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Article de revue

Lost in translation ou l’association libre sous contrainte

Essai de traduction simultanée de la confusion de langue au sein d’une unité de traitement sous contrainte pour Auteurs d’Infractions à Caractère Sexuel (AICS)

Pages 199 à 223

Notes

  • [*]
    Infirmier psychiatrique licencié en sciences de la famille et de la sexualité, psychothérapeute, La Lice Asbl, Service de santé mentale à l’ULB (Psycho Belliard Plaine)
  • [**]
    Psychologue, criminologue, psychothérapeute au service de santé mentale à l’ULB (Psycho Belliard Plaine)
  • [***]
    Psychologue, psychothérapeute, responsable de l’unité AICS au service de santé mentale à l’ULB (Psycho Belliard Plaine)
  • [1]
    Le CAB est une ASBL subventionnée par le SPF Justice. Elle intervient comme une interface entre la Justice et la Santé. Le CAB est notamment chargé de l’évaluation et de l’orientation des auteurs d’infraction à caractère sexuel vers l’équipe spécialisée la plus appropriée à sa guidance ou traitement. Actuellement, il n’y a pas de patientes femmes en cours de traitement au sein de notre unité.
  • [2]
    Le dossier qui nous est transmis par le CAB contient le(s) jugement(s) pertinents, le dernier rapport psychosocial (rédigé par une équipe intrapénitentiaire) et s’il échet, l’expertise psychiatrique réalisée à la demande du juge d’instruction.
  • [3]
    S. Freud (1913), « Le début du traitement », La technique psychanalytique, Paris : PUF, 1970, p. 70.
  • [4]
    S. Ferenczi, Confusion de langue entre les adultes et les enfants. Le langage de la tendresse et de la passion, Payot, Rivages, Paris, 1932.
  • [5]
    Ibid, p.38.
  • [6]
    Ibid, p.44.
  • [7]
    Ibid, p.46.
  • [8]
    Ibid, p.48.
  • [9]
    Ibid, p.44.
  • [10]
    Le Tribunal d’Application des Peines fixe les conditions encadrant toute mesure de libération anticipée : surveillance électronique, libération conditionnelle. Ces conditions comportent une série d’obligations et d’interdictions.
  • [11]
    L. Balestrière, « Transfert maternel, transfert paternel et origines de la vie psychique » in L. Balestrière (Ed), Défis de parole. Le questionnement d’une pratique, Louvain-La-Neuve : De Boeck Université, 1999.
  • [12]
    Du latin compre(he)ndere : « saisir ensemble, embrasser quelque chose, entourer quelque chose » ; d’où « saisir par l’intelligence, embrasser par la pensée ».
  • [13]
    L. Balestrière, « La féminité : vieux enjeux et nouveaux défis ». In Martens F. (Ed.), Psychanalyse, que reste-t-il de nos amours ? Bruxelles, Revue de l’Université de Bruxelles, 2000.
  • [14]
    G. Benedetti, Psychothérapie de la schizophrénie. Existence et transfert. France : Érès, 2010, p. 28.
  • [15]
    L. Balestrière, L’excitation, un vieux concept pour une « nouvelle pathologie ?, Filigrane, volume 7, numéro 1, 1998, pp. 81-87.
  • [16]
    Anzieu et Martin, La dynamique des groupes restreints, Paris : PUF, 1968, p. 154.
  • [17]
    J. Laplanche, « Vers la théorie de la séduction généralisée », Nouveaux fondements pour la psychanalyse, Paris : PUF, 1987, p. 125.
  • [18]
    S. Ferenczi, Réflexions sur le masochisme, Petite bibliothèque, Paris : Payot, 2012, p. 26.
  • [19]
    R. Kaës, L’appareil psychique groupal, Paris : Dunod, 1976, p. 19.
  • [20]
    I. Morin, Les mots et la chose, Psychanalyse. 2007/1, n°8, Paris : Eres, 2007.
  • [21]
    Sur le mode de la crainte de l’effondrement ?
  • [22]
    S. Freud, « Lettre 52 » (1896), Lettres à Wilhelm Fliess (1887-1904), Paris, PUF, 2015.
  • [23]
    A. Ciavaldini, Crime sexuel et situation anthropologique fondamentale, un objet de fascination pour la psyché, Revue Française de Psychanalyse, 2012/4, vol. 76, pp. 1103-1118.
  • [24]
    A. Ciavaldini, Passivation et mobilisation des affects dans la pratique analytique avec le délinquant sexuel, Revue Française de Psychanalyse, LXIII, III, 5, 1999, p 1775-1783.
  • [25]
    L. Balestrière, « La féminité : vieux enjeux et nouveaux défis » in Martens F. (Ed), Psychanalyse, que reste-t-il de nos amours ?, Bruxelles : Revue de l’Université de Bruxelles, 2000, p. 160.
  • [26]
    T. Bokanowski, De la pratique analytique, Paris : PUF, 1998.
  • [27]
    J. Godfrind, Les deux courants du contre-transfert, Paris : PUF, 1993.
  • [28]
    S. Freud, « La tête de Méduse », Résultats, idées, problèmes 2, Paris : PUF, 1922.
  • [29]
    A. Ciavaldini, Passivation et mobilisation des affects dans la pratique analytique avec le délinquant sexuel, Revue Française de Psychanalyse, LXIII, III, 5, 1999, pp. 1781-1782.
  • [30]
    Pour paraphraser Winnicott au sujet de la qualité de l’objet « toujours en train d’être détruit ».
  • [31]
    R. Kaës, « L’intertransfert et l’interprétation dans le travail psychanalytique groupal », in Kaës R., Missenard A. et al., Le travail psychanalytique dans les groupes. 2 : Les voies de l’élaboration, Paris : Dunod, 1982, pp. 103-177.
  • [32]
    Cercle d’Études Françaises pour la Formation et la Recherche - Approche Psychanalytique du groupe, du psychodrame, de l’institution, fondé en 1962 et dissout le 23 mars 2014.

I – Introduction

1L’unité AICS fait partie de l’équipe adulte d’un des trois sièges du SSM à l’ULB. Elle propose un double dispositif : chaque patient est rencontré de façon individuelle tous les quinze jours par un thérapeute et en groupe, au même rythme, par deux autres thérapeutes. Les patients de l’unité nous sont tous envoyés par le Centre d’Appui Bruxellois [1] qui les a préalablement rencontrés et a rédigé un avis motivé concernant l’orientation vers notre dispositif. Les patients peuvent être prévenus pour des faits de mœurs mais aussi détenus ou libérés sous conditions. Après avoir pris connaissance de cet avis en réunion, deux entretiens préliminaires sont prévus avec deux thérapeutes différents. Lors du premier entretien, le thérapeute n’a pas pris connaissance du dossier [2] ; celui-ci sera lu par le second thérapeute. Un troisième entretien a lieu avec les deux thérapeutes de groupe. Une discussion se déroule ensuite en équipe afin de déterminer notre capacité à pouvoir travailler avec le patient. Nos points de repères sont en lien avec la reconnaissance des faits, la manière de se positionner par rapport à la victime, la possibilité que le patient a de s’imaginer aborder son histoire, les liens éventuels avec les faits, sa capacité à se déprimer, son acceptation à rejoindre le double dispositif que nous lui proposons...

2La réunion d’équipe, garante notamment de la direction du suivi, apparaît comme un troisième espace de pensées possible. Nous envisageons dès lors notre dispositif comme une triple prise en charge : chaque espace devient un laboratoire d’expérimentation pour le patient, laboratoire dans lequel il va pouvoir s’essayer différemment dans son rapport à l’autre tout en se sachant pensé, parlé au sein d’une unité qui partage les effets de ses différentes tentatives pour approcher l’indicible de ce qui l’amène.

