Corps 2018/1 N° 16

Couverture de CORP1_016

Article de revue

Vers une typologie des publics directs de la lutte avec frappe

Pages 147 à 168

Notes

  • [1]
    Daara, n’est pas un mot wolof, il signifie « maison » en arabe. Il s’agit d’une école coranique où on enseigne le Coran et les principes de la religion islamique.
  • [2]
    Le commerce ambulant à Dakar constitue un gagne-pain d’environ 50 0000 personnes dont la majorité est constituée de jeunes issus de différentes régions du Sénégal, plus particulièrement de Diourbel, Kaolack, Thiès. Données issues de l’étude de cas sur « Les marchands ambulants » réalisée par Oscar Kamara en juillet 2012 dans Streetnet.
  • [3]
    Selon le Rapport 2015 de la Direction de la Planification et de la Réforme de l’Education (DPRE) du Ministère de l’Education, les localités de la région de Diourbel présentent les taux brut de scolarisation les plus bas au Sénégal. Les chefs religieux y étaient, pendant longtemps, opposés à l’installation des écoles « françaises ». Aujourd’hui encore, le système éducatif formel y côtoie le non formel constitué par les écoles coraniques.
  • [4]
    Il importe de signaler que la distinction entre grand combat et petit combat diffère selon la signification que le Comité national de gestion de lutte (CNG Lutte) lui donne et l’opinion courante. Pour le CNG de lutte, dans un gala de lutte, sont considérés comme petits combats ceux qui se déroulent en préliminaire, c’est-à-dire avant le ou les combats finals de la manifestation (généralement le(s) dernier(s) combat(s)). Or dans l’opinion courante, les grands combats sont ceux qui mettent en jeu les « lutteurs VIP » (very important personality). Le concept de lutteur VIP (expression utilisée couramment par les journalistes) n’existe pas non plus dans le vocabulaire du CNG. Pour notre part, et c’est d’ailleurs l’entendement de la plupart des amateurs de lutte, les lutteurs VIP sont ceux qui signent les gros contrats avec les promoteurs (plus de 80 millions de F CFA).
  • [5]
    Bàkk (baak) : déclamation chantée de poèmes d’auto glorification du lutteur. Le bàkk est le nom commun ; il signifie en fait la devise musicale ou rythmique ; on écrit bàkku, quand le lutteur déclame son texte, mais l’expression courante et l’usage dit que le lutteur fait son bàkk.
  • [6]
    Expression synonyme de « tous pour Pikine » qui caractérise la solidarité des supporters du département de Pikine envers les lutteurs issus de la localité.

Introduction

1Plusieurs parties prenantes sont nécessaires pour produire une offre évènementielle sportive : des organisations sportives, des partenaires publics et/ou privés, des médias, des athlètes et/ou des joueurs seuls ou en équipes, des publics spectateurs et notamment des fans ou des supporters (Maltesse & Danglade, 2014). Aujourd’hui, la question des spectateurs est devenue un véritable enjeu à la fois sportif et de marketing pour les organisateurs. En effet, par leur présence sur les lieux de l’évènement et leurs comportements plus ou moins supportéristes, ils participent indirectement à la qualité du spectacle sportif qui ne se réduit plus seulement à la compétition (Tribou, 2016). Certes, ils sont d’abord une source de financement par les recettes de la billetterie (Desbordes & Falgoux, 2007) mais au-delà, par leur présence participative et l’ambiance qu’ils génèrent, ils apportent aux organisateurs l’audience dont ils ont besoin pour convaincre les médias de couvrir l’évènement et par voie de conséquence, les sponsors à la recherche de retombées médiatiques (Ouattara, 2014). Dès lors, les spectateurs directs considérés comme des clients sont devenus une cible privilégiée des stratégies marketing et commerciales des organisateurs de galas de lutte au Sénégal. Or, selon Peelen (2005), la connaissance du client est la première composante de la stratégie de gestion de la relation client, à la suite de Lendrevie et Lindon qui nous rappellent que, « l’attitude marketing se caractérise par le souci de connaitre le public pour mieux s’y adapter et pour agir sur lui plus efficacement » (Lendrevie & Lindon, 1997 : 12). Ainsi, le défi marketing pour les organisations prestataires de spectacles sportifs consiste à acquérir une meilleure connaissance des publics sur laquelle fonder leur choix de modèle économique et commercial. Or, la connaissance des publics d’évènements sportifs en général, des galas de lutte en particulier, reste encore très imparfaite au Sénégal. Cela nous conduit à poser deux questions de recherche : qui fréquente la lutte avec frappe ? Et selon quelles modalités de consommation ?

2Notre recherche s’inscrit dans une perspective de marketing expérientiel (Carù & Cova, 2006 ; Desbordes & Richelieu, 2011 ; Roederer, 2012). Elle a pour objectifs d’identifier et de mieux connaitre les publics qui fréquentent les galas de lutte avec frappe (notamment selon les catégories d’âge, de genre, socioprofessionnelles, communautaires, religieuses), de préciser leurs attentes et comportements de consommation, afin d’être en mesure de formuler des préconisations marketing qui permettent de faire évoluer l’offre dans le sens de ces attentes catégorielles de publics consommateurs.

La lutte avec « frappe » : une offre hybride de spectacle sportif et culturel

3La lutte avec frappe est une forme de lutte qui reprend les règles de la lutte traditionnelle avec toutefois une différence majeure : la possibilité d’utiliser ses poings. La lutte avec frappe apparaît comme une synthèse de la boxe anglaise et de la lutte traditionnelle simple. Elle ne comporte pas de catégorisation de poids et se déroule généralement dans les stades de football, au milieu du terrain, sur le gazon ou sur une surface sableuse dans un espace de forme circulaire de 25 à 30 mètres de diamètre, délimité par des sacs remplis de sable, avec une zone de protection de 1,50 m à 2 mètres le bordant de l’intérieur. Les combats durent vingt minutes, avec une pause de trois minutes après dix minutes effectives de lutte. L’objectif sportif fondamental de la lutte sénégalaise consiste à amener son adversaire au sol (assis ou allongé).

4Anciennement intégrée dans les jeux traditionnels, la lutte avec frappe développe aujourd’hui une logique à la fois sportive et commerciale en regard de sa théâtralité et de son caractère très spectaculaire donnant lieu à la production et à la commercialisation d’images (Chevé et al., 2014). Elle accroche et fidélise un public à qui elle offre un spectacle dont la qualité est directement liée à la possibilité de vivre des expériences émotionnelles fortes. Ainsi, Wane & Bouthier (2011 : 165) considèrent que « lutter, c’est l’art de faire passer les émotions et les actions dans l’âme du spectateur par l’expression vraie des mouvements, des gestes, du corps et de la culture ». Les grands combats de lutte sont aujourd’hui des rendez-vous événementiels sportifs majeurs mobilisant les medias et semblent détenir les records d’audience télévisée largement au-dessus de ceux des autres sports comme le basketball ou football. Les lutteurs et les promoteurs ont le projet économique de faire de cette discipline une affaire rentable, prête à l’exportation (Faye, 2013) et, pour cela, ils élaborent des stratégies de communication innovantes et créatives pour élargir les audiences.

