Couverture de CPC_037

Article de revue

La parentalité dans un couple lesbien : enjeux et questionnements

Pages 201 à 229

Notes

  • [1]
    Professeur en psychologie clinique, Université de Liège. Psychanalyste, Société Belge de Psychanalyse.
  • [2]
    Maître de conférences en psychologie sociale, Université de Bretagne Occidentale.
  • [3]
    La notion de « roman familial » est développée par K. Corbett (2003) en prolongement de la théorie freudienne. Selon lui, la construction du roman familial constitue un des aspects du devenir d’une famille puisque « les romans familiaux sont racontés par les parents ou entre les parents et les enfants à des fins d’attachement » (p 199).
  • [4]
    Dans cet article, nous nous contenterons de présenter la méthode quantitative utilisée car elle est rarement d’usage dans les recherches en psychologie clinique.
  • [5]
    La version professionnelle 2009 du logiciel a été utilisée.

Introduction

1Les nouvelles techniques de Procréation Médicalement Assistée (PMA) ainsi que l’évolution des mœurs ont fait émerger de nouveaux modes de parentalité, parmi lesquels celui des homosexuels revendiquant un « droit à l’enfant ». Elles ont ainsi conduit à un éclatement des dimensions (biologique, légale et sociale) de la fonction paternelle et maternelle. Cette situation de fait a son pendant scientifique. Les travaux sur l’homoparentalité ne peuvent parvenir à analyser ce phénomène de modernité sociale que s’ils arrivent à dépasser les frontières disciplinaires habituelles et à renouveler les questionnements féconds sur la parentalité à partir de plusieurs sources mêlant la sociologie, le droit, l’anthropologie, la science politique, la psychologie clinique, la psychanalyse.

2Les Anglo-saxons sont les premiers à avoir abordé ce terrain de recherche. Les premières études en psychologie dans les années 1970, essentiellement empiriques, portent sur les parents gays ou lesbiens et leurs enfants, avec, en arrière-plan, l’inquiétude des magistrats et travailleurs sociaux sur l’éducation et le développement affectif de ces enfants. Ces très nombreuses études, parfois à caractère longitudinal (comme la fameuse étude de F. Tasker et S. Golombok en Angleterre, 2002), qui visent à cerner d’éventuels problèmes d’identité et d’orientation sexuelles, de développement émotionnel et intellectuel, de relations sociales des enfants avec leurs pairs, de risques d’abus sexuels (du fait de l’amalgame entre homosexualité et pédophilie), n’ont relevé aucune différence fondamentale entre les enfants élevés par des parents homosexuels et ceux élevés par des parents hétérosexuels.

3Dans la recherche anglo-saxonne on assiste plus récemment à deux évolutions. D’une part, le succès très important des « gender studies », notamment aux États-Unis, a permis de déconstruire les catégories traditionnelles de pensée des différences sexuelles dans notre société (Butler, 1990, 1997) et donc de considérer sous un nouveau jour la parentalité homosexuelle. D’autre part, plusieurs auteurs, s’inspirant souvent du travail psychothérapeutique, d’orientation essentiellement systémique ou psychanalytique avec des membres de familles homoparentales, ont renouvelé les analyses sur le phénomène de l’homoparentalité dans les sociétés modernes (Friedman, 2007 ; Smolen, 2009). Il est intéressant en tout cas de noter qu’aux États-Unis, depuis une quinzaine d’années, est apparu un nombre important d’ouvrages collectifs et d’articles scientifiques qui se donnent comme objectif de traiter diverses questions liées à l’homoparentalité sous l’éclairage psychanalytique.

4En milieu francophone, force est de constater que les sociologues de la famille et les anthropologues se sont davantage intéressés à la question de l’homoparentalité que les psychologues. Par contre, les psychanalystes se sont investis dans le débat public sur l’homoparentalité mais en soutenant des positions très contrastées. D. Mehl (2006) a déjà esquissé un historique de ce débat qui a été inauguré à l’occasion de l’institution du Pacs en France et qui a été d’abord alimenté par des arguments en défaveur de l’homoparentalité, le plus souvent puisés au sein de la théorie lacanienne. Critiques de cette interprétation lacanienne de l’homoparentalité, quelques psychanalystes et anthropologues ont pris des positions plus ouvertes sur l’homoparentalité, contestant notamment le fait que le symbolique se situe dans le réel (à travers l’accent mis sur la matérialité du père) et que la théorie pouvait nier une modernité de mieux en mieux acceptée socialement.

5En France, il existe peu de recherches de psychologie clinique sur le sujet à part quelques rares textes dans les revues Le divan familial (2003), Dialogue (2006) et Le Bulletin Freudien (2009). Les travaux publiés plus récemment sur l’homoparentalité trouvent principalement deux sources d’inspiration : les apports de l’anthropologie contemporaine (notamment les écrits de M. Godelier, 2004) et les données récoltées sur le terrain clinique par des sociologues et des cliniciens (Gratton, 2008 ; Théry 2005 ; Descoutures 2006 ; Ducousso-Lacaze, 2006). Ces travaux d’origines disciplinaires diverses (anthropologique, sociologique et clinique psychanalytique) se rejoignent sur l’importance accordée à la fonction structurante du fantasme et à l’imaginaire (et sa prévalence sur la dimension symbolique, telle qu’elle a été mise en avant essentiellement par les auteurs lacaniens).
Au total, ces deux traditions intellectuelles anglo-saxonnes et francophones, souvent indépendantes ou mal renseignées l’une sur l’autre, finissent par se faire écho dans leur renouvellement des analyses sur l’homoparentalité. Notamment, les travaux francophones rejoignent les analyses de certains psychanalystes anglo-saxons sur les constructions imaginaires des parents et des enfants de familles homoparentales. Dans cet article nous aurons recours à ces analyses de l’imaginaire. Mais nous reprendrons également le concept de « roman familial » principalement utilisé par les auteurs anglo-saxons. K. Corbett (2003) [3] notamment a utilisé le concept de « roman familial » comme un des principaux moteurs dans son travail thérapeutique avec des familles homoparentales. C’est à partir de ce « roman familial » commun construit au sein de la famille que l’enfant pourra avoir accès à un objet interne qui puisse être structurant pour lui. D. Ehrensaft (2000) également, après avoir étudié les fantasmes concernant le père dans les familles issues du recours à l’IAD, a démontré que l’introduction du donneur dans la constitution de la famille active une construction et destruction de la figure paternelle : qu’il soit loué ou dénigré, le donneur peut jouer un rôle important dans le monde interne de l’enfant et dans sa construction identitaire.
Ce sont donc ces principales sources de données bibliographiques qui ont permis de construire le cadre théorique de la recherche. Cet article présente d’abord les axes de réflexion de notre recherche, puis présente les résultats de la recherche avant de conclure par une discussion de synthèse.

