Les livres de Moore et de Shellengerger sont à ranger sur la même étagère, pour au moins trois raisons : ils traitent du même thème ; leurs auteurs ont eu des itinéraires comparables ; ils présentent des analyses similaires.
Le thème des deux livres est l’extraordinaire et hégémonique développement de l’alarmisme. L’idée que tout va mal, de plus en plus mal, et que la fin du monde est proche, n’est évidemment pas nouvelle. Des quatre cavaliers de l’Apocalypse de saint Jean (la guerre, la famine, la maladie et la mort) aux modèles de Malthus, en passant par les peurs de l’an mille, il y a toujours eu des prophètes de malheur, et des hommes pour les croire.
Mais ces alarmismes mettaient en cause les péchés des hommes, les vengeances des dieux et les soubresauts de la nature, alors que l’alarmisme contemporain explique tout par nos seuls comportements. Comme dit Woody Allen : « Dieu est mort, Marx est mort, et je ne me sens pas très bien. » De plus, ces alarmismes classiques étaient, au moins depuis la Renaissance et en Europe, combattus ou contrebalancés par la confiance dans la science et la technologie, dans ce qu’on appelait le progrès. Ce n’est plus le cas de nos jours, et le « progrès » est très largement perçu comme un remède pire que le mal, comme un facteur d’aggravation de la misère du monde, et donc comme une justification de l’alarmisme. Enfin, l’alarmisme d’hier restait une affaire individuelle, alors que l’alarmisme d’aujourd’hui est une affaire collective…