Notes
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[1]
anesm (2014) Synthèse : recommandations de bonnes pratiques professionnelles. http://www.anesm.sante.gouv.fr/IMG/pdf/ANESM-Synthese-RBPP_CAMSP.pdf
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[2]
Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (cif) http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/42418/1/9242545422_fre.pdf
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[3]
bo Santé-Protection sociale-Solidarité n° 7 du 15 août 2010.
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[4]
« Témoignages de parents », Contraste, n° 40, 2014, p. 21-39. doi 10.3917/cont.040.0021.
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[5]
La fonction phorique définie par Delion s’apparente à celle d’accueillir un sujet différent qui se présente à nous parce qu’il a besoin de soin.
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[6]
La fonction sémaphorique, dans la continuité de la précédente, est celle qui nous permet de comprendre et de donner sens aux signes de souffrance qui émergent de ce sujet.
1 Bien que l’on observe une grande diversité dans les fonctionnements des camsp, des constantes demeurent et font la spécificité de cette structure médico-sociale. Tout d’abord, ses actions se situent le plus souvent en proximité de l’annonce diagnostique, à laquelle elle participe. Elle intervient également très précocement au travers d’actions de dépistage, de prévention et reste une structure très réactive en termes de proposition d’une offre de soins pluridisciplinaire. L’enjeu d’une intervention précoce fournit une des explications de cette grande réactivité. L’anesm (2014), dans l’introduction de ses recommandations de bonnes pratiques professionnelles, nous rappelle que l’objet premier d’un camsp est de favoriser le développement des compétences de l’enfant dans son milieu afin de promouvoir, à terme, son inclusion sociale et également celle de sa famille. Elle précise la définition de ses missions autour du « dépistage et diagnostic précoce des déficits et des troubles, prévention ou réduction de l’aggravation des handicaps, soins, accompagnement familial, ou encore soutien social et éducatif [1]… ». Ici, la notion d’accompagnement familial est explicite et semble se distinguer de la notion de soutien.
2 Les ergothérapeutes font partie de ces professionnels qui interviennent à proximité de l’annonce du diagnostic, parfois même en amont. Qu’en est-il alors de cet accompagnement des familles ? Nous allons tenter de comprendre quelles sont les composantes mais aussi les différentes dynamiques en présence à ce moment délicat. Après avoir appréhendé les spécificités du travail de l’ergothérapeute, nous ferons l’hypothèse que de sa compréhension des phénomènes dépendra la qualité de son accompagnement, et par voie de conséquence le développement des compétences de l’enfant.
Le contexte d’une intervention en ergothérapie
Paradigmes et paradoxes de l’ergothérapie
3 Pour construire son intervention, l’ergothérapie dispose aujourd’hui de nombreux modèles : certains sont pluridisciplinaires et d’autres plus spécifiques au métier. Cette diversité débouche sur des pratiques plus ou moins bien ancrées ou adaptées dans notre contexte socio-culturel et qui offre à l’ergothérapeute des formes bien différentes en termes de résolution de problèmes complexes qui est bien l’une des spécificités de l’intervention précoce. La place de la personne y est alors très souvent questionnée. En effet, l’histoire veut que l’ergothérapie soit née de modèles bio-médicaux sous une forte influence médicale. Ceux-ci se centrent plutôt sur le repérage et le traitement des déficits dans une tentative de compréhension des causes d’incapacités et de handicaps. En ce qui concerne la pédiatrie, ces modèles sont encore très présents chez le jeune enfant, et pour cause : il s’agit en effet de donner toutes les opportunités à un enfant de développer ses compétences avant même d’imaginer les substituer par toute « prothèse », qu’elle soit physique, psychique ou encore sociale. Plus récemment, adhérant au modèle de la cif [2], l’influence bio--psycho-sociale s’est accrue. Dans les pratiques en ergothérapie, la prise en compte renforcée de l’environnement a donné naissance progressivement à la notion de diagnostic ergothérapique. Celui-ci représente une analyse clinique d’une situation de handicap centrée sur des causes multifactorielles, liées à la personne et à l’environnement, représentant autant de variables qui influencent la qualité des activités ou encore la participation sociale de la personne. Ce modèle influence beaucoup de pratiques en pédiatrie dans une tentative de compréhension plus holistique des situations de handicap. Par ailleurs, d’autres influences, nord-américaines le plus souvent, apportent des approches dites « centrées sur le client ». S’éloignant d’approches centrées sur des causes biologiques ou environnementales, ces modèles reposent principalement sur les choix, les préférences ou encore les objectifs de ce client, qui se présentent alors comme le premier levier des interventions en ergothérapie. En pédiatrie, et particulièrement à proximité de l’annonce du diagnostic, il est intéressant de comprendre que les préoccupations des familles, leur souffrance ne leur permettent pas immédiatement la formulation d’objectifs, et qu’elles sont bien souvent en difficulté pour se projeter à moyen terme.
