Notes
-
[1]
La marge d’erreur de notre échantillon est de 3,81 %, à un seuil de confiance de 95 %.
-
[2]
Les chiffres ci-dessous proviennent des statistiques de l’INSEE : population par sexe et groupe d’âges en 2018.
-
[3]
Pour connaître l’ensemble des formes de déplacements, il faut se reporter à la thématique « la marche dans votre vie » du questionnaire : http://acp-enquetes.univ-mlv.fr/questionnairel_82nc/Marche.html
-
[4]
Pour information, 5000 pas correspondent à une distance comprise entre 3000 et 3500 mètres, soit environ 1 heure de marche lente ou 40 minutes de marche rapide.
-
[5]
Nous avons construit une typologie à partir d’une analyse factorielle des correspondances, transformée alors en une variable unique, pour ensuite déterminer le profil de chaque modalité de cette variable (chacune correspondant donc à un profil). Le profil de modalités permet d’afficher les écarts à l’indépendance significatifs entre les modalités d’une variable de référence et les modalités des autres questions de l’enquête.
-
[6]
Les augmentations ou la diminution ainsi rapportées dans chaque profil le sont en référence à la moyenne de notre échantillon.
1La marche est une activité qui prend place dans notre quotidien sous des formes variées : marche utilitaire, lors des trajets entre le domicile et le lieu de travail par exemple, marche de loisir, sous forme de promenades, ou encore marche sportive, finalisée par la réalisation d’une performance. Elle est par ailleurs présentée dans de nombreuses campagnes de prévention comme une forme d’activité à privilégier pour la santé, et a souvent une place importante dans les programmes de lutte contre l’inactivité et les habitudes sédentaires dans la vie quotidienne, irrigués par de nombreux travaux s’attachant à montrer son impact sur les dimensions physiologiques, cognitives et sociales de la santé (Shephard, 2008 ; Cooper et Hancock, 2012).
2La marche est de ce fait présente dans les recommandations des grandes instances internationales. On retrouve en outre cette référence dans les textes de cadrage des organismes internationaux comme l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou l’Organisation mondiale de la santé (OMS). On peut citer à titre d’exemple le programme Healthy ageing (Berenson, Winfridson et Junström, 2007), cofinancé par l’Union européenne et impliquant l’OMS. Les recommandations concernant la marche se retrouvent également au niveau national, par exemple dans le premier Plan national nutrition santé qui annonce comme objectif l’augmentation de 25 % du nombre de personnes faisant l’équivalent d’au moins trente minutes de marche rapide par jour (Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Ministère délégué à la Santé, 2001). La marche se trouve de surcroît être une activité plébiscitée par les Français ; l’enquête sur les pratiques sportives des Français réalisée par le ministère chargé des sports et l’INSEP en 2010 la place en tête des activités physiques pratiquées (Thiery, 2010).
3Pour autant, la marche ordinaire, qu’elle soit utilitaire ou de loisir, est une activité qui est peu étudiée dans le domaine de la sociologie du sport (Collinet et Schut, à paraître) mais qui se révèle fondamentale pour analyser la quantité globale d’activité physique journalière que fait une personne. Des études récentes (Althoff et col., 2017) montrent d’ailleurs que c’est surtout par les déplacements utilitaires que la quantité d’activité physique des individus augmente significativement. L’enquête sur laquelle se base cet article a pour objectif de questionner les pratiques de marche ordinaire en interrogeant les personnes sur leurs différents usages de la marche. Nous avons par ailleurs cherché à savoir si ces derniers étaient corrélés à certaines caractéristiques sociographiques, pour dégager une typologie des marcheurs, tout en essayant de mettre en lumière des facteurs qui sont susceptibles d’inciter les personnes à marcher davantage. Le compte rendu de cette enquête est enfin l’occasion de discuter les problèmes méthodologiques posés par la mesure de la marche et de construire un programme de recherche permettant de les résoudre.
Méthodologie
4Mesurer la marche n’est pas une chose aisée tant cette activité se glisse dans tous les moments de notre vie. Des travaux portant sur le suivi des traces GPS des individus (Althoff et col., 2017 ; Chaix et col., 2013) corrèlent parfois leur volume de marche avec des données statistiques relatives à des indicateurs de pauvreté ou d’obésité des aires géographiques concernées. En revanche, elles ne prennent pas en compte les singularités individuelles puisque les traceurs n’ont accès qu’aux données de sexe et d’âge et parfois de taille et poids de la personne.
