Contraste 2014/1 N° 39

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Article de revue

Les débuts de la communication au regard du programme de recherche dit « pile » (Programme international pour le langage de l'enfant)

Pages 69 à 97

Notes

  • [*]
    Bernard Golse, pédopsychiatre-psychanalyste (membre de l’Association psychanalytique de France) / chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker-Enfants malades (Paris) / professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris Descartes (Paris 5) / Inserm, U669, Paris, France / université Paris-Sud et université Paris Descartes, umr-S0669, Paris, France / lpcp, ea 4056, université Paris Descartes / crpms, ea 3522, université Paris Diderot / membre du Conseil supérieur de l’adoption (csa) / ancien président du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (cnaop) / membre du Conseil scientifique de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et des disciplines alliées (sfpeada) / président de l’Association Pikler Loczy-France / président de l’Association pour la formation à la psychothérapie psychanalytique de l’enfant et de l’adolescent (afppea).
    Adresse-contact Pr Bernard Golse, service de pédopsychiatrie, Hôpital Necker-Enfants malades, 149 rue de Sèvres, 75015 Paris-Fr. Courriel : bernard.golse@nck.aphp.fr
  • [1]
    D’importants sponsoring nous ont été accordés, et nous voulons témoigner, ici, de la générosité particulière des différents partenaires suivants : la filiale française d’eads (European Aeronautic Defence and Space Company), la Société française du radiotéléphone (sfr) et la fondation Bettencourt-Schueller enfin.
  • [2]
    Child Behavior Checklist.
English version

1Le langage s’enracine dans la communication préverbale, et en tant que système de symbolisation (de sémiotisation, et de sémantisation) il dépend fondamentalement des processus de subjectivation, soit de l’accès à l’intersubjectivité.

2Il est donc clair que l’origine des troubles du langage, aussi profonds soient-ils, est toujours à rechercher avant les mots, soit au niveau du fonctionnement des toutes premières interactions, et nous souhaitons nous centrer ici sur l’importance des liens préverbaux qui préparent et conditionnent, chez le bébé, l’émergence ultérieure du langage.

3Après un rappel sur les deux grands types de communication (verbal et préverbal), nous dirons un mot des racines du langage verbal au regard de cet accès à l’intersubjectivité, en proposant la métaphore de l’araignée qui nous semble pertinente comme figuration du tissage des liens préverbaux au sein des interactions précoces.

4Après quoi, nous évoquerons le programme de recherche dit « pile » (Programme international pour le langage de l’enfant) que nous avons mis en place depuis quelques années à l’hôpital Necker-Enfants malades pour étudier, en première année de vie de l’enfant, les précurseurs corporels et interactifs des troubles éventuels de la communication ultérieure (verbale et non verbale).

Première partie. Les deux grands types de communication (et leur intrication au sein même du langage verbal)

5Il est devenu classique d’opposer les deux grands registres de la communication que sont la communication dite « analogique » (infraverbale ou préverbale, ou prélinguistique) d’une part, et la communication dite « digitale » (verbale ou linguistique) d’autre part.

6D’un certain point de vue, tout les sépare, tout les oppose.

7La communication analogique serait surtout supportée par l’hémisphère cérébral mineur (le droit pour les droitiers), elle serait surtout de type synthétique, et elle véhiculerait principalement des émotions ou des affects, par le biais d’éléments non codés, au sens des signes saussuriens, mais beaucoup plus globaux et analogiques par rapport au message à transmettre (d’où le choix de ce terme pour la définir).

8La communication digitale, quant à elle, serait supportée par l’hémisphère majeur (le gauche pour les droitiers), elle serait surtout de type analytique et elle véhiculerait principalement des concepts, par le biais d’éléments codés de type « digits » d’information (d’où le choix de son terme générique).

9Autrement dit, la communication analogique concernerait surtout la transmission non verbale de messages de type émotionnel ou affectif, par le biais de comportements non linguistiques (mimiques, regards, gestique…), tandis que la communication digitale concernerait surtout la transmission verbale de messages de type conceptuel ou idéique, par le biais de comportements linguistiques (mots, phrases, locutions…).

10Il serait cependant réducteur de vouloir faire de la communication analogique un équivalent de la communication préverbale, et de la communication digitale un synonyme de la communication verbale.

11De même, il serait illusoire de penser que la communication analogique serait seulement du côté de la métonymie, et la communication digitale seulement du côté de la métaphore.

12Les choses sont à l’évidence beaucoup plus intriquées.

13Ce sur quoi nous voudrions précisément insister, c’est qu’il y a de l’analogique dans le digital, si l’on ose s’exprimer ainsi, c’est-à-dire qu’il existe une partie non verbale du verbal lui-même. Cette dernière notion est essentielle pour comprendre l’entrée de l’infans dans l’ordre du langage.

14La chaîne parlée se compose, en effet, d’un contenu et d’un contenant :

  • l’idée de contenu verbal renvoie aux éléments de l’énoncé (phonèmes, monèmes, syllabes, mots ou phrases selon le type de découpage que l’on adopte et qui se matérialise dans les concepts de lexique ou de sémantique) ;
  • l’idée de contenant verbal renvoie d’une part aux règles de l’énonciation qui organise l’énoncé (grammaire ou syntaxe) et, d’autre part, à ce que l’on pourrait appeler la musique du langage (prosodie, timbre, ton et intensité de la voix, rythme, débit, silences…).
La chaîne parlée se compose donc d’une partie segmentaire, ou plutôt segmentable, à savoir son énoncé linguistique proprement dit, et d’une partie non segmentaire, non segmentable ou supra-segmentaire, à savoir son énonciation de type musical (d’où l’importance de ce qu’on dénomme le « ton » au sein du jeu théâtral).

15La partie segmentaire du langage verbal véhicule la partie informative proprement dite du message, soit la partie véritablement conceptuelle de l’énoncé, alors que sa partie supra-segmentaire véhicule plutôt la partie plus émotionnelle et motivationnelle de celui-ci, soit l’expression des conditions affectives de son énonciation.

16Ce qu’il importe de souligner, c’est que le bébé, contrairement à ce que F. Dolto (1987) et d’autres ont pu soutenir en leur temps, n’entre sans doute pas dans le langage par la partie symbolique et digitale de celui-ci, mais bien plutôt par sa partie affective et analogique.