4 Une étude comparative de ces différents modèles dits « bottom-up » et « top-down » (Hinojosa et Weinstock-Zlotnick, 2004) fait référence à ce dilemme du choix d’un modèle de pratique, sans pour autant les opposer et allant jusqu’à évoquer une complémentarité utile. Guidé par les enjeux pour la personne elle-même, l’ergothérapeute va pouvoir procéder à des choix thérapeutiques mieux éclairés. En camsp, pour résoudre ce paradoxe, l’ergothérapeute va s’appuyer sur trois piliers fondateurs et consensuels en ergothérapie que sont la personne, l’activité humaine et l’environnement. Ce positionnement trouve sa légitimité dans la nécessaire inclusion de la famille au processus de développement de l’enfant. La prise en compte de ce système va donc offrir à l’ergothérapeute des leviers d’action indispensables au processus d’autonomisation de l’enfant et de sa famille au quotidien et à la mise en œuvre d’un accompagnement personnalisé.
5 En camsp le premier pilier que représente l’environnement peut être très diversifié : de la salle de rééducation au domicile en passant par la crèche ou encore l’école. Ces espaces sont généralement cochoisis avec la famille et sont d’ailleurs plus ou moins écologiques si l’on fait référence, en termes d’écologie, au fait que la famille et l’enfant puissent s’y développer en trouvant autour d’eux tous les éléments pour satisfaire leurs besoins. On devine déjà combien la personne est actrice dans un milieu qu’elle connaît. Le domicile est particulièrement propice à cet exercice. Le deuxième pilier forme le domaine d’activités privilégié de l’enfant et de sa famille : le jeu, les soins personnels, les déplacements, la communication, la socialisation et les loisirs : tous vecteurs de participation sociale, mais également créateurs de situation de handicap. Enfin, la famille et son enfant, qu’il apparaît difficile de dissocier compte tenu du jeune âge de ce dernier, constitue le pilier central à partir duquel l’intervention ergothérapique prend tout son sens. C’est ainsi que, dans sa démarche clinique, l’ergothérapeute va appréhender et comprendre le fonctionnement de cette triade pour préparer et réaliser son intervention.
6 Il reste maintenant à comprendre quelle alchimie pourra se produire au cours de ces rencontres pour nourrir des actions partagées et centrées sur l’enfant.
7 Si ces trois dimensions vont influencer les choix et les modes d’inter--vention, l’ergothérapeute va devoir composer avec un certain nombre de variables non négligeables mais plus ou moins maîtrisées : les caractéristiques de la personne (son âge, sa motivation, sa déficience, ses attentes et ses besoins, ses refus, sa souffrance…), l’institution dans laquelle il exerce (les moyens à disposition, les autres professionnels, l’environnement proposé…), l’expertise de l’ergothérapeute et ses propres préférences, son éthique mais surtout les marges de manœuvre dont il dispose pour évoluer dans cet ensemble : ce qui peut être bien souvent complexe.
8 Pour circonscrire notre problématique et poser le cadre d’une intervention, attardons-nous sur quelques compétences du référentiel de compétences [3] des ergothérapeutes particulièrement importantes pour aborder le travail avec les familles et comprendre le champ d’action des ergothérapeutes :
9 – l’évaluation suivie de son diagnostic en ergothérapie ;
10 – le projet d’intervention et sa mise en œuvre, que ce soit dans le champ de l’éducation, de la rééducation, de la réadaptation ou encore de la réhabilitation psychosociale, utilisant l’activité humaine comme support de l’intervention ;
11 – la formation et l’information de professionnels ;
12 – la conduite d’une relation.
13 L’accompagnement de la personne est bien souvent la voie par laquelle sont rendues visibles ces compétences, mais quels en sont véritablement les bénéficiaires ? Ainsi, nous pourrions identifier l’évaluation et le projet d’intervention comme les savoirs majeurs de la démarche clinique de l’ergothérapeute. Ces outils de la discipline se tournent donc vers la compréhension d’un problème et sa résolution dont l’ergothérapeute est le premier bénéficiaire et dont la personne, destinataire du soin ou encore du service, deviendra par conséquent bénéficiaire privilégié. Pour reprendre Clot (2008), le processus d’intervention en ergothérapie constitue le genre professionnel. Il rassemble les savoirs élaborés par le collectif et propres à la profession. Cette notion de cobénéficiaires résout alors pour partie le dilemme initial, car si les outils du métier d’ergothérapeute relèvent bien du choix de celui-ci, ils restent sous une influence certaine des particularités de l’enfant ou de la famille. En guise d’illustration, en choisissant un modèle de rééducation, l’ergothérapeute choisit de restaurer ou de mettre en place la fonction déficitaire et d’agir directement sur la personne. En utilisant un modèle de réadaptation, il peut opter pour deux perspectives différentes : soit il choisit des pratiques centrées sur la personne au travers d’actions de compensation ou la mise en place de stratégies, soit il décide d’agir sur l’environnement au travers d’aménagements, d’adaptations et d’aides divers. Si une multitude d’options sont possibles, les choix de l’ergothérapeute ne peuvent faire l’économie d’une concertation avec la personne, intégrant ses choix et son évolution. Dans le cadre d’une intervention précoce, il apparaît alors pertinent d’être sensibilisé à ce qui va se jouer du côté des représentations de la famille. À titre d’exemple, proposer une aide technique ou encore un aménagement architectural nécessite que la famille soit suffisamment avancée dans son processus de deuil pour l’accueillir efficacement.
14 Pour poursuivre sur le référentiel métier de l’ergothérapeute, la formation ou l’information sont des compétences dont les bénéficiaires sont les professionnels de la discipline mais également d’autres disciplines. Il s’agit alors d’un transfert de connaissances qui nourrit une complémentarité disciplinaire et interdisciplinaire. Là encore, ce transfert pourra bénéficier à la personne, par voie de conséquence.
