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Article de revue

L'enveloppe visuelle du moi et l'hallucinatoire

Pages 57 à 87

Notes

  • [1]
    Psychanalyste, 106 rue de Sèvres - F-75015 Paris.
  • [2]
    LAVALLEE G. L’enveloppe visuelle du moi, perception et hallucinatoire Dunod 1999. L’apostrophe au lecteur est une figure de style que j’emprunte aux « Essais » de Montaigne.
  • [3]
    Sur la question du sujet et de la subjectivation c.f. C. Castoriadis 1986, R.Cahn 1998, R. Roussillon 2002.
  • [4]
    Quelle que soit la façon dont chacun conçoit les pulsions de vie et de mort, l’intrication de la libido avec l’autodestructivité apparaît à tous comme une nécessité. Sur l’intrication c.f. B. Rosenberg 1991. Sur la difficile question de la pulsion de mort, sur sa nécessité, mais aussi sur les possibles modifications à apporter aux esquisses de Freud voir l’ouvrage collectif sous la direction de Jean Guillaumin : « L’invention de la pulsion de mort » Dunod 2000.
  • [5]
    C.f. : sur Freud et l’historique de l’hallucination négative, C.Couvreur et F.Duparc 1992.
  • [6]
    J’ai emprunté le concept de « scanning inconscient » a Anton Ehrenzweig (1967) il signifie qu’au premier coup d’œil, inconsciemment, « tout » est vu !
  • [7]
    Sur la question de « L’arrière scène du rêve », je renvoie le lecteur au remarquable livre de J.M. Porret que je viens de découvrir (L’Harmattan 1997). La convergence de nos point de vue sur la qualité hallucinatoire et négative de l’écran du rêve, et en même temps nos divergences sur de nombreux autres points ouvrent un champ de travail conséquent que je ne puis aborder ici.
  • [8]
    S’agit-il d’étayage ou de vécu de continuum hallucinatoire succédant à un état de détresse ? A un niveau profond, si on a une conception de l’étayage proche de Laplanche et Pontalis, il s’agit de la même chose. Ma théorie de l’hallucinatoire éclaire d’un nouveau jour, les conceptions de J.Laplanche (1987) sur l’objet source, la séduction généralisée et l’étayage.
  • [9]
    C.f. par exemple mes commentaires sur le travail en face à face avec un patient mal entendant in : « Le potentiel hallucinatoire » Revue Française de Psychosomatique N°19 2001, PUF.
  • [10]
    C.f.Balier 1996 p.121, le cas de François. Et mes commentaires in Guy Lavallée 2001,ibid., p. 140 et 141.
  • [11]
    Il m’a ainsi été donné de pouvoir montrer à des collègues de la S.P.P. dans le cadre du séminaire clinique hebdomadaire d’André Green, comment, dès les six premiers mois d’une analyse, on pouvait, à côté de tous les autres paramètres habituels de l’analyse, repérer dans le détail du matériel clinique, dans la continuité des séances, cet hallucinatoire de transfert. Je remercie vivement André Green pour son écoute et ses commentaires tout au long de la dizaine d’heure nécessaire à un tel exposé.
  • [12]
    Chacun peut consulter « Le potentiel hallucinatoire, son organisation de base, son accueil et sa transformation dans un processus analytique » Revue Française de Psychosomatique N°19 2001, PUF. Mes deux contributions aux 61ème et 62 éme congrès des psychanalystes de langue française : « Au vif de la dynamique préfigurative : le quantum hallucinatoire », et « Intrication pulsionnelle et hallucinatoire » sont accessibles uniquement dans le bulletin de la S.P.P. afférents à ces congrès.

Vers une théorie générale du mouvement pulsionnel et de l’hallucinatoire dans le travail de la figuration

1 J’imagine, lecteur, tes objections concernant la notion « d’Enveloppe visuelle du moi » [2] ! Je les ai déjà souvent entendues : une enveloppe sensorielle de plus ! Avec son « Moi-peau », Didier Anzieu n’avait-il pas tout dit ? Pourquoi privilégier la vision ? Toute perception n’est-elle pas inéluctablement multisensorielle ? Et puis, à quoi bon de nouveaux concepts ? A quoi bon de nouvelles théories ? Le jeu en vaut-il la chandelle ?

2 Je suis un créateur d’image, venu à la psychanalyse sur une complexe trajectoire d’une trentaine d’année, c’est donc par nécessité interne que je travaille, depuis une quinzaine d’années, sur la question de « L’enveloppe visuelle du moi ». Lorsque je me suis engagé dans cette recherche, je ne savais pas si elle allait s’avérer féconde pour ma pratique psychanalytique diversifiée. Aujourd’hui, je peux dire que je n’ai pas travaillé en vain ! Si tu veux bien, lecteur, prendre la peine de parcourir ces pages, tu peux en escompter, toi aussi, quelque profit clinique, j’en suis certain.

3 Psychanalystes, nécessairement focalisés sur le langage, nous avons oublié que dans la vie courante, c’est par le canal de la vision que nous parviennent 80% de nos informations sensorielles ; percer les énigmes de « l’évidence du voir », devait donc nécessairement conduire à une nouvelle théorie pulsionnelle de la figuration. Nous avons méconnu que rien de figurable ne peut exister dans la réalité psychique qui ne soit d’abord passé par nos différents sens ! Nous avons oublié que pour nos patients, quand ils nous voient en face à face, et même s’ils sont sur le divan, le champ perceptif et ses modalités de l’hallucinatoire sont engagés. En effet, et je vais m’en expliquer, une théorie du perceptif ne peut exister sans une théorie de l’hallucinatoire.

4 Pour concevoir l’enveloppe visuelle du moi, j’ai été contraint de décrire les différentes modalités de l’organisation du « potentiel hallucinatoire » d’un sujet, dans sa relation à ses objets. C’est ainsi que j’ai découvert les effets d’un « hallucinatoire de transfert », en psychothérapie et dans l’analyse. Du coup ces travaux ont des retombées thérapeutiques conséquentes, tant avec des patients psychotiques que « limites » ou névrosés.

5 Ma théorie de l’hallucinatoire, articule et prolonge les travaux de Freud, A. Green, F.Duparc, C.Couvreur, M.Fain et de C. et S.Botella. C’est une théorie très complète de l’organisation pulsionnelle hallucinatoire, et je travaille encore à l’élaborer.

6 Lecteur, pour être rigoureux je vais devoir parler de « perception » visuelle au sens strict, et « d’endoperception » visuelle. Ce second terme va désigner une activité de « voir-dedans ». « L’in-sight » relève d’une tentative pour mettre en mot le sensible, l’affect, l’intuition, pour « voir » les représentations de choses, pour « voir » les symbolisations « imageantes » relevant du registre du processus primaire. Sur le divan, le patient se livre à une activité d’endoperception qu’il cherche à mettre en mot. Dans les deux cas : perception au dehors, et endoperception au-dedans, il va bien s’agir de mettre en figuration et de relier au langage une source d’excitation, exogène dans le premier cas, et endogène dans le second. Ces deux activités relèvent du modèle de l’enveloppe visuelle du moi généralisé. En face à face le patient perçoit l’analyste et il se livre en même temps à une activité d’endoperception. Quand le patient est allongé, l’endoperception est presque totale, mais la privation perceptive visuelle active la projection et l’hallucinatoire qui sont massivement à l’œuvre dans le transfert. Tu le comprendras lecteur : le transfert met en œuvre la structure de la perception de l’objet primaire qui engage massivement l’hallucinatoire. Il y a un hallucinatoire de transfert. La notion « d’hallucinatoire de transfert » permet d’articuler rigoureusement l’intrapsychique et l’intersubjectif. Ce sera notre point d’arrivée, mais il me faut d’abord décrire l’enveloppe visuelle du moi.

Premiers jalons

7 Nous connaissons deux concepts qui nous permettent de comprendre comment modifier psychiquement la perception, sans en changer la forme. D’abord la projection qui modifie la qualité de l’éprouvé du dehors, ensuite l’hallucinatoire qui donne le sentiment d’une continuité dedans-dehors. Mais, de la même façon que la projection, bien étudiée par la psychologie projective, est un phénomène nécessaire et « normal », il m’a fallu d’abord comprendre qu’il existait des phénomènes hallucinatoires perceptifs non pathologiques, les décrire et en comprendre l’organisation !

8 Nous devons à C. et S. Botella (1989) une audacieuse définition de l’hallucinatoire : « Par hallucinatoire, nous entendons un état de qualité psychique potentiellement permanent formé de continuité, d’équivalence, d’indistinction représentation perception ; où le perçu et le percevant, le figuré et le figurant ne font qu’un. (…) Habituellement l’hallucinatoire prend part le jour à certains processus psychiques quotidiens : il sous-tend la figurabilité diurne de la même manière qu’il sous-tend le rêve nocturne ; il participe à la vivacité des souvenirs, de même qu’il contribue à éveiller le sentiment d’évidence de conviction. (…) Ce serait le ratage, la faille ou l’absence des instances régulatrices et freinatrices de l’hallucinatoire qui pourrait colorer celui-ci d’un aspect pathologique ».

9 Le terme de « continuité » perception-représentation m’est apparu à l’usage le plus pertinent : je parle d’un « continuum hallucinatoire ». Notons bien que la notion de continuité entre le perçu et le percevant s’applique au sujet et à l’objet, et donc évidemment à l’analyste et à son patient (et réciproquement !).

10 À l’aube de la vie, l’hallucinatoire serait, selon moi, la première activité psychique du bébé, issue d’une première élaboration d’une pure excitation liée à la vie. L’excitation primaire a-sensée prendrait sens dans sa transformation en sensation de continuité psychique infans-mère, sujet-monde. L’hallucinatoire positif serait le premier mode de liaison pulsionnelle dedans-dehors à l’œuvre au sein même du narcissisme primaire.