Le public direct d’évènements sportifs en question

5Un évènement sportif est généralement suivi par un public en audience indirecte (téléspectateurs, auditeurs, lecteurs, internautes, etc.) et par un public direct ou public in-présentia (Moles, 2002) qui se rend physiquement sur le site de l’évènement. Cependant, ce public direct est rarement homogène, il est composé de spectateurs aux profils et aux comportements variés. La notion générique de spectateur peut, en effet, masquer une diversité de public multiforme manifestant des attitudes et des logiques de consommations différentes et donc appelant une approche marketing différenciée. Le commentaire sportif (celui des journalistes notamment) mélange sans discernement parfois des termes aussi variés que ceux de spectateur, de supporter, partisan, fan, ultra, hooligan, etc. Les travaux de Houcarde, Lestrin et Mignon (2010) ont permis de préciser la terminologie sportive en dégageant des caractéristiques communes et/ou des différences entre spectateur et supporter, entre fan et fanatique, ultra et hooligan. Ces différentes notions doivent être clarifiées au préalable de notre analyse.

Spectateurs et supporters

6Ce sont deux types d’individus composant le public des évènements sportifs qui n’ont ni la même façon de s’engager dans le soutien à des compétiteurs, ni la même manière de vivre et de percevoir le spectacle sportif. Le spectateur est plus passif et se contente d’observer et d’apprécier la qualité du spectacle sportif en ne participant pas véritablement à l’action de supportérisme (c’est-à-dire de façon partisane au bénéfice de son équipe). Il exprime ses préférences et ses émotions de manière modérée. Le supporter, quant à lui, pratique un soutien plus bruyant et expressif, contribuant ainsi à rendre le spectacle plus attractif, à la fois sur le terrain et dans les gradins qu’il occupe et qu’il anime. Le spectateur recherche avant tout un spectacle de qualité sur le plan sportif, sans trop se soucier de l’équipe qui le lui offre, tandis que le supporter désire avant tout et à tout prix une victoire de ses favoris, quelle que soit la qualité du match. Toutefois, il convient de préciser avec Houcarde et al. (2010) que le spectateur passif et le supporter « purs » sont des catégories extrêmes. Chaque public assistant à une compétition sportive est plus ou moins et tout à la fois spectateur ou supporter, selon les enjeux et les moments du spectacle. Un spectateur peut se transformer en supporter et un supporter peut adopter une attitude détachée selon les contextes. Rares sont les supporters indifférents au « beau jeu », très peu nombreux sont les spectateurs qui n’espèrent pas voir leur équipe gagner. D’ailleurs, Bromberger (1998) a bien montré que l’engagement partisan est une condition nécessaire pour éprouver des émotions sportives.

Fans et fanatiques

7Le fan est un supporter caractérisé par un niveau d’engagement et de passion d’intensité élevée, ainsi que par un fort attachement à son équipe ou à une célébrité sportive. Redouté parfois à cause de ses comportements extrêmes (violence de propos ou de comportements), il est aujourd’hui appréhendé en tant que consommateur qui consacre consciemment des ressources (du temps, de l’énergie ou de l’argent) à l’objet de sa passion. Une littérature relativement abondante porte sur cette approche (Passmore, 2003 ; Crawford, 2004 ; Thorne & Bruner, 2006 ; Smith, Fischer & Cole, 2007 ; Chung et al., 2008). Toutefois, poussés par un besoin d’identification et de manifestation communautaire, certains fans deviennent des fanatiques et se regroupent dans des mouvements dits « ultras », ou « hooligans ». Ces deux catégories de spectateurs s’arrogent le rôle d’animateurs dans les tribunes et font monter l’ambiance dans le stade (Houcarde, Lestrin & Patrick Mignon, 2010). Les ultras ont l’esprit contestataire et n’excluent pas a priori la violence mais sans la considérer comme une fin en soi. Alors que le terme de « hooligans » désigne communément les personnes qui recherchent sciemment la confrontation physique avec les supporters de l’équipe adverse lors des matches de football principalement. Ces types de supporters se rencontrent essentiellement dans des pays comme l’Angleterre (à l’origine du hooliganisme), l’Italie (berceau des ultras), la France (avec les ultras du PSG), l’Allemagne, les Pays-Bas et dans les pays de l’Est. Ils se rassemblent en groupuscules souvent incontrôlables pour défendre l’honneur de leur club par la provocation et la violence physique à l’encontre des supporters adverses. Toutefois, il nous semble opportun de préciser que si les termes « supporter » et « fan » sont utilisés dans le contexte sportif au Sénégal, les qualificatifs « ultra » ou « hooligans » semblent être quasi-absents du vocabulaire utilisé pour désigner des groupes de supporters fussent-ils violents.

La typologie des publics d’évènements sportifs

8Plusieurs critères sont utilisés dans la littérature scientifique pour catégoriser les spectateurs : la nature de la participation au spectacle (active vs passive), la fréquence de fréquentation (occasionnelle vs fidèle), l’objet de l’intérêt ou de la passion (centré sur le jeu, sur un club, sur une nation, sur une célébrité), son intensité, etc. Bourgeon-Renault et Bouchet (2007) distinguent quatre profils de spectateurs à partir des logiques de consommation. L’« l’opportuniste » (1) qui a une consommation pragmatique se traduisant soit par une position de relative neutralité par rapport aux compétiteurs, soit par un soutien démonstratif imposé par un mouvement collectif « englobant », avec l’espoir que ce soutien conformiste lui procure des retombées sociales. Pimentel et Reynolds (2004) parlent de fan normatif qui vient au stade pour répondre à la pression sociale du groupe de référence auquel il appartient. Ce fan est guidé par l’obligation morale de soutenir l’équipe locale de référence, au risque d’être décrié par ses proches. L’« esthète » (2) qui adopte une consommation contemplative orientée vers l’esthétique des décors, la qualité du jeu, la prouesse des acteurs, en relation avec l’intensité dramatique et théâtrale du spectacle ; c’est un fan cognitif (Richelieu & Pons, 2005) qui aime le sport en lui-même et recherche une forme d’esthétisme sportif. Il vient au stade pour admirer le beau jeu. L’interactif (3) qui recherche du divertissement et de l’émotion partagée, ainsi que du contact humain et des liens sociaux souvent éphémères. Ces fans voient d’abord dans le sport un espace de socialisation, une occasion de se rassembler et de passer un bon moment avec les gens qu’ils apprécient (Holt, 1995). Il est qualifié de fan relationnel par Richelieu et Pons (2005) car il vient au stade pour profiter des valeurs de cohésion sociale qu’offre l’évènement sportif. À cet égard, il est plus ouvert au divertissement (à travers l’ambiance qui règne dans les lieux de l’évènement et les activités connexes). Le « supporter » (4) qui a une logique de consommation partisane. Il vit une forme de connexion psychologique avec l’équipe qu’il supporte, se traduisant par une forte implication vis-à-vis de tout ce qui gravite autour d’elle (sur le site sportif et en dehors – plateaux télévisés, presse, réseaux sociaux), cette dernière étant considérée comme une sorte d’extension de lui-même. Lorsque les sentiments d’appartenance, d’appropriation et d’identification au club sont poussés à l’extrême, il devient fan émotionnel (Richelieu & Pons, 2005) qui se rend assidument au stade pour encourager son équipe avec laquelle il ne fait plus qu’un. Lorsque son sentiment d’appartenance au club devient quasi indéfectible, ce fan se transforme en super fans (Pimentel & Reynolds, 2004), capable d’assister à tous les matchs du club, à transformer son domicile « en musée du club » par la collection quasi obsessionnelle de tous les produits dérivés du club.

