Au moment même où il s’affaiblissait, l’Ancien Régime a produit quelques-uns des plus grands réformateurs de l’État de notre histoire. On connaît Vauban, Turgot et Necker, pour s’en tenir aux grands promoteurs des réformes économiques et fiscales. Les spécialistes ajouteront les noms de Machault d’Arnouville, d’Argenson, ou encore Calonne. Dans le domaine des institutions et de la justice, les d’Aguesseau, Malesherbes et Maupeou appartiennent à la même catégorie.
Il est bien difficile de décider derrière quel pilier de ce panthéon doit être placé l’Écossais John Law. Si l’éphémère banquier et contrôleur général des finances du Régent est au moins aussi célèbre que les grands personnages précités, il le doit davantage à sa mauvaise réputation de joueur et de financier qu’à ses prouesses d’homme d’État. De fait, toute bonne recension de l’histoire des folies financières se doit de citer son fameux « Système » à côté des bulbes de tulipes hollandaises des années 1630, de la bourse américaine des années 1920, de la bulle Internet de la fin des années 1990 ou encore de la récente crise des subprimes. En plus d’être un spéculateur sans scrupule, Law serait le mauvais génie de toutes les dérives inflationnistes modernes, une sorte de « fou du volant monétaire » selon l’heureuse formule d’Edgar Faure. Il ne serait que le brillant initiateur d’une longue série de démagogues crypto-, proto- ou pseudo-keynésiens capables de persuader les princes qu’ils peuvent relancer l’économie sans effort, c’est-à-dire sans redresser les comptes publics et sans « réformes structurelles »…