17Le bébé, en effet, semble beaucoup plus sensible, tout d’abord, à la musique du langage et des sons (celui qu’il entend et ceux qu’il produit) qu’à la signification des signes en tant que tels (l’intégration du lien entre signifiant et signifié étant sans doute davantage le fait d’un apprentissage que d’une sorte de révélation transcendantale immédiate).

18Pour entrer dans l’ordre du langage (et du symbolique verbal), le bébé a besoin non pas de savoir mais d’éprouver et de ressentir profondément que le langage de l’autre (et singulièrement de sa mère) le touche et l’affecte, et que celle-ci est affectée et touchée en retour par ses premières émissions vocales à lui.

19C’est pourquoi, dans le champ du développement précoce, la linguistique structurale saussurienne nous est sans doute d’un moindre apport qu’une linguistique pragmatique plus dynamique et subjectale (J.L. Austin, 1970 ; J.S. Bruner, 1983, 1987), car nous avons, me semble-t-il, plus besoin dans ce champ d’une linguistique de l’énonciation que d’une linguistique de l’énoncé, à l’instar des travaux de U. Eco (1992) qui centre plus son regard sur les conditions dynamiques de la production des signes que sur l’organisation statique de ceux-ci.

20Dans cette perspective, on comprend bien dès lors l’impact possible des dépressions maternelles sur l’instauration et le développement du langage chez l’enfant, dans la mesure où ces dépressions affectent parfois profondément les qualités de la voix et de la musique du langage de la mère.

21Si la voix de la mère ne lui fait rien, et si les émissions vocales du bébé ne font rien à sa mère, trop absorbée dans son mouvement dépressif ou dans tel ou tel autre mouvement psychopathologique, alors, du point de vue du bébé : « À quoi bon parler ? »

Les racines du langage verbal au regard de l’intersubjectivité

22D’un point de vue psychodynamique, il n’y a pas de progrès qui puisse être créatif sans être aussi défensif à l’égard de l’éloignement, ou de la perte, de l’objet primaire, et tel est le cas, par exemple, de l’accordage affectif, de la marche et, pour ce qui nous concerne ici, du langage.

23Le langage constitue un système incroyablement puissant et économique pour peu que l’on accepte son apparente dimension réductrice (du fait du défilé obligé par le signifiant), bien que ceci puisse sembler quelque peu paradoxal.

24C’est pourquoi il n’y a pas d’accès au langage sans une certaine forme de violence, ne serait-ce que parce que la pensée est surtout synchronique, alors que le langage verbal est, quant à lui, principalement diachronique.

25Ce passage d’une pensée synchronique à un discours diachronique – passage qui a valeur de transformation – ne va pas sans susciter un certain nombre de difficultés, comme on peut le voir lors des bégaiements physiologiques de l’enfant (autour de 3 ans), ou des tachylalies par vulnérabilité narcissique lors du temps de béance de l’énonciation.

26Comment faire, alors, pour que cette violence ne se transforme pas en destructivité, alors même que l’accès à l’intersubjectivité suppose le deuil de l’objet primaire ? Sous le terme d’intersubjectivité, on désigne – tout simplement ! – le vécu profond qui nous fait ressentir que soi et l’autre, cela fait deux. La chose est simple à énoncer et à se représenter, même si les mécanismes intimes qui sous-tendent ce phénomène sont probablement très complexes, et encore incomplètement compris.

27Dans des travaux précédents (B. Golse, 2006), nous avons présenté les différents modèles qui existent actuellement quant à l’accès à l’intersubjectivité (intersubjectivité primaire, intersubjectivité secondaire émergeant d’une phase première d’indifférenciation absolue, et intersubjectivité secondaire progressivement acquise à partir de noyaux primordiaux d’intersubjectivité primaire).

28Quel que soit le modèle auquel on se réfère, on peut se demander s’il n’y a pas toujours une certaine violence a minima qui s’attache au processus de subjectivation, même quand cette dynamique se joue de manière heureuse, ce que des auteurs comme J.-B. Pontalis (1986) et J. Kristeva (1987) ont bien montré à propos de la genèse du langage, l’un en référence à la séparation et l’autre au « deuil » de l’objet primaire, ce que N. Abraham et M. Torok (1972, 1978) ont également pointé en parlant du « passage de la bouche vide de sein à la bouche pleine de mots », ce que J.-M. Quinodoz (1991) souligne aussi quand il différencie les « angoisses de différenciation » des angoisses de séparation proprement dites, et ce que G. Haag (1991, 1992) nous invite enfin, elle aussi, à considérer quand elle évoque le phénomène de « démutisation par vocalisation exclusive » de certains autistes qui cherchent pathétiquement à entrer dans un langage qui ne soit pas synonyme d’arrachement intersubjectif.

L’écart intersubjectif, la mise en place des liens préverbaux et la métaphore de l’araignée

La notion d’écart intersubjectif

29Il importe tout d’abord, dans le cadre du double mouvement de différenciation inter et intrasubjective qui permet la croissance et la maturation psychiques de l’enfant ainsi que son accès progressif à l’intersubjectivité, de bien distinguer la mise en place des enveloppes, des liens primitifs et des relations proprement dites.

30En tout état de cause, c’est l’instauration d’un écart intersubjectif qui confèrera peu à peu à l’enfant le sentiment d’être un individu à part entière, non inclus dans l’autre, non fusionné à lui, préalable évidemment indispensable à la possibilité de pouvoir penser à l’autre et de s’adresser à lui, et prérequis qui fait, on le sait, si gravement défaut aux enfants autistes ou symbiotiques.

L’établissement des liens préverbaux

31En même temps que se creuse l’écart intersubjectif, l’enfant et les adultes qui en prennent soin se doivent, absolument, de tisser des liens préverbaux qui permettent à l’enfant de rester en lien avec le (ou les) objet(s) dont il se différencie, et qui conditionnent fondamentalement l’avènement ultérieur du langage verbal, si tout se passe bien.

32Certains enfants autistes échouent à creuser l’écart intersubjectif et, pour eux, l’objet demeure, en quelque sorte, une question sans objet (autisme typique), tandis que d’autres, ou les mêmes après un certain temps d’évolution, sont capables de prendre en compte cet écart intersubjectif mais ne tissent aucun lien préverbal, ce qui les confine dans une grande solitude, de l’autre côté de la rive de l’écart intersubjectif, en quelque sorte.

