La première crise de l’économie mondialisée, en ravageant la planète financière avec la vitesse et l’intensité d’un feu de brousse, a, en l’espace de deux ans, profondément redessiné le paysage de la puissance. En trouvant sa cause dans le cœur même de l’économie mondiale, les États-Unis, elle a mis à mal le mythe de l’hegemon garant de la stabilité économique du monde. En renversant de son piédestal le dogme de la vertu autorégulatrice des marchés, elle a clos l’ère Thatcher-Reagan, marquée par la délégitimation de l’action économique des États. En révélant les limites de la construction européenne, elle a affaibli l’attrait de l’idée, qu’elle incarnait, de dépassement de la puissance. En se propageant à l’économie réelle, elle a affecté différemment les pays développés, plutôt du côté des perdants, et les pays émergents, qui ont dans l’ensemble tiré leur épingle du jeu. En illustrant l’impuissance des « maîtres du monde », elle n’a laissé au directoire très occidental de l’économie mondiale d’autre échappatoire que de partager, dans une nouvelle gouvernance planétaire, la décision avec les aspirants à la puissance.
Pour en appréhender la portée, il est nécessaire d’en cerner les racines, car elles plongent aux fondements mêmes de la puissance, à ses fondements idéologiques, à ses fondements économiques et, en dernière analyse, à ses fondements politiques.
Cette crise de la mondialisation a tout d’abord été incubée aux États-Unis, dans le triangle formé par Washington, Wall Street et Chicago…