Le cataclysme de la Grande Guerre avait véritablement marqué la fin d’un monde. L’Europe hégémonique du siècle précédent devenait la « vieille Europe », anéantie et plus que jamais divisée, où les nationalismes blessés ne demandaient qu’à s’exprimer à la faveur de la moindre crise. À l’extérieur comme à l’intérieur de cette Europe, beaucoup mettaient en doute sa supériorité morale et intellectuelle et les capacités de ce progrès dont elle avait été le vecteur depuis plusieurs siècles. Chez quelques esprits lucides, optimistes et généreux germaient toutefois des idées et des projets, dont la future construction européenne reprendra bien des éléments mais dont les mentalités et les blocages dus aux structures mêmes de l’Europe du traité de Versailles interdisaient la réalisation. Les approches étaient multiples et témoignaient de la fécondité de réflexions qui n’ont eu, il faut le souligner, qu’un faible impact auprès des opinions publiques. À la Société des nations, l’esprit de Genève tendait à promouvoir une méthode de coopération dont s’inspireront les fondateurs de l’Europe communautaire tel Jean Monnet. L’idée de confédération vit le jour en 1923, dans le livre Pan-Europe du comte austro-hongrois Richard Coudenhove-Kalergi, archétype de ces visionnaires issus des milieux cosmopolites de l’Europe des Empires. Plus concrets étaient les différents projets de cartels européens ou d’union économique, prévoyant autant la création d’un vaste marché que l’intégration industrielle, qu’ont envisagés les milieux d’affaires et de la grande industrie…