3Cela a été directement évoqué, il est d’emblée question de contrainte et l’unité AICS ajoute vraisemblablement une autre contrainte, celle qui est édictée par Freud comme la règle fondamentale de la psychanalyse [3], invitant chacun à énoncer « quoi qu’il vienne » sans considérer que tel ou tel élément doit être tu, perçu comme moins important… à la manière de ce voyageur dont parle Freud qui est amené à décrire le paysage tel qu’il se déroule devant ses yeux à une personne placée derrière lui.

4Cela peut sembler extrêmement prétentieux… Comment avoir cette idée un peu folle que de tels patients, qui bien souvent ont commis leurs actes délictueux dans un secret complice, dans un clivage massif, peuvent se soumettre à une telle règle après que la vérité judicaire ait été énoncée, et que bien souvent, une partie de la sanction reste en suspens ? Comment éviter que la parole elle-même ne soit en sursis ? C’est pourtant le pari que nous faisons avec ces patients, décidant même de se laisser instruire par leur vécu, partant de l’idée que c’est le patient seul qui détient des réponses.

5Le texte de Ferenczi sur la confusion de langue [4] a servi de point de départ à notre réflexion. Qu’il s’agisse de l’individuel, du travail en groupe ou des effets que cette clinique peut avoir au sein même de nos interactions entre thérapeutes, prendre le fil de la confusion de langue nous semble être toujours d’actualité.

6Suivons l’auteur dans la chronologie de son raisonnement. Ferenczi commence par observer la docilité de ses patients face à ses interprétations et suppose qu’ils doivent également éprouver des pulsions de haine et de colère. Comme celles-ci ne s’expriment pas (alors qu’il les y invite), il relève une identification du patient à l’analyste. Les patients se soumettent par incapacité ou crainte de déplaire à leur analyste en le critiquant, dit Ferenczi. Il dénonce « la froide réserve, l’hypocrisie professionnelle, l’antipathie à l’égard du patient » [5] comme des éléments qui dans le passé ont rendu le patient, alors enfant, malade. La confiance doit établir la différence entre un passé traumatogène et le présent. Sans elle, le trauma se reproduit sous forme hallucinatoire et non comme un souvenir objectif. Il insiste sur la régression à l’infantile et sur la profondeur du clivage de la personnalité. Il pointe le lien qui nous rattache à nos patients et explique que le patient redevenu enfant n’est plus sensible au raisonnement mais tout au plus à la bienveillance maternelle. Sans celle-ci, c’est la détresse, le clivage, la maladie, les symptômes. Ferenczi est convaincu que les patients devinent les pensées et émotions de leur analyste. En instaurant une « relation plus intime » avec eux, il nous fait part de sa découverte : des adultes abusent de l’innocence et de l’ignorance des enfants, et ce n’est pas de l’ordre du fantasme.

7Dans la séduction incestueuse, les adultes confondent les jeux des enfants (éventuellement érotiques mais toujours ludiques, de l’ordre de la tendresse) avec les désirs d’une personne mature sexuellement. Se sentant sans défense, l’enfant ne proteste rien, il s’inhibe, se soumet à l’agresseur, voire s’identifie à lui. Suite à cette introjection, l’agression va cesser d’exister en tant que réalité extérieure et ce, afin de maintenir un état de tendresse antérieur. L’identification à l’agresseur s’accompagne d’une introjection du sentiment de culpabilité de l’adulte. Le point que Ferenczi met en évidence et sur lequel la base de notre texte repose est le suivant : « Si l’enfant se remet d’une telle agression, il en ressent une énorme confusion ; à vrai dire, il est déjà clivé, à la fois innocent et coupable, et sa confiance dans le témoignage de ses propres sens en est brisée » [6]. Ferenczi voit la confirmation de son hypothèse : « La personnalité encore faiblement développée réagit au brusque déplaisir, non pas par la défense, mais par l’identification anxieuse et l’introjection de celui qui la menace ou l’agresse » [7]. Il comprend ainsi pourquoi ses patients ne sont pas capables de s’affirmer en cas de déplaisir (et restent dociles). Si derrière cet amour de transfert, l’analyste peut détecter « le désir nostalgique de se libérer de cet amour opprimant » [8], il peut l’aider à abandonner cette identification et faire accéder le patient à un niveau plus élevé de sa personnalité. Par ailleurs, suite au choc, une partie de la personnalité de l’enfant peut mûrir trop rapidement (comme le fruit meurtri par un coup de bec). Pour se protéger de l’adulte déchaîné, l’enfant doit pouvoir s’identifier à lui. Cela expliquerait la lucidité de certains patients à l’égard des pensées de l’analyste.

8Ferenczi souligne que l’adulte impose le langage de la passion à l’enfant qui ne parle que celui de la tendresse. Il rappelle également le potentiel régressif du dispositif thérapeutique analytique ; le patient adulte y devient davantage enfant. Assumer dès lors de manière cohérente un tel dispositif et sa visée régressive serait de ne pas oublier que le patient devient enfant en séance, que le patient devenu enfant ne parle plus la même langue que nous, qu’il est d’autant plus vulnérable à la solitude et a besoin de bienveillance et d’appui. Il apparaît dès lors fondamental d’être attentif à ce qui pourrait être perçu comme le langage de la séduction, de la passion. De même, l’apparente docilité ou sympathie du patient pourrait empêcher d’entendre son agressivité sous-jacente, sa haine. Cette soumission ou silence répond à la peur à l’égard du thérapeute, peur de déplaire, du conflit, par crainte tout court du « pouvoir » de l’adulte.

9« Qu’allez-vous faire de nous ? », disent-ils souvent, nous faisant sentir de la sorte l’insupportabilité à se trouver dans cette relation asymétrique, rappelant la dépendance totale de l’infans à l’égard du monde adulte. La crainte de la passivation n’est pas loin. Ferenczi insiste sur la nécessité d’instaurer une relation de confiance, il parle de « bienveillance maternelle ». Le thérapeute doit veiller à détecter un éventuel amour de transfert pour amener le patient à se défaire de cette identification à l’adulte abuseur. Nous faisons l’expérience de nous sentir toujours sur un fil. Le patient AICS exerce défensivement une certaine emprise dans la séance et le clinicien peut s’en trouver aussi contaminé, en proie à des identifications projectives. En somme, le thérapeute se trouve dans une posture compliquée : tantôt pris par une nécessaire proximité, une présence à ses émotions dans la rencontre avec le patient, tantôt pris par le salut d’une certaine distanciation face au débridement pulsionnel de cette clinique, au risque de se trouver lui-même sous l’emprise de l’autre.

II – Le dispositif individuel

10Dans ce premier temps, nous tenterons d’observer la façon dont cette « confusion de langue » infuse le lien transféro-contre-transférentiel au sein du dispositif individuel.

11Si notre clinique est constituée d’auteurs d’infractions à caractère sexuel, la majorité d’entre eux rapporte également avoir été l’objet d’abus ou de maltraitances dans leur enfance. Ces traumas ne sont pas forcément mis en avant pour se justifier de leurs actes ; ils sont même souvent relativisés à l’extrême, désaffectés ; ils sont non-signifants.

12Nous citions Ferenczi plus haut : « Si l’enfant se remet d’une telle agression, il en ressent une énorme confusion ; à vrai dire, il est déjà clivé, à la fois innocent et coupable, et sa confiance dans le témoignage de ses propres sens en est brisée » [9]. Une tâche importante du clinicien serait donc d’aider le patient à retrouver confiance dans ses propres sens ? Lui-même, dans cette clinique, peut-il faire confiance à ses propres sens ? Quelle place laisser à sa subjectivité ? Ferenczi dénonce une froide réserve chez le thérapeute, des attitudes antipathiques à l’égard des patients… Qu’en est-il lorsque les actes commis par les patients suscitent indignation, dégoût, rejet… ?

