Trois générations d’Européens, depuis la Seconde Guerre mondiale, ont pris l’habitude de voir dans les États-Unis le chef du monde libre et l’ultime espoir de la liberté. Lorsque le national-socialisme voulut écraser l’Europe, c’est l’Amérique qui nous a sauvés de ses griffes. Lorsque le communisme étouffait la moitié du continent, c’est sur l’Alliance atlantique que s’appuyaient ceux qui voulaient préserver l’espoir d’une Europe libre. Et, même après que ce second totalitarisme s’est effondré, c’est vers les États-Unis que continuaient à se tourner ceux qui reprochaient à l’Europe son goût excessif pour la redistribution, le contrôle, la protection infantilisante. Depuis près de quatre-vingts ans, les libéraux d’Europe se sont tournés vers l’Occident pour y chercher un modèle de société plus ouvert à l’initiative, à la liberté de s’enrichir et de conserver le produit de son travail, à la joie d’une parole libre et sans censure.
Cette Amérique-là, bien sûr, fut toujours en partie rêvée. Les États-Unis sont, certes, le pays de la libre entreprise, mais ont toujours entretenu aussi un courant d’intolérance, d’hystérie collective, de conformisme liberticide. Les guerres indiennes, l’esclavage, la répression violente de l’opposition par Woodrow Wilson, la Prohibition, la ségrégation, dépassent par leur brutalité tout ce que l’Europe moderne aurait pu concevoir avant de se vautrer dans le xxe siècle. Même dans les temps plus apaisés du dernier demi-siècle, une politique pénal…