5Nous avons tenté dans cette enquête par questionnaire de saisir les habitudes et circonstances des pratiques de marche, et de mesurer la quantité de marche des individus à partir des estimations déclarées dans les différentes activités de leur vie quotidienne, en dehors des déplacements au sein du domicile. Le questionnaire a été distribué sur une période de trois mois auprès des réseaux de proximité des personnes impliquées dans le projet, puis par l’intermédiaire des réseaux sociaux dont certains ont été ciblés pour favoriser l’équilibrage de la population. Nous avons ainsi procédé à un échantillonnage empirique par quotas dans lequel nous avons imposé deux critères : le sexe et l’âge. L’échantillon est composé de 663 [1] individus âgés de 15 à 75 ans, dont les caractéristiques respectent les proportions nationales [2] pour les deux critères choisis.
Tableau 1. Répartition femmes/hommes dans l’échantillon et dans la population française
Sexe : | Échantillon 15-75 ans | Population française 15-75 ans | ||
---|---|---|---|---|
Effectifs | Fréquence | Effectifs | Fréquence | |
Femmes | 342 | 51 % | 24 907 157 | 51,03 % |
Hommes | 321 | 49 % | 23 903 594 | 48,97 % |
Total | 663 | 100 % | 48 810 751 | 100 % |
Tableau 1. Répartition femmes/hommes dans l’échantillon et dans la population française
Tableau 2. Distribution des catégories d’âge dans l’échantillon et dans la population française
Catégories d’âge | Échantillon 15-75 ans | Population française 15-75 ans | ||
---|---|---|---|---|
Effectifs | Fréquence | Effectifs | Fréquence | |
15-29 ans | 165 | 24,9 % | 11 836 316 | 24,25 % |
30-44 ans | 167 | 25,2 % | 12 521 276 | 25,6 5 % |
45-59 ans | 181 | 27,3 % | 13 383 480 | 27,42 % |
60-75 ans | 150 | 22,6 % | 11 069 679 | 22,68 % |
Total | 663 | 100,0 % | 48 810 751 |
Tableau 2. Distribution des catégories d’âge dans l’échantillon et dans la population française
6Le questionnaire est constitué de quatre parties. La première porte sur les activités physiques et sportives pratiquées depuis l’enfance. En effet les enquêtes quantitatives sur les pratiques physiques des Français (Thiery, 2010) mettent en évidence un lien entre pratique physique régulière et quantité de marche (seuls 12 % des personnes interrogées dans l’enquête ne pratiquent que la marche comme activité physique). La deuxième partie porte sur la marche dans la vie ordinaire des personnes. Les questions portent sur le type de marche (utilitaire, de loisir, sportive) et sur les objectifs des déplacements (aller faire les courses, se rendre au travail, etc.). Pour chacune de ces réponses étaient demandés la fréquence et le temps de déplacement estimés. Les personnes étaient ensuite questionnées sur leur volonté de privilégier ce mode de déplacement, sur les éléments qui pourraient leur faire augmenter leur quantité de marche et sur l’évaluation de leur environnement par rapport à ce mode de déplacement. S’ils étaient en possession d’un smartphone, le nombre de pas inscrit sur leur application de santé était demandé. La troisième partie portait sur quelques indicateurs de santé perçue. Enfin la dernière partie portait sur les caractéristiques sociographiques ainsi que sur les lieux de vie (rural ou urbain, maison ou appartement, etc.). Notre objectif à partir de ce questionnaire était d’une part de déterminer les conditions favorables à la marche et ses obstacles, et d’autre part d’établir des profils types au regard notamment de la durée moyenne de marche quotidienne des personnes interrogées.