11 L’hallucinatoire positif est donc une première mise en sens de l’énergie libidinale du « ça », et il a des assises neurophysiologiques solides. La neurophysiologie expérimentale du cerveau permet de constater que percevoir, représenter ou halluciner un même objet active les mêmes zones du cortex cérébral. En outre, nous savons maintenant, grâce aux recherches de la clinique du sommeil à la Salpetrière que, lorsque nous dormons, une activité hallucinatoire est présente sans relâche. Tout le monde rêve tout le temps. Mais si l’hallucinatoire n’est pas bien contenu et pulsionnellement organisé dans un appareil psychique à rêver – que je conçois sur le modèle de l’Enveloppe visuelle du moi – le rêve se transforme en une véritable hallucination, ou en acte moteur comme le somnambulisme. C’est donc souligner que la vie psychique ne connaît pas de repos et que son activité figurative diurne et nocturne est sans cesse soutenue en tache de fond par l’hallucinatoire. Mais cet hallucinatoire doit être organisé sur le modèle de l’enveloppe visuelle du moi.

12 Voici, en première approche, une description de l’organisation de l’hallucinatoire. Cette description inéluctablement abstraite « prendra corps » progressivement dans le cours de cet article. Je distingue l’hallucinatoire positif et l’hallucinatoire négatif. Car dans leur définition, C. et S. Botella ne parlent que de l’hallucinatoire positif, et c’est en prolongeant la pensée d’André Green (1993) que nous pouvons concevoir l’hallucinatoire négatif. Selon moi, l’hallucinatoire positif se situe du côté des contenus, il donne de l’intensité à la présence des figurations perceptives ou endoperceptives, alors que l’hallucinatoire négatif sert de contenant : il diminue la présence de ce qui est pourtant là. Et je décris comment l’hallucinatoire négatif découle de l’hallucinatoire positif, et de quelle façon ils se contiennent mutuellement dans une relation homéostatique contenant-contenu : le destin de l’hallucinatoire positif en excès est de se négativer pour former un contenant. Dans cette organisation de l’hallucinatoire je vois un modèle de l’intrication de la pulsion de vie, présente dans l’hallucinatoire positif et de la pulsion de mort (autodestructivité), présente dans l’hallucinatoire négatif. En outre, je montre que l’hallucinatoire positif se situe du côté de la Force énergétique, il doit donc être réduit à un « quantum » pour éviter à la psyché d’être débordée par l’excitation.

13 Enfin je décris les échanges pulsionnels entre le pôle perceptif et le pôle représentatif. Ces échanges suivent un trajet pulsionnel réflexif long, qui véhicule un « quantum hallucinatoire » de satisfaction. Ce trajet pulsionnel en forme de « S » se retourne deux fois sur lui-même, il produit ainsi deux boucles contenantes en « s’appuyant » sur un écran interface hallucinatoire et négatif qui sert de pare excitation et de surface d’inscription (c.f. mon schéma in G. Lavallée, 1999, p.16).

14 Le circuit pulsionnel long en double boucle, l’écran, le quantum hallucinatoire, la transformation de la valence positive ou négative de l’hallucinatoire dans une relation contenant-contenu, sont quelques unes des pièces maîtresses de mon modèle théorique d’enveloppe visuelle et ils ont inéluctablement de multiples destins cliniques.

15 En généralisant ce modèle de l’enveloppe visuelle du moi je décris des « enveloppes figuratives » capables de produire des figurations subjectivantes [3], à partir des excitations perceptives et endoperceptives diurne et nocturne (insight, rêve).

16 Conscient de la difficulté du propos, je vais, bien évidemment, illustrer quelques unes de ces questions complexes et en développer certains aspects.

La pulsion partielle scopique et le représentant psychique de la pulsion

17 Mais comment concevoir la pulsion à l’œuvre à l’intérieur des enveloppes figuratives ? J’en propose deux conceptions proches et complémentaires : la pulsion scopique et le représentant psychique de la pulsion.

18 Au sein d’une théorie générale pulsionnelle inspirée de la dernière théorie de Freud (après 1920), j’ai conçu la pulsion partielle scopique comme un mixte d’hallucinatoire et d’emprise.

19 La pulsion scopique peut-être facilement comprise à partir des effets sur nous-mêmes du cinéma. Dans l’histoire du cinématographe, l’hallucinatoire scopique est bien incarné par la figure de Georges Méliès qui a le premier, senti le caractère magique de l’invention des frères Lumière. Méliès, inventeur des premiers trucages cinématographiques était, on l’a trop oublié, un magicien professionnel directeur du théâtre Robert Houdin, un grand maître de l’hallucinatoire ! Comme l’a très bien compris Jean Louis Baudry dès 1975, le cinéma est désir d’un « réel plus que réel », qui aurait le statut d’une hallucination c’est à dire d’une représentation confondue avec une perception directe du réel ! Devant l’écran cinématographique, suis-je devant une image, ou devant une perception directe, comme à travers une fenêtre ? Je dirais que je suis devant une perception à forte charge hallucinatoire : à fort « quantum hallucinatoire ». Souvenons-nous que les premiers spectateurs du cinématographe Lumière prenaient peur lorsqu’ils voyaient « l’entrée d’un train en gare de La Ciotat ». S’agissait-il d’une image de locomotive, ou bien la locomotive était-elle vraiment là, et allait-elle les écraser ? Du côté du désir et du plaisir l’illusion du spectateur est évidemment tout aussi intense.

20 Le maniement des dispositifs techniques de la photo, du cinéma et de la vidéo a été pour moi décisif. Il m’a permis d’éprouver avec plaisir l’hallucinatoire dans une activité créatrice figurative et m’a fourni un model analogique vécu, de l’enveloppe visuelle du moi. C’est dire que mon intérêt pour l’hallucinatoire ne relève pas d’un quelconque effet de mode, ou d’une pure spéculation métapsychologique.

21 Quant à l’emprise, je me la représente comme une émanation active du « Moi-peau » de Didier Anzieu, une main psychique va palper le monde, s’en saisir dans un retournement pulsionnel passif-actif et l’immobiliser. Le rêve du moi-visuel est de tenir le monde dans sa main en une image… et c’est bien l’espoir fantasmatique du photographe quand il « prend par la vue » lors de « la prise de vue » ! L’image, tant interne qu’externe, fait écran au réel en même temps qu’elle le représente. Avec sa composante d’emprise -qui vient contrebalancer l’incontrôlable de l’hallucinatoire- la pulsion scopique relève d’une conception de la pulsion très proche du moi. Elle permet de pointer des repères théorico-cliniques rapidement et facilement.

22 La notion de représentant psychique de la pulsion est une notion plus fine mais plus difficile à utiliser. Elle s’inscrit génétiquement et processuellement -dans l’ici et maintenant- en amont de la pulsion scopique, bien avant que le moi ne soit en mesure de produire de l’emprise. On conçoit donc que j’utilise l’une ou l’autre notion en fonction des configurations théorico-cliniques abordées. Le représentant psychique de la pulsion est une première mise en forme de l’excitation du ça comme modalité d’investissement, au plus près du sens émotionnel produit par « l’affectation énergétique » qu’elle soit exogène (les stimuli visuels) ou endogène. C’est en cherchant à concevoir les sources pulsionnelles de la figuration que j’ai été amené à reprendre l’idée Freudienne de « représentant psychique de la pulsion » et à en modifier la composition. Selon moi, le « représentant psychique de la pulsion » (Freud, Green 1995) à même de soutenir l’investissement du monde, serait un mixte d’affect qui génère du Sens émotionnel, muni de son « quantum hallucinatoire » de liaison qui lui donne son intensité (G. Lavallée 1999), l’ensemble s’accompagnant de « proto-représentations ». Ces conceptions modifient la théorie de l’affect en une proposition qui articule la « Force et le Sens » (P.Ricœur, A.Green, D.Rosé 1997). Ainsi le paradoxe freudien souligné par Green lui-même au terme de son livre sur l’affect (1973) se trouverait résolu : « Que Freud ait sous le même terme, à une variation connotative près (quantum d’affect et affect) renvoyé à la fois à une affectation énergétique et à une expérience subjective est peut-être ce qu’il y a de plus difficile à penser ». Si l’expérience subjective reste qualifiée par l’affect, l’affectation énergétique serait, quant à elle, et selon moi, à penser en terme de « quantum hallucinatoire ». Le représentant psychique de la pulsion s’applique donc électivement aux frayages pulsionnels de l’activité pré-figurative, on le verra par exemple à l’œuvre dans l’enveloppe du rêve.

23 Le représentant psychique de la pulsion et la pulsion scopique sont donc deux concepts complémentaires, mais tous les deux ont en commun un quantum hallucinatoire de liaison et de satisfaction.

À partir des états autistiques : deux illustrations

24 Les états autistiques et plus généralement les psychoses infantiles montrent « à la loupe » la nécessité d’une enveloppe visuelle du moi. Posons-nous donc d’abord cette simple question : quelles transformations doivent subir les stimuli sensoriels pour acquérir la qualité de matériaux pour la pensée et permettre à un sujet un accès psychique supportable et même fécond à la réalité perçue ? Ou encore : quelle différence existe-il entre un stimulus visuel à l’état brut, excitation traumatique non psychisée, pur élément bêta selon Bion, et une perception symbolisée constituée d’éléments alpha ? Réponse du psychanalyste : le stimulus ne doit pas seulement devenir un « symbole cognitif », il doit être pulsionnalisé, selon le modèle de la pulsion scopique, de sa composition et de son organisation. La pulsion est bien « la matrice du sujet » comme le soutien André Green.

