1Depuis 1995 et la première à Tokyo, des expositions de cadavres se déroulent un peu partout dans le monde, au sein des États de tradition libérale. Dans ces expositions, les corps cadavériques exhibés au grand public sont conservés par « plastination », une technique de remplacement des liquides organiques à l’aide de silicone également appelée « imprégnation polymérique » Ils ne sont pas allongés comme dans une salle de vivisection mais présentés dans des postures ludiques, en situation de pseudo-vie, les uns jouant au tennis ou aux échecs, les autres tirants à l’arc ou faisant leur jogging. Détenteur du brevet du procédé de plastination depuis 1977, l’anatomiste allemand Gunther von Hagens n’a pas hésité à offrir au public des cadavres en état de copulation le 7 mai 2009 à Berlin (Connolly, 2009). Ces expositions font l’objet de controverses qui peuvent aboutir à leur interdiction, comme ce fut le cas en France le 16 septembre 2010 après un arrêt de la Cour de Cassation. Revenant sur les arguments qui ont abouti à cette décision, nous dissocierons ceux qui appartiennent au domaine de la justice de ceux qui relèvent de l’éthique.
Le cas de la France : chronologie des faits
2En 2008, le Directeur général de la Cité des sciences saisit le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) à propos du projet de l’exposition « Body world » (CCNE, 2008 : 52-53). Cette manifestation avait déjà conquis 35 millions de spectateurs à travers le monde. Pourquoi pas la France ? Le Directeur Guillaume Boudy se demande toutefois si l’argument démocratique de la diffusion de la culture anatomique peut suffire à faire taire les griefs d’ordre éthique que la Cité des sciences risque de s’attirer. L’acte d’exhiber des cadavres est rien moins qu’indifférent. Ne faut-il pas craindre des réactions de protestation indignées ? N’y a-t-il pas une forme d’indécence contre laquelle on pourrait brandir le respect dû aux morts ? Pour autant, de telles valeurs morales doivent être mises en balance avec des objectifs scientifiques et pédagogiques. La réponse du CCNE à la saisine de la Cité de sciences fut sans équivoque : derrière l’argument de la pédagogie anatomique, le Comité estime que l’on peut débusquer un motif, plus prosaïque, d’ordre lucratif. L’imposante réussite économique du père fondateur von Hagens aurait peut-être fait quelques envieux et excité de nouvelles convoitises. La finalité inavouée est d’essence commerciale. La Cité des sciences se rangea à l’avis du Comité d’éthique, considérant qu’une exposition de ce genre risquait d’accorder une « prime au voyeurisme » qui brouillerait sa vocation propre.
3Cependant, un avis du Comité d’éthique est par nature consultatif. En dehors du domaine institutionnel, la place demeure offerte aux initiatives privées. Voila pourquoi d’abord en 2008, à Lyon et à Marseille, puis en 2009 à Paris où la polémique enfle jusqu’à faire la une des journaux, des salles d’exposition privées vont proposer d’aller regarder les cadavres de dix-sept chinois plastinés pour 15 euros l’entrée. Dans le courant de 2009, le Comité national d’éthique reçoit de nouveau plusieurs courriers de la part de membres de la société civile et de représentants d’associations pour lui demander une prise de position moins circonstancielle que sa réponse à la Cité des sciences de 2008. Le Comité décide de déployer son argumentation défavorable dans un avis dont nous avons été corapporteur avec l’immunologiste Jean-Claude Ameisen (CCNE, 2010).