7Pour remplir ce deuxième objectif nous avons dû évaluer la quantité de marche des personnes. Notre idée était au départ d’utiliser le critère objectif du nombre de pas. La littérature nous offre des repères précis sur ce point. L’OMS et l’American heart association font partie des groupes qui recommandent aux individus d’effectuer 10 000 pas par jour. Tudor-Locke et col. (2013) précise que cet indicateur est valable pour les gens sans problème de santé mais ne convient pas à tout le monde : alors que les enfants doivent en faire plus, nombre d’adultes devront viser plus bas. La chercheuse a établi un seuil de 5 000 pas par jour, en deçà duquel l’individu est considéré comme étant sédentaire. Sous ce seuil, les gens sont plus souvent obèses et souffrent davantage de maladies cardiovasculaires et de diabète. L’indication du nombre de pas dans le questionnaire nécessite la possession d’un podomètre ou d’une application sur smartphone ; de nombreuses personnes n’ont donc pas renseigné ces données. Nous avons donc décidé d’utiliser une autre mesure construite à partir de l’estimation des personnes de leur fréquence et de leurs temps de marche dans les activités quotidiennes, en plus des déplacements classiques à domicile. À titre d’exemple, une personne qui déclare promener son chien tous les jours plus de 15 minutes a un total cumulé dans la semaine de 105 minutes de marche (7 × 15). Il faut ajouter à ce chiffre les éventuelles autres formes de déplacements (« pour aller au travail », « pour faire des sorties culturelles », « pour aller faire vos courses », etc.) [3]. Les seuils de 1 heure 30 et 3 heures de marche permettent de distinguer trois profils aux proportions similaires (tableau 3) [4]. Notons que 16,1 % des répondants marchent moins d’une heure, 12,6 % plus de 6 heures, et la moyenne hebdomadaire est de deux heures et quarante minutes.
Tableau 3. Volumes de marches hebdomadaires des répondants en dehors des pratiques de marche traditionnelles à domicile
Volumes de marche cumulée hebdomadaire | Effectifs | Proportions |
---|---|---|
1 heure 30 et moins | 176 | 27,3 % |
De 1 heure 31 à 3 heures | 253 | 39,2 % |
Plus de 3 heures | 216 | 33,5 % |
Tableau 3. Volumes de marches hebdomadaires des répondants en dehors des pratiques de marche traditionnelles à domicile
8Nous tenons à souligner ici que ces volumes sous-évaluent la quantité objective de marche car d’une part il est difficile d’évaluer soi-même ses propres pratiques de marche utilitaire (particulièrement à domicile et/ou au travail) et d’autre part car nous avons utilisé systématiquement la fourchette basse de nos modalités (par exemple, pour « 15 minutes et plus » nous avons compté 15 minutes). Rappelons également que nous n’avons pas demandé aux personnes de mesurer leurs déplacements à l’intérieur de leur domicile (seules ont été prises en compte certaines activités de type jardinage, ménage, etc.), qui représentent une quantité de marche importante.
Circonstances et conditions favorables à la marche
9Les types de marche prioritaires au sein de notre enquête sont la marche loisir et la marche utilitaire (tableau 4). La promenade est la première circonstance de marche (59,7 % de l’échantillon, voir le tableau 5). 67,2 % des répondants marchent en couple ou en famille et 43,6 % avec des amis. Soulignons ici que le fait de pratiquer la marche sportive est corrélé à l’adhésion à une association.
