Notes
-
[1]
L'auteur remercie Alexandra Goujon et Denis Dafflon pour leurs commentaires.
-
[2]
Sur la situation politique et économique de l’Ukraine en 2006, voir A. Dubien, G. Duchêne, « Ukraine. De bons scores économiques en dépit d’une cohabitation à couteaux tirés » in La Russie et les autres pays de la CEI en 2006, Le courrier des pays de l’Est, n° 1059, janvier-février 2007, pp. 30-49.
-
[3]
A. Wilson, Ukrainian Nationalism in the 1990’s : A Minority Faith, Cambridge University Press, 1997, p. 22. Ces chiffres sont à manipuler avec une certaine précaution, dans la mesure où ils datent d’il y a dix ans.
-
[4]
Voir le texte de la loi en français, ainsi que de nombreuses informations et commentaires, sur le site de l’Université Laval, au Québec, in Ukraine. Politique relative à la langue ukrainienne http :// wwww. tlfq. ulaval. ca/ axl/ europe/ ukraine.
-
[5]
J. Besters-Dilger, « Le facteur linguistique dans le processus de construction nationale en Ukraine », in G. Lepesant, L’Ukraine dans la nouvelle Europe, CNRS Editions, Paris, 2005, pp. 53-54. Pour une présentation exhaustive des dispositions juridiques relatives aux langues, lire J. Besters-Dilger et S. D. Li, « Die Minderheiten im Aufbruch » (« Les minorités en renouveau »), in J. Besters-Dilger, Die Ukraine in Europa : Aktuelle Lage, Hintergründe und Perspektiven (L’Ukraine en Europe : situation actuelle, contexte et perspectives), Vienne, Böhlau, 2003, pp. 278-286.
-
[6]
hhttp :// wwww. korrespondent. net/
-
[7]
Les deux formulations langue d’Etat et langue officielle peuvent, selon les contextes nationaux, parfois signifier strictement la même chose, ou au contraire être utilisées pour tenir compte d’une réalité politico-linguistique complexe, comme si en quelque sorte, l’une était plus officielle que l’autre. Si la langue d’Etat s’impose sur tout le territoire à l’ensemble des citoyens, la langue déclarée officielle peut ne concerner qu’une partie du territoire ou certains secteurs d’activité bien définis. (Ndlr)
-
[8]
http :// wwww. korrespondent. net/ main/ print/ 158340
-
[9]
V. Govgalenko, « Iazyk v postvybornom saouse. Kakovy perspektivy rechenija odnoï iz vajneïchnikh problem » (« La langue à la sauce post-électorale. Quelles perspectives de résolution de l’un des problèmes les plus importants »), Zerkalo nedeli, n° 21,03-09 juin 2006, hhttp :// wwww. zerkalo-nedeli. com/ nn/ show/ 600/ 53535/ . Cette interprétation est confirmée par I. Oswald, « Der ukrainisch-russische Sprachkontakt » (« Le contact linguistique ukraino-russe »), in J. Besters-Dilger, Die Ukraine in Europa, op. cit., p. 329.
-
[10]
http :// wwww. pravda. com. ua/ ru/ news/ 2006/ 8/ 30/ 45444. htm
-
[11]
Rapporté dans http :// wwww. korrespondent. net/ main/ print/ 155865
-
[12]
Les autres langues sont le biélorusse, le bulgare, le galicien, le grec, l’hébreu, le tatar, le moldave, l’allemand, le polonais, le roumain, le slovaque et le hongrois.
-
[13]
Des populations d’origine roumaine et moldave résident sur ce territoire, sous autorité roumaine de 1918 à 1940, puis à nouveau de 1941 à 1944. C’est de fait la seule région occidentale dans laquelle le PR a obtenu un score non négligeable.
-
[14]
Entretien à Kharkiv le 26 juillet 2006. Son argumentation est d’ailleurs discutable sur un plan juridique dans la mesure où, comme l’illustre le cas de l’italien et du romanche en Suisse, rien ne s’oppose à l’application de la Charte au bénéfice d’une langue d’Etat. Cf. V. Kravtchenko et O. Prohodko, « Hasan Bermek : Khartija ne oumaljiaet znatchenia gosoudarstvennovo iazyka » (« Hasan Bermek : la Charte n’amoindrit pas la signification de la langue d’Etat »), Zerkalo nedeli, n° 28,22-29 juillet, hhttp :// wwww. zerkalo-nedeli. com/ ie/ show/ 607/54048/.
-
[15]
Cf. V. Vasilenko, « Kakie iazyki v Oukraine noujdaioutsja v osoboï zachtchite ? Kollizia mejdou natsionalnym zakonom i mejdounarodnymi objazatelstvami gosoudarstva » (« Quelles langues ont besoin d’une protection particulière en Ukraine ? Collision entre lois nationales et obligations internationales de l’Etat »), Zerkalo nedeli, n° 10,18-24 mars 2006, hhttp :// wwww. zerkalonedeli. com/ ie/ show/ 589/ 52910/ . Pour l’expression de différents points de vue relatifs à la Charte et à son application, lire également l’article « Chto doljna garantirovat Khartia regionalnykh iazykov i iazykov menchinstv ?» (« Que doit garantir la Charte des langues régionales et des langues des minorités ?»), Analitik, 12 mars 2003, hhttp :// wwww. analitik. org. ua/ theme/ 3e6f8066/.
-
[16]
V. Kravtchenko et O. Prohodko, op. cit.
-
[17]
Lire par exemple O. Krivdik, « Tak istoritcheski slojilos ?» (« Est-ce qu’historiquement cela s’est passé comme ça ?»), Oukraïnskaïa Pravda, 03 mars 2006, hhttp :// wwww. pravda. com. ua/ ru/news/2006/3/3/38372.htm. Pour une analyse linguistique et politique du phénomène du sourjik, lire L. Bilaniuk, Contested Tongues. Language Politics and Cultural Correction in Ukraine, Cornell University, Ithaca and London, 2005 (particulièrement les chapitres 4 et 5).
-
[18]
Cf. V. Govgalenko, op. cit.
-
[19]
Pour une présentation synthétique de la politique impériale russe, puis soviétique à l’égard de la langue ukrainienne, lire L. Bilianuk, op. cit, chapitre 3.
-
[20]
Lire notamment O. Krivdik, « Vynoujdeny meniatsia : tri pouti oukraïnskikh Rossiïan » (« Contraints de changer : trois voies pour les Russes ukrainiens »), Oukraïnskaïa Pravda, 8 juin 2006, hhttp :// wwww. pravda. com. ua/ ru/ news/ 2006/ 6/ 8/ 41584. htmet S. Stefanov, « Iazykovaia anarkhia » (« Anarchie linguistique »), Den, n° 165,20 septembre 2006, http ://day.kiev.ua/169622/. Pour une position plus modérée et argumentée, lire B. Parahonskij, « Razdvoennyi iazyk » (« Langue fourchue »), Zerkalo nedeli, n° 19 (598), 20-26 juin 2006, http :// wwww. zerkalonedeli. com/ ie/ show/ 598/ 53406/ .
