Corps 2018/1 N° 16

Couverture de CORP1_016

Article de revue

Ce que lutter veut dire ? Lamb, bëre et monde de vie au Sénégal

Pages 11 à 26

Notes

  • [1]
    En 2011, un article du Figaro (Jean-Marc Gonin, 30/04/2011) avait titré « Les Gladiateurs de la misère ».
  • [2]
    Dans le cadre du projet « Corps en lutte au Sénégal », depuis 2010, nous avons construit une recherche pluridisciplinaire dont les auteurs de ce dossier sont, à divers titres, partie prenante. Ce projet est soutenu par la Fondation SOCOCIM (Dakar, Sénégal), le Comité National de Gestion de la Lutte (CNGL, Dakar), l’UMI 3189 ESS (Dakar), l’UMR 7268 ADES AMU-CNRS-EFS et participe au GDRI 836 CNRS Body Ecology (Dr. Bernard Andrieu) ? Ces institutions ont également soutenu le colloque qui s’est tenu à Dakar les 20 et 21 février 2017, « Des corps en Afrique de l’Ouest : états, pratiques et représentations » coordonné par Dominique Chevé, Cheikh Tidiane Wane, Gilles Boëtsch et Lamine Ndiaye.
  • [3]
    Voir notamment dans notre ouvrage de 2014 les articles de Abdoul-Wahid Kane et Cheikh Tidiane Wane, pp. 63-88 ; Fatou Dame Loum, pp. 153-162 ; Ibrahima Wane, pp. 127-137 ; Ibrahima Sow, pp. 189-212 ; Abdoulaye Keita, pp. 213-228
  • [4]
    Husserl emprunte à Dilthey ce qui se traduit par « monde de la vie » sans pour autant se limiter à l’acception biologique et naturelle de la « vie », puisqu’il y entend aussi le monde du vivant et le monde vécu. Le terme « Lebenswelt » est devenu courant dans l’approche phénoménologique des phénomènes. Pour plus de précisions concernant l’usage par Husserl de la notion de Lebenswelt, voir l’article de Julien Farge, 2006 : 191-217. La pensée d’Heidegger est également éclairante pour comprendre que ce monde n’est ni simplement un rassemblement de choses et d’êtres, ni vraiment un cadre réel ou imaginé, ni ce qui se tient devant nous, mais toujours un « événement », une totalité poreuse et illimitée qui règne. Pour plus de précision sur la conception d’Heidegger, voir notamment L’Origine de l’œuvre d’art, dans Chemins qui ne mènent nulle part, Paris, Gallimard, 1980, collection TEL (1935).
  • [5]
    Le rappeler nous parait encore nécessaire aujourd’hui, tant pour des raisons épistémologiques que théoriques.
  • [6]
    Nous reprenons cette expression d’une conversation avec nos collègues lors du colloque de Dakar (février 2017) notamment à l’issu de la communication d’Anaïs Misson, doctorante à l’université de Louvain.
  • [7]
    Nous avons opté ici pour l’emploi de ce terme, qui est d’usage au Sénégal et exprimé en français. Non seulement une analyse critique ne peut être faite dans le cadre de cet article, mais ce terme a l’avantage de renvoyer à la réalité de sens vécue par les acteurs sénégalais et à leurs catégories interprétatives. Prendre en compte cet usage ne relève pas d’une essentialisation mais d’un choix d’ordre émique (Olivier de Sardan, 1998 ; 2008). Ce terme est, au fond, à la fois un générique qui comprend les forces invisibles constructives protectrices comme destructrices, les pouvoirs occultes, les gestes et les rituels comme les objets requis dans ces pratiques et les personnes qui en sont investies comme celles qui en sont les initiateurs, mais également un idiome sénégalais. Pour plus de réflexion voir notamment Bruno Martinelli et Jacky Bouju, 2012 ou encore Sandra Fancello, 2015 ou enfin, Julien Bonhomme et Julien Bondaz, 2017.
  • [8]
    Nous ne pouvons dans le cadre de cette introduction développer ce qui nourrit cette quête de meilleures installations sportives, de meilleures prises en charge des renforcements musculaires, de stratégies notamment de boxe ou d’haltérophilie, ailleurs. Cet Ailleurs, ici, est forgé de réalisme sportif et d’imaginaire local, d’investissement financier et symbolique, accompagné de discours d’attachement au pays, de retour médiatisé après ces parenthèses qui participent au style de tel ou tel lutteur-champion comme à sa notoriété.
  • [9]
    Le terme désigne le lutteur en wolof. Bëre signifie lutter. Le wolof dispose également de bërekat, dont la connotation est moins prestigieuse. En effet, Mbër, est également employé pour désigner un champion, dans la lutte ou ailleurs, celui qui s’impose comme le meilleur.
  • [10]
    Cet entretien a été réalisé à l’UCAD lors d’une mission en juillet 2010.
  • [11]
    Cette expression peut se traduire comme : « Rien n’est plus facile pour une femme, fut-elle mauvaise épouse, que de mettre au monde un fou ou un lutteur ».

