Liens fraternels et handicap, De l’enfance à l’âge adulte, souffrances et ressources, Régine Scelles, Érès, 2010, 288 pages, 25 euros
« Certes, la vie des fratries comprenant un sujet handicapé n’est pas un long fleuve tranquille ; des souffrances aux effets pathogènes peuvent y émerger. Mais il est possible de les transformer pour en faire une expérience de vie positive. »
2Dans son dernier ouvrage sur les fratries confrontées au handicap, Régine Scelles signe un travail très intéressant, fondé sur l’expérience professionnelle qui est sienne depuis plusieurs années dans un service de soins et d’éducation spécialisée à domicile pour des enfants atteints de pathologies diverses, motrices, métaboliques, sensorielles et/ou psychiques. Chacune des dimensions abordées du lien fraternel est illustrée par des vignettes cliniques particulièrement fines, issues d’entretiens que Régine Scelles a menés au cours de sa pratique ou pour ses travaux de recherche.
3Les objectifs de cet écrit sont ainsi définis : contribuer, par l’amélioration de la compréhension du lien fraternel et de ses enjeux, à une meilleure prise en charge des fratries dont un des membres est handicapé et proposer une ouverture sur de nombreux questionnements liés à l’accompagnement des familles qui font face au handicap.
4En premier lieu, Régine Scelles explique la nécessité de replacer les situations particulières dans le contexte social et culturel qui est le leur. Il ne fait aucun doute pour elle que c’est la société qui organise les liens entre ses membres. Aussi, chacun se fait une représentation différente du handicap, et sont aujourd’hui regroupés au sein de ce concept toutes sortes de « symptômes », « troubles », « syndromes », « déficiences » et autres « maladies » ou « pathologies », encore mal différenciés, objets d’incompréhension et de stigmatisation. Dans tous les cas, la notion d’altérité est interrogée. La fratrie demeure elle aussi mystérieuse, « mythe de l’égalité et roc des différences » (p.40).
5Le second chapitre pose des bases théoriques importantes pour comprendre l’intérêt, les enjeux et la nécessité d’un travail sur la fratrie et plus spécifiquement sur celle confrontée au handicap d’un de ses membres (membre d’un même corps ?). Le « lien fraternel » est une transmission intergénérationnelle. D’après l’approche systémique, qui influence beaucoup le travail de Régine Scelles, la famille est un système (groupe) organisé et constitué de sous-systèmes (couple parental ; fratrie). Quand un élément du système est malade, c’est le groupe dans son ensemble qui est malade. La théorie psychanalytique du groupe propose qu’un « appareil psychique groupal », familial, servirait d’enveloppe et d’étayage à la psyché de chacun des membres du groupe famille.
6Un traumatisme peut entamer cette enveloppe groupale protectrice et mettre en danger l’intégrité et la survie du groupe dans son ensemble. Originairement, le frère est un égal et un rival. La fratrie forme un système complexe d’interactions, et le lien fraternel est par essence ambivalent. Les relations fraternelles demeurent dynamiques, faites de jeux d’alliances, d’affects, d’identifications projectives et de conflits.
7La troisième partie de l’ouvrage traite alors des différentes problématiques du groupe fraternel comprenant un sujet atteint de handicap. Si les fratries concernées ont fondamentalement toutes les caractéristiques des fratries « ordinaires », le handicap a des effets sur elles que familles et praticiens ont à repérer. Ce handicap n’est pas que celui d’un frère, il est aussi celui de la fratrie toute entière. L’autre est aussi l’égal de soi, et les processus d’identification mis en œuvre au sein du groupe fraternel sont extrêmement puissants. Plusieurs mécanismes sont donc activés dans les psychismes individuels qui coexistent au sein de la fratrie : honte, culpabilité, agressivité, jalousie, envie, ou encore différentes réactions liées à la dépression d’un parent. Le plus souvent, c’est une fonction soignante et la mise en place d’une relation fraternelle parentalisée qui viendront répondre au sentiment de vide intérieur, à la culpabilité, ou encore à la défaillance parentale possible. L’objectif sera alors de faire évoluer la relation fraternelle rendue problématique, asymétrique, pathologique, vers une relation plus horizontale, qui laisse une place aux identifications structurantes et à la différenciation, et va dans le sens d’une ambivalence reconnue. La parole est indispensable à ce travail, et les parents jouent un rôle fondamental dans la mise en œuvre et la gestion de l’agressivité, de la jalousie, et dans la construction identitaire de leurs enfants.
8Dans le quatrième chapitre, Régine Scelles revient sur l’aspect tellement mystérieux du handicap pour les enfants. L’adulte ne doit pas interdire les questions, il doit mettre son « appareil à penser » à disposition de l’enfant, l’aider à comprendre, à trouver du sens, un sens, aux événements énigmatiques de son existence. Le groupe famille prend ici toute son importance ; si l’impossibilité de mettre en mots demeure, l’expression par le corps peut être libératrice, mais elle implique la prise de grands risques pour l’enfant si elle est mal décodée par son entourage.
9Le caractère essentiel d’une conception dynamique de la fratrie est souligné dans les cinquième et sixième parties, qui posent la question du « devenir frère », celles de la place au sein de la fratrie, du rang de naissance, des écarts d’âges… et celles du moment d’apparition et/ou de l’annonce du handicap, des évolutions à venir, positives et négatives, de celui-ci. Tous ces éléments ont de nombreux effets sur les liens fraternels et leur transformation. L’intrication entre liens fraternels, vie familiale, vie sociale et handicap est complexe et comporte une dimension évolutive certaine.
10À l’adolescence, les conflits passés se réactualisent pour être réorganisés, le sujet se tourne vers l’extérieur. L’auteure rappelle l’importance des relations vécues dans l’enfance avec les frères et sœurs dans le développement de la sexualité ; sexualité souvent source d’angoisse pour l’entourage du jeune handicapé. Ici, chacun prend conscience des difficultés liées à la dépendance et au handicap. C’est un nouveau processus de deuil qui est activé. Un travail de « re-différenciation » est nécessaire, le frère risquant de s’enfermer dans un rôle parental ou, au contraire, de rompre brutalement les liens qui existent au sein de la fratrie.
11Un état des lieux d’ordre législatif sur la protection des adultes handicapés est alors proposé. Les problématiques soulevées par la tutelle d’un frère ou d’une sœur sur le sujet sont évoquées. Régine Scelles parle d’une dette de celui qui, en partie, dépend de l’autre. L’information est essentielle pour aider les familles et les fratries dont un des membres est atteint de handicap, et pour aider ce membre « particulier » à prendre part, tant que faire se peut, aux décisions prises à son égard.
12Le dernier chapitre de l’ouvrage propose une réflexion sur les pratiques et sur l’aide psychologique à offrir aux fratries ici concernées. Deux objectifs sont mis en avant : favoriser la création et l’évolution des liens fraternels, et aider à la subjectivation du handicap pour les frères, les sœurs, et les enfants handicapés. Les parents doivent être renforcés narcissiquement et le dialogue doit pouvoir s’instaurer entre eux et leurs enfants. Chacun doit se sentir le droit de s’exprimer, de questionner, même des phénomènes « insensés ». L’intérêt des entretiens familiaux et des médiations est souligné. Le « frère » peut finalement s’y inscrire comme un « co-thérapeute », de par sa fonction de support projectif et identitaire.
13En conclusion, l’auteure insiste sur les progrès qui restent à faire en matière d’intégration de la fratrie dans les dispositifs de prise en charge des personnes handicapées. La fratrie est une expérience positive en soi ; elle doit être considérée dans les propositions d’aide faites aux familles.
