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Article de revue

Etats baltes −− Russie

1er mai 2004 −− 9 mai 2005 : un authentique dialogue de sourds

Pages 15 à 29

Notes

  • (1)
    Les autres aspects des relations balto-russes ne seront pas étudiés ici.
  • (2)
    Nezavissimaïa Gazeta, 2 février 2005.
  • (3)
    Sur les relations balto-russes de 1990 à 2000, voir Anaïs Marin, « Dix ans de relations russo-baltes. Entre ingérence et recherche de stabilité régionale », Le courrier des pays de l’Est, n° 1003, mars 2000, pp. 4-16.
  • (4)
    Carl Bildt, « The Baltic Litmus Test : Revealing Russia’s True Colors », Foreign Affairs, septembre-octobre 1994.
  • (5)
    La question de Kaliningrad ne sera pas traitée en tant que telle dans cet article. Sur ce sujet, se reporter à l’article de Raimundas Lopata dans ce même numéro et à Frank Tetart, « Kaliningad : changer d’image », Questions internationales, n° 11, janvier-février 2005, pp. 86-92.
  • (6)
    Latvijas Avize, 31 août 2004.
  • (7)
    Øyvind Jaeger, « Securitizing Russia : Discursive Practices of the Baltic States », Peace and Conflict Studies, vol. 7, n° 2, novembre 2000.
  • (8)
    Aivars Ozolins, Diena, 4 octobre 2004.
  • (9)
    Un mois auparavant, une lettre signée par 115 personnalités américaines et européennes avait été envoyée aux chefs d’Etat des pays membres de l’Otan et de l’UE, les appelant à réévaluer leur attitude à l’égard de Moscou dans le sens d’une plus grande fermeté. L’initiative de cette adresse revenait à deux sénateurs américains (le Républicain J. Mc Cain et le Démocrate J. Biden), ainsi qu’à l’ancien Premier ministre suédois C. Bildt et à l’ancien Président tchèque, V. Havel ; elle a été signée notamment par les députés estonien, letton et lituanien au Parlement européen, T. H. Ilves, G. V. Kristovskis et V. Landsbergis.
  • (10)
    Susanne Nies, Les polices du ciel dans les Etats baltes, Note de consultance, Délégation aux affaires stratégiques, ministère de la Défense, septembre 2004,23 p.
  • (11)
    S. Nies, op. cit., p. 15.
  • (12)
    Les forces armées allemandes capitulèrent sans condition sur le front de l’Ouest le 7 mai, et sur celui de l’Est le 9 mai 1945. Les Alliés occidentaux proclamèrent le 8 mai 1945 jour de la Victoire en Europe.
  • (13)
    Plus précise, V. Vike-Freiberga a déclaré que, pour elle, la Seconde Guerre mondiale en Lettonie s’était achevée le 4 mai 1990, date à laquelle le Parlement de la République soviétique socialiste de Lettonie a voté une déclaration d’indépendance vis-à-vis de l’URSS ; puis, elle a ajouté que c’était finalement le 1er mai 2004 qui avait marqué véritablement la fin de la guerre dans son pays.
  • (14)
    Declaration by H. E. Dr. Vaira Vike-Freiberga, President of the Republic of Latvia regarding May 9,2005, Riga, 12 janvier 2005, wwwww. president. lv(date de consultation : 20 janvier 2005).
  • (15)
    Signé le 23 août 1939, le Pacte germano-soviétique, dit Pacte Molotov-Ribbentrop, complété par un protocole secret, a orchestré les invasions des trois Etats baltes.
  • (16)
    A cet égard, le Président lituanien a tenu à rappeler qu’en 1995, les trois pays avaient unanimement décliné l’invitation de Moscou pour les 50 ans de la victoire. Le 4 février 2005, V. Vike-Freiberga a déclaré à la radio lettone que, l’indépendance des trois pays étant assurée, il n’y a plus besoin de mettre en avant une prétendue unité balte.
  • (17)
    Malgré l’appel lancé le 3 mars par la Confédération lituanienne des industriels, selon lequel l’absence du Président entraînerait des sanctions économiques de la part de Moscou.
  • (18)
    Diena, 21 janvier 2005.
  • (19)
    Interview de V. Kalioujny, Diena, 17 janvier 2005.
  • (20)
    On ne s’étonnera pas, dès lors, de certains dérapages : V. Vike-Freiberga a ainsi déclaré lors d’une interview à Radio lettone-1, le 2 février 2005 : « Le 9 mai, les Russes vont mettre un poisson sur du papier journal, boire de la vodka, reprendre des refrains humoristiques et se souvenir de leur héroïque conquête de l’espace balte ». Le service de presse du MAE russe a regretté que de tels propos aient été tenus par un chef d’Etat.
  • (21)
    Declaration by H. E. Dr. Vaira Vike-Freiberga, Président of the Republic of Latvia regarding May 9,2005, Riga, 12 janvier 2005, wwwww. president. lv(date de consultation : 20 janvier 2005).
  • (22)
    Interview au quotidien Postimees, 6 janvier 2005.
  • (23)
    A partir de juin 1940, les troupes soviétiques occupent les Etats baltes. Les trois républiques sont incorporées à l’URSS en août 1940, après un simulacre de vote. Dès cette « annexion », les arrestations et la déportation des « éléments bourgeois » commencent. Le 22 juin 1941, les troupes allemandes lancent l’opération Barberousse, et occupent quelques jours après les trois républiques baltes.
  • (24)
    Commentaire du département de presse du MAE russe paru le 27 décembre 2004, wwww. ln. mid. ru.
  • (25)
    La Lettonie signa avec la Russie bolchevique le traité de Riga (11 août 1920) et avec l’URSS un traité de non-agression en février 1932, la Lituanie un traité de paix avec la Russie bolchevique le 12 juillet 1920 et un traité de non-agression avec l’URSS en 1934. Sur cette période, voir Suzanne Champonnois, François de Labriolle, Estoniens, Lettons, Lituaniens. Histoire et Destins, Ed. Armeline, Crozon, 2004,330 p.
  • (26)
    Nezavissimaïa gazeta, 18 août 2004.
  • (27)
    La Présidente a en outre symboliquement remis, le 14 octobre 2004, aux Archives nationales lettones, des documents qu’on lui a remis au Kazakhstan concernant des résidents lettons ayant été déportés dans cette république sous Staline.
  • (28)
    Aman Touleev, « Skolko echtchio boudet dlitsia moltchanie iagnenka ?», Nezavissimaïa Gazeta, 31 août 2004.
  • (29)
    Ouverte le 3 juillet 1973, une Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) a réuni 33 pays d’Europe, dont l’URSS, ainsi que le Canada et les Etats-Unis, aboutissant à la signature, le 1er août 1975, des Accords d’Helsinki qui, notamment, reconnaissaient les frontières issues de la Seconde Guerre mondiale.
  • (30)
    Dienas Bizness, 5 octobre 2004.
  • (31)
    Anaïs Marin, op. cit., p. 6.
  • (32)
    Toutefois, le 26 janvier 2005, environ 150 manifestants, représentants de la minorité ethnique setu, qui comprend au total 6 000 personnes dont une partie vit dans le sud-est de l’Estonie et une autre dans la région russe de Pskov, ont demandé au gouvernement estonien de ne pas signer le traité de délimitation des frontières avec la Russie. Ils souhaitent que ce texte prenne pour base celui de Tartu, considéré aujourd’hui par Moscou comme nul et non avenu. D’autres revendications existent, concernant la région de Ingerimaa, proche de Narva et qui relève actuellement de la région russe de Leningrad. En Lettonie, le Parlement et le MAE souhaiteraient se référer au traité de Riga parce que cela leur permettrait de résoudre les questions de citoyenneté : aux termes du traité, les personnes qui vivaient sur le territoire letton au moment de sa ratification, de même que les réfugiés installés alors en Russie et qui (ou dont les parents) étaient enregistrés au 1er août 1914 dans le territoire qui formait alors la Lettonie, étaient reconnus comme citoyens lettons.
  • (33)
    wwwww. ln. mid. ru/ ns-reuro. nsf/ ,date de consultation : 2 février 2005.
  • (34)
    Radio Maïak, 13 octobre 2004.
  • (35)
    Service de presse de la présidence russe, RIA Novosti, 1er janvier 2005. Originaire de Lettonie, V. Kononov a été reconnu coupable de crimes de guerre par la justice lettone pour avoir, en 1944, dirigé une opération réalisée par des partisans dans un village letton, au cours de laquelle neuf policiers lettons auxiliaires des nazis ont été tués.
  • (36)
    Sur cette question, voir notamment Céline Bayou, « Mémoire de la Seconde Guerre mondiale : l’Estonie panse ses plaies », Regard sur l’Est, 3 septembre 2004, wwwww. regard-est. com/ 37-Securite-europeenne/ Memoire-Estonie. htm
  • (37)
    Sur cette question, voir notamment Céline Bayou, « Décommunisation en Europe centrale et orientale : la Lituanie mise à l’index », Regard sur l’Est, septembre 2004, wwww. regard-est. com/ Revue/ Numero37/ Lituanie. htm

