Nous sommes au siècle dernier.
De sa voix légèrement zozotante qui tranche de tout, Alexandre Astruc est en train de parler. De nous parler.
Aujourd’hui encore, je le revois, il est là, en face de moi, et je bois ses paroles…
Sauf que, malmenée par l’usage, ma mémoire s’est passablement effilochée et que, donc, il vaut mieux appuyer mon témoignage sur plus solide qu’une impression. Comme, par exemple, sur cette photographie qui immortalise la venue, le 17 février 1959, de l’auteur des Mauvaises Rencontres
au Ciné-Club de Marseille. Une photographie aux couleurs passées, délavées, qui ne rend pas justice au rouge flamboyant de mon blouson en nylon, copie au rabais de celui que portait James Dean dans La Fureur de vivre (1955). Depuis l’année précédente, juste après la sortie d’Amère Victoire, je suis revenu à Nicholas Ray et je l’ai remis en haut de l’affiche. Il m’arrive aussi, histoire de hérisser mon entourage, de me référer au fasciste Samuel Fuller
. Du reste, ce sont ces noms-là, jetés dans la discussion au motif qu’ils « renouvellent le cinéma américain », qui vont provoquer la réaction souriante mais sans appel d’Astruc : « Le cinéma américain est un pléonasme. » Autrement dit, mon petit bonhomme, le cinéma ne peut être et n’est qu’américain ! De tels mots devraient marquer quiconque les entend, et devraient même décider d’une vie. Ce fut mon cas.
Rue d’Aubagne, si chère au Giono de Mort d’un personnage, le Ciné-Club, qui avait programmé La Splendeur des Amberso…