14Cet ouvrage est très complet en ce sens qu’il propose d’une part un ensemble de connaissances théoriques non négligeables et d’autre part, le partage par son auteure d’une expérience clinique extrêmement riche, longue de plusieurs années. Étudier, comprendre, et prendre en charge le sujet handicapé dans le contexte plus large qu’est le groupe famille semble une nécessité réelle après lecture de cet écrit.
15Anaïs Leroy
16Psychologue
Ergothérapie en pédiatrie, Aude Alexandre, Gwénaëlle Lefévère, Marie Palu, Barbara Vauvillé (dir.), Solal, 2010, 459 pages, 45 euros
17Un ouvrage original à l’initiative de l’ANFE (Association nationale Française des Ergothérapeutes) et coordonné par quatre ergothérapeutes impliquées à la fois dans la clinique et dans la formation.
18Elles ont su réunir des textes de collègues de milieux professionnels et d’expériences diverses pour nous présenter, quarante ans après la reconnaissance en France du diplôme d’État d’ergothérapeute, les multiples aspects de ce métier auprès des enfants. Les thèmes abordés sont regroupés en quatre parties : les enjeux théoriques et législatifs, l’intérêt et les modalités d’évaluation, les partenariats famille/institution et, bien sûr, les grands principes de rééducation et réadaptation.
19Un chapitre est consacré aux spécificités de l’action précoce, mais de nombreux autres thèmes sont familiers aux personnels de CAMSP. Qu’il s’agisse de l’annonce du handicap, de l’utilisation des tests, de la mise en place d’aides techniques ou de l’importance du jeu chez l’enfant, tous ces thèmes sont traités du point de vue de l’ergothérapeute. Cela fait l’intérêt du livre.
20Le parti pris de présenter un « métissage entre des modèles conceptuels et des notions concrètes d’accompagnement en rééducation et/ou en réadaptation » rend la lecture facile et intéressante aussi bien par des étudiants que par des professionnels expérimentés. Le choix des auteurs maîtrisant bien les sujets proposés est judicieux.
21C’est un ouvrage qui intéressera forcément ceux qui travaillent avec des ergothérapeutes et pour ceux qui n’ont pas cette chance, cela leur permettra d’en comprendre l’intérêt.
22C. Jeannin,
23Neuropédiatre
Handicaps, Le Journal des anthropologues, 2010, n° 122-123, 498 pages, 22 euros, +3,90 euros de frais de port, Association française des anthropologues (APA), Maison des sciences de l’homme, 54 bd Raspail, 75270 Paris cedex 06
24Sous la direction de Suzanne Chazan et d’Olivier Rachid Grim, ce numéro double du Journal des anthropologues (498 pages dont les trois-quarts consacrés au handicap), organise un vaste débat à propos de la dimension humaine, anthropologique, sociétale et politique de la situation des personnes handicapées et constitue une véritable somme sur le sujet.
25On y trouve tout d’abord des textes d’auteurs connus, rivalisant de documentation et d’érudition, comme ceux de Charles Gardou, d’Olivier-Rachid Grim, d’Henri-Jacques Stiker, d’Alain Blanc et d’autres, qui posent des regards croisés sur le sens que l’on peut donner à la situation de handicap et à la place des personnes handicapées dans l’humanité et dans la société. Sont ainsi successivement soulevés les problèmes d’identité, d’altérité, de solidarité, mais aussi l’importance de l’étude des mythes (pris ici dans la Bible avec le passage du Yabboq) dans la compréhension de cette passionnante question, ou encore l’intérêt de l’analyse de l’utopie de Walter Benjamin (1892-1940), pour comprendre la force de l’illusion contemporaine de la réparation du corps déficient.
26Après ces éclairages tout aussi savants qu’utiles, complétés d’un exposé très précis de l’évolution législative par Louis Moreau de Bellaing (lois du 30 juin 1975, du 2 janvier 2002, du 4 mars 2002 et du 11 février 2005), plusieurs auteurs exposent à la fois les avancées que représente la dernière loi, celle du 11 février 2005, au regard des aspirations grandissantes des personnes handicapées, mais aussi ses insuffisances et les difficultés de son application pratique. Pour la première fois en France, lors des débats à l’Assemblée nationale sont apparues, entre la droite et la gauche, deux conceptions opposées du handicap, qu’il serait abusif de réduire au tout personnel versus le tout environnemental. D’autres auteurs exposent les différences de conception, de représentation et de mise en œuvre entre des pays aussi différents que la France, la Belgique ou le Burkina Faso.
27Ce type de discussion se retrouve également, au moins partiellement, dans les deux articles concernant la scolarisation des enfants handicapés prévue par la loi : « De l’intégration scolaire à l’éducation inclusive » par Jean-Pierre Garel (p. 143-165) et la reconstitution historique « L’école handicapée : de la classe de perfectionnement à l’inscription scolaire obligatoire » par Roger Salbreux (p. 115-142). Malgré ces oppositions se dégage un point de vue commun à ces auteurs qui, sous des angles variés, considèrent tous la situation de handicap comme étant celle de la condition humaine dans ce qu’elle a de plus difficile et comme nécessitant une approche résolument transversale et pluridisciplinaire.
28À se procurer absolument.
29Odile Velin
30Pédopsychiatre
On ne lit pas tout seul !, Lectures et petite enfance, Sylvie Rayna, Olga Baudelot (dir.) Érès, 2011, 304 pages, 25 euros
31« Lire à Paris » est une association soutenue par la Ville de Paris, qui intervient dans les structures petite enfance depuis 1999 et s’est donnée pour objectif de développer la présence de lecteurs ou de lectrices, dans tous les relais d’assistantes maternelles de la ville, des centres de PMI, des centres sociaux, des foyers de l’enfance ou des centres d’hébergement mère enfant.
32Le texte de la quatrième de couverture commence par une citation d’un chercheur connu pour ses travaux, notamment l’expérience intersubjective dans la communication chez les tout petits (comment, pour nous comprendre, les bébés se saisissent de nos actions et de nos paroles [1]), Colowyn Trevarthen, lequel écrit : « La lecture, c’est la vie en compagnie. Elle est emplie de personnes fictives, d’endroits mystérieux, qui, tous, deviennent réels à nos yeux. De la petite enfance à la vieillesse, voilà à quoi servent les livres. Ils entraînent nos imaginations dans un véritable compagnonnage ».
33En fait l’ouvrage, après avoir présenté le processus de l’évaluation participative des actions de « Lire à Paris » autour des livres de la petite enfance, aborde les approches théoriques qui soutiennent ces actions, s’intéresse aux albums pour enfants et aux livres d’images autour desquels les « interventions de lecture » sont menées et se préoccupe enfin des pratiques de lecture et de l’indispensable regard pédagogique.
34Avec les tout petits, il ne s’agit évidemment pas ici d’un apprentissage de la lecture, mais d’approfondir ce qui se passe dans les rencontres intersubjectives et inter culturelles (n’oublions-pas qu’il s’agit-là de populations défavorisées et éventuellement migrantes), de réinterroger la valeur et la signification des albums de jeunesse d’aujourd’hui et d’autrefois ou d’ailleurs – de présenter les dispositifs innovants, engageant une diversité de partenaires, comme les « goûters littéraires », de susciter des pratiques d’évaluation participative.
35La lecture plaisir que promeut l’association « Lire à Paris » permet d’engager, de façon ludique et efficace, la difficile lutte contre l’illettrisme et l’exclusion.
36O. V.