4Néanmoins, sachant que l’affaire avait pris une tournure judiciaire, suite à des plaintes déposées par deux associations – « Ensemble contre la peine de mort » et « Solidarité Chine » – le CCNE resta sur sa réserve, préférant attendre que la plus haute juridiction du droit français rende d’abord son verdict, afin de ne pas donner le sentiment d’intercéder dans un contentieux dont les enjeux financiers étaient colossaux. Le CCNE attendra l’arrêt de la Cour de cassation (Cour de cassation, 2010) pour rendre publique une position qui avait été arrêtée dès le 7 janvier 2010, en l’argumentant à travers un avis officiel intitulé : « les problèmes éthiques posés par l’utilisation des cadavres à des fins de conservation ou d’exposition muséale » (CCNE, 2010). Cet avis trouvera sa place dans l’économie générale de la révision de la loi de bioéthique. Un Rapport de l’Assemblée nationale en appelle explicitement à une réflexion collective sur les questions éthiques soulevées par l’usage des cadavres : « la bioéthique ne saurait être définie comme étant seulement l’éthique du vivant. Elle implique aussi de définir ce que les vivants doivent s’interdire de faire avec les corps des morts. » (Clayes, Leonetti, 2010 : 423)
L’argumentaire juridique
5L’éthique est un questionnement soulevé par des valeurs en conflits. Elle ne saurait être une application ou une explicitation du droit positif. Néanmoins, pour baliser son champ d’investigation, une démarche de réflexion éthique doit s’enquérir des normes juridiques existantes. En France, une exposition de cadavres destinée au grand public n’était expressément interdite par un texte législatif. Les juristes du Comité d’éthique ont toutefois estimé qu’elle contredisait l’esprit du droit français qui tend à bannir toute pratique de nature à porter atteinte à la dignité des personnes. Par exemple, le jeu qui consiste à lancer un nain dans un espace de divertissement relève d’une attraction qui bafoue la dignité humaine (Conseil d’État, 1995). La position de la France semble renforcée par le Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 qui érige la dignité en principe fondateur, en son article 2 : « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine. »
6La loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire consolide cette position de principe en énonçant que le respect du corps humain perdure après le décès de la personne. L’article 16-1-1 du code civil dispose en ce sens que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort (…) ». La loi qui régit les pratiques en matière funéraire permet au juge d’ordonner que toutes les mesures appropriées soient prises pour prévenir ou faire cesser une atteinte illicite à l’intégrité du corps même lorsque la vie l’a désertée, ou des actes répréhensibles portant sur des éléments du corps humain. Notre système juridique n’admet d’intervention sur le corps de la personne décédée qu’à titre dérogatoire dans un but purement scientifique. En effet, si, sur le plan légal, le cadavre n’est plus une « personne », il n’en reste pas moins protégé au titre de la dignité de la personne qu’il a incarnée. La plus haute instance judiciaire française avance que ce type d’exposition est contraire à l’article 16-1-1 du Code civil stipulant que « les restes des personnes décédées » doivent être traités avec « respect, dignité et décence ». Selon certains commentateurs, c’est la première fois que « le juge suprême fait application au cadavre du principe éthique, largement retenu en droit français, selon lequel le corps humain est hors de tout commerce » (Bergoignan-Esper, 2011).
Les aspects éthiques
7Dans le cadre d’une démarche éthique, les motivations et les émotions entrent plus résolument en considération que dans le champ du droit. Toutes les questions doivent pouvoir être soulevées : quel intérêt y a-t-il à montrer des cadavres ? Quelle est l’intention qui préside à ce type de mise en scène ? On commencera par observer que ce ne sont ni des médecins ni des chercheurs qui en sont à l’origine. Il ne s’agit pas d’une fête de la science où des spécialistes chercheraient à transmettre un savoir. L’exposition « Our Body » a été organisée par la société « Encore Events » qui est dirigée par un businessman spécialisé dans l’organisation de concerts de rock. On ne peut pas écarter l’hypothèse que les corps exhibés étaient ceux de condamnés à morts chinois, leur « libre » consentement n’ayant jamais été prouvé par l’organisateur. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles l’interdiction de l’exposition a été requise par une association de lutte contre la peine de mort. Nul besoin d’être un sinologue de haute réputation pour savoir qu’il n’entre pas dans les us et coutume chinoises qu’un cadavre soit exhibé aux quatre coins de la planète, une fois que son cœur a cessé de battre. Mais quand bien même on admettrait que ces personnes exposées aient donné leur consentement, il n’en demeure pas moins que le consentement ne suffit pas à donner une caution éthique à ce genre de pratique. Le consentement d’une personne à donner son corps à la science ou pour faire don de ses organes en cas d’état de mort encéphalique s’inscrit dans un tout autre cadre : en donnant son consentement, la personne veut promouvoir des visées essentiellement éthiques telles que la recherche ou la thérapeutique. Elle ne souhaite pas que son corps soit exposé à la vue de tous. Notre société, au demeurant, ne l’accepte pas. Selon l’opinion dominante, une transgression telle que la profanation des cimetières ou l’exhumation d’un mort est inacceptable. On se souvient de l’émotion collective soulevée par la profanation de 34 sépultures du cimetière de Carpentras en mai 1990, ou encore, en 1997, de l’indignation provoquée par l’exhumation du corps du chanteur Yves Montand ordonnée par la Cour d’Appel pour l’effectuation d’un test de paternité post-mortem.
