Contraste 2006/1 N° 24

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Article de revue

L'accompagnement de l'enfant en situation de handicap au sein du Réseau de santé Anaïs

Pages 93 à 109

English version

1Le Réseau de santé Anaïs est le premier réseau de santé qui organise la prise en charge ambulatoire de l’enfant handicapé (dans l’agglomération de Grenoble) quels que soient son handicap et son âge, à condition qu’il ne soit pas suivi par une structure spécialisée.

2Ce projet récent (une année d’existence) est né :

  • de l’expérience de professionnels libéraux qui éprouvaient le besoin de se rencontrer pour mieux assurer le suivi d’un enfant en situation de handicap ;
  • de la rencontre entre un pédiatre libéral et la mère d’Anaïs – cette dernière présente un syndrome de Williams Beuren, et son accompagnement s’est fait en libéral du fait de l’absence d’une structure adaptée à Grenoble.
Si la définition de l’accompagnement est de « se joindre à quelqu’un pour aller où il va en même temps que lui », la démarche du Réseau de santé Anaïs s’inscrit bien dans cette dynamique-là en permettant :
  • l’accompagnement des parents par le médecin qui pilote la prise en charge de l’enfant par les différents intervenants ;
  • l’accompagnement par l’équipe d’animation du réseau des professionnels qui interviennent auprès de l’enfant handicapé.

L’accompagnement en libéral de l’enfant en situation de handicap et de sa famille

3L’accompagnement de l’enfant en situation de handicap est assuré par l’ensemble des professionnels libéraux qui interviennent auprès de l’enfant. Le médecin pilote (pédiatre ou médecin généraliste libéral) est choisi par les parents afin d’assurer la coordination des soins et des rééducations, en fonction des besoins de l’enfant. Il est attentif à maintenir l’adéquation dans le temps des rééducations ou des soins en tenant compte de l’évolution de l’enfant. Il est également chargé d’assurer les liens avec l’école ou les structures d’accueil de la petite enfance afin que l’intégration de l’enfant tienne compte de ses compétences mais aussi des contraintes liées au milieu ordinaire. Comme tout médecin libéral, il lui arrive de participer à l’annonce du handicap lorsque la déficience s’installe progressivement.

4Une petite fille de 4 mois (Clara) est amenée par ses parents car elle ne fixe pas du regard et pleure beaucoup. Son examen est difficile du fait de ses pleurs, mais un bilan en milieu hospitalier est proposé avec un traitement anti-ulcéreux et une rééducation en psychomotricité. L’efficacité rapide du traitement médicamenteux va permettre à la mère de mettre en place des interactions satisfaisantes avec son bébé, qui devient disponible pour répondre aux stimulations suscitées par la psychomotricienne. L’amélioration clinique rapide rassure dans un premier temps le neuropédiatre hospitalier. Une surdité profonde est diagnostiquée lors de la recherche systématique d’un déficit sensoriel. Après une phase d’évolution positive du développement psychomoteur, Clara présente une période de stagnation qui entraîne la réalisation d’un bilan neuroradiologique. L’existence d’une atteinte centrale fait qu’une prise en charge au sein du CAMSP est proposée alors que l’enfant a plus de 1 an de vie.

5Cet exemple illustre les différents aspects qui peuvent caractériser la prise en charge ambulatoire :