13La contrainte judiciaire met à mal le transfert. Nos patients n’ont souvent pas choisi ni le centre vers lequel ils sont adressés, ni leur thérapeute. Ils formulent tant bien que mal une demande, plus ou moins construite en fonction de ce qu’ils pressentent qu’ils devraient dire. Leur libération anticipée est souvent conditionnée à l’acceptation au sein de notre dispositif de soins. Ils viennent plus souvent parce qu’ils y sont contraints que parce qu’ils espèrent se sentir mieux.

14La plupart des patients que nous voyons se questionnent d’emblée et souvent de façon récurrente sur le travail que nous leur proposons et sur nos motivations : Fait-on ce travail parce que nous y sommes nous aussi contraints ? Qui nous paie ? Seulement eux ? La justice ? Avons-nous besoin de patients AICS pour nous rémunérer ? Combien d’ « autres » en voyons-nous ? Que leur veut-on, comment allons-nous faire ? Qu’attendons-nous d’eux ? Que devraient-ils dire ?

15Notre apparente bienveillance contraste avec le regard angoissé et rejetant que la société pose sur eux. Ils nous supposent un savoir mais surtout, un jugement. Pour faire contre-pied à cette crainte du jugement, nous adoptons une position dans laquelle nous nous laissons instruire, une position d’où nous pouvons questionner, nous étonner… Cette position suscite pourtant d’autres angoisses. Ainsi avec Monsieur Z., un scénario se répète au début de chaque séance ; il s’agit d’une sorte de jeu de regards et de silences où le premier qui parle aurait perdu, où l’un est faible et l’autre fort. Pour lui, comme pour la majorité de nos patients, le temps est à la reconstruction et le fait de reparler du passé une épreuve douloureuse « comme trifouiller avec ses doigts dans une blessure encore ouverte », dit-il. Le thérapeute n’est pas vécu comme un support bienveillant : « Si je devais comparer ce suivi à un voyage, c’est comme si on nous laissait au milieu d’une forêt sans guide ». Il revient fréquemment avec cette impression d’être l’objet de la justice, l’objet d’un traitement appliqué « en série » par le TAP [10], les rendez-vous thérapeutiques venant lui rappeler chaque semaine sa vie gâchée.

16Après quelques mois, la thérapeute s’est mise à lui parler de ses convictions thérapeutiques, ce qui est apparu après-coup comme une façon d’introduire du tiers dans une relation duelle angoissante. Pour s’engager dans la relation thérapeutique, le patient doit pouvoir s’appuyer sur une forme de confiance, de bienveillance. Personne n’investit sans y croire un minimum. Petit à petit, certains signes d’ « apprivoisement » sont apparus : Monsieur Z. a dit à plusieurs reprises qu’il trouvait les mots, utilisés par la thérapeute, « justes », acceptant ainsi des bribes de reflet de lui-même qui lui étaient proposées ; il n’est jamais pressé de partir à la fin de l’entretien et se montre plus en confiance, moins interprétatif. Lors des séances de groupe, il est apparu au fil du temps moins défendu. Depuis quelques mois, il semble avoir accepté de tenir un fil entre les séances et a manifesté un désir d’en savoir davantage sur lui-même.

17Il semble qu’un travail modeste, patient et minutieux de crochetage du lien constitue un préliminaire nécessaire à la clinique sous contrainte. La thérapie se déroule comme si la « névrose de transfert » ne commençait pas, bien que le transfert soit omniprésent et que le thérapeute prenne une place exorbitante. Il paraît figé à une place fixe et on observe peu de jeu dans le transfert. On est pris dans ce que Ferenczi décrit comme une reproduction hallucinatoire d’un trauma et non pas un souvenir objectif sur lequel on pourrait travailler : le thérapeute agresse le patient et le fait souffrir en remuant le passé. Le patient de son côté, pense faire de son mieux : « Posez-moi des questions, je parlerai ». Plus qu’une crainte de déplaire, on observe une crainte de représailles.

18Bien souvent, des éléments archaïques (déni, clivage) coexistent avec des éléments qui paraissent plus matures au sein de la personnalité des patients délinquants. Fantasmer, rêver mettent en danger l’appareil psychique pour ces patients dont les limites entre l’intérieur et l’extérieur, entre le fantasme et la réalité sont friables. Se confier au sujet de son intimité n’est pas vécu de prime abord comme une expérience potentiellement thérapeutique.

19Le processus thérapeutique incarne donc deux rencontres pour le patient : la première avec le thérapeute s’inscrit dans le cadre d’une relation asymétrique qui provoque une crainte de devenir dépendant ou d’être pris comme objet par l’autre, une crainte de perte de contrôle. La seconde rencontre se fait avec l’autre en soi, l’étranger qu’on appréhende par petites touches, via les affects qui sont mobilisés. Ces affects peuvent entraîner un surplus immaîtrisable de tensions car ils sont fondamentalement associés à la haine et à l’amour [11]. La tentation est grande alors d’écarter toute trace de cet étranger en soi.

20Ainsi, un patient s’étonnait puis s’inquiétait d’un lien que lui proposait sa thérapeute avec une séance antérieure. Elle avait « retenu » des choses sur lui, sans confondre avec d’autres patients, cela l’avait marqué au point d’en parler dans le groupe thérapeutique. Au sujet de cette inquiétude, il expliquait : « Les mots parfois dépassent la pensée », rejetant ainsi un inconscient qui viendrait dire des choses de lui à son insu. Pour lui, « il faudrait tout oublier ».

21Lors des réunions d’équipe, en parlant de nos différents patients, nous observons une forme de paradoxe qui se décline sur le plan groupal et sur le plan individuel : plus nous investissons l’aspect soin du travail (plus nous incarnons une fonction maternelle) et plus nous devenons menaçant, comme si planait sur nous de façon constante l’ombre de ce grand Autre tout-puissant, celui qui sait pour l’autre, qui sait mieux que l’autre. Un dispositif qui serait « trop maternant » susciterait davantage la régression dont nous parle Ferenczi et évoquerait davantage cette relation de dépendance angoissante. Laisser en soi une place vacante à une fonction paternelle, ouvrant au tiers séparateur, nous est alors apparu indispensable au déroulement d’un processus thérapeutique tant pour le patient que pour le thérapeute.

22Cela nous amène à nous demander comment, pour le thérapeute, rester bienveillant sans être inquiétant ? Mais aussi, comment rester neutre en toutes circonstances, lorsque nous sommes amenés à entendre l’insupportable ?

23Et si le thérapeute aussi pouvait se sentir menacé ? Les patients AICS nous emmènent au plus proche de l’intime et viennent bousculer nos repères en matière de relations, de sexualité, mais aussi de clinique.

24Au cours des séances, le thérapeute peut être interpellé par un sentiment d’étonnement, voire d’étrangeté. Cela se produit notamment lorsque le patient nous prend à témoin de certains raisonnements via des métaphores ou des affirmations, comme ce patient qui dit à un thérapeute : « J’ai touché ma belle-fille pendant la nuit, comme je touche les seins de ma femme pendant qu’elle dort… Vous voyez ce que je veux dire… ». Un autre exemple vient de Monsieur Z. qui comparait les attouchements qu’il a commis au fait de brûler un feu rouge la nuit : « Pas vu pas pris, j’ai fait de mal à personne ». Nous nous interrogeons fréquemment en équipe sur la nature de ces moments de malaise, ces moments où nous sommes rendus complices d’une logique où le désir impose sa loi mais aussi où notre altérité est effacée. Après un instant de surprise, survient une perception de dissonance. Le repérer peut nous permettre d’identifier la source du malaise, de signifier la limite entre moi et l’autre, à condition de ne pas rester dans la sidération ou l’excitation.