1Sur les plages de Yoff, celles de la corniche ou encore sur le sable des écuries en banlieues (Pikine, Thiaroye ou Guediawaye) où les jeunes lutteurs de Dakar viennent s’entraîner, l’une des expressions récurrentes par laquelle ils se désignent eux-mêmes, est : « sénégalériens » (xosluman : galériens, en wolof). Comme l’indique Thomas Fouquet qui l’a également repérée dans un autre contexte (Fouquet, 2013 : 140), elle est une contraction édifiante, traduisant avec humour et lucidité, leur perception d’eux-mêmes et de leurs situations. Nous avons également retenu une autre expression, moins drôle : « la lutte ou la pirogue » (Mbeur waala gaal)… Alors, « Sénégalériens » ou/et « Sénégladiateurs » [1] ? Ce qui est manifeste, c’est que se conjuguent en eux ces rêves fous de réussite (Havard, 2001 ; 2014) par la lutte avec frappe (làmb) essentiellement, cette lucidité sur leur précarité et cet investissement éperdu dans leurs corps-ressources, travaillés, façonnés et incarnant les efforts, les sacrifices, la puissance vulnérable.

2Nous avons depuis quelques années étudié ces questions (Chevé, 2010 ; 2011 ; 2012 ; 2013 ; Chevé et al., 2014 ; Chevé, 2015 ; Wane, 2011 ; 2012 ; Wane & Kane, 2015 ; Wane & Chevé, 2017) [2] tant au plan de la construction de la corporéité des lutteurs (Chevé, 2014 : 229-256), des techniques corporelles liées aux différences ethnoculturelles des écu ries de lutte, des investissements de l’arène sénégalaise, entre ostentation et violences, pratiques mystiques, poétiques et chorégraphiques notamment [3]. D’autres chercheurs avaient précédemment travaillé sur l’affirmation de la masculinité dans ce champ de pratique (Baller, 2007 ; Peano, 2007-2008) ou encore écrit dans une perspective historique (Faye, 2002).

3Pour autant, ce que lutter veut dire à Dakar est complexe, notamment et en partie parce que la lutte est plus que la lutte, c’est un « monde de vie » [4]. Nous entendons par là le monde de la lutte tel qu’il se donne à vivre à tous les acteurs sociaux de la pratique, mais également comme réalité collective sénégalaise, vécue, construite et représentée par les Sénégalais et les chercheurs qui tentent de l’appréhender, de le vivre en l’étudiant ou de l’étudier en le vivant. Nous avons conçu cette expression par une sorte de choc et de concrétion entre la notion de Husserl de Lebenswelt et celle, doxique, entendue et utilisée au Sénégal, de « monde de la lutte ». Dire qu’existe au Sénégal un « monde de la lutte » nous paraît pouvoir être éclairé par cette expression de « monde de vie », la lutte est une manière de vivre, un vécu, un engagement dans l’existence, un sol originaire qui nourrit et permet que se développe toute une pratique complexe, un ensemble de signes pour les acteurs directs et indirects comme pour nous, acteurs extérieurs… « La lutte, c’est tout un monde » : si cette expression mille fois entendue parait de prime abord doxique et facile, pouvant probablement être employée pour d’autres pratiques sportives notamment comme un cadre englobant banal (Clavier, 2000), elle recèle une perception juste de la réalité sénégalaise : une sorte de communauté et d’horizon imaginaires, symboliques et matériels, sans cesse réinvestis et ouverts, produits par une pratique partagée. Et le terme de « monde » ne désigne pas seulement une sorte d’espace commun, de situation sociale collective dans laquelle les acteurs vivraient et seraient situés justement, mais également des acteurs vivant ce monde, collectivement, et le faisant exister en le produisant. C’est bien cet entrelacs, entre vivre par ou pour la lutte dans ce monde et les processus de subjectivation du monde de la lutte vécus par les acteurs, qui fait « monde ».