9Des études portant sur le profil et les attentes des publics d’évènement sportif ont pu identifier d’autres catégories de fans : les fans calculateurs (Pimentel & Reynolds, 2004) qui viennent au stade pour s’y faire des contacts professionnels et élargir ainsi leur réseau de relation ; les fans « style de vie » ou « de mode » (Desbordes & Richelieu, 2011) qui sont des « flaneurs » prenant plaisir à fréquenter les boutiques du stade et à acheter les derniers produits dérivés qu’ils vont arborer plus par effet de mode et de distinction sociale que pour soutenir financièrement leur club (Giulianotti, 2002). Par ailleurs, Pigeassou (2002) a identifié quatre types de spectateurs correspondant à quatre modes de comportements : le spectateur assidu qui vient régulièrement au stade pour vivre dans la durée sa passion (sur le mode conjugal) ; le spectateur occasionnel ou spectateur de raison qui a pour seule motivation de participer à la fête sportive quand elle en vaut la peine ou d’accompagner des proches de sa sphère amicale ou familiale ; le spectateur de curiosité ou d’opportunité qui vient en fonction de circonstances conjoncturelles (match derby, montée en division supérieure) pour découvrir un spectacle qu’il ne connaît pas ; le spectateur d’accompagnement qui est là pour accompagner ou suivre un sportif de sa connaissance (de sa famille) et lui apporter son soutien. Bousquet et Marticotte (2009) ont développé un modèle de conceptualisation du fan basé sur un continuum allant du non-fan au fanatique, en passant par l’amateur et le fan. Chez le non-fan, la passion est absente et il ne développe aucune forme d’intolérance ou de violence à l’encontre d’adversaires sportifs (Hunt, Bristol & Bashaw, 1999). L’amateur a un intérêt particulier pour l’entité sportive qu’il a choisie (un club par exemple), mais sans s’y attacher durablement ; son intérêt est sporadique (Hunt et al., 1999). Le fan manifeste par contre un degré d’attachement supérieur et durable tout en développant des comportements émotionnels en lien avec les enjeux (Hunt et al., 1999). Mais l’intolérance du fan se limite à une forme de violence verbale en état d’excitation (Haynal, Molnar & Puymege, 1983 ; Rudin, 1969). Le fanatique fait preuve d’un degré d’attachement au-dessus de la moyenne et il vit refermé sur sa communauté (pendant les moments sportifs et en dehors), en opposition aux autres catégories, fans et amateurs (Kozinets, 2001 ; Oliver, 1999). Le fanatique peut faire la démonstration de son attachement par des comportements systématiquement violents (et passer du harcèlement verbal à des affrontements physiques avec des fanatiques de l’autre bord). À notre connaissance, aucune étude visant à catégoriser les publics d’évènements sportifs n’a été menée au Sénégal. D’où l’intérêt d’entreprendre cette recherche en vue d’une meilleure connaissance des consommateurs de spectacles sportifs en général, de la lutte sénégalaise en particulier et de proposer une typologie des publics directs.

Méthodologie

10L’objectif de ce travail de recherche étant d’identifier des profils des spectateurs à des fins de typologie d’une part, et d’analyser les comportements de consommation du spectacle de lutte avec frappe, catégorie par catégorie, d’autre part, nous avons privilégié une approche méthodologique mixte associant une étude qualitative et une enquête quantitative. Ainsi, dans un premier temps de recherche, nous avons mobilisé les techniques qualitatives de l’ethnomarketing (Desjeux, 1997). Pour cela, une série d’observations participantes a été menée dans la mesure où la consommation d’évènements sportifs revêt le plus souvent un aspect communautaire qu’il convient d’abord d’observer de l’intérieur. Puis nous avons conduit une série d’entretiens individuels semi directifs auprès de différents acteurs de la lutte avec frappe (spectateurs, sportifs, promoteurs, organisateurs, journalistes). Ces données de nature qualitative ont été traitées par le biais d’une analyse de contenu thématique. Cela consistait à faire l’inventaire des notes d’observation et des interviews et de les mettre à plat par écrit. Il s’agissait ensuite de mettre en évidence, dans la masse des données précédemment rassemblées, les thèmes récurrents que nous avons cherchés à regrouper en catégories homogènes en fonction de leur degré de similarité. La collecte de données quantitatives a été réalisée par le biais d’un questionnaire sur un échantillon de 423 spectateurs de lutte avec frappe, à l’occasion de galas organisés durant la saison 2015-2016 à Dakar, et selon un mode probabiliste (enquêtés choisis au hasard). L’enquête par sondage a l’avantage de permettre une quantification des phénomènes étudiés, en produisant des ordres de grandeur, des indications de tendance, et permet de repérer le poids des facteurs. Le traitement et l’analyse statistique des informations collectées sur le terrain ont été effectués à l’aide du logiciel SPSS 21.0 (Statistical Package for the Social Sciences).

Les caractéristiques sociodémographiques des spectateurs

11Le traitement de nos résultats indique que la lutte avec frappe apparaît comme un spectacle essentiellement masculin. Les hommes sont nettement plus nombreux que les femmes à y avoir assisté (81,6 % contre 18,4 %). Une autre caractéristique saillante de ce public est sa jeunesse et la très faible place des seniors. Les données indiquent que 80,6 % des spectateurs ont moins de 36 ans et que la portion des personnes âgées de 15 à 25 ans équivaut à 53,4 % de l’échantillon de spectateurs, tandis que celle des 26-35 ans est de 25,3 %. Les personnes qui sont âgées de plus de 55 ans ne représentent que 3,1 % et devancent de peu les spectateurs âgés de moins de 15 ans (1,9 %). Un peu plus des 2/3 des spectateurs de lutte avec frappe (73,5 %) sont des célibataires, le pourcentage de personnes mariées ou vivant en couple représentant 25,1 % des répondants.

12Les résultats se rapportant au niveau d’études de nos répondants montrent que le niveau le plus représentatif (29,8 %) est le « Moyen/Secondaire » et qu’environ la moitié du public (49,9 %) n’a pas atteint ce niveau. En effet, les non scolarisés représentent 13,9 %, ceux qui ne fréquentent que les daaras[1] et écoles arabes sont 8,7 % tandis que la proportion de ceux qui n’ont pas dépassé le niveau élémentaire s’élève à 27,2 %. Seuls 20,3 % des spectateurs ont atteint le niveau d’études supérieures. Près du tiers des spectateurs de lutte avec frappe sont des commerçants et notamment des marchands ambulants [2]. Les élèves représentent 12,5 % de cet échantillon, un peu moins que les étudiants (13 %). Ces étudiants passionnés de la lutte qui fréquentent l’arène sont souvent originaires des régions de l’intérieur du Sénégal. Ils viennent à Dakar pour poursuivre leurs études supérieures. L’arène leur permet de renouer avec une pratique corporelle traditionnelle qui a marqué leur enfance et à laquelle ils restent attachés. On compte également parmi les publics de la lutte, de nombreux marchands ambulants issus de l’exode rural. Ils proviennent pour la plupart de localités où l’on rencontre beaucoup d’individus non scolarisés et de jeunes qui ont quitté le système scolaire dès le cycle primaire [3].

