Dans cet article polémique, James Sweet commence par rappeler la mise en garde de Lynn Hunt, précédente présidente de l’AHA. Cette spécialiste de notre Révolution française est à l’origine du concept de présentisme, beaucoup galvaudé depuis. Dans un article publié en 2002, elle relevait deux dérives de l’historiographie américaine contemporaine. Une tendance générale des travaux historiques à privilégier trop systématiquement la période contemporaine au détriment d’un passé plus lointain, d’une part. Et, surtout, une tendance à interpréter tout le passé dans les termes du présent, et à prétendre en juger les acteurs en fonction de nos catégories morales actuelles.
Jusqu’à la fin du xixe siècle, observait Lynn Hunt, l’enseignement de l’histoire portait essentiellement sur l’Antiquité. Chez nous aussi, en France, lycéens et étudiants d’autrefois étaient censés trouver dans les Vies parallèles de Plutarque des « exemples » susceptibles de leur permettre d’interpréter le sens des événements qui se déroulaient de leur propre temps, mais aussi de se comporter justement eux-mêmes, en tant que membres des élites sociales. Aux États-Unis, selon Lynn Hunt, c’est au xxe siècle que l’on a commencé à enseigner l’« histoire moderne ». Mais celle-ci était censée s’ouvrir sur la Révolution française et couvrir une période s’étendant jusqu’à la Première Guerre mondiale. Ce n’est que récemment – « il y a dix ou quinze ans », écrivait-elle en 2002 – que les cours d’histoire ont commencé à porter sur la période de l’entre-deux-guerres et la Seconde Guerre mondiale…