1Traditionnellement empreintes de fortes considérations géopolitiques, les relations entre les Etats baltes et la Russie ont pris un caractère franchement passionnel depuis l’adhésion de l’Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie à l’Otan et à l’Union européenne (UE), et à mesure que s’approchent les commémorations organisées par Moscou à l’occasion du soixantième anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie.

2La formulation de plus en plus ouverte de griefs aussi sérieux que nombreux a contribué à la détérioration des rapports, comme si ces échéances récentes et proches étaient en réalité d’une telle importance qu’elles autorisaient l’escalade verbale et le durcissement des positions.

3Cette montée perceptible de la tension révèle la véritable nature des relations balto-russes : si les interdépendances économiques entre les deux parties ne sont pas négligeables, elles ne semblent être aujourd’hui qu’un levier pour atteindre des buts de plus en plus politiques et qui mettent en jeu des positionnements fondamentaux, révélateurs de postures absolument inconciliables : que ce soit sur la question des alliances ou sur la lecture de l’histoire [1], Etats baltes et Russie ne cessent de se quereller et de s’écorcher, reconnaissant eux-mêmes qu’ils s’enfoncent dans un dialogue de sourds dont ils se rendent mutuellement responsables.

4Le politologue lituanien Raimundas Lopata [2] a noté que le réalisme en matière de relations bilatérales se situe quelque part entre géopolitique et romantisme purs. Les liens balto-russes aujourd’hui semblent osciller entre ces deux extrêmes, s’éloignant de plus en plus de la médiane !

5Depuis la fin de l’URSS et la restauration des indépendances, ces relations ont traversé diverses phases [3] : d’abord tendues entre 1991 et 1994 (qui marque la fin du retrait des troupes russo-soviétiques des Etats baltes), elles ont été quelque peu dominées à partir de 1995 par les jeux d’alliances, faisant alors intervenir des tiers, organisations internationales ou pays étrangers. La détente du dialogue à laquelle on croyait assister a été fragilisée à partir de 1997 par la dégradation du contexte interne russe. Puis Moscou, forcé d’accepter le premier élargissement de l’Otan et l’idée de celui à venir de l’UE, s’est arc-bouté sur son refus de voir les Baltes rejoindre un jour l’Alliance atlantique. Ne perdant d’abord pas espoir qu’ils évoluent vers une certaine neutralité, à défaut de leur faire accepter ses offres de garantie de sécurité, la Russie, à mesure qu’elle a compris que l’adhésion des Baltes à l’UE se rapprochait, et que celle à l’Otan serait inéluctable, a véritablement entrepris de mettre en œuvre une politique visant à instrumentaliser l’économie pour servir des buts politiques.

Changement d’orbite pour les Baltes

6Dès 1994, au moment où l’attention était plutôt focalisée sur les Balkans, le Premier ministre suédois d’alors, Carl Bildt [4], déclarait que les relations balto-russes lui apparaissaient comme un test essentiel des rapports entre la Russie et l’Ouest, puisque c’est par cette région nordique et baltique que la Russie jouxtait l’Europe de l’Ouest.

7Cette appréciation ne s’est pas démentie depuis : en particulier, on peut se demander s’il faut voir les Etats baltes comme un pont entre la Russie et l’Europe, comme des baromètres révélant les progrès de la Russie vers l’établissement de rapports plus détendus avec l’Ouest, comme le cheval de Troie de cette dernière en Europe, ou bien comme une épine supplémentaire dans les relations russo-européennes...

8Si l’énorme différence de taille des protagonistes laisse a priori penser que les relations balto-russes n’ont d’implications que pour les premiers, on constate pourtant, et pour les raisons évoquées ci-dessus, qu’elles sont d’une importance capitale également pour la Russie.

? Les Etats baltes, européens

9Avant l’adhésion de l’Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie à l’UE, le 1er mai 2004, les dirigeants des trois pays avaient répété à l’envi que leurs relations avec la Russie seraient simplifiées par cette intégration, dans la mesure où elles seraient administrées par Bruxelles et placées dans le cadre, déjà existant, du partenariat russo-européen. Moscou, de son côté, espérait que l’adhésion des Baltes à l’UE (et à l’Otan), en leur apportant les garanties de sécurité tant recherchées, ferait disparaître dans ces pays certaines phobies historiques à son égard.

10Force est de constater que la fin de la peur n’a pas vraiment apaisé les rancœurs, et que de nouveaux problèmes sont même apparus ; par exemple, le dialogue concernant la simplification des procédures de visas se serait largement complexifié, tandis que les échanges économiques bilatéraux, relevant désormais du cadre extérieur européen, sont indéniablement devenus plus coûteux pour les entreprises russes implantées sur les marchés baltes.

11Il est révélateur d’ailleurs que la Russie et l’UE n’aient trouvé un arrangement concernant l’extension aux dix nouveaux membres de l’Union de l’Accord de partenariat et de coopération (APC) qui les lie, qu’à la veille de l’élargissement, le 27 avril 2004. La Russie se focalisait alors sur trois points : la perte d’avantages commerciaux avec ses voisins les plus proches, la question du transit de marchandises avec Kaliningrad et les objections qu’elle émettait concernant le traitement réservé à la population russophone d’Estonie et de Lettonie. Ayant obtenu des garanties sur les questions commerciales et sur l’enclave russe, Moscou a « omis » la discussion sur les russophones, preuve s’il en faut de la politisation du sujet.

12Les premiers résultats des négociations sur Kaliningrad [5], placées depuis quelques années déjà dans un cadre européen, sont sans doute le point le plus positif des relations balto-russes et, en particulier, lituano-russes. La question du transit de marchandises entre la « grande Russie » et l’enclave a été en partie résolue par l’accord du 27 avril 2004, qui exempte de droits de douane et de transit les marchandises russes à destination ou provenant de Kaliningrad, ce qui a priori devait rendre ces échanges plus simples et meilleur marché pour la Russie qu’avant l’élargissement de l’UE (dans les faits, les Russes se plaignent de leur renchérissement, notamment du fait de l’accroissement des coûts d’assurance).

13Les nouvelles règles instaurées le 1er janvier 2005, à la demande de l’UE, concernant le transit des personnes semblent satisfaire les parties en présence (les Russes doivent désormais présenter aux douaniers lituaniens un passeport international et des documents de transit simplifié, ce qui n’aurait pas entraîné de problèmes particuliers).