25 Le désir scopique de tenir une image cinématographique lumineuse dans sa main c’est exactement ce qui a animé un enfant autiste enfermé dans sa « citadelle vide » lors d’un mouvement d’investissement inattendu !

26 Pascale Coutant, une stagiaire cinéaste de l’atelier vidéo que j’ai jadis animé pour l’université Paris 7, me raconte cette passionnante séquence clinique. Elle propose à un enfant autiste, qui reste centré sur ses sensations corporelles et n’investit pas la perception visuelle, de recevoir, dans la paume ouverte de sa main, l’image immatérielle et lumineuse projetée par un projecteur de cinéma. Alors que la même image « décorporée », projetée sur un écran, le laissait indifférent, l’enfant regarde cette fois l’image intensément. Soudain, il ferme son poing, le porte à hauteur de ses yeux, et l’ouvre avec circonspection : l’enfant espérait avoir capturé l’image dans sa main ! L’espoir de tenir activement l’image lumineuse dans sa main, sous emprise, et de la ramener vers son œil pour l’incorporer, avait suscité un mouvement d’investissement significatif.

27 Notons le double retournement pulsionnel opéré par ce garçon. Face au stimulus lumineux reçu passivement, il opère un premier retournement passif/actif : il veut attraper l’image, et se faire l’agent de ce à quoi il est assujetti. Puis il opère un second retournement contre soi : il cherche à ramener l’image à son œil pour l’incorporer. J’ai fait de ce double retournement pulsionnel (Freud 1915) passif-actif et contre soi, le trajet contenant et subjectivant en double boucle de la pulsion scopique dans ma conception de l’enveloppe visuelle du moi.

28 Cette vignette est d’autant plus suggestive que la « magie » de l’image cinématographique lumineuse projetée est d’essence hallucinatoire. La main (emprise) tentant de se saisir de la lumière est une figure emblématique d’une tentative d’intrication des deux « formants » (P. Denis1997) de la pulsion partielle scopique dans sa liaison avec le Moi-peau (D. Anzieu).

29 Notons encore que la vision de l’image générée par le projecteur ne produisant pas de sensation corporelle, l’image projetée sur le corps de ce garçon et le mouvement de sa main, recorporent la vision. En effet, la vision, dans sa fonction figurative, est « décorporée » (Green), elle permet une perception à distance sans contact corporel et elle ne produit pas de sensation corporelle directe.

30 Le plaisir de voir ne s’étayant pas directement sur un plaisir d’organe, j’ai fini par comprendre que ce plaisir ne pouvait être que de l’ordre de l’hallucinatoire, c’est à dire de l’ordre d’un éprouvé d’indistinction ou de continuité dedans-dehors et sujet-objet. L’hallucinatoire positif est donc l’équivalent d’un plaisir du corps, hors sensation corporelle directe : c’est un plaisir de sublimation capable « d’énergiser » une activité figurative. La sensation lumineuse qui illumine le monde et frappe l’œil n’est pas véritablement un plaisir d’organe : la lumière illumine aussi la pensée. Je considère que la lumière est un représentant-représentation de l’hallucinatoire positif. On parle d’ailleurs d’une « idée lumineuse » pour souligner son quantum d’hallucinatoire.

31 Nous retrouverons un « quantum hallucinatoire positif de satisfaction » dans toute activité figurative bien psychisée. Ce qu’illustre bien cette vignette, c’est qu’on ne peut s’intéresser au monde et tenter de le figurer que si les stimuli sensoriels perdent leur caractère d’excitation pure, pour se pulsionnaliser. La pulsion, bien organisée, a une fonction subjectivante.

32 Un autre garçon autiste va nous montrer un dispositif matériel qu’il a inventé et qui lui permet de regarder, nous allons constater que ce dispositif matériel est un analogon dans le réel de mon modèle d’enveloppe. Je travaille avec cet adolescent autiste, que ses camarades surnomment « Crevette », à l’hôpital de jour du Centre Etienne Marcel à Paris. Cet adolescent vit retiré dans un monde inanimé mortifié, le « non-moi », le monde « objectal », trop vivant, lui apparaît extrêmement dangereux. Pour pouvoir le regarder en l’investissant, il doit donc impérativement s’en protéger.

33 « Crevette » est dépourvu d’enveloppe visuelle du moi, il ne peut regarder attentivement qu’en utilisant le dispositif matériel suivant : il met devant son œil droit et une partie de son œil gauche un papier rigide, grand comme sa main, sur lequelle figure un dessin de personnages qu’il a inventés et qui ont une valeur de fétiche sécurisant. Avec ce qui lui reste du champ de vision de son œil gauche, il regarde le monde avec attention, mais en biais, sur le bord flou de son champ de vision.

34 Essayons-nous à une interprétation de ce dispositif. Pour faire face à une excitation sensorielle à l’état brut il est obligé de réduire physiquement son champ visuel, faute de pouvoir le réduire psychiquement. L’œil droit de Crevette regarde un cache qu’il a créé : il se voit ainsi lui-même dans sa propre production graphique et produit un sentiment de continuité narcissique. Pendant ce temps là, l’œil gauche « démantelé », affronte seul l’impitoyable non-moi : le monde objectal. Pour affronter le monde avec cet œil gauche, dont il a déjà rétréci le champ, Crevette utilise la vision monoculaire, réductrice de la profondeur et la vision en biais, réductrice de netteté ! L’ensemble lui permet de tenir le non-moi à distance et de « faire écran » au pouvoir excitant traumatique de la perception. L’autiste ne peut réguler la présence des objets, que par des procédés de « mortification » autistiques (F. Tustin 1972) qui relèvent de l’autodestruction de la fonction perceptive (pulsion de mort). Mais Crevette est un exemple de créativité symptomatique exceptionnelle ; en « démantelant » (D. Meltzer 1975) sa vision, en donnant à chaque œil une fonction différente, il réussit à intriquer matériellement ses investissements narcissiques et objectaux, sa libido et la destructivité, faute de pouvoir le faire psychiquement. Crevette utilise un dispositif matériel « réflexif, cadrant et écran » analogon dans le réel de l’enveloppe visuelle du moi. L’enveloppe visuelle du moi produirait psychiquement les mêmes effets. En introduisant dans une partie de son champ visuel une image fétiche créée par lui, ce que j’ai appelé une « perception-écran » il réussit d’un œil à voir le monde, et de l’autre à se voir dedans. Au sein même de l’investissement objectal, une fonction narcissique réflexive, à valeur autoreprésentative, est ainsi artificiellement et ponctuellement créée.

35 En nous donnant à voir ce qui lui manque psychiquement, Crevette dessine certains « réquisits » de notre modèle théorique d’enveloppe : fonction écran formant interface et réflexivité des investissements pulsionnels via le dehors !

36 C’est l’hallucinatoire qui, dans mon modèle d’enveloppe visuelle « décorporée », va tenir la fonction d’interface dévolue à la peau dans la théorie d’Anzieu. Dans sa valence négative l’hallucinatoire fera écran, dans sa valence positive il produira de la liaison libidinale perception-représentation.

37 Dès lors, demandons nous ce qu’il en est de l’hallucinatoire chez Crevette.

38 Je ne pense pas que dans l’autisme on puisse parler d’une « carence » de la projection et de l’hallucinatoire, comme le disent certains collègues. Je crois en effet que c’est l’hallucinatoire négatif de mort, massivement présent, qui crée la « barrière autistique » et interdit la projection. Chez l’autiste, M. Mahler (1973) parle bel et bien d’une barrière « hallucinatoire et négative ». C’est bien pourquoi Crevette, habituellement muré derrière sa barrière autistique insensibilisante, est obligé de se cacher les yeux dès qu’il veut regarder avec attention. La solution théorique du problème n’est pas difficile à concevoir : il s’agira de transformer une partie de l’hallucinatoire négatif de mort en hallucinatoire positif de vie et le mouvement projectif apparaîtra. Il restera évidemment à réguler l’hallucinatoire qui, dans les psychoses, tend à basculer sans cesse du côté positif et du côté négatif, sans produire de relation contenant-contenu.

39 En pratique le « potentiel hallucinatoire » toujours là d’un patient, peut toujours être remobilisé et transformé avec un thérapeute dans « l’hallucinatoire positif de transfert ».

40 Crevette participe à mon atelier vidéo de dessins animés à l’hôpital de jour du Centre Etienne Marcel à Paris. Crevette y a étonnamment progressé en redonnant vie à ses fétiches psychotiques mortifiés : de touts petits personnages qu’il appelle ses « Farceurs » et qu’il dessine sur les cartes qu’il met devant ses yeux comme je l’ai expliqué plus haut.

41 L’animisme, nous dit Tustin, est le contraire de la « mortification autistique », or l’animisme utilise l’énergie liante de l’hallucinatoire positif. C’est ainsi que dans un travail de soin, la barrière « hallucinatoire et négative » autistique (M. Mahler 1973) dépositaire de la pulsion de mort, peut être « contrée » avec de l’hallucinatoire positif animique (Pulsion de vie), qui est présent en masse dans la magie du cinéma et la vidéo. Cet hallucinatoire positif, je le mets en œuvre dans cet atelier à l’aide d’un dispositif matériel régulateur et contenant, analogon dans le réel de l’enveloppe visuelle du moi. Dans cet atelier Crevette va mettre « en animation » ses « farceurs », et en m’ajustant psychiquement à lui je vais « animiser » sa vie psychique avec de l’hallucinatoire positif de transfert. Maintenant ses « farceurs » bougent, et ils parlent avec sa voix ou avec la mienne. Crevette ne me vit pas comme un technicien de la vidéo, il croit que je suis tel Georges Méliès ou tel… une maman bien ajustée à son bébé, un grand magicien ! Un hallucinatoire de transfert s’est constitué entre lui et moi !