33Les premiers suscitent chez l’autre un contre-transfert extrêmement douloureux fondé sur un sentiment de déni d’existence et sur un vécu d’évacuation, tandis que les seconds suscitent un contre-transfert paradoxal dans la mesure où leur retrait a malgré tout valeur d’appel, un peu dans la même perspective que ce que l’on observe chez les enfants gravement carencés ou dépressifs.

34La mise en jeu de ces liens préverbaux ne s’éteindra pas avec l’avènement du langage verbal qu’ils doubleront, telle une ombre portée, tout au long de la vie.

35On sait bien en effet qu’on ne communique pas qu’avec des mots mais avec tout le corps, et dès lors, la communication préverbale n’est pas un précurseur, au sens linéaire du terme, de la communication verbale, mais bien plutôt une condition préalable de celle-ci.

La métaphore de l’araignée

36Quand l’araignée souhaite quitter le plafond pour descendre par terre, elle ne se jette pas du plafond, elle tisse des liens grâce auxquels, tout doucement, elle descend du plafond vers le sol.

37De la sorte, une fois par terre, elle est certes séparée du plafond qu’elle vient de quitter, tout en restant reliée à celui-ci tant et si bien que, si elle souhaite remonter jusqu’à lui, elle pourra le faire en utilisant les fils qu’elle vient elle-même de secréter.

38Il nous semble que cette métaphore illustre assez efficacement les processus que nous tentons de décrire ici quant au cheminement de l’enfant vers le langage verbal.

39La psychologie du développement précoce, la psychopathologie et la psychiatrie du bébé nous ont appris que, parmi les liens précoces qui se mettent en place parallèlement à l’établissement de l’intersubjectivité, on peut aujourd’hui ranger les liens d’attachement (J. Bowlby, 1969), l’accordage affectif (D.N. Stern, 1989), l’empathie, l’imitation, les identifications projectives normales (W.R. Bion, 1962, 1963, 1965), tous les phénomènes transitionnels (D.W. Winnicott, 1969) et même l’ancien dialogue tonico-émotionnel décrit par H. Wallon (1945) puis par J. de Ajuriaguerra (1970), tous mécanismes qui mettent en jeu, peu ou prou, le fonctionnement des désormais fameux neurones miroirs.

40Tous ces liens préverbaux fonctionnent à l’image des fils de l’araignée, en permettant à l’enfant de se différencier sans se perdre, c’est-à-dire de se distancier de l’autre tout en demeurant en relation avec lui, c’est-à-dire encore de se détacher sans s’arracher (comme disent, plus tard, les adolescents !).

41C’est, en fait, à cette condition expresse que l’infans pourra s’avancer vers la parole en reconnaissant l’existence de l’autre et la sienne comme séparées mais comme non radicalement clivées.

Deuxième partie. Le programme de recherche dit « pile » (Programme international pour le langage de l’enfant)

42Il s’agit d’une recherche sur les précurseurs corporels et interactifs de l’accès à la communication (verbale et non verbale) en première année de vie de l’enfant.

43Cette recherche est en cours à l’hôpital Necker-Enfants malades depuis 2003 et elle se poursuit actuellement.

Cadre de la recherche

44Lors du transfert de notre équipe de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul à l’hôpital Necker-Enfants malades, et de la restructuration du service de pédopsychiatrie au sein de ce dernier établissement, un programme de recherche a, en effet, été mis en place sur les précurseurs corporels et interactifs de l’accès de l’enfant à la communication.

45Ce programme de recherche collaboratif, impliquant notamment des psychanalystes et des mathématiciens, a été intitulé pile (Programme international de recherche sur le langage de l’enfant), et s’il n’aurait pas pu être organisé sans le concours de Valérie Desjardins, psychologue et psychothérapeute, c’est actuellement Lisa Ouss qui en est la coordonnatrice et la véritable cheville ouvrière [1].

46Il s’agit d’une recherche multiaxiale qui vise notamment à analyser les productions vocales, le regard et les mouvements du bébé quand il se trouve confronté à la parole de l’adulte, en situation dyadique ou triadique.

47Une cellule vidéo de haute technologie a été installée grâce à la collaboration d’Alain Casanova (avec lequel nous travaillons déjà depuis de nombreuses années au sein de la collection multimedia « À l’aube de la vie », dont nous avons été l’un des cofondateurs aux côtés de Serge Lebovici), et plusieurs équipes ont d’ores et déjà été mises en place dans cette perspective, à savoir une équipe pour l’analyse du son, une équipe pour l’analyse des mouvements, et une cellule de réflexion pour la difficile question de l’analyse des regards, en lien initial avec le lisif (Laboratoire d’instruments et systèmes d’Île-de-France) de Jussieu, et avec les statisticiens du cermics de l’École des ponts et chaussées.

Les hypothèses sous-jacentes

48Parmi les différentes hypothèses qui sous-tendent notre recherche et qui donnent lieu à la collecte de résultats d’ores et déjà très stimulants, nous ferons seulement quelques remarques sur les mouvements des mains des bébés, ainsi que sur les processus d’attention, de mantèlement/démantèlement, et enfin de segmentation.

49Les lignes qui suivent renvoient fondamentalement au fait qu’il ne peut pas y avoir de perception statique, ce que les neurophysiologistes nous ont appris depuis longtemps, en insistant sur les processus d’habituation propres aux différents récepteurs de la sensorialité : il faut que l’objet à percevoir soit en mouvement pour être perçu, que le mouvement en question soit le fait de l’objet lui-même, ou que ce soit le processus de perception qui donne du mouvement à un objet statique.

Les mouvements des mains du bébé

50L’idée de s’intéresser aux mouvements du bébé, en situation dialogique, vient de l’idée que les capacités de narration verbale s’originent, en réalité, dans l’aptitude du bébé à une narration comportementale ou préverbale par laquelle l’enfant « raconte » quelque chose de son vécu et de son histoire (B. Golse, 2002).

51Cette narration analogique ou préverbale précède l’émergence de la narration verbale qu’elle prépare et conditionne éventuellement, encore qu’il ne s’agisse pas d’un enchaînement linéaire entre ces deux types de narrativité, puisque la narrativité préverbale (communication de type analogique) persistera, toute la vie durant, aux côtés de la narrativité verbale (communication de type digital) dont elle représente une sorte d’ombre portée.

52Autrement dit, les racines de certains retards de langage, et notamment des dysphasies, sont à rechercher en dehors du langage proprement dit, dans le champ de la communication analogique, et dans le registre des interactions et des émotions auquel celle-ci renvoie fondamentalement.

