Couverture de CPC_035

Article de revue

Les malheurs de la vertu

Pages 147 à 162

Notes

  • [*]
    Rue du Brochet, 19, 1050 Bruxelles, tanguy.defoy@apsyucl.be
  • [1]
    Brillant en allemand se dit Glanz ; glance en anglais veut dire « regard » (en allemand : Blick) (N. d. T.)
  • [2]
    S. FREUD (1969), « Le fétichisme » (1927), in La vie sexuelle, Paris, PUF, Bibliothèque de psychanalyse, p. 134.
  • [3]
    Pour souligner cet aujourd’hui du vocable, je rappelle qu’il s’écrira entre guillemets pour marquer sa fétichisation en quelque sorte. Ecrit sans guillemet, il référera simplement à sa signification originale.
  • [4]
    On entend dire, par exemple, que le « virtuel » trouble les relations sociales ou qu’il nuit à la pratique de l’orthographe, etc.
  • [5]
    Les citations dans ce paragraphe sont issues du Petit Robert.
  • [6]
    G. AGAMBEN (2007), Qu’est-ce qu’un dispositif ?, Paris, Payot & Rivages, Rivages poche/Petite Bibliothèque 569, p. 20.
  • [7]
    Le mot vertu se définit aussi, entre autre, comme « principe qui, dans une chose, est considéré comme la cause des effets qu’elle produit. »
  • [8]
    Avec le vir de « virtus » et de « virtuel ».
  • [9]
    D.-A.-F. de SADE (1969), Les malheurs de la vertu, Paris, UGE 10-18 444/445, p. 13.
  • [10]
    On a ainsi pu voir apparaître récemment dans le recueil de données « cliniques » Psy Stat une liste de « raisons de rencontre dites par le consultant » avant même que celui-ci n’ait dit quoi que ce soit. Une telle écriture a priori du dire dénie véritablement, dans sa virilité, les virtualités de ce dire. Il est écrit ce qui sera dit : c’est la Providence.
  • [11]
    G. AGAMBEN (1998), Stanze, Paris, Payot & Rivages, Rivages poche/Petite bibliothèque 257, p. 10.
  • [12]
    G. AGAMBEN, ibidem.
  • [13]
    L’éthique est ce qui veille à ne pas figer les liens, les identités, et appelle à tenir compte de la différence, de l’autre, à partir de cette fracture primordial dans l’homme qui fait coexister en lui une part visible et une part invisible. Avoir une position éthique consisterait ainsi à savoir qu’il y a des possibles insus.
  • [14]
    M.-A. OUAKNIN (1992), Lire aux éclats. Eloge de la caresse, Paris, Quai Voltaire/EDIMA, Points, Essais.
  • [15]
    M.-A. OUAKNIN, op.cit., p. 257.
  • [16]
    Terme du vocabulaire linguistique proposé par Bernard Stiegler pour désigner celui qui relance un « évènement linguistique » : « C’est ainsi par exemple qu’un événement linguistique, c’est à dire une activité de parole par où un locuteur produit un énoncé nouveau et original (faute de quoi ce n’est pas un énoncé, mais un bavardage), constitue une triple individuation : celle du locuteur, celle du locutaire, et celle du milieu de l’interlocution. C’est ainsi que se forment les circuits de la trans-individuation qui sont la réalité de l’individuation psychique et collective. De tels circuits de transindividuation sont d’autant plus individuants qu’ils sont longs, c’est à dire inclusifs, et trans-formateurs du milieu en même temps que de ceux qui partagent ce milieu. » Extrait du séminaire Muséologie, muséographie et nouvelles formes d’adresse au public du 27 juin 2007 disponible sur http://web.iri.centrepompidou.fr/fonds/upload/seance/15/Museo-27_06_07-Communautes_amateurs.pdf, pp. 8-9.
  • [17]
    J. NASSIF (2004), L’écrit, la voix. Fonction et champ de la voix en psychanalyse, Paris, Aubier, Psychanalyse, p. 303.
  • [18]
    J. NASSIF, op. cit., p. 21.
  • [19]
    Nous devons la formulation de ce passage et de cette dimension que nous n’avions pas repérée comme telle à Jacques Nassif.
  • [20]
    J. NASSIF, op. cit., p. 15.
  • [21]
    La paternité de la pâte feuilletée est discutée. Certains l’attribuent à Claude Gelée, alias le peintre le Lorrain. Si cette hypothèse est exacte, elle aurait donc été inventée par un maître en peinture, amateur en cuisine. Et la légende raconte que c’est parce qu’il s’était trompé : en préparant sa pâte, il avait oublié le beurre, qu’il eut l’idée de le placer d’une manière particulière. Ratage, passage, singularité et inventivité apparaissent ici comme autant d’appuis pour penser.
  • [22]
    Ch. FIERENS (2005), Comment penser la folie ? Essai pour une méthode, Ramonville Saint-Agne, Erès, Point hors ligne, p. 66.
Le cas le plus remarquable était celui d’un jeune homme qui avait érigé comme condition de fétiche un certain « brillant sur le nez ». L’explication surprenante en était le fait qu’élevé dans une nurserie anglaise, ce malade était ensuite venu en Allemagne où il avait presque totalement oublié sa langue maternelle. Le fétiche dont l’origine se trouvait dans la prime enfance ne devait pas être compris en allemand mais en anglais ; le « brillant sur le nez » était en fait un « regard sur le nez » [1] ; ainsi le nez était ce fétiche auquel, du reste, il pouvait à son gré octroyer ce brillant que les autres ne pouvaient percevoir.
S. Freud