Notre recherche

6Il nous est paru intéressant, sur base de ces travaux, de prolonger la recherche sur l’homoparentalité en privilégiant la piste de l’impact de l’imaginaire sur la structuration des liens familiaux. En développant notre intérêt pour la question de l’homoparentalité en tant que paradigme heuristique des modifications rapides qui affectent la famille traditionnelle, nous nous sommes orientées vers l’élaboration d’un projet de recherche sur les représentations de la fonction parentale chez les couples lesbiens demandeurs d’IAD. Notre approche s’appuie sur une collaboration interdisciplinaire qui vise à faire varier les angles d’analyse de ce phénomène.

L’échantillon et la méthodologie d’analyse

7Le recueil d’entretiens s’est déroulé pendant deux ans et demi environ (printemps 2007 – automne 2009) au sein d’un service de Procréation Médicalement Assistée dans un hôpital belge, selon le cadre méthodologique suivant : une des chercheuses a assisté en tant qu’observatrice aux entretiens menés par les deux psychologues du service avec des couples lesbiens demandant une IAD. Suite à ces entretiens psychologiques, elle a rencontré exclusivement les couples qui ont donné leur accord et qui ont reçu l’approbation de l’hôpital pour commencer les démarches. Notre recherche prévoyait deux rencontres avec chaque couple : la première entrevue avait lieu avant l’insémination et se composait d’un test projectif (TAT) de chaque partenaire du couple, suivi d’un entretien semi-structuré avec les deux membres du couple basé sur une grille thématique préétablie. Dans le cadre de la seconde rencontre qui avait lieu après l’insémination, la chercheuse proposait un test systémique (blason de couple) suivi d’un entretien libre qui avait comme objectif de recueillir leur vécu de cette insémination mais aussi l’évolution du projet d’enfant au sein du couple. Ces entretiens ont été alors minutieusement retranscrits.

8Vu la législation très restrictive en France en matière d’IAD, la plupart des femmes que nous avons rencontrées (32 couples) venaient de France. Leur appartenance socio-culturelle et économique est très diversifiée. Ainsi nous avons pu éviter l’écueil habituel auquel se sont confrontés les chercheurs : afin de rencontrer des sujets concernés par la question de l’homoparentalité, ils sont très souvent amenés à collaborer avec des membres d’associations de parents homosexuels, ce qui peut constituer, à terme, un biais important concernant les données obtenues.

9L’analyse de l’ensemble des entretiens retranscrits a comporté un volet qualitatif suivi d’un volet plus quantitatif au moyen d’une analyse textuelle assistée par ordinateur. Dans un premier temps nous avons procédé à une analyse longitudinale des entretiens que nous pouvions progressivement avoir à notre disposition. Ainsi nous avons analysé en profondeur dans l’espace d’un an environ les entretiens d’une dizaine de couples. Cette analyse clinique s’appuie sur une analyse de l’énonciation (le « comment c’est dit » : intonations, lapsus, récurrences,…) mais aussi sur une analyse de contenu (« ce qui est dit »), ce qui nous permet de la qualifier de psychodynamique/psychanalytique, c’est-à-dire basée sur l’analyse des défenses, des processus inconscients permettant de dégager des scénarios fantasmatiques dans les narrations des personnes interviewées.

10Dans un deuxième temps qui coïncidait avec la retranscription de l’ensemble des entretiens, nous avons soumis ce matériel à une analyse textuelle en choisissant le logiciel ALCESTE (Analyse de Lexèmes Coocurrents dans les Enoncés Simples d’un Texte, développé par Max Reinert à partir des années 1980 ; e.g. Reinert, 1986, 1992, 1993, 1997). Ce logiciel a ainsi été utilisé de manière complémentaire afin de confronter deux types de résultats et d’observations. En effet, il nous a semblé pertinent d’aller au-delà de notre lecture clinique du matériel et au-delà de nos hypothèses initiales, afin d’explorer des contenus mis en valeur par le logiciel d’analyse. Cette démarche renforçait la dimension interdisciplinaire de la recherche.

11L’intérêt de l’utilisation de ce logiciel est double : il rend possible le traitement de la totalité d’un corpus de taille importante comme le nôtre, et il effectue une lecture du corpus qui vise l’identification des types de discours et de leur organisation. En ce sens, et à l’aide de calculs mathématiques et d’outils statistiques, il fournit une mesure « objective » de contenus présents dans le corpus. Cependant, il est important de préciser ici que « les calculs informatiques ne veulent rien dire en soi » (Ansermet et al., 2006) et il est indispensable d’avoir une compréhension approfondie de l’entretien avant d’émettre des hypothèses sur ces éléments « statistiques », ce qui fut possible pour nous puisque nous avions abordé notre matériel à travers l’analyse des cas. Il nous semble utile de développer la démarche mise en œuvre par ce logiciel et ses apports, avant de préciser nos objectifs et les orientations théoriques de notre recherche. [4]
Créé par Max Reinert (1986, 1992, 1993, 1997), le logiciel Alceste est très souvent utilisé en France pour traiter des matériaux textuels (tels qu’entretiens, articles de presse, questions ouvertes, etc.) en sciences humaines et sociales. Appartenant au courant de l’analyse textuelle, il s’inspire de la socio-linguistique ; il effectue alors des traitements automatiques requérant l’intervention minimale du chercheur, et il met en œuvre des procédés mathématiques qui contribuent à identifier des types de discours et les variables y étant associées (Jenny, 1997). Plus précisément, le logiciel s’appuie sur des outils automatiques qui procèdent au découpage du corpus en fragments de texte (unités de contexte), à l’identification de mots et à leur lemmatisation (lexèmes), et à la classification de ces fragments en fonction des lexèmes qu’ils incluent. Le logiciel fournit alors des classes regroupant des fragments de corpus qui diffèrent relativement à la distribution du vocabulaire, et il indique leur organisation (via une classification descendante hiérarchique, C.D.H.). Ces classes correspondent à des « mondes lexicaux » selon la théorie de Reinert (1992, 1993, 1997). Il s’agit d’univers référentiels que les individus empruntent, autrement dit « des lieux où un sujet construit ses objets de représentations » (Reinert, 1992, p. 168). Enfin, il est important de souligner ici qu’en raison des procédures automatisées mises en œuvre par le logiciel, l’analyse (par le logiciel) et l’interprétation (par le chercheur) constituent deux étapes clairement distinctes. Cette séparation des tâches habituellement menées par le chercheur, le rôle minimal de celui-ci pendant l’analyse, et les outils mathématiques et statistiques utilisés par le logiciel pendant l’analyse sont censés garantir la solidité et l’objectivité des résultats obtenus avant interprétation.