14Le cas de l’enclave russe est révélateur d’un mouvement plus général : les parties en présence ont en effet imperceptiblement fait glisser leurs relations bilatérales vers des échanges « internationalisés » : on ne compte plus les cas pour lesquels les gouvernements baltes et russe préfèrent saisir un tiers, en particulier une instance européenne, comme si leurs désaccords étaient tels qu’ils avaient forcément besoin d’un arbitre.

15Mais cette « européanisation » des questions balto-russes n’est pas, loin s’en faut, une garantie de réussite. Le ministre letton des Affaires étrangères, Artis Pabriks, l’a d’ailleurs noté en août 2004, lorsqu’il a déclaré que ces relations dépendent pour une bonne part de l’audience dont Moscou bénéficie auprès des instances européennes.

16Il a estimé que sa mission, en tant que ministre, était de s’assurer que les « graines » des doléances russes ne trouvent pas un terreau fertile en Europe : « Nous devons premièrement et avant tout parler de la Russie avec nos alliés européens et leur faire comprendre que leur image de la Russie n’est ni réaliste, ni pragmatique » [6]. De son côté, Viktor Kalioujny, lorsqu’il a pris ses fonctions d’ambassadeur de Russie en Lettonie, le 16 novembre 2004, a déclaré que les différends opposant son pays à Riga étaient déjà sortis du cadre bilatéral pour devenir les problèmes de l’UE, même s’il a regretté que cette dernière n’y trouve pas encore de solution.

17Pourtant, selon Konstantin Kossatchev, président du comité des Affaires internationales de la Douma, les désaccords balto-russes restent artificiels : alors que la coopération politique avec les Etats baltes devrait davantage aller de soi et la coopération économique être plus prometteuse qu’avec certains autres pays de l’UE, la politisation à outrance de ces relations est un facteur d’échec certain. Mais, si tous se plaignent de la dégradation des rapports depuis mai 2004, peu nombreux sont ceux qui s’emploient réellement à les améliorer.

? Les Etats baltes, atlantistes

18On l’a vu, la position russe concernant l’adhésion des Etats baltes à l’Otan a fortement évolué, passant d’un refus de principe catégorique au constat de l’inéluctabilité du processus.

19La perception d’une menace par les Baltes est toujours autant liée à la proximité immédiate de cette Russie jugée instable et soupçonnée de velléités impérialistes, qu’aux hésitations et à la tiédeur de l’Ouest. Selon Ø. Jaeger [7], la rémanence de ce sentiment a été elle-même créatrice de menace (le discours sur un danger, tout en cherchant à accroître la sécurité, est en soi producteur d’insécurité). Même après l’adhésion des Etats baltes à l’Otan, le 2 avril 2004, le scénario d’une tentative russe de reprendre pied dans ces territoires n’est pas exclu pour tous, et est d’ailleurs parfois mis en avant par l’Ouest. Ainsi, la presse lettone a fait état, en octobre 2004, d’un rapport du think tank américain RAND Corporation, qui analyse diverses évolutions possibles de la politique russe vis-à-vis des Etats baltes, allant de l’attaque pure et simple (très improbable car revenant à une confrontation Russie-Otan) à une instrumentalisation à outrance de la question de la population russophone.

20A un moment où ces trois pays ont perdu l’espoir de voir la Russie se transformer à court terme en un Etat démocratique et où ils estiment que le Président russe, Vladimir Poutine, a une politique menaçante à leur égard [8], ce rapport commandé par l’armée américaine ne pouvait qu’aviver les tensions [9].

21De son côté, la Russie estime que certaines activités de l’Otan mettent en danger sa sécurité. Le 14 janvier 2005, le ministre russe de la Défense, Sergueï Ivanov, en visite à New York, est intervenu en ce sens, invoquant l’élargissement de l’Alliance et le déploiement de missiles américains sur le territoire de certains nouveaux membres d’Europe de l’Est. C’est d’ailleurs bien la peur de l’installation d’armes nucléaires et de bases de l’Otan sur les territoires des Etats baltes qui ont motivé les réticences russes à l’égard de l’élargissement de l’Otan, Moscou ne voulant pas d’implantations militaires étrangères à proximité de ses frontières.

22A ce propos, le ministre lituanien de la Défense, Linas Linkevicius, a démenti à plusieurs reprises les informations diffusées par les médias russes, selon lesquelles des armes nucléaires otaniennes allaient être déployées sur une ancienne base militaire soviétique située non loin de Siauliai.

23Un autre point sensible concerne le survol des territoires nationaux. La surveillance de leur espace aérien national ne pouvant, pour des raisons de capacités, être assurée par les Baltes eux-mêmes, l’Otan s’est engagée à assumer jusqu’en 2006 leurs « polices du ciel ». Cet accord pose un certain nombre de questions [10], dont celle de ses implications sur les relations avec la Russie.

24Depuis l’adhésion balte à l’Otan, les accusations réciproques se multiplient :
Moscou soupçonne l’Otan d’espionner les installations militaires de sa région Nord-Ouest avec des avions Awacs, sous couvert de démonstrations, et reproche à la Lituanie d’accueillir sur l’aéroport de Siauliai quatre avions de combats de l’Otan (des F-16 danois), qui n’ont, selon lui, d’autre mission que de déceler une hypothétique menace russe, mais s’avèreraient incapables de prévenir une attaque terroriste [11]. La Russie accuse aussi la Lettonie et la Lituanie d’entraver le transit militaire aérien vers Kaliningrad :
étant immatriculés dans un pays partenaire de l’Otan, les avions russes ont en effet le droit d’utiliser l’espace aérien de ces Etats, aux termes de règles jugées trop souples par ces derniers (fréquence excessive des vols, routes aléatoires, etc.). L’Estonie a adressé plusieurs protestations durant l’hiver 2004 à la Russie qui aurait violé à diverses reprises son espace aérien lors de vols vers Kaliningrad.

L’avenir hypothéqué par le passé ?

25Depuis la restauration des indépendances, les relations balto-russes sont, pour une bonne part, déterminées par l’impact de l’héritage historique. Ce trait, traditionnellement source de désaccords, de déclarations peu amènes et d’actions de propagande frôlant parfois la calomnie, a pris un nouveau tour depuis que se profilent les commémorations du soixantième anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie, organisées par Moscou. Ces célébrations ont pris une dimension démesurée dans les relations balto-russes, depuis la fin de 2004 surtout, entraînant des échanges de plus en plus acrimonieux. Elles ont permis de lancer des débats certes nécessaires entre les protagonistes sur leur perception du passé récent (et donc de l’avenir), mais le ton de ces discussions ne favorise guère l’élaboration d’une analyse constructive qui 18 leur permettrait d’atteindre le but tellement vanté, l’établissement de véritables « relations de bon voisinage ». A travers une évocation presque obsessionnelle de leurs lectures respectives et divergentes de l’histoire du XXe siècle et, plus spécifiquement, de la Seconde Guerre mondiale, Russes et Baltes n’en finissent pas de se renvoyer la balle de leurs fautes et responsabilités, chacun campant sur des positions de plus en plus tranchées.

? Le 9 mai 2005 : point de focalisation

26Le 25 novembre 2004, V. Poutine a adressé à ses homologues occidentaux, dont baltes, une invitation aux commémorations organisées le 9 mai 2005 [12] à Moscou pour le soixantième anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie. Le jour même, la Présidente lettone, Vaira Vike-Freiberga, déclarait que cette date ne marquait pas pour les Baltes uniquement le jour de la victoire sur le fascisme, mais qu’elle était aussi le symbole de la perte de leur indépendance. Dès lors, cette invitation, qualifiée par elle de « provocation », ne pouvait faire l’objet d’une réponse enthousiaste, les Présidents baltes étant dans l’incapacité de se rendre à Moscou « de gaieté de cœur ». Quelques jours plus tard, réunis à Vilnius, ils décidaient de donner en mars suivant une réponse commune à V. Poutine.