Tableau 4. Différents types de marche
Effectifs | Fréquence | |
---|---|---|
La marche utilitaire (pour vos déplacements vers les lieux de vos activités régulières : faire vos courses, aller au travail...) | 460 | 70,6 % |
La marche loisir (balade de détente, promenade...) | 470 | 72,1 % |
La marche sportive (randonnée, marche nordique, trek, marche de compétition...) | 209 | 32,1 % |
Tableau 4. Différents types de marche
Tableau 5. Circonstances de marche
Effectifs | Fréquence | |
---|---|---|
Pour vous promener (loisir, sortir votre chien…) ? | 390 | 59,7 % |
Chez vous (en plus des déplacements ordinaires, par exemple pour faire le ménage, le jardinage…) ? | 346 | 53,0 % |
Pour aller faire vos courses ? | 306 | 46,9 % |
Pour accéder aux services (médecin, coiffeur…) ? | 263 | 40,3 % |
Pour aller au travail ? | 251 | 38,4 % |
Pour faire des sorties culturelles/de loisir ? | 233 | 35,7 % |
Dans le cadre de votre travail (déplacements au travail) ? | 205 | 31,4 % |
Pour rendre visite à des amis/ la famille ? | 167 | 25,6 % |
Pour aller chercher vos enfants ou petits-enfants à l’école/aux activités ? | 101 | 15,5 % |
Pour une autre activité | 67 | 10,3 % |
Tableau 5. Circonstances de marche
Tableau 6. Raisons évoquées par les personnes qui privilégient la marche sur d’autres modes de déplacement « dès qu’elles le peuvent » ou « parfois »
Effectifs | Fréquence | |
---|---|---|
Pour votre forme/santé/moral | 366 | 68,2 % |
Parce que vous aimez cela | 269 | 50,1 % |
Parce que c’est plus pratique | 146 | 27,2 % |
Parce que c’est écologique | 124 | 23,1 % |
Parce que vous n’avez pas le choix | 53 | 9,9 % |
Parce que c’est plus économique | 41 | 7,6 % |
Pour faire des rencontres | 5 | 0,9 % |
Tableau 6. Raisons évoquées par les personnes qui privilégient la marche sur d’autres modes de déplacement « dès qu’elles le peuvent » ou « parfois »
10La volonté de privilégier la marche est forte chez nos répondants. En effet, 53,9 % d’entre eux utilisent la marche plutôt que d’autres modes de déplacements dès qu’ils en ont l’opportunité, et 31,2 % « parfois ».
11Nous avons cherché à savoir quelles étaient les raisons qui poussent ou non à privilégier la marche. Pour les personnes qui choisissent la marche « parfois » ou « dès qu’elles le peuvent », les raisons évoquées sont la dimension sanitaire (maintien de la forme et du moral) et l’appétence pour cette pratique (tableau 6). A contrario, les personnes qui ne privilégient « jamais » ou « rarement » la marche évoquent un manque de temps, d’habitudes et de praticité (tableau 7).
Tableau 7. Raisons évoquées par les personnes qui ne privilégient pas (ou rarement) la marche sur d’autres modes de déplacement
Effectifs | Fréquence | |
---|---|---|
Parce que ce n’est pas assez rapide | 38 | 44,7 % |
Je n’ai pas le temps | 25 | 29,4 % |
Ce n’est pas dans mes habitudes | 25 | 29,4 % |
Parce que ce n’est pas pratique | 20 | 23,5 % |
Parce que c’est fatigant | 12 | 14,1 % |
Parce que je n’aime pas cela | 10 | 11,8 % |
En raison d’un mauvais aménagement urbain (trottoirs en mauvais état, manque d’espaces agréables, éclairages insuffisants...) | 5 | 5,9 % |
En raison de la circulation automobile | 5 | 5,9 % |
En raison de problèmes de santé | 4 | 4,7 % |
En raison de la météo | 4 | 4,7 % |
En raison de problèmes de sécurité (agressions...) | 2 | 2,4 % |
En raison de pollution | 0 | 0 % |
Tableau 7. Raisons évoquées par les personnes qui ne privilégient pas (ou rarement) la marche sur d’autres modes de déplacement
* Le PEM, ou pourcentage de l’écart maximum, est un indice de liaison entre les modalités d’un tableau de contingence (Cibois, 1993).Tableau 8. Tri croisé volumes de marche hebdomadaire / type de logement
Maison individuelle | Appartement | Autre | Total | |
---|---|---|---|---|
1 h 30 et moins | 29,8 % | 25,0 % | 33,3 % | 27,5 % |
De 1 h 31 à 3 heures | 40,8 % | 36,5 % | 33,3 % | 38,7 % |
Plus de 3 heures | 29,4 % | 38,5 % * (PEM : 14 %)* | 33,3 % | 33,8 % |
Total | 100,0 % | 100,0 % | 100,0 % | 100,0 % |
Tableau 8. Tri croisé volumes de marche hebdomadaire / type de logement
* Le PEM, ou pourcentage de l’écart maximum, est un indice de liaison entre les modalités d’un tableau de contingence (Cibois, 1993).12À la question « Qu’est-ce qui vous inciterait à marcher davantage ? », une personne sur trois a répondu « avoir du temps ». Les espaces verts et autres services/commerces/lieux attractifs de proximité sont également cités. Par ailleurs, la localisation géographique et le lieu d’habitation sont des facteurs qui pèsent sur le taux de pratique de marche. En effet, les citadins utilisent plus fréquemment la marche que les personnes vivant dans des milieux ruraux, pour accéder aux services, pour aller faire ses courses, pour faire des sorties culturelles ou encore pour aller travailler. Les personnes habitant en appartement marchent davantage que celles vivant en maison individuelle (tableau 8).
