Chaque fois que les deux rives de l’Atlantique émergent d’une période d’opposition, de divisions ou d’incompréhension, l’image de la réconciliation de l’Amérique avec elle-même et avec le reste du monde est un fantasme politique puissant en Occident.
Aux périodes de division, voire de rupture (la rupture irakienne de 2003, le retrait américain du Joint Comprehensive Plan of Action sur le nucléaire iranien en 2015, de l’accord de Paris la même année, de l’UNESCO et des autres agences des Nations unies tout au long du mandat de Donald Trump) succéderaient des périodes de confiance et de coopération, comme si la relation transatlantique était cyclique par nature ; le cycle présidentiel américain imposerait ainsi son rythme à une Europe toujours hésitante sur sa trace.
On tire toujours de ces cycles trop de conclusions, au détriment des réalités : d’une part, une Europe qui peine toujours à faire émerger une voix et surtout des idées communes, de l’autre, une Amérique tournée d’abord vers ses propres intérêts et la recherche de son équilibre entre ses multiples centres de pouvoir. Et les périodes plus propices en apparence (comme les deux mandats Obama) n’ont pas été exemptes, loin de là, de tensions transatlantiques (Iran, Chine, climat). Le lien est en réalité préservé, été comme hiver, par l’adhésion à un socle de valeurs communes, toujours un peu sous-estimé (l’attachement à la règle démocratique n’est plus si commun dans le monde de 2021), par des liens d’intimité sur le plan militaire et stratégique, et par le flux des échanges économiques et financiers…