Le handicap ou le désordre des apparences, Alain Blanc, Armand Colin, 2008, 255 pages, 27,10 euros
37J’ai découvert ce livre, qui n‘est pas très récent, lors d’une conférence donnée par Alain Blanc à l’UFR de Sciences humaines de Denis Diderot sur l’exceptionnel apport de Walter Benjamin à la compréhension du handicap. La question du handicap est une des plus sensibles qui soient. Les pièges de sa stigmatisation sont parfois très difficiles à déjouer, même avec la meilleure volonté du monde.
38L’auteur s’indigne de la pauvreté relative des études sociologiques sur ce thème, ce qui indique vraisemblablement un mécanisme d’évitement permettant de faire l’impasse sur certains traits fondamentaux de notre fonctionnement social. Il est effectivement certain que la déficience constitue en quelque sorte un trouble à l‘ordre public (comme la maladie mentale), que les personnes handicapées dérangent et que le handicap déstabilise les relations sociales par le « désordre des apparences » qu’il entraîne…
39Alain Blanc revisite les apports successifs de l’anthropologie, de l’histoire et de la sociologie, entre autres, les thèses de Victor Turner et de Robert F. Murphy sur le caractère liminaire de la situation de handicap, qui coince les personnes concernées dans un entre-deux peu confortable : la réaffirmation communautaire et participative (à la poussée de laquelle nous assistons depuis quelques années) et l’assignation définitive à cette place de « déficient » dans laquelle on reste hélas à jamais. Robert F. Murphy est un anthropologue américain lui-même handicapé, qui a analysé de façon très fine la situation induite par sa déficience progressive et les cheminements auxquels elle l’a contraint sur les plans corporels, existentiels, familiaux et sociaux.
40En revisitant les traductions de Walter Benjamin (dans son article du Journal des Anthropologues (p. 67-86) comme dans la conférence citée ci-dessus, Alain Blanc s’approprie, pour les appliquer à la situation de handicap, plusieurs des concepts de W. Benjamin, parmi lesquels :
- l’exposition, qui a naturellement plusieurs sens, dont l’exposition des enfants malformés, mais aussi celui de s’exposer au regard de l’autre, avec cette injonction moderne et insupportable, cette sorte de « barbarie positive » (G. Raulet, 1997), d’être le plus autonome possible, que l’on peut comparer au « keep smiling » américain ;
- le caractère « fantasmagorique » de la réparation de la déficience, dans la mesure où celle-ci brille par les multiples éclats des performances et des techniques et, tout en apportant aux personnes concernées le soulagement de la douleur, la réduction de l’inconfort, la sécurité des établissements spécialisé, elle peut aussi se lire comme la lutte toujours recommencée contre les dégâts du temps.
41Roger Salbreux
42Pédopsychiatre
43Secrétaire de rédaction
Les destins du développement chez l’enfant, Avenirs d’enfance, Bernard Golse, Érès, 2010, 285 pages, 25 euros
44Ce livre est en partie la reprise de textes publiés antérieurement, par exemple dans L’être-bébé, dans la perspective de dénoncer la confusion trop fréquente entre prédiction, prévision et prévention, mais aussi d’explorer les « effets de rencontre » et les « effets d’après coup » dans le champ du développement de l’enfant. Bien que craignant de ne pas souscrire à « la pseudo-modernité pédopsychiatrique actuelle », Bernard Golse s’inscrit au contraire complètement dans le mouvement qui a porté la naissance des CAMSP dans les années 70 et aussi dans leurs pratiques quotidiennes.
45Il avance en effet l’idée que, aussi génétiquement inscrite que puisse être notre vulnérabilité psychique, il y a toujours place pour des effets de rencontre et que le devenir ultérieur des processus psychiques à l’œuvre dans le champ de la petite enfance se joue également dans les effets d’après coup. À l’idée fondatrice du fonctionnement des CAMSP, notamment dans leurs fonctions de prévention, de dépistage, d’annonce et d’accompagnement, à savoir qu’à l’origine du développement, il est impossible de séparer le biologique du psychique et inversement, l’auteur adjoint une formulation complémentaire importante : « À la polyfactorialité de ce modèle, il faut ajouter que l’avenir n’est pas prévisible. Il se détermine en effet à l’interface des facteurs primaires (de vulnérabilité) et des facteurs secondaires (de maintien), lesquels ne sont que la partie connue de l’iceberg et où s’intriquent des effets de rencontre, des effets d’après coup, des éléments psychiques et relationnels et des facteurs exogènes, environnementaux au sens large, somatiques, alimentaires, écologiques, etc. ».
46La conséquence directe de cette position, également très familière aux praticiens de CAMSP, est que l’approche thérapeutique des enfants en cours de développement ne peut qu’être multidimensionnelle, position que j’ai personnellement déjà défendue dans les années 80 avec Roger Misès et Roger Perron.
47À la lumière d’une réflexion théorique très aiguisée, presque entièrement (mis à part René Bullinger) empruntée à la psychanalyse, Bernard Golse nous explique que le destin n’est ni définitif, ni prévisible, mais que la prévention reste possible, que l’avenir de nos positions infantiles demeure indéfiniment ouvert et que tous ceux qui prennent soin du bébé et de l’enfant par leur présence, leur attention, leurs interventions et finalement leur travail psychique, sont essentiels au développement de cet enfant.
48Une bonne base avant de se mettre à l’ouvrage !
49R. S.
Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars, Un parcours de recherche après Piaget, André Bullinger, Érès, 2e édition, 2010, 272 pages, 28 euros
50On ne présente plus André Bullinger, surtout à un public de professionnels des CAMSP ! Depuis de nombreuses années déjà plusieurs d’entre eux ont en effet eu la chance, soit d’entendre l’une de ses conférences, soit d’assister à l’une de ces réunions de partage autour de l’examen d’un enfant qu’il a toujours pratiquées avec bonne volonté. Ce livre merveilleux est la réédition de l’ouvrage princeps de 2004, préfacée par Pierre Delion, qui détaille longuement la genèse de ce qui est à la fois une fascinante approche clinique des enfants et de leurs parents (toujours présents lors de la consultation) et un approfondissement théorique progressif et rigoureux. Ce dernier porte principalement sur :
- la régulation des niveaux de vigilance ;
- les différents facteurs, hédoniques, instrumentaux et toniques qui conditionnent les conduites alimentaires du bébé et les troubles de la sphère orale ;
- la régulation tonico-posturale conçue à partir des flux sensoriels ;
- les difficultés de l’intégration sensorielle.
51Cette démarche théorico-clinique originale et éclairante, basée sur le concept d’instrumentation, le rôle des flux sensoriels et la régulation tonico-posturale se répandra sous le nom de bilan sensori-moteur de l’enfant et sa structure est suffisamment malléable pour s’adapter à chaque enfant afin d’explorer toute les facettes de son développement et d’ajuster au mieux les moyens thérapeutiques. Elle a été utilisée dans toutes sortes de pathologies du déficit à l’autisme et, dans cette dernière condition, à propos du dépistage du risque autistique.
52Cet ensemble de notions et ce mouvement, à la fois participatif et rigoureux, qui pose les investigations dans un statut d’aller et retour permanent entre les bases théoriques et la situation proposée, permet un ajustement au coup par coup, d’où résulte une meilleure compréhension de chaque enfant et de ses troubles. C’est ainsi que ce type bien particulier d’examen a conquis les psychomotriciens, les psychologues et les pédopsychiatres, devenus quémandeurs d’information est de formation. L’éparpillement des textes fondateurs a rendu nécessaire leur regroupement dans un livre, afin de satisfaire une demande grandissante.