42 Dès lors, une activité projective, jusque là absente, va apparaître chez Crevette. Par exemple, au bout de deux ans de travail avec lui, alors que nous revoyons ensemble son dessin animé, je met le magnétoscope en pause, ses « farceurs » sur l’écran arrêtent de bouger et il me dit alors : « ils sont morts ? » Après coup, ses états de mort psychique, sa vie interne immobile a trouvée à se représenter projectivement au dehors et à se mettre en mot.

43 Soulignons le : même dans l’autisme, un « potentiel hallucinatoire » fourvoyé dans l’autodestructivité, est bien là disponible. Dans un travail de soin, il peut être remobilisé et transformé, ouvrant à la possibilité d’un mouvement projectif !

44 Chez Crevette l’intrication des pulsions de vie et de mort dans l’activité perceptive acquiert une signification sensible, et je crois que c’est bel et bien ce qui fait problème dans l’autisme. [4]

Dédoublement de l’espace interne, et redoublement de l’espace externe : l’observation de Marius

45 En complément à l’observation de Crevette, celle de Marius qui souffre d’une psychose infantile va nous permettre d’articuler l’enveloppe perceptive et l’enveloppe endoperceptive diurne, et d’en montrer quelques points communs.

46 Penser quelque chose suppose de se penser pensant quelque chose : toute pensée est réfléchie. Regarder quelque chose suppose de se voir voyant quelque chose : or contrairement au toucher, la vision n’est pas physiologiquement réflexive, du coup elle nous permet de comprendre que toute réflexivité subjectivante est psychique, ou n’est pas.

47 Marius souffre d’une grave psychose infantile. Il se plante devant moi, se penche en avant en regardant ses pieds, et dit « je vois mes jambes », puis se redressant et regardant ses mains il ajoute : « je vois mes bras », puis regardant droit devant lui dans le vide, il dit « mais je ne me vois pas, pour me voir, il me faudrait un frère jumeau ! ».

48 Effectivement, nous disposons tous de l’équivalent d’un double interne pour nous autopercevoir, sans pour autant avoir besoin d’un frère jumeau devant nos yeux ! Il existe en effet, normalement, au sein du moi, une structure de son dédoublement au-dedans, et de son redoublement au dehors, incluant des liaisons réflexives. Nous disposons ainsi de deux espaces de réflexivité interne et externe différenciés et reliés. Ce double espace, dédoublé et redoublé est « décorporé », mais pulsionalisé, il permet de se penser-pensant, au dedans, et de se voir-voyant au dehors. Marius est totalement dépourvu de cette structure dédoublée du moi qui nous donne en outre la possibilité, quand nous pensons tout bas, de nous entendre réflexivement et hallucinatoirement parler avec le timbre de notre voix ! En conséquence Marius, comme tant de psychotiques, tente de penser… en parlant tout haut !

49 Chez Marius, le mouvement d’investissement vers le dehors ne revient pas réflexivement vers lui, il ne se voit pas dans l’objet, il s’y perd, comme il se perd dans ses pensées puisqu’il ne « s’entend » pas réflexivement penser quand il pense tout bas. Du coup, il court derrière sa pensée, proférée tout haut, sans jamais parvenir à la rattraper ! Il est d’ailleurs identifié à une voiture de course, qu’il mime en hurlant et en courant dans les couloirs de l’hôpital de jour, couvrant du bruit de son « moteur » toute parole, et se comportant comme s’il était dépourvu de frein ! Son investissement pulsionnel au dehors ne peut trouver de point d’arrêt qu’en écrasant son moi-voiture contre un mur ! Perception et pensée n’ont pas, ici, de structure où déployer leurs investissements objectaux, elles n’ont pas non plus d’enveloppe pour les contenir narcissiquement par retournement réflexif. Pour tout un chacun, quand tout se passe bien, c’est l’élaboration du mouvement pulsionnel se retournant sur lui-même et s’appuyant sur un écran hallucinatoire négatif qui permet une structure contenante, perceptive au dehors, endoperceptive au dedans.

50 Le modèle de l’enveloppe visuelle du moi qui intègre un principe de réflexivité subjectivant engageant l’hallucinatoire, peut donc aussi servir à concevoir une enveloppe endoperceptive qui serait une sorte « d’appareil à penser les pensées » (Bion).

Un miroir psychique « semi-transparent »

51 Crevette se cachant partiellement les yeux, et Marius réclamant un frère jumeau devant lui pour se voir dedans, nous ont montré la nécessité d’un écran psychique qui nous permette à la fois de voir à travers et de nous voir dedans. Mais, si nous pouvons nous représenter cet écran sous la forme d’un miroir semi transparent, de quelle nature psychique peut il être ?

52 En outre, on l’oublie trop souvent, il nous faut à la fois percevoir et penser, or, il y a un antagonisme entre les deux mouvements d’investissements. Penser nécessite d’être capable de fermer psychiquement le pôle perceptif pour nous permettre d’endopercevoir notre monde interne. Marius n’y parvient pas, comme nombre de psychoses infantiles, il vit aliéné à ses perceptions traumatiques.

53 Il nous reste à comprendre cette métaphore du miroir semi-transparent en tant que production psychique ! De quelle nature psychique peut-être cet écran ? Existe-il un phénomène psychique qui ferme le pôle perceptif, et qui permette de ne pas voir psychiquement ce qui est pourtant là sous nos yeux ? Oui ! nous l’avons vu sous sa forme la plus mortifère et structurelle chez un autiste comme Crevette : l’hallucination négative ! L’hallucination négative a été écrite depuis longtemps par la psychiatrie dans ses aspects pathologiques. Freud lui-même, en de nombreux endroits de son œuvre, parle de l’hallucination négative, à la fois comme phénomène pathologique et normal : il parle par exemple d’une « hallucination chez les gens sains » dans un contexte où il s’agit de toute évidence d’une hallucination négative [5].

54 Sous le nom « d’hallucination négative de la mère » André Green en a décrit une version structurelle non pathologique. André Green a fait l’hypothèse que la structure encadrante interne de la psyché était produite par un processus : l’hallucination négative de la mère dans le mouvement de son introjection pulsionnelle. J’ai complété ses travaux en montrant que la négativation de la réalisation hallucinatoire positive du désir en présence de la mère, à l’acmé de la satisfaction, produisait dans le mouvement de l’introjection pulsionnelle « l’hallucination négative de la mère en tant qu’écran psychique ». Quand l’environnement de l’enfant est « faste » on peut schématiquement comprendre les choses ainsi.

55 Quand sa mère s’ajuste à lui en lui donnant le sein au moment où il a faim, le bébé vit que son désir se réalise hallucinatoirement, et il s’agit là du continuum hallucinatoire positif entre le sujet et l’objet. Notons que c’est ce même continuum qui sera réactualisé lors d’une intervention ajustée de l’analyste dans l’hallucinatoire de transfert !

56 À l’acmé de la satisfaction hallucinatoire positive quand le bébé a introjecté sa mère en même temps qu’il a absorbé goulûment son lait, le signe de l’hallucinatoire s’inverse, la présence de sa mère tend à s’effacer au-dehors parce qu’il l’a introjectée au-dedans. De la même façon, dans l’analyse, c’est à l’acmé du mouvement de « conjonction transférentielle » (J.L. Donnet 1995) quand patient et analyste éprouvent en même temps la même chose que l’analyste sera halluciné négativement par le patient dans l’introjection pulsionnelle des produits de son analyse !

57 Mais revenons à notre bébé métapsychologique, repu, il somnole, sa mère est toujours là devant ses yeux, mais c’est comme s’il ne la voyait plus : un écran psychique hallucinatoire négatif pare-excitation et surface d’inscription s’est créé en lui. La satiété et l’apaisante satisfaction, fruits de l’introjection pulsionnelle, blanchissent les tensions perceptives hallucinatoires et positives. Nous retrouverons ce même phénomène plus tard, chez l’adulte, dans le vide figuratif de l’état post-orgasmique, consécutif à un rapport sexuel satisfaisant et c’est bien là le « traitement idéal » de l’excitation comme le souligne Daniel Rosé (1997 p. 114). Cet écran qui ferme psychiquement le pôle perceptif, accueille et rend utilisable la pulsion de mort issue du ça, pour la mettre au service d’un appareil psychique à produire des figurations. C’est à ce moment là seulement qu’il y a « aperception » de la mère (Winnicott 1971), et que le bébé peut se voir dans le visage maternel, en « oubliant » sa mère. Le premier miroir hallucinatoire et positif constitué à partir du visage maternel reflétant mimétiquement les éprouvés du bébé s’est négativé : il est devenu écran. Le bébé ne voit plus sa mère qui est pourtant là en face de lui, il accède aux ébauches d’endoperceptions de celle-ci, en sa présence. « Il est seul en présence de sa mère » (Winnicott). C’est sur cet écran que vont pouvoir s’appuyer les projections pour faire retour au moi, c’est sur lui que des défenses hallucinatoires négatives bien psychisées vont pouvoir se constituer pour le protéger des figurations dangereuses en des « négations visuelles » analogons de négation verbale (G. Lavallée 1999). S’il n’en était pas ainsi, la mère omnipuissante et omniprésente aurait le visage de la Gorgone: et c’est bien ce qui arrive dans les états psychotiques ! On peut voir sur la couverture de mon livre le peintre Caravage qui s’est représenté lui-même identifié à la mère-Gorgone : le regard dit son effroi incommensurable !

58 C’est ce même écran psychique qui permettra au bébé de rêver, donnera forme à ses pensées, et concourra à symboliser ses perceptions. L’enveloppe du rêve, l’enveloppe endoperceptive diurne et l’enveloppe perceptive utilisent donc, toutes les trois, le même écran psychique, fruit de l’hallucination négative de la mère dans le mouvement de son introjection pulsionnelle.