53Certains travaux ont déjà montré que le bébé a des mouvements particuliers de ses membres supérieurs quand on lui adresse la parole, des mouvements lents et des mouvements plus rapides, avec un équilibre dynamique probablement subtil entre les deux.

54Nous avons donc décidé de nous centrer sur l’étude des mouvements des membres du bébé en situation dialogique, soit dans un cadre relativement proche de celui proposé par E. Fivaz-Depeursinge et coll. (2000), à Lausanne, sous le terme de « Trilogic Play Lausanne » (tpl).

55Quand nous parlons, nous avons presque immanquablement des mouvements des bras et des mains.

56Il est possible qu’il existe à ce sujet des variations socioculturelles (on « parle plus avec les mains » dans certains pays que dans d’autres), mais il est difficile d’imaginer un locuteur strictement immobile, sauf à placer son interlocuteur en situation de perplexité et d’étrangeté plus ou moins inquiétantes.

57Quelle est donc la fonction de ces mouvements d’accompagnement du langage verbal, mouvements qui semblent si importants alors même qu’ils ne changent rien à la nature linguistique du message verbal lui-même ?

58Il s’agit d’une question délicate mais passionnante.

59Trois pistes de réflexion nous paraissent envisageables, pour l’instant.

60– Tout d’abord, on peut imaginer que ces mouvements revêtent une valeur défensive par le biais d’une « enveloppe d’agitation motrice » (D. Anzieu, 1985) à l’égard de la vulnérabilité narcissique propre à toute prise de parole.

61Parler comporte en effet toujours un risque : le risque de ne pas être compris, d’être mal compris ou d’être méjugé, tant que l’on n’est pas parvenu au terme de sa phrase ou de son propos.

62Entre le début de la phrase et la fin de celle-ci, il s’ouvre donc inéluctablement une sorte de béance narcissique qui pousse d’ailleurs certains sujets à parler très vite, dans une tentative illusoire de combler un tant soit peu cette période de vulnérabilité (un peu à la manière des enfants qui découvrent la marche mais qui, étant encore très instables, courent plutôt qu’ils ne marchent pour essayer de réduire le laps de temps entre l’appui lâché et l’appui retrouvé).

63Telle est l’antinomie entre le langage et la pensée : celle-ci se déploie synchroniquement (dans l’instant), alors que celui-là se déploie diachroniquement (dans le temps), ce qui revient à dire que la phrase a une incompressible durée, tandis que la pensée se trouve libre de ce lest temporel.

64Bouger quand on parle aurait ainsi une fonction de lutte à l’égard de ces angoisses inhérentes à l’acte de parole.

65– Mais ceci ne suffit pas à la compréhension de ces mouvements d’accompagnement, car il ne s’agit pas de n’importe quel mouvement.

66Les mouvements caractéristiques sont ceux des bras et des mains, en une sorte de mouvement circulaire antéro-postérieur, les mains se propulsant en haut et en avant, pour revenir ensuite vers soi selon une direction en bas et en arrière.

67Ces mouvements nous ont évoqué les fameuses « boucles de retour » décrites par G. Haag (1993) chez les bébés de quelques mois qui, en accédant à l’intersubjectivité, découvrent en quelque sorte le circuit de la communication et qui le figurent, ainsi, dans ces mouvements des mains ayant alors valeur d’image motrice.

68Tout se passe un peu, dit G. Haag, comme si ces bébés voulaient nous « démontrer » qu’ils ont ressenti qu’on peut envoyer à un autre, différent de soi, quelque chose de soi-même (un message, ou surtout une é-motion) et que ce matériel psychique ou proto-psychique va ensuite trouver chez l’autre un fond à partir duquel il va pouvoir faire retour à l’émetteur.

69Ces mouvements des mains auraient ainsi valeur de récit, en ce sens qu’en parallèle du langage verbal instauré, ils continueraient, d’une certaine manière, à nous raconter, analogiquement, quelque chose de la naissance même de la communication.

70Deux récits se côtoieraient ainsi, historiquement décalés : un récit analogique des origines et de la découverte de la communication, en doublure du récit digital, soit du récit verbal actuel.

71Deux temps du récit et deux modes du récit qui nous renvoient peut-être à la question de « l’identité narrative » de l’être humain si chère à P. Ricœur (1975, 1986).

72– Enfin, last but not least, ces mouvements d’accompagnement du langage verbal pourraient également témoigner de l’éprouvé comodal du bébé et de son besoin de récupérer par la vision (vision du mouvement de ses mains) quelque chose des mots émis, quant à eux, de manière invisible pour lui.

73Dès lors, le mouvement des mains décrit ci-dessus pourrait éventuellement fonctionner en comodalité et en transmodalité perceptives, en ce sens que la vision de l’éloignement et du rapprocher des mains (au cours de leur mouvement en boucle) viendrait à la fois témoigner du vécu de perte des mots émis (traduction comodale) et colmater cette perte par une récupération visuelle (défense transmodale).

Le concept d’attention

74Très en vogue à l’heure actuelle au travers du concept de troubles des processus d’attention dans le cadre de l’hyperactivité (Attention Deficit and Hyperactivity Disorders), ce terme est probablement devenu fort polysémique en fonction des cliniciens ou des chercheurs qui y recourent, parmi lesquels, bien entendu, les cognitivistes et les psychanalystes (depuis S. Freud jusqu’à W.R. Bion).

75S. Freud, dès 1911, insistait sur le caractère actif de la fonction perceptive, les organes des sens ne recevant pas passivement les informations de l’extérieur, mais allant au contraire au-devant d’elles, à l’extrémité des « organes des sens ».

76Dans ce travail tout à fait pionnier et précurseur, S. Freud soulignait que l’appareil psychique ne peut travailler que sur de petites quantités d’énergie et que, pour ce faire, il a besoin d’aller prélever, de manière cyclique, dans l’environnement de petites quantités d’information (nous dirions aujourd’hui à la manière du radar, ce qui souligne nettement l’aspect rythmique des processus en jeu).

77À la lumière des connaissances actuelles, il est tout à fait pensable que la substance réticulée du tronc cérébral puisse participer à ce filtrage périodique des perceptions, nous y reviendrons.

78En tout cas, toutes les données neurophysiologiques modernes vont, aujourd’hui, dans le sens de cette intuition freudienne d’une dimension fondamentalement active des perceptions, comme en témoignent, par exemple, les travaux sur les oto-émissions provoquées qui montrent bien que le stimulus auditif traité par le cerveau n’est en rien le son externe directement, mais bien le signal sonore homothétique au signal sonore externe et reconstruit, comme en miniature, par la cochlée.