13Nos résultats mettent en avant un lien fort entre la perception que les individus ont de leur santé et leur volume de marche. En effet, si 92,6 % des répondants disent être en « bonne santé », ce taux augmente de 4 points pour les personnes qui marchent plus de 3 heures (corrélation significative, PEM = 49 %). Enfin, nous pouvons souligner des caractéristiques sociographiques favorables à l’augmentation du volume de marche. Il apparaît en effet que le fait d’être en activité professionnelle, d’avoir des enfants à charge, d’appartenir à la catégorie socioprofessionnelle « cadres et professions intellectuelles supérieures », d’habiter en centre-ville et de vivre dans un appartement est corrélé à la modalité « plus de 3 heures » de marche hebdomadaire.
Les profils de marcheurs
14À partir de la question relative aux volumes de marche (seuils de 1 heure 30 et de 3 heures), nous avons dégagé [5] six profils de marcheur(se)s, ayant des volumes de marche, des habitudes et des caractéristiques sociodémographiques spécifiques. Voici ces profils avec leurs effectifs et une brève description :
Profils | Fréquences (effectifs) | Descriptions succinctes | Volumes de marche |
---|---|---|---|
A | 37,1 % (246) | Les trentenaires actifs avec enfants à charge, vivant en milieu urbain | Plus de 3 h (PEM : 37 %) |
B | 17,5 % (116) | Les jeunes actifs et étudiants sportifs qui utilisent la marche uniquement en lien avec le travail | 1 h 31-3 h (PEM : 23 %) |
C | 16,3 % (108) | Les femmes actives vivant en milieu rural, en maison dans des quartiers résidentiels et qui utilisent peu la marche pour leurs déplacements quotidiens | 1 h 30 et moins (PEM : 15 %) |
D | 13,3 % (88) | Les retraités actifs qui pratiquent la marche en association avec un volume hebdomadaire important | Plus de 3 h (PEM : 28 %) |
E | 9,8 % (65) | Les retraités qui utilisent la marche modérément, pour des raisons médicales | 1 h 30 et moins (PEM : 52 %) |
F | 6 % (40) | Les étudiants masculins qui privilégient rarement la marche | 1 h 30 et moins (PEM : 38 %) |
Profil A : Les trentenaires actifs avec enfants à charge, vivant en milieu urbain
15Au sein de ce profil, qui représente plus d’un tiers de nos répondants, nous retrouvons une large majorité de personnes âgées de 30 à 44 ans (moyenne d’âge : 41,22 ans) en activité professionnelle, avec comme catégorie socioprofessionnelle majoritaire les « cadres et professions intellectuelles supérieures ». La proportion de femmes augmente de 8 points au sein de ce profil [6], et deux tiers des personnes ont un niveau d’étude supérieur à bac + 2. Celles-ci ont un vécu sportif important, et la plupart (les deux tiers) pratiquent actuellement une activité physique, dont plus de la moitié en club. Parmi les activités les plus citées, il y a la marche, le vélo, la natation, les activités d’entretien du corps (musculation, yoga, fitness, Pilate, gymnastique volontaire). 84,6 % des personnes représentées dans ce profil pratiquent la marche utilitaire, 80,1 % la marche loisir et 33,7 % la marche sportive. Les circonstances de marche sont très variées : promenade (62,3 %), pour se rendre au travail (62,7 %), dans le cadre du travail (60,2 %), à domicile (61,5 %), pour aller faire les courses (61,5 %), pour accéder aux services de proximité (60,7 %). Le fait d’habiter en milieu urbain (80,5 %) et de ne pas vivre seul est un accélérateur fort du volume de marche, 80 % des répondants du profil A déclarant marcher en couple ou en famille, 50 % avec des amis, et une majorité allant chercher ses enfants à l’école tous les jours à pied. Ces personnes ont un goût prononcé pour la marche car 54,7 % privilégient la marche sur d’autres modes de déplacement dès qu’elles peuvent et 36,2 % parfois. 41,7 % d’entre elles disent choisir la marche car elles aiment cela, et car c’est important pour la forme et le moral. Le principal frein à l’augmentation du volume de marche pour ce profil est le fait que ce mode de déplacement peut ne pas être jugé assez rapide.