27Mine de rien, l’invitation de ce dernier et la réaction immédiate des dirigeants baltes venaient de mettre en lumière l’un des grands désaccords qui les opposent, et qui est porteur d’arrière-pensées nombreuses et complexes, tant en termes de présupposés que de conséquences. De facto, le Président russe avait donné l’occasion aux Baltes d’ouvrir enfin un débat sur la date de la fin de la Seconde Guerre mondiale dans leur pays et d’exprimer leur unanimité : en ce qui les concerne, le conflit s’est perpétué jusqu’en 1991, lors du recouvrement de leurs indépendances [13] !

28A la surprise de tous, et particulièrement de ses homologues estonien et lituanien, la Présidente lettone s’est dissociée de la démarche commune balte et a donné sa réponse dès le 12 janvier 2005 : elle avait décidé de se rendre à Moscou, mais pas à n’importe quel prix ; sa présence serait l’occasion de faire entendre la voix de la Lettonie dans le concert de ces nations rassemblées autour d’un événement donnant lieu dans les pays baltes à des interprétations autres que celles généralement admises à l’Ouest.

29V. Vike-Freiberga s’est donc livrée à une longue mise au point : pour elle, le 9 mai marquera la commémoration du 55e anniversaire de la Déclaration Schuman qui, en visant à établir une paix durable dans une Europe de l’Ouest mise à feu et à sang, a posé les jalons de ce qui est devenu, après bien des avatars, l’Union européenne. Elle a rappelé que, le 8 mai, l’Europe commémorera le 60e anniversaire de la fin de la guerre, issue qui a incontestablement eu un résultat positif, à savoir la chute du régime nazi ; elle a précisé que « les Allemands nazis et leurs complices locaux ont perpétré le plus abominable et le plus grand crime contre l’humanité jamais commis sur le sol letton », martelé que « la Lettonie, ainsi que le reste de l’Europe, se réjouit de la défaite de l’Allemagne nazie et de son régime fasciste en mai 1945 » et ajouté que « néanmoins, à la différence des pays de l’Europe de l’Ouest, la chute du Reich nazi détesté n’engendra pas la libération de mon pays. Au lieu de cela, les trois Etats baltes que sont la Lettonie, l’Estonie et la Lituanie, furent soumis à une autre occupation brutale d’un autre empire totalitaire, celle de l’Union soviétique. [...] En commémorant cette journée de l’Europe, je célèbrerai la chute du fascisme et le renouveau de la liberté et de la démocratie en Europe de l’Ouest.

30Je célèbrerai la naissance de ce qui est devenu l’Union européenne et je me réjouirai de l’appartenance de la Lettonie à cette construction internationale originale. Je rendrai hommage à ceux qui ont perdu la vie au cours de la Seconde Guerre mondiale. Mais je commémorerai aussi, avec grande tristesse, la seconde occupation soviétique de mon pays, les immenses pertes humaines et les souffrances qui en découlèrent ; non seulement en Lettonie mais aussi dans les anciennes nations captives d’Europe centrale et orientale. En participant aux événements officiels de Moscou, je tendrai une main amicale à la Russie » [14].

31Pour V. Vike-Freiberga, les Baltes doivent saisir l’occasion du 9 mai pour montrer au monde l’autre signification de cette date parce qu’ils ne veulent pas voir se répéter Yalta ou Potsdam, ces conférences au cours desquelles leurs destins ont été scellés en leur absence. Elle n’a pas caché, en outre, son désir de prendre part à toutes les rencontres importantes qui concernent l’histoire et l’avenir du continent européen.

32La décision de la Présidente lettone et son argumentaire ont été très diversement commentés dans le pays et à l’étranger. Le Premier ministre letton, Aigars Kalvitis, a jugé que ce choix était le seul possible, car l’absence de la Lettonie aurait pu ne pas être comprise par l’Europe qui en aurait tiré des conclusions peu favorables. D’autres, s’ils ont bien vu dans la décision de V.Vike-Freiberga un acte de Realpolitik, n’en ont pas moins critiqué son approche : l’eurodéputé letton Girts Valdis Kristovskis lui reproche de ne pas avoir précisé que le Pacte « criminel » passé entre Hitler et Staline en 1939 [15] a été légalisé par les gouvernements américain et britannique en 1945 à Yalta. La Présidente aurait, selon lui, pu ouvrir une véritable discussion sur les responsabilités de chacun, ce qui aurait permis à la Russie de comprendre que la vérité historique est importante certes pour les Etats baltes et pour elle, mais également pour l’Europe tout entière...

33Passée la première consternation, les leaders estonien et lituanien n’ont pu que déclarer respecter le choix de la Présidente lettone dont ils partagent la vision historique, tout en regrettant d’avoir manqué l’occasion de prouver leur unité en adoptant une position commune [16]. On a d’abord pensé que la décision unilatérale de V. Vike-Freiberga allait réduire la marge de manœuvre de ses homologues estonien et lituanien.

34Mais, contre toute attente, le 7 mars 2005, le second d’entre eux, V.Adamkus, a officiellement décliné l’invitation de V. Poutine [17], pour « rester avec le peuple lituanien le 9 mai ». Le même jour, le chef d’Etat estonien, A. Rüütel, adressait, lui aussi, une lettre au Président russe dans laquelle il justifiait son refus de se rendre à Moscou par le fait que « les souffrances endurées par les Estoniens durant la Seconde Guerre mondiale et les années qui ont suivi sont encore vivaces dans leur mémoire ».

35Pour contrebalancer les atteintes portées à l’image de l’unité balte, les trois pays ont tenté de faire accréditer l’idée selon laquelle ils partageaient la même appréciation sur les conséquences pour eux de la guerre : cette apparente différenciation ne serait donc que l’expression plurielle d’un même sentiment.

36Du côté russe, les réactions ont été univoques : se félicitant de la décision de la Présidente lettone, les autorités n’ont eu de cesse de critiquer la justification qu’elle y apportait. En particulier, Moscou récuse totalement l’assimilation faite par les Baltes entre Union soviétique et Russie soviétique.

37K. Kossatchev reproche à V. Vike-Freiberga de procéder à une distorsion de l’histoire en rendant vainqueurs et vaincus de la guerre également responsables du début du conflit. Le porteparole du ministère russe des Affaires étrangères (MAE), Alexandre Iakovenko, a déclaré en janvier 2005, qu’il ne voyait aucune justification dans l’histoire ou dans la législation internationale pour accepter la thèse, qu’il a qualifiée d’absurde, selon laquelle l’URSS et l’Allemagne hitlérienne avaient une responsabilité égale dans la tragédie mondiale de 1941-1945 [18].

38L’ambassadeur russe, V. Kalioujny, lui, a jugé « inacceptable » la déclaration de la Présidente lettone [19] et précisé que « le 9 mai est une date spécifique, celle du 60e anniversaire de la victoire sur le nazisme. C’est tout et ce n’est rien d’autre ». Ce à quoi la Présidente lettone a rétorqué, le 27 janvier 2005 à l’occasion des commémorations de la libération des camps d’extermination organisées à Auschwitz qu’il ne fallait pas, en ce qui concerne le 9 mai, se « cantonner à la version russe de l’Histoire ».