25Cette sidération peut se produire lorsque le patient projette sur le thérapeute des caractéristiques de soi et rejoue vraisemblablement à son insu une forme d’abus, de transgression des limites moi / non-moi. Il nous impose sa logique, une logique déniant plus ou moins la réalité et qui nous paraît sonner faux sans qu’on puisse, de prime abord, dire pourquoi. La confusion dans laquelle il a été plongé, nous la revivons alors avec lui.

26Ces moments de confusion, ces effets de sidération, les matériaux crus déposés en séance par nos patients laissent des traces chez leur thérapeute. Identifier ces dépôts, parfois clandestins, en soi et réagir de façon adéquate n’est pas toujours simple. Comme le système immunitaire, si le corps étranger n’est pas détecté et identifié, la réaction adéquate ne peut s’enclencher. Ce n’est peut-être pas sans lien avec certains soucis de santé chez les thérapeutes : le burnout du professionnel pourrait-il faire écho à l’impuissance du patient face, par exemple, au débridement de sa pulsionnalité ?

27La relation transféro-contre-transférentielle peut nous renvoyer tantôt brutalement, tantôt insidieusement à notre propre intimité. Adopter une position de non-savoir où on se laisse instruire par un patient AICS implique des difficultés et des risques. Le fait est que la seule association libre du patient est peu opérante et qu’il y a à aménager quelque chose pour s’adapter à la singularité de chaque situation.

28Le dispositif psychanalytique suscitant la régression semble déclencher un mouvement d’emprise destiné à éviter un risque d’effondrement. Cette emprise peut devenir un outil de travail à condition de percevoir son empreinte et d’élaborer sa trace. De l’emprise à l’empreinte, le thérapeute aurait alors à se laisser prendre pour pouvoir se déprendre et « comprendre » (au sens étymologique : saisir ensemble) [12]. Dans ce processus, la capacité de perlaboration de l’équipe nous apparaît permettre cette ouverture constante aux processus primaires au sein de chaque thérapeute. Sans ce filet de sécurité tissé par les réunions, le thérapeute pourrait lui aussi réagir par des mouvements défensifs d’emprise ou de rejet massif.

29Le thérapeute peut s’abandonner (comme le patient) aux différents mouvements pulsionnels qui coexistent dans la séance. Mais sans se perdre. La fusion – la confusion font peur. C’est pourtant, de façon inévitable, sur l’espace contactuel intersubjectif que notre pratique thérapeutique s’appuie [13]. Benedetti fait de l’empathie un pivot essentiel de la réponse thérapeutique. Il définit ainsi l’empathie : « L’expérience de demeurer, sans confusion possible, soi-même, tout en découvrant des fragments semblables, et à un degré moindre, égaux, chez l’autre. Cette différence dans la ressemblance, cette altérité dans l’interpénétration, cette auto-identité dans la dualité constituent le mode fondamental de l’être homme et relèvent précisément de ce type d’expériences où l’acte d’identification à l’autre est dépourvu de l’angoisse – typiquement schizoïde – d’une perte de sa propre identité » [14]. Benedetti prolonge de cette manière les perspectives relatives à la technique psychanalytique proposées par Ferenczi.

30Lorsque la confusion est perçue, elle peut être renvoyée sous forme d’interrogations, d’étonnements, en gardant le passage à l’acte en toile de fond de notre pensée et en éveillant le patient au fait que ce qu’il dit se définit par des traces multiples et non par lui seul en tant que sujet. Si les matériaux renvoyés sont alors plus tolérables pour le patient, il peut reprendre ce qui lui appartient et voir ainsi bordés les contours de son sentiment d’identité. Parfois la confusion renvoie à des éléments contradictoires, clivés, que nous avons à accueillir, à entendre comme tels. La finalité serait d’aider le patient à appréhender ses affects, sa sensorialité, à relier ce qui a été dispersé et à favoriser une organisation/ une maîtrise plus créative et plus ludique des forces pulsionnelles inhérentes à chaque être humain.

31Une condition semble nécessaire à la réussite de ce processus, tout particulièrement dans notre clinique avec les AICS : que le thérapeute reste en contact avec les tensions (l’angoisse, la terreur, l’excitation…) et les chutes de tension (l’apathie, le vide,…) qui habitent le patient mais aussi lui-même. Certaines seront à apaiser, d’autres à exploiter [15].

III – Le dispositif groupal

32Dans le cadre de ce groupe constitué de dix patients, nous leur avons proposé de faire l’expérience d’un voyage sur une presqu’île. Partant du constat que leur manière d’appréhender le monde les a conduits à être en difficulté et qu’il y a peut-être d’autres chemins à explorer, nous les invitons dès lors « à quitter le continent l’espace d’une heure trente pour expérimenter sur la presqu’île, d’autres manières d’être eux, de s’y découvrir sans doute aussi un peu et oser se lancer vers des endroits inconnus ».

33Le seul média est celui de la parole, les règles sont celles de l’association libre, du respect du matériel et de chacun, de la présence au groupe, de la restitution et de l’engagement à rester au moins jusqu’à la fin du cycle entamé, même si leur contrainte judiciaire se termine plus tôt.

34Les thérapeutes partagent la conviction que cette expérience de groupe peut permettre d’acquérir une plus grande liberté intérieure, une expérimentation de l’écoute des mouvements inconscients qui circulent entre les participants et un apprentissage du respect des règles symboliques qui peuvent, comme le dit Anzieu [16], prémunir contre l’aveuglement ou l’aliénation.

35Par ailleurs, les participants sont prévenus que le rôle des thérapeutes, outre celui de garantir une forme de sécurité au groupe, est aussi celui d’une interprétation polyphasique, de voix multiples, chacun des thérapeutes de groupe pouvant s’énoncer à partir du processus inconscient auquel il a été le plus sensible. En ce sens, l’attention est portée à la fois sur ce qui se joue pour chacun et sur ce qui se joue pour le groupe, sorte de balancement ou de double attention à la dynamique transférentielle, qu’il s’agisse du transfert sur les thérapeutes, sur le groupe ou sur les participants.

36Ce cadre, cette enveloppe qui a été imaginée et construite afin de se présenter de manière suffisamment bonne, se révèle assez rapidement perçu par les patients comme « des signifiants énigmatiques » [17]. Ils renvoient des questions autour de l’abus que les thérapeutes pourraient leur faire subir. Malgré ce qui est énoncé, « ces thérapeutes ont sans doute une idée derrière la tête, ils attendent quelque chose des patients, cachent leurs intentions… » comme s’il y avait là une intrusion de la pensée par le fait même de l’énoncé de la règle [18], une sorte de reproduction d’une situation dans laquelle les thérapeutes seraient une sorte de parent sadique, qui dès lors suscite de la méfiance.

37Si comme le prétend Kaës [19], l’inconscient est structuré comme un groupe, il y a dès lors à se demander comment entendre ces phrases et leur permettre d’être mises à jour dans cette expérience de groupe, réactualisées dans les différents transferts.

38C’est sans doute en tant que pare-excitants que nous sommes d’emblée sollicités, sollicitation à laquelle nous répondons afin de sans doute mieux s’en défaire évitant, si possible, cette symbiose avec le cadre, cette indifférenciation sujet/objet qui peut être la résultante d’aspects du cadre proposé ressentis comme maternels et dès lors à nouveau angoissants.

39Nous allons tenter de vous faire entendre le fil associatif qui s’est déroulé au gré des séances, en essayant d’éviter de vous plonger totalement dans la confusion.