59 On ne pouvait donc pas isoler le phénomène de l’hallucination négative. Il fallait l’intégrer à une théorie globale de l’hallucinatoire. J’ai donc du penser un « potentiel hallucinatoire » toujours là, inorganisé inclus dans le ça, et proposer un modèle de son organisation.

L’organisation de l’hallucinatoire négatif et positif dans une relation contenant-contenu

60 Quand les facteurs favorables liés à un environnement « suffisamment bon » ont joué positivement leurs rôles et qu’il y a eu hallucination négative de la mère comme modalité de son introjection pulsionnelle, le processus ainsi créé peut être sans cesse réactivé. Dès lors, que constatons-nous ? Tel l’œil ébloui par le soleil et qui ferme son iris pour s’en protéger, l’hallucinatoire positif trop « éblouissant », représentant d’Eros se régule lui-même en se négativant. Une partie de la pulsion de vie s’adjoint de la pulsion de mort : elles se neutralisent mutuellement. Au lieu « d’obscurcir » les figurations, de les « noircir » par l’affect de la douleur comme le ferait le masochisme primaire, l’hallucinatoire négatif atténue l’intensité de leur présence et nous insensibilise. Les figurations sont moins présentes, elles sont légèrement effacées : « blanchies ». Quand tout se passe bien, la quantité d’hallucinatoire positif en excès se négative ainsi pour former un contenant : l’hallucinatoire se trouve régulé. L’hallucinatoire négatif ainsi créé utilise à petite dose la pulsion de mort pour protéger le Moi, là où dans les psychoses l’hallucination négative pathologique effacera le moi, le monde et la pensée : mort psychique, « psychose blanche » dirait André Green (1973).

61 Puisque l’hallucinatoire négatif se situe bien du côté des contenants, et l’hallucinatoire positif du côté des contenus, on peut concevoir que l’intrication de l’hallucinatoire se fera dans une relation homéostatique contenant-contenu (Bion), entre l’hallucinatoire négatif représentant de la pulsion de mort et l’hallucinatoire positif représentant de la pulsion de vie.

62 Cette intrication demeure dynamiquement instable, elle dépend des avatars de l’économie psychique.

63 Illustrons la relation homéostatique contenant-contenu dans sa fonction de régulation de l’hallucinatoire et de maintien de l’intrication pulsionnelle, par un exemple amusant emprunté à la « psychopathologie de la vie quotidienne » de Freud (1901).

64

Freud vient d’être nommé professeur, il est euphorique et exalté : il se dit que maintenant qu’il est professeur, les parents qui ont refusé de lui confier leur fille en traitement changeraient d’avis, et il savoure son triomphe en marchant dans la rue. Or, voilà qu’il entend soudain : « Bonjour professeur ! » Il voit alors en face de lui, précisément, les parents haïs qui avaient refusé de lui confier leur fille en traitement ! Freud parle alors d’hallucination négative pour expliquer qu’il n’ait pas vu venir ces parents, qui pourtant se rapprochaient de lui, en plein milieu de son champ de vision ! Consciemment, il ne les a pas vus, mais inconsciemment -lors du « scanning visuel inconscient [6] »- oui ! Sa rêverie rageuse et triomphante contre ces parents en fait foi !
La perception des parents haïs dans un état d’esprit euphorique et mégalomane était une perception à trop fort quantum hallucinatoire positif : les parents s’il les voyait maintenant qu’il est professeur, ils accepteraient de lui confier leur fille, ils réaliseraient le désir de Freud : il y a donc un risque de court-circuit hallucinatoire positif entre les pensées de Freud et la perception des parents. Freud, l’espace d’un instant, croit que son désir pourrait se réaliser hallucinatoirement au pôle perceptif. Pour y parer, Freud produit une « négation visuelle hallucinatoire », une sorte de flou, de désinvestissement localisé (pensons au flou numérique qui dissimule les visages à la télévision). C’est comme si Freud, dans un mouvement de négation, se disait sans aucun mot : « non je ne vois pas les parents ! », alors qu’inconsciemment il a vu !

65 Il y a donc, ici, une relation contenant-contenu entre l’hallucinatoire positif et négatif. Le quantum hallucinatoire positif trop intense lié à la perception inconsciente des parents se négative et produit un contenant, il renforce la fonction écran de l’enveloppe visuelle de Freud : consciemment, Freud ne voit pas les parents.

66 Notons que la pensée de Freud n’est pas altérée, sidérée, comme ce sera le cas devant l’Acropole (Freud 1936) où il doutera de la réalité de ce qu’il voyait et sera victime d’une hallucination négative pathologique qui signe un moment de désintrication pulsionnelle. Freud, ici, fantasme tranquillement à l’abri de son écran hallucinatoire négatif opacifié. Si les parents ne lui avaient pas adressé la parole, il ne se serait aperçu de rien.

67 C’est ainsi que l’enveloppe visuelle travaille inconsciemment et en permanence à nous défendre de l’excès de quantum hallucinatoire positif, à notre insu ! La limite psychique est régulée dynamiquement, l’intrication pulsionnelle est maintenue ! Nous ne prenons pas nos désirs pour une réalité !

68 S’il n’existe pas de relation contenant-contenu entre l’hallucinatoire positif et négatif, on est dans le registre, peu ou prou, psychotique. Dans ce registre, l’hallucinatoire n’est plus quantitativement régulé et on assiste à des mouvement massifs de bascule entre l’hallucinatoire négatif et positif, ouvrant la porte à l’hallucination.

69 La comparaison avec Crevette et Marius est édifiante. L’organisation névrotique de Freud dispose de processus régulateurs de l’hallucinatoire, d’un écran psychique et d’une organisation pulsionnelle qui lui permet de produire des « négations visuelles hallucinatoire » qui sont en quelque sorte des négations verbales muettes : « non je ne vois pas les parents », Freud n’a pas besoin, comme Crevette, de mettre un cache devant ses yeux ! En outre Freud peut se maintenir en relation avec lui-même dans un espace perceptif et de pensée dédoublé intacte, sans pour autant ressentir comme Marius la nécessité de la présence d’un frère jumeau ! Freud dispose d’enveloppes figuratives, perceptive et endoperceptive, munies d’un écran psychique.

70 Notons cursivement, sans trop entrer dans des détails fastidieux que la relation contenant-contenu entre l’hallucinatoire négatif et positif va se retrouver à tous les niveaux de l’activité pulsionnelle, en tant que régulateur de l’hallucinatoire dans la triple enveloppe figurative.

71 Ainsi le jour, la dominante hallucinatoire positive ou négative de l’enveloppe perceptive et endoperceptive n’est pas la même et s’inverse interactivement en fonction des situations. De la même façon dans la trame même de la pensée, tant primaire que secondaire, lors de son déroulement temporel, un quantum hallucinatoire négatif délie les pensées qu’un quantum hallucinatoire positif relie à nouveau autrement. En outre dans la mesure où l’intensité affective des figurations est déterminée par le quantum hallucinatoire de la motion pulsionnelle, le maintien de l’intensité de l’affect dans les limites compatibles avec l’activité figurative est là aussi dépendant de la régulation de l’hallucinatoire dans une relation contenant-contenu.

72 Je ne puis, ici, formuler des explications plus complètes, mais l’importance de cette relation contenant-contenu valait la peine d’être rapidement soulignée.

L’enveloppe endoperceptive du rêve et l’hallucinatoire de transfert

73 La nuit, dans l’enveloppe du rêve, des stimuli qui sont des impulsions préfiguratives inconscientes, surgissant sans relâche du ça, à partir du soma, viennent remplacer les stimuli lumineux issus du monde diurne propre à l’enveloppe visuelle. La matière psychique issue du « ça » se projette, telle des jets de peintures fluorescentes, d’un côté de l’écran semi-transparent du rêve à la manière de « l’Action painting » d’un Pollock tandis que de l’autre côté un « œil nocturne » (qui agite sa paupière !) donne forme à ces projections en s’aidant des liaisons avec le monde des représentations déjà constituées, enrichies des restes perceptifs diurnes et des pensées latentes inconscientes qui travaillent le sujet à son insu et concourent aussi à…. son « Action painting » ! La boucle est bouclée !

74 Rêver c’est donner une figure apaisante, à partir des pensées latentes inconscientes, à une peinture de Pollock que l’on est en train de faire, sans le savoir et sans bouger !

75 Alors que le circuit pulsionnel de l’enveloppe visuelle est un circuit ouvert en forme de S, je conçois l’enveloppe du rêve comme un circuit pulsionnel circulaire fermé, seulement régulé par l’écran interface. L’enveloppe du rêve est un espace dédoublé où le rêveur est spectateur de sa propre production figurative. La conviction de réalité perçue attachée à la qualité pleinement hallucinatoire de la figuration nocturne est tempérée par la distance prise par le rêveur avec celle-ci. Cette prise de distance signe la présence de l’écran interface qui relie et sépare les productions inconscientes endoperçues et le sujet dormant. Cette prise de distance est facilitée par la blancheur de l’affect associé aux images du rêve. L’affect est-il « inhibé » dans le rêve comme le dit Freud ? Je rappelle que j’ai conçu l’affect comme facteur de sens toujours associé à un quantum hallucinatoire qui lui donne son intensité. On peut faire l’hypothèse que la production figurative du rêve aurait un potentiel hallucinatoire positif de base réduit et rendrait l’affect imperceptible, comme « épongé » par l’intensité hallucinatoire et négative de l’écran du rêve, qui porte, en négatif, la trace de la mère. Lewin a montré que l’écran du rêve est très présent et qu’il peut se représenter lui-même en rêve sous forme d’un « blanc » et absorber les contenus du rêve, tout en produisant les effets transformateur apaisant du travail du rêve. « Un bon rêve, profondément réparateur ne laisse pas de trace », aimait à dire Michel Fain.

