Les milieux populaires ne sont pas aisés à définir. Par leur proximité avec la notion de peuple, ils véhiculent des enjeux idéologiques qui pèsent très fortement sur la manière de les concevoir en termes scientifiques. Il est vrai qu’ils sont au cœur d’une question centrale pour le bon fonctionnement des démocraties représentatives modernes : un gouvernement peut-il être légitime sans bénéficier du soutien des catégories populaires ?
Par routine statistique, les milieux populaires sont aujourd’hui résumés à la somme de deux catégories socio-professionnelles, les employés et les ouvriers. La réalité sociale n’est pas aussi simple. Par-delà les profondes recompositions qu’ils ont connues depuis la première révolution industrielle, les milieux populaires peuvent être identifiés par la conjonction de trois éléments fondamentaux : un statut social modeste, des ressources économiques limitées et un faible capital culturel.
Comme toutes les autres démocraties occidentales, la France a connu au cours des cinq dernières décennies un ensemble de transformations socio-économiques qui ont bouleversé sa structure sociale.
Le premier temps de cette dynamique de changement est celui des Trente Glorieuses. Sur fond de forte croissance économique et d’élévation continue du niveau d’instruction, la France connaît un effondrement spectaculaire de la part des agriculteurs et les prémices de la montée en puissance des classes moyennes salariées, qu’il s’agisse des cadres supérieurs ou des professions intermédiaires (tableau I)…