Aussi bien comme homme public que comme historien universitaire, François Furet est une figure puissamment originale, dont le parcours singulier fut à la fois atypique et exemplaire. Il a commencé comme un historien de l’école des Annales, qui ne négligeait ni la longue durée, ni les « mentalités », ni les études quantitatives, pour apparaître finalement comme le représentant peut-être le plus éminent d’une forme renouvelée de l’histoire politique, qui accordait une large place à l’histoire des idées et à la philosophie. Comme beaucoup de ses contemporains, ses premiers engagements l’ont conduit au Parti communiste, mais, si une large partie de son œuvre a été consacrée à la critique du marxisme et de l’expérience communiste, sa réflexion et son action politique ne sont pas réductibles aux clivages politiques usuels : il fut une cible privilégiée de la gauche radicale sans jamais être vraiment accepté par la droite, dont il ne partageait aucune des passions fondamentales.
François Furet a adhéré au PCF au sortir de la guerre, et sa pensée s’est notamment construite au travers d’un travail sur la Révolution française qui met en jeu à la fois l’héritage « jacobin » et l’apport réel et supposé du marxisme à la compréhension de l’histoire. Ce travail connaît très vite un écho important qui se marque par le succès de son histoire de La Révolution française, écrite avec Denis Richet, et dont la publication en 1965-1966 suscite une violente réaction polémique des tenants d’une histoire jacobine de la Révolution dont le principal représentant est alors Albert Soboul, qui a fait de la chaire d’histoire de la Révolution de la Sorbonne un bastion de la culture universitaire communiste…