40« Quelque chose est arrivé, mais je ne m’en souviens pas, et pourtant tout est lié », dit un participant. Quelque-chose est arrivé aussi au sein du groupe. En effet, la proposition d’associer librement est sans aucun doute vécue comme passivante, comme induisant de la déliaison, comme les exposant « à la merci d’une avidité à entendre » : « Ma thérapeute, elle a entendu un truc et elle a sauté dessus, les yeux pétillants, comme un chien sur son os », dit un autre.

41Les thérapeutes leur font vraisemblablement ressentir à nouveau le mystérieux, la confusion liée à la « Chose » [20], revivre ce moment de trace perceptive, inaccessible et pourtant si présent. Si précieux mais également teinté d’ambivalence, d’incompréhension, de peur. Ils disent, profitant de l’absence du thérapeute homme : « Il y a des femmes abuseuses, cela existe, mais la justice ne s’y intéresse pas, la maternité donne tous les droits ». Ils parlent de la douleur d’être en contact avec cette part incompréhensible d’eux-mêmes. L’image utilisée est celle d’un oignon qui perdrait petit à petit des couches, mettant ainsi à nu des parts d’eux-mêmes qui, normalement, doivent être recouvertes, évitant ainsi d’être « à vif », d’être dans une forme de réel non symbolisable, de revivre, ce qui a déjà été vécu mais qui, à l’époque, ne pouvait être intégré [21], ne pouvait être pensé, sorte d’absence de langage d’avant le langage. Ils parlent ainsi de ce moment inconnu mais vécu qui semble déterminer leur manière d’être au monde, de se construire sur des traces non encore traduites et appartenant à une phase antérieure [22].

42Ils construisent, bricolent des concepts, tentant de noyer le poisson du ressenti dans une mer d’intellectualisation. « L’abus serait une manière inadéquate de recevoir et/ou donner de l’amour », disent-ils, comme une tentative de comprendre, de maîtriser ? La valeur de cette construction est interrogée au sein des réunions, sorte de théorie sexuelle, réification de la pulsion épistémophilique, en tout cas teintée, de cette emprise, de ce contrôle de l’objet inconnu.

43Apaisés un temps par cette construction, il faut attendre quelques séances et l’arrivée d’un « nouveau », d’un inconnu dans le groupe pour que tout s’écroule. Non seulement il est nouveau, mais en plus il se revendique différent, il n’a rien à voir avec eux, il dit être malade, devoir se soigner…sans doute cet inconnu vient-il révéler, derechef, l’inconnu en soi, cette part à traiter.

44Que faire au sein du groupe avec cette nouvelle partie, criante de différence…S’accommoder des silencieux était aisé, voire même relativement confortable, mais que faire d’un symptôme qui crie, qui fait du bruit, qui réveille la nuit ?

45Tout se complique effectivement et cette « illusion du même » se fissure, ils fournissent des exemples de vécus difficiles à cet égard, de moments durant lesquels cette différence, cette asymétrie leur pose question, les blesse, les renvoie à des sensations archaïques de mère qui a plein pouvoir sur son enfant, évoquant ce gardien de prison, dont on pense qu’il est là pour assurer une certaine forme de sécurité mais qui laisse les détenus se battre entre eux, permet un règlement de compte en laissant une porte de cellule ouverte. Cette situation les amène à revivre ce moment durant lequel ils auraient pu prétendre à un soin mais qui fût teinté de violence, d’inassimilables.

46Ce positionnement en tant que victime, en tant qu’abusé fait toucher du bout des mots le statut de la victime, et dès lors la question qui leur est renvoyée est celle de l’utilisation de cette victime. « On prend ce qui nous intéresse », dit un participant. Un autre dit : « On est comme une grenouille dans l’eau froide qui ne sent pas que l’eau se réchauffe petit à petit… et termine ébouillantée… » Nouveau débat dans le groupe ; il n’y a pas d’accord sur le terme d’objet qui est proposé pour le statut de la victime.

47« C’est plus compliqué que ça », dit un patient, « il y a un flou, en plus il y a « la Loi » mais elle est comme « à côté », tant que rien ne nous est signifié, il y a comme une impunité, c’est une loi à l’intérieur mais il y a aussi un consentement… » parce que, selon eux, la victime est à 90 % agissante. À ce consentement, est opposée, avec virulence la notion d’illusion. Décidément, difficile de cliver tous dans le même sens… et l’illusion groupale fait place à l’illusion du même. Le groupe ne fait plus « un », il faut tenter de raccrocher à l’idée que tout le monde est pareil, qu’une fusion reste toutefois possible.

48Pourtant, de l’indéfini du groupe et de cette sensation qu’ils ne sont qu’un, ils se découvrent différents : cette levée temporaire du clivage est perçue comme douloureuse et excessivement dangereuse. Ce clivage de la personnalité avait pour but, disait Ferenczi, de maintenir un état de tendresse antérieur. L’illusion défie la séparation, comme nous propose notre collègue espagnole « compenetrado : s’imprégner, gommer la différence ». Cela signifie également incorporer… se perdre dans son propre reflet, plonger dans le miroir déformant. Celui qui abolit les générations, qui ne renvoie pas une image claire de ce qui est ressenti mais celui qui est teinté de cette autre chose, de ce langage différent, de cette excitation non bordée, insaisissable. Ils disent également que les thérapeutes ne sont pas différents d’eux, qu’ils sont aussi des violeurs, des abuseurs en puissance, qu’ils peuvent également « péter les plombs » et passer la frontière, « décharger pour survivre » dit Ciavaldini [23].

49Ces luttes incessantes entre les questions liées à la séparation, à la passivation se rejouent sans relâche, profitant de chaque moment de flottement du cadre, comme ces cinq minutes durant lesquelles chacun fait la file pour venir régler sa séance, entrant dès lors dans des tentatives de transactions dans lesquelles le marchandage semble possible. La résurgence dans chaque interstice de cette sexualité infantile, des enjeux de la passivation, de la séparation n’ont de cesse de sidérer, de confronter à des éléments inanalysables, de provoquer une posture de méfiance, de réticence à l’associativité [24].

50Lorsqu’ils cherchent ce qui aurait pu éviter le passage à l’acte, ils évoquent tour à tour les images de la femme forte, de l’ange, de quelqu’un qui aurait pu entendre ces appels au secours pas vraiment formulés mais déjà présents. Cependant, une minorité continue à se taire. Est-ce là un signal ? L’un d’entre eux a déjà pu interpeller le groupe, disant : « Tout ça va trop vite, je n’y comprends rien, je ne suis pas assez malin pour ça ». Mais que pensent ceux qui ne disent rien ? Que veut nous signifier cet hémisphère silencieux ?

51Comment stimuler sans « violer leur intimité » ? Comment éviter une nouvelle intrusion ? Comment le soin peut-il éviter de se retrouver du côté de l’abus ? D’autant plus que les patients renvoient sans arrêt cette sensation d’être à la merci : « Il y a sans doute des caméras, des notes sont prises de tout ce qui se dit. Les thérapeutes font les naïfs mais savent très bien ce qui se passe. »

52Une phrase, une seule finira par émerger, elle invite à la prudence… : « Parler ça rend fou ! »

53Se taire pour éviter la folie alors qu’il est proposé de les soigner par la parole ? Il serait aisé d’affubler l’étiquette de réaction thérapeutique négative à une telle provocation. Quoi de plus remarquable en effet qu’un tel clivage du moi, quoi de plus évident que cette souffrance qui ne se dit pas et qui fait souffrir encore plus ? La tentative est dès lors d’intégrer ce nouvel élément comme une partie que chacun a vraisemblablement en soi : chacun n’est-il pas à risque de devenir fou ? Comment un individu peut-il se penser à la fois silencieux et à la fois parlant, à la fois abuseur et à la fois victime, à la fois féminin et masculin ?

