Hemingway a dit un jour que toute la littérature américaine moderne était née des Aventures de Huckleberry Finn, et Faulkner a déclaré, devant un parterre d’étudiants : « Évidemment, c’est Mark Twain qui est notre grand-père à tous. » Les deux géants, que, littérairement, tout oppose, se rejoignent sur un point : sans Twain, la littérature américaine n’aurait pas été la même.
Aux États-Unis, sa popularité n’a jamais faibli, et les éditions de ses livres sont innombrables : Mark Twain fait partie – comme un John Ford ou un Bob Dylan – du patrimoine de l’Amérique. En France, cependant, on a longtemps eu du mal à trouver ses deux romans les plus célèbres, Tom Sawyer et Huckleberry Finn, autrement que dans des collections pour la jeunesse (et les adaptations télévisées dans les années soixante étaient des feuilletons destinés à un jeune public). D’autres titres moins fameux (Un Yankee à la cour du roi Arthur, Le Prince et le Pauvre) ont souvent été adaptés plus que traduits. On ne peut s’empêcher de faire une comparaison avec Stevenson, lui aussi longtemps limité à un ou deux titres, lui aussi longtemps – chez nous – considéré comme un auteur pour adolescents. Et les points communs entre les deux hommes – qui se connaissaient et se respectaient – vont plus loin : ils concernent leur rapport à la langue parlée – la langue vernaculaire du Sud pour l’un, l’écossais des Highlands pour l’autre – et à sa savante reproduction écrite, qui rend périlleuse toute tentative de traduction…