  • La prise en compte immédiate de la douleur manifestée par ce nourrisson a instauré un climat de confiance entre les parents et le pédiatre libéral, lequel a répondu à leur demande et les a renforcés dans leur intuition à propos de leur bébé qu’ils percevaient en grande souffrance (c’est leur second enfant). L’approche globale du bébé répond aux attentes des parents qui ont besoin de poser des questions de toutes sortes concernant leur quotidien.
  • Le soulagement de la douleur a permis à la maman de trouver le contact avec son bébé. Elle a pu rapidement mettre en place des interactions adaptées, favorisées par l’accompagnement de la psychomotricienne (spécialisée dans les interactions précoces mère-bébé), intervenue très rapidement. Elle s’est dégagée du sentiment d’incompétence maternelle qui l’avait progressivement envahie lors des premières semaines et dont elle n’avait pas osé parler.
  • Le suivi pédiatrique ordinaire (consultation mensuelle) au cours duquel étaient abordés tous les aspects de la vie quotidienne de l’enfant a aidé les parents (le père est très présent et très interactif) à renforcer le sentiment qu’ils sont bien les parents de cette enfant-là dont ils percevaient les difficultés sans qu’on puisse encore les nommer. Ils ont très rapidement investi les soins et les stimulations nécessaires mais aussi les moments de joie aux signes d’éveil de leur fille. Ils ont exprimé leur plaisir à retrouver les gestes simples de maternage qu’ils avaient connus pour leur premier enfant.
  • Alors que la première hospitalisation a été rassurante (« simple retard de développement ») et n’a déclenché qu’un bilan restreint, l’observation clinique croisée de la psychomotricienne et de la pédiatre a permis d’accompagner les parents dans la prise en compte progressive des difficultés de leur enfant. Ce travail conjoint est indispensable mais il n’est réalisé que depuis peu en libéral, secteur dans lequel les professionnels sont habitués à travailler isolés au sein de leur cabinet.
  • La surdité profonde révélée par sa recherche faite à titre systématique a profondément changé le regard posé sur l’enfant par ses parents mais aussi par les professionnels. La prise en charge spécifique a entraîné une amélioration importante des capacités de communication de cette petite fille. L’éveil psychomoteur a été très net. Là encore, le partage des informations a constitué un élément important pour la cohérence de l’accompagnement proposé.
  • L’évolution favorable s’est infléchie à l’approche du bilan neuroradiologique demandé vers l’âge de 1 an. La phase de régression qui a suivi a d’abord été mise sur le compte du stress généré par la réalisation de ces examens mais ceux-ci ont confirmé l’existence d’une atteinte de la substance blanche. La prise en charge au sein du CAMSP a alors été programmée. Le rôle d’« aiguilleur » du pédiatre libéral a été possible par la mise en place d’un réseau autour de cette enfant et de sa famille – ce qui existe depuis longtemps dans les institutions dont la mission se situe dans le champ du handicap, mais qui est tout à fait novateur dans la pratique libérale.
L’accompagnement dans le temps de l’enfant en situation de handicap ne peut pas se faire sans prendre en compte la situation familiale dans laquelle il évolue.

6Un garçon de 4 ans (Hugues) présentant un déficit moteur qui perturbe légèrement sa locomotion est amené par sa maman. Elle parle très rapidement du départ du père, qu’elle relie à l’existence d’un jumeau (Raphaël) « en fauteuil roulant ». Au cours de la consultation, elle parle de son refus de laisser Hugues à son papa, le week-end, « puisqu’il ne veut pas Raphaël ». La rencontre avec ce père est proposée à la mère, à l’occasion d’une consultation médicale. Sont évoqués le rôle de chaque parent auprès d’un garçon en pleine « crise œdipienne » et la nécessité pour la mère de se reposer pendant qu’un des enfants serait chez le père.

7Le père vient accompagner Hugues lors d’une autre consultation et parle de son problème de dos qui l’empêche de soulever Raphaël pour la toilette et la mise au lit. Il souhaite le prendre mais pour de courtes périodes, le temps que son problème médical s’améliore et qu’il trouve une solution. On arrive à un compromis afin que chaque enfant puisse bénéficier de rencontres avec le père et que celui-ci ne soit pas discrédité dans sa fonction paternelle. De par la confiance qui se crée au fil du temps, le médecin peut replacer chaque parent dans sa perspective éducative. Le rôle du père est fondamental pour empêcher le repliement, souvent observé, de la mère sur l’enfant en situation de handicap, faisant obstacle parfois à une certaine prise d’autonomie. Dans d’autres familles, c’est le couple qui favorise la mise en place d’un fonctionnement en cocon qui peut devenir étouffant pour l’enfant. Au fur et à mesure que l’enfant grandit, des activités ludiques adaptées à son handicap, voire des séjours dans des centres de vacances adaptés, peuvent être proposées afin de l’aider à s’ouvrir à une vie sociale plus riche.