1 Deux préoccupations importantes font la trame du texte qui va suivre.

2 La première est entraînée par les commentaires – recueillis dans des consultations en santé mentale ou dans la presse généraliste – suscités par ce qui s’appelle aujourd’hui le « virtuel ». Ces commentaires viennent faire briller un fragment isolé de la signification originale du mot. Je soulignerai cette brillance en mettant le mot entre guillemets à certain moment de son écriture. Comme dans le « cas le plus remarquable » de fétichisme de Freud, il m’a semblé que ce brillant venait faire miroiter, dans un scintillement aveuglant, une réalité d’aujourd’hui. Ma première préoccupation est que cette brillance, comme un fétiche, vient empêcher de penser cette réalité d’aujourd’hui. La partie introductive de cet article sera consacrée à éclairer cet empêchement qui met à rude épreuve la psychologie clinique, devenue l’envers des troubles que cela entraîne.

3 La deuxième préoccupation naît de cette épreuve. Elle vise, dans la suite du texte, à contribuer à un ressaisissement des vertus de la clinique. Ce ressaisissement s’effectue à partir de l’expérience de déploiement, dans un cadre de santé mentale, d’un espace d’échanges sur Internet au moyen des nouvelles technologies, soit ce qui est désigné comme « virtuel » aujourd’hui. Cette expérience permet de retrouver la signification originale du virtuel et sa vocation : être le réceptacle des virtualités qui soutiennent notre articulation avec la réalité.

Le « virtuel » est une réalité d’aujourd’hui

Le vir

4 Il relève de notre responsabilité de psychologue clinicien de mettre en lumière nos étonnements, de souligner les lacunes du dire malgré l’angoisse de castration que cela éveille. L’usage de certains termes de la langue érige comme condition de fétiche une partie de leur signification pour faire bord à l’indéterminé. Cette brillance d’un bout de mot coupe cependant l’accès à la signification originale mettant la pensée en difficulté. Cette signification originale se donne cependant à percevoir çà et là créant un conflit en nous-mêmes. Dire cette perception semble même à certains moments mettre en danger un bien mystérieux. Cette impression de mise en danger n’est pas sans rappeler la panique décrite par Freud dans son article sur le fétichisme, celle qui prend l’enfant ou l’adulte, mâle la plupart du temps, qui s’est « refusé à prendre connaissance de la réalité de sa perception [2] » concernant le corps féminin car elle lui fait craindre pour le petit bout de corps auquel il tient le plus, ce membre dit viril.

5 Dans le champ de la psychologie clinique, j’ai ainsi été amené à m’étonner de l’usage du mot virtuel en regard de mes perceptions de clinicien investi dans un espace d’échanges pour adolescents fonctionnant essentiellement sur base des nouvelles technologies. Je me suis mis au travail pour explorer avec mes collègues, d’une part, les significations du mot et, d’autre part, les éléments cliniques en jeu. Les unes et les autres viennent mettre en lumière des parties oubliées tant du champ sémantique que du champ clinique. Cela ne laisse pas d’interroger le social sur la menace que fait peser sur lui le « virtuel » en même temps que ce « virtuel » empêche les psychologues cliniciens de penser. Le « virtuel » en usage aujourd’hui [3] semble, en effet, fonctionner comme un véritable sortilège ou un trompe-l’œil entraînant le risque de devenir un lieu de décharge nommé cyberdépendance.
Ce qui se décharge, dans notre champ clinique d’aujourd’hui, correspond à la difficulté du rapport du visible et du saisissable avec l’invisible et l’insaisissable, soit la question de l’Eros et de l’érotisme, du rapport entre le masculin et le féminin auquel le fétichisme apporte une solution symptomatique. Soutenir un tel (non)rapport correspond à l’habileté à (ne pas) répondre de ce qui arrive. Il s’agit, en somme, de répondre des lacunes du dire, soit d’accepter de ne pas pouvoir tout dire et de prendre appui sur ce manque pour maintenir le mouvement du dire. C’est seulement dans ce mouvement que de la pensée peut naître.

Le « virtuel »

6 Le vocable « virtuel » vise, pointe aujourd’hui une certaine dimension du champ des nouvelles technologies, celle qui atteint à la virilité des usages et des normes [4]. Cette perception ne s’avère être qu’une impression, « la dernière impression de l’inquiétant, du traumatisant » avant la révélation dont le fétiche protège. Ce qui manque de se révéler au-delà du « virtuel », qui est dissimulé par lui, ce sont les potentialités oubliées du mot lui-même : dans ce qui se produit dans la réalité, quelque chose nous échappe, il y a de l’autre en nous-mêmes, il y a du virtuel, du féminin, la castration nous guette. Un usage fétichisant du vocable « virtuel » vient remédier à cette inquiétante (re)découverte, refermer la boîte de Pandore. La fétichisation du mot « virtuel », représentée ici par les guillemets, virilise la perception de la signification du mot, laissant dans l’ombre la part de féminin qui s’y trouve.