Les modalités de consommation du spectacle de lutte avec frappe

Avec qui le public se rend-il au gala de lutte ?

13Les résultats de l’enquête quantitative montrent que la proportion du public qui se rend seul aux galas représente 21,3 % des spectateurs. La fréquentation de ces évènements semble être avant tout une activité collective, car pour une large majorité des spectateurs, un gala de lutte avec frappe est une sortie que l’on partage à plusieurs. Il faut rappeler que la lutte est avant tout une activité visant à faire acquérir certaines valeurs allant dans le sens de la socialisation des individus. Elle est un « affaire collective et communautaire » (Chevé et al., 2012 : 76) qui mobilise toutes les composantes de la société. Cette situation permet aux passionnés de pouvoir célébrer collectivement les exploits de leurs lutteurs et de vivre ainsi des moments de profonde résonnance mutuelle. Les spectateurs viennent accompagnés principalement de leurs amis (69 %), en faible proportion de leurs collègues de travail (4,5 %) ou de leurs enfants (2,4 %) et encore moins de leurs conjoints ou conjointes (1,7 %). Nous avons affaire à des consommations partagées avec d’autres dans une proximité amicale. Pour s’approprier pleinement le spectacle de lutte, le spectateur semble avoir besoin d’en discuter, d’échanger et de partager ses idées, ses impressions et ses émotions avec d’autres spectateurs pendant ou juste après l’expérience du spectacle sportif.

Rythme de fréquentation des galas de lutte avec frappe

14Si les publics occasionnels (1 à 5 galas dans l’année) représentent 30 % des répondants, il est important de noter que 12,3 % de cette catégorie sont des primo-spectateurs qui en étaient à leur première fréquentation de l’arène lors de notre enquête. Le public régulier (6 à 12 galas par an) reste la catégorie la plus représentée avec 38,8 % des enquêtés, tandis que les assidus représentent 31,2 % des spectateurs de lutte avec frappe. Nous avons donc affaire à une large majorité de spectateurs fidèles. Par ailleurs, 28,8 % des répondants déclarent ne fréquenter que les grands galas de lutte ou Combats VIP [4], contre 19,1 % qui se rendent aussi dans l’arène lorsqu’il y a des petits combats. Toutefois, un peu plus de la moitié des spectateurs affirment qu’ils fréquentent aussi bien les grands galas que les petits galas de lutte avec frappe, ce qui est un indicateur de leur goût pour la pratique en elle-même.

Les moyens de déplacement des spectateurs

15Interrogés sur les moyens utilisés pour se rendre aux galas de lutte avec frappe, 13,9 % des spectateurs déclarent se déplacer à pied. Le taxi reste le moyen de transport le plus utilisé (26,5 %), suivis des transports en commun (23,2 %). Les véhicules particuliers et les cars loués par les comités de supporters sont utilisés respectivement par 13 % et 12,1 % des passionnés de lutte avec frappe. L’usage des véhicules à deux roues (principalement les scooters) concerne 9 % des spectateurs.

Proposition de typologie des publics de lutte avec frappe

16Classiquement, il est admis que les spectateurs qui fréquentent les lieux d’évènements sportifs se rassemblent mais ne se ressemblent pas. En effet, loin d’être une masse homogène, le public des stades présente souvent, dans ses réactions, ses motivations et ses comportements de consommation, des différences que l’on doit analyser à des fins de catégorisation. Dans le cadre de cette étude plusieurs critères ont été mobilisés pour établir une typologie des publics directs de la lutte avec frappe : la fréquence de fréquentation des évènements sportifs, le niveau de connaissance des disciplines sportives, les formes de participation aux actions de supportérisme, le rapport à la violence.

Les amateurs : un public assidu et « connaisseur »

17Les spectateurs qui se déclarent « amateurs » de lutte avec frappe représentent 30 % de notre échantillon du public présent sur les lieux de galas. Ce groupe rassemble 32,2 % de l’ensemble des hommes et 20,5 % des femmes de notre échantillon ; 60 % des 46-55 ans et 61,5 % des plus de 55 ans. Par ailleurs, 26 % des amateurs se situent dans la tranche d’âge de 15-25 ans, 32,3 % dans celle des 26-35 ans et 14,2 % dans celle des 36-45 ans. Concernant la régularité de la fréquentation, 44,9 % des amateurs se rendent aux galas de façon assidue, 46,5 % sont réguliers, tandis que 8,7 % ont une fréquentation occasionnelle. Quelques citations d’interviewés nous permettent de préciser ce comportement : « contrairement au fan, l’amateur suit tous les combats de tous les galas de lutte. Il est toujours présent. » (R01) ; « de toute façon, les amateurs sont toujours au stade, quel que soit le niveau du combat ou la qualité des lutteurs qui vont s’affronter » (R03) ; « un amateur de lutte, si vous voulez le différencier d’un fan-club ou d’un supporter, il est quelqu’un comme moi, qui va au stade même pour regarder des coqs lutter (rires) » (R18).

18Les amateurs se rendent au stade avant tout par passion de la lutte avec frappe (66,1 %). Il importe de préciser que dans la genèse de l’attachement passionnel de l’amateur, la famille semble jouer un rôle majeur. Ils sont nombreux à déclarer qu’ils sont « nés » dans une famille de lutteurs ou qu’ils ont fréquenté très tôt le milieu de ce sport traditionnel. Les amateurs sont soit des anciens lutteurs, soit des personnes qui ont cheminé pendant longtemps avec des pratiquants de la discipline. « En général, si quelqu’un est un grand amateur, c’est parce qu’il a eu à accompagner ou à fréquenter un lutteur, ou bien, parce qu’il est un ancien lutteur » (R17). Cette passion de la lutte avec frappe est donc acquise dès l’enfance et elle se trouve durablement inscrite chez certains amateurs qui, du reste, n’ont pas d’autre loisir sportif. « Moi je suis un sportif, je connais la lutte, j’ai grandi dans la lutte ; mon papa Meïssa Diop était un lutteur. C’est lui qui a lutté le premier dans l’arène sénégalaise. Donc nous avons la lutte dans les veines et si tel est le cas normalement regarder la lutte à la télé ne va pas vous arranger, il faut aller dans l’arène » (R4). Ce constat rejoint l’analyse déterministe de Pierre Bourdieu (1979) pour qui le milieu social des parents et plus largement de la famille détermine fortement et durablement le goût et les passions.