54« Ce que l’homme craint le plus est donc la féminisation, la passivité, et être sous influence » [25]. C’est vraisemblablement à nouveau les notions de clivage, d’identification à l’agresseur et de retournement du but de la pulsion qui viennent s’immiscer dans cette porte ouverte à l’ambivalence, à la bisexualité psychique. Les patients rencontrés ont vraisemblablement dû se défendre de manière massive contre ce qu’ils ne parvenaient pas à nommer. Les thérapeutes sont témoins de ces défenses et doivent décoder ce qui leur est adressé en se proposant comme chambre d’écho, aussi inquiétant que cela puisse paraître. Comment nier, cependant, que chacun est aussi traversé et structuré par sa propre rencontre avec la sexualité et avec ceux qui leur ont fait passer le message. Cette confusion serait-elle commune à « chaque un » ?

55En tout cas, elle fait référence à la sexualité infantile, à l’élaboration des théories sexuelles infantiles des thérapeutes. Comme l’évoque Bokanowski [26], l’appareil théorique fonctionne en permanence sur deux registres : un registre théorique inconscient issu des propres théories sexuelles infantiles inconscientes et un registre théorique, plus conscient, acquis au gré de sa propre analyse. Quel enfant pulsionnel ce transfert envers les AICS vient-il convoquer ? C’est sans doute là qu’il y a perte de repères et tentatives de rester entiers, vivants et bienveillants.

56C’est dans ce mouvement de prise de contact avec l’archaïque que les thérapeutes sont attendus afin d’être à même de se proposer comme lieu d’adresse de la communication préverbale. Il y a, à entendre celle-ci, et à y répondre de manière suffisamment bonne, non sans avoir connaissance de toute une série de fantasmes que la situation vient générer, sans ignorer que malgré le travail personnel, les supervisions, intervisions, références à un tiers, les thérapeutes vont, malgré tout, se trouver dans cette place de l’adulte qui est toujours un séducteur et qui entraîne l’enfant, toujours séduit, à entrer dans la sexualité humaine. Le travail de traduction de cette situation de séduction généralisée demande une écoute de la double dimension du contre-transfert [27] ; une attention toute particulière à éviter ce qui ferait geste de séduction et viendrait réveiller une dimension érotique tout en se référant à une dimension plus esthétique, sensuelle, qui fait, elle, communication et qui joue un rôle déterminant dans cette relation enfant-adulte. Sorte de rencontre rejouée et cette fois sous-titrée, comme ces livres qu’on a de cesse de relire, y trouvant, chaque fois un éclairage nouveau, une tournure qui nous parle différemment et nous révèle quelque chose qui jusque-là était tapi en nous.

57Il est à ce niveau important de signaler que même si l’image thérapeute/patient et adulte/enfant est utilisée, nous sommes responsables d’éviter soigneusement toute situation qui viendrait explicitement induire sciemment le transfert et sans doute dès lors, battre en brèche le travail de dentelle que demande l’écoute de ce qui ne se dit pas, l’attention aux traces du pré-verbal dans la communication avec nos patients. C’est sur le cadre que le transfert opère.

58L’un des patients appelle cela « son champ sémantique », il semble y tenir précieusement et bien que contraint à être suivi, il formule une demande de thérapie qui s’apparente plus à ce que nous pouvons rencontrer dans une clinique dite plus généraliste. C’est la question de la souffrance qu’il a pu infliger qui le préoccupe, la part non-humaine en lui, la perturbante sensation d’être un monstre. « La vue de la tête de Méduse rend rigide d’effroi, change le spectateur en pierre », dit Freud [28]. S’agit-il de cette glaciation reprise par Ferenczi, d’un effroi qui empêche la pensée ou plutôt de cette rigidification/érection/consolation élaborée dans le même texte de Freud ? Deux voies de perlaboration différentes, deux chemins à repérer dans le rapport transféro-contre-transférentiel…

59L’interpellation de ce patient qui demande qu’on ne l’oblige pas à devenir fou et cette nouvelle confusion possible autour de la tête de Méduse ne sont à nouveau que des témoins de cette difficulté à appréhender sa propre altérité en tant que thérapeute et le désarroi devant lequel cela nous place.

60Cette réflexion nous enjoint à adopter ce positionnement proposé par Ciavaldini [29] cherchant par une réceptivité constante au système de la dynamique des affects (« média immédiat ») à activer la passivité du sujet, cette passivité qui permet de faire émerger les affects archaïques et d’atteindre la souffrance et la vérité du sujet. Ces affects sont sans doute issus d’une transmission dans le non-dit. Celle-ci évite la sensation d’être en proie à la passivation et active les défenses. On peut d’ailleurs se demander si de tels mécanismes n’ont pas été les facteurs de l’acte violent sexuel. Un positionnement qui serait une sorte de qualité d’être toujours en train d’être « confusionné » [30] car, en effet, reste la confusion…

61Cette confusion, les thérapeutes s’en défendent sans doute par leur propre quête de sens et cette tentative de maîtrise, d’emprise notamment en soumettant à la lecture, abusant de leur position pour plonger le lecteur dans le désarroi auquel les thérapeutes sont confrontés. Peut-être s’agit-il d’une sorte de tentative transitiviste de faire entendre l’inaudible, de faire ressentir l’impossible à ressentir, d’utiliser les lecteurs comme autant d’appareils psychiques différents et complémentaires pour tenter de complexifier et donc de s’approcher au plus près de la question…?

62Dans la suite, il sera question de ce travail de métabolisation en équipe, ces moments où les soignants se prêtent mutuellement leurs appareils à penser afin de tenter de transformer ce qui est cru en quelque chose de cuit selon la formule d’un des patients.

IV – L’espace de l’unité

63L’espace de l’unité s’incarne au travers de la réunion hebdomadaire d’une durée de deux heures, animée par le coordinateur de l’unité, en même temps responsable de l’équipe adulte.

64Différents mouvements se manifestent lors de ces échanges cliniques : le souhait de partager ce qui se passe dans les séances, la volonté de permettre une articulation entre groupes thérapeutiques et espaces individuels, le désir de prendre appui sur les autres thérapeutes et l’institution pour relancer le travail psychique ou border ce même travail.

65La réunion est à la fois le lieu du cadrage institutionnel, l’endroit où s’opère la mise en dialectique des différents types de prise en charge et un espace associatif de relance. Ce sont essentiellement ces deux derniers aspects qui seront abordés.

66La fonction du coordinateur sera de porter, de soutenir le désir qu’il y ait du travail psychique et de la mise en lien afin de lutter contre les clivages qui, nécessairement (s’)opèrent dans cette clinique. L’exercice de cette fonction empreinte d’idéalité constitue bien entendu une direction plus qu’une destination ; l’idée étant de favoriser un mouvement de symbolisation en appliquant un certain nombre de principes propres au travail analytique :

  • comme tout thérapeute, le coordinateur se prête comme objet pour le transfert et essaye de maintenir le champ transféro-contre-transférentiel ou l’écart entre la place qu’il occupe et la place qu’il reçoit dans la dynamique des transferts et des résistances des membres de l’équipe ;
  • comme dans les groupes thérapeutiques, il tente d’ouvrir une aire de jeu qui permette d’entendre la parole du sujet dans les événements de sa libre association et de maintenir en lui-même, en chacun et entre les thérapeutes une disposition d’écoute de ces paroles ;
  • il tente de maintenir un double silence de son désir et de son savoir pour être à l’écoute de ce qui s’énonce de commun dans les chaînes associatives groupales. Ce double silence est une tentative de nous laisser entendre, en tant que groupe de thérapeutes, ce qui se joue de la situation du sujet singulier dans le processus groupal et du processus groupal en tant que tel dans ses liens avec le processus de chaque individu.