8La prise en compte de la fratrie est aussi un élément important de l’accompagnement familial.

9Théo est le second enfant d’une fratrie dont l’aîné Philippe, âgé de 6 ans, présente un trouble envahissant du développement (il est suivi en réseau). Son arrivée a profondément changé la constellation familiale. Les parents découvrent ce qu’est l’éveil d’un enfant ordinaire. Ils prennent conscience de la différence réelle de leur aîné et commencent à envisager une orientation vers une intégration collective en milieu scolaire ordinaire. Ce sont eux qui demandent le passage en CLIS à la fin de la scolarisation en maternelle.

10Après l’angoisse de l’attente, il leur a été difficile d’accepter ce bonheur inhérent aux progrès « faciles » de ce bébé qui évolue « tout seul » avec les seuls encouragements de ses parents. Les interactions entre Philippe et Théo sont étonnantes de facilité – en dehors des canaux habituellement repérés par les adultes. Philippe a réellement « grandi dans sa tête » et s’est attaché à montrer à ses parents qu’il était l’aîné. La naissance de son frère a été un facteur de maturation chez lui. La situation est devenue plus complexe à gérer lorsque Théo a dépassé en performance son aîné.

11Parfois, les soins de l’aîné en situation de handicap envahissent trop l’espace familial. Le second et même les suivants peuvent souffrir du manque d’attention des parents. Le médecin peut alors rappeler que la qualité de la relation qui doit s’instaurer entre chaque enfant et ses parents est indispensable pour le bon équilibre de tous – en particulier pour l’enfant handicapé qui doit apprendre à ne pas être le centre de la famille.

12Maintenir un mode de vie proche de celui des copains est indispensable pour favoriser une intégration sociale satisfaisante pour toute la famille. Cela nécessite de penser aux vacances, aux temps de loisirs et de rencontres « en famille » mais aussi sans l’enfant différent, qui peut alors partir en vacances dans des lieux adaptés.

13Ambroise présente peu à peu les séquelles d’une naissance difficile sous la forme d’une hémiplégie. Il lui faut de la kinésithérapie, puis de la psychomotricité et enfin de l’ergothérapie. Les longues marches en montagne, qui font partie des activités très appréciées dans cette famille nombreuse, posent problème lorsqu’il faut le porter sur de longues distances. Chaque enfant va exprimer de façon très différente, selon son âge, son degré de maturité, son rang dans la fratrie et son caractère, sa souffrance devant les difficultés d’Ambroise et son inquiétude pour son avenir et celui de la famille. Ambroise est longtemps convaincu qu’un jour il va se réveiller avec une jambe neuve qui marchera comme celle des autres. Lorsqu’il dépasse la date anniversaire qu’il s’était fixée pour voir accomplir ce miracle, il présente des signes de dépression légère. Peu à peu, il s’autorise, notamment lors de ces balades, à s’arrêter pour « reposer sa jambe » et se reposer.

14Lorsque l’enfant en situation de handicap naît dans une famille déjà constituée, le remaniement familial est important puisque chaque enfant est confronté à ce moment de bascule entre l’avant et l’après, en fonction de sa propre histoire. Il faut écouter la souffrance de chacun, ses interrogations, ses inquiétudes quant à son rôle auprès de ce nouvel enfant différent, en tenant compte des phénomènes d’ambivalence (jalousie/amour) suscités par toute naissance. Chacun va réagir en fonction de son niveau de développement psychoaffectif, cognitif et social. De nouvelles interrogations apparaissent à chaque étape de sa vie : il faut être vigilant et les susciter afin d’éviter que l’enfant ordinaire ne se construise avec le handicap « en creux », comme un vide qu’aucun mot ne vient combler et qui ne prend aucun sens dans sa vie. Élaborée au fur et à mesure avec l’aide de ses parents, du pédiatre et parfois d’un psychothérapeute, la confrontation avec le handicap peut devenir un élément de maturation et de développement psychique renforcé. La façon dont les parents donnent leur place à chaque enfant est alors fondamentale. Il n’est bon ni pour l’enfant handicapé, ni pour les autres, que toutes les forces vives de la famille lui soient réservées. Le pédiatre peut être là pour le rappeler à chacun, parents et enfants. Ouvrir l’espace familial sur ce que la société propose est nécessaire pour sortir d’un huis clos sclérosant pour chacun.