7 Virtuel vient du latin scolastique virtualis lui-même issu du latin virtus qui veut dire « vertu » : nous verrons plus loin que la fétichisation du « virtuel » entraîne les malheurs de la vertu, érigeant également une partie de la signification de ce mot “vertu” en condition de fétiche. Philosophiquement, le virtuel désigne ce qui n’est là qu’en puissance, qui est à l’état de possibilité. Cette situation d’un devenir potentiel rejoint l’usage du mot en mécanique où il est utilisé pour calculer « les forces appliquées à un système de solides soumis à des déplacements fictifs (ou virtuels) ». Le mot connaît également un prolongement, c’est le cas de le dire, en optique. Ce prolongement a finalement fait sa fortune avec l’apparition du cinéma, de la télévision et des ordinateurs. Ce qui est virtuel, c’est l’image « dont les points se trouvent sur le prolongement des rayons lumineux. [5] »
Le virtuel, tel qu’il a été ainsi défini, fragmenté dans trois directions – philosophique, mécanique et optique – par le dictionnaire, vient donc pointer, par l’optique, c’est-à-dire par ce qui est relatif à la vue, le champ des dites nouvelles technologies. C’est le visible qui prime, le regard qui est capté. Les mécanismes d’une telle définition, construite pour mieux voir, font finalement perdre la vue, comme le rappelle Giorgio Agamben : « les dictionnaires – en particulier ceux qui sont dépourvus d’un caractère historique et étymologique – travaillent en divisant et en séparant les différentes significations d’un terme. Or, cette fragmentation correspond, en général, au déploiement et à l’articulation historique d’une unique signification originale qu’il est important de ne pas perdre de vue. [6] » C’est une telle perte de vue que nous devons déplorer aujourd’hui dans le champ de la psychologie clinique. Je me demande, à cet égard, si notre attention de cliniciens n’est pas, parfois, affectée d’un strabisme qui entraîne une diplopie fâcheuse. On sait que ce genre de trouble est spontanément corrigé par le cerveau qui « ignore » l’image fournie par un des deux yeux. Les suites en sont que le « virtuel », à partir du fragment optique de sa définition et sous le regard devenu louche des cliniciens, devient le côté obscur de la force et de la vertu : cyberdépendance. La fragmentation de la définition du virtuel entraîne une scission de sa signification originale. La « vertu » s’habille alors également de guillemets soulignant la brillance de sa signification morale laissant dans l’ombre ses autres aspects [7]. Cette « vertu » en vient à se situer comme le négatif du « virtuel ».

La vertu

8 La vertu, dans son origine latine, correspond au « mérite de l’homme » (virtus). Elle désigne l’ « énergie morale », la « force d’âme » telle qu’elle s’articule notamment à la règle, à la loi morale. On ne s’attendait pas à retrouver le petit bout précieux si vite : car c’est bien l’homme viril [8], et non l’humain, qui est ici nommé par l’étymologie, laissant dans l’ombre les mystères du féminin, les mêmes que dissimulent les fétiches.

9 Quand la « vertu » en arrive à combattre le « virtuel » dans le champ de la psychologie clinique, il devient utile de définir à son tour cette psychologie clinique, urgent de rappeler que son objet, pour autant qu’on puisse le nommer ainsi, c’est de soutenir ensemble le visible et l’invisible, le réel et le virtuel. C’est à la condition de maintenir ces deux dimensions ensemble que la clinique peut prétendre rester la demeure et le réceptacle des questions humaines telles qu’elles mettent la vie en mouvement. C’est par rapport à cela que la psychologie clinique se trouve aujourd’hui en difficulté. C’est comme si le « virtuel » était venu rendre une « vertu » aux « hommes » de science, les protégeant de penser pour pouvoir élaborer dans la réalité les moyens d’atteindre une fin « vertueusement » prédéfinie contre les virtualités de l’altérité. Sade aurait sans aucun doute reconnu dans le « virtuel » d’aujourd’hui « le chef-d’œuvre de la philosophie » qu’il appelait de ses vœux, qui serait de « développer les moyens dont la Providence se sert pour parvenir aux fins qu’elle se propose sur l’homme, et de tracer, d’après cela, quelques plans de conduite qui pussent faire connaître à ce malheureux individu bipède la manière dont il faut qu’il marche dans la carrière épineuse de la vie, afin de prévenir les caprices bizarres de cette fatalité à laquelle on donne vingt noms différents, sans être parvenu ni à la connaître, ni à la définir. [9] » C’est ainsi qu’on constate que, de manière sournoise, le « virtuel » représente en vérité la réalité d’aujourd’hui.

10 Cette dissimulation dans la clinique de la signification originale du virtuel cause cependant les malheurs de la vertu, non seulement, des nouvelles technologies mais aussi des dispositifs cliniques et de leur évaluation qui se voit privée de l’insaisissable par le déni de la place toujours inattendue qu’il prend dans la clinique [10].

11 Les réalisations du « virtuel » semblent avoir fait écran au regard jusqu’à l’empêcher de voir au-delà du bout du nez. Il y a comme une brillance qui aveugle. Celui dont le regard est ainsi capté, l’expert hyper-outillé, risque aujourd’hui de perdre, derrière son écran plein de cadrans ou sa liste pleine de « dits », toute habileté à répondre de son propre rapport au monde et de ses rencontres avec autrui, devenues, pour le coup, « virtuelles ». Cette impasse n’est pas une virtualité mais constitue une réalité d’aujourd’hui. La fétichisation du mot contribue, quant à elle, à détruire la virtualité nécessaire à la vie et à la clinique, en y logeant les seules « vertus » utiles pour pouvoir apparaître dans une réalité qui n’offre plus aucune illusion digne de ce nom, celles du « gagnant » viril.

La clinique est la demeure des virtualités d’aujourd’hui

Interlocution

12 Cette dé-finition du « virtuel » et de ce qu’il recouvre m’a été inspiré par une pratique de santé mentale sur la Toile avec des adolescents en souffrance, cherchant des mots pour penser et des pensées pour mettre du jeu dans leur rapport avec certains mots, dits, dont ils se trouvent affublés. Pour investir une telle pratique à partir de nos us et coutumes de cliniciens, avec l’équipe dont je fais partie, nous avons été amenés à entreprendre tout un travail de traduction. Comment créer un espace clinique à partir des moyens technologiques ? Cette virtualité de la clinique sur la Toile nous a en quelque sorte entraînés dans des retrouvailles avec les vertus de cette clinique. Ces vertus se voient oubliées dans les us et coutumes d’une réalité qui tend, nous l’avons vu, à se fétichiser. Ce travail de traduction a permis de situer autrement la question du virtuel.