79Quoi qu’il en soit, sur le fond de ces processus d’attention, c’est l’équilibre entre le couple mantèlement/démantèlement et les processus de segmentation qui va permettre l’instauration de la comodalité perceptive propre au bébé et, partant, qui va lui ouvrir la voie de l’intersubjectivité.

80Certaines études actuelles en neuro-imagerie (N. Boddaert et coll., 2004) semblent d’ailleurs montrer que la zone temporale décrite comme anormale au cours des états autistiques (soit le sillon temporal supérieur) serait une zone précisément consacrée à l’organisation comodale des perceptions, ce qui va bien dans le sens de la conception de la pathologie autistique comme entrave à l’accès à l’intersubjectivité, et donc dans le sens aussi d’un certain nombre des hypothèses présentées ici.

81Le concept de démantèlement, décrit par D. Meltzer (1980) à partir de son activité de thérapeute auprès d’enfants autistes et de la reconstruction de leur monde initial qu’il a pu en déduire désigne un mécanisme qui permet, en effet, à l’enfant de cliver le mode de ses sensations selon l’axe des différentes sensorialités, afin d’échapper au vécu submergeant d’un stimulus sollicitant sinon d’emblée et de manière permanente ses cinq sens simultanément (ceci étant vraisemblable pour les enfants autistes, mais plausible également pour les bébés normaux dont le fonctionnement passe, on le sait maintenant, par un certain nombre de mécanismes autistiques transitoires).

82Il s’agit donc d’un processus de type intersensoriel dont l’inverse, le mantèlement, permet au contraire à l’enfant de commencer à percevoir qu’il existe une source commune de ses différentes sensations qui lui est extérieure (noyau d’intersubjectivité primaire). C’est, bien évidemment, la mise en jeu du couple mantèlement/démantèlement qui s’avère ici essentielle.

83La segmentation permet de ressentir chaque stimulus sensoriel comme un phénomène dynamique et non pas statique, seul ce qui est en mouvement, nous l’avons rappelé, pouvant être perçu. Il s’agit donc d’un phénomène intrasensoriel, et non pas intersensoriel comme l’est le couple mantèlement/démantèlement.

84Mais nous pouvons supposer ici deux types de segmentation : une segmentation centrale et une segmentation périphérique.

85– La segmentation centrale serait celle décrite par S. Freud (1911), qui a été évoquée ci-dessus en prenant l’image du radar et dont la substance réticulée du tronc cérébral pourrait être en partie le support.

86– La segmentation périphérique serait pour une part une compétence propre au bébé par le biais de ses différents « sphincters » sensoriels, et pour une part le fruit d’une coconstruction interactive entre l’adulte et le bébé. Le bébé est, en effet, capable de segmenter lui-même ses différents flux sensoriels au niveau de la périphérie de son corps. L’exemple le plus clair est sans doute celui du clignement palpébral qui permet une segmentation, aussi rapide soit-elle, de son flux visuel, et l’on sait que certains témoignages d’adultes anciens autistes ont insisté sur la difficulté qui leur était apparue, au moment de l’émergence de leur coquille autistique, pour en quelque sorte apprendre à cligner des yeux, chose si naturelle pour les individus sains mais si peu naturelle pour eux.

87On peut utilement se demander si le cognement des yeux ou le bouchage des oreilles chez certains enfants autistes ou chez certains enfants gravement carencés, comme dans les situations de dépression anaclitique ou d’hospitalisme décrites par R. Spitz (1946), ne revêtent pas également cette fonction de segmentation périphérique quant à la vision et à l’ouïe.

88En ce qui concerne les autres modalités sensorielles dépourvues de « sphincter » sensoriel, à savoir le goût, l’odorat et le tact, les choses demeurent plus délicates à conceptualiser, mais les stéréotypies de tapotage, de léchage ou de flairage, rangées par D. Meltzer (1980) dans le cadre des processus de démantèlement, peuvent peut-être être conceptualisées dans cette perspective.

89– Mais par ailleurs, la segmentation périphérique des différents flux sensoriels peut aussi être le fait de la dynamique des interactions précoces.

90Nous ne citerons ici que le très intéressant travail de E. Friemel et N. Tranh-Huong (2004) qui montre bien l’impact de la qualité des interactions précoces sur les modalités de l’exploration par le bébé de son monde environnant.

91Quand les interactions sont harmonieuses, il existe une sorte de maturation repérable de ces modalités d’exploration : le premier mois de la vie serait consacré à la fixation du regard du bébé sur des cibles dites, par ces auteurs, « indéterminées », mais qu’on pourrait en fait définir comme rapidement changeantes (soit que le bébé ne fixe pas son regard, soit que le portage de la mère l’incite à changer sans cesse de lieu de focalisation visuelle) ; le deuxième mois de la vie permettrait la fixation visuelle du bébé sur le visage de la mère ; et le troisième mois de la vie serait dévolu à la découverte attentive des différents objets extérieurs grâce à une dynamique conjointe des regards du bébé et de la mère, et en appui sur le repérage précédent du visage maternel.

92Si les interactions sont inadéquates, ou même simplement neutres, cette maturation ne s’observe pas, et dans l’optique de ce travail, on peut sans doute dire que la segmentation visuelle demeure alors chaotique ou anarchique.

93En ajoutant, bien entendu, que ce qui vaut pour le flux visuel vaut aussi, probablement, pour les autres flux sensoriels.

94Finalement, et c’est là que nous souhaitions en venir, l’équilibre dynamique entre mantèlement/démantèlement et segmentation, qui se joue sur le fond des processus d’attention, paraît donc devoir être considéré comme se situant au cœur même des processus perceptifs, puisque seule une segmentation des différents flux sensoriels selon des rythmes compatibles permet le mantèlement des sensations, et donc l’accès à l’intersubjectivité.

95On peut aisément imaginer que cet équilibre comporte intrinsèquement une structure dynamique propre à chaque dyade, et c’est ce qui nous fait parler de structure des processus plutôt que des états.

96À titre d’exemple, la mise en rythme des flux sensoriels s’avère essentielle à l’avènement du langage, dans la mesure où celui-ci s’origine fondamentalement et irréductiblement dans l’intersubjectivité qui en est, sans conteste, la condition sine qua non.