-
[21]
Cette conception rigide de l’appartenance ethnique, selon laquelle chaque individu est identifié à une origine ethnique fixe et est tenu de parler la langue attachée à cette origine, est l’un des héritages de la politique soviétique des nationalités.
-
[22]
Guennadi Makarov défend ainsi l’idée d’une unification de l’Ukraine, de la Russie et de la Biélorussie. Entretien à Kharkiv le 26 juillet 2006. C’est également le cas d’autres mouvements marginaux tels l’Union eurasiatique ou le parti Fraternité.
-
[23]
Lire par exemple D. Grotov, « Svoboda iazyka. Precedent v Kharkove » (« Liberté de langue. Précédent à Kharkov »), Korrespondent, 17 mars 2006 hhttp :// wwww. korrespondent. net/ main/ 148313.
-
[24]
Entretien à Kiev le 20 juillet 2006.
-
[25]
Entretien à Kiev le 29 juillet 2006.
-
[26]
E. Botanova, « Monopolia na iazyk » (« Monopole sur la langue »), Zerkalo nedeli, n° 25, 01-07 juillet 2006, hhttp :// wwww. zerkalo-nedeli. com/ nn/ show/ 604/ 53819/ . Lire également N. Partatch, « Obchtchestvo “Prosvita” : o “zagovorakh” i “zakazakh”» (« L’association “Prosvita” : à propos de “complots” et de “commandes”»), Zerkalo nedeli, n°33 (612), 02-09 septembre 2006, http :// wwww. zerkalo-nedeli. com/ ie/ show/ 612/ 54343/ .
-
[27]
N. Partatch, « V ojidanii pravopisania » (« Dans l’attente de l’orthographe »), Zerkalo nedeli, n° 9 (588), 18-24 mars 2006, http :// wwww. zerkalo-nedeli. com/ nn/ show/ 588/ 52805/ .
-
[28]
Chiffres du ministère des Statistiques ukrainien, cités dans la « Lettre du Haut Commissaire aux minorités nationales de l’OSCE, Max van der Stoel, au ministre des Affaires étrangères d’Ukraine, Anatoly M. Zkenko », 12 janvier 2001. Sur la dimension régionale, lire plus spécialement J. Besters-Dilger, « Les différenciations régionales de l’espace linguistique en Ukraine », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 2002, vol. 33, n° 1, pp. 49-96.
-
[29]
Information rapportée dans hhttp :// wwww. korrespondent. net/ main/ 166058. Lire aussi J. Besters-Dilger, « Le facteur linguistique dans le processus de construction nationale en Ukraine », op. cit., pp. 61-69.
-
[30]
S. Velbovets, « Ostorojno : oukraïnski iazyk !» (« Attention : langue ukrainienne !»), Oukraïnskaïa Pravda, 21 juin 2006, http :// wwww. pravda. com. ua/ ru/ news/ 2006/ 6/ 21/ 42203. htm.
-
[31]
« Film distributors weary of Ukrainian language requirement », 5 Kanal, 26 janvier 2006, http ://5tv.com.ua/eng/newsline/182/1340/20199/.
-
[32]
R. Solchanyk, « Russians in Ukraine : Problems and Prospects », in « Cultures and Nations of Central and Eastern Europe », Harvard University Press, 2000, p. 545. Rapporté dans la « Lettre du Haut Commissaire aux minorités nationales de l’OSCE », op. cit.
-
[33]
A. Wilson, op. cit.
-
[34]
36,9 % s’y déclarent à l’inverse opposés.
-
[35]
T. Kuzio, « The Nation Building Project in Ukraine and Identity : Towards a Consensus » in T. Kuzio, P. D’anieri (Eds.), Dilemmas of State-led Nation Building in Ukraine, Praeger, Westport, CT, 2002, pp. 9-27.
-
[36]
« Evgueni Koucharev : polititcheskaïa elita doljna perestoupit tcherez svoï obidy » (« Evguenij Koucharev : l’élite politique doit dépasser les offenses »), Den, n° 120,22 juillet 2006, http ://day.kiev.ua/165890/.
-
[37]
Entretien à Kharkiv le 26 juillet 2006.
-
[38]
L’intégral du texte de Universal, ainsi que les propositions initiales de Notre Ukraine et du Parti des régions sur la question de la langue et de l’adhésion à l’Otan sont disponibles sous : http :// wwww. pravda. com. ua/ ru/ news/ 2006/ 8/ 3/ 44394. htm.
-
[39]
V. Oukolov, « Rousski iazyk i oukraïnskaïa elektoralnaia mifologia » (« Langue russe et mythologie électorale ukrainienne »), Oukraïnskaïa Pravda, 26 mai 2006, hhttp :// wwww. pravda. com.ua/ru/2006/5/26/41085.htm.
-
[40]
Rapporté dans B. Tchervak, « Iazykovoï terrorizm » (« Terrorisme linguistique »), Oukraïnskaïa Pravda, 1er mars 2006, hhttp :// wwww. pravda. com. ua/ ru/ news_print/ 2006/ 3/ 1/ 38274.htm.
-
[41]
http :// www. korrespondent. net/
-
[42]
http :// www. izvestia. ru/ politic/ article3096878/ index. html.
-
[43]
L’augmentation du prix du gaz livré par la Russie à l’Ukraine avait suscité une crise entre les deux pays au cours de l’hiver 2005-2006. Un accord garantissant un approvisionnement à un prix inférieur à 130 dollars les 1 000 mètres cubes en 2007 a été conclu entre les deux parties le 24 octobre 2006.
-
[44]
wwwww. mid. ru/ brp_4. nsf/ sps/ 24229F9A0457C4BCC32571380058FD6Fet hhttp :// wwww. mid. ru/ brp_4. nsf/ 106e7bfcd73035f043256999005bcbbb/ 04229e7bb01f013fc32571f6003f6dc0 ? OpenDocument.
-
[45]
http :// wwww. korrespondent. net/ main/ 162269
-
[46]
Sur le clivage régional, lire D. Arel, « La face cachée de la Révolution orange : l’Ukraine en négation face à son problème régional », Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 37, n° 4,2006, pp. 11-48.
1Au cours des premiers mois de 2006, certains conseils municipaux et assemblées régionales du sud et de l’est de l’Ukraine ont décidé d’élever le statut de la langue russe : les régions et les villes de Donetsk, Kharkiv et Louhansk, les régions de Zaporijjia et de Mykolaïv, ainsi que les villes de Sébastopol et Dnipropetrovsk l’ont déclarée langue régionale ou seconde langue d’Etat.
2Ces mesures donnent une suite concrète à la promesse faite en ce sens par le Parti des régions (PR) en décembre 2005, en cas de victoire aux élections législatives, nationales et régionales du 26 mars 2006, ce qui est effectivement advenu. Elles ont été immédiatement contestées par une partie de la classe politique nationale et ont suscité de vifs échanges parmi les intellectuels, dont la presse s’est largement fait l’écho tout au long de 2006. Quelles sont les motivations qui sous-tendent les divers positionnements dans la querelle sur le statut du russe ?
3Après en avoir présenté les aspects formels, on tentera de saisir quelles conceptions de la nation supposent les différentes revendications et quelle traduction en est donnée dans les faits.