15Le travail en réseau ne peut se limiter à la seule prise en compte des aspects médicaux du handicap. Il comprend aussi l’accompagnement dans la vie scolaire afin que l’enfant s’intègre le plus possible dans un cadre de vie ordinaire.

16Il y a dix ans, il était proposé aux parents d’Anaïs, qui présente un syndrome de Williams Beuren, qu’elle soit « gardée » au fond d’une classe de maternelle avec, comme seul projet, une simple « socialisation ». Actuellement, elle prépare le brevet des collèges. Les prédictions négatives de certains professionnels (« Elle ne peut pas apprendre à lire, car elle a un syndrome de Williams : voyez la réalité en face ») n’ont pas réussi à dévier le projet de vie que ses parents ont construit petit à petit en partant de ce qu’ils percevaient de leur fille.

17Il y a dix ans encore – lors d’une réunion de CCPE et devant quinze personnes anonymes – alors que les parents parlaient de Charles (ancien grand prématuré et donc dyspraxique et dyslexique), l’inspecteur leur assène d’un ton péremptoire et méprisant que leur « enfant ne sera jamais ingénieur ! ». Le père est électricien et la mère employée de bureau : ils souhaitaient simplement que leur enfant puisse apprendre à lire et à écrire dans l’école de son quartier. Il y est finalement entré deux ans plus tard, après avoir bénéficié d’un enseignement au sein d’une classe à effectif réduit. Grâce à l’aide d’une des premières auxiliaires de vie scolaire, il y est resté jusqu’en CM1, découvrant le bonheur d’avoir des copains de quartier et acquérant un niveau de CE2. Ses parents ont entendu lors d’une réunion au collège à la fin de la scolarisation en UPI qu’il leur fallait « faire le deuil de l’enfant normal » ! Comme si depuis le temps, ils n’avaient pas compris que leur enfant était différent !

18Dans ces deux cas, le travail de mise en relation du médecin et des rééducateurs (kinésithérapeute, orthophoniste, psychomotricienne, orthoptiste et depuis peu ergothérapeute et neuropsychologue) avec l’école a permis de mettre en place un étayage adapté aux besoins de l’enfant. Le projet éducatif se transforme avec le temps en projet de vie sociale avec, par exemple pour Anaïs, la préparation d’un CAP petite enfance et pour Charles un projet de formation dans l’animation. La « naïveté » des professionnels qui les ont suivis les a peut-être protégés d’idées préconçues sur ce que « devait être » leur parcours.

19Ce travail de mise en lien des différents intervenants, courant dans les établissements, est novateur en ambulatoire où l’aspect éducatif était peu pris en compte. Les passerelles entre les deux secteurs se sont révélées très enrichissantes pour chacun : les enseignants ont bénéficié des connaissances des professionnels ; les rééducateurs se sont appuyés sur les demandes de l’école pour orienter leur prise en charge ; les parents se sont sentis soutenus dans leurs efforts pour favoriser les apprentissages de leur enfant tout en prenant en compte la réalité de l’école et ses contraintes.