97La voix maternelle occuperait alors ici une place particulière dans la mesure où autant la segmentation visuelle est physiologiquement aisée (grâce à la rythmicité du sphincter palpébral), autant la segmentation auditive est délicate (en l’absence de sphincter auditif, il faut se boucher les oreilles pour ne pas entendre, ce que certains bébés, seulement, savent faire).

98La voix maternelle, dont on sait l’importance pour la sémiotisation du monde de l’enfant, ne peut donc être segmentée que de deux manières, soit à partir de l’enfant lui-même (par la variation de son état d’attention), soit à partir du discours de la mère elle-même (quand elle procède à des variations sur la musique de son langage).

99Ceci suppose conjointement que les processus d’attention du bébé soient intacts et suffisamment mobiles, et que le langage maternel ne soit pas rendu par trop monotone du fait de telle ou telle psychopathologie, dépressive notamment.

100Ce que nous pointons là à propos du langage a, aujourd’hui, une valeur prototypique, mais il est clair que le même équilibre dynamique entre mantèlement, démantèlement et segmentation se joue probablement pour chacun des différents flux sensoriels et que la mère jouerait ainsi comme « chef d’orchestre » des différentes segmentations sensorielles de son bébé, comme un chef d’orchestre l’aidant à segmenter ses différents flux sensoriels selon des rythmes compatibles et, ce faisant, comme un chef d’orchestre l’aidant au mantèlement de ses sensations, et donc à une avancée progressive vers une intersubjectivité stabilisée (aucun objet ne peut, en effet, être ressenti comme extérieur à soi-même tant qu’il n’est pas appréhendé par au moins deux modalités sensorielles simultanées, ce qui a été bien montré par les cognitivistes, et ce qui souligne l’importance de la comodalisation comme agent central de l’accès à l’intersubjectivité).

101À défaut d’une telle fonction maternelle suffisamment efficace, le bébé ne pourrait alors que se raccrocher à un objet (interne ou externe ?) figé (éventuellement de type autistique ?), soit à un objet entravant simultanément ses processus d’attention, de mantèlement et de segmentation rythmée, et par là, son accès à une comodalité effective.

Populations étudiées

102Nous avons choisi cinq cohortes cliniques d’enfants à risque pour le développement de la communication ultérieure et deux cohortes témoins.

1031. Une cohorte témoin d’enfants sains (n = 16) et une cohorte d’enfants sains mais ayant été précocement hospitalisés pendant quelques jours pour une affection pédiatrique n’ayant laissé aucune séquelle. Cette deuxième cohorte dite « témoins hospitalisés » (n = 9) a été imaginée pour tenter de tenir compte de « l’effet hospitalisation » en jeu pour un grand nombre d’enfants des autres cohortes (cliniques). Ces deux cohortes témoins ont été pilotées par M. Leitgel-Gille.

1042. Une cohorte d’enfants présentant un syndrome de West (n = 48) caractérisé par la survenue d’une épilepsie précoce et par un fort risque d’autistisation secondaire (20 à 30 %). Cette cohorte a été pilotée par L. Ouss, en lien avec le service de neuropédiatrie de l’hôpital Necker-Enfants malades (Pr I. Desguerre), L. Ouss qui est actuellement la coordonnatrice de l’ensemble du programme.

1053. Une cohorte d’enfants souffrant de troubles de l’oralité (n = 22) soit pour des raisons métaboliques, soit pour des raisons malformatives (syndrome de Pierre Robin) et ayant donc dû, précocement et durablement, être nourris par sonde naso-gastrique ou par gastrostomie. Cette cohorte a été pilotée par R. Simas, en lien avec le service de pédiatrie générale (Pr V. Abadie) et l’unité métabolique (Pr P. de Lonlay) de l’hôpital Necker-Enfants malades.

1064. Une cohorte d’enfants de mères aveugles ou malvoyantes (n = 14), en collaboration avec l’Institut de puériculture de Paris (E. Thoueille et M. Soulé). Cette cohorte a été pilotée par C. Gosme.

1075. Une cohorte enfin d’enfants prématurés (prématurité légère ou moyenne). Cette cohorte a été pilotée par J. Wenke Motta De Castilho en lien également avec l’Institut de puériculture de Paris (Dr J.-F. Magny).

Méthodologie

108Nous ne pouvons détailler, ici, l’ensemble des protocoles mis en œuvre dans le cadre de ce projet lourd et dont les résultats sont encore loin d’être totalement exploités.

109Disons seulement que les enfants ont été filmés toutes les trois semaines pendant les neuf premiers mois de leur vie, puis suivis jusqu’à l’âge de 4 ans environ.

110Les enregistrements audiovisuels de la première période (de 3 à 9 mois environ) ont été réalisés selon une méthodologie incluant huit caméras afin de pouvoir suivre sans discontinuité les mouvements des mains des bébés.

111Chacun de ces enregistrements se composait de trois périodes de trois minutes : interaction libre de la mère avec le bébé installé dans un transat standardisé, comptine chantée par la mère (« Ainsi font, font, font, les petites marionnettes » ou équivalent pour les mères originaires d’autres cultures), jeu mère/bébé avec introduction d’un objet tiers (une petite girafe).

112Le suivi des enfants a été fait selon une approche « intégrative transdisciplinaire », c’est-à-dire une approche allant des précurseurs corporels et interactifs précoces jusqu’à l’émergence ultérieure des caractéristiques développementales (dont le langage), en se référant à trois axes principaux : les processus développementaux, les processus psychodynamiques et les processus d’attachement.

113Le premier objectif est de déterminer au mieux la trajectoire développementale des bébés à risque, dans ses différentes composantes multidimensionnelles et en recherchant des indicateurs précoces des troubles de la communication.

114Le second objectif est de déterminer s’il existe des spécificités dans les troubles de la communication préverbale précoce et dans la trajectoire développementale de chacune des cohortes de bébés vulnérables.

115Le troisième objectif est de préciser s’il existe des caractéristiques communes, soit un « core deficit » aux troubles précoces de la communication et à la trajectoire développementale.

116Le premier axe de travail concerne donc la narrativité préverbale grâce au dispositif évoqué ci-dessus (enregistrements répétés de 0 à 9 mois).

117De nombreux items ont été pris en compte et sont encore en cours de décodage, parmi lesquels la « curvité » des mouvements des membres supérieurs de l’enfant (analyse mathématique de la courbure des gestes).