4Que ces acteurs soient façonnés par ce monde de la lutte n’a rien d’original pour les lutteurs notamment, et ce comme « monde de vie » du lutteur que sa pratique détermine dans son existence ; mais ce monde est lui-même construit par tous les acteurs de la lutte. Il réunit certes des lutteurs, mais aussi les acteurs qui encadrent, entraînent, gèrent ces lutteurs et leur pratique sportive, au sein des écuries de lutte dont le nombre s’est accru et la réalité ne cesse de fluctuer ; les préparateurs mystiques et les marabouts qui opèrent dans la lutte ; les responsables institutionnels qui ordonnent et régulent les combats, l’arène, l’arbitrage ; les managers et promoteurs mais aussi les publics et club de supporters, les médias et leurs reporters-griots avec des émissions de TV et de radio régulières ou des journaux, les musiciens et batteurs comme les chanteuses traditionnelles lors des combats dans les grands stades de la capitale ou dans d’autres arènes (geew bi de geew en wolof qui signifie « cercle ») ; les familles enfin et les quartiers qui vibrent au rythme des combats, dans cette temporalité et cette culture matérielle et symbolique de la lutte. Il n’y a aucune altérité incommensurable qui essentialiserait la lutte sénégalaise, les acteurs sénégalais de la lutte, ou encore et pire « le » lutteur sénégalais et son corps, mais n’existent que des acteurs, des spécificités et des différences plus ou moins marquées, relatives et mouvantes, poreuses, qui se cristallisent ou s’effacent au gré des conjonctures [5]. Ce monde de vie par la lutte se recompose constamment, se réinvente par rapport à une tradition elle-même reconstruite ou refabulée, est traversé par des logiques mondialisées et des tensions entre un individualisme émergeant dans l’entreprise de soi et des exigences communautaires ou des rapports sociaux traditionnels (Diop, 2002 : 2008 ; Marie, 2008). Les conséquences culturelles et sociales de la globalisation (Appadurai, 2001), les rapports entre les jeunes gens africains et les espaces publics (Diouf, 2003), les expressions de nouveaux styles de vie et de nouvelles façons citoyennes, notamment au Sénégal (Diouf & Fredericks, 2013) ont montré combien les flux, les transitions et les mutations conjuguent le local, jamais fermé, et le global toujours réapproprié (Meyer & Geschiere, 1999). La transformation de la société sénégalaise et de la cité dakaroise notamment est très rapide et de nouvelles stratégies de production, de nouveaux imaginaires, de nouvelles affirmations renforcées des identités religieuses ou ethniques, de nouvelles associations, un « foisonnement des pratiques de l’informel » (Diouf & Fredericks, 2013 : 30) tentent de répondre aux crises économiques, aux mutations des relations sociales et familiales traditionnelles, au déficit des pouvoirs institués.

5Pour les acteurs-lutteurs, il s’agit de « lutter pour lutter » [6], tant ce parcours du combattant est difficile, exigeant. Avant tout, pour eux, la lutte se vit à la fois comme un point d’ancrage dans la tradition sénégalaise réinventée et reconfigurée, comme une représentation imaginaire, mais aussi comme un creuset de forces multiples créatrices, un champ des possibles alors que le présent violent des épreuves socio-économiques étouffe et cloue. Elle est ce monde de vie où la précarité de la plupart côtoie la réussite ostentatoire de quelques-uns, réussite qui éclabousse, éclaire et stimule les autres. Ce qui frappe encore aujourd’hui, c’est que cette « économie morale de la ruse et de la débrouille » (Banégas & Warnier, 2001) est prégnante dans ce monde de la lutte, que chacun des acteurs, lutteurs ou autres, y puise des ressources économiques et symboliques, un style de vie, des éléments de trajectoire et de projection. Cette conjugaison complexe, de fait et dans les représentations des acteurs de nos enquêtes, entre l’ancrage dans une tradition sénégalaise de la lutte revendiquée, sans cesse mise en avant dans son caractère ethnique composite (Wane & Chevé, 2017) et sa réinvention permanente, sa reconfiguration tant au plan de la pratique des lutteurs que de la réalité des combats dans les arènes et de leurs préparations ou encore des résonnances médiatiques et financières comme au plan de l’institution de gestion, exige des travaux permanents. Ainsi par exemple, les règles sont instituées et revues au gré des évènements ou de ce qui est perçu comme une nécessité sportive et sociale par les membres du Comité National de Gestion de la Lutte (CNGL) qui organise, légifère et gère la pratique.

6Notre entretien, publié dans ce dossier, avec le président du CNGL depuis 1994, Alioune Sarr, met en évidence les difficultés, les spécificités, les enjeux de la pratique et de sa gestion. Ce qui frappe dès l’abord et continue d’interroger toujours, c’est cet alliage de souplesse, d’accommodements, d’ajustements des membres de cette instance et d’autorité ferme à l’égard des acteurs-lutteurs. Face à l’inventivité surabondante des comportements dans l’arène par exemple, il s’agit pour le CNGL de « faire avec », avec les exigences de conformité aux instructions du ministère de tutelle dont le CNGL dépend, ou encore avec les discours prescriptifs de certaines voix religieuses musulmanes, d’associations d’anciens lutteurs ou de la presse spécialisée.

Lions, Tigres et autres Bombardiers… être lutteur au Sénégal : contextes, dynamiques et trajectoires

7Un premier moment de ce dossier est consacré plus directement aux lutteurs et à leurs pratiques. Celles-ci répondent à des logiques sportives, sociales, économiques, médiatiques et mondialisées mais également à des logiques subjectives de réappropriation, de réinvestissement, d’hybridation. Nous avions notamment montré ailleurs (Chevé et al., 2014) une certaine audace des lutteurs mus par la survie autant que par le mimétisme à l’égard des sportifs noirs américains ou internationaux, par ce que nous avions appelé « une dialectique de l’ici et l’Ailleurs », Ailleurs désiré et construit autant par les imaginaires des jeunes que par celui des anciens, nostalgiques d’un passé où la lutte était autre. Il est une fragilité de ces colosses devenus champions comme de ces jeunes pratiquants, sur les plages, embarqués ou plus exactement figés dans les « galères » multipliées. Leurs régimes de vie, sportifs, mystiques [7], agonistiques ainsi que ce que nous pourrions appeler leurs régimes de socialité et de représentations, les construisent et expriment leurs modes de subjectivation. Les processus d’assujettissement de tous ordres, comme ceux, pour les lutteurs-sujets, d’être identifiés d’une certaine manière par la mise en œuvre de « techniques de soi » (Foucault, 1994), de gouvernement des autres et de soi, se révèlent dans leurs trajectoires. Rappelons que, pour Foucault, les techniques de soi, sont « les procédures, comme il existe sans doute dans toute civilisation, qui sont proposées ou prescrites aux individus pour fixer leur identité, la maintenir ou la transformer en fonction d’un certain nombre de fins » (Foucault, 2001 : 1032).