19Les amateurs connaissent bien la lutte avec frappe. Ils en ont une certaine expertise technique et ils cultivent en mémoire tous les grands moments qui l’ont marquée dans le temps. Ils en connaissent en général le règlement et les techniques. « L’amateur de lutte connaissait presque tous les lutteurs ainsi que les techniques de lutte. » (R15) ; « L’amateur est un connaisseur de la lutte. » (R17) ; « L’amateur est celui qui a une bonne maitrise de la lutte » (R02). La plupart des amateurs ont certes des lutteurs favoris (43,33 % viennent pour supporter un lutteur en particulier), des écuries auxquels ils s’identifient, mais cela ne remet pas en cause leur jugement et leur fair-play durant les combats. Ils sont là pour apprécier le talent de tous les lutteurs, quelle que soit leur équipe d’appartenance. « Mais comme on dit un amateur peut regarder un lutteur qui n’est pas le sien ou n’importe quel combat » (R6) ; « L’amateur de lutte, c’est quelqu’un qui connait la lutte et qui met tous les lutteurs au même pied d’égalité, même si son lutteur est défait, cela n’empêche qu’il soit toujours là » (R01). En se rendant aux galas de lutte avec frappe, 72,4 % des amateurs s’attendent à y vivre de « beaux combats » avec de « belles techniques de lutte » et des « clés », comme en témoignent les propos de ces interviewés : « Les amateurs ne sont intéressés que par les combats, les techniques de lutte » (R15) ; « Il arrive un moment où l’amateur met au même pied d’égalité tous les lutteurs, ce qui l’intéresse c’est le beau combat, la technicité des lutteurs. Bien sûr, il supporte son lutteur, mais il a l’esprit sportif » (R01).

20Les amateurs avouent également un goût prononcé pour les séances de baak[5] (66,1 %), les chants (63 %) et l’animation plus largement les tribunes (42,5 %). Ils ne participent pas en général aux actions de supportérisme de manière bruyante (a fortiori aux actions de violence), même s’ils ne sont pas toujours d’accord avec les décisions de l’arbitre. Ils condamnent d’ailleurs cette violence dans l’arène qu’ils considèrent comme un facteur contre-nature sportive faisant obstacle à leur passion. Bien au contraire, l’amateur affiche une patience remarquable ; quel que soit l’incident survenu dans un combat ou la déception d’un résultat, il reste jusqu’à la fin du verdict. « Quand on est vrai amateur de lutte, on ne crée pas de problème dans l’arène, on ne doit pas faire de la violence » (R6) ; « Un véritable amateur ne gâche pas la lutte, parce qu’il ne peut pas acheter un billet à plus de 15 000 francs CFA et avoir l’intention de gâcher la lutte. Ça, un amateur ne le fait pas. » (R17).

Les supporters : des partisans passionnés

21La catégorie des supporters fait référence aux spectateurs qui supportent clairement et ostensiblement un lutteur mais sans adhérer à un club de fans et sans être véritablement des amateurs de lutte. Au sein de notre échantillon, ils représentent 20,3 % du public de lutte avec frappe (22,3 % des hommes et, il convient de le souligner, 1,5 % des femmes). Ventilés par catégories d’âges, on retrouve 37,8 % de supporters âgés de 46-55 ans et 23,1 % de plus de 55 ans. Cette catégorie regroupe également 27,9 % de supporters de 12 à 25 ans et 26,7 % qui se situent dans la tranche d’âge 26-35 ans. Quant au niveau d’études, il est à signaler que 30,2 % ont fait leur scolarité jusqu’à l’élémentaire, 24,4 % ont le niveau moyen/secondaire tandis que 15,1 % ont atteint le supérieur.

22Le tiers des supporters (33,7 %) sont des spectateurs assidus, 48,8 % sont réguliers dans les galas, contre 17,5 % qui ont une fréquentation occasionnelle. L’étude des motivations des supporters révèle sans surprise qu’ils se rendent tous dans l’arène pour supporter un lutteur. Au-delà de cette démarche partisane, la passion reste une des raisons qui poussent 58,1 % des supporters à fréquenter les galas. Dans la lutte, « le supporter est un passionné de la lutte mais cela ne l’empêche quand même pas d’avoir un lutteur préféré » (R18) ; « Ma passion c’est la lutte seulement. Tout ce que vous pouvez faire pour moi, si vous voulez me faire plaisir, il faut que cette chose soit en rapport avec la lutte » (R15) ; « Je n’aime que la lutte, c’est la lutte qui me terrasse (rire) » (R17).

23La recherche d’interactions sociales reste un facteur de fréquentation pour 24,4 % des supporters, car les évènements de lutte sont des occasions privilégiées d’actualiser ou de dynamiser des liens de sociabilité (le plus souvent avec des amis que l’on retrouve). Chez certains supporters, la dimension d’identification communautaire est très forte. On vient pour soutenir les lutteurs de sa localité (de son quartier, de sa ville, de sa région) ou ceux de son ethnie (diola, sérère, lébou, etc.). En effet, 15,4 % viennent au stade pour supporter un lutteur de leur ethnie et presque autant (15,1 %) soutiennent les lutteurs représentant leur région. Cette motivation est confirmée par ces interviewés : « moi, je suis sérère, on peut dire que je supporte tous les lutteurs sérères, Eumeu, Yékini,… j’aurais aimé les voir battre toujours les diolas et les autres (rire) » (R6) ; « Je supporte tous les lutteurs diolas et socés, les sérères disent que la lutte c’est pour eux, mais le roi des arènes c’est Balla Gaye 2, il n’est pas sérère, il est socé » (R33). La dimension d’identification territoriale se retrouve à travers certaines expressions utilisées par des supporters, notamment la « pikinité » [6] : « Dans notre fans-club, on a décrété la “pikinité” ; lorsqu’un lutteur de Pikine a un combat, les membres peuvent aller le supporter, que ce soit Eumeu Sène, Sook, Boy Niang ou un autre, s’ils ont un combat nous allons les supporter. Nous remplirons le stade, il y a d’autres supporters qui sont ici avec nous aujourd’hui et qui ne sont pas des supporters d’Ama, ce sont des supporters de Boy Niang ou d’autres écuries qui sont à Pikine. Donc l’affaire c’est la pikinité » (R13). Plusieurs études menées sur la lutte sénégalaise (Chevé et al., 2012 ; Wane et Kane, 2015 ; Seck, 2015) montrent que cette activité, outre la passion et l’enthousiasme qu’elle suscite, est un moyen de construction identitaire. Cette dynamique identificatoire apparaissait déjà durant la période coloniale et se manifeste à travers les danses chorégraphiques, les tenues vestimentaires, le rythme des tam-tams mais également les noms d’écurie (écurie sérère, écurie haalpuular…) et les surnoms choisis par les lutteurs (Boy Baol, Bébé Saloum, Boy Bambara….) qui sont évocateurs d’une appartenance communautaire et territoriale. Les supporters participent activement au soutien de leur lutteur favori par des applaudissements, parfois par des cris et n’hésitent pas à sauter de joie pour manifester la victoire de leur combattant. Ils peuvent manifester aussi leur désaccord par des insultes à l’encontre des arbitres et des supporters adverses. Mais ils ne dépassent pas ce stade de violence symbolique et donc ne participent pas aux actes de violence physique : « du côté des supporters, les jets de pierres n’existent pas, il n’y a pas de violence. On supporte juste le lutteur, s’il gagne on l’amène, s’il est vaincu aussi on fait de même. » (R02) ; « Le supporter a certes un lutteur favori dans un combat, mais même si celui-ci tombe, il ne créé pas de boucan » (R02). Même si 94,2 % des supporters espèrent voir, à l’issue des combats, la victoire de leurs lutteurs, une majorité exprime des attentes par rapport aux séances de baaks (76,7 %), aux chants (57 %), mais également aux techniques de lutte (53,5 %).