39Il est surtout très clair pour Moscou que, en acceptant l’invitation du Président russe, son homologue lettone souhaite attirer l’attention de la communauté internationale sur l’histoire de son pays et, par là, « gâcher la fête ». Le service de presse du MAE russe s’est livré à des commentaires acides sur V. Vike-Freiberga, se demandant même si elle ne tentait pas, par son attitude hostile, de pousser Moscou à retirer son invitation.

40Il est en effet indéniable que les leaders baltes, et ils ne sont pas les seuls, s’interrogent sur le véritable sens de ces célébrations : dès la fin d’octobre 2004, une centaine d’eurodéputés, dont les Baltes, ont signé une lettre commune dans laquelle ils soulignaient l’ambiguïté du discours russe annonçant ces cérémonies et l’importance de l’enjeu politique que cela représentait pour V. Poutine : « Placées dans leur contexte historique, les manifestations qui se dérouleront le 9 mai 2005 ne vont pas célébrer la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais donner une approbation à l’occupation soviétique, et aux crimes du communisme totalitaire » [20].

? Le Pacte Molotov-Ribbentrop : annulé ou à annuler ?

41Le nœud de l’affaire se trouve bien, en effet, dans cette revendication des Baltes à l’égard de la Russie : les trois pays souhaitent que Moscou prononce l’annulation du Pacte Molotov-Ribbentrop et reconnaisse l’occupation de leurs territoires par l’Union soviétique, dont la Russie est le successeur légal.

42V. Vike-Freiberga a répété que, en tant que Présidente d’un pays qui eut à souffrir considérablement du joug soviétique, elle se sent dans l’obligation de rappeler au monde que le conflit le plus dévastateur de l’humanité aurait pu ne pas avoir lieu si les deux régimes totalitaires de l’Allemagne nazie et de l’URSS n’avaient pas conclu un accord secret visant à se partager les territoires de l’Europe de l’Est : elle attend donc de la Russie la condamnation de tous les crimes de la Seconde Guerre mondiale et, comme ses homologues baltes, souhaite que Moscou exprime ses regrets « pour l’assujettissement de l’Europe centrale et orientale après la guerre, qui résulte directement du Pacte Molotov-Ribbentrop » [21].

43Un précédent existe, rappelé par A. Rüütel [22], qui a souligné que, en 1989, le Congrès des députés du peuple de l’URSS avait adopté une résolution déclarant nul et non avenu le Pacte Molotov-Ribbentrop. Et de demander à ce que le successeur légal de l’URSS, la Russie, se résolve à « évaluer les événements passés d’une manière objective et à faire preuve de bonne volonté ». Un pas en ce sens semble avoir été fait par V. Poutine le 20 janvier 2005, lors de la visite privée du Président estonien à Moscou : selon les propos de ce dernier, le Président russe se serait dit favorable à l’abrogation du Pacte. Pour A. Rüütel, cette prise de position montre que l’idée progresse parmi les dirigeants russes d’une condamnation des conséquences du Pacte.

44Rien n’est moins sûr. Il convient tout d’abord de préciser que la déclaration de V. Poutine n’a été ni confirmée ni démentie côté russe. En outre, elle met le Président russe en contradiction avec le MAE qui refuse de reconnaître le terme d’« occupation » à propos des Etats baltes et estime donc que le Pacte n’est d’aucune valeur. V. Kalioujny s’est exprimé à ce sujet, préférant le terme d’« incorporation » ; pour lui, celle-ci a été réalisée dans le cadre d’un accord, le Pacte Molotov-Ribbentrop, à l’époque valide, quelle que soit l’appréciation morale que l’on puisse porter aujourd’hui (et de préciser que cela n’a rien à voir avec l’usage de la force sans mandat international, comme ce fut le cas, plus récemment, en Irak !). Les médias russes, eux, se sont étonnés de cette promesse du Président russe, dans la mesure où le Pacte a déjà été annulé deux fois : tous les accords germano-soviétiques l’ont été de facto lorsque l’Allemagne nazie a attaqué l’Union soviétique, le 22 juin 1941 ; puis le Congrès des députés du peuple de l’URSS l’a annulé une deuxième fois en 1989 à la demande des députés baltes. Exiger de la Russie une troisième annulation reviendrait à lui demander éternelle repentance.

45Mais l’abrogation du Pacte n’est pas une fin en soi pour les dirigeants baltes, qui souhaitent, sans trop d’illusions, qu’elle s’accompagne donc d’excuses et d’explications.

46Qu’elle soit due à une réelle volonté d’apaiser les relations balto-russes ou, comme l’a suggéré la presse estonienne, à la prise de conscience par les autorités russes, aux lendemains de la crise ukrainienne, de l’isolement croissant de leur pays sur la scène européenne, la volte-face de V. Poutine, si elle se confirme, pourrait avoir des conséquences importantes. Car cette mesure n’aurait pas, on s’en doute, uniquement valeur de symbole. En réalité, ce pas pourrait en appeler un autre, déclenchant tout un enchaînement de faits : dans le cas extrême, les Baltes pourraient être autorisés à demander des compensations pour l’occupation soviétique.

? Qui a droit à des compensations ?

47Si le MAE russe ne cesse de marteler que les événements qui se sont déroulés dans les territoires baltes en 1940-1941 [23], puis leur « libération » par l’Armée rouge en 1944 et l’adhésion de ces pays à l’URSS n’étaient pas « en contradiction avec les normes du droit alors en vigueur » [24], c’est parce qu’il sait bien dans quel engrenage une autre interprétation de l’histoire pourrait en effet mener la Russie. Le MAE estonien estime, quant à lui, que cette occupation sans déclaration de guerre violait non seulement toutes les normes internationales en vigueur à l’époque, mais également le traité de paix de Tartu, conclu le 2 février 1920 avec la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR), qui reconnaissait le droit de l’Estonie à l’auto-détermination, ainsi que le Pacte de non-agression signé par cette dernière et l’URSS en juin 1932 [25]. Autant de documents niés de facto par le Pacte germano-soviétique de 1939.

48Le ministère estonien de la Justice a relevé en outre que, si l’Allemagne avait présenté ses excuses en tant que signataire de ce Pacte, la Russie, pourtant successeur légal de l’URSS, a toujours refusé de faire de même. En février 2004, le ministre Ken-Marti Vaher a, en personne, annoncé son intention de réclamer des compensations à la Russie, au nom des citoyens estoniens victimes de la répression durant l’occupation soviétique.

49Auparavant, V. Adamkus avait appelé la Russie à rendre justice à la Lituanie [26] et à assumer, en tant que successeur légal de l’URSS, la responsabilité des conséquences de l’occupation soviétique. Pour le Président lituanien, son pays doit recevoir réparation pour les vies sacrifiées, l’Etat anéanti et les pertes matérielles imputables à l’occupation soviétique.

50En août 2004, les ministres baltes des Affaires étrangères, réunis à Palanga (Lituanie), ont mis au point un certain nombre d’actions conjointes en vue d’amener la Russie à accepter cette idée. A la fin de l’année, l’Assemblée balte (organisation de coopération entre les Parlements des trois Etats baltes, créée en 1991) a suggéré de déposer ? conjointement ? des demandes de compensations. Mais, là encore, l’unanimité balte n’est pas vraiment au rendez-vous : le gouvernement letton a finalement opté pour la prudence, déclarant, le 20 décembre 2004, qu’il avait des priorités plus urgentes dans ses relations avec Moscou que de réclamer des compensations, une position confortée par les historiens lettons qui ont rappelé que, tant que la Russie n’aurait pas reconnu l’occupation soviétique, ces demandes ne seraient pas valides.

