Né dans un milieu modeste de petits commerçants, le 30 mai 1911, Maurice Allais a vu la formation de sa personnalité scandée par trois événements majeurs : la guerre de 14-18 qui lui a enlevé trop tôt son père en 1915 ; les conséquences dramatiques de la crise de 1929, à l’occasion du voyage aux États-Unis offert à certains élèves de la promotion de l’X à laquelle il appartenait, expérience qui sera le ferment de sa passion pour la recherche en économie ; et l’intense activité intellectuelle qui a marqué la reconstruction économique de la France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il restera ainsi marqué tout au long de sa vie par l’iniquité des guerres, par l’importance de ne pas laisser le politique conduire l’économique de façon exclusive, et par la nécessité de découvrir ou d’approfondir les lois de l’économie pour pouvoir soulager la condition des moins favorisés et surtout leur accorder des chances de progression sociale.
La force et la profondeur de ses convictions autant que les bouleversements du monde du xxe siècle jusqu’au règne débridé de la mondialisation à partir de ce que Maurice Allais appellera la cassure de 1974 lui insuffleront un respect sans concession de la liberté d’expression, appuyée sur une pensée personnelle que l’individu doit établir de façon indépendante et rigoureuse à la fois. Dans le même passage de l’article évoqué en épigraphe du présent texte, il écrit :« En ce qui nous concerne nous préférons rester seuls, ou presque, dans des convictions que nous considérons comme seules vraies, plutôt que de nous associer à des doctrines toutes faites, que nous ne pouvons, d’un côté comme de l’autre, ni accepter, ni rejeter en bloc…