118Le second axe de travail concerne le développement dans une perspective pluridimensionnelle (développement cognitif, communication précoce, attachement et interaction, fonctionnement psychologique, troubles psychopathologiques…).

119Il serait fastidieux d’énumérer ici l’ensemble des outils utilisés, et ce d’autant qu’un certain nombre de publications va être accessible au cours des mois à venir, publications qui donneront alors accès au détail de notre méthodologie.

120Citons seulement le test de Brunet-Lézine à 1 an et la wwpsi à 4 ans pour le développement cognitif, la cbi (Coding Interactive Behavior de R. Feldman) pour l’évaluation des interactions, la « Strange Situation » à 18 mois pour la typologie de l’attachement, la « Mallette projective de première enfance » de P. Roman pour l’évaluation psychodynamique et le suivi de l’utilisation de l’objet.

121L’évaluation du développement du langage a été pilotée pour toutes les cohortes par C. Clouard (orthophoniste dans le service) et M.-T. Le Normand (inserm) sur un double plan clinique et fonctionnel, à la fois qualitatif et quantitatif.

122L’évaluation psychopathologique enfin a été faite grâce à des outils permettant d’apprécier le tempérament du bébé, l’anxiété et la dépression des parents, le comportement de l’enfant à 3 ans (cbcl[2]) et les représentations mentales des parents enfin (Entretien-R de D.N. Stern).

123Comme on le voit, il s’agit d’un dispositif lourd mais qui donnera lieu, une fois l’ensemble des résultats publiés, à un thésaurus de valeur exceptionnelle par la richesse des informations recueillies et par la dimension longitudinale de la recherche (0 à 4 ans).

Analyse des données

124Les résultats cliniques ont été analysés par des étudiants engagés dans un travail de master de recherche ou de doctorat (voir la liste en annexe, p. 95, des travaux universitaires déjà aboutis), et ceci sous la direction de L. Ouss et de nous-même.

125Les résultats se situant plus spécifiquement dans le domaine du développement du langage ont d’ores et déjà donné lieu à une dizaine de masters d’orthophonie, sous la direction de C. Clouard.

126L’analyse des données mathématiques issues des enregistrements audiovisuels est actuellement en cours de finalisation par la société Arianapharma (Paris).

127L’analyse statistique, enfin, de l’ensemble des données a été conduite en concertation avec l’unité inserm 669 (Pr B. Falissard).

Résultats

128Dans le cadre de cet article, il est clair que l’ensemble des résultats disponibles ne peut être présenté de manière utile.

129Il y aurait même une certaine malhonnêteté à le faire dans la mesure où les chercheurs-cliniciens directement impliqués dans le suivi et l’étude de telle ou telle cohorte ne se sont pas encore personnellement exprimés dans des publications autres que leurs travaux universitaires.

130Cependant, à titre personnel, et en tant que responsable général de ce programme de recherche, j’ai tout de même envie d’indiquer quelques pistes de réflexion d’ores et déjà opérationnelles, simplement pour illustrer – dans le cadre de cet article – l’intérêt de ce programme de recherche déjà fort avancé mais encore très prometteur.

131À titre d’exemples :

  • la moindre curvité des mouvements des bras chez les bébés présentant un syndrome de West peut, dès la première année, permettre de dépister ceux qui courent le plus de risque de s’autistiser dans le courant de la deuxième ou de la troisième année de vie ;
  • l’attachement des bébés de mères non ou malvoyantes est beaucoup plus insécure que celui des bébés de la population générale, et leur communication préverbale est grevée du fait qu’ils fonctionnent très tôt comme interprètes du monde externe pour leur mère handicapée ;
  • une hospitalisation précoce, même brève et occasionnée par une pathologie bénigne sans séquelle aucune, laisse derrière elle des traces durables en termes d’attachement et de style des interactions ;
  • les retards de langage souvent observés dans le cadre des troubles de l’oralité sont moins liés à un défaut d’investissement de la zone orale qu’à des dysfonctionnements interactifs précoces occasionnés par l’anxiété parentale et notamment maternelle.

Conclusion

132Pour conclure, j’énoncerai seulement les trois axiomes du programme de recherche « pile » qui sous-tendent notre démarche et qui donnent une cohérence aux faits cliniques que nous observons quotidiennement :

  • il n’y a pas d’accès au langage verbal possible sans accès préalable à l’intersubjectivité, laquelle fonde en quelque sorte le registre de la communication préverbale ;
  • il n’y a pas d’accès possible à l’intersubjectivité sans rassemblement des différents flux sensoriels en provenance de l’objet, que l’on formule les choses en termes de mantèlement intersensoriel selon D. Meltzer (1980), ou de comodalisation selon A. Streri (1991, 2000), d’où l’importance du concept de synchronie polysensorielle des interactions (A. Ciccone, 2005) qui implique, en tant que cause ou conséquence, le fonctionnement du sillon temporal supérieur ;
  • il n’y a pas de possibilité de polysensorialité synchrone, enfin, sans segmentation (intrasensorielle) des flux sensoriels en provenance de l’objet, afin que ces flux soient mis en rythmes compatibles (qu’il s’agisse d’une segmentation centrale, périphérique ou interactive).
Autrement dit encore, l’accès au langage verbal est le fruit d’une longue histoire coconstruite par le bébé et les adultes qui en prennent soin, et l’origine des dysphasies est à rechercher bien avant l’époque des mots, au sein même du registre des interactions les plus précoces.


Annexe

Travaux universitaires issus du programme pile

1331) Christelle Gosme. Étude de l’attachement chez des mères aveugles et malvoyantes et chez leurs bébés. Mémoire de recherche présenté en vue de l’obtention du master recherche « Médecine scientifique, psychopathologie et psychanalyse ». Université Denis Diderot (Paris 7), École doctorale de recherches en psychanalyse. Mémoire codirigé par B. Golse et D. Candilis, et soutenu devant B. Golse et D. Candilis, Hôpital Necker-Enfants malades, Paris, le 24 septembre 2007.

1342) Roberta Simas. Histoires de bouches : de la bouche alimentaire à la bouche du langage (recherche d’indicateurs de troubles du langage et de troubles alimentaires chez les bébés soumis à des contraintes alimentaires dans le cadre d’affections pédiatriques, malformatives ou métaboliques). Thèse de doctorat présentée pour l’obtention du titre de docteur en « Médecine scientifique, psychopathologie et psychanalyse » de l’École doctorale « Recherches en psychanalyse » de Paris 7. Directeur de thèse : Pr. B. Golse. Président du jury : Pr A. Vanier. Rapporteurs : Prs D. Houzel et S. Missonnier. Membres du jury : Prs D. Stern et C. Trevarthen. ufr de sciences humaines et cliniques, Université Paris 7 – Denis Diderot, Paris, le 7 octobre 2008.