4Le constat du décalage entre les déclarations concernant le statut du russe, les engagements pris et les mesures leur donnant ensuite une réalité invite à examiner la façon dont cette question s’inscrit dans la conjoncture politique et devient un enjeu et un instrument dans la lutte pour le pouvoir [2].
Qui parle quoi en Ukraine ?
Une approche juridique du débat
? Des textes ambigus et verrouillés
5La loi du 28 octobre 1989 [4], votée par le Soviet suprême de la République socialiste d’Ukraine, proclamait l’ukrainien seule langue d’Etat, mais prévoyait l’usage du russe par ses locuteurs dans les régions où ils étaient majoritaires.
6Cette loi eut pour effet de maintenir le statu quo, le russe continuant à être largement employé à tous les niveaux dans les régions méridionales et orientales. La Constitution adoptée en 1996 révèle la même ambiguïté : si elle confirme l’ukrainien comme unique langue d’Etat, la formulation des dispositions relatives aux autres langues laisse planer un doute sur le statut du russe. L’article 10 précise en effet que « le libre développement, l’emploi et la protection du russe et d’autres langues de minorités nationales sont garantis ».
7Il semble ainsi qu’un statut spécial soit reconnu à la langue russe, ni langue d’Etat, ni simple langue d’une minorité. Les décisions visant à élever son statut s’appuient par ailleurs sur l’article 53 qui garantit le droit à recevoir un enseignement dans ou de sa langue maternelle [5]. Pour autant, au regard de la norme constitutionnelle, seul l’ukrainien est la langue officielle d’Etat et modifier le statut du russe ne relève pas de la compétence des assemblées régionales ou autorités municipales.
8Aussitôt évoquées par les opposants à toute modification, ces considérations ont guidé la cour de justice de Dnipropetrovsk, qui avait été saisie par le procureur de la ville le 26 mai, dans son arrêt du 20 juillet 2006 invalidant la décision du Conseil municipal de proclamer le russe langue régionale.
9Celles de Kherson et de Kryvyï Rih se sont prononcées dans le même sens, respectivement le 11 août et le 11 octobre.
10La cour de Kharkiv a en revanche estimé le 17 août 2006 qu’il ne lui appartenait pas de trancher cette question [6].
11Pour lever les résistances à l’adoption du russe comme seconde langue d’Etat, un compromis a été proposé : lui donner le statut de langue officielle [7]. C’est la solution retenue dans le projet de loi déposé le 10 juillet 2006 qui, selon ses initiateurs, permettrait de reconnaître au russe sa fonction de langue de communication interethnique [8]. Cette nuance, qui lui confèrerait une reconnaissance à l’échelle nationale sans pour autant le mettre sur un pied d’égalité avec l’ukrainien, est contestée par certains commentateurs qui considèrent que le résultat serait en réalité identique [9]. Et de fait, les deux formulations sont employées de façon interchangeable : abandonné courant juillet, le terme « seconde langue d’Etat » resurgit dans le programme d’action pour cinq ans proposé le 30 août par le gouvernement de V. Ianoukovitch (leader du Parti des régions, devenu Premier ministre le 4 août) pour désigner le statut souhaité pour le russe [10]. Or, toute modification de ce dernier passe nécessairement par une révision de la Constitution, qui requiert la majorité des deux tiers à la Rada (le Parlement).
12En supposant que l’ensemble des députés de la coalition anti-crise du PR, du Parti communiste et du Parti socialiste s’expriment en ce sens, ils ne parviendraient pas à atteindre le quorum nécessaire (mais la donne pourrait changer si des élections législatives anticipées ont lieu : le président Iouchtchenko a en effet dissous la Rada le 2 avril, décision contestée par les députés de la coalition, qui ont saisi la Cour constitutionnelle). L’autre mode de révision, par voie référendaire, est tout aussi aléatoire et semble improbable. Certaines régions ont néanmoins menacé d’organiser des référendums locaux. Une solution pourrait être recherchée du côté des textes européens en matière de droits linguistiques.
? Investir la légitimité européenne
13Aucune évolution n’étant possible par le biais des normes juridiques nationales, la référence à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est venue interférer dans la querelle sur le statut du russe. Signée par l’Ukraine le 2 mai 1995, elle a été ratifiée par la Rada le 24 décembre 1999, mais le 12 juin 2000, la Cour constitutionnelle a invalidé ce vote. C’est seulement le 15 mai 2003 que la loi de ratification, qui fixe les conditions de l’application de la Charte, a finalement été adoptée.
14De fait, c’est souvent à ce texte que se sont adossées les décisions des autorités locales. Ainsi, l’arrêté du Conseil municipal de Sébastopol du 26 avril 2006 est intitulé : « A propos des moyens d’application des dispositions de la Charte européenne des langues régionales ou des minorités nationales concernant la langue russe sur le territoire de la ville de Sébastopol » [11]. Il se réfère aussi à la loi de ratification qui cite le russe parmi les langues régionales et celles requérant protection [12]. Décréter le russe langue régionale est dès lors présenté comme une simple application de la Charte, l’évocation du nombre de locuteurs russophones étant presque secondaire. Les avocats de la langue russe affirment mener un combat au nom de toutes les minorités nationales.
15Le projet de loi du 10 juillet cité plus haut propose de garantir le droit de tous les citoyens ukrainiens à un accès à l’information en langue russe, mais aussi dans les langues des autres minorités. De même, lors de la campagne pour les élections législatives de 2006, le leader du PR, Victor Ianoukovitch, s’est efforcé de se présenter comme le porte-parole de l’ensemble des minorités, s’exprimant par exemple en roumain lors d’un meeting en Bucovine [13].
16L’adoption de la rhétorique de protection des minorités vise à invoquer pour ces dernières la légitimité des textes européens. Mais cette stratégie n’est pas sans risque de contradiction interne.
17Réclamer l’application de la Charte pour le russe implique en principe de le reconnaître comme une langue de minorité (et même, au sens strict, minoritaire) ou régionale, statut peu compatible avec celui de seconde langue d’Etat, réclamé par les mêmes personnes.
18Cette contradiction affleure dans le discours du président de l’Association pour l’égalité culturo-linguistique et du parti « Bloc russe », Guennadi Makarov, lorsque, contestant la mise en place d’une politique d’ukrainisation, il rétorque que « si l’ukrainien a besoin d’être défendu, il faut en faire une langue régionale. Alors il pourra bénéficier de la protection de la Charte ».
19Cette position est néanmoins en porte-à-faux avec la revendication parallèle d’un statut de seconde langue d’Etat pour le russe et de sa protection, en particulier dans l’enseignement [14].