53Livre de chevet pour tous ceux qui s’occupent d’accompagner le développement des enfants en difficulté.
54R. S.
Seul parmi les autres, Le sentiment de solitude chez l’enfant et l’adolescent, Sébastien Dupont, Érès, 2010, 310 pages, 28 euros
55Prolongement d’une thèse soutenue en 2008 et qui a obtenu le Prix de thèse 2008-2009 et à une époque où l’on nous demande toujours plus d’autonomie, même pour les petits enfants, tout comme pour les personnes handicapées, voire les personnes âgées, ce livre vient point nommé interroger le rôle du sentiment de solitude dans le développement de l’enfant et de l’adolescent et la constitution de soi.
56Au départ et comme le souligne René Roussillon dans sa « Volte-Face », la question a déjà été posée par D.-W Winnicott [2] dans De la pédiatrie à la psychanalyse quand il consacre quelques pages à « la capacité d’être seul en présence de l’objet ». De plus, J. Abram et R. Roussillon ont tenté de prolonger les propositions de D.-W. Winnicott concernant l’utilisation de l’objet et la survivance de l’objet et surtout R. Roussillon s’est préoccupé de penser la métapsychologie et les extensions de « La capacité d’être seul en présence de l’objet ». Sébastien Dupont tente à son tour d’explorer les colorations particulières de cette expérience selon les différentes économies pulsionnelles : il prolonge ainsi et amplifie l’intuition de D.-W. Winnicott, à savoir que la capacité d’être seul en présence de l’objet relève de la capacité d’être seul « face aux pulsions » en présence de l’objet.
57Le sentiment de solitude, fréquemment évoqué dans l’après coup par les adultes qui disent en avoir souffert pendant leur enfance, est l’agent affectif du long processus de séparation individuation du sujet grandissant. L’enfant, qui naît à la subjectivité dans la dépendance à son environnement, éprouve petit à petit la solitude psychique : il a l’impression de penser seul, de désirer seul, d’être unique… Mais il croit aussi ne pas être aimé, de ne pas exister aux yeux des autre, être exclu, abandonné…
58La dimension maturative de la capacité d’être seul en présence de l’objet apparaît alors essentielle : confronté au paradoxe des relations humaines, le sujet découvre et apprivoise sa propre solitude en présence des autres, ce qui lui permet d’apprendre à être « seul parmi les autres ».
59Sébastien Dupont nous ouvre ainsi le monde de la psychopathologie de la solitude, à l’œuvre dans l’hyperactivité, la dépression et bien d’autres troubles des conduites, ce qui ne manque pas d’applications intéressantes dans la pratique clinique.
60R. S.
Orages à l’aube de la vie, Liens précoces, pathologies puerpérales et développement des nourrissons dans les unités parents-bébé, Francois Poinso, Nine Glangeaud-Freudenthal (dir.) Érès, 2009, 245 pages, 23 euros
61Les Unités d’hospitalisation conjointe mère bébé (UMB) sont plus jeunes que les CAMSP et leur nombre en France assurément beaucoup moins important. Pourtant, elles procèdent du même esprit. Elles se réfèrent en effet de la même approche holistique de l’enfant et de sa famille, elles travaillent, dans des conditions bien évidemment différentes, mais sur la même relation parents-bébé, car les UMB n’oublient pas les pères. Comme pour les CAMSP, quelqu’un a pu dire à leur sujet : « Si les UMB n’existaient pas, il faudrait les inventer ». Cette innovation s’est située à l’hôpital Sainte Marguerite de Marseille et date en fait de plus de trente ans (1978), certes un peu moins que les CAMSP, mais dans le mouvement général des idées assez similaire à celui qui a entouré la naissance des CAMSP (1967-1976).
62Ce livre reflète les débats des journées UMB organisées à Marseille en 2003 par François Poinso et, comme lors des journées ANECAMSP, ont fait émerger les mêmes convergences de vues parmi les divers participants, assistantes sociales, infirmier(e)s, médecins, psychologues, puéricultrices, qui ont pu confronter leurs angoisses ou leurs doutes sur ce qu’il convient de faire, donc les indications, mais aussi leurs savoir-faire et leurs satisfactions.
63L’idée force des UMB est que la meilleure solution pour faire face aux difficultés psychologiques, psychiatriques et relationnelles maternelles et/ou parentales qui surviennent dans la période postnatale consiste à leur donner la possibilité de vivre dans un lieu spécialement aménagé pour permettre une expérience concrète de soins maternels dans un environnement contenant et autorisant un soutien intensif du couple mère-bébé. Ces unités s’adressent aux cas les plus graves qui auraient nécessité auparavant une séparation judicaire mère enfant et l’hospitalisation de la mère.
64Cet ouvrage est un bilan actualisé des recherches, des pratiques cliniques, des théorisations auxquelles donnent lieu les Unités Mère-bébé, encore considérées comme des lieux de soins innovants au carrefour du développement précoce des très jeunes enfants, du soutien à la parentalité, de la psychiatrie du nourrisson et de la prévention des troubles psychiques, notamment de l’enfant qui vient de naître.
65R. S.
Décrypter la différence, Lecture archéologique et historique de la place des personnes handicapées dans les communautés du passé, Valérie Delattre, Ryadh Sallem (dir.) Ceux qui font les défis (CQFD), 2009, 199 pages, 40 euros
66Aboutissement d’un colloque organisé par l’association « Ceux qui font les défis » (CQFD) sur ce sujet original et excitant, ce livre grand format, préfacé par Albert Jacquard, richement illustré, portant le même titre que la manifestation qui lui a donné naissance, retrace l’aventure d’un groupe de recherche composé de façon assez spontanée par des amis historiens et archéologues qui se sont intéressés à la place des personnes handicapées dans les communautés du passé.
67Aventure parce que, de métiers et de parcours scientifiques différents, les membres ce groupe se sont en fait retrouvés sur une grille de lecture nouvelle de leurs travaux (anciens ou en cours), autorisant une synthèse plus ou moins imprévue à poursuivre et à approfondir par la suite et portant non seulement sur les pratiques funéraires, mais surtout sur les soins, souvent ingénieux, les prises en charge du handicap, spontanées et informelles, sur le rejet ou l’acceptation de la différence de l’autre.
68En dépassant ainsi la perspective habituelle des fouilles archéologiques et des reconstitutions historiques, apparaît tout à coup une dimension humaine, vivante de ces civilisations anciennes, qui révèle l’existence de problématiques et de réponses sociales finalement si proches des nôtres que l’on serait tenté de les qualifier d’éternelles. On s’aperçoit par exemple que « C’est quand la guerre, la famine, les intempéries et les épidémies se déchaînent, que les comportements d’exclusion deviennent lisibles et s’exercent prioritairement au détriment des sujets les “moins rentables” ».
69Les témoignages qui se dessinent au fil de cette magnifique publication sont donc finalement plutôt rassurants. Mais ils nous permettent également de mieux comprendre la pérennité des représentations sociales du handicap et la difficulté de les mobiliser.
70R. S.