8Après la mort d’un homme, ce qui est conservé et maintenu visible au sein des communes, c’est son nom et souvent son image, à la faveur d’une photographie déposée sur sa tombe. Sa dépouille mortelle repose dans des lieux de souvenir tels que les cimetières, soustraite à la vue de tous. Un lieu symbolique de recueillement est toujours prévu, y compris lorsque le corps est incinéré (il est interdit de répandre les cendres sur la voie publique, par exemple). Et pourtant, force est de constater que l’exposition « Our body » a eu ses défenseurs et ses avocats, en France comme ailleurs. Comment expliquer une telle inconséquence ? Notons que le nom de l’exposition est trompeur car ce n’est pas notre corps (« our body ») que nous désirons voir mais le corps des autres. Pourquoi nous montrer hostiles à l’exhibition des cadavres lorsqu’il s’agit de profanation dans un cimetière et complaisants lorsqu’elle se produit en salle d’exposition ? Cela vient de l’absence de proximité des cadavres exhibés. Leur aspect « exotique » compte dans l’émancipation décomplexée de notre pulsion voyeuriste. Ce que nous regardons dans ces expositions n’est pas le corps d’un être cher, d’un membre de notre famille ou d’un ami. Peu d’entre nous seraient disposés à ce qu’on expose « ses » morts : « nul n’imagine se rendre à une exposition où il retrouverait un proche aimé simulant une vie qu’il a désertée à jamais. »(CCNE, 2010) Or, l’un des piliers de l’argumentation éthique consiste à ne pas vouloir pour d’autres ce qu’on voudrait qu’ils nous épargnent. Sur ce point, Roger-Pol Droit interpelle avec éloquence ceux qui approuvent ce genre d’exposition : « Voudriez-vous, vraiment, que votre dépouille mortelle fasse du vélo en public ? Supporteriez-vous, sincèrement, que votre mère, votre père, vos proches les plus intimes, soient exhibés post-mortem pour instruire les foules en les distrayant ? Si ce n’est pas le cas, si malaise et répulsion vous envahissent à cette idée, pourquoi donc acceptez-vous que les cadavres des autres – peuples anciens et lointains, individus anonymes et négligeables … – se trouvent soumis à pareils traitements ? » (Droit, 2010).
9À titre personnel, nous nous sommes demandés si, en France à tout le moins, nous aurions osé exhiber les corps de personnes dont l’histoire est marquée par des drames tels que le nazisme ou le colonialisme (des noirs-africains, par exemple). Nous pensons qu’il y aurait eu plus d’effroi et d’indignation collective. Aussi avons-nous estimé que la période de relative indifférence qui a précédé l’interdiction de l’exposition en France, avait trahi « une vision colonialiste de l’homme asiatique » (Le Coz, 2008). Curieusement, notre degré de respect change en fonction des peuples.
L’argument des finalités anatomique et pédagogique
10Parmi les arguments qui ont été avancés en faveur de l’exposition « Our body » avant son interdiction par l’arrêt de la cour de cassation de 2010, figure en bonne place la pédagogie anatomique et la démocratie du savoir. Ce sont ces valeurs qui ont contribué à susciter le débat, à créer un dilemme. Ce sont celles que l’organisateur a fait valoir dans son pourvoi en cassation. En effet, le premier tribunal aurait dû, selon lui, rechercher si l’exposition litigieuse n’avait pas pour objet d’élargir le champ de la connaissance, en la rendant accessible au public. Pourquoi les employés des pompes funèbres ou les étudiants de médecine seraient-ils les seuls à pouvoir tirer profit de la vue des morts ? Qu’il nous soit permis de faire observer sur ce point que les corps livrés à la vue des spectateurs font l’objet d’une présentation ostensiblement différente de celle qui s’adresse traditionnellement au public d’étudiants de médecine. Le visage des personnes défuntes qui en ont fait don à la science sont recouverts d’un bandeau. En outre, les défunts sont allongés comme il convient aux personnes décédées.