20Al’inverse, les opposants à toute modification du statut du russe dénoncent la référence à la Charte par les autorités régionales, alors que seul le pouvoir central est habilité à déterminer les langues concernées et l’étendue du territoire sur lequel elles peuvent bénéficier du statut de langue régionale ou minoritaire. Ils protestent contre ce qu’ils estiment être une violation de l’esprit de la Charte : cette dernière n’a pas été conçue dans l’objectif de consolider le statut politique de certaines langues, mais de protéger celles qui sont menacées de disparition. Ils en appellent aux commentaires d’experts qui soulignent en particulier la mauvaise traduction dont souffre le texte sur l’application de la Charte et qui est à l’origine des confusions actuelles. Le terme « langues régionales ou minoritaires » a ainsi été traduit en ukrainien par « langues régionales ou langues de minorités » [15]. Ce faisant, des langues solidement implantées dans l’usage sont mêlées à d’autres, réellement menacées. Le texte n’a d’ailleurs pas vocation à être appliqué de façon uniforme sur le territoire et devrait au contraire prendre en compte les spécificités régionales. Si de nombreuses critiques sont adressées à la liste définissant les langues pouvant bénéficier d’une protection [16], c’est tout particulièrement la présence du russe qui dérange. Les réserves déjà anciennes à l’égard du texte se sont renforcées après les décisions prises par les assemblées régionales et les conseils municipaux du Sud et de l’Est. Les appels au retrait du russe parmi les langues citées se multiplient, certains réclamant que l’ukrainien puisse bénéficier de la protection de la Charte.
21Une nouvelle traduction de la Charte et un amendement à la loi de ratification avaient été annoncés en juillet 2006, mais ces initiatives sont depuis lors restées lettres mortes.
22La référence à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est révélatrice d’une recherche de légitimité, l’argument devant en principe faire autorité dans les débats internes.
23Cette appropriation par les promoteurs de la langue russe témoigne ainsi de la pénétration en Ukraine du discours juridique européen. Mais cette approche juridique, chaque camp se réclamant d’une application stricte des textes, nationaux ou internationaux, ne doit pas faire oublier que ce débat met plus profondément en jeu la question de la place de la langue russe en Ukraine et de la politique à adopter à son égard.
Quelle place pour la langue russe en Ukraine ?
24Les prises de position sur le statut du russe ont leurs racines dans un autre débat : celui sur la définition de la nation ukrainienne, qui font se confronter des options foncièrement divergentes.
25Pourtant, la mise en œuvre de politiques concrètes s’avère hésitante, voire absente, dans un sens comme dans l’autre.
? Définir la nation ukrainienne : affirmative action versus reconnaissance du bilinguisme
26Les élites nationalistes ukrainiennes, qu’elles soient culturelles, intellectuelles ou politiques, se sont immédiatement opposées aux mesures tendant à accorder au russe le statut de langue régionale, et sont farouchement hostiles à l’idée d’en faire la seconde langue d’Etat.
27Leur argumentation est sous-tendue par une conception essentialiste de la langue et de la nation. La peur du sourjik ? mélange d’ukrainien et de russe ? perçu comme une menace pour la pureté de l’ukrainien, est révélatrice de cette approche [17]. La défense de ce dernier est parfois requise au nom de la diversité culturelle et linguistique, principe qui guide la Convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires [18].
28Plus fondamentalement, sa défense renvoie au postulat du primat de la langue dans la définition de la nation ukrainienne. Dès lors, la possession d’une langue propre, différente de celles d’autres Etats, s’impose comme une condition indispensable à la préservation de la souveraineté et de l’indépendance nationales. Ces mêmes élites rappellent encore, pour l’incriminer, le soutien des autorités soviétiques à la diffusion du russe, vu comme l’instrument d’un projet impérial : sous couvert de promotion du bilinguisme, la généralisation du choix de la langue d’enseignement aurait de fait été un puissant instrument en faveur du basculement vers l’enseignement en russe [19]. Elles considèrent donc qu’une politique volontariste en faveur de l’ukrainien est nécessaire, afin de consolider son statut de langue titulaire et sa pratique, tout particulièrement chez les Ukrainiens russophones. Si la porte de l’intégration leur reste ouverte, les citoyens ukrainiens d’origine russe seraient par essence étrangers à la nation ukrainienne et eu égard à la part de responsabilité morale qui leur est attribuée dans la russification infligée à l’Ukraine, ils seraient bien inspirés, ne serait-ce que par décence, de ne pas faire obstacle à cette politique décolonisatrice et d’affirmative action. Accepter les décisions prises dans certaines régions du Sud et de l’Est de l’Ukraine équivaudrait à entériner la domination de la langue russe et donc à consacrer la division du pays en deux, voire son éventuelle incorporation dans la Russie [20].
29De leur côté, les partisans les plus radicaux de la langue russe contestent qu’une telle russification ait eu lieu à l’époque soviétique et considèrent au contraire que l’ukrainien a alors bénéficié d’un fort soutien, évoquant à cet égard la politique de korenizatsija (enracinement) menée dans les années 1930, qui lui a permis de devenir une langue à part entière et d’Etat. Cette interprétation renvoie à la grille de lecture héritée de la Russie impériale, selon laquelle l’ukrainien ne serait qu’un dialecte du russe, parlé à la campagne, et les Ukrainiens des « Petits-Russes ». Dans le camp des opposants à une politique d’ukrainisation, on compte aussi, mis à part les nationalistes pro-russes, des franges de population dont l’attachement à l’Ukraine ne fait pas de doute, mais qui, ayant une conception libérale de l’appartenance ethnique et de la pratique linguistique, sont contre une politique volontariste de l’Etat en la matière [21]. Et si les plus extrémistes souhaitent la refondation de l’Union soviétique ou un Etat pan-slave [22], leur position est néanmoins marginale parmi les défenseurs de la langue russe. Pour la majorité de ces derniers, il ne s’agit pas de contester l’existence de l’Ukraine en tant qu’Etat souverain, mais de reconnaître politiquement et juridiquement le bilinguisme qui, de fait, y règne; ils s’inscrivent en faux contre l’idée selon laquelle le russe serait une langue étrangère. Rappelant l’ancrage historique des Russes dans le pays et affirmant par ce biais leur légitime appartenance à l’Etat ukrainien, ils plaident en faveur d’une Ukraine fondamentalement bi-nationale, bi-culturelle et bilingue [23]. Décréter le russe langue d’Etat permettrait à leurs yeux de mettre en conformité le statut de cette langue avec son usage dans la société.
? Une politique d’ukrainisation chaotique et aux résultats mitigés
30Réclamée par une frange d’intellectuels, la promotion de l’ukrainien s’avère laborieuse et ses effets, plus ou moins tangibles, ne sont pas à la hauteur des attentes. L’insuffisance des moyens financiers est certes patente, mais ce qui fait surtout défaut, selon Tatiana Belitser, chercheuse au Pylyp Orlyk Institute for Democracy (Kiev), spécialiste des questions d’intégration, c’est une stratégie d’ensemble cohérente de la part de l’Etat [24]. Ioulia Tichenko, membre du Comité d’Etat sur les migrations et les nationalités et chercheuse au Centre indépendant de recherche politique, note néanmoins qu’aujourd’hui « de très bons textes existent sur le papier, mais il manque la volonté politique de les appliquer », pour constater, avec une certaine amertume, qu’au final la chaîne de télévision privée «1+1 » aura fait davantage pour l’ukrainien que tous les programmes publics [25]. La journaliste Ekaterina Botanova rejette cependant l’idée selon laquelle l’Etat serait le seul responsable des défaillances de l’ukrainisation.