Principales orientations de l’analyse du matériel

12À travers les différents thèmes abordés lors des entretiens, nous avons essayé de mieux cerner certaines thématiques telles que l’identification à l’imago maternelle et paternelle, les liens entretenus dans la réalité avec l’entourage familial, la place octroyée à l’homme dans l’imaginaire ainsi que dans la réalité, l’élaboration d’un projet parental sur base d’un « roman familial » que les femmes interviewées se sont construit et qu’elles sont amenées à reconstruire vis-à-vis de l’enfant à venir, le devenir psychosexuel de chacune des partenaires ainsi que l’histoire de leur couple, leurs motivations pour recourir à l’IAD, le vécu émotionnel et fantasmatique de l’IAD. Ainsi notre objectif initial de recherche (exploration des représentations de la fonction parentale) s’est affiné et s’est orienté vers une direction plus précise : l’étude du processus psychique à travers lequel les partenaires d’un couple lesbien accèdent à la parentalité, en lien avec leur histoire personnelle et familiale et avec la dynamique établie dans leur couple.

13L’analyse longitudinale des premiers entretiens nous a permis assez rapidement de découvrir l’importance de deux thèmes suivants : celle de la place attribuée au donneur des gamètes et celle du processus à travers lequel l’attribution des places de la mère sociale et de la mère biologique s’effectue dans le couple. Ces deux thématiques nous ont semblé très heuristiques pour une réflexion métapsychologique que nous avions développée autour de deux axes : la notion du tiers et le concept de la bisexualité psychique en tant qu’éléments centraux du travail psychique qui soutient le processus d’accès de femmes homosexuelles à la parentalité (Naziri, 2010 ; Feld, 2010).

14Dans la présentation des données qui suit, nous allons privilégier la problématique que nous avons développée autour du premier axe, à savoir le paradoxe à travers lequel la(les) figure(es) du tiers est (sont) présente dans le discours des femmes ayant décidé de devenir parents par IAD au sein d’un couple homosexuel. Notre choix est surtout motivé par la constatation que l’analyse transversale effectuée par le logiciel sur l’ensemble du corpus a révélé l’importance de l’hypothèse relative au tiers que nous avions déjà esquissée lors de l’analyse longitudinale de certains des entretiens.

15Cette même analyse par logiciel par contre n’a pas apporté une évidence particulière concernant notre questionnement autour de l’activation de la bisexualité psychique chez les partenaires du couple lesbien confrontées à la nécessité de déterminer laquelle de deux va être la mère biologique de l’enfant à venir. Cette constatation n’était pas étonnante pour nous car l’exploration de la question de la bisexualité s’est surtout basée sur la mise en avant des éléments latents, porteurs d’une dynamique inconsciente, du discours des femmes (alors qu’un logiciel ne peut explorer que le contenu manifeste d’un discours) ainsi que des données issues de l’analyse du test projectif du TAT. Notre réflexion sur les modifications psychiques induites par le projet de famille et l’IAD, dans le couple lesbien, s’est développée par ailleurs autour de la rencontre avec un cas de figure particulier parmi la diversité de situations possibles, celui où la partenaire « masculine » réfractaire initialement à l’expérience de la grossesse va devenir finalement la mère biologique et sera donc amenée par ce choix à réélaborer partiellement ses identifications bisexuelles.
Nous allons par la suite présenter les principaux thèmes issus de l’analyse par logiciel et les associer à certaines vignettes cliniques. Le recours à l’illustration par des vignettes, même s’il ne peut pas être étendu dans le cadre de cet article à des aspects plus psychodynamiques (tels que la problématique d’identification aux imagos parentales), nous permet de bénéficier des apports de l’approche clinique et de saisir ainsi la richesse et la complexité avec laquelle les différents thèmes de cette étude s’articulent au sein d’une situation concrète, issue de la réalité des personnes concernées.

Résultats – Analyse par logiciel et articulation avec des vignettes cliniques

16Cette partie de l’article présente les résultats obtenus à travers l’analyse de la totalité du corpus au moyen du logiciel ALCESTE. Ils sont suivis de vignettes cliniques qui viennent les compléter et apporter un éclairage supplémentaire.

Un aperçu des résultats obtenus avec ALCESTE

17L’analyse ALCESTE [5] que nous avons retenue (selon des critères statistiques et techniques et selon la cohérence des contenus identifiés) fournit six classes de corpus. L’arbre hiérarchique (C.D.H.) délivré par le logiciel permet une première connaissance des classes identifiées et de leurs articulations (figure 1).

Figure 1

Classification Descendante Hiérarchique fournie par Alceste

Figure 1

Classification Descendante Hiérarchique fournie par Alceste

18La C.D.H. montre que les classes obtenues se répartissent en deux réseaux :

  • Le premier réseau explique la majeure partie du corpus (61,6%) et réunit quatre classes : les classes 6, 4, 3 et 1. L’interprétation que nous avons effectuée à l’aide des résultats fournis par ALCESTE nous laisse penser que les thématiques abordées dans ces classes concernent successivement « le désir d’enfant dans le couple homosexuel » (classe 6), « la transmission de valeurs à l’enfant et les valeurs partagées dans le couple » (classe 4), « le projet familial en lien avec la place de chacune des mères et la place du donneur » (classe 3), et « les relations évoquées avec les membres de la famille d’origine » (classe 1).
  • Le second réseau, qui s’oppose au précédent, explique le reste du corpus (38,4%) et réunit deux classes : les classes 2 et 5. L’interprétation des résultats nous laisse penser que les thématiques contenues dans celles-ci portent successivement sur « l’impact psychologique de l’IAD » (classe 2) et sur l’« entretien avec le psychologue » (classe 5).
Parmi ces thématiques très riches, dans le cadre du présent article nous choisissons de développer celles qui sont abordées dans trois classes : les thématiques liées au « projet familial en lien avec la place de chacune des mères et la place du donneur » (classe 3), celles qui concernent « le désir d’enfant dans le couple homosexuel » (classe 6), et enfin celles qui portent sur « l’impact psychologique de l’IAD » (classe 2).

19Ces thématiques se trouvent directement en lien avec les objectifs de cette recherche. Notamment, elles permettent d’étayer la question de l’élaboration du projet familial, la place de l’homme dans ce projet, et le vécu de l’IAD. Dans ce sens, elles étayent la problématique de la place du tiers. Les éléments contenus dans les trois autres classes, soit se prêtent à une articulation avec le caractère clinique et psychodynamique de cette recherche, soit se réfèrent principalement sur des indices factuels.