8Ces régimes de pratique ne sont, bien évidemment, pas exclusifs l’un de l’autre : ils se conjuguent, s’interpénètrent et, si nous ne pouvons à nouveau développer ici cet entrelacs permanent, nous considérons que ces régimes mêlés construisent, forgent plutôt que « fabriquent », la corporéité des lutteurs et du monde de la lutte. Ce terme de « fabrique des lutteurs », que nous avions employé nous-mêmes au début de notre projet de recherche, par commodité conceptuelle et héritage de la boîte à outil des sciences humaines, nous parait aujourd’hui beaucoup moins adéquat. Non que cette expression de « fabrique des champions » notamment, ne fasse pas sens, mais qu’elle soit réductrice et inadéquate, sinon à rejeter du moins à retravailler très sérieusement à la lumière de nos analyses récentes. Ce terme de « fabrique » est, du reste, employé parfois dans des textes de présentation de projet ou encore dans un article récemment publié (Fanoli, 2017) qui lui donne toute légitimité. Il est certes d’usage commun en SHS, usage sur lequel nous ne pouvons revenir ici dans le cadre de cet article, mais il nous parait insuffisamment pertinent en fonction de la réalité du terrain et surtout de l’agentivité (Andrieu, 2010) des acteurs de la lutte, des lutteurs sujets moraux de leur pratique (comme l’analyse ici Jean-François Havard). À cet égard, les expressions de « construction » de la corporéité que nous employons régulièrement ou de « forge corporelle » utilisée dans un dossier récent de Politique africaine (Riot & Bancel, 2017) nous paraissent plus pertinentes.

9En effet, s’agissant des « champions », la construction sociale des lutteurs sénégalais de haut niveau est le résultat d’un processus complexe, comme pour tous les sportifs de cette catégorie, qui recouvre de multiples dimensions et qui interdit certainement toute vision doxique ou parfois essentialiste d’une « fabrique de champion » sportif. Dans cette construction des lutteurs sénégalais, l’ensemble des acteurs qui composent l’entourage direct du sportif est particulièrement soumis à des contingences : entre incertitude et vulnérabilité, entre précarité et débrouille. Être champion dans la lutte sénégalaise, c’est faire face à un ensemble de contraintes, d’incertitudes, de bidouillages, d’ajustements permanents, de misères sociales. Nous sommes loin du modèle sportif des clubs européens qui disposent de centre de formation, de suivi médical des athlètes, de cellule de recrutement qui sillonne les villes, les quartiers, pour repérer le futur talent, et des moyens financiers qui leur permettent d’accompagner, de « fabriquer des champions ». Dans une logique de production de champion sportif, la planification, la stabilité, la prévoyance et l’anticipation permettent de gagner un temps d’avance sur les potentiels concurrents. Ici au Sénégal, bon nombre de lutteurs en passe de devenir champions, ayant déjà leur place dans l’arène, déjà reconnus, doivent entre deux combats ou entre deux entraînements, travailler pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Pour exemple, notre entretien avec ce jeune lutteur est édifiant : « je paye 25 000 FCFA à l’Olympique club pour faire mes séances de musculation, l’écurie ne paie rien, elle n’a pas les moyens. C’est moi, je me débrouille pour payer. Le matin, je pars à l’entrainement, ensuite je peux aller travailler par exemple après mon combat j’ai repris le travail de chauffeur. Mais durant la période de préparation, je l’avais arrêté. Aujourd’hui je n’ai plus de taxi parce que le propriétaire l’a récupéré donc je me consacre à la lutte mais si j’ai un taxi je vais travailler et les gens de l’écurie ils le savent. » Alors, oui, à l’évidence, construction du corps sportif, du champion il y a ; mais aucune prise en charge extérieure et rationalisée qui les « fabriquerait ». Force est de constater d’ailleurs que certains des grands champions contemporains vont chercher ailleurs, aux USA ou en Europe, des prises en charge sportives afin de parfaire leur performance. [8]