1353) Lisa Ouss. Approche intégrative et neuropsychanalytique. Suivi pluridimensionnel d’une cohorte de bébés épileptiques avec syndrome de West : de l’évaluation au soin. Thèse de doctorat présentée pour l’obtention du titre de docteur en « Médecine scientifique, psychopathologie et psychanalyse » de l’École doctorale « Recherches en psychanalyse » de Paris 7. Directeur de thèse : Pr B. Golse. Président du jury : Pr A. Vanier. Rapporteurs : Prs D. O. Dulac et N. Georgieff. Membres du jury : Prs D. Stern, C. Trevarthen et D. Widlocher. ufr de sciences humaines et cliniques, Université Paris 7 – Denis Diderot, Paris, le 8 octobre 2008.

1364) Noémie Sallantin. Étude rétrospective sur les processus d’apparition de Troubles Envahissants du Développement de l’enfant par la recherche de troubles interactifs et communicationnels du bébé malade traité pour un syndrome de West (ou spasmes infantiles). Mémoire de recherche présenté en vue de l’obtention du diplôme de master recherche « Médecine scientifique, psychopathologie et psychanalyse ». Centre de recherches psychanalyse et médecine (crpm). Directeurs de recherche : Dr L. Ouss et Pr B. Golse. Jury : Prs B. Golse et A. Vanier. Université Paris 7 – Denis Diderot, Paris, le 29 septembre 2009.

1375) Bérangère Rousselot-Pailley. Autisme et famille. Étude des endophénotypes au sein des familles d’enfants autistes. Thèse soutenue en vue de l’obtention du grade de docteur en psychologie. Université Paris Descartes (Paris 5), École doctorale « Cognition, comportement, conduites humaines ». Président du jury : Pr Didier Houzel. Directeurs de thèse : Pr B. Golse et Dr L. Robel. Membres du jury : Prs Pierre Delion (absent) et Alain Vanier. Institut de psychologie – Centre Henri Piéron, Paris, le 7 décembre 2010.

1386) Camila Saboia. Du jeu du bébé au jeu de l’enfant : une approche pour la compréhension de la construction de la relation d’objet chez l’enfant autiste (recherche d’indicateurs de risque d’autisme). Thèse de doctorat présentée pour l’obtention du titre de docteur en « Médecine scientifique, psychopathologie et psychanalyse » de l’École doctorale « Recherches en psychanalyse » de Paris 7. Directeur de thèse : Pr B. Golse. Président du jury : Pr A. Vanier. Rapporteurs : Prs D. P. Roman et R. Roussillon. Membre du jury : Dr G. Haag. ufr de sciences humaines et cliniques, Université Paris 7 – Denis Diderot, le 6 janvier 2011.

1397) Vanessa Serpa Leite. Attention conjointe précoce et interactions parents/enfants chez les bébés à risque développemental avec épilepsie précoce. Mémoire de recherche présenté en vue de l’obtention du diplôme de master recherche « Médecine scientifique, psychopathologie et psychanalyse ». Centre de recherches psychanalyse et médecine (crpm). Directeurs de recherche : Pr B. Golse et Dr L. Ouss-Ryngaert. Jury : Prs A. Vanier et B. Golse. Université Paris 7 – Denis Diderot, Paris, le 14 juin 2011.

1408) Christelle Gosme. Les liens d’attachement mère-enfant à l’épreuve du regard (étude longitudinale de 12 dyades de mères avec une déficience visuelle et leur bébé voyant de l’âge de 3 mois à 4 ans). Thèse de doctorat présentée pour l’obtention du titre de docteur en « Psychanalyse et médecine » de l’École doctorale « Recherches en psychanalyse » de Paris Diderot (Paris 7). Codirecteurs de thèse : Pr B. Golse et Mme D. Candilis-Huisman. Président du jury : Pr A. Vanier. Rapporteurs : Pr S. Missonnier et Mme R. Scelles. Membre du jury : M.B. Pierrehumbert. Hôpital Necker-Enfants malades, Paris, le 13 avril 2012.

1419) Marluce Leitgel-Gille. Mélopée interactive. Étude de la prosodie, du langage et des interactions entre le bébé et sa mère après une séparation, due à une hospitalisation précoce. Thèse présentée pour l’obtention du grade de docteur en psychologie de l’Université Paris Diderot (Paris 7). ufr sciences humaines cliniques. Directeur de thèse : Pr B. Golse. Président du jury : Pr A. Vanier. Rapporteurs : Mme M.-T. Le Normand et Pr A. Konicheckis. Membres du jury : Prs S. Missonnier et D. Mitanchez. Hôpital Necker-Enfants malades, Paris, le 21 décembre 2012.

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : langage, attention, prévention, intersubjectivité, communication analogique, communication digitale

Date de mise en ligne : 14/04/2014

https://doi.org/10.3917/cont.039.0069

Notes

  • [*]
    Bernard Golse, pédopsychiatre-psychanalyste (membre de l’Association psychanalytique de France) / chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker-Enfants malades (Paris) / professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris Descartes (Paris 5) / Inserm, U669, Paris, France / université Paris-Sud et université Paris Descartes, umr-S0669, Paris, France / lpcp, ea 4056, université Paris Descartes / crpms, ea 3522, université Paris Diderot / membre du Conseil supérieur de l’adoption (csa) / ancien président du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (cnaop) / membre du Conseil scientifique de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et des disciplines alliées (sfpeada) / président de l’Association Pikler Loczy-France / président de l’Association pour la formation à la psychothérapie psychanalytique de l’enfant et de l’adolescent (afppea).
    Adresse-contact Pr Bernard Golse, service de pédopsychiatrie, Hôpital Necker-Enfants malades, 149 rue de Sèvres, 75015 Paris-Fr. Courriel : bernard.golse@nck.aphp.fr
  • [1]
    D’importants sponsoring nous ont été accordés, et nous voulons témoigner, ici, de la générosité particulière des différents partenaires suivants : la filiale française d’eads (European Aeronautic Defence and Space Company), la Société française du radiotéléphone (sfr) et la fondation Bettencourt-Schueller enfin.
  • [2]
    Child Behavior Checklist.

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