Articulation des classes thématiques et des vignettes cliniques

Classe 6- « Le désir d’enfant dans le couple homosexuel »

20Dans cette classe, il apparaît que le couple se sent prêt à avoir un enfant et que ce désir ou ce projet d’enfant a mûri au sein d’un couple spécifique, solide, qui construit un projet familial, et qui reçoit éventuellement l’appui de l’entourage. Pour certaines interviewées, ce désir d’enfant a aussi pu exister sur un plan individuel indépendamment du couple, même si ces femmes pensaient que ce désir n’était pas réalisable. Ce désir se concrétise alors pleinement dans un couple spécifique. Dans cette classe les interviewées utilisent beaucoup le pronom personnel « nous », ce qui appuie l’idée d’un projet commun par les couples de femmes.

21Parallèlement à ces thématiques, les interviewées développent les questions liées à leur orientation homosexuelle, en effectuant le récit de leur identité sexuelle et de leur parcours dans les relations hétérosexuelle et homosexuelle. Cependant, cette préoccupation n’est pas indépendante du désir d’enfant : en se focalisant sur le projet familial, les interviewées cherchent la ressemblance au couple hétérosexuel et affirment la proximité du couple lesbien et du couple hétérosexuel qui décide d’avoir un enfant. Dans ce discours, les interviewées considèrent le futur bébé comme le produit du couple, d’un couple de femmes qui s’aiment, mais qui a toutefois besoin d’homme pour se réaliser. La place de l’homme est également examinée : ces femmes parlent du donneur et envisagent la fonction paternelle qui peut être assumée par certains hommes. Il apparaît que la coparentalité ou le recours à un donneur connu avaient été envisagées puis écartées par les interviewées. En effet, la coparentalité est rejetée en raison du rôle imprécis du père biologique sous-entendant la nécessaire relation entre le père et l’enfant.
Enfin, dans cette classe, les interviewées abordent l’importance de l’entourage : elles affirment avoir un entourage, non exclusivement constitué d’homosexuels, entourage diversifié qui soutient leur projet d’enfant.

Vignette clinique : Nadia et Claire

22Nadia et Claire forment un couple qui donne une impression assez lisse à leur interlocuteur, chercheuse ou psychologue de l’hôpital : tout va bien, tout est normal, sans vague… Dès le début, elles dégagent une impression de complicité qui s’apparenterait à une complicité entre sœurs. Claire (37 ans) prendra plus facilement la parole que Nadia (34 ans) qui semble plus renfermée et défensive. Elles sont ensemble depuis 8 ans.

23Dans le cadre du premier entretien, elles racontent d’abord comment elles ont eu recours à l’IAD. Avant de formuler leur demande pour une IAD à l’hôpital belge, Claire et Nadia avaient entamé en France pendant deux ans une démarche d’adoption qui fût finalement arrêtée quand l’organisme d’adoption avait découvert que Claire, qui avait initié la démarche en se présentant comme célibataire, vivait en couple lesbien. Claire nous parlera longuement de ses rencontres successives avec deux psychiatres différents : le premier avait rédigé un rapport négatif stipulant son immaturité pour devenir mère, alors que le deuxième s’était prononcé de façon très positive.

24Toutes les deux partagent un désir très fort d’avoir un enfant mais aucune d’entre elles n’éprouvait initialement le désir d’être enceinte. Claire, qui a eu très tôt dans sa vie conscience de son homosexualité, se demande même si ce manque de désir de grossesse est normal. Quant à Nadia, qui n’a eu aucune relation amoureuse avant Claire, elle a vu son désir d’enfant apparaître au sein de cette relation. Cependant, entamer cette relation et reconnaître ainsi son homosexualité l’a confrontée à beaucoup de questions : « je me sentais réellement troublée ». Lorsque le projet d’adoption s’est trouvé remis en cause, elle a accepté de porter l’enfant.

25Suite à l’échec du projet d’adoption, elles avaient d’abord envisagé de chercher un donneur connu parmi leurs amis : d’abord un ami hétérosexuel et ensuite un ami homosexuel. Elles ont abandonné le deuxième projet en pensant : « on l’a pas fait parce que lui, en fait, il est en couple mais des fois, il l’est plus, des fois, il l’est moins. C’est pas fixe, ni stable et ce n’est pas facile pour lui ! Puis, deuxièmement, ça ne deviendrait plus notre meilleur ami qu’on aime bien… ça deviendrait le père de notre enfant et on ne le voyait plus pareil, en fait ! ».

26Nadia et Claire semblent très attachées à leur milieu familial et accordent beaucoup d’importance aux éléments communs de fonctionnement des deux familles. Elles insistent de nombreuses fois sur le fait qu’elles ont eu la même éducation, reçu les mêmes valeurs, qu’elles veulent par ailleurs retransmettre à leur enfant. En effet, Claire explique que leurs parents se côtoient régulièrement, même en dehors de leur présence.

27Claire appartient à une grande famille, elle a deux demi-frères et trois demi-sœurs qui sont issus du premier mariage de son père. Elle est le seul enfant de l’union de son père et de sa mère. Elle répète avec fierté qu’elle a une grande famille et décrit son enfance comme « une super enfance » où elle « n’a jamais eu de soucis ». La figure de son père transparaît à divers moments dans son discours (ainsi qu’à celui de Nadia), ce qui nous laisse supposer une idéalisation importante. De plus, le couple de ses parents est représenté comme un « couple modèle ».

28De son côté, Nadia a un frère et une sœur plus âgés qu’elle. Son frère a deux enfants et sa sœur est célibataire. Nadia est devenue beaucoup plus proche de sa mère ces dernières années. En ce qui concerne la relation avec son père, Nadia décrit des rapports plus distants notamment lorsqu’elle était adolescente mais elle reste en général peu loquace sur ce sujet.

