Le principe de hiérarchie semble, à première vue, contrevenir à l’idéal d’égalité situé au cœur de la démocratie. Il y aurait là comme une pierre d’achoppement de la modernité.
Il est significatif que l’angle le plus fréquemment choisi pour attaquer la démocratie soit l’existence d’une élite politique, perçue comme une part persistante de domination des gouvernants sur les gouvernés. Tout un pan de la sociologie critique, qui va de Charles Wright Mills à Pierre Bourdieu, s’accorde à souligner le substrat élitiste de la démocratie, dont les bases deviennent alors fragiles. Dans ces accusations d’élitisme, est-ce la démocratie en tant que telle qui se trouve visée, ou bien la démocratie libérale ?
Le terme « élite », qui vient du participe du verbe élire, implique seulement que les représentants sont choisis par l’élection. Il laisse planer une indétermination sur les qualités que devraient posséder ces gouvernants, l’élite désignant « un groupe minoritaire de personnes ayant, dans la société, une place éminente due à certaines qualités valorisées socialement ». Concise, une telle définition implique bien un phénomène de distinction, sans préciser la nature des aptitudes ainsi tenues pour essentielles, l’adverbe indéfini « certaines » soulignant à dessein ce que le choix peut avoir d’ouvert. Il n’est pas dit non plus que ces qualités doivent être réelles, le fait que les électeurs perçoivent certains signes comme des marques de supériorité suffisant à distinguer l’élite…