C’est avec une réelle sympathie pour son auteur, plus que pour les affirmations développées, que j’ai lu le réquisitoire dressé par Fabrice Bouthillon contre la Rue d’Ulm et contre les classes qui y préparent les littéraires, ces « khâgnes » que le monde nous envie, mais qui laissent parfois des sentiments mêlés à ceux qui en ont connu les contraintes. Même quand il est excessif, Fabrice Bouthillon sait soutenir l’intérêt de ses lecteurs par un art généralement maîtrisé du paradoxe, voire de la provocation. L’audace de l’historien vaut souvent mieux que les prudences des tâcherons qui préfèrent l’affichage des références et des fiches à l’expression d’idées originales. Je trouve plus redoutable son habileté à pratiquer le mélange des tons : elle expose le contradicteur à sembler incapable de percevoir le passage par glissements progressifs d’une argumentation raisonnée à l’ironie et au « second degré ». Acceptons ce danger en prenant au pied de la lettre et, en tout cas, au sérieux les affirmations de Fabrice Bouthillon, au risque de faire figure de balourd, de sembler se complaire dans la perpétuation des mythes et d’assumer délibérément l’emploi de « suppôt du système » qu’il poursuit de sa vindicte.
Une École inutile de par son fonctionnement, et nocive en ce que son existence commande celle des classes préparatoires, qui monopolisent les meilleurs étudiants aux dépens des universités, voilà la thèse soutenue par Fabrice Bouthillon.
À quoi je répondrai que la vision de Fabrice Bouthillon ne correspond plus à la réalité de l’École normale de la Rue d’Ulm, mais que cette situation ne doit pas mettre en cause le bien-fondé de l’existence des classes préparatoires ni leur pérennité…