29Nadia et Claire décrivent par ailleurs leur rencontre et la constitution de leur couple dans un mouvement d’idéalisation. Cela fait vingt ans qu’elles se connaissent, leur amitié s’est petit à petit transformée en un ensemble de sentiments plus intenses. Dans ce contexte le projet d’enfant apparaît comme l’aboutissement du parcours de leur couple : « on n’imagine plus rien sans cet enfant et c’est la seule chose qui nous manque ». Elles semblent très attachées à la norme que représente le fait d’avoir un enfant en tant que couple : « avoir un enfant, c’est le schéma standard ! ». Elles insistent particulièrement sur l’importance du « nous », s’expriment beaucoup plus rarement en « je » et elles mettent beaucoup moins en avant leur trajectoire personnelle. Elles parlent peu du donneur mais beaucoup plus de l’enfant qu’elles se représentent comme étant un « mix d’elles deux ». Lorsqu’on demande leur avis sur les motivations des donneurs anonymes, on perçoit une réponse comportant de nouveau de l’idéalisation : c’est un généreux donneur qui est sensible à la souffrance des couples qui ne peuvent pas avoir d’enfant.
Lors du second entretien (qui a lieu après la seconde tentative d’insémination), on apprend que la gynécologue qui les a reçues a proposé à Claire de faire l’injection elle-même, ce qui semble les avoir fort surprises (Nadia : « c’est elle – Claire – qui m’aurait mise enceinte quoi, entre guillemets », Claire : « entre guillemets hein ! »). Si le vécu de l’échec de la première tentative d’insémination avait provoqué de la déception elles éprouvent moins de colère que lors de l’échec de l’adoption. Claire ajoute avec confiance : « on connaît plein de monde qui a des difficultés à avoir des enfants ! ». De son côté, Nadia peut reconnaître que tomber enceinte est devenu une obsession pour elle. Ainsi, Nadia a l’air de s’approprier progressivement le désir de grossesse alors que Claire se montre particulièrement inquiète de l’impact du traitement hormonal sur le corps de sa compagne.
Par ailleurs, lors du second entretien, Claire parle pour la première fois du poids que peut représenter la famille et se montre sensible à préserver un espace pour le couple : « Je crois qu’au départ, quand… quand elle va accoucher… ce moment il est court… il est très court et on a envie de le prolonger à deux ».

Classe 3 – le projet familial : la place des mères et la place du donneur

30Il s’agit d’une classe très riche sur le plan des thématiques contenues. On y découvre surtout la place des mères et en particulier celle de la mère sociale par rapport à l’enfant. Cette classe permet d’aborder la participation et l’implication des mères dans le projet d’enfant, en développant ainsi la question de l’exercice de la fonction maternelle et /ou de la fonction paternelle. Certains extraits laissent penser qu’il est difficile pour la mère sociale de trouver sa place, dans la mesure où il y aurait une relation fusionnelle entre la mère biologique et l’enfant. La désignation des deux mères fait également partie de cette même difficulté de trouver sa place : en effet, les interviewées se posent la question des noms que l’enfant utilisera pour les appeler. Les extraits des mères biologiques laissent apparaître l’idée de leur lucidité quant à la difficulté de la mère sociale de trouver sa place et montrent qu’il y a une envie commune de construire un rapport égal à l’enfant.

31Ces préoccupations rejoignent sur un niveau plus sociétal la question de la reconnaissance de la mère sociale, de sa protection et de la protection de l’enfant dans la structure familiale. En effet, de nombreux extraits trahissent la préoccupation autour du statut non reconnu de la mère sociale et de l’absence de droits relatifs à l’enfant. Ces extraits nous laissent penser qu’il est important pour les mères sociales de jouir de cette reconnaissance sociale pour avoir l’impression d’exercer pleinement leur autorité parentale aux yeux de la société.

32Autre thématique importante, la représentation du donneur inconnu. Le donneur est envisagé à la fois de façon positive et négative. Les femmes abordent la question de l’héritage génétique, la ressemblance de l’enfant au donneur, l’importance du biologique. Le donneur peut parfois acquérir parfois un statut menaçant, notamment la peur de l’enlèvement possible de l’enfant par ce donneur. De même, dans certains extraits, les interviewées reconnaissent la difficulté éventuelle pour l’enfant de s’identifier à une figure paternelle et l’absence de cette figure. Le fait de questionner le statut du donneur amène les interviewées à aborder la question de l’IAD : celle-ci impose certes la rencontre entre la mère biologique et le donneur, mais elle permet aussi la réalisation du projet de deux femmes. Néanmoins, une importance particulière est accordée au fait que la filiation se construit dans le rapport à l’enfant. En conséquence, les interviewées se comparent aux couples hétérosexuels de familles recomposées pour démontrer la similarité des problématiques liées au rapport des adultes d’un foyer à l’enfant. Au final, dans cette classe les interviewées semblent construire un roman familial qui inclut le donneur.

Vignette clinique : Fabienne et Marie

33Fabienne et Marie sont ensemble depuis 7 ans et donnent l’impression d’un couple soudé lorsque nous les rencontrons pour la première fois. Leur rencontre constitue la première expérience homosexuelle pour toutes les deux.

34Fabienne, qui est âgée de 33 ans et qui est désignée d’emblée comme celle qui deviendra mère biologique, a vécu une relation hétérosexuelle avec un homme durant deux ans. Elle prend du temps à accepter ses sentiments envers Marie : « finalement je me dis que ce n’est pas une question de sexe mais une question de personne et c’est comme ça que je m’en tire, que je m’en sors ». Pour Fabienne, le désir d’enfant est présent très tôt mais le choix de vivre une relation homosexuelle est inconciliable avec la concrétisation de ce projet : « pour moi c’était très clair, deux femmes ne pouvaient pas avoir d’enfant ». Cette réticence pourrait être en lien avec le fait que Fabienne a réalisé son mémoire de fin d’étude sur la fonction paternelle dans la famille monoparentale, ce qui nous laisse supposer qu’elle était déjà en questionnement sur l’importance du rôle masculin/ paternel au sein de la famille. Elle décide alors dans un premier temps de vivre sa relation avec Marie et d’investir la relation avec la fille de celle-ci, Anaïs, issue d’une relation hétérosexuelle précédente. Ainsi elle laisse de côté le projet d’avoir un enfant elle-même.

35Quant aux relations avec sa famille d’origine, Fabienne nous décrit une mère particulièrement envahissante et un père beaucoup plus discret, voire presque inexistant. Elle décrit des moments plus discrets de proximité avec son père auprès duquel elle semble pouvoir trouver une vraie place « pour exister ». L’annonce de son homosexualité crée un choc important dans la famille. Fabienne ajoute que c’est néanmoins ce « coming out » qui lui a permis de devenir elle-même au sein de sa famille.

36Marie (46 ans) a vécu de son côté une relation hétérosexuelle assez longue au sein de laquelle est née Anaïs, âgée de 14 ans aujourd’hui. Marie semble beaucoup moins ambivalente quant à leur couple homosexuel ; elle nous dira même « nous on se considère comme un couple classique ». En effet, dans l’entretien, elle se focalise sur la bonne entente de leur couple alors que Fabienne met beaucoup plus l’accent sur les difficultés dans sa relation avec Anaïs.