Les fans club : des « spect’acteurs » dévoués

24Les données de l’enquête quantitative montrent que 28,8 % du public assistant aux galas de lutte appartiennent à des « clubs de fans », mais seulement 54,5 % d’entre eux possèdent une carte de membre. Les fans représentent 24,6 % des hommes et 47,4 % des femmes du public de lutte avec frappe. Une femme qui se rend au spectacle le fera donc davantage en tant que fan qu’un homme. La catégorie des fans est essentiellement composée de jeunes : 74,6 % se situent dans la tranche d’âge des 15-25 ans et 17,2 % dans celle des 26-35 ans. On n’y retrouve aucun individu âgé de plus de 35 ans, ce qui est remarquable. Si 10,8 % des fans sont réguliers dans les galas de lutte avec frappe, 40,5 % restent des spectateurs occasionnels qui ne fréquentent les galas de lutte que lorsque leur idole doit disputer un combat. « Les fans ne viennent assister aux galas de lutte que lorsque leur lutteur idole à un combat. Ils sont toutefois prêts à le suivre et le soutenir partout où il doit lutter » (R6). « Personnellement, je n’ai jamais assisté à un combat de lutte au stade ; c’est seulement notre lutteur qui va m’inciter à y aller et personne d’autre » (R14) ; « Je n’ai même pas l’habitude de partir au stade pour regarder des combats à part regarder celui de mon lutteur, à part ça, je regarde les autres au niveau de la télévision » (R11).

25Les fans se caractérisent par leur manque de culture sportive ; ils ne connaissent pas bien les règles de la lutte avec frappe. Ils ne se soucient que de leur lutteur idole qu’ils accompagnent et soutiennent bruyamment. Les autres combats du gala de lutte ne les intéressent que très peu, comme en témoignent les propos suivants : « Les fans par contre ne connaissent pas la lutte, ils viennent pour supporter leur lutteur, c’est tout. En général, après le combat de leur lutteur, ils partent avec lui, ils ne suivent pas les autres combats » (R17) ; « Le fan lui, ne se soucie que de son lutteur et nul autre, et si son lutteur est défait, il quitte immédiatement le stade contrairement aux amateurs et aux supporters. D’ailleurs, le fan ne vient dans l’arène que lorsque son lutteur a un combat » (R01). Si tous les fans viennent au stade pour soutenir leur idole, une part importante se rend aux galas de lutte pour y vivre des expériences émotionnelles (37,7 %), des interactions sociales (25,4 %). Car comme le suggère Bromberger (2009 : 219), le stade est un « espace où la parole circule et où l’on “rentre dans la conversation” encore plus facilement qu’au café ». Par ailleurs, 92,6 % des fans s’attendent à la victoire de leur idole, 66,4 % s’intéressent aux baaks et 57 % aux chants des griots. Toutefois, les techniques de lutte et l’animation sur les tribunes figurent, respectivement, dans les attentes de 38,5 % et de 39,3 % des fans interrogés. Maltesse et Danglade (2014) qualifient de fans « abeilles » les spectateurs qui s’intéressent essentiellement à l’offre périphérique au spectacle sportif (notamment aux animations dans les tribunes).

26Les fans participent activement aux actions de supportérisme et sont à l’origine d’un spectacle à la fois visuel et sonore, de par leurs chants et leurs cris, de l’agitation de banderoles et de drapeaux et quelque fois de lancers de fumigènes, tout au long du combat de leur idole. Ils sont véritablement des acteurs qui sont partie prenante de l’organisation du spectacle en tribunes et, de ce fait, peuvent être considérés comme des « spect’acteurs ». C’est d’ailleurs l’intensité remarquable du soutien qu’ils apportent à leurs idoles de façon ostensible, voire tapageuse, qui différencie les fans des simples supporters. C’est ce que précise le répondant R11 : « … contrairement [aux supporters], les membres du fan-club s’activent intensément pour soutenir notre lutteur tout le temps que dure le combat. » Les fans sont souvent impliqués dans des comportements conflictuels et violents, et ils sont fréquemment repérés dans des scènes de violence se produisant dans l’arène. Plusieurs interviews le dénoncent. L’intensité de la passion portée à leurs idoles peut être forte et provoquer des émotions conduisant à de l’intolérance passionnelle, voire à de la violence. C’est pourquoi, dans le milieu de la lutte avec frappe, les fans sont qualifiés d’« ama-torts », car ils sont considérés comme les principaux instigateurs des actions de violences dans l’arène, et donc comme des empêcheurs de vivre pleinement une passion sportive pacifique. « Dans le milieu de la lutte, les amateurs qualifient les fans de “amatorts” (rires). C’est celui qui ne supporte qu’un seul lutteur qui ne veut que la victoire de celui-ci et s’il se retrouve avec une défaite il peut même être violent. Il a souvent tort (rire) » (R01) ; « Ce sont eux [les fans] qui causent les violences dans la lutte parce qu’ils ne connaissent pas la lutte… ils créent du boucan quand l’arbitre prend une décision qui n’est pas favorable à leur lutteur » (R02). « Par contre les fans, c’est eux qui amènent les violences dans la lutte, ils n’ont pas peut être l’esprit sportif, ils ne veulent pas que leur lutteur perd » (R01).

Les « spectateurs » : des touristes, accompagnants et curieux (TAC)

27Les spectateurs représentent 20,8 % des publics de lutte avec frappe (20,9 % des hommes et 20,5 % des femmes de notre échantillon). Parmi eux, on distingue notamment des touristes, des accompagnants et des spectateurs curieux (que l’on regroupe, au Sénégal, sous l’acronyme TAC – touristes accompagnants curieux). Les curieux sont essentiellement des spectateurs occasionnels qui viennent souvent découvrir, pour la première fois, l’ambiance d’une manifestation sportive qu’ils voient habituellement sur les chaines de télévisions (jamais in situ). « C’est la curiosité qui m’a poussé à aller assister à un gala de lutte, mais depuis que j’ai découvert la violence qui y règne, j’ai fini par ne plus y retourner » (R27) ; « Ils y a des gens qui ne se rendent au stade que pour suivre les grands combats de lutte ou certaines stars de la lutte comme, par exemple, quand Tyson ou Yékini ont un combat. Ils ne sont là que lorsqu’un grand combat est organisé, avec une bonne promotion dans les médias » (R3). Le spectateur touriste est un « découvreur » en quête de nouvelles expériences et de divertissement. Il est à la recherche de souvenirs forts, de références culturelles et exotiques qui enrichiront son séjour. La présence des touristes en général, des Européens en particulier, date de l’époque coloniale. Ils ont toujours été fascinés par cette activité africaine comme en témoignent ces répondants : « Les touristes blancs ont toujours aimé la lutte avec frappe. Même aujourd’hui, si tu vas dans certains hôtels à Mbour, on leur propose des soirées de démonstration de lutte » (R3) ; « Les touristes sont toujours présents dans les galas de lutte surtout l’été. Ils veulent quelque chose d’original et la lutte est notre culture » (R4).