31L’association Prosvita, principale bénéficiaire des fonds alloués par le ministère de la Culture en vue d’assurer le développement de la langue, exerce à ses yeux un véritable monopole, de plus inefficace. Relayant les conclusions d’une enquête sur l’utilisation de ces fonds, E. Botanova dénonce leur mauvaise gestion et le manque d’envergure des actions réalisées [26].
32L’interminable débat sur la révision de l’orthographe est également symptomatique des difficultés que rencontrent les élites politiques et intellectuelles pour surmonter leurs divisions et mener à son terme un projet qui permettrait une promotion plus aisée de l’ukrainien [27]. Son usage est malgré tout en progression, en particulier dans l’administration publique et l’enseignement.
33La part des élèves inscrits dans des écoles où les cours sont dispensés en ukrainien est ainsi passée de 49,3 % en 1991-1992 à 70 % en 1998-1999, alors qu’elle est tombée de 50 % à 34 % pour ceux scolarisés en russe. Les différences régionales demeurent néanmoins considérables; le nombre d’écoles en ukrainien demeure faible dans les régions orientales et méridionales, la proportion d’élèves dans les établissements en russe y atteignant encore souvent plus de 80 % [28].
34De plus en plus de produits culturels sont également accessibles en ukrainien.
35Néanmoins, malgré leur augmentation, les émissions diffusées en ukrainien ne représentaient en 2006 qu’un tiers des programmes radiotélévisés [29]. Et s’il est désormais possible de voir des films dans cette langue, les responsables des salles de cinéma éprouvent le besoin d’en prévenir les spectateurs, presque en s’excusant [30]. De fait, une certaine confusion règne. Par exemple, le film américain « Pirates des Caraïbes II », est sorti durant l’été 2006, en version ukrainienne à Kiev et à Lviv, mais russe à Kharkiv. Selon un décret du 16 janvier 2006,20 % des films étrangers diffusés doivent être doublés ou sous-titrés en ukrainien depuis septembre 2006, avec l’objectif, à terme, de 70% pour la totalité des films. Mais là encore, les moyens font défaut pour que le décret soit réellement appliqué : la responsabilité du sous-titrage et du doublage incombe en effet aux distributeurs de films, qui n’ont aucune aide pour assumer ces coûts [31]. De manière générale, la prépondérance de la langue russe persiste dans les médias, hormis dans le secteur public, et plus encore dans le monde des affaires.
36Et si un basculement progressif est observé en faveur de l’ukrainien dans la vie quotidienne, il demeure encore timide. Une enquête réalisée en 1999 indiquait même que depuis 1994, le nombre d’Ukrainiens désignant le russe comme langue ayant leur préférence était en hausse [32]. Des indices laissent penser que cette tendance s’est inversée, mais le russe n’en demeure pas moins toujours très présent et continue, de fait, à être pratiqué par une large partie de la population, la politique d’ukrainisation ne semblant pas avoir d’impact dans les régions orientales. Comme le note Andrew Wilson, l’idée nationaliste, qui véhicule la défense de l’ukrainien, est au fond demeurée depuis l’indépendance une « foi minoritaire » en Ukraine [33].
? La défense de la langue russe : des promesses non tenues
37Si les revendications à l’égard du russe sont récurrentes, elles trouvent peu d’écho, même, ce qui ne manque pas d’étonner, quand leurs auteurs tiennent les rênes du pouvoir politique. La première Constitution de Crimée, adoptée le 6 mai 1992, déclarait l’ukrainien et le tatar langues d’Etat et le russe langue officielle. Dans celle de 1998, mise en conformité avec la Loi fondamentale ukrainienne, le russe conserve le statut de « langue de la population majoritaire ». Le conseil municipal d’Odessa proclame le russe langue officielle en 1993 et dans les régions de Donetsk et de Louhansk, le russe est décrété seconde langue d’Etat en 1994. Des décisions similaires et purement symboliques seront prises par la suite dans les villes de Kharkiv, Mykolaïv, Horlivka et Khartsyzsk.
38Pourtant, en dépit des promesses répétées de faire du russe la seconde langue d’Etat, rien n’a été entrepris en ce sens à l’échelle nationale. En réalité, aucune réorientation notable en matière de politique linguistique n’est intervenue après l’élection à la présidence, en 1994, de Léonid Koutchma, qui avait pourtant fait de l’élévation du statut du russe un des thèmes de sa campagne.
39La reprise de cette question lors des élections de 1999, cette fois par trois candidats, n’aura pas davantage de conséquences. En 2003, le Premier ministre, V. Ianoukovitch, fait même adopter par la Rada un programme de soutien à la langue ukrainienne. Le même s’est engagé ensuite, lors des scrutins présidentiel de 2004 et législatif de 2006, à décréter le russe seconde langue d’Etat. Ces revendications ont également été relayées en 2005 par le Parti communiste et le Bloc Natalia Vitrenko (formation populiste de gauche). Le débat de 2006 autour du statut du russe s’inscrit ainsi dans le prolongement d’une longue série de promesses et déclarations non suivies d’effets. Les décisions prises dans les régions de l’Est et du Sud revêtent d’ailleurs une portée surtout symbolique, ne faisant qu’officialiser la domination du russe jusque dans les institutions.
40La frilosité et l’indécision des défenseurs de la langue russe, lorsqu’ils sont au pouvoir, surprennent encore plus à la lecture des résultats d’une enquête réalisée en 2005 par l’Institut international de sociologie de Kiev : 58 % de la population se disait favorable à l’adoption du russe comme seconde langue d’Etat [34]. Il semble en fait que le projet de construction de la nation ? et, au travers lui, les réponses aux questions de délimitation des frontières, du fédéralisme, de la nécessaire consolidation de l’Etat et en particulier, du rôle de la langue ukrainienne dans la définition de la nation ? bénéficie d’un consensus plus large au sein des élites politiques que ne le laissent supposer les discours, notamment lors des campagnes électorales [35]. Pourquoi dès lors le débat sur le statut du russe demeure-t-il toujours aussi vif ? Faut-il prendre les promesses plus au sérieux aujourd’hui que par le passé ? L’explication paraît plutôt devoir être recherchée du côté des enjeux de pouvoir qui s’articulent autour du débat.
Pour ou contre la langue russe ? Des enjeux de pouvoir
41La concomitance des revendications concernant le russe et des échéances électorales montre bien à quel point la question de son statut est instrumentalisée dans la confrontation politique.
42Ces revendications ne sont d’ailleurs pas tant portées par des organisations culturelles que par des grands partis, qui en font un élément de leur campagne.
? Un enjeu électoral
43Les prises de position en faveur du statut de langue d’Etat pour le russe et les décisions des régions du Sud et de l’Est doivent être lues dans un contexte préélectoral. Toutefois, les revendications ont pourtant continué au-delà du 26 mars 2006 ? date des élections législatives ? en raison de l’incertitude politique, les partis se montrant incapables de se mettre d’accord pour former une coalition gouvernementale. D’une part, le Parti des régions (PR) entend apporter des gages à son électorat russophone, attaché à la réalisation de cette promesse, et donc s’assurer son soutien dans l’éventualité de nouvelles élections.