37Marie évoque par ailleurs une enfance difficile dans un environnement très peu contenant et même à certains moments maltraitant. Vu ce contexte particulièrement insécurisant des relations familiales pour Marie, le projet de créer une nouvelle famille avec Fabienne semble s’inscrire dans un processus de réparation narcissique : « On sera un vrai couple, de vrais parents et un vrai enfant à nous deux ». Ainsi nous comprenons que le désir d’enfant est surtout porté par Fabienne alors que le désir manifeste de Marie est celui de faire famille, de prolonger le couple : « l’important c’est plus la tribu que le bébé ».

38À travers le matériel du second entretien nous découvrons que l’insémination constitue un moment important pour le couple mais particulièrement pour Fabienne qui a un questionnement plus important par rapport au donneur alors que Marie déclare initialement ne pas vouloir d’« une tierce personne » dans le projet. Avant l’insémination, Fabienne se dit angoissée : « c’est un sentiment d’étrangeté… D’avoir quelque chose de lui, je ne connais pas du tout la personne, je ne la connaîtrai jamais, et moi qui ai toujours envie de contrôler et de maîtriser, c’est un peu angoissant ». Néanmoins elle dit ceci à propos de l’expérience de l’insémination : « il se passait quelque chose entre ce donneur, lui et moi, à ce moment-là, effectivement et j’étais en face de Marie (…) C’était très difficile à verbaliser ce qui se passait, il se passait une rencontre ! ». Fabienne semble prête à construire un roman familial dans lequel le donneur pourrait avoir une place : « ce jour-là le donneur a été présent et c’est bien parce qu’un enfant naît de cette rencontre : il y aura Marie, il y aura moi mais il y aura aussi une place pour ce donneur parce qu’il y a eu un espace tiers, une rencontre avec le papa enfin le papa biologique et ça permettra à l’enfant d’avoir une autorisation à se l’imaginer ». Fabienne se sent « fière » et euphorique après l’intervention (ce qui contraste avec les commentaires d’autres femmes) mais préoccupée par les réactions possibles de sa compagne : « c’était une question par rapport à la trahison (…) j’avais vraiment besoin de savoir que Marie était à mes côtés, qu’elle regardait, qu’elle me soutenait, qu’elle était présente ».
De son côté, Marie semble reprendre le discours idéalisant de Fabienne alors que sa représentation du donneur était plus contrastée lors de notre première rencontre : il pouvait à la fois représenter un bon objet (car il s’agissait d’un don) mais aussi un mauvais objet (puisqu’il pouvait s’agir d’un don intéressé). Elle nous dira par ailleurs qu’elle s’est sentie un peu déçue par le fait que le gynécologue ne l’ait pas prévenue quand il procédait à l’insémination.

Classe 2 – L’impact psychologique de l’IAD

39Pour les deux mères, l’IAD est en général associée à un vécu douloureux et troublant. La mère biologique se réfère à la fatigue ressentie et à l’incidence psychologique de l’IAD, à la lourdeur du traitement hormonal. On trouve aussi le rapprochement de l’IAD à une pénétration, en lien avec le geste technique mais aussi avec une substance étrangère. Il s’avère que le donneur et son sperme, tout en permettant au couple de réaliser leur projet d’enfant, sont associés à ce sentiment de pénétration. L’IAD est également vue par les interviewées comme étant une affaire de technique et il peut être question du manque d’humanisation de ce geste médical. Certains extraits au contraire affirment le caractère naturel de ce geste. Il est intéressant de noter que l’IAD expose les interviewées à l’incertitude et il s’agit pour elles de se protéger de l’échec en s’abstenant d’imaginer la grossesse ou en attendant patiemment. L’échec de l’IAD est vécu par la mère biologique de manière assez douloureuse : il est question de désillusion, de déception, de trahison du corps à la venue des règles. Cette forte déception est parfois partagée par la mère sociale ; enfin, certains extraits laissent penser qu’il est difficile pour elle de s’attacher à l’enfant à venir.

Vignette clinique : Sabine et Stéphanie

40Sabine et Stéphanie sont ensemble depuis neuf ans et forment un couple stable. Leur projet d’enfant est l’aboutissement de longues réflexions et de nombreuses tergiversations. Avant leur rencontre, Sabine a vécu quelques flirts hétérosexuels dans le passé mais a vite pris conscience de son homosexualité. Stéphanie, elle, a vécu un an avec un homme avant de rencontrer sa compagne.

41Sabine, qui sera désignée pour être la mère biologique, décrit une relation proche avec sa mère mais une relation plus distante et souvent pleine de contradictions avec son père : « il est parti quand je devais avoir 7-8 ans et mon grand-père appelait mon père Eddie Barclay, vu le nombre d’aventures et de femmes qu’il avait eues ». C’est Sabine qui semble la plus préoccupée par le caractère anonyme du donneur.

42De son côté, Stéphanie a un frère un peu plus âgé et décrit une enfance presque idéale. Sa mère, qui a eu beaucoup d’amants, a quitté son père pour un autre homme quand elle avait 9 ans et son père est resté seul après le divorce. Lorsque Stéphanie évoque son père, elle met surtout en évidence son besoin de le protéger.

43Si ce couple semble sur la « même longueur d’onde » concernant diverses questions, leur parcours concernant leur désir d’enfant se révèle être assez laborieux quant à l’ajustement de leurs désirs respectifs : Sabine, en prenant conscience de son homosexualité, avait décidé de faire le deuil de la maternité : « je me disais que je n’aurais jamais d’enfant parce qu’il n’aura pas de père… » et c’est tout un cheminement qui l’amène à ce projet d’enfant : « puis je me suis dit ben tout compte fait, si eux peuvent, pourquoi moi, parce que je suis lesbienne, je devrais m’interdire un besoin et une envie naturelle chez la plupart des gens » ? De son côté, Stéphanie s’est toujours vue mère : « j’ai toujours voulu pleins d’enfants » mais ses hésitations naissent alors lorsqu’elle se retrouve en couple avec Sabine.

44Malgré ce désir d’enfant partagé, le choix de celle qui sera la mère biologique est sujet à beaucoup d’hésitations et de changements. Parce que Sabine hésite à porter l’enfant, il est d’abord convenu que Stéphanie portera l’enfant. Néanmoins, avant de se présenter à l’hôpital, le couple décide que ce sera Sabine qui portera la première même si elle ne se voit pas facilement enceinte.