13 Pour mettre en œuvre un espace clinique sur la Toile, nous avons dû prendre son mouvement technologique à rebrousse-poil. Ce mouvement, c’est une réalité quotidienne pour chacun d’entre nous, tend à faire disparaître tout interlocuteur responsable pour le remplacer par des cases à cocher de quelques impulsions électriques. Pour dissimuler la possibilité de l’insaisissable dans la réalité d’aujourd’hui, on retire virilement toute possibilité de rencontre d’où quelque chose de cet ordre pourrait surgir dans son autorité propre.

14 Notre premier travail a donc été de rendre sa vertu à l’interlocution, de nous rendre présent à ce qui venait s’échanger sans présager du destin de ce dire. Nous avons pris pour cela le parti de répondre de la diffusion des messages. Cette responsabilité se concrétise par une lecture attentive de chaque message. Cette lecture donne lieu à un commentaire. Ce commentaire peut, certes, être un silence mais sa consistance est attestée par la diffusion du message en question. Cette diffusion passe par une annonce à l’ensemble du groupe à travers laquelle la voix de l’animateur se fait entendre par son style propre. Quand un message est ainsi diffusé, les participants reçoivent, en effet, dans leur boîte électronique une petite phrase annonçant l’arrivée d’un nouveau message. C’est donc un animateur qui formule cette phrase à partir de sa lecture, toujours singulière, ce n’est pas une phrase « automatique ». Cette phrase invite à rejoindre un espace circonscrit et protégé où seuls les inscrits ont accès après avoir accepté de contribuer à la préservation de l’intimité. Les participants qui le souhaitent rejoignent alors ce que nous avons désigné comme l’espace d’échanges. Ils peuvent y lire à leur tour le message annoncé. Ils trouveront en dessous le commentaire éventuel de l’animateur.
Ce commentaire vise toujours à soutenir la lecture des participants, en particulier quand celle-ci est susceptible d’entraîner de la sidération. Nous évaluons cela à partir de l’effet du message sur nous-mêmes : quand nous ne pouvons rien en dire, il apparaît urgent de répondre des lacunes du dire pour maintenir le mouvement de ce dire et la pensée qui y naît. Cette responsabilité vise à permettre à chacun de se séparer de son dit, à ne pas y rester engluer au risque de perdre sa voix. Les animateurs eux-mêmes s’assurent de ne pas être pris de la même manière dans leurs propres commentaires et styles en se passant la main chaque jour à minuit, quel que soit leur degré d’implication dans les échanges du moment. Cette discontinuité de l’animation permet de maintenir au centre du dispositif cet insaisissable qui est au cœur de la clinique. La dimension de l’interlocution prend ici tout son sens, c’est-à-dire, comme le rappelait un de mes collègues, qu’« interloquer consiste donc à interrompre le cours des choses prévues et à engager une parole avant d’en être sûr. »

La voix dans le regard

15 Parallèlement nous avons été amenés à rafraîchir la question du regard dans l’espace clinique en remettant en perspective ses rapports avec la voix.

16 Depuis la place où il se trouve dans le dispositif, l’animateur ne peut faire autrement que de se dégager de l’emprise du regard. Il n’est pas vu et ne voit pas. Ce qu’il rencontre, ce sont des petites lettres. Très vite, il se rend compte que ces lettres parlent alors même qu’elles ne forment pas encore un texte. Elles invitent en tout cas à une lecture attentive. Elle force en quelque sorte l’attention du fait que cette lecture est vite dépistée de ses repères habituels : bien souvent, des consonnes sans voyelles obligent littéralement à mettre de la voix pour entendre.
Une des vertus de cet espace clinique par rapport à la réalité d’aujourd’hui est donc l’estompement du regard. Cet estompement permet de ramener à la réalité de la perception, de faire consister les virtualités dans l’entendre et de retrouver par là des articulations humaines oubliées entre le regard et la voix. Aujourd’hui, nous pourrions dire que le regard loge dans une philosophie de « moyens » tel que Sade l’imaginait tandis que la voix demeure dans une poésie qui ne s’entend plus. Ces habitats actuels du regard et de la voix évoquent « une scission qui s’est produite dans notre culture dès ses origines », selon Agamben, une « scission entre poésie et philosophie, entre parole poétique et parole pensante [11] ». « Cette scission dans le langage, nous dit-il, est interprétée comme signifiant que la poésie possède son objet sans le connaître et que la philosophie le connaît sans le posséder. [12] »
Là où cette scission aurait pu nous rendre aux vertus du virtuel, elle entraîne les deux champs dans une guerre sous-tendue par l’angoisse de castration avec les effets de fétichisation qui s’éclairent maintenant. Cela entraîne des tensions jusque dans le champ de la clinique dont une partie s’efforce toujours plus de posséder son objet sans le connaître par des procédures instrumentales fétichisées et l’autre de le connaître sans le posséder par un déploiement de verbe qui ésotérise là où il devrait érotiser. L’animation de l’espace d’échange est aux prises avec ces tensions tout en essayant de les articuler : d’un côté, les participants tentent d’y poétiser leur réalité vers des virtualités acceptables, possédant leur objet sans le connaître ; de l’autre, les animateurs connaissent cet insaisissable sans pouvoir évidemment le posséder. Les nouvelles technologies, dans ce sens, si on veut bien y tenir sa place, empêchent radicalement de tricher sur l’éthique [13] et invite à une pratique de la caresse [14] qui nous fait rejoindre la question de l’Eros. « La “caresse” est ce qui s’oppose à la raison de prise, du concept, du Begriff; anti-concept, anti-logos, qui réside dans l’indétermination de l’image, dans l’imaginaire du mythe.
« La “caresse”, continue Ouaknin, est un terme que nous empruntons à Levinas et qui est devenu pour nous le paradigme de la modalité du penser talmudique. Modalité du savoir qui n’est pas fondé sur la raison. Attitude face au monde où nous restons conscients qu’une idée, un concept, un modèle cognitif ne sont qu’une représentation du monde – une interprétation – dont l’efficacité ne constitue jamais un critère de vérité et qu’ainsi on ne peut réduire toute réalité a du quantifiable. [15] »
La caresse est ce qui permet de relier la parole poétique et la parole pensante.
L’estompement du regard dans la pratique de l’échange électronique rappelle l’impossibilité de prendre la mesure exacte de ce qui arrive à celui qui s’y adresse. Il oblige à aller y « voir » d’un peu plus prêt amenant peu à peu le clinicien vers le registre de l’entendre et, partant, de la rencontre. Rompant avec les normes d’utilisation des lettres, les adolescents ramènent le sonore là où on pensait qu’il avait disparu. Ça ne manque pas d’inquiéter, toujours dans cette dynamique fétichiste qui verrait là la perte des lois de la grammaire et de l’orthographe, la dévirilisation de la littérature, continuant à n’y « voir » que des dérives inquiétantes plutôt que de se mettre à entendre la créativité à l’œuvre.
À nous laisser aller à entendre à partir de l’espace d’échanges, nous avons découvert une modalité d’expression qui a son autorité propre, entre parole et écrit. Nous en sommes venus à inventer un verbe pour désigner cette modalité singulière : parl’écrire. Cette pratique expressive entraîne la parole vers l’écrit mais sans l’atteindre tout à fait. Et tel un avion qui tente une montée verticale vers le ciel, elle se met à osciller entre poésie et philosophie.

