Bien que présentant les mêmes structures de gouvernance autoritaire et la même insuffisance de développement, bien que souffrant des mêmes maux – corruption, népotisme et libertés étouffées – qui ont précipité la chute des régimes en Tunisie, en Libye et en Égypte, l’Algérie n’a pas succombé au Printemps arabe. Cette exception algérienne s’explique d’abord par le traumatisme de la guerre civile, qui a causé 100 000 à 200 000 morts, plus de 15 000 disparus et des centaines de milliers de personnes déplacées dans les années 1990. Elle s’explique aussi par le fait que les Algériens, depuis ce tragique épisode de leur histoire, seraient devenus allergiques au changement et à tout risque de désordre et de chaos. Enfin, contrairement aux dirigeants de la Tunisie, de l’Égypte et de la Libye, Bouteflika n’incarne pas à lui tout seul le pouvoir algérien.
Depuis l’indépendance, le système s’organise autour de plusieurs pôles, qui, tout en s’affrontant quelquefois violemment, ont toujours su se recomposer selon les circonstances politiques et les intérêts de l’un ou de l’autre et continuent à œuvrer dans une symbiose dont le seul but est leur maintien au pouvoir et la pérennité du régime. L’équilibre politique algérien repose en effet non seulement sur la présidence mais aussi sur les deux piliers de l’institution sécuritaire que sont l’Armée nationale populaire (ANP) et le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) et sur un modus vivendi entre ces pôles et l’ancien parti unique, le FLN…