11On ne saurait méconnaître que les organisateurs de ce genre de manifestation n’ont jamais recours à des corps artificiels en dépit des moyens techniques et informatiques dont nous disposons aujourd’hui pour apprendre l’anatomie. Dès lors, peut-on sérieusement se laisser convaincre que le public d’amateurs souhaite recevoir une leçon d’anatomie, alors que la représentation plastique du corps humain suffirait amplement à remplir cet office ? De l’aveu même des organisateurs et de nombreux spectateurs, des cadavres artificiels – même ressemblants à s’y méprendre – feraient perdre toute attractivité à l’exposition. Par conséquent, il est permis de se demander si la motivation pédagogique ne coexiste pas sourdement avec le désir de voir des morts réels. Si le CCNE a désapprouvé le principe des expositions de cadavres c’est précisément parce qu’il considérait qu’elle s’alimentait davantage dans le désir de voir que dans celui d’apprendre l’anatomie humaine. Cette pulsion voyeuriste est exploitée à des fins commerciales que l’argument pédagogique peine à dissimuler (Launet, 2009). Les soignants connaissent bien cette pulsion « scopique », cette fascination intriguée pour les corps malades, travaillés par l’agonie. Ainsi, lorsque la porte d’une chambre d’un hôpital est entrebâillée, l’œil du visiteur anonyme qui marche dans le couloir est irrésistiblement tenté de saisir un morceau de ce corps à la dérobée. Son horreur exaspère le désir d’y repasser une seconde fois, histoire de revoir ce qui a été trop furtivement entraperçu. De même, lorsqu’un accident de la circulation se produit sur la voie publique, les automobilistes ne peuvent s’empêcher de ralentir pour apercevoir un corps gisant sur le sol ou des morceaux de chair ensanglantés. Ils voudraient que la victime de l’accident soit décédée pour pouvoir se targuer d’avoir vu le mort dont on parlera le lendemain dans les journaux. Ce type de voyeurisme est particulièrement frappant sur les autoroutes où il contribue à la formation de ce qu’on appelle des « bouchons de curiosité ». Les véhicules ralentissent car leurs occupants veulent « voir ce qu’il y a ». Se produit ainsi un ralentissement sur la branche d’autoroute qui n’est pourtant pas concernée par l’accident de la voie d’en face.
12La force de ce phénomène de voyeurisme n’a rien d’inédit. La curiosité a toujours été vive d’aller voir ce qui est d’habitude lointain ou caché. Dans les siècles passés, il était fréquent de montrer l’exotique dans les foires, d’exhiber des morts à l’âge fœtal ou adulte, du « cavalier de Fragonard » ou de personnes exposées de leur vivant, telle Saartjie Baartman exposée à Paris sous le nom de la « Vénus hottentote », ou encore de Joseph Merrick surnommé « Elephant Man ». Le problème qui se pose aujourd’hui à nous est de savoir ce que nous faisons du penchant voyeuriste qui sommeille en chacun de nous. Doit-on le laisser s’épancher ou le juguler ? La culture ne consiste-t-elle pas à aller au-delà de certaines pulsions naturelles pour faire valoir les valeurs auxquelles nous sommes attachés ?
13Un autre argument a consisté à dire que des expositions itinérantes de cadavres permettraient de réconcilier la société avec la mort, et partant, de lutter contre la tendance au déni dont elle fait l’objet. La vue de cadavres aiderait nos contemporains à retrouver une certaine familiarité avec la mort qu’ils semblent avoir perdue. Cet argument permettrait de donner une portée éthique à l’exposition. Cependant, il ne va pas sans faiblesse. En effet, les expositions de cadavres ont pour caractéristique commune de représenter des gestes de la vie ordinaire comme effectués par des morts. Or « un cadavre en train de courir, de pratiquer un jeu ou de se livrer à des activités sportives ne constitue pas une représentation d’un mort ou de la mort » (CCNE, 2010). De façon « ludique », les cadavres sont exhibés au regard public sous l’aspect d’objets de spectacle. Ce ne sont pas des êtres humains inertes et figés dans un corps de marbre en voie de décomposition. Bernard Edelman attire notre attention sur le retournement habile de cet argument par certaines associations favorables à l’exposition de cadavres qui se veulent au service de l’humanisme (Edelman, 2010). Selon leur point de vue, la désacralisation de la mort pourrait permettre de favoriser le « don de soi » car nous donnerions plus volontiers nos organes si le mort exhibé n’évoquait plus rien dans nos esprits. Nous pourrions, grâce à ces expositions post-mortem, nous débarrasser de la mort en tant qu’événement existentiel bouleversant et douloureux qui se ressent dans les expériences intimes du souvenir, de la mélancolie, du sentiment d’absence. Le défunt exhibé dans les expositions ludiques et lucratives du style « Our body » est métamorphosé en cadavre passe-partout. « Plastiné », anonymisé par son traitement industriel et technique, il n’est plus le corps d’une personne singulière dont l’histoire intime et unique aurait pu croiser la nôtre. Nous ne savons rien de ces personnes sans passé, réduites à leur corps objectivé. Le stade ultime de marchandisation est atteint avec leur mise en vente sur internet (Verney-Caillat, 2010).