44D’autre part, cette revendication représente un argument dans les tractations sur la formation d’un gouvernement.
45Le point culminant est atteint avec le dépôt par le PR du projet de loi du 10 juillet, soit peu après la formation, contre toute attente, de la coalition anti-crise PR, PS, PC, mais avant la nomination de V. Ianoukovitch pour former un gouvernement. Alors que la perspective d’un gouvernement conduit par le PR se précise, ses dirigeants adoptent soudainement une position plus conciliante. La mise en regard des déclarations sur la langue russe et des négociations en vue de la signature d’un document appelé « Universal » ? plateforme devant permettre un accord sur la formation d’une coalition PR-PC-PS-Notre Ukraine, appelée ainsi en souvenir des ordonnances prises au 18e siècle par les chefs cosaques ? est à cet égard particulièrement instructive.
46Inspiré par Notre Ukraine (NU, parti du président Iouchtchenko), ce document prend, entre autres, la défense de la langue ukrainienne. Dans le même temps, un membre du PR va jusqu’à affirmer dans une interview accordée au journal Den, que cette dernière doit demeurer la seule langue d’Etat, condition sine qua non pour qu’elle conserve sa pureté : la liberté de chacun de s’exprimer dans la langue de son choix, que ce soit le russe ou toute autre langue de minorités nationales, doit être garantie, sinon les Russophones, contraints de parler ukrainien, s’exprimeront en sourjik (!) [36]. L’inflexion de la position du PR est aussitôt condamnée par les membres les plus radicaux des associations russes. Ainsi, Guennadi Makarov y voit une tentative pour obtenir les faveurs des députés de Notre Ukraine et du Bloc Ioulia Timochenko (BIouT), voire une trahison et dénonce ces « responsables politiques russophones qui agissent comme des nationalistes ukrainiens, par peur de perdre leur place » [37]. De fait, l’Universal définit la « langue ukrainienne comme langue de l’Etat et des activités officielles dans toutes les sphères de la vie sociale sur l’ensemble du territoire de l’Ukraine et comme fondement de la définition de la nation et de l’Etat ». Parallèlement, le texte garantit « à chaque citoyen, dans la vie quotidienne, le libre usage du russe ou d’autres langues de minorités nationales, conformément à la Constitution et à la Charte européenne des langues régionales et de minorités » [38]. La plateforme, adoptée le 3 août par la Rada, n’apporte donc aucune modification notable par rapport à la situation antérieure.
47L’instrumentalisation à des fins électorales de la question linguistique, au risque de la polarisation, n’est pas le seul fait des défenseurs de la langue russe et les premiers à y recourir furent ceux de l’ukrainien, lors de l’adoption de la loi sur les langues d’octobre 1989 [39]. Militer pour la cause de l’ukrainien est aujourd’hui un gage de patriotisme. C’est dans cette perspective que doit se comprendre l’annonce en septembre 2006 par le groupe parlementaire du BIouT d’un projet visant à introduire dans le règlement de la Rada l’interdiction de s’exprimer dans une autre langue que l’ukrainien. Il faisait suite au scandale suscité début juillet par le futur vice-Premier-ministre et ministre des Finances, Mikola Azarov, utilisant le russe à la tribune de la Rada. L’engagement récent de Ioulia Timochenko et de ses proches dans la défense active de l’ukrainien peut être interprété comme une stratégie visant à discréditer les députés du PR dans leur fonction de représentants du peuple ukrainien et à rallier les élus de NU hostiles à toute collaboration avec le PR. Le parcours du leader de ce mouvement est d’ailleurs emblématique : issue du « clan » des industriels de Dnipropetrovsk, Ioulia Timochenko n’a appris l’ukrainien que depuis peu, suite à son entrée en politique. Reprocher à son adversaire une mauvaise connaissance de la langue, ukrainienne ou russe, est ainsi devenu un moyen de le disqualifier politiquement.
48Le débat sur le statut du russe ne peut se résumer à un affrontement qui opposerait deux ensembles partisans occupant des positions idéologiques figées.
49L’engagement du Parti des régions en faveur du russe et de Notre Ukraine en faveur de l’ukrainien ne s’explique pas uniquement par les définitions différentes qu’ils donnent de la nation. Lors de la campagne électorale de 2006 à Kharkiv, la promesse d’élever le statut du russe a émané aussi bien du futur vainqueur, le Parti des régions, que de l’ancienne équipe en place, dirigée par Notre Ukraine [40]. Le soutien apporté à une langue ne renvoie donc pas tant au positionnement idéologique qu’à la mobilisation d’une question dans des situations électorales différenciées, où les spécificités régionales sont primordiales.
? Vers un apaisement des tensions ?
50Pourquoi dès lors les revendications concernant la langue russe ont-elles perduré, non seulement après les élections législatives, mais aussi après la nomination d’un nouveau gouvernement, intervenue le lendemain de la signature d’Universal, début août 2006 ? Sans doute parce qu’une grande coalition formée par le Parti des régions, le Parti socialiste, le Parti communiste et Notre Ukraine était encore possible, ce que pouvait laisser espérer la présence de ministres de NU dans le gouvernement, exigée par le président Iouchtchenko. Le débat sur la langue russe continue donc à alimenter les négociations entre partis, le PR maintenant la pression tout en se déclarant prêt à des concessions. D’un côté, le projet de programme d’action gouvernementale présenté le 30 août prévoit à nouveau l’adoption du russe comme seconde langue d’Etat, tandis que de l’autre, Mikola Azarov, vice-Premier ministre, précise que le PR recherche un compromis sur cette question avec ses partenaires de coalition et le président Iouchtchenko. Le 7 septembre, le dirigeant du PS et président de la Rada, Oleksandr Moroz, déclare que la langue russe n’est en aucune manière menacée [41]. L’élévation de son statut est ainsi brandie à l’occasion comme un épouvantail par le PR, pour faire pression sur NU, faute de quoi il promet de tout faire pour que le russe devienne langue d’Etat. Mais finalement, les tensions de tous ordres s’exacerbant, le 17 octobre, Notre Ukraine, qui connait par ailleurs de fortes dissensions internes, décide de passer dans l’opposition.
51Le statut du russe est aussi un élément des relations avec Moscou. Dans un entretien accordé fin septembre 2006 au quotidien moscovite Izvestia, le Premier ministre, Viktor Ianoukovitch, envoie un message clair, en réitérant son intention de proposer prochainement une nouvelle loi sur les langues et rappelle les modalités juridiques selon lesquelles le russe est susceptible de devenir seconde langue d’Etat [42]. Il s’agit en réalité de fournir à Moscou des gages, alors que se déroulent des négociations sur la question toujours sensible du prix du gaz [43]. De fait, la Russie s’intéresse de très près à la question linguistique, y voyant un vecteur d’influence sur les affaires intérieures de son voisin. Le gouvernement russe s’était félicité, dès le mois de mars des décisions prises par les régions de l’Est et du Sud pour donner au russe le statut de langue d’Etat. Le 27 septembre 2006, un communiqué du ministère des Affaires étrangères s’élève contre les discriminations dont souffrirait le russe en Ukraine et l’« inquisition linguistique » à l’œuvre dans les régions occidentales [44], propos vivement démentis par Kiev, qui dénonce une ingérence de Moscou dans ses affaires intérieures.