Profil B : Les jeunes actifs et étudiants sportifs qui utilisent la marche uniquement en lien avec le travail
16Ce profil est relativement jeune (la moyenne d’âge est de 30,59 ans). Ce sont majoritairement des jeunes employés ou étudiants, sans vie de famille, qui habitent en appartement. On repère un taux très élevé de pratique physique antérieure. En effet, 83,6 % d’entre eux ont pratiqué une activité physique ou sportive avant 25 ans, en club (80,2 %) et en compétition (60 %). Néanmoins, seul un individu sur deux déclare avoir actuellement une pratique physique régulière. La fin des études et l’entrée dans la vie active sont en effet des périodes de fléchissement – passagères – du taux de pratique sportive (Megherbi, 2010). Pour la moitié qui pratique actuellement, les sports collectifs et les pratiques de salles de musculation et de remise en forme sont les activités les plus fréquemment citées. Ces personnes ont un volume de marche qui se situent dans la moyenne, moins par choix que par obligation. En effet, les taux de marche loisir et de marche sportive chutent respectivement de 19 et 18 points par rapport à l’ensemble de notre échantillon. La marche est en effet utilisée prioritairement dans le cadre du travail (de l’école) et/ou pour se rendre au travail (à l’école), c’est-à-dire que les pratiques de marche sont liées aux obligations professionnelles ou scolaires. La première raison évoquée dans le fait de ne pas privilégier la marche sur les autres modes de déplacement est également spécifique à ce profil : « ce n’est pas dans mes habitudes » (42,4 %, soit 13 points de plus que le taux moyen pour cette modalité). Pourtant 8 personnes sur 10 au sein de ce profil déclarent avoir un environnement proche favorable à la marche.
Profil C : Les femmes actives vivant en milieu rural, en pavillon, dans des quartiers résidentiels et qui utilisent peu la marche pour leurs déplacements quotidiens
17Au sein de ce profil, le taux de femmes augmente de 12 points. Ce sont des personnes qui ont une activité physique et sportive régulière (86,1 %), alors que seul 45,4 % d’entre elles pratiquaient une activité physique ou sportive avant 25 ans. Il y a donc une découverte tardive de l’activité physique et sportive. Parmi les pratiques les plus citées, on trouve des activités d’entretiens (Pilate, yoga, danse, fitness) et la marche sous différentes formes. Ce sont donc des personnes qui connaissent une augmentation du taux de pratique physique au cours de leurs vies, mais qui ont un volume de marche limité. Le facteur explicatif est la localisation géographique de leur habitation. En effet, ces personnes habitent majoritairement en milieu rural, dans des maisons individuelles, au sein de quartiers résidentiels. Ainsi, la proximité des différents services est limitée et induit l’utilisation de modes de déplacements plus pratiques et plus rapides. Si la promenade est la circonstance la plus citée (70,5 %, + 10 points), de nombreuses circonstances de marche chutent au sein de ce profil : « pour aller au travail » (- 22 points), « dans le cadre du travail » (- 14 points), « pour rendre visite à la famille / amis » (- 7 points). Ces personnes ont pourtant conscience des bienfaits de la marche, puisqu’elles disent privilégier cette modalité de déplacement dès qu’elles peuvent (+ 11 points), notamment pour des raisons sanitaires (+ 6 points).
Profil D : Les retraités actifs qui pratiquent la marche en association avec un volume hebdomadaire important
18Ceux qui composent ces profils sont majoritairement des retraités, avec une moyenne d’âge de 65,81 ans. Ils habitent dans des maisons individuelles, dans un environnement favorable à la marche. Le volume de marche renseigné est de 3 heures et 22 minutes par semaine en moyenne. Un individu sur deux de ce profil a pratiqué une activité sportive avant ses 25 ans, et le taux de pratique sportive actuelle au sein de ce profil est particulièrement important (88,6 % des personnes interrogées). L’activité la plus citée est de loin la marche sous toutes ses formes : randonnée, marche à pied, marche nordique, etc. Les personnes du profil D multiplient les circonstances de marche, avec des durées annoncées particulièrement importantes. Elles disent utiliser la marche comme mode de déplacement dès que possible, notamment pour garder la forme, le moral et rester en bonne santé. Le goût prononcé pour la marche semble à ce titre jouer sur leur « très bon moral ».