15 Enfin, et dépassant le genre professionnel, nous pouvons aborder la compétence liée à la conduite d’une relation dans un contexte d’inter--vention en ergothérapie. Si la conduite d’une relation n’est pas une particularité de l’ergothérapie, elle le devient lorsqu’elle est mise en musique avec le métier, ce que le référentiel a le mérite de clarifier. Quelles sont alors les particularités de cette relation et comment les mettre en œuvre dans le service à rendre à l’enfant et à sa famille ? Accueillir, écouter, communiquer verbalement ou d’une autre manière, favoriser l’échange, développer un climat de confiance, une alliance thérapeutique, inclure des médiations. Voici quelques habiletés à développer, auxquelles nous pourrions ajouter : observer ensemble pour partager. En ergothérapie le concept d’autonomie est une visée incontournable. Elle suppose de laisser place, en sa qualité d’acteur de son autonomie, à la famille et à l’enfant, leur permettant ainsi de faire des choix, éclairés de nouvelles perspectives. Comprenons que cette conduite de relation est la possibilité pour l’ergothérapeute d’intégrer la subjectivité de l’autre et rendre plus efficaces les choix qu’il opérera. L’autre enjeu de cette conduite de relation est de susciter des moments à partager dans un contexte d’intervention chahuté où se confrontent tant de représentations qui ont plus souvent tendance au clivage qu’à l’unité de l’enfant.
16 L’ergothérapeute dispose donc d’outils de connaissances et de techniques diverses au service de la personne et constitutives du genre professionnel. Plus éloignée des techniques, la conduite d’une relation permet alors d’ouvrir un champ du possible, sur la base de propositions discutées, négociées par les différents acteurs et où la famille a toute sa place. Mais la conduite de relation peut revêtir un second intérêt pour l’ergothérapeute. Ainsi, pour suivre Clot (2008), la conduite d’une relation pourrait s’apparenter au style professionnel, venant renouveler et enrichir le genre et ainsi soutenir l’ergothérapeute tant dans la prise de sens de ses actions que de leur efficience. Cette activité psychique du professionnel devient alors source de développement pour lui-même : la famille et l’enfant pouvant y trouver bénéfice.
La famille, le domicile
17 Les interventions en ergothérapie se déroulent au camsp mais également au domicile de la famille ou encore dans les lieux de socialisation de l’enfant. Le domicile est l’environnement privilégié des activités du quotidien et il n’est pas surprenant que l’ergothérapeute y accède. Le domicile, lieu de vie par essence, est le lieu de l’intime, du privé et du secret où la famille habite « corps et âme ». Il est une sorte de prolongement de soi dont une des fonctions est d’assurer refuge et sécurité mais qui laisse aussi libre cours à la subjectivité et à différents modes de vie de la famille. Le domicile, c’est le lieu de la famille : le couple et la fratrie. Chaque famille construit ses propres habitudes de vie, ses routines qui tissent le cocon familial. Le domicile accueille parfois d’autres personnes : l’aide maternelle, les amis, les grands--parents qui viennent aider aux tâches du quotidien, ou simplement profiter des petits-enfants.
18 Pourtant bientôt, les familles ouvriront leurs portes à ceux qui ne sont pas naturellement invités mais qu’elles accueilleront, faute de mieux.
L’arrivée de l’enfant et l’annonce du diagnostic
19 Le camsp, institution de première ligne, participe largement au moment de l’annonce du diagnostic. Moment-clé dans les relations futures avec les professionnels, l’annonce du diagnostic va très souvent venir bousculer de manière violente l’équilibre familial. Le traumatisme ainsi engendré va être à l’origine d’un remaniement psychique qui touchera chaque membre de la famille, la plongeant souvent dans un état de sidération. Les représentations familiales et personnelles du handicap vont se heurter à celles de l’enfant espéré et rendre plus difficile, en termes d’unité, la perception du bébé présent et à venir (Roy, 2014). L’enfant doit alors démontrer à son entourage qu’il ne se limite pas au seul handicap. Pour affronter cette dichotomie, les familles vont parfois se réfugier dans cette forme de déni passager, que nous observons souvent à proximité de l’annonce du diagnostic et qui permet, bien souvent, de préserver ou de créer un lien précieux avec leur enfant dans une configuration presque ordinaire. Plus tard, la famille pourra alors entreprendre un processus de deuil et tenter de faire cohabiter des représentations aussi différentes que celles du handicap et du bébé présent, préservant ainsi l’unité du bébé. Elle pourra alors entrevoir les différences, les déficiences de cet enfant tout en lui permettant de se construire comme un sujet à part entière.
20 En tant qu’ergothérapeute, il est capital de comprendre la transformation de ces représentations parentales, car elles nous éclairent sur des opportunités ou tout au contraire sur des retenues qui vont aider aux décisions et aux choix en ergothérapie. Des questions peuvent se poser : est-ce le moment de proposer cette aide technique ? Comment éviter que la maison ne se transforme en salle de rééducation ? Entre rejet et trop grande adhésion, l’ergothérapeute va tenter là aussi de comprendre la dynamique qui se joue et de s’ajuster pour accompagner ce long processus.