52De nouveau, l’usage du russe apparait donc comme une menace pour l’intégrité de l’Etat, ce qui contribue à relancer le débat interne.
53L’instrumentalisation des revendications au sujet de la langue russe ne fait illusion pour personne. Al’occasion d’un déplacement en Crimée, le Premier ministre, Viktor Ianoukovitch, a lui-même relevé que la question linguistique se cristallisait toujours en période électorale [45]. Pour autant, elle porte en elle le débat sur la définition de l’Etat et de la nation ukrainiens. Sa manipulation répétée fait pourtant courir le risque d’accentuer la défiance à l’égard du politique et surtout de créer une bipolarisation dans le pays [46]. Il ne s’agit néanmoins pas de dire que le débat sur le statut de la langue russe a été artificiellement créé par des candidats au pouvoir, mais plutôt de montrer que son analyse gagne à être mise en regard avec le politique, ce qui permet d’expliquer la chronologie et la forme du débat et de mettre en lumière les différents positionnements.
Notes
-
[1]
L'auteur remercie Alexandra Goujon et Denis Dafflon pour leurs commentaires.
-
[2]
Sur la situation politique et économique de l’Ukraine en 2006, voir A. Dubien, G. Duchêne, « Ukraine. De bons scores économiques en dépit d’une cohabitation à couteaux tirés » in La Russie et les autres pays de la CEI en 2006, Le courrier des pays de l’Est, n° 1059, janvier-février 2007, pp. 30-49.
-
[3]
A. Wilson, Ukrainian Nationalism in the 1990’s : A Minority Faith, Cambridge University Press, 1997, p. 22. Ces chiffres sont à manipuler avec une certaine précaution, dans la mesure où ils datent d’il y a dix ans.
-
[4]
Voir le texte de la loi en français, ainsi que de nombreuses informations et commentaires, sur le site de l’Université Laval, au Québec, in Ukraine. Politique relative à la langue ukrainienne http :// wwww. tlfq. ulaval. ca/ axl/ europe/ ukraine.
-
[5]
J. Besters-Dilger, « Le facteur linguistique dans le processus de construction nationale en Ukraine », in G. Lepesant, L’Ukraine dans la nouvelle Europe, CNRS Editions, Paris, 2005, pp. 53-54. Pour une présentation exhaustive des dispositions juridiques relatives aux langues, lire J. Besters-Dilger et S. D. Li, « Die Minderheiten im Aufbruch » (« Les minorités en renouveau »), in J. Besters-Dilger, Die Ukraine in Europa : Aktuelle Lage, Hintergründe und Perspektiven (L’Ukraine en Europe : situation actuelle, contexte et perspectives), Vienne, Böhlau, 2003, pp. 278-286.
-
[6]
hhttp :// wwww. korrespondent. net/
-
[7]
Les deux formulations langue d’Etat et langue officielle peuvent, selon les contextes nationaux, parfois signifier strictement la même chose, ou au contraire être utilisées pour tenir compte d’une réalité politico-linguistique complexe, comme si en quelque sorte, l’une était plus officielle que l’autre. Si la langue d’Etat s’impose sur tout le territoire à l’ensemble des citoyens, la langue déclarée officielle peut ne concerner qu’une partie du territoire ou certains secteurs d’activité bien définis. (Ndlr)
-
[8]
http :// wwww. korrespondent. net/ main/ print/ 158340
-
[9]
V. Govgalenko, « Iazyk v postvybornom saouse. Kakovy perspektivy rechenija odnoï iz vajneïchnikh problem » (« La langue à la sauce post-électorale. Quelles perspectives de résolution de l’un des problèmes les plus importants »), Zerkalo nedeli, n° 21,03-09 juin 2006, hhttp :// wwww. zerkalo-nedeli. com/ nn/ show/ 600/ 53535/ . Cette interprétation est confirmée par I. Oswald, « Der ukrainisch-russische Sprachkontakt » (« Le contact linguistique ukraino-russe »), in J. Besters-Dilger, Die Ukraine in Europa, op. cit., p. 329.
-
[10]
http :// wwww. pravda. com. ua/ ru/ news/ 2006/ 8/ 30/ 45444. htm
-
[11]
Rapporté dans http :// wwww. korrespondent. net/ main/ print/ 155865
-
[12]
Les autres langues sont le biélorusse, le bulgare, le galicien, le grec, l’hébreu, le tatar, le moldave, l’allemand, le polonais, le roumain, le slovaque et le hongrois.
-
[13]
Des populations d’origine roumaine et moldave résident sur ce territoire, sous autorité roumaine de 1918 à 1940, puis à nouveau de 1941 à 1944. C’est de fait la seule région occidentale dans laquelle le PR a obtenu un score non négligeable.
-
[14]
Entretien à Kharkiv le 26 juillet 2006. Son argumentation est d’ailleurs discutable sur un plan juridique dans la mesure où, comme l’illustre le cas de l’italien et du romanche en Suisse, rien ne s’oppose à l’application de la Charte au bénéfice d’une langue d’Etat. Cf. V. Kravtchenko et O. Prohodko, « Hasan Bermek : Khartija ne oumaljiaet znatchenia gosoudarstvennovo iazyka » (« Hasan Bermek : la Charte n’amoindrit pas la signification de la langue d’Etat »), Zerkalo nedeli, n° 28,22-29 juillet, hhttp :// wwww. zerkalo-nedeli. com/ ie/ show/ 607/54048/.
-
[15]
Cf. V. Vasilenko, « Kakie iazyki v Oukraine noujdaioutsja v osoboï zachtchite ? Kollizia mejdou natsionalnym zakonom i mejdounarodnymi objazatelstvami gosoudarstva » (« Quelles langues ont besoin d’une protection particulière en Ukraine ? Collision entre lois nationales et obligations internationales de l’Etat »), Zerkalo nedeli, n° 10,18-24 mars 2006, hhttp :// wwww. zerkalonedeli. com/ ie/ show/ 589/ 52910/ . Pour l’expression de différents points de vue relatifs à la Charte et à son application, lire également l’article « Chto doljna garantirovat Khartia regionalnykh iazykov i iazykov menchinstv ?» (« Que doit garantir la Charte des langues régionales et des langues des minorités ?»), Analitik, 12 mars 2003, hhttp :// wwww. analitik. org. ua/ theme/ 3e6f8066/.
-
[16]
V. Kravtchenko et O. Prohodko, op. cit.
-
[17]
Lire par exemple O. Krivdik, « Tak istoritcheski slojilos ?» (« Est-ce qu’historiquement cela s’est passé comme ça ?»), Oukraïnskaïa Pravda, 03 mars 2006, hhttp :// wwww. pravda. com. ua/ ru/news/2006/3/3/38372.htm. Pour une analyse linguistique et politique du phénomène du sourjik, lire L. Bilaniuk, Contested Tongues. Language Politics and Cultural Correction in Ukraine, Cornell University, Ithaca and London, 2005 (particulièrement les chapitres 4 et 5).
-
[18]
Cf. V. Govgalenko, op. cit.
