L’actualité politique et littéraire nous offre le spectacle répété de grenouilles qui veulent se faire aussi grosses que des bœufs. Avec Le Royaume d’Emmanuel Carrère, la baudruche a éclaté sous nos yeux. Gonflé aux « pompons, pompons » des regrettés Shaddocks, Le Royaume n’est ni un roman ni un livre d’histoire, plutôt un symptôme du « moi-jisme » comme procédé de composition littéraire. Que donne cette technique lorsqu’elle place un sujet comme les origines chrétiennes sur son lit de Procuste ?
Tout d’abord un festin coordonné d’erreurs énormes, matérielles aussi bien que formelles. L’auteur outrepasse ses compétences de philologue lorsqu’il écrit que Paul parle « dans son mauvais grec de métèque ». Son herméneutique du doute se repaît d’apprendre que l’Évangile de Marc se termine sur trois femmes « terrifiées », mais il s’agit là d’un contresens sur Marc (16,7) qui évoque la crainte religieuse des saintes femmes au matin de Pâques, non leur terreur. Lorsqu’il évoque le procès de Paul (dans Les Actes des apôtres 26), il confond Agrippa II avec son père Agrippa Ier, dont la mort est pourtant rapportée dans Les Actes des apôtres 12. Enfin : « Ekklesia, transcription grecque de l’hébreu Tsahal, qui désigne aujourd’hui l’armée israélienne » ; l’auteur a manifestement confondu l’hébreu Qahal (« assemblée »), que traduit parfois Ekklesia, avec l’acronyme contemporain TSEva HAhaganah Leyisrael (« armée de défense d’Israël »), qui désigne en effet les forces armées de l’État hébreu…