Clinique du virtuel

17 « Facile à dire mais pas si facile à faire » est un énoncé qui termine régulièrement les messages d’encouragement, les plus « vertueux » en somme, les plus « virtuels » donc, au sens actuel, oublieux des vertus de la voix qu’il va falloir s’évertuer à indiquer. Par ce type d’énoncé, les adolescents d’aujourd’hui se montrent ballotés entre virtuel et réel. De nouveau, pas tellement comme on voudrait les « voir », pris dans les dispositifs technologiques – les adolescents sont sans doute la tranche de population qui en sort le mieux – mais parce qu’ils ne peuvent envisager leur place dans l’avenir, parce que les virtualités de cet avenir sont sans cesse démentie par le réel.

La vie est belle ? Faites-moi rire, bien au contraire, tout va mal ici. On dit toujours aux gens, le 1er janvier, BONNE année. “Bonne”? c’est ironique ou quoi ? 2010 a très mal commencé en ce qui me concerne : décès, maladie, accidents, etc. Après, on se demande pourquoi je suis “malade”, en dépression. J’ai envie de dire à certaines personnes de regarder autour d’eux et d’enfin ouvrir les yeux, car si ces personnes ne voient pas les problèmes qu’il y a dans le monde, c’est qu’ils veulent se protéger de quelque chose ? de quoi ? de la souffrance de voir les choses en face peut-être.
Cet énoncé entre dire et faire a pourtant pour effet de distinguer la vertu première du message qu’il termine – constituer les protagonistes de l’espace d’échanges en locutaires [16] dans un dire – d’une intention seconde – faire quelque chose. Cliniquement, c’est au corps du locutaire que nous nous intéressons et non pas au corps « vertueux » et « virtuel » qui pourrait faire quelque chose si la distance technologique ne l’empêchait pas. Cet empêchement s’avère salutaire. La « virtualité » du faire est un prétexte qui étouffe la possibilité d’un texte. Cela est attesté par des interpellations dépitées, quand les dits ne prennent pas, qui soulignent que, de toute façon, les animateurs, « vous ne pouvez rien faire ». Il s’agit alors de répondre des lacunes du dire pour relancer.
Face à cette impuissance et à partir de l’angoisse que cela suscite, la clinique est susceptible soit de devenir la demeure des virtualités qui s’expriment, soit de dissimuler celles-ci en fétichisant le « virtuel ». Pour nous, il s’agit de faire compter le dire en soulignant la manière dont chacun joue du langage, des possibilités techniques de l’informatique, pour faire entendre quelque chose par un agencement de lettres régulièrement remises dans leur dimension sonore :
« pr mwa c là fin… »
« PK????? dem1 »
« jv voir de moi mm !!! »
Deux points de l’espace clinique surgissent de ce faire entendre : la dimension de l’adresse et la dimension sonore. Un « qui » apparaît ainsi dans ce qui se formule en filigrane de chaque message : « voilà ce que JE dis ! D’où JE dis, est-il possible d’entendre quelque chose ? » Car c’est à partir de cet entendre que je vais pouvoir m’appréhender moi-même, (re)trouver ma voix.
En tant qu’animateur, il s’agit de soutenir la première visée du message, constituer des qui locutant, parfois contre la pesée d’une intention vertueuse seconde : c’est là que se situent les véritables dangers du « virtuel » dont nous nous sommes protégés par notre cadre clinique et sa technologie. Dans ce cadre, il s’agit de souligner le prolongement d’une voix, faire entendre une présence, plutôt que de laisser le message jouer le jeu de l’objet : oral, faire avaler des conseils ; anal, faire sortir ce qui ne va pas ; ou encore scopique, faire voir la beauté de la vie, à partir d’un moi trop « vertueux » pour être vrai. Ces travers sont fréquemment rencontrés dans les forums ou dans les foires aux questions.
Ce que nous visons, dans cette clinique du virtuel, c’est la création d’une sorte de « chambre d’écoute, comme l’appelle Jacques Nassif, qui permet de garder les empreintes de tout ce qui est vécu par le sujet, celui-ci n’en devenant un qu’à partir de la différenciation entre deux de ces empreintes, effectuée une première fois et ensuite reconnaissable comme le premier symbole. [17] » L’idée d’une telle chambre d’écoute nous permet d’appréhender le passage par l’écrit dans les dispositifs électroniques d’échanges en général non pas comme une écriture mais avant tout comme une adresse : parl’écrit. Ce mouvement d’adresse ouvre, comme nous allons le voir, sur une situation de voix. Entre la voix et la parole se joue la dimension de l’insaisissable et c’est cette oscillation qui rend possible l’émergence des virtualités qui permettent d’accrocher à la réalité.
Dans les messages, nous avons en effet l’impression de nous trouver bien plus proche d’une situation de voix que d’une situation d’écriture. Cette dernière, à vrai dire, ne se rencontre qu’au moment où un participant rentre dans une démarche poétique, qui assume de posséder son objet sans le connaître, portant une attention particulière et première à l’articulation des mots et à leur sonorité. Mais, la plupart du temps, ce n’est pas l’idée d’écrire qui prime. Il s’agit de faire entendre quelque chose, de s’adresser donc, pour donner corps à l’étrange en soi-même. « Autant dire tout de suite que ce qui caractérise l’expérience fondamentale d’isolement de cette situation où la voix est perçue en tant que voix, c’est d’avoir à constater que sa structure se définit par le fait d’être adressée à une autre, c’est-à-dire, par définition, à un autre, lui aussi, capable de voix. La première intuition de la voix est justement celle qui s’entend dans la question d’un sujet qui, donnant de la voix, s’adresse dans un lieu inconnu à un autre qui n’est pas nécessairement présent, lorsqu’il appelle : « Il y a quelqu’un ? » et que le silence lui renvoie le son ou l’écho plus ou moins angoissé de sa voix. [18] »