14Nous pouvons invoquer des motifs pédagogiques ou démocratiques pour justifier notre approbation d’expositions de cadavres au cœur des villes. Mais, il nous semble que ces justifications seront toujours sujettes à caution en raison de leur compromission avec des enjeux lucratifs. À supposer même que ces valeurs didactiques et politiques soient sincèrement ressenties par ceux qui entendent les promouvoir, ne devrions-nous pas malgré tout savoir y renoncer lorsque leur concrétisation se solde par des remises en cause de valeurs plus fondamentales pour l’avenir d’une société ? Présenter la mort sous un angle ludique et/ou sportif n’aboutit qu’à nier la mort dans son aspect tragique et sa force événementielle. Le cadavre d’une personne n’est pas un objet de curiosité destiné à frapper les regards. La séparation entre les vivants et les morts est une codification culturelle qui participe de l’organisation du « vivre-ensemble ». On trouve la trace de son importance anthropologique dans les œuvres les plus anciennes de notre patrimoine culturel (Sophocle, 1997). Notre respect à l’égard des cadavres ne peut s’exprimer autrement qu’à travers le refus de les exhiber. Si l’utilisation des corps au motif d’un prélèvement d’organes ou d’une autopsie répond à des attentes sociales fortes et légitimes, en revanche, l’exhibition du corps d’un mort relève d’une tradition révolue. Nous pensons que les morts méritent notre respect et que ce respect ne peut être concurrencé par une valeur qui lui soit préférable en cas de dilemme. C’est parce que les morts ne doivent pas être la proie des désirs et des fantasmes des vivants qu’il nous paraît conforme au progrès social et éthique que ce type de manifestation ne trouve plus droit de cité en France.
Bibliographie
Bibliographie
- Connolly K. 2009, “Fury at exhibit of corpses having sex”, in The Guardian, 6 mai 2009.
- CCNE 2008, Cahiers du Comité consultatif national d’éthique, n° 54 : 52-53.
- CCNE 2010, Avis n° 111 sur les problèmes éthiques posés par l’utilisation des cadavres à des fins de conservation ou d’exposition muséale.
- Cour de cassation, audience publique du 16 septembre 2010, arrêt n° 764, pourvoi n° g 09-67.456.
- Bergoignan-Esper C. 2011, « Un cadavre n’est pas un objet de curiosité à des fins commerciales », in Responsabilité, n° 42, volume 11 : 20-22.
- Léonetti J., Clayes A. 2010, Rapport d’information, n° 2235 de « Révision des lois de bioéthique », Favoriser le progrès médical, respecter la dignité, chapitre 8 « Le respect de l’identité et du corps de la personne décédée » : 423.
- Conseil d’État 1995, Conclusions de Patrick Fryd man, arrêt du Conseil d’État, CE 27 octobre 1995, n° 136727.
- Traité de Lisbonne, 2007, Journal officiel de l’Union européenne, p. 10.
- Loi n° 2008-1350 du 19/12/2008 relative à la législation funéraire.
- Droit R.-P. 2010, « Le Bon usage des cadavres », in Les Échos, 22 septembre 2010.
- Le Coz P. 2008, « Main basse sur les cadavres à Marseille », in Le Monde, 4 décembre 2010.
- Launet E. 2009, « La Mort à profit », in Libération, 14 mai 2009.
- Verney-Caillat S. 2010, « Body Worlds : des cadavres à vendre sur un site web allemand », in Rue89, 15 novembre 2010.
- Edelman B., 2010, « Entre le corps – objet profane – et le cadavre – objet sacré », in Recueil Dalloz, n° 41, pp. 2754-2757, 25 novembre 2010.
- Sophocle., 1997, Antigone, Trad. P. Mazon, Paris, Belles Lettres (Introduction, notes et postface de N. Loraux).