67Car le groupe de thérapeutes que nous formons n’échappe pas aux figures de fonctionnement des groupes et lorsque nous nous réunissons, nous déplaçons sur nos collègues et sur le groupe ou l’institution, les pulsions qui ne peuvent pas s’exprimer dans l’espace des séances de groupes ou individuelles. Cela nous amène à penser que cette « confusion de langues » pourrait également se manifester dans l’espace de la réunion.

68En situation groupale, les thérapeutes, alimentés par les transferts qu’ils éprouvent et leurs mouvements contre-transférentiels, transfèrent sur leurs collègues leur propre organisation intrapsychique : ce que René Kaës qualifie d’intertransfert [31] ne peut être traité indépendamment des transferts et des contre-transferts puisqu’ils sont construits à partir des mêmes matériaux.

69Ainsi, l’équipe a traversé certaines difficultés lorsqu’un tandem de thérapeutes de groupe accepta, à la demande d’un participant et avec l’aval des autres, de modifier le cadre du groupe en le décalant d’un quart d’heure. Les thérapeutes, tous deux en partance pour une pause carrière, avaient marqué leur accord et estimé le processus de discussion au sein du groupe autour de ce changement de cadre pertinent pour le travail thérapeutique. Le changement avait été avalisé en séance même. Le besoin d’en discuter en équipe ne s’était pas fait sentir, ce qui avait été mal vécu par le reste de l’équipe. Les réunions de l’unité avaient été traversées par des émotions fortes mais rien n’en avait été explicité, laissant la possibilité de se dire au revoir sans s’encombrer d’ambivalences.

70Ce n’est qu’après le départ des collègues et suite à la construction du nouveau tandem de thérapeutes que la question resurgira : comment comprendre qu’un élément aussi fondamental du cadre ait été touché par le tumulte du départ et donc d’une fin de ce groupe-là ? Il nous semblait que le départ des collègues ou une différence de modèles ne pouvaient expliquer à eux seuls le mouvement qui s’était opéré au sein du groupe.

71Une autre hypothèse nous vient du travail de René Kaës au CEFFRAP [32]. Pour lui, ce qui est refoulé ou dénié chez les thérapeutes se transmet et se représente dans le groupe des participants et organise ce groupe de façon symétrique : ce qui demeure refoulé ou dénié fait l’objet d’une alliance inconsciente pour que les sujets d’un lien soient assurés de ne rien savoir de leurs propres désirs. Et le groupe s’organise à son insu pour renforcer les défenses des individus. Les résistances individuelles trouveraient ainsi appui sur les résistances groupales et le travail de liaison du groupe s’opposerait à tout effet d’analyse car l’appareillage groupal des psychés exige la fabrication d’un code et d’un sens communs qui ne s’accordent pas avec la libre association.

72En d’autres termes, ce qui est dénié dans le groupe thérapeutique se transmet et se représente dans le groupe de thérapeutes. La conflictualité mise à jour entre nous met en scène tout à la fois l’alliance inconsciente au sein du groupe thérapeutique à l’approche du départ des thérapeutes et les difficultés que nous avons à parler entre nous de ce que ce départ suscite. La conjonction simultanée du changement de cadre à la demande du patient et du départ imminent de nos collègues thérapeutes vient mettre en exergue l’emprise et le clivage comme mécanismes de défense face au dispositif de traitement suscitant le vécu d’une relation asymétrique et un risque de passivation, mais aussi face à tout événement potentiellement vécu comme traumatique (tel que cette rupture qui aurait pu évoquer un abandon ou un lâchage).

73Il semblerait qu’en miroir, il y ait une même difficulté à gérer des sentiments contraires qu’il s’agisse du groupe de thérapeutes ou du groupe de patients. Ainsi, les thérapeutes comme les patients connaissent le phénomène de la censure propre au sujet et les contraintes normatives des groupes.

74Le travail d’analyse sera alors de délier et de réarticuler par l’effet symboligène de la parole ce qui fait corps et ce qui fait groupe avec la position inconsciente du sujet. Le groupe exercera une fonction tantôt de tiers symboligène, tantôt de rêverie transformatrice et détoxifiante. C’est la transformation du cru en cuit dont il est question ci-dessus, mais aussi la condition pour que ce qui reste cru soit bordé. Ainsi, nous avons pu repérer que la colère que nous aurions pu attendre, légitimement, suite à cette séparation en cours d’année n’a pu s’exprimer dans aucun des espaces.

75Dans notre groupe comme dans les autres, nous assistons à l’irruption de transferts qui sont le lieu d’un double processus de diffraction et de connexion entre les objets du désir inconscient. Cela donne naissance à des enjeux qui se figurent dans la dynamique de nos échanges cliniques.

76Ainsi, il n’est pas rare d’observer de curieux moments d’excitation ou de confusion dans nos réunions cliniques. Tantôt cette situation qui nous conduit à rire et à exercer nos humours sur des modes cruels, lubriques et parfois douteux, tantôt cette autre présentation qui nous laisse sans voix, ou complètement confus, où nous avons presque tous compris « autre chose » que ce que notre collègue tente de nous « faire passer ». Lorsque devant l’exposé d’un suivi, le groupe se fracture en plusieurs morceaux aux vécus très différents ou lorsque les commentaires fusent sur le traitement réservé par un collègue à son patient, il n’est pas toujours aisé face à ces contenus, de soutenir un processus psychothérapeutique au sein des différents espaces.

77Alors que l’expression de certaines émotions a pu se trouver muselée par des mécanismes de déni, de clivage ou d’emprise (lorsque nos collègues sont sur le point de partir par exemple), il arrive également que les thérapeutes se questionnent sur ce qu’ils ont à partager dans l’unité. Il en va alors de l’intimité de chacun d’entre nous. Ainsi, une de nos collègues souhaite nous parler d’un patient qu’elle accompagne en individuel depuis un certain temps. Le manque de temps, d’autres priorités ou le peu d’insistance à en parler voient les semaines et les mois s’écouler avant que cela soit possible de présenter cette situation. Le patient semble glisser entre les mailles de la réunion d’équipe. Quand finalement, nous arrivons à en parler, notre collègue, très émue nous adresse une question : « Faut-il déjà opérer un filtrage du matériel ? Raffiner la matière pour la rendre utilisable en groupe ? »

78« J’ai le sentiment que les contenus des séances sont tellement crus qu’il faudrait vous les épargner. » Qu’en est-il de l’intimité du sujet qui se dépose dans ces séances mais aussi de celle du thérapeute ? Faut-il tout dire ? Ses émotions, ses représentations ne reflètent-elles pas tout autant la figure du sujet qui se dessine dans le cadre des séances que le fond personnel et intime du thérapeute.

79Celui qui dit, le dit avec ses mots ; le caractère cru et brutal des images et des mots déposés dans les séances individuelles gagnerait-il à être transformé pour pouvoir mieux penser ensemble ?

80Confronté à la difficulté de métaboliser un langage qui peut déborder le clinicien comme l’enfant l’a été par l’adulte, nous revenons à notre question de départ, celle de la traduction. Les éléments crus, la souffrance passionnelle de l’autre livrée « telle quelle » font effraction. Les mécanismes défensifs propres à la clinique du trauma s’actualisent dans la réunion de l’unité. Notre collègue craint de nous agresser en nous rapportant le contenu des séances et la culpabilité donne lieu à un repli sur soi, heureusement temporaire, le temps qu’elle parvienne à élaborer la question du « tout dire ».