L’arrivée des professionnels de santé
21 L’annonce du handicap va très souvent être accompagnée de la mise en place d’un projet de soins qui mobilise les professionnels. Pour la famille, cela va bien souvent correspondre à l’arrivée au domicile et dans l’intimité d’une cohorte nécessaire, mais parfois bien encombrante, de professionnels. Un déploiement de soins verra le jour au travers d’examens paracliniques, de consultations et d’interventions qui vont envahir le quotidien de la famille et bousculer des équilibres nouveaux et encore fragiles. Ces nouveaux venus, perçus rapidement comme soutiens mais pouvant également rappeler aux familles les difficultés de l’enfant. Parents et professionnels vont alors expérimenter des relations complexes où des logiques pourront autant s’entrechoquer que se partager. Les précieux témoignages de parents [4] nous éclairent sur ces rapports qui évoluent de manière constante au fur et à mesure des rencontres. Quelle place laissée aux professionnels ? Comment les considérer ? Alliés ? Concurrents éducatifs ? Voyons-nous le même enfant lorsque nous l’observons ? Comment allons-nous avancer dans cette perception à plusieurs facettes ? Du côté de l’ergothérapeute, il faudra qu’il puisse comprendre les mécanismes par lesquels il va maîtriser une certaine tentation de « toute-puissance », face à la vulnérabilité familiale. En effet, certains « savoir-faire » autour du quotidien (habillage, repas…), certaines techniques utilisées (facilitations…) ou plus souvent certaines aides techniques peuvent alors apparaître magiques auprès des familles, si peu d’explications sont fournies, et parfois susciter un lien de dépendance accru, à l’opposé de l’effet recherché. Ainsi, les représentations de chacun, parents et professionnels, vont se rencontrer et nécessiter d’être analysées pour qu’émergent des choix pertinents. Cela renvoie l’ergothérapeute vers d’autres questions : quels sont les effets des choix thérapeutiques sur la dynamique familiale ou sur la perception qu’aura la famille de son enfant ? Jusqu’où être ambitieux dans le choix des objectifs à se fixer et avec qui ? Circonscrire son intervention sera capital et les choix seront bien souvent nourris par la compréhension de ces représentations parentales.
L’accompagnement en ergothérapie : de quoi parle-t-on ?
22 Notre propos n’est pas d’illustrer le processus d’intervention de l’ergo--thérapeute sur le plan de ses méthodes et techniques « métier » mais d’aborder la manière dont il va dérouler ses actions et faire des choix dans cette dynamique si complexe que nous avons décrite. Il est souvent d’usage d’utiliser d’une manière identique les concepts d’accompagnement, de partenariat, de guidance et bien d’autres encore, pour qualifier ce qui relie parents et professionnels. En fonction des modèles que l’ergothérapeute va choisir, il va s’inscrire dans une nuance de relations qui le positionne tantôt du côté d’une fonction éducative ou cognitive, lorsqu’il donne des conseils ou encore élabore des stratégies mais plutôt du côté des fonctions phorique [5] et séma-phorique [6] (Delion, 2011) lorsqu’il est en mesure d’accueillir psychiquement la famille et son enfant ainsi que les signes de souffrance qui émergent d’eux afin d’ajuster sa thérapeutique. Proche de l’annonce du diagnostic, ces nuances sont fondamentales et vont caractériser la nature du positionnement de l’ergothérapeute.
23 Commençons par le terme de « guidance », d’origine anglo-saxone, qui désigne les conseils, ou encore l’apprentissage du « métier de parent » (Laupies, 2004). La guidance peut alors apparaître comme un savoir que posséderait l’ergothérapeute et qu’il transmet pour éducation aux parents. En cela, nous assistons à un transfert de savoir qui positionne de manière asymétrique (Sorsana, 1999) les deux protagonistes et qui nécessite de la part de l’ergothérapeute une très grande conscience des processus en jeu au risque que cette transmission ne fasse persister cette toute-puissance du thérapeute au détriment des compétences parentales naissantes et encore bien fragiles. Bien que très présente dans le référentiel de compétences de l’ergothérapeute, il reste prudent de patienter avant de substituer à la compétence parentale une approche trop éducative, surtout lorsqu’il s’agit des activités de la vie quotidienne, plein objet de la famille. Le risque de cette substitution serait l’abandon pur et simple de leurs propres savoir-faire ou le rejet d’un thérapeute devenu trop envahissant…
24 Très souvent, le mot de « partenariat » est convoqué pour illustrer la nature des rapports que vont nouer famille et professionnels. Comme nous le fait remarquer Mérini (2001) dans ses essais de définition, le partenariat est un système où chacune des parties n’a pas, au départ, vocation à produire des effets en commun. La seule chose commune est la reconnaissance d’un problème et la mise en œuvre d’actions négociées. On peut alors se questionner, proche de l’annonce du diagnostic, sur la connaissance réciproque du problème. Nous avons bien réalisé que la fonction du déni est, pour la famille, un moment de transition important qui permet au bébé de se construire en tant que sujet à part entière. De plus, le concept de partenariat sous--entend une certaine forme d’équité dans la nature des forces en présence alors que nous avons remarqué la nature asymétrique de la relation parents-professionnels. Il semble donc complexe et parfois prématuré d’envisager une relation de type partenarial sans comprendre la dynamique familiale à l’œuvre. Plus tard, les familles exprimeront des besoins et des attentes, sur la base de difficultés reconnues qui ouvriront d’autres perspectives du côté du partenariat.