76 En outre, l’affect primaire dominant les éprouvés du rêve n’est pas lié au « scénario » du rêve. Le « je » rêvant voit un spectacle cinématographique magique ! Que le « film » produit par l’inconscient soit une « comédie » ou une « tragédie » lui importe peu, il ne le sent guère : ce qui domine c’est le plaisir du fonctionnement psychique produit par l’enveloppe figurative, mobilisant un quantum hallucinatoire de satisfaction figurative bien dosé. L’affect qui imprègne le travail du rêve est donc un affect primaire de plaisir produit par une bonne homéostasie psychosomatique : il y a un plaisir à se sentir paisible dans le rêve.

77 La nuit, le pôle perceptif étant physiologiquement fermé et la mise en mot des endoperceptions étant impossible, l’enveloppe endoperceptive nocturne ne peut plus s’étayer sur l’enveloppe perceptive et sur « l’appareil à langage » (Green). La mise en mot ne pourra se faire qu’au réveil, après coup. Cette enveloppe du rêve ne peut pas non plus s’aider de l’emprise pour freiner l’hallucinatoire : la nuit, dans le rêve, la pulsion scopique a perdu sa composante d’emprise : c’est le règne du représentant psychique de la pulsion ! (supra)

78 L’enveloppe endoperceptive du rêve se réduit donc à un régulateur de l’hallucinatoire, clos sur lui-même.

79 L’enveloppe du rêve, est donc particulièrement fragile, c’est pourquoi les spécialistes recensent une multiplicité impressionnante « d’activités oniriques » complexes que l’on peut considérer comme autant de ratés de la régulation de l’hallucinatoire.

80 Si la régulation de l’hallucinatoire est défaillante, il n’y a donc nul recours à espérer, d’autant plus que tout au long de la nuit, contrairement à ce qu’on a cru jusqu’à présent une activité hallucinatoire multiforme se maintient sans relâche (c.f. Lucile Garma 1998).

81 Faute d’écran du rêve – hallucinatoire et négatif – pour recevoir les endo-projections, de circuit pulsionnel contenant et régulant l’hallucinatoire positif, et de relation contenant-contenu entre l’hallucinatoire négatif et positif à tous les niveaux, il n’y a plus de rêve au sens strict.

82 L’hallucinatoire peut alors se transformer en véritable hallucination – ainsi qu’on peut le constater chez les narcoleptiques – ou encore se changer en acte moteur, comme dans le somnanbulisme.

83 Si l’enveloppe du rêve est défaillante elle ne permet pas au travail du rêve de s’effectuer. Au lieu que se forment dans le rêve des solutions psychiques plutôt apaisantes, ce sont des angoisses, des terreurs ou des cauchemars répétés qui vont tendre à dominer le tableau clinique. L’hallucinatoire positif non régulé ne permet plus à un contenu figuratif de se maintenir sous la domination du principe de plaisir. Quant à l’écran hallucinatoire négatif il tend à disparaître, et avec lui la trace apaisante de la mère. L’hallucinatoire retourne à l’état d’excitation dont il est issu, il ne produit plus de liaison entre le « ça » l’endoperception et les pensées latentes, et ne permet donc plus de figuration. On assiste alors à un court-circuit pulsionnel qui produit une décharge de l’excitation a-sensée issue du ça, que nous pourrions comparer à l’éclair ou au tonnerre lors d’un orage. C’est un facteur d’effroi pour le moi qui est complètement débordé non seulement au moment du sommeil, mais aussi après coup au réveil. Et ce d’autant plus que la différence entre état de sommeil et état d’éveil n’est parfois plus assurée ! En outre une répétition traumatique est souvent activée. Je vais en donner un exemple.

84

Il s’agit d’un garçon au tout début de la puberté, dont je découvrirais la structure allergique. Alors qu’il vivait jusque là sans grands problèmes, il m’est adressé en urgence. Après une atteinte grippale, à la suite d’une très forte fièvre qui a très vite cédée, depuis une bonne dizaine de jours, il fait chaque nuit le même « cauchemar » sans représentation, qui lui donne le sentiment d’une mort imminente. Terrorisé, il ne sait pas s’il dort ou s’il est éveillé et se griffe le visage et les yeux : la douleur le sort de son « cauchemar ». Il craint que ses yeux ne s’arrachent, et se précipite hors de sa chambre, en appelant ses parents au secours. Auprès d’eux, il parvient à se calmer, mais a peur de se rendormir. Avant de venir me voir, il a été hospitalisé dans un service de neurologie. Les examens n’ont rien révélé d’anormal.
En deux séances, en face—à face, à un jour d’intervalle, le « cauchemar » disparaît, et une représentation apparaît : son grand frère, sadique et persécuteur, aurait-été dans le cauchemar ! À la troisième séance la représentation du cauchemar est refoulée : mon patient ne se souvient plus m’avoir dit que son frère était dans son cauchemar, alors même que la seconde séance avait été entièrement remplie de propos sur son frère ! Mais après tout, son frère était-il vraiment dans le cauchemar, ou s’agit-il d’une mise en sens après coup du vide figuratif terrorisant, par liaison avec l’image du frère jouant « les terreurs » ? Je n’en saurai pas plus sur le cauchemar… !
Je le vois quelques mois à trois, puis deux, puis une séance par semaine, et le patient habitant très loin, la thérapie cesse. Mais bien évidemment je dis à ce tout jeune homme que je reste à sa disposition et lui donne ma carte. Il lui suffira de me téléphoner si ça ne va pas. Un an et demi plus tard, à la demande de sa mère, je le revois une fois, par précaution. Le « cauchemar » n’est pas reparu mais il reste pour lui un souvenir inquiétant ; le patient est très content de me revoir, dort normalement et évolue plutôt bien.
Comment comprendre l’évolution positive rapide de ce cas sans une théorie de l’hallucinatoire et de son contenant ? L’enveloppe figurative du rêve, sans doute fragile chez cet allergique, semble avoir été restaurée, par un travail de psychothérapie « en surface », reconstructeur du « maillage » des liaisons préconscientes, mais le transfert a été d’emblée très intense.
À mon contact, l’hallucinatoire est remobilisé dans l’hallucinatoire de transfert et réorganisé, et le contenant du rêve se reconstruit dans mon hallucination négative en face à face lors des acmés hallucinatoires et positives.
Ma théorie de l’hallucinatoire m’a beaucoup aidé à comprendre ce patient et à surmonter mon inexpérience en matière de trouble du sommeil : si le cauchemar n’avait pas rapidement cédé, je m’apprêtais à l’adresser à la clinique du sommeil à la Salpêtrière !
Notons l’effet déclenchant de la forte fièvre, qui montre « à la loupe » l’articulation psychosomatique de l’hallucinatoire. On conçoit que le système sommeil-rêve et ses avatars passionne les psychosomaticiens ! Une forte fièvre désorganise le système perceptif. Par exemple, au touché, un objet peut sembler plus gros que de visu ! L’épreuve de réalité de base constituée par la cohérence plurisensorielle est altérée !

85 En dehors de ces extrêmes, on doit supposer chez tout un chacun, parfois dans la même nuit la survenue d’une gamme « d’activités mentales du dormeur » (L.Garma) qui ne se réduisent pas au rêve. Notons par exemple les mouvements du corps dans le lit comme solutions psychiques magiques (se retourner), des tentatives de paroles parfois effectivement proférées avec reprise silencieuse de la figuration du rêve etc… qui montrent que la régulation de l’hallucinatoire est très difficile et ne saurait être constante : elle est soumise aux avatars de l’économie psychique…. et de la physiologie comme le prouve la forte fièvre de mon jeune patient !

86 Moyennant quelques adaptations, et de très nombreux compléments que je ne puis aborder ici, le modèle de base de l’enveloppe visuelle du moi généralisée me parait donc apte à rendre compte des trois types d’enveloppe figurative : diurne perceptive et endoperceptive, nocturne endoperceptive, et de leurs articulations. [7]

La reconstruction de l’écran psychique en « vis à vis »

87 C’est dans un travail en face à face, ou plutôt en « vis à vis » comme le dit significativement Catherine Parat (1995), que le contenant du rêve du jeune patient que je viens d’évoquer s’est rapidement reconstruit. Je vais donc essayer d’exposer maintenant comment l’hallucinatoire peut y être spécifiquement engagé.

88 À un niveau superficiel, les vertus de l’étayage par le regard comme « accrochage à la réalité » de l’objet sont bien connues et je n’y reviendrais pas. Mais profondément, s’agit-il vraiment de cela ?

89 Schématisons, pour les besoins de ma démonstration, un processus « idéal » d’ajustement de ma psyché à celle du patient.

90 L’écoute flottante des paroles du patient et l’abandon au sens affectif inconscient de ses signes corporels font « entrer en moi » mon patient sous forme d’un éprouvé non secondarisé. L’écoute analytique est une écoute introjective. Je me laisse subtilement modifier par mon patient pour pouvoir le comprendre de l’intérieur : il y a « co-pensée », « co-éprouvé », « co-excitation » (Freud). C’est ainsi que mon jeune patient habité par une terreur qu’il ne parvient pas à chasser, va trouver en moi un objet de continuum hallucinatoire avec qui la partager. Quand, dans le cours des quarante cinq minutes de séance, comme « suggestionné » par lui, je parviens à prendre la parole au bon moment, au bon rythme avec des affects justes et des mots exacts, pour lui révéler ce qu’il vit, quand mon patient en entendant ma voix reprend un contact visuel avec moi et plonge ses yeux dans mes yeux, il vit une sensation de continuum succédant à un état de détresse [8] !