51Par ailleurs, il faut établir des critères pour évaluer ces compensations. A l’automne 2004, la Présidente lettone avait suggéré que les citoyens défendent individuellement leur cause auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle s’est toutefois adressée aux historiens et juristes lettons pour qu’ils évaluent les préjudices subis par le pays du fait de la terreur soviétique, afin que la Lettonie obtienne satisfaction auprès d’une cour internationale [27]. En Lituanie, le ministère de l’Economie a estimé le montant de ces compensations à 20 milliards de dollars, ce qui correspondrait grosso modo au recul du PIB enregistré à la suite de l’occupation. Le gouvernement lituanien a proposé à la Russie d’ouvrir des négociations à ce sujet et s’est heurté à un refus. En Estonie, c’est une commission parlementaire qui est chargée de calculer le montant des réparations demandées.

52La réponse russe est, bien évidemment, plutôt négative, mais avec des nuances, la position extrême pouvant être incarnée par le gouverneur de la région de Kemerovo (Sibérie occidentale), Aman Touleev. S’exprimant sur cette question [28], il a affirmé que les Etats baltes souffraient d’une maladie chronique, dont l’un des symptômes réside dans leurs demandes périodiquement réitérées de voir la Russie s’excuser pour ces 50 ans d’occupation soviétique.

53Selon lui, les trois pays, en comparant la Russie soviétique à l’Allemagne fasciste, rêveraient d’un nouveau Nuremberg, où Moscou serait sur le banc des accusés ; durant les phases les plus aiguës de la maladie, ils réclament même des compensations. Et si V. Adamkus avance la non-reconnais-sance par les pays occidentaux de la légalité de l’entrée de son pays dans l’URSS comme preuve qu’il s’agissait bien d’une occupation, A. Touleev note que les accords d’Helsinki [29] ont bien confirmé, en 1975, l’inviolabilité des frontières de l’après-guerre, dont celles de l’Union soviétique. Il conclut en retournant la question : étant donné les investissements réalisés par l’URSS dans ces trois républiques, c’est finalement la Russie qui serait en droit de demander aujourd’hui des compensations.

54Celles-ci ont en effet été formulées, le 30 septembre 2004, par la Cour des comptes de Russie, non pas au titre des investissements réalisés dans ces républiques désormais indépendantes, mais à celui du remboursement de la dette extérieure de l’Union soviétique. Se basant sur les calculs effectués par la Banque centrale et la Vnechekonombank, la Cour des comptes a évalué à 3,06 milliards de dollars la somme due par les trois pays à la Russie. La réponse des Baltes ne s’est pas fait attendre : le ministre letton des Affaires étrangères, A. Pabriks, a déclaré que cette demande était dépourvue de tout fondement moral, légal ou économique. Le ministre lituanien des Affaires étrangères, Antanas Valionis, l’a qualifiée d’absurde, y voyant surtout une nouvelle tentative de la Russie de nier l’annexion de son pays et la jugeant d’une impudence inouïe dans la mesure où elle émanait d’un agresseur. L’eurodéputé lituanien, Vytautas Landsbergis, a déclaré, pour sa part, que l’initiative de la Russie témoignait de la prise de conscience par Moscou qu’il n’échappera pas à des discussions sur sa propre « dette » à l’égard des Baltes, d’où sa volonté de renverser le problème. Le journal letton Dienas Bizness est allé plus loin encore [30], inscrivant cette campagne dans le cadre plus large des relations russo-européennes et notant que, puisque les Etats baltes sont désormais membres de l’UE, la Russie cherche ainsi à montrer qu’elle a des débiteurs européens, alors qu’elle ne cesse de clamer que l’élargissement européen lui coûte cher !

? Chantages sur la signature des traités frontaliers

55Autre question controversée dont la résolution pourrait résider dans la dénonciation par la Russie du Pacte Molotov-Ribbentrop, la signature attendue depuis des années de traités de délimitation des frontières de la Russie avec l’Estonie et avec la Lettonie a, elle aussi, pris une acuité nouvelle à l’approche des cérémonies du 9 mai.

56La Lituanie n’est pas concernée par cette question ; en effet le traité frontalier russo-lituanien a été signé le 24 octobre 1997 par Boris Eltsine et Algirdas Brazauskas, à l’issue de négociations difficiles, mais au cours desquelles il n’a jamais été question de lier ce traité à un autre. Il a été ratifié en octobre 1999 par la Lituanie et en juin 2003 par la Russie.

57En revanche, la pratique du couplage à laquelle recourent traditionnellement les négociateurs russes au sein des commissions bilatérales a consisté, dans le cas de l’Estonie et de la Lettonie à faire dépendre la résolution de trois dossiers différents (le retrait militaire, le paiement de compensations et la délimitation des frontières) de la question des droits de l’homme et des minorités [31].

58Les dirigeants russes savent que, s’ils admettent l’illégalité de l’occupation soviétique, ils pourraient être amenés à reconnaître aussi les tracés frontaliers fixés par les traités de Tartu et de Riga, ce qui amputerait la Russie de territoires autrefois baltes conquis par l’Armée rouge en 1940. La diplomatie balte n’a jamais mis officiellement en avant ces revendications territoriales, sachant que Moscou n’accepterait pas de rétrocéder des régions aujourd’hui majoritairement peuplées de Russes [32]. La Lettonie avait déterminé unilatéralement sa frontière avec la Russie, le 30 juillet 1998. Quant à l’Estonie, elle avait trouvé un vague compromis, le mars 1999, en paraphant avec Moscou un accord qui n’a jamais été ratifié. Le 20 janvier 2005, le gouvernement estonien a approuvé un projet définitif d’accord frontalier avec la Russie, et a annulé le document précédent. De facto, les frontières sont bien délimitées depuis quelques années déjà et les contrôles frontaliers sont effectifs, mais les accords formels correspondants n’ont jamais été signés.

59L’UE a mis au rang des priorités de ses relations avec la Russie la signature de ces traités avec deux de ses pays membres. Du coup, à l’issue du sommet Russie-UE de La Haye (novembre 2004), V. Poutine a chargé le MAE russe d’élaborer un document préparatoire à un accord avec l’Estonie et la Lettonie. La question est devenue d’autant plus urgente pour la Russie, qu’elle cherche à négocier, depuis l’élargissement du 1er mai 2004, un accord de libre-circulation de ses citoyens avec les pays de l’UE, inenvisageable tant que ne seront pas réglés tous les problèmes frontaliers avec ces derniers. En même temps, le gouvernement russe sait que la signature des traités ne résoudra pas toutes les questions en suspens et que leur ratification sera laborieuse, la Douma n’ayant pas renoncé à lier cette question à celle de la situation de la minorité russophone dans ces pays.

60Les traités devraient être signés au plus tard le 10 mai 2005, une date que les gouvernements estonien et letton souhaitent avancer, tandis que la Russie voudrait qu’elle soit associée aux commémorations du 9 mai. Sur le principe, les parties sont maintenant d’accord quant au contenu des textes.

61La Russie avait dans un premier temps proposé de lier la signature de ces traités à celle de déclarations bilatérales sur les relations politiques avec ces pays (la Russie a déjà signé de tels textes avec la plupart des pays européens, dont la Lituanie). Les textes proposés par Moscou ont été présentés le 9 décembre 2004, lors d’une rencontre à Bruxelles des ministres estonien, letton et russe des Affaires étrangères.

62Depuis, ils sont étudiés avec attention, tant à Tallinn qu’à Riga. Le 2 février 2005, un communiqué du service de presse du MAE russe indiquait que Moscou n’avait toujours pas reçu de réponse mais que, les documents russes étant largement discutés dans les médias baltes, décision avait été prise de les rendre publics [33].