25 Considérons enfin la notion d’accompagnement. Paul (2004) nous livre une définition intéressante de l’accompagnement qu’elle associe à la posture professionnelle. Elle la définit comme l’action de « se joindre à quelqu’un pour aller où il va ». Cela fait percevoir une tentative d’inversion du rapport asymétrique des relations entre professionnels et famille (Zaccaï-Reyners, 2006) mais également la nécessaire mise en relation des acteurs, destinée à converger ensemble de manière congruente. De la part du professionnel, Maela Paul insiste sur ce qui en découle : la posture professionnelle. Ainsi, cette posture est empreinte d’éthique, car critique et réflexive sur le sens des actions à entreprendre. Empreinte de non-savoir, sorte de modestie qui tente la distance à l’égard d’une toute-puissance prédictive du professionnel contre laquelle il lutte. Empreinte de dialogue, qui tend à réparer l’asymétrie relationnelle de départ. Empreinte d’écoute et, pour le professionnel de santé, d’empathie. Empreinte d’émancipation pour chacun des acteurs en redonnant le « pouvoir d’agir », au sens où Clot (2008) l’entend, sur le plan psychique.
26 Convenons que les premiers moments de rencontre des professionnels avec la famille et l’enfant nécessiteront d’abord une sorte de « mise au point » de la part de l’ergothérapeute afin de restituer une relation plus équitable. À ce moment, l’ergothérapeute s’engagera plutôt dans l’accompagnement. Plus tard, lorsqu’elles seront prêtes et il le faut, les parties conviendront, de manière plus ou moins explicite, d’un changement dans cette relation témoin d’un processus d’autonomisation où chacun pourra retrouver son espace propre et se tourner vers de nouvelles formes de relation peut-être de type partenarial, ou encore éducatives.
27 Dans son intervention, l’ergothérapeute va donc tenter d’articuler les compétences inhérentes à sa profession et que nous avons soulignées plus haut, avec la réalité familiale à laquelle il participe. En d’autres termes, il lui faut alors concilier sa « technique métier » avec la réalité quotidienne pour que les représentations de chaque acteur puissent donner unité au bébé. C’est le sens de cet accompagnement dont les caractéristiques se nourrissent de la relation thérapeutique, de l’empathie, de l’observation, du respect des habitudes de vie, de modestie et de bien d’autres choses encore. Pour cela, l’ergothérapeute sera attentif à la compréhension des signes qui lui parviennent au quotidien de la famille et du bébé pour ajuster son intervention et prendre des décisions sous l’éclairage de son observation clinique. Les activités quotidiennes sont riches et précieuses de moments uniques que l’ergothérapeute va recueillir et analyser avant de décider ce qu’il entreprendra et la manière dont il le proposera. Les activités de la vie quotidienne restent surtout le domaine privilégié de la famille qu’elle peut ou non choisir de partager avec l’ergothérapeute.
28 Nous allons maintenant, au travers de deux histoires cliniques, illustrer cet accompagnement au quotidien et les choix opérés en ergothérapie.
Accompagnement des familles : histoires cliniques
Marie : et si on regardait ensemble… au camsp
29 Marie a 6 mois lorsqu’elle arrive au camsp. Elle a été hospitalisée à l’âge de 4 mois suite à une encéphalopathie d’origine infectieuse pour laquelle elle est aujourd’hui valvée. Elle est suivie en kinésithérapie libérale près de son lieu d’habitation, qui est hors du secteur d’inter--vention du camsp. Il est convenu assez rapidement avec le directeur de la structure que les séances d’ergothérapie préconisées par le médecin pédiatre se dérouleront au camsp. Marie présente des séquelles neurologiques de type hémiplégie droite et une cécité corticale en cours d’évolution. Elle ne tient pas assise, ne se retourne pas sur le ventre, ne s’oriente pas vers les objets. Ses manipulations sont quasi absentes. Le médecin évoque la perspective d’évolution comme assez positive, ce qui enthousiasme la famille. À la maison, un petit siège-coque est prescrit. Le médecin pédiatre souhaite que son installation soit revisitée et qu’un suivi en ergothérapie soit mis en place. Voilà pour quelques données initiales.
30 La première rencontre avec la mère de Marie se fait donc au camsp. Elle va rapidement s’engager dans ce suivi qui a lieu deux fois par semaine. L’évolution positive de sa fille l’encourage à participer le plus possible et à rechercher tout ce qui pourra faciliter cette évolution. Très investie, elle ramène le siège encombrant de Marie à deux reprises pour que des réglages soient opérés puis repart avec celui-ci. Ces réglages lui sont expliqués afin d’assurer le suivi à domicile de l’installation de Marie. Pour faciliter ce travail, et face à la méconnaissance du domicile par l’ergothérapeute, la mère de Marie se prête très facilement aux demandes qui lui sont faites et réalise ainsi des photographies du domicile qui permettent d’évaluer si les changements sont efficaces et fonctionnels pour la prise des repas et les situations de jeu. Un temps est d’ailleurs consacré en début et en fin de séance pour permettre ces échanges. Le siège est d’autant mieux accepté qu’il est provisoire dans la perspective d’une évolution favorable. Cette adhésion presque naturelle facilite l’intervention ergothérapique tout en restant proportionnée. Le père de Marie se rendra à plusieurs reprises aux séances et les échanges nous permettront de comprendre également le souci de la famille de garder de la place et du temps pour le frère aîné, Julien. Les séances se déroulent donc en présence du couple ou de l’un des deux parents : moments indispensables de partage et d’observations conjointes.
