Le titre du livre de Georges Nivat souligne la place vraiment unique qu’occupe Soljénitsyne dans la vie politique et culturelle du xx e siècle. On ne peut séparer l’écrivain du « lutteur », chez cet homme qui ne croyait pas en « l’art pour l’art ». Auteur d’ouvrages littéraires monumentaux, tels que L’Archipel du Goulag et La Roue rouge, il fut le pourfendeur du « mensonge » au cœur du totalitarisme moderne. Toutefois, lorsqu’il mourut, le 3 août 2008, à l’âge de 89 ans, dans sa maison à l’extérieur de Moscou, le monde accorda plus d’attention au « lutteur » qu’aux « cathédrales littéraires » qui avaient jailli de sa plume au cours de cinq ou six décennies. Nivat entreprend de rétablir l’équilibre dans son impressionnant ouvrage. Il soutient que la lutte de Soljénitsyne prit avant tout la forme d’une reconquête littéraire et historique de la réalité, niée et déformée, au point d’en être méconnaissable, par l’invraisemblable projet idéologique de créer un Homme Nouveau dans une Société Nouvelle. Les efforts de l’écrivain russe pour éclairer des « continents de réel » oubliés, qui présentent de multiples facettes, portaient la marque de sa confiance absolue dans le pouvoir de la Parole de dissiper les mensonges et de mettre en lumière le drame moral de l’existence humaine. Le remarquable « athlète de Dieu » combattit l’État totalitaire avec une énergie et une habileté qui forcent encore l’admiration. Il poursuivit une action morale, et du même coup politique, avec toutes les ressources créatrices dont dispose l’art littéraire…