45Suite à l’acceptation de leur demande par l’hôpital, la perspective de concrétisation de leur projet s’avère émotionnellement difficile : Sabine se rend seule à l’insémination et vit cette expérience avec beaucoup d’angoisse. C’est surtout l’attente dans le couloir de l’hôpital qui crée en elle une insécurité car elle voit des hommes venir chercher des petits pots et les rendre lorsque ces derniers sont remplis. Immédiatement, elle s’imagine alors que ce sont les donneurs et décide de se forcer à ne plus regarder. En effet, elle a le désir de voir et en même temps, elle ne veut pas voir et on peut se demander si la rencontre avec cette scène particulière réactive en elle de façon quelque peu brutale une scène insupportable sur laquelle elle voudrait fermer les yeux.
Quoi qu’il en soit, avoir recours à un donneur anonyme dans le cadre de l’IAD crée avant tout de l’angoisse chez Sabine ; angoisse qui s’associe dans un premier temps avec l’émergence des fantasmes hétérosexuels de pénétration. Néanmoins, cette fantasmatique pourrait être aussi associée au vécu angoissant d’étrangeté et d’« altérité radicale » que l’acte médical de l’insémination provoque en elle car elle dira : « on va me mettre un œuf inconnu dans le ventre » ; il semble alors que ce n’est plus un ovule qui lui appartient et qui se trouve fécondé par des spermatozoïdes inconnus mais plutôt l’étranger qui est tellement menaçant qu’il englobe tout, même ce qui lui appartient. Ce qui nous a inéluctablement amenées, en tant que psychanalystes, à nous demander : la peur du donneur inconnu pourrait-elle rejoindre alors la peur de la rencontre fantasmatique avec le père œdipien (père donneur de sperme) ?
Cependant l’impact de l’insémination ne concerne pas uniquement l’émergence de toute cette fantasmatique sexuelle mais marque aussi dans la réalité la différence des places que chaque partenaire du couple occupe. Ainsi, nous pouvons comprendre l’absence de Stéphanie lors de la première insémination comme l’expression d’une ambivalence extrêmement importante quant à sa place de mère sociale ; une ambivalence qui soutient sa difficulté de se représenter plus généralement sa place de mère sociale dans ce projet d’enfant.

Discussion

46À travers la présentation de ces données, nous avons voulu illustrer le cheminement intra-psychique et intersubjectif des femmes homosexuelles qui s’investissent dans un projet familial ; cheminement qui va de la revendication du droit à avoir un enfant au processus, souvent sinueux, d’appropriation subjective de ce droit qui devient envisageable à travers l’évolution des normes sociales ainsi que des techniques médicales de procréation.

47Nous avions peut-être une idée préconçue au départ : l’IAD permettrait aux femmes homosexuelles d’« évincer » l’homme et de conforter le déni des lois naturelles de fécondation. Cependant, l’analyse nous a permis d’élargir notre questionnement et de voir en quoi le tiers est présent sous différents aspects dans cette démarche (bien plus que ce qu’on l’imaginait initialement), en quoi aussi cela amène une ouverture et la possibilité d’un travail psychique important pour chacune des femmes du couple ; un travail psychique qui semble surtout lié à l’étrangeté troublante de la figure du donneur inconnu ainsi qu’au vécu physique et affectif bouleversant de l’acte médical de l’insémination. En effet, ces femmes s’inscrivent a priori dans une démarche paradoxale : d’un côté, elles opèrent une transgression par rapport aux normes existantes pour devenir parent et, d’un autre côté, elles s’adressent à une institution médicale à laquelle elles demandent l’autorisation pour réaliser leur « droit », c’est-à-dire la possibilité de devenir mères en ayant recours à la contribution d’un donneur inconnu (alors que d’autres possibilités existent pour elles théoriquement).

48Ainsi, le paradoxe que le recours à l’IAD comporte nous est rapidement apparu sous l’aspect suivant : si le désir d’avoir un enfant dans un couple lesbien exclut en apparence le tiers, la décision de recourir à l’IAD introduit aussi inévitablement quelque chose du tiers à travers différents éléments constitutifs de cette démarche : le passage par l’hôpital et l’attente de son approbation, la rencontre avec le gynécologue ainsi qu’avec des psychologues qui peuvent constituer des représentants d’une instance paternelle, la « présence » de l’homme à travers la figure énigmatique du donneur anonyme, les conséquences physiques et psychiques que l’acte médical de l’insémination entraîne etc..

49Force est de constater que nous nous sommes lancées dans cette recherche du tiers en abordant directement le matériel clinique sans avoir essayé de définir préalablement ce concept qui constitue le pain quotidien de la pratique clinique d’orientation psychanalytique. Cette démarche peut laisser l’impression d’une utilisation diluant l’application de ce concept. Toutefois, le concept du tiers ne figure pas dans les dictionnaires psychanalytiques. On dirait que la théorisation de cette fonction qui a été amorcée par Freud, puis développée par J. Lacan à travers la notion de la fonction symbolique du père mais aussi par A. Green à travers la notion de tiercéité, s’est finalement diluée dans une assimilation avec diverses autres notions fondamentales pour la compréhension du psychisme humain, tels que la capacité à la limitation, la consistance et la production des interdits, l’accès à la « castration », à la différence, à l’altérité, au manque…
Il s’agit donc d’un concept qui, issu comme d’autres concepts métapsychologiques du domaine de la cure psychanalytique, pose la question de son emploi dans le champ de l’application de la pensée psychanalytique. Cette constatation néanmoins n’enlève en rien la valeur heuristique de ce concept qui s’avère incontournable pour l’exploration de la question de l’homoparentalité et constitue, à nos yeux, un défi pour la pensée clinique actuelle.

La question du donneur anonyme

50Si le choix de l’insémination par donneur anonyme apparaît très souvent dans le discours des femmes comme une solution de facilité par rapport à d’autres modes d’accès à la parentalité (notamment la co-parentalité), l’IAD les confronte aussi à d’autres menaces fantasmatiques, et notamment à la menace d’une « altérité radicale ». Certains couples sont très conscients de l’importance de ce donneur mais la menace que cet étranger semble représenter nécessite alors la mise en place de défenses. Si, par exemple, le fantasme « de vol de l’enfant » par le donneur peut exister parfois dans le discours des couples, cela n’empêche pas que les mêmes couples (et d’autres aussi) lui attribuent des motivations teintées par la générosité et l’altruisme. Ainsi la figure du donneur inconnu peut à la fois revêtir un aspect déstabilisant et devenir le support de projections idéalisées.
L’analyse de ces premières constructions imaginaires autour du donneur conduit à certaines constatations supplémentaires : dans l’univers fantasmatique de chacune des partenaires et du couple qu’elles forment, le donneur peut être réduit à un objet partiel ou reconnu en tant qu’objet total, comme D. Ehrensaft (2000, 2008) a pu déjà le démontrer. Par ailleurs, la question de l’héritage génétique et de la ressemblance physique occupe une place importante dans leur discours ; il introduit la possibilité de s’identifier à la difficulté et au manque que l’enfant à venir peut vivre puisqu’il ne connaîtra pas son géniteur. L’apparition de cette question révèle aussi l’importance que les femmes homosexuelles peuvent accorder aux liens biologiques alors qu’elles s’inscrivent a priori dans une logique qui légitime le fondement de leur projet familial sur la base de la primauté des liens affectifs et sociaux constituant la famille. D’un autre côté, l’anonymat du donneur peut renforcer la cohésion (voire la fusion) du couple et/ou permettre l’ébauche d’un roman familial au sein duquel le donneur peut être inclus et « nourrir » certaines illusions dans les relations vécues avec les parents.