10Il ne s’agit donc pas de séparer de fait et artificiellement des pratiques qui sont conjointes et congruentes, tant au plan des techniques, de la culture matérielle ou des croyances, de leur rationalité et de leurs effets ou encore des prescriptions et proscriptions institutionnelles, morales et spirituelles qui impactent la lutte au Sénégal et la caractérisent (Chevé et al., 2014 : 51-59 ; Chevé, 2013). Il s’agit de faire droit à des approches disciplinaires différentes pour éclairer cette complexité du phénomène de la lutte et de ce monde de vie sénégalais. En somme, tenter de conjuguer la globalité de ce phénomène, celle du monde de vie de la lutte, et ses aspects particuliers étudiés dans cet horizon global de complexité. Ce qui nous importait dans ce dossier relevait d’une part de l’exigence de poursuivre et d’approfondir notre travail en commun, mais d’autre part d’ouvrir à des perspectives plus ethnographiques avec le travail de Mark Hann, de Lamine Sakho, à des réflexions sur les trajectoires des champions avec l’article de Fatou Loum, ou encore aux analyses sur les processus de subjectivation des acteurs, sujets moraux, étudiés par Jean-François Havard. Ce premier moment peut également se lire comme plusieurs focales sur les acteurs et leurs pratiques, entre terroirs, sérère avec l’article de Raphaël Ndiaye ou encore lébou avec l’article de Lamine Sakho, territoires, celui des quartiers et banlieues mais aussi ceux de la réussite et de la renommée, avec les articles de Abdoul Wahid Kane, Mark Hann, Fatou Dame Loum ou Jean-François Havard et globalisation, avec la contribution de Niko Besnier.

11Que la lutte sénégalaise soit, pour une part, affaire de terroir, de style propre à l’une ou l’autre des ethnies revendiquées par les lutteurs, est indéniable. Ce « champion » du pays sérère, « l’élancé d’ébène » à la « renommée dansée » de Raphaël Ndiaye est issu de l’éducation par la lutte, dans la lutte. Elle est proposition de dépassement de soi, invite « à la célébration du corps construit, aguerri et lustré, suivant les normes d’une esthétique convenue ». Tous les terroirs sérères sont traversés par la pratique de la lutte dont les dimensions ne sont pas seulement ludo-motrices, mais initiatiques et métaphysiques. La transmission d’un imaginaire social par l’expérience de la lutte en pays lébou, à M’bao, est étudiée par Lamine Sakho qui montre comment s’entrelacent et se co-construisent la maitrise de la lutte, la virilité et la force dans le défi et le combat, les savoirs partagés de la pêche et des travaux agraires, les vécus de la fête et des préparations mystiques.

12Les territoires de la réussite et de la renommée sont ceux des trajectoires des rares champions comme ceux des processus de subjectivation sur fond de vulnérabilité, d’engagement et d’efforts des jeunes gens se lançant à corps perdus et éperdus dans la lutte. Fatou Dame Loum montre, à travers son étude des trajectoires sociales et professionnelles de quelques champions de lutte, ce qui se joue dans ces « carrières ». De la pratique informelle, souvent au village mais aussi en banlieue, de la migration vers la capitale ou vers l’université, puis de la conquête de victoires en victoires de la gloire et du titre, sinon de « Roi des arènes », du moins de champion reconnu et vénéré, ces vies de lutteurs ayant réussi ou en passe de le faire disent aussi les difficultés, les opportunités, les rencontres significatives comme les hasards heureux et l’absence d’encadrement rationnellement construit qui empêchent que l’on puisse comparer la « fabrique des champions » sportifs dans des structures appropriées aux USA, en Europe, en Russie ou en Chine notamment, et la construction des lutteurs sénégalais.

13De plus, ces champions sont rares, exceptionnels. Et si la lutte est devenue au Sénégal une sorte de métaphore de la possibilité de réussir par soi-même, en démontrant comme l’écrit Jean-François Havard « son mérite et qui l’on est vraiment », si la perspective de gagner sa vie et de l’argent est réelle dans les imaginaires et les représentations doxiques, force est de constater que ces déclarations d’intention et leurs justifications spontanées par les jeunes lutteurs plus ou moins confirmés, amateurs ou semi-professionnels, comme la lutte, relèvent d’autre chose. Cette dernière est investie comme « un moyen de se constituer et de se médiatiser, au moins subjectivement, comme des sujets moraux, soucieux de leur « réputation » et par-delà de leur « capital réputationnel » écrit Jean-François Havard. Les lutteurs sont les acteurs-sujets qui mobilisent des groupes sociaux autour d’eux (quartier, supporters, associations, familles élargies, etc.), inventent des gestes, des pseudonymes, des rituels, des modes d’être et de vivre, des mises en scène et en signes de soi comme autant de processus de subjectivation et d’identité sociale.

14La lutte sénégalaise est bel et bien porteuse d’enjeux sociaux majeurs. Elle légitime, selon Abdoul-Wahid Kane et Mouhamed dit Momar Talla Ndongo, l’intervention de religieux, d’hommes politiques, entre autres autorités. Elle contribue à renforcer l’identité d’une ethnie, d’une ville, dans une époque où les repères territoriaux et sociaux se mêlent et se perdent. Les auteurs soulignent la propension marquée des lutteurs, des promoteurs, des écuries et des guides religieux comme des politiciens, à s’emparer des manifestations de lutte pour asseoir leur popularité, recueillir leur prière et leur protection mystique, améliorer leur visibilité ou asseoir une stratégie commerciale.