91 À partir de la sensation de continuum hallucinatoire avec l’analyste, que cela soit vécu comme « plaisir-terreur » indicible, que cela donne lieu à du rire ou des larmes, dans tous les cas, le patient vit une acmé énergétique apaisante. À l’acmé du continuum, marqué par la satisfaction apaisante d’être enfin compris, le patient hallucine négativement son analyste en sa présence visuelle, tout en introjectant les produits du travail analytique. Le processus de création de l’écran hallucinatoire négatif est reparcouru et reconstitué. L’analyste est alors « absenté » par le patient en sa présence. L’écran psychique reconstruit permet, en séance, au travail figuratif endoperceptif de se poursuivre et de s’approfondir, et il rend à nouveau possible, la nuit, le travail du rêve. Mon jeune patient va pouvoir, à nouveau, rêver.

92 Je le souligne encore une fois, l’hallucination négative de la mère et transférentiellement de l’analyste, s’effectue en sa présence, pas en son absence, et c’est tout le problème du dispositif divan-fauteuil. Dans le dispositif classique l’analyste n’est présent perceptivement que quand il parle, il est donc très difficile au patient de reconstituer l’écran si le processus de l’hallucination négative de la mère n’est pas structurellement bien intégré.

93 En vis à vis l’analyste redevient un miroir hallucinatoire positif. À lui de créer de la continuité hallucinatoire perceptive si nécessaire et quand c’est nécessaire, pour permettre son hallucination négative par le patient.

94 En vis à vis, c’est donc spécifiquement le « sentir-avec » empathique, dans la mimésis primaire et son accordage affectif et rythmique, qui mobilise le potentiel originel hallucinatoire fourvoyé du patient, pour permettre sa transformation [9].

95 En vis à vis l’analyste doit inéluctablement travailler avec son expressivité : un visage n’est jamais neutre ! La neutralité analytique de rigueur, l’attention également flottante, « l’impavidité » (M. Bouvet) nécessaire, pour parer à l’excitation du patient, ne doivent pas nous faire négliger la question de notre expressivité. À l’écoute du patient, en vis à vis j’interroge d’abord mon affect dominant : c’est cet affect que voit mon patient sur mon visage. Cette interrogation me permet si nécessaire de m’en dégager, ou, au contraire si je le juge bon de poursuivre dans « l’éprouver avec » le patient, dans la conception de Ferenczi. En outre, la gestuelle, la mimésis réfléchissante, l’expression du visage « marquant un émoi » (C.Parat) sont des outils nécessaires.

96 En tous cas, même dans une pratique de « face à face » courante, parce que l’hallucinatoire habite la perception, l’analyste ne peut pas échapper à cette question : qu’elle usage fait le patient de la perception visuelle qu’il a de l’analyste et comment ce dernier travaille-t-il avec ?

97 Les partis pris théorico-cliniques trop schématiques et succincts que je viens d’exprimer auront néanmoins, je l’espère, permis au lecteur de mieux comprendre rétrospectivement la reconstruction de l’écran hallucinatoire nocturne du jeune patient que j’ai évoqué précédemment. Autant dire que le face à face conçu ainsi pose bien des problèmes et n’est pas de tout repos, mais cesse d’être un simple dispositif analytique par défaut !

Hallucinatoire et répétition traumatique

98 Le jeune patient que j’ai évoqué plus haut pose la question de la répétition hallucinatoire du trauma. Son « cauchemar » se répète hallucinatoirement chaque nuit.

99 Tant que le bébé a pu constituer un développement pulsionnel marqué par des expériences de satisfaction dans un environnement faste, l’hallucinatoire reste au service de la satisfaction. Mon jeune patient avait disposé d’un environnement faste et la remise de l’hallucinatoire au service de la satisfaction était donc possible. Mais que se passe-t-il quand les traumas domine et que l’humain a sombré dans le gouffre ? C’est d’ailleurs la question que pose René Roussillon (2001), à partir des plus graves souffrances « narcissiques-identitaires », en mettant en valeur les liens de l’hallucinatoire avec l’automatisme de répétition. Nous voilà bien au cœur de la tragique condition humaine, car si le bébé est confronté à un environnement véritablement traumatique, son hallucinatoire, va tenter de lier perception et représentation en poussant à la répétition des traumas. Les traumas sont traités par l’hallucinatoire comme les moments heureux ! Trop de plaisir, comme trop de douleur, produit une « affectation énergétique » : « c’est trop ! » disent d’ailleurs indifféremment les « ados ». L’hallucinatoire, sensible à la quantité est indifférent à la qualité de l’expérience : plaisir-déplaisir, il ne fait pas le tri ! La souffrance organise alors de multiples défenses : répression massive de l’hallucinatoire et de l’affect dans la « prématuration du moi » (M. Fain), déni, clivage, forclusion (J. Lacan). Il en découle des pathologies très lourdes qui ne vont pas spontanément consulter un psychanalyste. La psychopathie bien étudiée par Claude Balier (1996) en offre un exemple achevé.

100 Je n’ignore pas que chez l’adulte « normalement névrosé » lors de trauma, d’accidents ou de guerre le même terrible phènomène de répétition hallucinatoire se produit, et j’ai abordé ce problème dans mon livre (c.f aussi Phillips S.H. (1991), « Personne n’est à l’abri du malheur ! » (M. Fain). Mais même dans ces cas, qui se rapprochent de la problématique de mon jeune patient, un travail de psychothérapie est possible.

101 Qu’un être humain dans « le malheur » vienne nous trouver et son hallucinatoire qui s’est « fourvoyé » selon diverses modalités, ou qui « tourne à vide » compulsivement (M.Fain) devrait pouvoir se réorganiser à notre contact : la sédation rapide du « cauchemar » du jeune patient que j’ai évoqué plus haut ne peut se comprendre qu’ainsi. Je ne suis pas le seul à penser que le retour hallucinatoire du « forclos » dans l’analyse, est bien la seule issue potentiellement positive à cette problématique ! Claude Balier dans un travail de psychothérapie réalisé en milieu carcéral en a donné un exemple princeps qui inclue un remaniement du processus hallucinatoire fourvoyé [10].

102 Cette question de la répétition hallucinatoire du trauma si elle conduit a un certain pessimisme ontologique : « l’être humain est il fait pour vivre ? » Ne me conduit donc pas pour autant a un pessimisme thérapeutique. Le « potentiel hallucinatoire » toujours là, mais « fourvoyé » dans une organisation pathologique, devrait pouvoir être accueilli, transformé, régulé, et réorganisé dans l’hallucinatoire de transfert.

103 Tout patient aspire à trouver un objet de continuum hallucinatoire pour élaborer ses traumas.

104 Faut-il pouvoir y parvenir.

En analyse, l’hallucinatoire de transfert : Aurélie

105 Pour supporter le dispositif divan-fauteuil, il est nécessaire de disposer d’un minimum d’organisation de l’hallucinatoire sous le primat du principe de plaisir. C’était le cas d’Aurélie.

106 En ce qui concerne l’endoperception de l’analysant je propose de résumer mon modèle théorique d’enveloppe figurative par cette métaphore : c’est la « lanterne magique » du transfert, éclairée par la lumière de l’hallucinatoire positif qui projette un potentiel infini de figurations sur l’écran psychique constitué par l’analyste halluciné négativement. L’analysant « se voit » alors réflexivement dans sa production figurative qui acquiert un potentiel autoreprésentatif essentiel.

107 Pour dire les choses au plus simple et concrètement, en régime de croisière analytique, l’hallucinatoire de transfert se manifeste constamment dans les mouvements de rapprochement de la pensée de l’analysant et de celle de l’analyste. L’hallucinatoire atteint son acmée, lorsque l’analysant, après une intervention de l’analyste dit : « j’y pensais à l’instant ! » Et quand, du côté de l’analyste celui-ci pense à quelque chose que son patient va dire l’instant d’après ! Ces moments, au vif de la dynamique hallucinatoire, recèlent un pouvoir de transformation psychique considérable. Bien évidemment, pour faire advenir l’hallucinatoire de transfert qui est potentiellement toujours là sous des formes différentes, l’analyste, confronté à l’extraordinaire épreuve d’altérité que représente l’écoute analytique, doit parvenir à s’ajuster psychiquement à son analysant jusqu’à lui fournir un sentiment de continuité psychique.

108 Notons que le dire de l’analysant qui survient après une intervention de l’analyste « j’y pensais aussi », est l’exact opposé et le complémentaire d’un autre dire « je n’y avais jamais pensé » souvent pointé par André Green dans son enseignement oral. Dans le premier cas, l’analyste et l’analysant pensent la même chose en même temps et l’analysant ressent l’analyste comme identique à lui : l’analyste est un « autre-semblable » (Green), il est même devenu « l’objet du continuum hallucinatoire » (G.Lavallée). Dans le second cas l’analyste dit quelque chose que l’analysant reconnaît comme vrai et qu’il n’avait pourtant jamais pensé : l’analyste est « l’autre de l’objet » (Green) il exerce pleinement sa fonction « tierce ».

109 Ces deux configurations transférentielles pour être opposables sont évidemment complémentaires et tout autant importantes l’une que l’autre. L’écart narcissiquo-objectal entre les deux trace le champ de travail de l’analyste : une topique du champ transférentiel.

110 Or il arrive que le champ entre ces deux extrêmes, soit couvert dans la même séance. Sans entrer dans le détail du matériel, ce qui nécessiterait d’expliquer trop de choses, voici un exemple où des moments de continuum hallucinatoire avec une analysante bien douée pour l’analyse débouchent sur une ouverture analytique décisive.

