Les villas des banlieues les plus prospères de Kaboul font se souvenir des années 1970. Leur architecture rappelle à chacun les jours d’avant. Avant la guerre. Avant les Soviétiques. Avant la chute. Elles sont entourées par les tours des quartiers récents construits par les communistes, et par les bidonvilles où les pauvres s’entassent.
Dans la province de Helmand, les canaux creusés dans le cadre des programmes de l’US Aid des années 1950 pour irriguer le désert et y cultiver du coton destiné au commerce ne sont plus qu’un souvenir. Aujourd’hui, les filatures de coton sont silencieuses et les champs produisent une nouvelle culture destinée à l’exportation : l’opium.
Bien qu’il n’y ait que quelques centaines de kilomètres entre ces deux régions, la différence de culture et de population semblait aux étrangers constituer un gouffre infranchissable au cœur de l’Afghanistan. Il y a cependant des ponts qui relient ces vallées. Les Anciens, les spin giri, qui siègent dans des conseils au sud, ont des membres de leur famille au gouvernement. La vie des fonctionnaires de Kaboul est liée aux parties les plus éloignées du pays par des fils invisibles. Comme beaucoup de choses dans ce royaume des montagnes, la vérité sur ces liens entre les gens est souvent invisible aux étrangers.
Cette incompréhension de fond a conduit au « péché originel », pour reprendre la formule de l’envoyé spécial de l’ONU en Afghanistan, Lakhdar Brahimi. Ne pas avoir vu qu’il existait des connexions au sein de ce pays a conduit la conférence de Bonn à exclure les talibans du processus de reconstruction d’un État…