81Si nous tenons notre raisonnement jusqu’au bout, il conviendrait, en groupe, de laisser libre court à nos associations, de ne s’embarrasser d’aucune transformation préalable, de laisser advenir un espace transitionnel entre nous à partir duquel le travail sur les transferts pourrait s’effectuer. Mais l’espace individuel est un lieu de transformation et de co-construction en l’absence réelle des autres groupes (le groupe thérapeutique et le groupe de thérapeutes), un colloque singulier où l’on peut progressivement se dire « en toute intimité ». Cette rencontre n’est possible que sous cette forme-là. Quand il faut échanger sur tout, n’y a-t-il pas un risque de nous sentir abusé en équipe et de répercuter quelque chose de cela auprès de nos patients ? Jusqu’où devrions-nous avoir nos collègues à l’esprit ?

82En guise de conclusion, notre travail sera donc nécessairement « entre-deux » ; entre la nécessité de faire communiquer les espaces pour permettre une élaboration à plusieurs en évitant d’évacuer le tiers afin de limiter le risque de séduction, d’incestuel, d’abus et de clivage, d’une part et le risque lié à l’imbrication de ces espaces, d’autre part. Une imbrication qui transformerait notre dispositif en une matriochka russe toute puissante où rien ne serait laissé de côté, où il faudrait tout dire, tout savoir et tout montrer. Perspective terrorisante tant pour les patients que pour les thérapeutes.

83Notre cadre de fonctionnement, celui d’une unité mandatée pour le soin sous contrainte, nous transporte régulièrement sur d’autres scènes moins internes mais très réelles où nous avons l’obligation de répondre dans la réalité pour limiter le risque de confusion qu’un tel dispositif « permet » ou « réactive ».

84Ceci souligne le caractère nécessairement « sur le fil » de cette clinique et la difficulté de faire émerger le monde interne de nos patients tout en tenant compte du dehors. Comment s’orienter à la lueur des étoiles du monde interne tout en s’aidant des instruments de navigation ? Nous avons fait le choix de proscrire le GPS ou le pilote automatique afin que cela reste un voyage intégré qui permette une maturation progressive, subjective et qui tienne compte du monde et de la vitalité pulsionnelle de chacun.

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Mots-clés éditeurs : séduction, censure, régression, traduction, emprise, confusion, clivage, dispositif, empreinte, contrainte

Mise en ligne 16/09/2016

https://doi.org/10.3917/cpc.047.0199

Notes

  • [*]
    Infirmier psychiatrique licencié en sciences de la famille et de la sexualité, psychothérapeute, La Lice Asbl, Service de santé mentale à l’ULB (Psycho Belliard Plaine)
  • [**]
    Psychologue, criminologue, psychothérapeute au service de santé mentale à l’ULB (Psycho Belliard Plaine)
  • [***]
    Psychologue, psychothérapeute, responsable de l’unité AICS au service de santé mentale à l’ULB (Psycho Belliard Plaine)
  • [1]
    Le CAB est une ASBL subventionnée par le SPF Justice. Elle intervient comme une interface entre la Justice et la Santé. Le CAB est notamment chargé de l’évaluation et de l’orientation des auteurs d’infraction à caractère sexuel vers l’équipe spécialisée la plus appropriée à sa guidance ou traitement. Actuellement, il n’y a pas de patientes femmes en cours de traitement au sein de notre unité.
  • [2]
    Le dossier qui nous est transmis par le CAB contient le(s) jugement(s) pertinents, le dernier rapport psychosocial (rédigé par une équipe intrapénitentiaire) et s’il échet, l’expertise psychiatrique réalisée à la demande du juge d’instruction.
  • [3]
    S. Freud (1913), « Le début du traitement », La technique psychanalytique, Paris : PUF, 1970, p. 70.
  • [4]
    S. Ferenczi, Confusion de langue entre les adultes et les enfants. Le langage de la tendresse et de la passion, Payot, Rivages, Paris, 1932.
  • [5]
    Ibid, p.38.
  • [6]
    Ibid, p.44.
  • [7]
    Ibid, p.46.
  • [8]
    Ibid, p.48.
  • [9]
    Ibid, p.44.
  • [10]
    Le Tribunal d’Application des Peines fixe les conditions encadrant toute mesure de libération anticipée : surveillance électronique, libération conditionnelle. Ces conditions comportent une série d’obligations et d’interdictions.
  • [11]
    L. Balestrière, « Transfert maternel, transfert paternel et origines de la vie psychique » in L. Balestrière (Ed), Défis de parole. Le questionnement d’une pratique, Louvain-La-Neuve : De Boeck Université, 1999.
  • [12]
    Du latin compre(he)ndere : « saisir ensemble, embrasser quelque chose, entourer quelque chose » ; d’où « saisir par l’intelligence, embrasser par la pensée ».
  • [13]
    L. Balestrière, « La féminité : vieux enjeux et nouveaux défis ». In Martens F. (Ed.), Psychanalyse, que reste-t-il de nos amours ? Bruxelles, Revue de l’Université de Bruxelles, 2000.
  • [14]
    G. Benedetti, Psychothérapie de la schizophrénie. Existence et transfert. France : Érès, 2010, p. 28.
  • [15]
    L. Balestrière, L’excitation, un vieux concept pour une « nouvelle pathologie ?, Filigrane, volume 7, numéro 1, 1998, pp. 81-87.
  • [16]
    Anzieu et Martin, La dynamique des groupes restreints, Paris : PUF, 1968, p. 154.
  • [17]
    J. Laplanche, « Vers la théorie de la séduction généralisée », Nouveaux fondements pour la psychanalyse, Paris : PUF, 1987, p. 125.
  • [18]
    S. Ferenczi, Réflexions sur le masochisme, Petite bibliothèque, Paris : Payot, 2012, p. 26.
  • [19]
    R. Kaës, L’appareil psychique groupal, Paris : Dunod, 1976, p. 19.
  • [20]
    I. Morin, Les mots et la chose, Psychanalyse. 2007/1, n°8, Paris : Eres, 2007.
  • [21]
    Sur le mode de la crainte de l’effondrement ?
  • [22]
    S. Freud, « Lettre 52 » (1896), Lettres à Wilhelm Fliess (1887-1904), Paris, PUF, 2015.
  • [23]
    A. Ciavaldini, Crime sexuel et situation anthropologique fondamentale, un objet de fascination pour la psyché, Revue Française de Psychanalyse, 2012/4, vol. 76, pp. 1103-1118.
  • [24]
    A. Ciavaldini, Passivation et mobilisation des affects dans la pratique analytique avec le délinquant sexuel, Revue Française de Psychanalyse, LXIII, III, 5, 1999, p 1775-1783.
  • [25]
    L. Balestrière, « La féminité : vieux enjeux et nouveaux défis » in Martens F. (Ed), Psychanalyse, que reste-t-il de nos amours ?, Bruxelles : Revue de l’Université de Bruxelles, 2000, p. 160.
  • [26]
    T. Bokanowski, De la pratique analytique, Paris : PUF, 1998.
  • [27]
    J. Godfrind, Les deux courants du contre-transfert, Paris : PUF, 1993.
  • [28]
    S. Freud, « La tête de Méduse », Résultats, idées, problèmes 2, Paris : PUF, 1922.
  • [29]
    A. Ciavaldini, Passivation et mobilisation des affects dans la pratique analytique avec le délinquant sexuel, Revue Française de Psychanalyse, LXIII, III, 5, 1999, pp. 1781-1782.
  • [30]
    Pour paraphraser Winnicott au sujet de la qualité de l’objet « toujours en train d’être détruit ».
  • [31]
    R. Kaës, « L’intertransfert et l’interprétation dans le travail psychanalytique groupal », in Kaës R., Missenard A. et al., Le travail psychanalytique dans les groupes. 2 : Les voies de l’élaboration, Paris : Dunod, 1982, pp. 103-177.
  • [32]
    Cercle d’Études Françaises pour la Formation et la Recherche - Approche Psychanalytique du groupe, du psychodrame, de l’institution, fondé en 1962 et dissout le 23 mars 2014.
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