Tous inclus, Réinventer la vie dans la Cité avec les personnes en situation de handicap, Bruno Gaurier, Dominique-Anne Michel, Les Éditions de l’Atelier, 2010, 220 pages, 19 euros
71Ce livre est militant : il part de très nombreux témoignages provenant majoritairement de personnes à mobilité réduite, mais pas seulement (puisque l’un des auteurs a beaucoup travaillé au sein de l’APF), dans le dessein de montrer à quel point les personnes handicapées peuvent être discriminées dans tous les champs de la vie en société, vie scolaire, professionnelle, transports et dans la vie familiale, logement, sexualité, et même maltraitées dans les services hospitaliers par exemple ou dans les institutions spécialisées, le plus souvent par ignorance…
72Bruno Gaurier ayant pris une part active dans les groupes de travail qui ont contribué à la rédaction et à la traduction de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, votée par l’ONU en décembre 2006, ratifiée par la France en décembre 2009 et applicable en mars 2010, l’ouvrage, non seulement en donne le texte intégral, mais encore en utilise les différents articles pour démontrer qu’il est possible, si l’on veut, de réinventer un mieux « vivre ensemble » dans la Cité avec des personnes en situation de handicap.
73Au fil des chapitres, les difficulté ou insuffisances d’application de la loi du 11 février 2005, ainsi que les nombreuses reculades qui en résultent ne sont pas esquivées. L’ouvrage ne laisse en effet dans l’ombre aucun des aspects de la vie quotidienne des personne handicapées qui ne cessent de faire problème : dignité, libre choix, accès à tout pour tous, scolarité et éducation, emploi et vie professionnelle, vie affective, familiale et sexuelle et enfin pauvreté particulière de ces personnes, ici comprise comme une sorte de double peine.
74À propos des AVS, pour ne prendre que cet exemple, devant la demande de plus en plus forte des personnes handicapées et de leurs familles, la réponse, partielle, non pérenne, complexe et finalement inadaptée des Pouvoirs publics et de l’Éducation nationale relève, selon les auteurs, de la tendance habituelle au bricolage et de l’amateurisme de l’État en la matière. On ne peut qu’approuver : ne pourrait-on en effet concevoir une prise en charge moins discriminante et plus inclusive, sans réduction concomitante des soins et de l’accompagnement spécialisé et sans souffrance pour l’enfant ! Mais assurément ce serait plus coûteux.
75Loin de se tenir à des constats négatifs, l’ouvrage invite tous les acteurs, publics et privés, politiques, économiques, associatifs et également chaque citoyen, à tourner le dos aux idées reçues, à réinventer de fond en comble leurs habitudes, leurs réflexes, les lois, afin que la Cité devienne enfin celle de tous.
76R. S.
Les enfants du divorce, Gérard Poussin, Élisabeth Martin-Lebrun Dunod, 2e édition, 2011, 282 pages, 25 euros
77Ce livre est un classique : sa présentation serait quelque peu superflue, si la fréquence du divorce et sa précocité grandissantes, n’étaient devenues un phénomène de société et si le sort des enfants n’était trop souvent livré au hasard des recompositions familiales La discorde parentale n’engendre pas nécessairement des troubles psychiques : tout dépend de la nature et de la gravité de la mésentente, de l’âge de l’enfant, de ce qu’il a vécu et/ou acquis auparavant, de la façon dont sont organisées les suites de cette séparation. Un grand nombre d’enfants subissent néanmoins un véritable traumatisme qui peut s’apparenter à une maltraitance psychique.
78Les formes de cette souffrance psychique sont nombreuses : de l’anxiété au sentiment de culpabilité, de la dépression à l’angoisse d’abandon, y compris les efforts parfois désespérés pour protéger l’un ou l’autre parent, voire les deux. Mais ces effet de la séparation sont nettement moins délétères et durables que ceux liés à la mésentente conjugale persistante et que les effets à long terme, surtout si l’enfant reste associé aux disputes (enjeu, témoin, confident, porte-parole, etc.)
79Mais l’importance de ces séquelles peut être amenuisée par une prévention adaptée, allant de l’aide sociale à la prise en charge institutionnelle, de l’aide individualisée (à commencer par l’écoute de l’enfant), à la médiation familiale. Depuis la première édition, en 2004, de nouvelles lois sont venues modifier l’exercice de l’autorité parentale et rendre légale la résidence alternée. De nouvelles connaissances sont désormais disponibles sur l’impact de la séparation des parents sur leurs enfants, notamment sur « l’estime de soi » de ces derniers. Une nouvelle édition s’imposait, ce qui a entraîné la révision de plusieurs chapitres et des adjonctions nouvelles.
80Au titre de ces dernières, une partie supplémentaire, rédigée par l’équipe de La Passerelle à Grenoble, un lieu d’accueil parents-enfants pour l’exercice du droit de visite. Fondé et présidé par l’un des auteurs de cet ouvrage, La Passerelle est un lieu de médiation parent-enfant, travaillant en lien avec la justice sans pour être pour autant une instance judiciarisée, proposant des soutiens de nature éducative et sociale, sans être une structure dédiée à l’un ou à l’autre de ces pôles d’intervention, n’étant pas non plus un lieu de soins, mais pouvant avoir cependant un effet thérapeutique. Une pratique de vingt-deux ans constitue un exceptionnel laboratoire d’expériences et d’idées et mérite que chacun s’y arrête.
81R. S.
Nouvelles formes de vie et de mort. Une médecine entre rêve et réalité, Danièle Brun (dir.) Paris, Études freudiennes, 2011, 454 pages, 25 euros
82La société « Médecine et Psychanalyse » (SMP) organise annuellement, depuis 1993, un colloque sur différents sujets proposant une réflexion sur la prise en considération de la part psychique inhérente au soin médical, émanant de la pratique de la pédiatrie ou de la médecine à travers la psychanalyse, mais aussi de l’éthique, de l’anthropologie et de la sociologie. Ce volume représente les Actes du 12e Colloque qui s’est tenu à la Cité universitaire de Paris et dont le titre peut surprendre.
83Dès que l’on se penche sur le sujet, il est pourtant évident que les avancées de la médecine – et notamment les plus récentes, comme la réanimation ou les soins palliatifs – nécessitent des compétences médicales tellement sophistiquées et absorbantes que l’on pourrait oublier de s’interroger sur les désirs des patients, ceux de leur entourage et sur la position même des soignants. Les protocoles qui tentent d’encadrer ces activités nouvelles mesurent-ils à quelles conditions ces soins sont prodigués, pour les autres et pour soi-même ?
84Divers problèmes proches ou apparentés, comme les incidences de la génétique, des maladies évolutives, de la mort sociale que constitue le handicap et de la peur de la déchéance qui lui est liée, de l’acharnement thérapeutique et du déni qu’il implique, de l’acceptation de mourir et du deuil, tous ces éléments sont successivement pris en compte et développés par de nombreux orateurs parmi les plus qualifiés.
85Finalement, existe-il des facteurs psychiques qui orientent le sujet davantage vers la vie ou la mort ? Ou qui, du fait de l’amélioration des techniques, influencent les modalités d’accompagnement des proches ? Entre médecine et psychanalyse, quelle place réserver à l’humain ? L’une des intervenantes (Monique Schneider) s’interroge : « Et si l’on frôlait parfois la barbarie ? ».
86R. S.
Infirmité motrice cérébrale/Paralysie cérébrale : Prospective, la Fondation Motrice, 2009, 144 pages, 15 euros
87J’aime lire ! Cela fait plus de trente ans que j’essaye de provoquer le même goût chez mes collègues de travail ! Au vrai, je suis souvent aussi effaré que peiné par leur immobilisme en matière de partage des idées et des expériences. Je me permets aujourd’hui avec la sortie de cet ouvrage de leur dire qu’il faut absolument se le procurer, avant qu’il ne soit épuisé. La connaissance n’a aucun prix, et celui-ci est plus que modique. C’est l’un des livres les plus magnifiques qui soit. Éléments scientifiques et vécus, histoire et expériences innovantes, pudeur et vérité, s’associent ici de façon magistrale, le tout présenté comme un catalogue sur papier glacé de luxe.