-
[19]
Pour une présentation synthétique de la politique impériale russe, puis soviétique à l’égard de la langue ukrainienne, lire L. Bilianuk, op. cit, chapitre 3.
-
[20]
Lire notamment O. Krivdik, « Vynoujdeny meniatsia : tri pouti oukraïnskikh Rossiïan » (« Contraints de changer : trois voies pour les Russes ukrainiens »), Oukraïnskaïa Pravda, 8 juin 2006, hhttp :// wwww. pravda. com. ua/ ru/ news/ 2006/ 6/ 8/ 41584. htmet S. Stefanov, « Iazykovaia anarkhia » (« Anarchie linguistique »), Den, n° 165,20 septembre 2006, http ://day.kiev.ua/169622/. Pour une position plus modérée et argumentée, lire B. Parahonskij, « Razdvoennyi iazyk » (« Langue fourchue »), Zerkalo nedeli, n° 19 (598), 20-26 juin 2006, http :// wwww. zerkalonedeli. com/ ie/ show/ 598/ 53406/ .
-
[21]
Cette conception rigide de l’appartenance ethnique, selon laquelle chaque individu est identifié à une origine ethnique fixe et est tenu de parler la langue attachée à cette origine, est l’un des héritages de la politique soviétique des nationalités.
-
[22]
Guennadi Makarov défend ainsi l’idée d’une unification de l’Ukraine, de la Russie et de la Biélorussie. Entretien à Kharkiv le 26 juillet 2006. C’est également le cas d’autres mouvements marginaux tels l’Union eurasiatique ou le parti Fraternité.
-
[23]
Lire par exemple D. Grotov, « Svoboda iazyka. Precedent v Kharkove » (« Liberté de langue. Précédent à Kharkov »), Korrespondent, 17 mars 2006 hhttp :// wwww. korrespondent. net/ main/ 148313.
-
[24]
Entretien à Kiev le 20 juillet 2006.
-
[25]
Entretien à Kiev le 29 juillet 2006.
-
[26]
E. Botanova, « Monopolia na iazyk » (« Monopole sur la langue »), Zerkalo nedeli, n° 25, 01-07 juillet 2006, hhttp :// wwww. zerkalo-nedeli. com/ nn/ show/ 604/ 53819/ . Lire également N. Partatch, « Obchtchestvo “Prosvita” : o “zagovorakh” i “zakazakh”» (« L’association “Prosvita” : à propos de “complots” et de “commandes”»), Zerkalo nedeli, n°33 (612), 02-09 septembre 2006, http :// wwww. zerkalo-nedeli. com/ ie/ show/ 612/ 54343/ .
-
[27]
N. Partatch, « V ojidanii pravopisania » (« Dans l’attente de l’orthographe »), Zerkalo nedeli, n° 9 (588), 18-24 mars 2006, http :// wwww. zerkalo-nedeli. com/ nn/ show/ 588/ 52805/ .
-
[28]
Chiffres du ministère des Statistiques ukrainien, cités dans la « Lettre du Haut Commissaire aux minorités nationales de l’OSCE, Max van der Stoel, au ministre des Affaires étrangères d’Ukraine, Anatoly M. Zkenko », 12 janvier 2001. Sur la dimension régionale, lire plus spécialement J. Besters-Dilger, « Les différenciations régionales de l’espace linguistique en Ukraine », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 2002, vol. 33, n° 1, pp. 49-96.
-
[29]
Information rapportée dans hhttp :// wwww. korrespondent. net/ main/ 166058. Lire aussi J. Besters-Dilger, « Le facteur linguistique dans le processus de construction nationale en Ukraine », op. cit., pp. 61-69.
-
[30]
S. Velbovets, « Ostorojno : oukraïnski iazyk !» (« Attention : langue ukrainienne !»), Oukraïnskaïa Pravda, 21 juin 2006, http :// wwww. pravda. com. ua/ ru/ news/ 2006/ 6/ 21/ 42203. htm.
-
[31]
« Film distributors weary of Ukrainian language requirement », 5 Kanal, 26 janvier 2006, http ://5tv.com.ua/eng/newsline/182/1340/20199/.
-
[32]
R. Solchanyk, « Russians in Ukraine : Problems and Prospects », in « Cultures and Nations of Central and Eastern Europe », Harvard University Press, 2000, p. 545. Rapporté dans la « Lettre du Haut Commissaire aux minorités nationales de l’OSCE », op. cit.
-
[33]
A. Wilson, op. cit.
-
[34]
36,9 % s’y déclarent à l’inverse opposés.
-
[35]
T. Kuzio, « The Nation Building Project in Ukraine and Identity : Towards a Consensus » in T. Kuzio, P. D’anieri (Eds.), Dilemmas of State-led Nation Building in Ukraine, Praeger, Westport, CT, 2002, pp. 9-27.
-
[36]
« Evgueni Koucharev : polititcheskaïa elita doljna perestoupit tcherez svoï obidy » (« Evguenij Koucharev : l’élite politique doit dépasser les offenses »), Den, n° 120,22 juillet 2006, http ://day.kiev.ua/165890/.
-
[37]
Entretien à Kharkiv le 26 juillet 2006.
-
[38]
L’intégral du texte de Universal, ainsi que les propositions initiales de Notre Ukraine et du Parti des régions sur la question de la langue et de l’adhésion à l’Otan sont disponibles sous : http :// wwww. pravda. com. ua/ ru/ news/ 2006/ 8/ 3/ 44394. htm.
-
[39]
V. Oukolov, « Rousski iazyk i oukraïnskaïa elektoralnaia mifologia » (« Langue russe et mythologie électorale ukrainienne »), Oukraïnskaïa Pravda, 26 mai 2006, hhttp :// wwww. pravda. com.ua/ru/2006/5/26/41085.htm.
-
[40]
Rapporté dans B. Tchervak, « Iazykovoï terrorizm » (« Terrorisme linguistique »), Oukraïnskaïa Pravda, 1er mars 2006, hhttp :// wwww. pravda. com. ua/ ru/ news_print/ 2006/ 3/ 1/ 38274.htm.
-
[41]
http :// www. korrespondent. net/
-
[42]
http :// www. izvestia. ru/ politic/ article3096878/ index. html.
-
[43]
L’augmentation du prix du gaz livré par la Russie à l’Ukraine avait suscité une crise entre les deux pays au cours de l’hiver 2005-2006. Un accord garantissant un approvisionnement à un prix inférieur à 130 dollars les 1 000 mètres cubes en 2007 a été conclu entre les deux parties le 24 octobre 2006.
-
[44]
wwwww. mid. ru/ brp_4. nsf/ sps/ 24229F9A0457C4BCC32571380058FD6Fet hhttp :// wwww. mid. ru/ brp_4. nsf/ 106e7bfcd73035f043256999005bcbbb/ 04229e7bb01f013fc32571f6003f6dc0 ? OpenDocument.
-
[45]
http :// wwww. korrespondent. net/ main/ 162269
-
[46]
Sur le clivage régional, lire D. Arel, « La face cachée de la Révolution orange : l’Ukraine en négation face à son problème régional », Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 37, n° 4,2006, pp. 11-48.