15C’est alors une pratique à l’ère du néo-libéralisme que Mark Hann d’une part, avec une étude nourrie d’enquêtes et d’observations ethnographiques à Dakar, et Niko Besnier d’autre part, s’attachent. L’accent est mis par Mark Hann sur la précarité réelle et toile de fond du spectacle et des affaires de la lutte, comme une condition instable, incertaine des jeunes lutteurs de Dakar. Ces milliers de jeunes lutteurs qui rêvent de gloire et de réussite construisent avec conscience leur réputation et inventent leurs styles. Si leurs dépenses, physiques comme symboliques, matérielles comme mystiques sont exorbitantes, c’est qu’il s’agit autant d’ostentation que de performance pour exister. Comme l’écrit Mark Hann, dans la banlieue dakaroise, « il ne suffit pas de lutter. Il faut constamment produire et reproduire son statut social de lutteur ; il faut construire et affirmer son identité de lutteur vis-à-vis de la famille, de la communauté locale et de soi-même ». C’est le prisme de lecture des relations entre sport et néolibéralisme qu’utilise Niko Besnier pour étudier, en la replaçant dans un contexte global, la pratique de la lutte contemporaine. Il met en évidence à la fois la spécificité de la lutte sénégalaise par différence à d’autres pratiques sportives et corporelles locales qui ont pu être marginalisées par les sports mondiaux, et en même temps l’impact de l’Occident, de la colonisation et de la mondialisation capitaliste sur cette activité.

Mise en scène et en signes : discours, médias, publics, arènes

16Ce que nous avons appelé « mondes de vie » de la lutte s’expose en permanence, dans les arènes à l’évidence, mais aussi dans la ville, sur les ondes, résonne et se propage partout. Les frontières de ces mondes sont poreuses, s’expansent sans cesse. Contrairement à ces « aventurières de la nuit » (Fouquet, 2013) dakaroise, et comme un contre-point fécond, les aventuriers de la lutte sont dans la lumière, celle du soleil sur le sable de l’arène dans les stades, celle des projecteurs et des caméras qui démultiplient leurs images sur les écrans géants ou domestiques, celle des « face to face » organisés avant les grands combats de champions, celle de l’ostentation et des rituels colorés lors des moments de chants et de chorégraphie (bàkk et tuss), celle de la démonstration de puissance physique du Mbër[9] (tour de stade, gestes mimant la violence du choc, mises en scène et en valeur du corps, etc.) et mystique (dakk, sengoor, cornes, gris-gris sur les corps ou faisant corps avec le lutteur) et de la monstration de tous les éléments matériels accumulés (xarfafufa comme ensemble des artifices déployés, saafara – liquides talismaniques –, volatiles, sandales trouées, œufs cassés, miroirs, mais aussi survêtements et maillots de sport publicitaires, etc.). Pour autant, ce monde en lumière suppose une pénombre, une part obscure et cachée où se préparent les combats.

17La lutte, écrivions-nous plus haut, est plus que la lutte : elle est mise en forme et en œuvre non seulement de l’affrontement dans le combat, mais d’un pluriel de pratiques, de gestes, de rituels, de techniques, de mots, de socialités, de résonnances inépuisables. Pour Abdoulaye Keita, il s’agit dans la lutte de « parler pour dominer », non que la puissance se transpose dans les mots, mais que ceux-ci l’attestent et la véhiculent, la renforcent. La mise en musique du combat est également mise en mots et leur valeur performative est indéniable dans la lutte. Ce sont les échos démultipliés des reporters-griots qu’étudie Ibrahima Wane, qui mettent en forme et en ondes, en en modelant le récit, la pratique de la lutte. Ces discours légitiment à la fois la pratique et leurs rôles, comme l’écrit Ibrahima Wane, « car contrôler la langue et le langage de la lutte, c’est cerner l’arène et commander son évolution ». À cet égard, les reporters-griots donnent de la voix dans le monde de vie de l’arène, ici comprise non comme le lieu seul réservé aux combats, comme enceinte fermée contenante, lieu de communication de force, d’anéantissement de la force de l’autre, de confrontations puissantes (Fos Falque, 2016) et pas seulement physiques, mais comme l’espace social démultiplié de la lutte. Lors de l’un de nos entretiens avec Khadim Samb [10], l’un de ces reporters-griots, celui-ci déclara : « les génies, Dieu et les femmes aiment les lutteurs ». C’était dit… et exprimait de façon performative une sorte de renversement de cette expression wolof qui ne semble plus avoir cours aujourd’hui, lu jigeen seyëdi seyëdi, mënë jur dofwala Mbër. [11]

Le làmb : sport de combat, « sport de chez nous »