88Non seulement, il s’agit de brosser les diverses réalités des sujets atteints d’une infirmité motrice cérébrale, depuis la néonatalogie jusqu’à l’handicapé vieillissant, mais il s’agit aussi de dessiner leur quotidien comme leur avenir. Pour cela, on a interrogé spécialistes, familles et intéressés.
89Il en résulte un panorama extrêmement vivant et stimulant de tout ce qui reste à faire, dans l’ordre des priorités exprimées : diminuer les douleurs spastiques et autres, accroître l’autonomie et la mobilité, développer les aides à la communication et au langage, favoriser le soutien au développement cognitif, comprendre les mécanismes lésionnels afin d’en limiter les effets, traiter les troubles associés – notamment l’épilepsie et les difficultés bucco-faciales, favoriser les programmes d’aide contre la fatigue et le vieillissement, veiller au soutien psychologique et au parcours individualisé de chaque personne IMC, développer les recherches technologiques en robotique, informatique, prothétique et autres, progresser en matière d’évaluation et, enfin, permettre l’accès facile à une information validée, en créant par exemple un centre-ressources national.
90Chacun a la parole et quelques services innovants sont présentés. On notera au passage que les parents et leurs enfants ne sont pas très demandeurs d’entretiens avec des psychiatres ou des psychologues, ce qui témoigne d’une mauvaise perception des besoins et des autres.
91Rappelons pour terminer que l’IMC touche près de deux naissances sur mille, soit en France mille huit cents nouveau-nés chaque année. Il faut saluer ce travail de la Fondation Motrice, jeune association née en 2006 avec le support de la SESEP (créée en 1947), du CDI (créé en 1959), et de l’APETREIMC (créée en 1978), autant d’associations qu’on ne présente plus, auxquelles se sont joints l’APF, la CNSA, les Caisses d’Épargne, etc. Il constitue là un ouvrage vraiment extraordinaire.
92Jean-Tristan Richard
93Psychologue analyste à Bondy
94Directeur adjoint du CAMSP de l’Institut de Puériculture et de Périnatalogie de Paris
Les handicaps psychiques, Concepts, approches, pratiques, Gérard Zribi et Thierry Beulné (dir.) Presses de l’École des hautes études en santé publique, 2009, 212 pages, 25 euros
95Pour tous ceux d’entre nous qui, œuvrant en CAMSP et/ou en SESSAD, ignorent ou connaissent mal le devenir des enfants et adolescents qu’ils côtoient, nous nous permettons de recommander cet ouvrage. Il brosse le panorama des problèmes et des solutions proposées aux personnes dites handicapées psychiques.
96Ainsi évoque t-il les ESAT (nouveau nom des CAT), les MAS, les SAMSAH, les SAVS, les foyers de vie et d’hébergement, les structures-relais, etc. On sait que l’on distingue aujourd’hui le handicap mental, défini essentiellement comme étant l’ensemble (d’origine génétique ou non) des déficiences intellectuelles, et le handicap psychique, entendu surtout comme résultantes psychologiques et sociales d’une maladie mentale avérée le plus souvent de nature psychotique. Dans les faits, il s’agit d’une population très hétérogène.
97Les auteurs, regroupés autour de G. Zribi et T. Beulné, abordent ces deux types de situations, puisque souvent elles sont associées, mais privilégient, comme leur titre l’indique, la seconde. Au-delà de la présentation clinique et critique de ce « double diagnostic », ils relatent l’ingéniosité des soignants et des travailleurs sociaux à mettre en place des services ouverts et créatifs, malgré le pessimisme et la pénurie ambiants.
98L’ouvrage se divise en cinq grandes parties. La première expose les problèmes d’identification et de diagnostic du handicap psychique. La seconde s’articule autour des dimensions du soin et du social, autrement dit de la psychiatrie et de la réadaptation. La troisième propose d’aborder la question du travail et de l’emploi pour cette catégorie de personnes, tandis que la quatrième concerne les autres aspects de la vie sociale : habitat, loisirs, etc. La cinquième et dernière partie est centrée sur le travail en réseau et la formation des professionnels.
99Au fil des chapitres où se croisent les propos de spécialistes de pays différents (France, Luxembourg, Italie…) et de métiers différents (psychiatres, psychologues, pédagogues, assistantes sociales, médecins du travail, responsables associatifs, sociologues, éducateurs spécialisés…), les expériences institutionnelles novatrices et les vécus des usagers, ce sont les thèmes des thérapeutiques, de l’intégration, de l’individualisation des parcours, etc., bref, de l’accompagnement, qui sont abordés.
100Ainsi, cet ouvrage constitue un indispensable exposé synthétique, théorique et clinique des conditions actuelles de travail et de vie de l’ensemble des acteurs.
101J.-T. R
Le handicap dans le monde, Denis Poizat, Érès, 2009, 218 pages, 25 euros
102Attention ! Contrairement à ce que son titre peut laisser présager, ce livre ne relève pas d’une approche ethnologique ou anthropologique. On n’y trouvera guère d’exposés détaillés des représentations du handicap dans d’autres cultures que la nôtre, celles qu’on disait hier « primitives » et qu’on dit aujourd’hui « exotiques », « traditionnelles », « en voie de développement », etc. On attend d’ailleurs toujours un ouvrage synthétique sur ce thème.
103D. Poizat nous présente donc là un livre relevant essentiellement de l’actualité des politiques sociales et de l’éducation comparée. Il nous donne ainsi accès aux directives et procédures mises en place pour prendre en charge ici et là les personnes handicapées ; que cela soit réellement pratiqué, peu à peu organisé, ou encore au statut de vœu pieux. Il nous emmène ainsi aux États-Unis, en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie, etc. Au-delà de ce périple, il articule les représentations du handicap d’aujourd’hui avec les coutumes, les croyances, les guerres, les progrès de la science. Plus loin encore, il nous conduit à nous interroger sur les difficultés qui traversent le souci universel de modernisation et d’intégration, tant la question centrale demeure, en tout temps et en tout lieu, de comprendre comment les sociétés humaines aspirent à un monde meilleur, c’est-à-dire plus humain. D’une certaine manière, il expose et met en tension divers binarismes : le privé et le public, la mesure et le flou, le différent et le semblable, l’eugénisme et le respect de la nature, etc.
104En d’autres termes, D. Poizat montre à l’œuvre dans le champ socioculturel l’ambivalence au cœur du pouvoir des mécanismes de déni et de culpabilité, le poids de la pulsion de mort et le rôle des processus d’adaptation et de sublimation. Au final, sur le fond, ce nouvel opus du professeur lyonnais vice-président du collectif « Reliance » s’avère moins imaginaire et psychologique que réaliste et politique.
105J.-T. R
Les professionnels de la périnatalité accueillent le handicap, Nathalie Presme, Pierre Delion, Sylvain Missonnier (dir.), Érès, 2009, 166 pages, 10 euros
106Depuis une dizaine d’années, il y a pléthore d’ouvrages relatifs à l’annonce du handicap. Notamment édités par Érès.
107Celui-ci n’apporte ni plus ni moins que la majorité d’entre eux. On retiendra cependant que les collaborateurs du présent livre proposent une approche pluriprofessionnelle des enfants et des parents soumis au traumatisme du handicap. Pédiatres, psychiatres, obstétriciens, psychomotriciens, kinésithérapeutes et puéricultrices témoignent donc ici de leurs pratiques dans des services néonatalogiques et dans des CAMSP et des SESSAD, auprès de grands prématurés à risque d’infirmité motrice cérébrale, de mères aveugles, d’enfants porteurs d’anomalies neurologiques, etc.
