La première livraison de ce Journal , qui couvre la période 42-44, montrait Jacques Lemarchand, collaborateur à La Gerbe, Je suis partout ou Comoedia, un temps pressenti pour succéder à Drieu la Rochelle à la tête de cette NRF placée au centre du jeu d’ombres que mène Gaston Gallimard face à l’occupant. En 1944, à 36 ans, il sort des années noires sans autre dommage apparent que de ne pas avoir été du bon côté du manche.
La deuxième livraison s’étend d’octobre 44 à décembre 52, alors que la guerre n’en finit pas de s’achever et que se profilent des temps nouveaux, et ce n’est pas le moindre intérêt de ce Journal que de montrer cette France qui vit encore au rythme des cartes de rationnement, de la rigueur de l’hiver (« À midi, il faisait – 8 °C », 15 janvier 45), des problèmes de logement et de transport – même si cette rude écume se disperse, ce qui n’arrangera pas les affaires de Lemarchand qui voit revenir d’Allemagne le mari de son amante Linou.
Victime collatérale d’un jeu de billard à plusieurs bandes, voilà désormais Lemarchand pourvu d’un compte créditeur au sein de la maison de la rue Sébastien-Bottin, sans que sa position ne soit fermement établie. En charge de l’organisation du prix de la Pléiade, il s’installe avec plaisir dans son nouveau bureau, en l’hôtel Brochard de Saron nouvellement acheté par Gaston Gallimard, et s’adonne aux tâches parfois ingrates d’une activité d’éditeur. Il rédige les bandes et les prières d’insérer, établit la revue de presse, fournit en catastrophe des fiches de lecture, sans oublier un rôle de monsieur bons offices…