L’accompagnement de la famille et des professionnels au sein du Réseau de santé d’Anaïs

20Le handicap ne laisse personne indemne : ni les parents ni les professionnels. Chacun est mis face à lui-même, à ses propres compétences, à ses manques et à ses limites. Le reconnaître permet à chaque professionnel d’adopter une démarche qui facilite l’empathie, à condition de ne pas se laisser envahir par ses affects. Il est important qu’il ait lui-même d’autres appuis de façon à offrir un étayage solide autour de l’enfant et de sa famille. C’est pour répondre à ce besoin que le Réseau de santé Anaïs a été créé, proposant une démarche classique dans les structures spécialisées mais nouvelle dans le monde libéral où habituellement les professionnels travaillent seuls.

Présentation du Réseau de santé Anaïs

21Parce qu’il est difficile de gérer seul l’accompagnement de l’enfant porteur d’un handicap et de sa famille, le Réseau de santé Anaïs propose aux professionnels de santé libéraux un support logistique. Il leur permet d’assurer en ambulatoire l’accompagnement et les soins des enfants (de 0 à 18 ans) domiciliés dans l’agglomération de Grenoble, présentant un handicap (quel que soit son type) ou un trouble du développement qui nécessite une prise en charge multiple et persistante dans le temps (enfants non suivis au sein d’une structure spécialisée).

22Le Réseau de santé Anaïs a également pour objectif de favoriser le dépistage précoce du handicap chez l’enfant, de promouvoir des actions de sensibilisation auprès des parents et d’améliorer la formation des professionnels qui interviennent auprès d’enfants handicapés (quels que soient leur mode d’exercice et leur champ de compétences). Cette prise en charge a la particularité de pouvoir débuter immédiatement, dès la constatation des troubles et donc sans attendre qu’un diagnostic soit posé ou une décision d’orientation soit prise. Elle recherche l’implication des parents dans les projets thérapeutique et éducatif définis avec l’ensemble des intervenants. Elle favorise la coordination des soins et le partage des informations entre les différents intervenants. La rencontre régulière des divers professionnels intervenant auprès de l’enfant favorise le partage des informations et la prise en compte de son évolution dans le temps. Lorsque cela est nécessaire, les professionnels participent aux réunions de coordination qui ont lieu au sein des structures d’accueil et/ou de l’école.

23Chaque professionnel s’engage à respecter le mode de fonctionnement du réseau, qui repose sur le partage des informations concernant l’enfant handicapé, telles qu’elles sont définies dans le document de suivi de l’enfant. Il participe aux rencontres régulières de façon à coordonner sa prise en charge avec celle des autres professionnels, tout en tenant compte de son évolution. Il informe les parents sur les conclusions de l’observation réalisée auprès de leur enfant et sur les caractéristiques de son évolution. Le médecin pilote sollicite l’accord des parents aux propositions de prise en charge de leur enfant. Le financement est assuré par la dotation régionale de développement des réseaux (DRDR), le conseil général et des subventions privées.

24Le Réseau de santé Anaïs propose également des formations interdisciplinaires sur le thème du handicap chez l’enfant. Ces manifestations sont ouvertes à tous les professionnels intéressés par les sujets proposés quel que soit leur mode de travail dans le domaine du handicap ou de l’enfance (libéral ou salarié) et quelle que soit leur spécificité (médecin ou auxiliaire médical). Le but est de partager les connaissances et les compétences de chacun dans la prise en charge du handicap chez l’enfant. Comprendre le langage et les référentiels des autres professionnels est une première étape pour favoriser les échanges et intégrer la spécificité de chacun dans le projet de soins de l’enfant.

25Les formations proposées par le Réseau de santé Anaïs se présentent sous deux formes :