31 Marie a 7 mois. Lorsqu’elle arrive, il est coutume de se déshabiller. Nous regardons avec sa mère comment elle réagit à cette activité. Compte tenu de ses difficultés, il lui est difficile de dégager ses membres de ses habits comme on pourrait s’y attendre à son âge. Cependant, nous remarquons qu’en lui permettant d’anticiper le geste sur le plan tactile tout en l’encourageant verbalement, elle parvient à glisser ses bras ou ses jambes pour quitter ses vêtements. Cette découverte fortuite intéresse la mère de Marie qui va rapidement questionner sur la manière dont elle va pouvoir interpeller son enfant à la maison. Elle confie à ce moment que jusqu’alors, elle était elle-même très active pendant cette activité et laissait peu de place et de temps à l’activité propre et naissante de sa petite fille. Elle se trouve alors un peu décontenancée de ne pas avoir imaginé qu’on pouvait demander cela à une enfant de 7 mois et qui plus est avec une déficience motrice. Découvrant les capacités de Marie, un partage des observations sur ses réponses aux signaux provenant de son environnement va permettre à sa mère d’enrichir ses propres gestes au moment de l’habillage et de laisser plus de temps à sa fille. L’illustration du fonctionnement de Marie au travers de cette activité très quotidienne est un choix explicite et privilégié à toute autre habileté plus analytique, qu’elle soit motrice ou cognitive. Elle permet ici de répondre aux questions de la famille sur le quotidien et facilite la prise de sens des progrès mais également de l’intervention. Il s’opère d’ailleurs un transfert progressif de savoir que la mère de Marie va s’approprier. Cette activité lui sera assez rapidement déléguée, permettant la mise en œuvre de ses compétences. Cette délégation est d’autant plus importante que la dimension écologique de cette situation est quasi inexistante et qu’aucune séance ne s’est déroulée au domicile. C’est donc l’occasion pour -l’ergothérapeute d’évaluer l’appropriation des gestes transmis et, si besoin, d’ajuster tout autant que d’évaluer l’efficacité de son propre dispositif d’intervention.
32 Près d’une année est passée et Marie a bien progressé. Sa mère rapporte maintenant le fruit de ses observations sur le quotidien et questionne afin de partager, bien qu’elle ait elle-même déjà trouvé des réponses.
Maxence : Un quotidien sur mesure !
33 Maxence a 2 ans et 3 mois quand le kinésithérapeute qui le suit au camsp interpelle l’ergothérapeute. Il lui fait part de sa difficulté à toucher, à prendre dans ses bras ou encore à bouger Maxence sans que cela ne déclenche des pleurs inconsolables. Tout cela compromet fortement son travail qui se déroule à domicile. Il souhaite alors partager cette situation avec l’ergothérapeute car il a repéré également quelques difficultés au quotidien. Une rencontre est donc proposée à la famille de Maxence et nous convenons de nous rendre à domicile en fin de matinée, à proximité d’un repas. Comme très souvent, le premier contact va permettre de récolter de nombreuses données au travers de l’observation mais également d’un entretien que l’on peut qualifier d’écologique. Quand nous arrivons au domicile, Maxence est assis au centre du salon sur un grand tapis, entouré de gros coussins. Autour de lui sont disposés de nombreux jouets plutôt à composante sonore. Le salon a perdu sa table basse et certains médias tels que le téléviseur. Seuls résistent un canapé et un fauteuil ! Cela semble suffisant pour la famille, composée du couple et du frère aîné, Florian. Le domicile est situé au-dessus du commerce dont s’occupent les parents et qui tient une large place dans la vie du couple. Très rapidement après notre arrivée, Maxence se met à pleurer et lève les bras en direction de sa mère ; ce qui déclenche immédiatement le portage de Maxence. Comme bien souvent pour le repas du midi, sa mère entreprend le déjeuner. Elle fait réchauffer au four à micro-ondes un plat préparé acheté dans le commerce et m’explique que seul ce type de plat est mangé facilement et rapidement par Maxence. En effet, il fait le tri et rejette les petits morceaux ou les infimes filandres qui résistent au mixage. Il préfère également les aliments sucrés. Le week-end il est plus facile pour le couple de cuisiner en tenant compte des exigences de Maxence, mais en semaine leur activité professionnelle les contraint à aller au plus simple. Ces premiers échanges avec la famille sont interrompus par la sonnerie du micro-ondes : Maxence se met à pleurer en regardant le micro-ondes. Très rapidement, son père arrive du magasin et le prend dans les bras : « Il ne mange qu’avec son père », nous signale la maman qui file rapidement au magasin. Florian, quant à lui, mange à la cantine car cela semble plus simple pour l’organisation familiale. Le commerce restant ouvert le midi, le couple se relaie auprès de Maxence qui mobilise tant d’attention. Il déjeune dans les bras de son père et ne participe guère à cette activité, hormis pour ouvrir la bouche, ou montrer quelques signes d’impatience si la cuillère n’est pas suffisamment rapide. Voici donc comment cette famille s’est organisée autour du repas, conciliant vie professionnelle et vie personnelle calée sur les particularités « circadiennes » très envahissantes de Maxence. Les sciences de l’activité nous permettent, en tant qu’ergothérapeute, d’analyser la richesse de ce quotidien dans toutes ses dimensions. Poursuivant quelques investigations, les parents vont livrer d’autres activités problématiques telles que la toilette qui est un moment pénible pour Maxence et sa maman. Il en résulte une toilette express sur la table à langer, car il ne supporte ni l’entrée ni la sortie du bain et encore moins la douche. La toilette se déroule donc très souvent à l’aide d’un gant, parfois avec des lingettes lorsque Maxence montre des signes d’irritabilité. Les cheveux ne sont pas peignés. Les ongles sont coupés la nuit. La famille nous explique également que des tentatives de socialisation en crèche ont échoué. Maxence pleure sans interruption dès le départ de ses parents et communique ses pleurs aux autres. Il n’a donc aucun plaisir et ces tentatives ont conduit le personnel de la crèche à contacter les parents pour venir le rechercher. Enfin, le couple évoque rendre beaucoup moins visite à ses amis.