L’adresse

18 Sur l’espace d’échange, l’adresse se fait bien « dans un lieu inconnu à un autre qui n’est pas nécessairement présent » et le silence qui en résulte souvent « lui renvoie le son ou l’écho plus ou moins angoissé de sa voix ». Que cet écho soit entendu par celui qui s’adresse est attesté par les demandes régulières de ne pas diffuser le message qui vient pourtant d’être envoyé à l’espace d’échanges. La découverte de cette situation de voix que nous n’appréhendions d’abord pas comme telle n’a pas été sans nous inquiéter nous-mêmes, animateurs, quand une telle adresse angoissée ne s’inscrivait finalement pas dans un échange, quand le message envoyé ne recevait pas d’échos ou de prolongements dans le groupe. Ce sont les participants qui sont venus nous rassurer à travers l’accueil qu’ils réservaient aux nouveaux venus.

19

« bienvenue a toi mais tu c t pa le seul sur se site a ressentire sa. a force de venir sur le site et de lire les autre tu te rendra conte comme moi kil y en a ki vive soit la mm chose ke toi soit kil vive pire ke toi moi grace se site sa ma bocou aider car il y a kelke ten g fai une ts et je regrete de l’avoir fai. bon aller encor bienvenu »

20 L’adresse se présentifie, dans un deuxième temps, sous la forme de la lecture : de la dimension du parl’écrire nous passons dans celle du parl’lire[19].

21 La lecture de l’animateur chargé de recevoir les messages est assurée et rendue probante, je l’ai dit, par la diffusion effective d’un message aux participants. La lecture de quelques autres peut ensuite faire entendre une deuxième voix, celle du lecteur qui s’implique dans les mots du premier. C’est à travers cette voix du lecteur que chacun peut appréhender quelque chose de soi-même dans le parl’lire. « Car c’est bien la lecture qui réalise, ni vu ni connu, ce passage de la voix à l’écrit : celui qui lit, en ânonnant les lettres qu’il déchiffre, a besoin de convoquer, bien davantage que ses yeux, qui n’y suffiraient pas, le souffle de sa voix qu’il finit par confondre, dans une illusion inévitable, avec celle de l’auteur du texte qu’il restitue.
« Mais le passage d’un prêté à un rendu reste inaperçu, tant que ne survient pas ce tiers qui pourra faire apparaître – et c’est là l’expérience princeps de ce qui s’apprenait autrefois sur les bancs de cette classe d’ « humanité », disait-on même – qu’il y a un reste, et des deux côtés, puisque la voix excède toujours sa retraduction par l’écrit ou que le texte lu relance toujours l’écoute d’un dit. [20] » Voilà qui établit la vertu du virtuel plutôt que la « vertu » contre le « virtuel » : la dimension de la voix, ce qui y excède l’écrit, maintient l’insaisissable au centre de la clinique tout en permettant qu’une histoire s’écrive.