108Ils insistent au passage sur la nécessaire collaboration clinique lors des staffs, sur l’articulation entre les savoirs et les techniques constitués et la créativité, sur l’importance de l’accompagnement, notamment à domicile, ainsi que sur la prise en charge de la honte des enfants handicapés comme de leurs familles dans un contexte social qui reste, quoiqu’on en dise et veuille, ségrégatif.
109J.-T. R
Corps en miettes, Sylviane Agacinsk, Flammarion, 2009, 138 pages, 12 euros
110Par goût personnel et par éthique professionnelle, nous ne sommes guère enclins à juger les personnes. Malgré tout, on lira cet essai philosophique engagé. Il défend le droit français en matière de mères porteuses. Autrement dit, il s’insurge contre cette nouvelle modalité de procréation.
111Selon S. Agacinski, nonobstant les progrès en matière médicale et en matière de mœurs (cf. l’avortement, par exemple), il s’agit d’une nouvelle forme de barbarie. Parler de lever un interdit relève à ses yeux du mensonge et de la manipulation.
112Ainsi, dénonce-t-elle successivement le marché des corps et l’influence des comportements américains. Elle prône le biologisme naturel de la maternité contre le pseudo-altruisme des mères porteuses.
113Selon elle, il ne s’agit rien moins que de défendre la dignité et d’accepter la réalité de l’infécondité. La vie ne saurait être captive d’un imaginaire tout-puissant et mercantile.
114En d’autres termes, il y a des choses qu’on ne peut acheter et qu’on doit respecter et celles-ci se nomment simplement la condition humaine.
115J.-T. R
Trois capacités négatives, Adam Phillips, Éditions de l’Olivier, 2009, 120 pages, 15 euros
116Adam Philipps est un psychanalyste anglais. C’est dire que nous avons à faire à un praticien original ! On se permettra de citer les noms de A. Freud, M. Klein, M. Balint, J. Bowlby ou M. Khan. Même s’il se présente comme un élève de D.W. Winnicott et même s’il est aussi un éminent professeur de littérature, spécialiste de W. Shakespeare, W. Benjamin, T. Carlyle, G. Orwell, J.L. Borges, etc., A. Philipps dégage un courant d’air frais. On lui doit déjà plusieurs ouvrages aux titres presque iconoclastes : Monogamie, Le Pouvoir psy, Chatouilles, baisers et autres petits riens, Le Flirt, La mort qui fait aimer la vie…, édités chez Bayard et Payot essentiellement.
117Né en 1954 à Cardiff, de parents juifs polonais émigrés, il défend deux idées principales : la psychanalyse est d’abord une affaire de mots, donc d’écriture, en premier lieu ; la psychanalyse ne vise pas à soigner les gens, mais à leur montrer ce qui en eux est incurable, ensuite. Ainsi, tout psychanalyste devrait posséder un style propre, non pas abscons, saturé de pseudoscience et décourageant le lecteur. La psychanalyse devrait pouvoir s’adresser à chacun d’entre nous. Par ailleurs, tout psychanalyste est confronté à ce qui fait difficulté pour vivre heureux, aux vicissitudes de l’amour, du passage à l’âge adulte, de la peur de la maladie et de la mort, etc. Cela ne se guérit pas, mais s’apprivoise.
118Ainsi, ce dernier livre d’A. Philipps montre en quoi l’incomplétude, le doute, le mystère, le symptôme sont au cœur de la condition humaine, même psychanalysée ! Les trois « capacités négatives », en référence à une formulation du poète anglais du xixe siècle J. Keats déjà remarquée par W.R. Bion, dont il s’agit ici sont donc pouvoir être embarrassé, être perdu et être impuissant au sens de dépassé. Bref, ces trois situations placent l’être humain au cœur du désarroi et de la solitude, sans recours ni secours. La perfection n’est pas de ce monde, conclut notre auteur, tout en restant, paradoxalement, positif, voire optimiste. Un livre de philosophie psychanalytique original, vous dis-je !
119J.-T. R.
Le fils du printemps, Cristovão Tezza, Éditions Métaillé, 2010, 224 pages, 16,15 euros
120Cet ouvrage est un succès international mésestimé. Il a cependant obtenu de nombreux prix de par le monde, y compris en France, notamment le prix Charles Brisset, qui couronne des livres de fiction suite à la sélection d’un jury de psychiatres, et il a déjà été traduit dans plus de dix langues. Son auteur est un universitaire brésilien, né en 1953, auteur de nombreux ouvrages.
121Il nous raconte ici la vie et les réflexions d’un jeune homme, écrivain égoïste et paresseux, anonyme, n’arrivant pas à se faire éditer, ne parvenant pas à sortir de l’enfance et de l’adolescence, vivant aux crochets de son épouse. Ainsi n’a-t-il aucune envie de procréer et encore moins de s’occuper d’un enfant. Mais c’est ce qui va lui arriver, presque malgré lui. De plus, son enfant, Felipe, s’avère n’être pas le digne héritier de son père. Il s’agit d’un trisomique souffreteux. Dans le milieu du narrateur, ou par souhait de celui-ci, cela signifie qu’il est condamné à plus ou moins brève échéance à une issue fatale.
122Le roman nous décrit donc le long apprentissage de ce jeune père vers l’amour de l’autre. Au départ, suite au traumatisme et à la honte, il se réfugie dans l’humour noir. Puis, il espère que des stimulations intensives se transformeront en mode d’emploi pour effacer le handicap de son fils. Il s’agit là d’un ouvrage poignant où s’affrontent les passions humaines que nous nous permettons de vous recommander. Car, à l’instar de J.-L Fournier, dans Où on va papa ?, au-delà de l’ironie grinçante, il s’agit d’un apprivoisement initiatique constitué d’une succession de petites victoires. Libre à vous ensuite de le conseiller éventuellement aux parents d’un enfant porteur d’une anomalie génétique. On notera incidemment que le prénom même de l’auteur évoque le Christ et que cet ouvrage fait figure de rédemption.
123J.-T. R
Professionnels de la petite enfance : au risque des émotions, Pascale Mignon, Christian Nain (dir.) Les recherches du GRAPE, Érès, 2009, 160 pages, 23 euros
124Savoir conserver la « bonne » distance dans nos relations thérapeutiques avec les enfants et leurs parents ne relève pas d’une connaissance innée, ni d’un apprentissage scolaire. De plus, les relations professionnelles varient d’une culture à l’autre : elles ne sont pas les mêmes à Stockholm et à Marseille ! Ce qui est commun, c’est le risque que les émotions mises en jeu, qui ne manquent pas de surgir de manière attendue ou inattendue et qui constituent la base inévitable de tout accompagnement, ne les envahissent. Comment dès lors les élaborer ?
125Cette recherche conduite par P. Mignon et C. Nain propose un abord psychanalytique de cette problématique. En effet, il ne s’agit pas de se situer comme défenseur de principe de l’enfant et/ou de ses parents, de vouloir remplacer ces derniers en s’instituant comme modèles ou de se sacrifier sur l’autel de la réparation des misères du monde. Au contraire, il convient de questionner la place de chacun, de soutenir les liens, aussi ténus soient-ils, qui se tissent et de permettre un « pas de côté » afin de mieux entrevoir ce qui se joue.