34 En ergothérapie, l’évaluation va rapidement mettre en évidence les particularités sensorielles de Maxence et faire le lien avec leur impact au quotidien. Les objectifs de l’intervention en ergothérapie seront le développement d’habiletés sensori-motrices propices à l’amélioration des activités du quotidien et de la participation sociale. Mais au-delà de ces objectifs, une question se pose sur la place occupée par Maxence à la maison. En effet, les habitudes de vie de la famille se confondent avec les particularités de l’enfant, contraignant chaque membre de la famille à s’y conformer d’une manière plus ou moins choisie pour ne pas risquer de susciter une véritable tourmente pour Maxence. Florian montre alors quelques signes d’impatience à l’égard de son petit frère qui prend « un peu (trop) » de place à son goût. Les parents, très actifs, semblent avoir incorporé ce fonctionnement tout en regrettant les intolérances de Maxence qui, ils le perçoivent bien, vont limiter son développement. Sur ce point, les attentes de la famille sont alors de limiter ses intolérances pour rendre le quotidien plus supportable.
35 Un suivi en ergothérapie va débuter, alors que des examens para--cliniques sont encore en cours pour poser un diagnostic médical. Dans l’attente, les difficultés sont présentées à la famille comme un retard des acquisitions. À terme, l’enjeu du suivi en ergothérapie est de permettre la socialisation de Maxence. La problématique reste cependant de concilier entre eux les modes de vie de la famille, tout en recherchant des solutions pour faciliter la vie de tous les jours. Il est convenu avec la famille que deux séances d’ergothérapie par semaine seront réalisées : l’une se déroulera au camsp, où le kinési--thérapeute sera présent au départ, et l’autre à la maison. L’accompagnement au camsp se fait en présence du papa ou de la maman et va consister dans un premier temps en observation des réponses comportementales de Maxence aux différentes sollicitations de l’environnement. L’idée est de comprendre et de « décoder » ces réponses émotionnelles afin d’ajuster cet environnement aux besoins sensoriels de Maxence pour favoriser des réponses plus adaptées. Il est particulièrement intéressant que les deux parents soient invités à participer à ces observations pour favoriser une relecture homogène des comportements de Maxence. Au cours d’une des premières séances, celui-ci se met à pleurer alors que je procède à un changement de quelques informations venant de son environnement : il y a, en effet, plus de mouvements que d’habitude mais également plus de surfaces de contact. Ces pleurs cessent dès que le mouvement s’interrompt. La maman me dit alors qu’« il est ronchon aujourd’hui ! ». Son regard, très centré sur l’activité de Maxence qui déchire du papier, n’a pu remarquer ces changements et repérer la cause réelle de son tourment. Lorsque je la lui fais remarquer et cesse toutes ces sollicitations, elle prend conscience du calme retrouvé et de l’aspect perturbateur que pouvait représenter cet environnement. Elle donne ainsi un nouveau sens aux pleurs de son enfant. Il s’ensuit un échange et une transposition sur les moments du bain. Nous décidons alors avec la maman de réaliser une mise en situation autour du bain à la maison pour rendre ce moment plus agréable. Cette mise en situation commencera par un bain… sans eau avec de nombreux jouets. Le handling comportera des mouvements très lents dans les changements de position. Ici encore, l’accompagnement fournit un croisement des regards qui permet une ébauche partagée de solutions. Le kinésithérapeute, associé à quelques-unes de ces observations au camsp, extrait tout indice utile qui peut concourir à faciliter son travail.
36 L’accompagnement à la maison consistera à redécouvrir avec la famille le quotidien, en tenant compte des préférences de Maxence tout en l’intégrant de manière active dans ces activités. Au domicile, le travail entrepris est de longue haleine et des priorités ont été retenues avec la famille, en fonction des besoins les plus imminents. Il s’agit également de respecter la temporalité de chacun car transformer certaines habitudes de vie pour gagner en qualité de vie n’est pas aisé. Au fur et à mesure des interventions, les espaces seront redessinés, laissant une place à chacun. Dans cette idée et pour faciliter le processus d’autonomisation de Maxence, il est proposé à la famille la réalisation d’une adaptation de la chaise haute afin de lui permettre d’être stable en position assise et de libérer les genoux de son papa. Partir du mobilier de la famille, autant que faire se peut, est en général très porteur et respectueux du milieu. Cette adaptation est proposée comme une aide provisoire, dans l’attente de l’acquisition d’une position assise stable. Cette aide représente alors une transition dont l’effet est tout autant d’assurer la sécurité physique de Maxence pour qu’il expérimente, de manière plus indépendante, le moment du repas, que de faciliter à terme des activités plus ludiques de manipulation. Cette aide technique aura une seconde fonction, plus implicite : celle d’assurer une forme de sécurité psychique pour l’ensemble des acteurs de cette activité et d’engager un processus d’autonomisation autour d’une « subjectivité posturale » naissante. L’intervention, tant au camsp qu’au domicile, permet à l’ergothérapeute de réaliser des choix utiles car utilisables et utilisés. C’est tout le sens de la prise en compte de l’environnement et de l’activité qui, confrontée au principe de réalité, trouve intérêt puis utilité auprès de chacun. De plus, cette double perspective, camsp-domicile, permet d’appréhender une réalité quotidienne sous plusieurs angles et fournit des éclairages susceptibles de transformer les représentations que chacun a de l’enfant et de ses potentialités.