Profil E : Les retraités qui utilisent la marche modérément, pour des raisons médicales
19Ceux qui composent ce profil sont également des personnes retraitées, dont la moyenne d’âge est de 64,42. Ils habitent eux aussi dans des maisons individuelles, dans un environnement favorable à la marche, souvent en milieu rural. Pourtant les individus du profil E marchent bien moins que ceux du profil D, leur quantité de marche moyenne hebdomadaire est de 68 minutes. Un sur trois a pratiqué une activité physique ou sportive étant plus jeune. Ils sont nombreux à avoir un suivi médical et à affirmer que les médecins les incitent à pratiquer une activité physique, ce qu’ils font pour 80 % d’entre eux. La marche, à l’occasion de promenade ou dans une optique plus utilitaire, constitue pour eux une activité de choix dans cette optique médicale. Malgré un faible volume de marche, ils disent favoriser cette modalité de déplacement dès qu’ils le peuvent.
Profil F : Les étudiants masculins qui privilégient rarement la marche
20Ce profil est le plus jeune, avec une moyenne d’âge de 20,9 ans, et masculin (+18 points). Ce sont des individus qui pratiquent, pour la quasi totalité d’entre eux, une activité physique et sportive (97,5 %). Cette pratique se fait en association (89,7 %) et en compétition (79,5 %). Ces personnes ne ressentent finalement pas le besoin de marcher, sûrement parce qu’ils ont une pratique physique et sportive assidue et régulière. De fait, leur volume de marche est faible, avec une moyenne hebdomadaire de 79 minutes, majoritairement « pour aller au travail/à l’école » (circonstance de marche citée à 64,1 %, contre 20,5 % pour la promenade, qui est la seconde circonstance). Ce sont des individus en bonne santé physique.
La mesure de la marche : limites et perspectives
21Nos résultats mettent en avant une série de conditions favorables à la marche, en lien avec les caractéristiques sociodémographiques des individus. Le lien entre marche et pratique physique et sportive existe également, mais il est équivoque. Il apparaît clairement que le fait d’avoir eu une pratique sportive antérieure, qui plus est compétitive, favorise l’adoption de comportements visant l’entretien de la santé. Enfin, la situation professionnelle a un impact sur les habitudes de marche.
22Pour conclure, soulignons les difficultés inhérentes au recueil des données dans une telle enquête. L’irréductible imperfectibilité du recueil opéré doit être compensée par une mise en variation des entrées et indices utilisés : données objectives et auto-évaluation des individus. En effet, étudier la marche amène à s’interroger sur les facteurs qui interviennent sur sa pratique (âge, sexe, milieu social, etc.) mais sur aussi le vécu physique. Comme le précisent Barth, Perrin et Camy (2014), l’engagement dans une pratique physique dépend des dispositions construites tout au long de son histoire personnelle. En outre, désolidariser les études de la marche des environnements de marche conduirait à occulter les facteurs propices ou défavorables à celle-ci comme de nombreux travaux l’ont d’ailleurs montré. Ainsi Cooper et Hancock (2012) montrent que l’augmentation du nombre d’aménagements favorables à la marche donne une meilleure image à ce moyen de déplacement. Les surfaces de déplacement, l’accessibilité des transports en commun, la densité et la mixité fonctionnelle, la présence de zones piétonnes, les limites de vitesse faibles et les places de parking disponibles sont à cet égard des facteurs déterminants.
23Un programme de recherche plus abouti devra donc prendre en compte deux dimensions centrales dans la pratique de la marche : celles de santé, en lien avec les paramètres sociologiques et l’histoire de l’individu, et celles de l’aménagement urbain et des politiques publiques locales favorisant la pratique de la marche afin de mieux mesurer les mobilités actives dans un contexte de « vie réelle ». Des outils peuvent dans cette perspective être utilisés pour recueillir des données basées sur la combinaison de capteurs de mouvements (GPS et accéléromètre) afin d’identifier la marche au quotidien et estimer sa part dans l’activité physique totale d’un individu mais aussi de localiser les lieux de pratique de ces activités dans la vie de tous les jours. Une telle méthodologie mériterait d’être développée mais nécessiterait comme le proposent Misslin et col. (2015) d’être complétée par un questionnaire ou un carnet de suivi des déplacements quotidiens, permettant un recueil de données plus précises à la fois sur les caractéristiques sociologiques et les données relatives à la santé de l’individu, mais aussi des motifs et des objectifs des déplacements ainsi que des difficultés rencontrées.