« viens de lire ton message, et me suis retrouvée dans ce ke tu as écrit. ca fait qque temps osi kje n écrit rien ms kje lis ce ki s’écri, mais ne c rien dire moi car en suis incapable pr le moment. »
L’image du lecteur ânonnant est particulièrement prégnante devant l’usage phonétique de l’alphabet que font les adolescents dans leurs messages. Difficile de ne pas y mettre du souffle. L’excès de la voix vient rappeler la nécessité de prendre en compte l’insaisissable, raison d’être de la clinique et situer la responsabilité du clinicien.
Il y a encore un troisième temps de l’adresse qu’il faut souligner pour terminer ce petit parcours clinique. Il vient compléter la dimension de demeure des virtualités de la clinique. Ce troisième temps se tient dans le dispositif même qui laisse à disposition de tous les messages de chacun pour une relance possible. Cette fonction tierce du dispositif rappelle la dimension du temps nécessaire à toute virtualité. L’oubli de cette vertu participe de la fragmentation du « virtuel » d’où se compose la réalité d’aujourd’hui : il est maintenant de notoriété publique que le temps se traduit en argent et cette traduction du temps par l’écrit dans le livre des comptes se met dans l’incapacité de pouvoir relancer l’écoute d’un dit. Cet oubli devrait inviter les cliniciens à donner de la voix, à veiller à s’articuler à l’insaisissable du temps. Cette articulation permet de prendre appui sur l’histoire et de rester en contact avec les significations originales pour participer à leur déploiement. Cette fonction du dispositif permet à l’espace d’échanges de se constituer en espace commun pour les participants anciens et à venir.
Nous pensons contribuer à une telle relance de l’écoute d’un dit à travers le parl’lire et la mise à disposition des messages dans le temps. Cela nous a amenés, dans un mouvement savoureux d’appréhension de l’insaisissable, à comparer l’empilement des messages à un mille-feuille [21]. La vie de l’espace d’échanges se trouve en effet dans les allers-retours entre les messages. De tel petit bout, l’un accroche une série d’éléments qu’il a envie de relancer en les intégrant dans des préoccupations ou idées plus personnelles. Ces éléments émergent à nouveau de temps en temps au fil des échanges, rappelant leur existence et, par le fait même, celle de chacun. C’est à ces moments inattendus que quelqu’un retrouve sa route laquelle, ayant bénéficié d’une lecture, commence à s’écrire. Si ce qui a été jeté à tous vents réémerge, c’est que cela a été bien dit, et bien entendu. Un petit bout a été soutiré au désespoir de penser.
« Ce petit bout, je le choisis non pour lui-même : je le soutire au désespoir de penser. Si je le trais, l’extrais et l’abstrait à partir de la pensée, c’est pour qu’il soit le fil qui traîne et entraîne si possible avec lui toute la texture du penser. Du particulier de ce petit trait, de ce petit bout, je tirerai aussi les ficelles du tout, du penser en général.
Telle est la définition : à partir d’un bout de ficelle, je tente de dévider un tout qui continue pourtant à filer. [22] » C’est cela la clinique, tout ce qui crée et participe à la circulation d’une pensée et de sa définition. Ça se construit comme une pâte feuilletée, sur des plis et des replis successifs dans lesquelles se perdent des bouts qui reviennent ailleurs. C’est dans ces pertes que se loge les vertus du virtuel. Il s’agit de rester concentré sur l’actuel en faisant confiance aux bribes entendues, aux traces retrouvées dans sa mémoire pour l’inscrire dans le mouvement infini de penser et garder sa consistance au virtuel.
Cette situation invite aujourd’hui plus que jamais la psychologie clinique à s’articuler à la politique, à relier ce qui vient demeurer dans l’espace virtuel de la clinique vers la réalité culturelle. L’enjeu est en effet de pouvoir sortir de la virilisation « vertueuse » du regard social sur le « virtuel » pour retrouver la possibilité de « prendre connaissance de la réalité de sa perception ». Cette réalité ne prend consistance que dans le nouage des registres du voir et de l’entendre au fondement duquel notre petit parcours clinique nous a fait retrouver la voix et ses vertus. C’est en effet par la voix que la clinique peut maintenir ensemble le visible et l’invisible, le saisissable et l’insaisissable et échapper au fétichisme des brillances de ce qui s’écrit sur les tableaux et les cadrans. Un tel fétichisme entraîne la croyance qu’il n’y aurait pas de reste, laissant le penser dans le désespoir et mettant la clinique à l’épreuve.
Le champ de virtualité ouvert par les nouvelles technologies permet heureusement de retrouver quelques vertus fondamentales de la clinique. La dynamique qui se déploie dans un espace d’échanges construit sur les possibilités des nouvelles technologies est ainsi venue rappeler que toute clinique commence dans l’interlocution, laquelle suppose un passage inévitable par l’angoisse. L’angoisse apparaît comme le signe que l’insaisissable a trouvé sa place à côté du saisissable. De telles retrouvailles rafraîchissent le regard jusqu’à permettre d’entendre quelque chose. Cette traversée au-delà du regard fait passer du viril au virtuel par la vertu de la caresse, ouvrant ainsi la possibilité d’une adresse. Cette adresse peut nous tirer de l’impuissance du faire pour relancer les potentialités du dire entre parole poétique et parole pensante.