L’acte médical de l’Insémination Artificielle par Donneur (IAD)

51Le matériel clinique du second entretien qui a lieu après la première tentative d’insémination a notamment permis de constater que cet acte médical amène les deux partenaires à se repositionner par rapport au couple qu’elles forment et à explorer par conséquent leur différence au sein de ce couple constitué initialement sur la recherche du même. De plus, il les confronte à la nécessité de se référer à un tiers, autrement dit de questionner leur rapport, au niveau de la réalité et du fantasme, aux figures masculines. Le témoignage de Sabine, mère biologique, à propos de son vécu de l’insémination se révèle assez illustratif de cette problématique.

52Les mères biologiques font l’expérience de l’insémination, souvent associée à un vécu d’effraction corporelle. En effet, le donneur est fortement présent au sein de la relation du couple et il s’agit de penser cette « intrusion » à deux niveaux différents : au niveau individuel (vécu de pénétration corporelle et psychique pour la mère biologique, difficulté pour la mère sociale de trouver sa place) mais aussi un niveau de couple (vécu d’intrusion ou de séparation au sein du couple, voire d’exclusion pour la mère sociale). De ce fait, l’acte médical de l’insémination, initialement destiné à séparer la sexualité de la procréation, s’imprègne d’une fantasmatique sexuelle qui permet à certains couples lesbiens de développer des projections implicites d’assimilation aux couples hétérosexuels.
Néanmoins, si l’acte médical de l’IAD favorise des fantasmes de rencontre sexuelle, il déconstruit aussi, parfois violemment, le fantasme initial de deux partenaires selon lequel avoir un enfant est possible car il y a eu rencontre de leurs désirs respectifs. La concrétisation de leur projet, au moment de la réalisation de l’IAD, les confronte à la complexité de leur démarche et au sentiment qu’elles ont un « prix à payer » pour réaliser leur désir : l’IAD ne se résume pas à un acte fulgurant mais constitue souvent un processus long et douloureux physiquement. Ce processus est marqué par la lourdeur des traitements hormonaux, la complexité des procédures médicales à respecter et surtout la survenue probable de l’échec de la tentative réalisée. La découverte de ces difficultés est vécue souvent par les femmes comme une désillusion brutale dont elles doivent faire le deuil pour pouvoir persévérer dans leur projet. S’exposer à l’expérience de l’IAD ne permet pas aux femmes lesbiennes de faire l’économie d’un vécu de castration, les oblige à assumer une quantité importante de déplaisir et les invite à réinvestir leur couple en mobilisant des nouveaux scénarios fantasmatiques qui pourront soutenir la (re)construction d’un roman familial.

L’attribution des places pour chacune des mères au sein du projet parental

53Il est important de noter que ce travail psychique laborieux commence pour les femmes homosexuelles concernées par un projet familial avant toute procédure médicale, au moment où elles doivent décider qui va être la mère sociale et qui va être la mère biologique. En focalisant notre attention sur le processus à travers lequel la désignation des places de la mère biologique et de la mère sociale s’effectue au sein du couple, nous nous sommes mieux aperçu de la diversité des figures possibles que ce parcours revêt mais aussi des avatars que comporte pour un couple (qu’il soit homosexuel ou hétérosexuel) le fait de développer un projet d’enfant, et de passer ainsi du « statut » de couple à la décision de constituer une famille. Le projet lui même, impliquant de décider qui sera la mère biologique et qui sera la mère sociale, fissure déjà le couple sexuellement identique et l’ouvre sur ses différences et sur cette question : c’est quoi le deuxième parent, de sexe féminin qui n’est pas la mère biologique, et qui n’est pas un père ? Ça fait quoi, ça se situe comment entre la mère et le bébé?

54Contrairement à l’argument souvent invoqué que l’IAD conforterait le déni de la différence des sexes, et soutiendrait un fantasme bisexuel omnipotent, nous avons déjà tenté de démontrer que l’acte médical de l’IAD tant attendu et tant investi, cette fécondation hors sexe, est en fait infiltré par le sexuel, par la présence de l’homme sans qui la fécondation serait impossible quand bien même il est parfois réduit défensivement à quelques gouttes de sperme.

55Ainsi, l’IAD et les traitements qui la précédent, tout en permettant la réalisation du désir d’enfant pour le couple homosexuel, imposent paradoxalement la différence des sexes et, d’une certaine façon, la défaite des fantasmes bisexuels omnipotents face au destin anatomique.
On peut supposer aussi, et sur la base de ce qu’on a pu explorer dans le cadre de la recherche (Naziri 2010 ; Feld 2010), notamment en ce qui concerne des identifications des femmes aux imagos maternelle et paternelle, que dans un deuxième temps avec la naissance de l’enfant et la triangulation qu’elle instaure, les possibilités de l’exercice de la fonction maternelle et paternelle par chacune des partenaires restent ouvertes. Ainsi, avec le projet de parentalité, projet de fonder une famille, le couple homosexuel constitué sur le choix du même est probablement renvoyé au prototype de toute famille : le couple originaire homme - femme.

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : IAD, recherche clinique, homoparentalité, analyse textuelle, couple lesbian

Date de mise en ligne : 06/10/2011.

https://doi.org/10.3917/cpc.037.0201

Notes

  • [1]
    Professeur en psychologie clinique, Université de Liège. Psychanalyste, Société Belge de Psychanalyse.
  • [2]
    Maître de conférences en psychologie sociale, Université de Bretagne Occidentale.
  • [3]
    La notion de « roman familial » est développée par K. Corbett (2003) en prolongement de la théorie freudienne. Selon lui, la construction du roman familial constitue un des aspects du devenir d’une famille puisque « les romans familiaux sont racontés par les parents ou entre les parents et les enfants à des fins d’attachement » (p 199).
  • [4]
    Dans cet article, nous nous contenterons de présenter la méthode quantitative utilisée car elle est rarement d’usage dans les recherches en psychologie clinique.
  • [5]
    La version professionnelle 2009 du logiciel a été utilisée.
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