126Cet ouvrage rapporte donc quelques réflexions générales et relate quelques expériences singulières. Cela passe notamment par une interrogation sur les notions de personne et de sujet (H. de Caevel), une présentation du travail de psychologues en crèche (M-C. Nagy et coll.), une défense de l’école comme lieu d’échanges linguistiques (C. Juliet-Delpy), une promotion des aires de jeu et d’illusion (A. Fonsagrive/P. Mignon), une acceptation de l’émotion contre-transférentielle (F. Vengeon), une attention créatrice aux enfants perturbés (M. Maurice). Divers lieux d’accueil de la petite enfance sont ici visités dans ces perspectives : centre maternel, crèche collective, pouponnière, placement familial, école. Un ouvrage de partage ouvrant à une disponibilité psychique en permanence travaillée.
127J.-T. R.
Analyse de la pratique en institution, Scène, jeux, enjeux, Catherine Henri-Ménassé, Érès, 2009, 256 pages, 25 euros
128La confrontation quotidienne aux difficultés de toutes sortes de nos frères et sœurs en humanité comporte de nombreux risques pour chaque professionnel des champs sanitaires et médico-sociaux et pour chaque équipe : identification, infantilisation, rejet, usure, clivage, déni, etc. On ne côtoie pas la délinquance, la maladie, la folie, le handicap, la mort, sans effet-retour.
129Depuis les travaux pionniers de M. Balint (1876-1970), le psychanalyste anglais créateur des célèbres groupes d’analyse des pratiques pour les médecins généralistes, la nécessité d’un travail clinico-institutionnel hebdomadaire ou bimensuel, supervisé par un intervenant extérieur, est devenue une évidence. Cet ouvrage constitue un panorama quasi complet de ce dispositif nécessaire. Il explique d’abord pourquoi et comment s’instaure un cadre d’analyse des pratiques dans un service ou une institution. Ce cadre est, et à la fois n’est pas, soin et formation ; il est surtout autre. En effet, au-delà des silences, il est ouverture à la parole inattendue de chacun et médiation par un tiers. En cela, il débouche toujours sur un questionnement de l’histoire et du projet, des alliances et des identifications, de l’idéalisation et du champ social et politique.
130L’auteure aborde ensuite la mise en place, concrètement, de la demande d’analyse des pratiques, puis le déroulement des séances, avec leurs rites, leurs butées et leurs limites. Elle insiste notamment sur les difficultés attachées à la répétition et aux attaques contre le cadre même.
131Nous nous limiterons à deux remarques : tout d’abord, elle clôt son ouvrage sur les modalités de mettre fin à ce travail ; or, il nous semble qu’il est par définition interminable. Ensuite, elle défend l’idée d’une formation universitaire à l’analyse des pratiques d’une ou deux années ; alors qu’il nous paraît que seuls des analystes expérimentés, formés aussi bien aux cures individuelles qu’à la dynamique de groupe, ayant travaillé de nombreuses années dans une ou deux institutions, peuvent assurer ce travail.
132J.-T. R.
Polyhandicap, handicap sévère, Activités motrices et sensorielles, François Brunet, Cédric Blanc, Anne-Catherine Margot (dir.) Éditions Actio, 2010, 356 pages, 33 euros
133On sait que nombre de parents, rejoints par nombre de professionnels, préconisent la stimulation, pour ne pas dire la sur-stimulation, afin de limiter le handicap des enfants porteurs d’une grave anomalie. Cet ouvrage complet s’adresse aux uns et aux autres, pour mettre à leur disposition des connaissances théoriques autant que des savoir-faire pratiques. Le but est de tenter d’améliorer la vie quotidienne des personnes sévèrement handicapées, voire polyhandicapées. De fait, il est évident que les perceptions et sensations diverses et multipliées peuvent les aider à être davantage en relation. Ainsi sont préconisés les massages, les mobilisations passives, les expériences sensorielles, les jeux aquatiques, les musicothérapies… nous ne sommes pas loin des méthodes mises au point pour les autistes et les autres enfants très handicapés : Doman, Teacch, ABA, etc.
134Nous ne reviendrons pas ici sur les limites de toutes ces méthodes, leurs espoirs réparateurs parfois démesurés, pour souligner que penser l’accompagnement de ces sujets implique de relever le défi d’articuler prise en charge nécessaire et réaliste et respect du sujet.
135J-T. R.
Fratries confrontées au traumatisme, Régine Scelles (dir.) Publications des universités de Rouen et du havre (PURH), 2009, 260 pages, 19 euros
136Les éditions des Universités de Rouen et du havre nous offrent là le compte-rendu d’un colloque qu’elles avaient organisé sous la présidence de Régine Scelles sur le thème des fratries confrontées à un traumatisme psychologique.
137Les différents contributeurs l’abordent d’abord sous l’angle théorique : la co-construction des self entre frères et sœurs à l’ombre des parents (B. Golse), la place du corps dans les échanges fraternels (P. Gutton), le poids des fantasmes trans-générationnels, du double et des désirs d’être enfant unique dans des situations particulières (A-A. Godard), etc. Ensuite, la place est donnée à la clinique : fraternité et handicap (R. Scelles), comment être le frère d’un handicapé mental (C. Metz), la mort brutale d’un frère ou d’une sœur dans l’enfance (J. Coq), l’entrée des fratries en service de néonatalogie (P. Corde), l’animation des groupes de fratries (C. Dayan)…
138On le voit, cet ouvrage fait le tour de nombre de situations spécifiques de plus en plus répandues et de mieux en mieux appréhendées. En effet, il incombe aux divers professionnels de faire face aux souffrances qui surgissent dans ces situations dramatiques chez les frères et sœurs et, partant, de tenter d’en limiter les résurgences ultérieures. Au-delà du poids du choc et du rôle de l’agressivité, la situation fraternelle et/ou sororale témoigne, par ailleurs, des capacités identificatoires et transformatives des enfants. À partir de là, chacun pourra mesurer la nécessité de créer des dispositifs singuliers pour les favoriser. Ce bel ouvrage est là pour y aider.
139J-T. R.
La théorie psychanalytique et l’enfant, Développement et temporalité, Alex Raffy, L’Harmattan, 2009, 480 pages, 39,50 euros
140Alex Raffy nous avait déjà gratifiés aux éditions Érès d’un volumineux traité de psychologie psychanalytique du développement de l’enfant en 2000, aujourd’hui déjà épuisé. On pourra donc découvrir à sa place ce nouvel ouvrage. Explicitant toujours les apports de S. Freud, M. Klein, J. Bolwby, D. Winnicott et surtout J. Lacan, il nous livre là encore un panorama exhaustif du devenir de l’enfant.
141En fait, l’auteur cherche ici à montrer qu’au-delà des étapes « classiques » de ce devenir, il existe une structuration subjective à l’œuvre, essentiellement soumise aux effets du langage. Il insiste donc sur la temporalité agissante de ces derniers, de même que sur notre regard sur elle.
142En d’autres termes, il n’y a pas d’enfant sans projection des mots de notre propre enfance sur lui. Comme si nous passions notre vie à courir après ceux-ci, à la rencontre de quelqu’un dont on nous aurait parlé ! Ainsi existe-t-il toujours un décalage, que ce soit face à un enfant dit normal ou à un enfant présentant une pathologie, pour ne pas dire un hiatus irréductible.
143Un sujet n’est jamais là où il croit être, pas plus que là où l’on voudrait qu’il soit. Ce volume constitue une fois encore un panorama complet des vicissitudes de l’existence comme de la théorie et de la clinique psychanalytiques de l’enfant.
144J.-T. R.