Conclusion
37 Il est d’usage de dire que l’ergothérapie est tout à la fois une science et un art. Chez le jeune enfant, cela pourrait s’apparenter au fait de concilier technicité et relation, ou encore savoir-faire et savoir-être. Quoi de plus simple et banal en apparence que le quotidien ? L’ergothérapeute, dans sa pratique en camsp, va pour autant aborder toute la complexité de ce quotidien qu’il sait ne pouvoir réduire au seul visible ou encore solutionner de manière magique à coup de matériel technique même si la tentation est grande de trouver une solution rapidement. Les choix qu’il opère vont se réaliser en accord avec les habitudes de vie de la famille et procéder d’une véritable analyse des activités, de l’environnement en lien avec les spécificités de la famille et de l’enfant. L’intervention en ergothérapie ne saurait se limiter à l’exécution simple de préconisations, qu’elles soient médicale, familiale, scolaire ou encore sociale, qui ferait l’économie d’un raisonnement clinique et s’avérerait peu efficace à terme. Peut-être est-ce là une nuance capitale qui distingue le thérapeute du technicien.
38 Accompagner en ergothérapie est une compétence experte qui se développe en comprenant les dynamiques qui se jouent et avec lesquelles il faut composer avant de décider et d’agir. Il faut alors accepter de se faire porter par les projets et les besoins de ceux dont on s’occupe. Il faut parfois renoncer à trop d’ambition car les représentations de chacun ont rarement les mêmes temporalités. La présence de la famille est alors très souvent aidante, tout autant que la valeur écologique des propositions thérapeutiques.
39 Le quotidien étant l’intime, il faudrait se méfier de solutions « prêt à porter » où les standards conviennent généralement peu aux particularités des problématiques rencontrées.
40 Enfin, l’ergothérapeute en camsp bénéficie d’un éclairage multidisciplinaire où d’autres professionnels vont également croiser son regard. Cette grande diversité nourrit une richesse de points de vue, mais elle concourt également, grâce à une complémentarité réelle et avérée, à tenter de garder l’unité de l’enfant. C’est probablement ce qui fait la différence avec la pratique en libéral où l’interdisciplinarité manque parfois cruellement et où les actions, malgré leur bienveillance, restent parfois morcelées et perdent en efficience.
Bibliographie
Bibliographie
- Clot, Y. 2008. Travail et pouvoir d’agir, Paris, Puf.
- Clot, Y. 2010. Le travail à cœur. Pour en finir avec les risques psychosociaux, Paris, La Découverte, coll. « Cahiers libres ».
- Delion, P. 2011. « Au commencement… Donald Winnicott, Michel Tournier et la fonction phorique », Le carnet Psy, n° 150, p. 20-26.
- Hinojosa, J. ; Weinstock-Zlotnick, G. 2004. Bottom-Up or Top-Down Evaluation : Is One Better Than the Other ? ajot, vol. 58, n° 5.
- Laupies, V. 2004. « La guidance parentale : ses liens avec la psychothérapie et la bientraitance », Thérapie familiale, n° 4, vol. 25, p. 521-529.
- Leduc, F. ; Delcourt, J.-B. 2007. « Aider, soigner, accompagner les personnes à domicile : un éclairage sur l’intime », Gérontologie et société, n° 122, p. 145-149.
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- Roy, J. 2014, « Impacts de l’annonce médicale sur le parcours naturel d’une famille d’enfant porteur de handicap », Contraste, n° 40, p. 41-56.
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- Zaccaï-Reyners, N. 2006. « Respect, réciprocité et relations asymétriques. Quelques figures de la relation de soin », Esprit, p. 95-108.
Notes
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[1]
anesm (2014) Synthèse : recommandations de bonnes pratiques professionnelles. http://www.anesm.sante.gouv.fr/IMG/pdf/ANESM-Synthese-RBPP_CAMSP.pdf
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[2]
Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (cif) http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/42418/1/9242545422_fre.pdf
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[3]
bo Santé-Protection sociale-Solidarité n° 7 du 15 août 2010.
-
[4]
« Témoignages de parents », Contraste, n° 40, 2014, p. 21-39. doi 10.3917/cont.040.0021.
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[5]
La fonction phorique définie par Delion s’apparente à celle d’accueillir un sujet différent qui se présente à nous parce qu’il a besoin de soin.
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[6]
La fonction sémaphorique, dans la continuité de la précédente, est celle qui nous permet de comprendre et de donner sens aux signes de souffrance qui émergent de ce sujet.