  • Des soirées dans lesquelles des professionnels locaux ou régionaux interviennent sur un thème précis. La rédaction du sujet abordé est intégrée dans un « manuel d’accompagnement de l’enfant handicapé et de sa famille à l’usage des professionnels » qui servira de référentiel aux professionnels du réseau. Dans un premier temps, les bilans réalisables dans les différents domaines (neurologie, ophtalmologie, orthoptie, ORL, psychiatrie, rééducation fonctionnelle, psychologie, orthophonie, kinésithérapie, psychomotricité, ergothérapie, neuropsychologie, médecine scolaire) ont été présentés. Actuellement, certains thèmes sont déclinés dans leurs diverses approches (médicales, rééducatives), comme l’autisme, la dysphasie et l’hémiplégie.
  • Une journée de formation « Handicap chez l’enfant : fiches pratiques » dont le thème cette année était « La communication avec le jeune enfant handicapé ». Les interventions en séance plénière sont complétées par des ateliers où sont proposées des pratiques spécifiques. Par exemple les thèmes de cette année étaient : l’éveil par le jeu, l’éveil sensoriel et les méthodes de communication précoce (Makaton, DNP). Cette approche interdisciplinaire sur le thème du handicap est novatrice en pratique libérale alors qu’elle est très présente dans les institutions qui interviennent dans le champ du handicap.

L’accompagnement des professionnels

26Le parcours de l’enfant au sein du Réseau de santé Anaïs donne un fil conducteur au médecin pilote qui est chargé d’organiser les réunions de coordination avec les différents intervenants et les parents, après avoir réalisé un examen clinique spécifique et recueilli les résultats des bilans demandés. Les projets thérapeutique et éducatif de l’enfant sont discutés avec les parents de façon collégiale en réunion de synthèse avec les intervenants. Le rythme des réunions de suivi est défini en fonction des besoins de l’enfant (au moins deux fois par an).

27Une fiche de suivi est rédigée à cette occasion par chaque intervenant et par les parents, en tenant compte des objectifs qui avaient été posés, des progrès de l’enfant dans chaque domaine et des nouvelles perspectives d’évolution. Si l’enfant est en collectivité (lieu d’accueil petite enfance, école), une rencontre régulière avec les personnes qui le côtoient est possible. Les rencontres à l’école peuvent être informelles ou formalisées par un projet d’accueil individualisé ou un projet d’éducation intégrée. La secrétaire du réseau assure la diffusion des informations. Les professionnels peuvent faire appel au médecin coordonnateur ou à tout autre professionnel déjà impliqué dans la démarche réseau s’ils ont besoin d’un conseil ou d’un renseignement concernant un enfant handicapé ou sa famille. L’équipe de coordination n’a qu’un rôle d’animation et d’organisation du réseau. Il n’y a pas de hiérarchie entre les différents intervenants professionnels.

L’accompagnement des familles

28L’accueil d’un enfant au sein du Réseau de santé Anaïs représente pour ses parents :

  • des avantages : prise en charge financière des temps de coordination entre professionnels ainsi que de certaines rééducations ou bilans faits dans le cadre d’actes dérogatoires financés par la DRDR ; participation à des temps de réflexion et de formation sur le thème du handicap ; accompagnement, en cas de besoin de l’enfant, par un éducateur spécialisé ;
  • des contraintes : les parents devront suivre les propositions thérapeutique et éducative décidées en accord avec eux, avertir le médecin pilote en cas de changement ou de difficultés dans la réalisation pratique de ces propositions.
Des rencontres avec les professionnels sur un thème lié au handicap leur sont proposées, à leur demande. Ils peuvent également participer, s’ils le souhaitent, à des groupes de parole organisés par des associations de parents en lien avec le réseau.

29L’équipe d’animation du réseau (médecin coordonnateur, animatrice, éducateur spécialisé, secrétaire) est disponible pour toute demande plus spécifique concernant le handicap de l’enfant. L’animatrice du réseau a des contacts réguliers avec eux afin de déterminer leurs besoins éventuels et y répondre quand c’est possible.

Les limites de l’accueil au sein du Réseau de santé Anaïs

30C’est une expérience nouvelle (une année de fonctionnement) qui s’intègre dans le champ médico-social du handicap et peut répondre aux besoins de certains enfants. Ses limites sont atteintes lorsque l’étayage autour de l’enfant et/ou de sa famille nécessite l’existence d’une équipe de professionnels habitués à travailler ensemble régulièrement. En effet, le rythme des rencontres autour d’un enfant pris en charge au sein du réseau Anaïs est d’au plus une fois par trimestre. Les professionnels libéraux se rencontrent seulement à cette occasion. Il ne peut pas y avoir de réel travail d’équipe comme cela est possible au sein de structures telles qu’un CAMSP ou un SESSAD où tous les professionnels se retrouvent régulièrement en équipe pour parler des enfants. En revanche, pour les professionnels libéraux, c’est une expérience nouvelle puisqu’ils ne sont plus isolés dans leur cabinet.