18Dans le contexte actuel de mondialisation, la lutte en tant que pratique sportive au Sénégal est un phénomène qui touche toutes les couches de la société. Il suffit de constater les passions qu’elle déchaîne bien souvent, autour de l’arène ou des écrans de rediffusion des combats dans les émissions sportives consacrées, dans les taxis dakarois, sur les parkings des supermarchés ou encore dans la presse spécialisée, sur le campus universitaire de Cheikh Anta Diop ou les parcours de santé et le sable partout dans la ville, laissant peu d’observateurs indifférents. Souvent pour en magnifier l’exercice et les prouesses, parfois pour contester l’arbitrage, ou encore pour critiquer les dérives ostentatoires et commerciales, les violences et les comportements des supporters après l’issue des combats. L’histoire de la pratique comme discipline sportive, pour user d’un terme à la fois pertinent et insuffisant en ce qu’il la ramène à l’exercice seul de ce sport de combat à poings nus, qui conjugue préhension et percussion, le làmb, dominant aujourd’hui très largement le paysage de la lutte revendiquée comme « sport de chez nous », atteste son retentissement dans tout le Sénégal. Ici encore, la conjugaison et l’hybridation des spécificités ethniques des styles de lutte (Wane & Chevé, 2017 : 189-196) avec les processus dus à la « sportification » (Parlebas, 1999 : 379) ou encore, pour le dire comme les responsables du CNGL, la « sportivisation » progressive, notamment par les règlements successifs qui ont permis de mettre en forme les grands combats des week-ends dans les stades de Dakar (Demba Diop ou Iba Mar Diop, notamment) en font une pratique sportive complexe. En ce sens, et le troisième moment de ce dossier le montre, le monde de la lutte est aussi et à l’évidence celui d’un monde sportif, avec toutes les composantes propres à ce domaine vécu.

19Dans une perspective de marketing expérientiel Ibrahima Fall et Gary Tribou s’intéressent à la question des spectateurs, qui devient un véritable enjeu à la fois sportif et de marketing pour les organisateurs. Leur étude offre un regard nouveau sur l’analyse de la lutte sénégalaise, peut – être plus heuristique, en passant d’une analyse quantitative de la fréquentation des galas de lutte à l’étude des formes de motivation et d’engagement des amateurs dans les actions de supportéréisme.

20Mouhamed dit Momar Talla Ndongo et Cheikh Tidiane Tine développent une approche sociologique de la prise en compte du rapport au corps et des dimensions genrées de la lutte sénégalaise. Ils pointent les effets de contexte qui influent sur les modes de socialisation des femmes musulmanes et leur marginalisation dans la lutte en général. Cette approche permet de mieux éclairer le rôle des femmes dans ce monde de la lutte, mais surtout les processus dominants de représentations à l’œuvre les excluant en tant que pratiquantes. Si des études sur la construction de la masculinité et son affirmation hégémonique dans l’arène avaient été éclairantes (Baller, 2007 ; Peano, 2007-2008), le statut des femmes dans ce monde reste à travailler. Nos propres observations et entretiens confirment leurs analyses et mettent en évidence une dépréciation majoritaire de la pratique par les femmes aux motifs d’« indécence » parfois, mais surtout d’inadéquation avec leur « féminité » non sans insister, comme par compensation, sur leur rôle déterminant dans le monde de la lutte, comme « mère », « sœur », « chanteuses », ayant des apports, des gestes, des regards, des actes nécessaires aux lutteurs (Sarr, 2002).

21L’une des composantes majeures de toute pratique sportive compétitive, les arbitres et leur régulation, méritait également d’être abordée. C’est ainsi que Djibril Diouf montre, en mobilisant la théorie des parties prenantes développée par Freeman, que l’arbitrage dans la lutte sénégalaise s’appuie sur un système cohérent et organisé par le CGNL, dans lequel les différents acteurs sociaux travaillent en coopération mais ont chacun une marge de pouvoir.

22Sachant d’une part que la qualité de la prestation des lutteurs est primordiale pour obtenir l’adhésion du public, que d’autre part la performance des combattants représentera toujours le moteur du développement propre à chaque style de lutte, Frédéric Rubio enfin, en formateur et en entraîneur accompli, invite dans sa contribution à penser les formes de lutte au Sénégal (lutte avec frappe, lutte africaine, lutte olympique) de manière dialogique, pour saisir leur complexité et exploiter leur richesse technique. Il s’avère alors nécessaire pour l’auteur d’insister sur l’analyse technique des combats à travers l’utilisation de la vidéo dans la formation technique des lutteuses (olympiques) et des lutteurs sénégalais, pour comprendre de manière plus fine les éléments bio-mécaniques et technico-tactiques que mobilisent les athlètes afin d’optimiser leur performance dans les compétitions nationales et internationales.

23Les contributions de l’ensemble de ce dossier montrent combien les dynamiques du monde de vie qu’est la lutte sénégalaise sont riches et complexes. Entre surexposition, imaginaire d’un autre avenir, négociations au présent, surenchère et inventivité dans les comportements mêlés aux résistances des représentations plus traditionnelles et normatives, les jeunes lutteurs se forgent et habitent leur monde. C’est sur eux que nous voudrions mettre un point final, provisoire, à ce dossier. Eux qui privilégient l’indépendance et la débrouille, eux qui cultivent et inventent un nouveau rapport à la lutte, un nouveau rapport au monde par la lutte : un monde de vie à eux, dans lequel l’insolence ou l’inconscience perçue par les aînés représentent une forme de créativité, de combativité, monde dans lequel la quête de réussite et l’épanouissement personnel sont prioritaires. Eux qui, dans nos entretiens, expriment souvent cette violence de leur situation, cette souffrance de ne pouvoir subvenir aux besoins de leur famille, ces peurs de ne pas être capable d’obtenir un combat, ces désirs d’être reconnus et d’acquérir une visibilité, d’égaler les « grands », ces affirmations que leurs écuries sont « comme une famille » mais également ces regrets de ne pas être plus aidés, ces méfiances permanentes à l’égard de menaces obscures et ces soucis de protection. Eux qui partagent une culture matérielle et symbolique du succès ancrée dans les imaginaires sénégalais, eux qui sont relativement lucides sur leur présent incertain.