63Tallinn et Riga reprochent à Moscou son interprétation du passé. Dans ces textes, en effet, la seule allusion à l’histoire fait état du long voisinage de ces deux pays baltes avec la Russie, évoque le fait que leurs peuples ont vécu momentanément dans un même pays avant de se séparer pacifiquement lorsqu’ils ont décidé de construire des Etats souverains. La présentation de la période soviétique comme étant celle d’une « coexistence dans un Etat unifié » est loin de satisfaire les gouvernements estonien et letton, qui ont l’intention de proposer à la Russie leurs propres versions. Le MAE letton a d’ores et déjà émis le vœu que le texte comporte le terme « occupation », ce qui a fait dire à V. Kalioujny, l’ambassadeur de Russie, que, dans ce cas, le traité ne verrait pas le jour. Afin que le désaccord sur les déclarations politiques n’entrave pas la signature des traités frontaliers, S. Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, a convenu, le 5 mars 2005, de ne pas lier ces deux documents.

Le jeu dangereux des amalgames

64Dans ces joutes verbales qui opposent les Etats baltes et la Russie, le risque est d’outrepasser les règles des classiques échanges de vues. En particulier, l’utilisation outrancière de la référence à la Seconde Guerre mondiale par les protagonistes ne laisse pas d’inquiéter.

? Condamner le régime communiste

65La revendication balte de voir désavoué le régime communiste et interdits ses symboles s’exprime de plus en plus clairement. S’il s’agit, à l’origine, de « condamner la politique du régime totalitaire communiste d’occupation », comme le recommande un document préparé par le Parlement letton, les Etats baltes sont enclins à stigmatiser le système communiste et ses exactions dans leur ensemble, suivant ainsi la démarche du Parti populaire européen (PPE) qui a adopté une résolution en ce sens au Parlement européen.

66Lorsque les pays de l’UE ont envisagé, au début de 2005, une prohibition de la symbolique nazie en Europe, certains hommes politiques ont saisi cette occasion pour proposer l’adoption d’une mesure similaire à l’encontre des emblèmes communistes, ce qui constituait un moyen détourné de faire reconnaître les crimes de ces régimes ; des députés estoniens, lituaniens, mais aussi tchèques, slovaques et hongrois, se sont ainsi adressés aux instances européennes, demandant que soient proscrits non seulement la croix gammée, mais aussi l’étoile rouge, la faucille et le marteau. Les députés à l’origine de cette requête étaient bien conscients qu’elle avait peu de chance d’aboutir, nazisme et communisme n’étant, en général, pas mis sur un même plan en Europe occidentale, à la différence, comme les Baltes ne cessent de le répéter, de l’approche est-européenne.

67Cette demande a provoqué quelques commentaires acides de la part de Moscou, qui juge que les Baltes cherchent à réévaluer les leçons à tirer de la Seconde Guerre mondiale, notamment en minimisant les crimes nazis.

? Ne pas minimiser les crimes nazis

68Des exemples peuvent illustrer ce débat : le 13 octobre 2004, près de 2 000 personnes se sont rassemblées dans la capitale lettone, au pied du Monument à la victoire, afin de commémorer les 60 ans de la libération de Riga de l’envahisseur nazi par l’armée soviétique. Acette occasion, le général Vladimir Govorov a affirmé que la population avait à l’époque accueilli les Russes en libérateurs et que ces derniers sont blessés d’être traités aujourd’hui d’occupants [34].

69La sortie, début 2005, du livre Histoire de la Lettonie. Le XXe siècle, rédigé notamment par le conseiller en matière historique de la Présidente, Antonijs Zunda, a donné lieu à une cérémonie en présence de V. Vike-Freiberga. Le MAE russe a réagi violemment à cette publication, à un moment inopportun à ses yeux, puisque c’était celui où l’on commémorait la libération du camp d’Auschwitz. Il juge ce livre idéologisé, lui reprochant de présenter, quand il le cite, le camp de concentration de Salaspils, situé dans la banlieue de Riga et ouvert par les nazis, comme un simple camp d’éducation par le travail, sans préciser sa véritable nature et le nombre de civils qui y ont trouvé la mort.

70La Russie accuse de plus en plus souvent les Baltes de tenter de falsifier l’histoire. Ainsi, dans sa réponse aux vœux de nouvel an de Vassili Kononov [35], V. Poutine a écrit à propos de la Seconde Guerre mondiale :
« Cette victoire restera à jamais dans la mémoire de l’humanité reconnaissante et personne n’est en droit de la noircir ou de la minimiser. Je suis persuadé que toutes les tentatives faites pour réévaluer les conséquences de la Seconde Guerre mondiale, pour justifier les actes des véritables criminels et calomnier les héros vainqueurs sont vouées à l’échec. Vous défendez avec stoïcisme non seulement votre nom, mais encore la justice historique, l’honneur de vos frères d’armes ».

71De nombreux autres désaccords quant à l’interprétation de l’histoire entravent les relations balto-russes : le traitement peu favorable réservé dans les Etats baltes aux vétérans de la Seconde Guerre mondiale, l’érection en Estonie de monuments commémoratifs soit à l’Armée libératrice soviétique, soit à la mémoire de ceux qui ont lutté pour la restauration de l’indépendance du pays (parfois du côté nazi), la vandalisation de ces monuments [36], l’organisation annuelle, le 16 mars, du défilé des anciens soldats de la Légion lettone, la chasse aux citoyens ayant collaboré, en Lituanie, avec les services de sécurité soviétiques [37], etc., viennent s’ajouter aux autres différends (non-citoyenneté d’une part importante de la population en Estonie et en Lettonie, lois sur la langue et sur l’éducation, restrictions à la participation aux élections des non-citoyens, ingérences russes dans la vie économique et politique des Etats baltes, etc.).

72Paraissant l’emporter sur la raison économique et politique, les facteurs psychologiques dominent le dialogue balto-russe depuis près d’un an, attisant parfois une baltophobie qui n’a d’égale que la russophobie constatée en face. La Russie accuse les autorités lettones ou estoniennes de laxisme face aux tentatives de glorification du nazisme. Tallinn et Riga lui opposent la nécessité de reconnaître enfin sa responsabilité dans les événements du passé...

73Ce dialogue de sourds trouve sa traduction notamment dans une guerre de l’information qui a depuis longtemps franchi les frontières des pays concernés, fait largement perceptible dans les médias occidentaux. On est bien loin, en effet, de la médiane présentée par R. Lopata comme devant être la règle d’or dans les relations bilatérales.