31L’implication des parents est également très forte car c’est sur eux que reposent les démarches et l’organisation des accompagnements. L’absence d’un lieu de rencontre précis (les soins et les rééducations se faisant dans les cabinets des professionnels) ne permet pas d’échanges réguliers avec l’équipe d’animation du réseau ni de rencontres « fortuites » avec d’autres parents. Disposer d’un lieu unique où tout est pris en charge est nécessaire pour que certains parents puissent « poser les valises ». D’autres parents préfèrent ce mode d’accompagnement en raison de sa plus grande souplesse dans les modalités de prise en charge, dans le choix des intervenants, de l’absence d’effet seuil pour ce qui concerne l’âge de l’enfant et la place qui leur est faite dans les prises de décisions. Certains parents refusent la prise en charge au sein du Réseau de santé Anaïs pour rester les seuls maîtres des décisions qui touchent leur enfant.

32L’accompagnement de l’enfant au sein du Réseau de santé Anaïs repose sur le médecin pilote. Celui-ci peut ne pas avoir une grande expérience dans le domaine du handicap au niveau médical ni au niveau administratif. Le réseau propose des formations et un soutien logistique mais cela demande un engagement réel de la part du médecin, qui est beaucoup sollicité par ailleurs. L’accompagnement par le médecin coordonnateur du réseau peut ne pas suffire pour l’aider à remplir sa mission. Le réseau fait le pari que petit à petit les rencontres interdisciplinaires et les formations permettront d’améliorer l’accompagnement de l’enfant en situation de handicap mais, dès que la situation est trop complexe, le relais doit être pris par une structure spécialisée.

33Certains professionnels libéraux refusent de participer aux rencontres interdisciplinaires organisées autour de l’enfant. Ils ont peur de perdre leur autonomie dans la conduite de leur prise en charge. Bien que le réseau de santé se définisse par une organisation horizontale des soins, ils perçoivent le médecin pilote comme celui qui aurait le pouvoir de décider de ce qui doit être fait auprès de l’enfant. Parfois, c’est une expérience passée au sein d’une structure qui est évoquée ; parfois, c’est le respect du secret de la relation avec l’enfant qui est mis en avant. C’est à chacun de trouver comment il peut le mieux accompagner l’enfant : une étude montre que le meilleur indice de réussite thérapeutique – quelle que soit l’école thérapeutique de référence – est le charisme du professionnel.

Conclusion

34Appréhender l’enfant en situation de handicap dans sa globalité est d’autant plus nécessaire qu’il se révèle vulnérable, tout comme ses parents : son approche ne peut pas se limiter à la seule prise en compte de sa santé physique. La pratique médicale change actuellement : elle s’adapte aux nouvelles attentes des parents et de la société. Favoriser l’intégration en milieu ordinaire, préparer l’insertion dans une vie d’adulte socialisée ne sont envisageables que si le dépistage des troubles est précoce, si les soins sont adaptés aux besoins de chaque enfant, si les liens entre l’équipe soignante et l’équipe éducative sont mis en place d’emblée et si la famille est associée à chaque prise de décision. Cette guidance familiale est nouvelle pour nombre de pédiatres et de médecins généralistes. Elle nécessite une bonne connaissance du handicap, de l’enfant et de sa famille mais aussi du fonctionnement de l’école et des structures spécialisées. Elle présente une « bonne » alternative à la prise en charge ambulatoire classique, car elle permet aux différents professionnels d’échanger avec les parents autour de l’enfant. Elle peut se révéler insuffisante si l’enfant et/ou ses parents ont besoin d’un étayage plus important.

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