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Notes

  • [1]
    En 2011, un article du Figaro (Jean-Marc Gonin, 30/04/2011) avait titré « Les Gladiateurs de la misère ».
  • [2]
    Dans le cadre du projet « Corps en lutte au Sénégal », depuis 2010, nous avons construit une recherche pluridisciplinaire dont les auteurs de ce dossier sont, à divers titres, partie prenante. Ce projet est soutenu par la Fondation SOCOCIM (Dakar, Sénégal), le Comité National de Gestion de la Lutte (CNGL, Dakar), l’UMI 3189 ESS (Dakar), l’UMR 7268 ADES AMU-CNRS-EFS et participe au GDRI 836 CNRS Body Ecology (Dr. Bernard Andrieu) ? Ces institutions ont également soutenu le colloque qui s’est tenu à Dakar les 20 et 21 février 2017, « Des corps en Afrique de l’Ouest : états, pratiques et représentations » coordonné par Dominique Chevé, Cheikh Tidiane Wane, Gilles Boëtsch et Lamine Ndiaye.
  • [3]
    Voir notamment dans notre ouvrage de 2014 les articles de Abdoul-Wahid Kane et Cheikh Tidiane Wane, pp. 63-88 ; Fatou Dame Loum, pp. 153-162 ; Ibrahima Wane, pp. 127-137 ; Ibrahima Sow, pp. 189-212 ; Abdoulaye Keita, pp. 213-228
  • [4]
    Husserl emprunte à Dilthey ce qui se traduit par « monde de la vie » sans pour autant se limiter à l’acception biologique et naturelle de la « vie », puisqu’il y entend aussi le monde du vivant et le monde vécu. Le terme « Lebenswelt » est devenu courant dans l’approche phénoménologique des phénomènes. Pour plus de précisions concernant l’usage par Husserl de la notion de Lebenswelt, voir l’article de Julien Farge, 2006 : 191-217. La pensée d’Heidegger est également éclairante pour comprendre que ce monde n’est ni simplement un rassemblement de choses et d’êtres, ni vraiment un cadre réel ou imaginé, ni ce qui se tient devant nous, mais toujours un « événement », une totalité poreuse et illimitée qui règne. Pour plus de précision sur la conception d’Heidegger, voir notamment L’Origine de l’œuvre d’art, dans Chemins qui ne mènent nulle part, Paris, Gallimard, 1980, collection TEL (1935).
  • [5]
    Le rappeler nous parait encore nécessaire aujourd’hui, tant pour des raisons épistémologiques que théoriques.
  • [6]
    Nous reprenons cette expression d’une conversation avec nos collègues lors du colloque de Dakar (février 2017) notamment à l’issu de la communication d’Anaïs Misson, doctorante à l’université de Louvain.
  • [7]
    Nous avons opté ici pour l’emploi de ce terme, qui est d’usage au Sénégal et exprimé en français. Non seulement une analyse critique ne peut être faite dans le cadre de cet article, mais ce terme a l’avantage de renvoyer à la réalité de sens vécue par les acteurs sénégalais et à leurs catégories interprétatives. Prendre en compte cet usage ne relève pas d’une essentialisation mais d’un choix d’ordre émique (Olivier de Sardan, 1998 ; 2008). Ce terme est, au fond, à la fois un générique qui comprend les forces invisibles constructives protectrices comme destructrices, les pouvoirs occultes, les gestes et les rituels comme les objets requis dans ces pratiques et les personnes qui en sont investies comme celles qui en sont les initiateurs, mais également un idiome sénégalais. Pour plus de réflexion voir notamment Bruno Martinelli et Jacky Bouju, 2012 ou encore Sandra Fancello, 2015 ou enfin, Julien Bonhomme et Julien Bondaz, 2017.
  • [8]
    Nous ne pouvons dans le cadre de cette introduction développer ce qui nourrit cette quête de meilleures installations sportives, de meilleures prises en charge des renforcements musculaires, de stratégies notamment de boxe ou d’haltérophilie, ailleurs. Cet Ailleurs, ici, est forgé de réalisme sportif et d’imaginaire local, d’investissement financier et symbolique, accompagné de discours d’attachement au pays, de retour médiatisé après ces parenthèses qui participent au style de tel ou tel lutteur-champion comme à sa notoriété.
  • [9]
    Le terme désigne le lutteur en wolof. Bëre signifie lutter. Le wolof dispose également de bërekat, dont la connotation est moins prestigieuse. En effet, Mbër, est également employé pour désigner un champion, dans la lutte ou ailleurs, celui qui s’impose comme le meilleur.
  • [10]
    Cet entretien a été réalisé à l’UCAD lors d’une mission en juillet 2010.
  • [11]
    Cette expression peut se traduire comme : « Rien n’est plus facile pour une femme, fut-elle mauvaise épouse, que de mettre au monde un fou ou un lutteur ».
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