas choisies parce que « bonnes à manger, mais parce que bonnes à penser ».
-
[18]
Cf. dans le présent ouvrage, l’article d’Henri-Jacques Stiker « Pour une nouvelle théorie du handicap. La liminalité comme double ».
-
[19]
op. cit. p. 306.
-
[20]
op. cit. p. 313.
-
[21]
Jean-Paul Valabrega (2001), dresse une liste non exhaustive de ce qu’il nomme « l’iconographie de l’irreprésentable » : le sommeil, le corps étendu, le cadavre, les ossements, le tombeau, le cercueil, le double, l’ombre, la croix, l’immobilité, le mutisme, les yeux fermés, les larmes, le noir, le blanc, la vieillesse, la maladie, les pieds devant, les eaux profondes, la nuit, le désert, le froid, le feu, les animaux, etc. Iconographie à laquelle nous ajoutons la figure de l’infirme.
-
[22]
Cf. le chapitre « Pour une nouvelle théorie du handicap », ajout à la troisième édition de Corps infirmes et Sociétés (2005) où Henri-Jacques Stiker passe en revue toutes les théories récentes du handicap : avec l’école de Chicago autour du stigmate d’Erving Goffman (1975), la théorie culturaliste de Harlan Lane (1991), celle de la liminalité de Robert F. Murphy (1987) et de l’oppression avec Mike Oliver (1990), pour asseoir sa propre proposition théorique : l’infirmité comme double.
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[23]
Cf. Olivier R. Grim, du monstre à l’enfant, Anthropologie et Psychanalyse de l’infirmité, Editions du CtNERHI/ P.u. F., 2000.
-
[24]
« La bonne copine » de Nicolas Cuche avec Robin Renucci dans le rôle de Vincent et Mimie Mathy dans celui de Juliette. La comédienne est également la vedette d’une série où elle incarne un ange et comme chacun sait, un ange n’a pas de sexe.
-
[25]
ibid, p. 275.