28Les accompagnants sont des spectateurs invités, soit par les organisateurs, soit par un amateur ou un supporter. Cela concerne 12,5 % des spectateurs qui viennent au stade pour accompagner quelqu’un. Les accompagnants peuvent être également des militants du « parrain » politicien, des collaborateurs du parrain PDG de leur entreprise. La plupart d’entre eux ne connaissent pas la lutte, mais ils prennent goût aux pratiques spectaculaires qu’ils y découvrent pour la première fois. « C’est la première fois que je viens au stade pour assister à un combat de lutte. Je suis invité par madame D.G. qui est l’amie de la femme du parrain. Nous sommes venus avec une forte délégation » (R26). En effet, la majeure partie des spectateurs (48,9 %) ne fréquentent qu’occasionnellement les galas de lutte avec frappe, 31,8 % sont réguliers, contre 19,3 % seulement d’assidus.

29La majorité des spectateurs (58 %) sont âgés de 15 à 25 ans, tandis que 27,3 % se situent dans la tranche d’âge des 26-35 ans. Cette catégorie de spectateurs de la lutte avec frappe regroupe 35,2 % d’individus ayant atteint le niveau d’études secondaires, tandis que le quart s’est limité au moyen/secondaire. La moitié des spectateurs vient au stade pour se divertir et 43,2 % sont motivés par les expériences émotionnelles qu’ils espèrent y vivre. Un peu plus du tiers (36,4 %) effectuent le déplacement aux galas pour y rencontrer d’autres personnes. Les spectateurs ont des attentes liées aux chants et les baaks (48,9 %), ainsi que l’animation sur les tribunes (63,6 %). Les spectateurs ne participent pas aux actes de violence dans les stades car très peu attachés aux lutteurs.

Commentaires et implications managériales de la recherche

30Les modalités de fréquentation des galas de lutte avec frappe (s’y rendre seul ou accompagné), ainsi que la recherche de liens sociaux exprimée par une grande partie des spectateurs, semblent montrer que ce type d’évènement est un produit de consommation collective apprécié pour les interactions sociales qui l’accompagnent. En effet, ces spectateurs recherchent avant tout une forme de convivialité dans la participation à ces évènements, une forme aussi de plaisir partagé à être ensemble dans les gradins à manifester collectivement leur soutien au lutteur qu’ils affectionnent, dans une ambiance de fête associant musique et danse à l’âpreté des combats. La notion d’« hédonisme social » utilisée par Bergadàà et Nyeck (1995) s’applique relativement bien à ce type de motivation. Ainsi, le produit spectacle sportif se trouve valorisé, augmenté d’une plus-value apportée par les éléments non sportifs d’un loisir hybride. En effet, le produit central sportif est complété et largement valorisé par des produits périphériques de nature culturelle – musique, chants, danses, gastronomie, etc. – au point que certains spectateurs trouvent d’abord leur motivation de fréquentation dans ces produits d’accompagnement.

31Les dynamiques interactionnelles à l’œuvre en marge des combats de lutte permettent, par ailleurs, à certaines catégories de publics, notamment les TAC, de créer et de développer tout un réseau de connaissances (à l’instar des « fans calculateurs » de Pimentel et Reynolds, 2004). Les parrains (des notables lançant des invitations à leurs « obligés » : salariés, fournisseurs, élus politiques, journalistes, etc.) et leurs accompagnants se retrouvent en général dans la tribune officielle réservée aux invités d’honneur. Leur présence sur l’événement sert tout autant à affirmer ou à renforcer leur position sociale qu’à consolider leurs réseaux dans un contexte festif favorable (Bromberger, 1998). En effet, le caractère émotionnel des combats et la proximité induite par l’ambiance musicale provoque souvent des rapprochements socioculturels entre les invités (qui se tutoient désormais pour se retrouver lors du prochain gala).

32Pour d’autres catégories de publics, notamment les touristes et les curieux, la motivation à fréquenter un gala de lutte avec frappe repose moins sur la prestation sportive des lutteurs en elle-même que sur la recherche d’expériences, c’est-à-dire d’un « vécu personnel chargé d’émotions » (Holbrook & Hirschman, 1982 ; Carù & Cova, 2002). À cet égard, ils expriment des attentes portant plutôt sur les éléments périphériques au combat de lutte susceptibles d’alimenter ce vécu (baaks, chants, danses et animation sur les tribunes), soit une manière pour eux d’éprouver le spectacle et d’accéder à un état émotionnel fort (Dubet, 1994). Compte tenu de ce constat, il devient indispensable pour les promoteurs de ré-enchanter l’offre en permanence et ses modalités de consommation, selon un principe de la thématisation et de théâtralisation des moments de consommation (Ohl & Tribou, 2004). Le but est alors de « produire des contenus extra-sportifs afin de toucher des fans abeilles » (Maltesse & Danglade, 2014 : 140). Peuvent être qualifiés de fans abeilles, les spectateurs qui ne recherchent pas seulement dans les galas le simple divertissement sportif mais aussi une expérience émotionnelle inédite (qu’ils ne peuvent pas trouver ailleurs) et qui sont donc particulièrement réceptifs aux animations des fans dans les tribunes. Cette prise en compte du cadre contextuel permet de considérer davantage la dimension émotionnelle de l’expérience de consommation du spectacle (Desbordes & Richelieu, 2011). Cela consiste à optimiser intentionnellement et dans une perspective marketing et promotionnelle un ensemble cohérent de services périphériques (car chaque service est conçu pour répondre aux attentes d’une catégorie en particulier) dans une mise en scène pensée en amont pour séduire et entrainer le spectateur vers un « évènement mémorable » (Pine & Gilmore, 1999). Car c’est la mémoire positive de l’événement qui va provoquer le renouvellement de l’expérience (la fidélisation au spectacle), le rachat du produit dont on conserve le souvenir positif (Tribou, 2016). Mais si aucun groupe de spectateurs n’est indifférent à l’animation et à l’atmosphère festive des galas, il importe de souligner le rôle déterminant des « fans » dans le processus de création d’ambiance. Car ils sont véritablement coproducteurs des expériences à travers leurs prestations d’animation déployées dans les tribunes. Ce contexte de « co-driven » de l’expérience (Carù & Cova, 2007) est vécu par certains fans comme étant des moments où ils se sentent importants, investis d’une mission sociétale et admirés par les autres spectateurs. C’est d’ailleurs une des raisons qui les motivent à adhérer aux clubs de fans.

33Si pour beaucoup de spectateurs, l’expérience de consommation du spectacle de lutte renvoie alors à la recherche d’une expérience émotionnelle mémorable, il n’en demeure pas moins que d’autres spectateurs, comme les amateurs de lutte, peuvent être guidés par le seul objectif d’assister à des duels de qualité dignes d’intérêt sportif (des affrontements spectaculaires sur une aire de combat). En effet, ces « esthètes » (selon Bourgeon-Renault & Bouchet, 2007) viennent avant tout pour suivre de beaux combats techniques et dotés d’enjeux sportifs. Par ailleurs, assister à un évènement de lutte avec frappe permet à certains spectateurs, notamment les supporters et les fans, de construire puis d’affirmer une « identité sociale » au sens de Tajfel (1978 : 63) – « cette part du concept de soi qui dérive de la conscience d’appartenir à un groupe – ou à des groupes – ainsi que des valeurs et significations émotionnelles liées à cette appartenance ». Ce qui compte dans le fond, c’est l’affirmation et la valorisation d’une identité que l’on peut s’approprier par sa simple présence et dont on peut être fier. À ce propos, même les baaks deviennent des vecteurs d’identification pour les supporters, certains n’hésitant pas à les exécuter en imitant leur idole pour faire corps avec elle.