Bibliographie
- Althoff T., Sosič R., Hicks J. L., King A. C., Delp S. L., Leskovec J. 2017, « Large-scale physical activity data reveal worldwide activity inequality », dans Nature, 547(7663) : 336-339.
- Berenson K., Winfridson G. et Junström M. 2007, Healthy Ageing: A Challenge for Europe, Stockholm, Swedish National Institute of Public Health.
- Barth, N., Perrin, C., & Camy, J. 2014, « S’engager dans une pratique régulière d’activité physique lorsqu’on est atteint de diabète de type 2 : entre “trajectoire de maladie” et “carrière de pratiquant d’activité physique adaptée (APA)” », dans Loisir et Société/Society and Leisure, 37(2) : 224-240.
- Chaix B., Méline J., Duncan S., Merrien C., Karusisi N., Perchoux C., Lewin A., Labadi K., Kestens Y. 2013, « GPS tracking in neighborhood and health studies: a step forward for environmental exposure assessment, a step backward for causal inference », dans Health Place, 21 : 46-51.
- Cibois P. 1993, « Le PEM, pourcentage de l’écart maximum : un indice de liaison entre modalités d’un tableau de contingence », dans Bulletin de méthodologie sociologique, 40 : 43-63.
- Collinet C., et Schut. (à paraître), « La marche dans l’espace urbain comme objet de recherche », dans Movement & Sport Sciences - Science & Motricité.
- Cooper K., Hancock C. 2012, The benefits of regular walking for health, well-being and the environment, C3 Collaborating for Health.
- Megherbi D. « Profils socioéconomiques des pratiquants d’activités physiques et sportives », dans Dujol J.-B. (ed.), La pratique des activités physiques et sportives en France, Paris, Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, INSEP, pp. 21-32.
- Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Ministère délégué à la Santé. 2001, Plan national nutrition santé.
- Misslin R., Charreire H., Weber C., Enaux C., Bastian T. Simon, C. & Oppert, J. M. 2015, « Mobilités actives et santé : apports et limites d’un protocole de mesure de la marche et du vélo combinant des capteurs de mouvements (GPS et accéléromètres) », dans Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Systèmes, Modélisation, Géostatistiques, document 707, mis en ligne le 18 janvier 2015.
- Shephard R. J. 2008, « Is active commuting the answer to population health? », dans Sports Medicine, 39 : 751-758.
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- Tudor Locke C., Craig C. L., Thyfault J. P., Spence J. C. 2013, « A step-defined sedentary lifestyle index: <5000 steps/day », dans Applied Physiology, Nutrition, and Metabolism, 38 : 100-114.
Notes
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[1]
La marge d’erreur de notre échantillon est de 3,81 %, à un seuil de confiance de 95 %.
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[2]
Les chiffres ci-dessous proviennent des statistiques de l’INSEE : population par sexe et groupe d’âges en 2018.
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[3]
Pour connaître l’ensemble des formes de déplacements, il faut se reporter à la thématique « la marche dans votre vie » du questionnaire : http://acp-enquetes.univ-mlv.fr/questionnairel_82nc/Marche.html
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[4]
Pour information, 5000 pas correspondent à une distance comprise entre 3000 et 3500 mètres, soit environ 1 heure de marche lente ou 40 minutes de marche rapide.
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[5]
Nous avons construit une typologie à partir d’une analyse factorielle des correspondances, transformée alors en une variable unique, pour ensuite déterminer le profil de chaque modalité de cette variable (chacune correspondant donc à un profil). Le profil de modalités permet d’afficher les écarts à l’indépendance significatifs entre les modalités d’une variable de référence et les modalités des autres questions de l’enquête.
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[6]
Les augmentations ou la diminution ainsi rapportées dans chaque profil le sont en référence à la moyenne de notre échantillon.