Bibliographie

Bibliographie

  • G. Agamben (1998), Stanze, Paris, Payot & Rivages, Rivages poche/Petite bibliothèque 257.
  • G. Agamben (2007), Qu’est-ce qu’un dispositif ?, Paris, Payot & Rivages, Rivages poche/Petite Bibliothèque 569.
  • Ch. Fierens (2005), Comment penser la folie ? Essai pour une méthode, Ramonville Saint-Agne, Erès, Point hors ligne.
  • S. Freud (1969), « Le fétichisme » (1927), in La vie sexuelle, Paris, PUF, Bibliothèque de psychanalyse.
  • J. Nassif (2004), L’écrit, la voix. Fonction et champ de la voix en psychanalyse, Paris, Aubier, Psychanalyse.
  • M.-A. Ouaknin (1992), Lire aux éclats. Éloge de la caresse, Paris, Quai Voltaire/EDIMA, Points, Essais 278.
  • D.-A.-F. de Sade (1969), Les malheurs de la vertu, Paris, UGE 10-18 444/445.
  • Webographie
  • B. Stiegler (2007), « Faire attention – Dans la série de Malraux », séminaire Muséologie, muséographie et nouvelles formes d’adresse au public du 27 juin 2007. http://web.iri.centrepompidou.fr/fonds/upload/seance/15/Museo-27_06_07-Communautes_amateurs.pdf

Notes

  • [*]
    Rue du Brochet, 19, 1050 Bruxelles, tanguy.defoy@apsyucl.be
  • [1]
    Brillant en allemand se dit Glanz ; glance en anglais veut dire « regard » (en allemand : Blick) (N. d. T.)
  • [2]
    S. FREUD (1969), « Le fétichisme » (1927), in La vie sexuelle, Paris, PUF, Bibliothèque de psychanalyse, p. 134.
  • [3]
    Pour souligner cet aujourd’hui du vocable, je rappelle qu’il s’écrira entre guillemets pour marquer sa fétichisation en quelque sorte. Ecrit sans guillemet, il référera simplement à sa signification originale.
  • [4]
    On entend dire, par exemple, que le « virtuel » trouble les relations sociales ou qu’il nuit à la pratique de l’orthographe, etc.
  • [5]
    Les citations dans ce paragraphe sont issues du Petit Robert.
  • [6]
    G. AGAMBEN (2007), Qu’est-ce qu’un dispositif ?, Paris, Payot & Rivages, Rivages poche/Petite Bibliothèque 569, p. 20.
  • [7]
    Le mot vertu se définit aussi, entre autre, comme « principe qui, dans une chose, est considéré comme la cause des effets qu’elle produit. »
  • [8]
    Avec le vir de « virtus » et de « virtuel ».
  • [9]
    D.-A.-F. de SADE (1969), Les malheurs de la vertu, Paris, UGE 10-18 444/445, p. 13.
  • [10]
    On a ainsi pu voir apparaître récemment dans le recueil de données « cliniques » Psy Stat une liste de « raisons de rencontre dites par le consultant » avant même que celui-ci n’ait dit quoi que ce soit. Une telle écriture a priori du dire dénie véritablement, dans sa virilité, les virtualités de ce dire. Il est écrit ce qui sera dit : c’est la Providence.
  • [11]
    G. AGAMBEN (1998), Stanze, Paris, Payot & Rivages, Rivages poche/Petite bibliothèque 257, p. 10.
  • [12]
    G. AGAMBEN, ibidem.
  • [13]
    L’éthique est ce qui veille à ne pas figer les liens, les identités, et appelle à tenir compte de la différence, de l’autre, à partir de cette fracture primordial dans l’homme qui fait coexister en lui une part visible et une part invisible. Avoir une position éthique consisterait ainsi à savoir qu’il y a des possibles insus.
  • [14]
    M.-A. OUAKNIN (1992), Lire aux éclats. Eloge de la caresse, Paris, Quai Voltaire/EDIMA, Points, Essais.
  • [15]
    M.-A. OUAKNIN, op.cit., p. 257.
  • [16]
    Terme du vocabulaire linguistique proposé par Bernard Stiegler pour désigner celui qui relance un « évènement linguistique » : « C’est ainsi par exemple qu’un événement linguistique, c’est à dire une activité de parole par où un locuteur produit un énoncé nouveau et original (faute de quoi ce n’est pas un énoncé, mais un bavardage), constitue une triple individuation : celle du locuteur, celle du locutaire, et celle du milieu de l’interlocution. C’est ainsi que se forment les circuits de la trans-individuation qui sont la réalité de l’individuation psychique et collective. De tels circuits de transindividuation sont d’autant plus individuants qu’ils sont longs, c’est à dire inclusifs, et trans-formateurs du milieu en même temps que de ceux qui partagent ce milieu. » Extrait du séminaire Muséologie, muséographie et nouvelles formes d’adresse au public du 27 juin 2007 disponible sur http://web.iri.centrepompidou.fr/fonds/upload/seance/15/Museo-27_06_07-Communautes_amateurs.pdf, pp. 8-9.
  • [17]
    J. NASSIF (2004), L’écrit, la voix. Fonction et champ de la voix en psychanalyse, Paris, Aubier, Psychanalyse, p. 303.
  • [18]
    J. NASSIF, op. cit., p. 21.
  • [19]
    Nous devons la formulation de ce passage et de cette dimension que nous n’avions pas repérée comme telle à Jacques Nassif.
  • [20]
    J. NASSIF, op. cit., p. 15.
  • [21]
    La paternité de la pâte feuilletée est discutée. Certains l’attribuent à Claude Gelée, alias le peintre le Lorrain. Si cette hypothèse est exacte, elle aurait donc été inventée par un maître en peinture, amateur en cuisine. Et la légende raconte que c’est parce qu’il s’était trompé : en préparant sa pâte, il avait oublié le beurre, qu’il eut l’idée de le placer d’une manière particulière. Ratage, passage, singularité et inventivité apparaissent ici comme autant d’appuis pour penser.
  • [22]
    Ch. FIERENS (2005), Comment penser la folie ? Essai pour une méthode, Ramonville Saint-Agne, Erès, Point hors ligne, p. 66.
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