Notes

  • (1)
    Les autres aspects des relations balto-russes ne seront pas étudiés ici.
  • (2)
    Nezavissimaïa Gazeta, 2 février 2005.
  • (3)
    Sur les relations balto-russes de 1990 à 2000, voir Anaïs Marin, « Dix ans de relations russo-baltes. Entre ingérence et recherche de stabilité régionale », Le courrier des pays de l’Est, n° 1003, mars 2000, pp. 4-16.
  • (4)
    Carl Bildt, « The Baltic Litmus Test : Revealing Russia’s True Colors », Foreign Affairs, septembre-octobre 1994.
  • (5)
    La question de Kaliningrad ne sera pas traitée en tant que telle dans cet article. Sur ce sujet, se reporter à l’article de Raimundas Lopata dans ce même numéro et à Frank Tetart, « Kaliningad : changer d’image », Questions internationales, n° 11, janvier-février 2005, pp. 86-92.
  • (6)
    Latvijas Avize, 31 août 2004.
  • (7)
    Øyvind Jaeger, « Securitizing Russia : Discursive Practices of the Baltic States », Peace and Conflict Studies, vol. 7, n° 2, novembre 2000.
  • (8)
    Aivars Ozolins, Diena, 4 octobre 2004.
  • (9)
    Un mois auparavant, une lettre signée par 115 personnalités américaines et européennes avait été envoyée aux chefs d’Etat des pays membres de l’Otan et de l’UE, les appelant à réévaluer leur attitude à l’égard de Moscou dans le sens d’une plus grande fermeté. L’initiative de cette adresse revenait à deux sénateurs américains (le Républicain J. Mc Cain et le Démocrate J. Biden), ainsi qu’à l’ancien Premier ministre suédois C. Bildt et à l’ancien Président tchèque, V. Havel ; elle a été signée notamment par les députés estonien, letton et lituanien au Parlement européen, T. H. Ilves, G. V. Kristovskis et V. Landsbergis.
  • (10)
    Susanne Nies, Les polices du ciel dans les Etats baltes, Note de consultance, Délégation aux affaires stratégiques, ministère de la Défense, septembre 2004,23 p.
  • (11)
    S. Nies, op. cit., p. 15.
  • (12)
    Les forces armées allemandes capitulèrent sans condition sur le front de l’Ouest le 7 mai, et sur celui de l’Est le 9 mai 1945. Les Alliés occidentaux proclamèrent le 8 mai 1945 jour de la Victoire en Europe.
  • (13)
    Plus précise, V. Vike-Freiberga a déclaré que, pour elle, la Seconde Guerre mondiale en Lettonie s’était achevée le 4 mai 1990, date à laquelle le Parlement de la République soviétique socialiste de Lettonie a voté une déclaration d’indépendance vis-à-vis de l’URSS ; puis, elle a ajouté que c’était finalement le 1er mai 2004 qui avait marqué véritablement la fin de la guerre dans son pays.
  • (14)
    Declaration by H. E. Dr. Vaira Vike-Freiberga, President of the Republic of Latvia regarding May 9,2005, Riga, 12 janvier 2005, wwwww. president. lv(date de consultation : 20 janvier 2005).
  • (15)
    Signé le 23 août 1939, le Pacte germano-soviétique, dit Pacte Molotov-Ribbentrop, complété par un protocole secret, a orchestré les invasions des trois Etats baltes.
  • (16)
    A cet égard, le Président lituanien a tenu à rappeler qu’en 1995, les trois pays avaient unanimement décliné l’invitation de Moscou pour les 50 ans de la victoire. Le 4 février 2005, V. Vike-Freiberga a déclaré à la radio lettone que, l’indépendance des trois pays étant assurée, il n’y a plus besoin de mettre en avant une prétendue unité balte.
  • (17)
    Malgré l’appel lancé le 3 mars par la Confédération lituanienne des industriels, selon lequel l’absence du Président entraînerait des sanctions économiques de la part de Moscou.
  • (18)
    Diena, 21 janvier 2005.
  • (19)
    Interview de V. Kalioujny, Diena, 17 janvier 2005.
  • (20)
    On ne s’étonnera pas, dès lors, de certains dérapages : V. Vike-Freiberga a ainsi déclaré lors d’une interview à Radio lettone-1, le 2 février 2005 : « Le 9 mai, les Russes vont mettre un poisson sur du papier journal, boire de la vodka, reprendre des refrains humoristiques et se souvenir de leur héroïque conquête de l’espace balte ». Le service de presse du MAE russe a regretté que de tels propos aient été tenus par un chef d’Etat.
  • (21)
    Declaration by H. E. Dr. Vaira Vike-Freiberga, Président of the Republic of Latvia regarding May 9,2005, Riga, 12 janvier 2005, wwwww. president. lv(date de consultation : 20 janvier 2005).
  • (22)
    Interview au quotidien Postimees, 6 janvier 2005.
  • (23)
    A partir de juin 1940, les troupes soviétiques occupent les Etats baltes. Les trois républiques sont incorporées à l’URSS en août 1940, après un simulacre de vote. Dès cette « annexion », les arrestations et la déportation des « éléments bourgeois » commencent. Le 22 juin 1941, les troupes allemandes lancent l’opération Barberousse, et occupent quelques jours après les trois républiques baltes.
  • (24)
    Commentaire du département de presse du MAE russe paru le 27 décembre 2004, wwww. ln. mid. ru.
  • (25)
    La Lettonie signa avec la Russie bolchevique le traité de Riga (11 août 1920) et avec l’URSS un traité de non-agression en février 1932, la Lituanie un traité de paix avec la Russie bolchevique le 12 juillet 1920 et un traité de non-agression avec l’URSS en 1934. Sur cette période, voir Suzanne Champonnois, François de Labriolle, Estoniens, Lettons, Lituaniens. Histoire et Destins, Ed. Armeline, Crozon, 2004,330 p.
  • (26)
    Nezavissimaïa gazeta, 18 août 2004.
  • (27)
    La Présidente a en outre symboliquement remis, le 14 octobre 2004, aux Archives nationales lettones, des documents qu’on lui a remis au Kazakhstan concernant des résidents lettons ayant été déportés dans cette république sous Staline.
  • (28)
    Aman Touleev, « Skolko echtchio boudet dlitsia moltchanie iagnenka ?», Nezavissimaïa Gazeta, 31 août 2004.
  • (29)
    Ouverte le 3 juillet 1973, une Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) a réuni 33 pays d’Europe, dont l’URSS, ainsi que le Canada et les Etats-Unis, aboutissant à la signature, le 1er août 1975, des Accords d’Helsinki qui, notamment, reconnaissaient les frontières issues de la Seconde Guerre mondiale.
  • (30)
    Dienas Bizness, 5 octobre 2004.
  • (31)
    Anaïs Marin, op. cit., p. 6.
  • (32)
    Toutefois, le 26 janvier 2005, environ 150 manifestants, représentants de la minorité ethnique setu, qui comprend au total 6 000 personnes dont une partie vit dans le sud-est de l’Estonie et une autre dans la région russe de Pskov, ont demandé au gouvernement estonien de ne pas signer le traité de délimitation des frontières avec la Russie. Ils souhaitent que ce texte prenne pour base celui de Tartu, considéré aujourd’hui par Moscou comme nul et non avenu. D’autres revendications existent, concernant la région de Ingerimaa, proche de Narva et qui relève actuellement de la région russe de Leningrad. En Lettonie, le Parlement et le MAE souhaiteraient se référer au traité de Riga parce que cela leur permettrait de résoudre les questions de citoyenneté : aux termes du traité, les personnes qui vivaient sur le territoire letton au moment de sa ratification, de même que les réfugiés installés alors en Russie et qui (ou dont les parents) étaient enregistrés au 1er août 1914 dans le territoire qui formait alors la Lettonie, étaient reconnus comme citoyens lettons.
  • (33)
    wwwww. ln. mid. ru/ ns-reuro. nsf/ ,date de consultation : 2 février 2005.
  • (34)
    Radio Maïak, 13 octobre 2004.
  • (35)
    Service de presse de la présidence russe, RIA Novosti, 1er janvier 2005. Originaire de Lettonie, V. Kononov a été reconnu coupable de crimes de guerre par la justice lettone pour avoir, en 1944, dirigé une opération réalisée par des partisans dans un village letton, au cours de laquelle neuf policiers lettons auxiliaires des nazis ont été tués.
  • (36)
    Sur cette question, voir notamment Céline Bayou, « Mémoire de la Seconde Guerre mondiale : l’Estonie panse ses plaies », Regard sur l’Est, 3 septembre 2004, wwwww. regard-est. com/ 37-Securite-europeenne/ Memoire-Estonie. htm
  • (37)
    Sur cette question, voir notamment Céline Bayou, « Décommunisation en Europe centrale et orientale : la Lituanie mise à l’index », Regard sur l’Est, septembre 2004, wwww. regard-est. com/ Revue/ Numero37/ Lituanie. htm
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