34D’un point de vue managérial, ce travail de recherche vise à fournir des informations opérationnelles sur les profils des spectateurs de lutte et sur leurs comportements de consommation. Les résultats devraient offrir aux organisateurs de galas une meilleure visibilité sur la demande (et une caractérisation fine) en leur permettant de mieux répondre aux besoins des différents publics selon une typologie opérationnelle. En effet, la juste connaissance des profils, des attentes et des besoins réels des publics des évènements sportifs doit logiquement conduire à des stratégies marketing plus efficaces : comment segmenter l’offre et vers quelles catégories de publics ? En effet, l’identification d’une pluralité de motivations et de modalités de consommation doit se traduire par une logique de déclinaison des segments d’offres en termes de portefeuille de produits : comment faire évoluer le produit central des compétitions et comment concevoir et renouveler le cas échéant les offres périphériques. L’enjeu de cette recherche est donc d’enrichir la compréhension des comportements de consommation de spectacles sportifs en général, de lutte avec frappe en particulier, et la gestion de la relation clients-spectateurs en plaçant la dynamique du contexte socioculturel au cœur du processus. Ces éléments d’analyse peuvent conduire plus largement les fédérations et autres organisations sportives sénégalaises à créer de nouveaux produits ou à rénover les produits en place, notamment dans des processus d’hybridation, à susciter avec leurs publics des comportements de fidélisation et, avec leurs prospects clients potentiels, des comportements de découverte. De telles initiatives empruntant au marketing commercial contribueraient sans doute à remédier à des problèmes récurrents de billetterie et, dans un deuxième temps seulement, à envisager un développement des partenariats avec des sponsors (notamment en matière d’hospitalité) et avec des médias sur la base d’audiences directes convaincantes (Tribou, 2016).

Conclusion

35La segmentation est le concept central des stratégies marketing mises en place par la plupart des organisations et notamment sportives. Le marché des spectacles sportifs ne fait pas exception. La diversité des modes de consommation de la lutte avec frappe implique forcément une diversification de l’offre des produits événementiels. Il importe alors, pour les organisateurs de galas, d’identifier précisément les profils, de comprendre les attitudes et les comportements des catégories ainsi identifiées des publics directs, afin de faire évoluer l’offre de spectacles en conséquence et éventuellement d’innover si une catégorie ne trouve pas à satisfaire ses attentes. Dans le cadre de cette étude, l’élaboration de critères de segmentation fondés sur la motivation à se rendre aux galas, la régularité, le degré de participation aux actions de supportérisme, ainsi que le rapport à la violence ont abouti à l’identification de quatre segments que nous avons nommés amateur, supporter, fan et spectateur.

36Toutefois, si la typologie des publics est facilement admise parce que nécessaire pour une bonne gestion de l’offre, il importe aussi de garder à l’esprit que ces catégories ne sont qu’un prisme d’accès pour saisir la complexité du réel. Ainsi, il ne faudrait pas pour autant évacuer les possibles écarts entre les profils stylisés et des réalités mouvantes en possible décalage. En effet, il convient de rappeler que notre typologie se définit par des similarités individuelles en termes de comportement en mesure d’évoluer au fur et à mesure des abandons et de nouveaux entrants, également par le fait d’une relative porosité entre les catégories repérées (des ressortissants d’une catégorie pouvant en rejoindre une autre au fil du temps et de l’expérience ou encore relever de plusieurs catégories). Ces catégories ne sont donc pas mutuellement exclusives et un individu spectateur pris au hasard pourrait ainsi s’identifier à une catégorie, mais ne pas se reconnaître dans la totalité de ses caractéristiques. Ainsi, sans vouloir construire des catégories invariables ou cloisonnées, nous avons recouru à une segmentation fondée avant tout sur le repérage de groupes de spectateurs partageant des caractéristiques similaires à l’instant T. Au final, cette catégorisation donne une bonne idée des profils de spectateurs que l’on rencontre sur les lieux d’évènements de lutte au Sénégal et de la manière dont ils consomment. L’avantage de procéder in fine à une catégorisation de l’audience directe à partir de plusieurs profils et modalités de consommation se trouve dans la possibilité d’opérationnaliser des segments d’offres en mesure de satisfaire les besoins particuliers des segments ainsi identifiés.

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  • Wane C.T. & Bouthier D. 2011, « Elaboration d’une forme de lutte scolaire », dans Jallat D., Loum F.D., Lomo Myazhiom A.C. & Mons Spinner C. (Coord.), Politiques sportives et culturelles, Revue culturelle du monde noir, 183, Paris, Présence Africaine, pp. 165-182.

Notes

  • [1]
    Daara, n’est pas un mot wolof, il signifie « maison » en arabe. Il s’agit d’une école coranique où on enseigne le Coran et les principes de la religion islamique.
  • [2]
    Le commerce ambulant à Dakar constitue un gagne-pain d’environ 50 0000 personnes dont la majorité est constituée de jeunes issus de différentes régions du Sénégal, plus particulièrement de Diourbel, Kaolack, Thiès. Données issues de l’étude de cas sur « Les marchands ambulants » réalisée par Oscar Kamara en juillet 2012 dans Streetnet.
  • [3]
    Selon le Rapport 2015 de la Direction de la Planification et de la Réforme de l’Education (DPRE) du Ministère de l’Education, les localités de la région de Diourbel présentent les taux brut de scolarisation les plus bas au Sénégal. Les chefs religieux y étaient, pendant longtemps, opposés à l’installation des écoles « françaises ». Aujourd’hui encore, le système éducatif formel y côtoie le non formel constitué par les écoles coraniques.
  • [4]
    Il importe de signaler que la distinction entre grand combat et petit combat diffère selon la signification que le Comité national de gestion de lutte (CNG Lutte) lui donne et l’opinion courante. Pour le CNG de lutte, dans un gala de lutte, sont considérés comme petits combats ceux qui se déroulent en préliminaire, c’est-à-dire avant le ou les combats finals de la manifestation (généralement le(s) dernier(s) combat(s)). Or dans l’opinion courante, les grands combats sont ceux qui mettent en jeu les « lutteurs VIP » (very important personality). Le concept de lutteur VIP (expression utilisée couramment par les journalistes) n’existe pas non plus dans le vocabulaire du CNG. Pour notre part, et c’est d’ailleurs l’entendement de la plupart des amateurs de lutte, les lutteurs VIP sont ceux qui signent les gros contrats avec les promoteurs (plus de 80 millions de F CFA).
  • [5]
    Bàkk (baak) : déclamation chantée de poèmes d’auto glorification du lutteur. Le bàkk est le nom commun ; il signifie en fait la devise musicale ou rythmique ; on écrit bàkku, quand le lutteur déclame son texte, mais l’expression courante et l’usage dit que le lutteur fait son bàkk.
  • [6]
    Expression synonyme de « tous pour Pikine » qui caractérise la solidarité des supporters du département de Pikine envers les lutteurs issus de la localité.
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