111

Aurélie est en analyse depuis de nombreuses années. En certaines périodes – qui peuvent durer une à deux séances – ce que je pense pouvoir lui dire à son écoute, est spontanément dit par elle l’instant d’après, sans que j’ai besoin d’intervenir ! Je l’entends dire tout haut ce que, l’instant d’avant, je pensais tout bas !
Mais l’hallucinatoire fonctionne tout aussi discrètement dans l’autre sens ! Ainsi, alors que très récemment, je lui rappelle un épisode de son enfance qui a surgi en moi à son écoute, Aurélie, émue aux larmes me dit : « Oh ! c’est drôle que vous disiez ça, le souvenir m’est revenu à l’instant… ! ». J’ai dit tout haut ce qu’elle venait de penser tout bas. Ce fut une séance mutative. Lors de ce moment de continuum hallucinatoire, je lui ai rappelé un épisode de son enfance qui concerne une petite robe offerte par son père, symbole de sa féminité. Mais cette remémoration partagée va déboucher immédiatement en moi sur une association inattendue que je vais, à la séance suivante, au moment adéquat, lui verbaliser : son père, à l’adolescence, lui avait offert un jogging ! Aurélie s’écrira aussitôt : « il y a un petit garçon en moi qui n’a pas eu le droit à l’existence ! » Or Aurélie n’avait jamais pu aborder ce registre de ses identifications masculines.
Cette problématique, pourtant bien classique, était restée masquée en elle et en moi, par les gratifications que cette femme, très belle, objet de tous les désirs masculins, obtenait d’une féminité, en apparence, épanouie. Elle « avait » potentiellement à sa merci tous les hommes qu’elle voulait, comment aurait-elle pu penser qu’elle « désirait être » un homme ?
Le moment de continuum hallucinatoire entre nous où elle pense la même chose que moi, permet à Aurélie d’opérer une nouvelle liaison qu’elle avait toujours refusée de faire ! « Elle n’y avait jamais pensé, et elle peut l’admettre en elle » (Green). Puisque la petite fille est enfin pleinement reconnue par l’objet du continuum hallucinatoire, elle peut sentir qu’il y a un petit garçon en elle ! Les deux pôles extrêmes de la topique transférentielle de la séance d’analyse : continuum hallucinatoire véhicule ici du « féminin pur » winnicottien, et tiercéité associée ici « au masculin pur » ont été couverts !
Pour moi, c’est l’hallucinatoire qui crée la dynamique nécessaire à de tels moments mutatifs ! A ma grande surprise, pendant plus d’une année, Aurélie travaillera cette question sans relâche, et en pleurera toutes les larmes de son corps !

112 À partir du déploiement d’une théorie de l’hallucinatoire, il devient donc possible de penser des phénomènes figuratifs analytiques intersubjectifs, ouvrant la voie aux « processus de subjectivation » (R. Cahn) du patient, qui échappaient jusqu’à présent à une saisie rationnelle.

113 L’hallucinatoire est consubstantiel au processus analytique. [11]

Conclusion

114 Lecteur, c’est en comptant sur tes capacités à nuancer et recomplexifier ce que j’ai à dessin simplifié, que je t’ai livré ma pensée à grand trait, en privilégiant son mouvement, ses avancés, et le foisonnement de ses entrelacs. Mon livre sur « L’enveloppe visuelle du moi » ne laisse aucun problème dans l’ombre, et il est là pour répondre avec clarté rigueur et méthode à tes multiples questions. J’y décris, schéma à l’appui, l’articulation avec la psychophysiologie de la vision, des configurations et des ruptures de l’enveloppe, j’y déploie, illustre, et argumente milles nuances. À toi d’y revenir lecteur… ! Ce livre est le dernier que le regretté Didier Anzieu ait édité sur la question des enveloppes psychiques, et je sais qu’il l’a apprécié.

115 Quant à l’hallucinatoire de transfert, c’est un domaine de recherche passionnant qui laisse entendre que « l’outil psychanalytique » n’a pas encore révélé toutes les richesses dont il est capable. C’est en tous cas une notion qui m’aide grandement à travailler. Mais si l’hallucinatoire permet de rendre compte rationnellement de phénomènes qui semblent magiques, il n’en est pas pour autant une baguette magique thérapeutique ! C’est un concept qu’il nous revient d’intégrer au vaste corpus analytique « classique » qui garde, bien entendu, toute sa valeur. [12]

Bibliographie

Bibliographie

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  • Bion W.R. (1967), Réflexion faite, Paris 1983, PUF.
  • Botella C. et S. (1990), La problématique de la régression formelle de la pensée et de l’hallucinatoire, monographies de la Revue Française de Psychanalyse, in La psychanalyse : questions pour demain, Paris, PUF, p. 63-90.
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  • Green A. (1973), Le discours vivant, la conception psychanalytique de l’affect, Paris, PUF.
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  • Green A. (1993), Le travail du négatif, Paris, De Minuit.
  • Green.A (2002), La pensée clinique, Paris, Odile Jacob
  • Houzel D. (1987), Le concept d’enveloppe psychique, Les enveloppes psychiques, Anzieu D. et coll., Paris, Dunod, p. 23-54.
  • Laplanche J. (1987), Nouveaux fondements pour la psychanalyse, Paris, PUF.
  • Lavallée G. (1999) L’enveloppe visuelle du moi, perception et hallucinatoire Paris, Dunod
  • Mahler M. (1973) Psychose infantile, Paris, Payot
  • Meltzer et coll. (1975), Explorations dans le monde de l’autisme, Paris, Payot 1980.
  • Parat C. (1995), L’affect partagé, Paris, PUF.
  • Phillips S. H. (1991), Traumatisme et guerre : fragment d’analyse d’un vétéran du Vietnam, Revue Française de Psychanalyse, n°4, tr. fr. 1994, Paris, PUF.
  • Porret J.M. (1997) L’arrière scène du rêve, L’Harmattan.
  • Rosé D. (1997) L’endurance primaire, Paris, PUF
  • Rosenberg B. (1991), Masochisme mortifère et masochisme gardien de la vie, Monographies de la Revue Française de Psychanalyse, Paris, PUF.
  • Roussillon R. (2001) Le plaisir et la répétition, Paris, Dunod
  • Tustin F.(1972) Autisme et psychose de l’enfant, Paris, Seuil
  • Winnicott D.W. (1971), Jeu et réalité, Paris,Gallimard

Notes

  • [1]
    Psychanalyste, 106 rue de Sèvres - F-75015 Paris.
  • [2]
    LAVALLEE G. L’enveloppe visuelle du moi, perception et hallucinatoire Dunod 1999. L’apostrophe au lecteur est une figure de style que j’emprunte aux « Essais » de Montaigne.
  • [3]
    Sur la question du sujet et de la subjectivation c.f. C. Castoriadis 1986, R.Cahn 1998, R. Roussillon 2002.
  • [4]
    Quelle que soit la façon dont chacun conçoit les pulsions de vie et de mort, l’intrication de la libido avec l’autodestructivité apparaît à tous comme une nécessité. Sur l’intrication c.f. B. Rosenberg 1991. Sur la difficile question de la pulsion de mort, sur sa nécessité, mais aussi sur les possibles modifications à apporter aux esquisses de Freud voir l’ouvrage collectif sous la direction de Jean Guillaumin : « L’invention de la pulsion de mort » Dunod 2000.
  • [5]
    C.f. : sur Freud et l’historique de l’hallucination négative, C.Couvreur et F.Duparc 1992.
  • [6]
    J’ai emprunté le concept de « scanning inconscient » a Anton Ehrenzweig (1967) il signifie qu’au premier coup d’œil, inconsciemment, « tout » est vu !
  • [7]
    Sur la question de « L’arrière scène du rêve », je renvoie le lecteur au remarquable livre de J.M. Porret que je viens de découvrir (L’Harmattan 1997). La convergence de nos point de vue sur la qualité hallucinatoire et négative de l’écran du rêve, et en même temps nos divergences sur de nombreux autres points ouvrent un champ de travail conséquent que je ne puis aborder ici.
  • [8]
    S’agit-il d’étayage ou de vécu de continuum hallucinatoire succédant à un état de détresse ? A un niveau profond, si on a une conception de l’étayage proche de Laplanche et Pontalis, il s’agit de la même chose. Ma théorie de l’hallucinatoire éclaire d’un nouveau jour, les conceptions de J.Laplanche (1987) sur l’objet source, la séduction généralisée et l’étayage.
  • [9]
    C.f. par exemple mes commentaires sur le travail en face à face avec un patient mal entendant in : « Le potentiel hallucinatoire » Revue Française de Psychosomatique N°19 2001, PUF.
  • [10]
    C.f.Balier 1996 p.121, le cas de François. Et mes commentaires in Guy Lavallée 2001,ibid., p. 140 et 141.
  • [11]
    Il m’a ainsi été donné de pouvoir montrer à des collègues de la S.P.P. dans le cadre du séminaire clinique hebdomadaire d’André Green, comment, dès les six premiers mois d’une analyse, on pouvait, à côté de tous les autres paramètres habituels de l’analyse, repérer dans le détail du matériel clinique, dans la continuité des séances, cet hallucinatoire de transfert. Je remercie vivement André Green pour son écoute et ses commentaires tout au long de la dizaine d’heure nécessaire à un tel exposé.
  • [12]
    Chacun peut consulter « Le potentiel hallucinatoire, son organisation de base, son accueil et sa transformation dans un processus analytique » Revue Française de Psychosomatique N°19 2001, PUF. Mes deux contributions aux 61ème et 62 éme congrès des psychanalystes de langue française : « Au vif de la dynamique préfigurative : le quantum hallucinatoire », et « Intrication pulsionnelle et hallucinatoire » sont accessibles uniquement dans le bulletin de la S.P.P. afférents à ces congrès.
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