En 1838, François Guizot, le plus illustre des Français protestants, écrivit que « la France ne deviendra point protestante ». Beaucoup de ses coreligionnaires s’étranglèrent d’indignation, et le pasteur Coquerel lui répondit fermement que « la France est destinée à s’avancer lentement, insensiblement, vers le protestantisme ». Quarante ans plus tard, la conjoncture pouvait sembler donner raison au second sur le premier. Déjà, sous la monarchie de Juillet, les Églises réformées, portées par le mouvement du Réveil inspiré de l’étranger, avaient connu un essor remarquable. Et la réintégration des protestants dans la société française, acquise en principe en 1789 et renforcée par la nouvelle organisation des cultes de 1802, était à l’œuvre dans l’économie, l’activité intellectuelle et la politique, la religion catholique ayant cessé d’être celle de l’État. En 1879, en effet, l’opinion en général et la presse en particulier relevèrent deux faits symboliques à leurs yeux : en février, après le remplacement du président Patrice de Mac-Mahon par Jules Grévy, le nouveau et premier gouvernement véritablement républicain était constitué pour moitié de protestants, dont son chef William Waddington, aussi Charles de Freycinet, quatre fois président du Conseil, et Léon Say, plus tard président du Sénat ; en novembre, le ministre de l’Instruction publique Jules Ferry, marié à une protestante, déclarait lors de l’inauguration de la faculté de théologie protestante de Paris : « Le protestantisme a été, dans l’histoire moderne, la première forme de la liberté…